extrait de "principia semiotica"

32
Aux sources du sens PRINCIPIA SEMIOTICA Groupe µ LES IMPRESSIONS NOUVELLES

Upload: les-impressions-nouvelles

Post on 23-Jul-2016

228 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Extrait de l'essai de Francis Édeline et Jean-Marie Klinkenberg, membres du Groupe µ, intitulé "Principia Semiotica. Aux sources du sens", paru aux Impressions Nouvelles en octobre 2015.

TRANSCRIPT

Page 1: Extrait de "Principia Semiotica"

Aux sources du sens PrinciPia semiotica

Groupe µ

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S

Page 2: Extrait de "Principia Semiotica"
Page 3: Extrait de "Principia Semiotica"

LES IMPRESSIONS NOUVELLES

PrinciPia semiotica

Aux sources du sens

Groupe µ(Francis Édeline, Jean-Marie Klinkenberg)

Page 4: Extrait de "Principia Semiotica"
Page 5: Extrait de "Principia Semiotica"

eXtrait

Page 6: Extrait de "Principia Semiotica"
Page 7: Extrait de "Principia Semiotica"

IntroductIon

Le spirituel est lui-même charnelCharles Péguy

Algirdas-Julien Greimas, un des maitres de la science de la signification, observait en 1970  : «  On peut dire que les progrès de la sémiotique, dans ces derniers temps, consistent pour l’essentiel dans l’élaboration de son champ de manœuvre, dans l’exploration plus poussée des possibi-lités stratégiques de l’appréhension de la signification. Sans qu’on sache rien de plus sur la nature du sens, on a appris à mieux connaître où il se manifeste et comment il se trans-forme » (Du sens, p. 17).

L’objectif de ce livre n’est pas d’ajouter une contribu-tion – une de plus – aux études qui décrivent comment le sens se manifeste dans tel ou tel contexte (social, scientifique, artistique…) Il n’est pas davantage d’évaluer les méthodes qui permettent de l’appréhender dans ces diverses configu-rations. Notre ambition sera d’en savoir plus sur la nature du sens, qui restait énigmatique pour Greimas, même s’il avait été amené à postuler une hypothétique «  sémiotique du monde naturel ».

Pour que nous puissions nous présenter sur ce point comme les exécuteurs testamentaires de Greimas, nous devrons résoudre un problème que la sémiotique et la lin-guistique ont soit ignoré soit renvoyé à des temps meil-leurs : qu’est-ce que le sens ? comment et pourquoi nait-il ? Paraphrasant la formule célèbre de Leibniz, ce livre affron-tera donc résolument la question « Pourquoi y a-t-il du sens

Page 8: Extrait de "Principia Semiotica"

plutôt que rien  ?  » Y répondre permettra aussi de mieux comprendre comment le sens se transforme, non pas au long d’un énoncé ou d’une série d’énoncés, mais cette fois dans l’expérience de l’univers et dans le grand texte social.

Cette perspective, que l’on peut qualifier de sémiogé-nétique1, est radicalement différente de celle que le struc-turalisme a introduite, au cours de la seconde moitié du XXe  siècle, dans l’étude des langues et des autres systèmes symboliques. Ce courant a en effet étudié ces phénomènes comme des objets rapidement devenus autonomes par rap-port à l’expérience que nous avons du monde. Par sa radi-calité méthodologique, il a certes permis de faire spectacu-lairement avancer les techniques qui permettent de décrire les objets où le sens est impliqué : textes, artistiques ou non, énoncés visuels, comportements de la vie quotidienne. Mais la définition différentielle du sens sur laquelle il s’appuyait – et qui sera évaluée dans les pages qui suivent – entrainait tous les inconvénients de la circularité. De sorte que plus il se donnait les moyens de répondre à la question du « com-ment  », plus il se condamnait à rester impuissant devant celle du « pourquoi ».

Pour diverses raisons qui seront présentées ci-après, il nous a semblé que les temps meilleurs attendus par certains lin-guistes étaient advenus, et que l’heure avait sonné de rompre avec le confortable purisme autonomisant qui a marqué le dernier demi-siècle : on peut aujourd’hui constructivement poser la question de la nature du sens.

Cette question, nous la traiterons dans un exposé qui sera matérialiste, interactionniste, unificateur et dialogique.

1. Le mot de sémiogenèse est ici pris dans une autre acception que celle que lui donne Michel Tardy, 1976, chez qui ce terme désigne l’ensemble des démarches interprétatives aboutissant à l’émergence du sens dans un énoncé visuel parti-culier.

Page 9: Extrait de "Principia Semiotica"

Matérialiste – on aurait dit jadis sensualiste ou physica-liste –, ce livre le sera résolument.

La question de la nature du sens trouvera en effet un début de réponse dans celle du sens de la nature. Une nature dans laquelle s’inscrit et de laquelle relève le corps vivant et percevant du sujet sémiotique.

La question de la nature est un problème épineux, sur lequel nous reviendrons dans notre Épilogue. Elle a resurgi récemment dans le discours sémiotique, lorsque ce dernier a réhabilité la sensorialité. Mais ce discours envisage cette sensorialité comme une sorte de boite noire, dans laquelle il répugne à pénétrer. Faute de forcer cette entrée – ou, pis, en niant que la signification ait un substrat corporel –, on se condamne à voir le sens comme « émergeant » du non-sens par une sorte de magie.

Or c’est une tradition chez les sémioticiens, comme chez les épistémologues et les philosophes, de tirer leurs certi-tudes d’intuitions et de raisonnements abstraits et spécula-tifs. On peut voir dans cette constante une manifestation de la posture idéaliste qui a longtemps jeté l’interdit sur le corps. Interdit dont la moindre conséquence n’est pas que maints discours revendiquant aujourd’hui la dignité de ce corps le font sur le mode de l’à priori  ; ce qui produit un renversement qui les rend aussi idéologiques et dogmatiques que l’était le discours du refoulement.

Si l’on veut avoir quelque espoir de rompre avec cette tradition spéculative, il faut se tourner du côté de sciences qui prennent effectivement en charge les phénomènes de sensorialité. On pense à la neurologie, à la psychologie expé-rimentale et plus généralement aux sciences de la nature. Le simple fait qu’on considère désormais que les problèmes qui viennent d’être évoqués sont au moins abordables par l’ex-périmentation constitue déjà une révolution. Mais, comme

Page 10: Extrait de "Principia Semiotica"

toute révolution, celle-ci engendre ses contre-révolutions. La principale d’entre elles prend la forme apparemment modeste – mais dans le fond arrogante – de la docte igno-rance  : on ne sait rien sur l’origine du sens et des catégo-ries, entend-on souvent dire. Sous-entendu : on n’en saura jamais rien. Sous-entendu encore : l’expérience du sens est irréductible à toute autre. Nous opposant à ce non possumus, nous démontrerons qu’on en sait aujourd’hui beaucoup plus sur la chose, et qu’on peut descendre à un niveau d’analyse donnant enfin un fondement à des intuitions qui, jusqu’à présent, ont tout au plus débouché sur de jolies formules, comme celle d’Henri van Lier (1980) qui faisait de l’homme un « animal signé ».

Nous établirons donc que le circuit de la signification prend son départ dans le monde naturel. Ce processus, qui part des stimulus issus de ce monde et qui aboutit à l’éla-boration des structures sémiotiques, nous le nommerons anasémiose. La sémiose, loin d’être un phénomène sans lien avec le corps, tire son origine de celui-ci. Et cet aspect de la corporéité du sens ne saurait être abordé qu’à travers les inte-ractions qu’il entretient avec son contexte (dans l’acception large du terme, incluant l’expérience du monde et d’autrui).

Si l’origine du sens git dans les sens, ses propriétés sont nécessairement liées aux spécificités des différentes sensoria-lités. Or, la conception la plus courante du sens est qu’il s’agit d’un phénomène amodal. Et c’est même là le postulat de base de la sémiotique : que des lois générales régissent le monde de la signification. Ce livre rendra dès lors compte de ce qui peut apparaitre comme un paradoxe  : comment un sens amodal nait-il à partir de phénomènes modaux  ? Dans notre démonstration, nous réserverons une attention toute particulière à la vision, à la fois à cause de la grande rentabilité sémiotique de cette sensorialité et parce qu’elle

Page 11: Extrait de "Principia Semiotica"

est une des mieux connues, notamment depuis notre Traité du signe visuel.

La description de l’anasémiose devra être complétée par celle de la catasémiose, ou action sur le monde suscitée par le sens. Si l’anasémiose est la première corporéité du sens, la catasémiose en est la seconde. On peut même souligner cette corporéité en disant qu’anasémiose et catasémiose – qu’il est tentant de rapprocher des notions peirciennes d’upshifting et de downshifting – sont entre elles comme anabolisme et catabolisme.

On comprend ainsi pourquoi nous qualifions notre thèse d’interactionniste, puisque le sujet entretient une double rela-tion avec le monde naturel. Ce cycle peut être figuré dans le schéma suivant.

Élaboration sémiotique

Interface

Monde naturel

Ana

sém

iose

Calasém

iose

Interface

Figure 1. Le cycle de la sémiose

Si l’on accepte de nous suivre sur le terrain de la naturali-sation du sens, on s’avisera aussitôt que la perspective défen-due ici permet non seulement d’élaborer une sémiotique du monde naturel qui ne soit pas un décalque des catégories linguistiques, mais qu’elle permet aussi de rendre compte de tous les objets approchés par la discipline du sens – depuis

Page 12: Extrait de "Principia Semiotica"

les signes jusqu’à la syntaxe régissant ceux-ci, et de l’énon-ciation à l’interprétation. Elle rend aussi compte des fonda-mentaux de cette discipline, comme les notions mêmes de signe ou de syntaxe, ou encore la conception différentielle et négative du sens. Ces principes ne devront dorénavant plus être considérés comme des postulats ou des concepts sélec-tionnés pour le mérite de leur rentabilité épistémologique : leurs fondements naturels, et notamment anatomo-physio-logiques, sont désormais établis. Enfin, comme on le verra, ce sont les mêmes concepts qui rendent compte à la fois de l’universalité du sens et de sa variation, de la part de motiva-tion des signes et de leur part d’arbitrarité.

Dans la mesure où il scrute les conditions de la connais-sance du sens et de ses manifestations, on pourra donc consi-dérer ce livre comme une contribution à l’épistémologie de la sémiotique.

Unifiée et même unificatrice, une telle théorie du sens justifie donc le titre de l’ouvrage.

Unificatrice, cette théorie l’est encore dans une autre acception.

En effet, elle prend acte de l’universalité du sens. Autre-ment dit, pour nous, une théorie du sens doit non seulement prendre en compte la totalité des sensorialités, mais aussi élargir son objet aux dimensions du vivant, et aller jusqu’à expliquer les manifestations du sens dans tout le règne ani-mal, voire dans le végétal. Comme l’homme n’est pas le seul animal à être « signé », il n’y a en droit aucune raison de privilégier, comme on l’a souvent fait pour des raisons historiques compréhensibles, les productions sémiotiques humaines, et encore moins les plus sophistiquées parmi celles-ci (musique, cartographie, argumentation, discours scientifique, etc.). Aujourd’hui que la sémiotique se libère de son enfermement traditionnel dans les énoncés artistiques,

Page 13: Extrait de "Principia Semiotica"

elle est aussi invitée, pour devenir vraiment générale, à faire encore un effort pour dépasser sa visée trop exclusivement anthropocentrique. Si l’on trouve dans les pages qui suivent certaines considérations sur l’avènement du sens chez les insectes ou même chez le ver de terre, il ne s’agit donc ni d’un accident ni d’une provocation.

Certes, une sémiotique faisant apparaitre l’étroite parenté entre les comportements de l’helminthe et d’Aristote se doit de rendre compte de leur différence de complexité. Et elle ne saurait refuser d’envisager les produits de ce qu’il a jusqu’à présent été convenu de nommer l’esprit. Il s’agit au contraire pour nous de prendre cet esprit au sérieux, en lui donnant un statut qui exclura tout dualisme mystificateur. On mon-trera donc comment, de complexification en complexifi-cation, une pyramide se construit, qui va de l’amibe aux systèmes philosophiques les plus sophistiqués et aux para-digmes scientifiques les plus complexes. Mais ce continuum s’élabore sur la base de concepts à la portée très générale. Il en va ainsi, par exemple, de la notion d’interprétation ou de celle de sujet. Si le premier mot est de toute évidence perti-nent pour renvoyer à des démarches herméneutiques subtiles observables chez les humains, on est aussi en droit de l’uti-liser pour désigner des comportements chimiques simples chez d’autres êtres vivants d’un niveau plus fruste. Quant à la notion de sujet, si elle a donné lieu à des développements capitaux du côté de la philosophie ou de la psychologie, on démontrera qu’elle est aussi inséparable de toute perception, même la plus basique.

On verra également que les complexifications évoquées exercent en retour leur influence sur les comportements les plus élémentaires, et notamment que les faits culturels rétroagissent sur les sensoriels.

Enfin, ce livre sera dialogique, voire dialectique.

Page 14: Extrait de "Principia Semiotica"

Le projet d’élaborer une sémiotique fondée en nature a pour conséquence de mettre cette science en relation directe avec des domaines aussi divers que la philosophie, la chimie, l’épistémologie, la neurophysiologie, les sciences du langage, la physique, la cybernétique…

Contact fatal, dira-t-on. Une des vocations de cette disci-pline n’est-elle pas de faire dialoguer les sciences en s’offrant à elles comme leur interface commune ?

Si, pour Morris comme pour Peirce, la sémiotique peut avoir cette prétention totalisante, c’est parce que toutes les sciences ont un trait en partage : la signification. La sémio-tique se distinguant d’elles en ce qu’elle fait son objet de ce qui est pour les autres un simple postulat. Mais d’énoncer ainsi sa particularité face à ses interlocutrices lui impose de connaitre celles-ci.

Or on est loin du compte : paradoxalement, cette disci-pline invitant au dialogue apparait aujourd’hui comme une de celles qui le méconnaissent le plus obstinément.

On constate en effet que les travaux se publiant à son enseigne recourent le plus souvent aux concepts d’une seule doctrine, sans que les apports des autres écoles fassent l’objet d’une évaluation argumentée, et encore moins d’une appro-priation. Point de confrontation, de parallèle, d’emprunt, de synthèse… Ce qu’on rencontre, ce sont le plus souvent des applications orthodoxes de la batterie de concepts ou des schémas caractérisant un courant méthodologique  ; cette batterie de concepts pouvant évidemment évoluer, mais à partir d’elle-même plutôt que par la force de la dialectique et de la rencontre.

À fortiori le dialogue s’établit-il très difficilement avec les disciplines voisines (si l’on excepte la philosophie et la linguistique) : où voit-on les sémioticiens s’ouvrir aux socio-logues, aux neurologues, aux juristes ? De tels échanges ont

Page 15: Extrait de "Principia Semiotica"

évidemment parfois lieu, mais ils impliquent surtout des personnes et non des secteurs disciplinaires.

Au fond, la sémiotique paie peut-être le prix de son ins-titutionnalisation : elle n’est plus guère aujourd’hui une dis-cipline où la circulation et l’appréciation des résultats per-mettent les avancées collectives (nous disons « n’est plus », car on pouvait voir de telles avancées dans le désordre joyeux qui a présidé aux débuts de sa cristallisation, dans les années 60 et 70). De toutes les sciences humaines, c’est aujourd’hui une des moins cumulatives. Le danger qu’elle court désor-mais est de ne dialoguer avec rien, mais de donner son avis sur tout, avec superbe.

Nous avons donc voulu, dans cet ouvrage issu d’un tra-vail collectif, servir une fois de plus l’interdisciplinarité, qui a toujours été le principe de fonctionnement du Groupe µ, et réactiver le statut interfacial de la sémiotique. En nous souvenant de ce que Marcel Mauss écrivait en 1924 : « C’est aux confins des sciences, à leurs bords extérieurs, aussi sou-vent qu’à leurs principes, qu’à leur noyau et à leur centre, que se font leurs progrès ».

L’interdisciplinarité met largement le chercheur à l’abri de tout provincialisme méthodologique et lui apprend une sorte de modestie. Par exemple, au moment où nous élabo-rions notre théorie de la signification visuelle, nous dûmes bien nous apercevoir qu’un grand nombre de propositions de nature indubitablement sémiotique avaient été formulées par les psychologues de la Gestalt. La sémiotique visuelle pouvait donc se les approprier, à la condition de les intégrer à un ensemble doctrinal cohérent.

Aujourd’hui, dans notre quête d’une réponse à la ques-tion « pourquoi le sens ? », il ne nous a pas paru déraison-nable d’aller voir du côté des sciences qui ont fait des pro-grès fulgurants en répondant à la question du comment.

Page 16: Extrait de "Principia Semiotica"

Des sciences qui, quoi qu’on puisse en penser, font de la sémiotique, en se passant de la permission des sémioticiens puisqu’elles l’élaborent sous d’autres noms.

L’interdisciplinarité a ses limites. Comme nous ne pou-vons prétendre à une maitrise de toutes les matières ici convoquées, force nous a été d’en repérer les auteurs signifi-catifs et de tirer de leurs travaux les éléments saillants suscep-tibles d’avoir une portée sémiotique. Malgré notre prudence nous ne sommes donc pas à l’abri d’erreurs de perspective. Néanmoins la synthèse que nous proposons semble compa-tible avec l’état présent des disciplines concernées.

Une autre difficulté est celle de la terminologie. La sémiotique s’occupant de phénomènes également pris en charge par les sciences sœurs, il est nécessaire de donner aux termes qui les désignent une définition aussi proche que possible de l’idéal de la bi-univocité. L’exemple le plus criant de cette nécessité est celui de mots tels qu’information, qua-lité, expression, contenu, et sens bien entendu. En plusieurs endroits, on a donc été amené à entreprendre un véritable ravalement terminologique qui pourrait ne pas simplifier la tâche du lecteur. Un index des notions aussi précis que pos-sible viendra utilement à son aide.

Toujours pour faciliter la consultation, précisons que certains passages présentés en petits caractères peuvent être omis dans une première lecture.

Enfin, comme on l’aura constaté au passage, ce texte fait usage des rectifications de l’orthographe de 1990, préco-nisées par toutes les instances francophones compétentes, dont l’Académie française.

Nous remercions de tout cœur Elizabeth Harkot de La Taille pour sa lecture attentive du manuscrit, et, pour leurs précieuses suggestions, les chercheurs de toutes obédiences qui, depuis une quarantaine d’années, nous font l’honneur

Page 17: Extrait de "Principia Semiotica"

de dialoguer avec nous. Nous avons à cœur en terminant de saluer la mémoire de Philippe Minguet. Membre fon-dateur du Groupe µ, c’est lui qui a compris le premier dans quelle direction devaient s’orienter les recherches que nous menions à la fin du siècle précédent et qui en a fixé l’hori-zon : il n’a jamais cessé de nous encourager à élaborer une « rhétorique de la connaissance ». Puisse le présent livre cor-respondre à ce souhait.

Page 18: Extrait de "Principia Semiotica"
Page 19: Extrait de "Principia Semiotica"

[…]

Page 20: Extrait de "Principia Semiotica"
Page 21: Extrait de "Principia Semiotica"

table des matIères

introduction 7

chapitre iLes théories du sens et l’expérienceQuelques apories 18

1. introduction 181.1. Le sens : un enfant caché 181.2. L’opposition comme principe structurant 211.3. Un principe venu de l’extérieur ? 22

2. Le structuralisme rationaliste et la cognition 232.1. L’origine des oppositions 232.2. Une autonomie du sens ? 252.3. Le corps : une timide rentrée en scène 292.4. Odium rei 33

3. L’empirisme peircien et la cognition 353.1. L’objet 363.2. Les mécanismes perceptifs 373.3. L’organisation des signes 393.4. L’interprétation 40

4. en dehors de la sémiotique : d’autres solutions ? 414.1. La philosophie et la cognition 414.2. La psychologie et la cognition 45

4.2.1. La psychologie de la forme 464.2.2. La psychologie génétique 47

5. Le rêve d’une synthèse : une terre à jamais promise ? 51

6. Vers une sémiotique cognitive 546.1. Les sciences cognitives : avancées contemporaines 54

6.1.1. Du côté du monde 556.1.2. Du côté des signes 60

Page 22: Extrait de "Principia Semiotica"

6.2. Que le computationnisme et le modularisme ont corrompu la sémiotique 676.3. Un programme de sémiotique cognitive 69

6.3.1. Thèse de base 696.3.2. Des verrous sautent 71

chapitre iiL’origine et la nature du sens 74

1. La connaissance élémentaire : entités et qualités 76

2. La segmentation des données 802.1. Le seuillage 80

2.1.1. Principe général 802.1.2. Seuillages faibles et seuillages forts 812.1.3. Arbitrarité et variation des seuils 83

2.2. Le principe du dipôle 84Note sur la genèse des appareils dipolaires 86

3. Du monde à l’interprétation, et de l’interprétation au monde 883.1. Un schéma global 883.2. L’analyseur ou interface 91

3.2.1. Le mystère de l’interface 91a) Le « saut » et ses multiples images 91b) Un exemple : de la chose vue à la chose dite 943.2.2. L’interface comme phénomène physique 953.2.3. L’interface comme modèle 96a) La traduction des zones segmentées (Théorie du graphe dual) 97b) La traduction des formes (Théorie de l’inertie) 1043.2.4. Universalité des mécanismes transducteurs 108

4. Le sens du sens : regrouper 1084.1. Information et sens : deux concepts sans lien ? 108

4.1.1. L’information : un contenant sans contenu ? 1094.1.2. Entre le sens et l’information : l’interaction syntaxique 1104.1.3. Sens, information et syntaxe dans la perception 114

4.2. Du modelé au camaïeu : le sens comme regroupement d’informations 115

4.2.1. Regroupement neurologique et production de sens 1154.2.2. La création du continu et du discret 121

Page 23: Extrait de "Principia Semiotica"

4.2.3. La fourchette sémiotique 1254.2.4. La barysémie, ou densité du sens 127

4.3. Le sens : une stratégie pragmatique du vivant 131

5. Pour une théorie unifiée, où le sens émerge du monde physique 1345.1. De la particule à la conscience : où commence le sens ? 1345.2. Proposition de théorie unifiée 1375.3. De la sémiose courte à la sémiose longue 1415.4. Le mystère de « l’émergence » 145

6. Le sens et le « réel » 1496.1. Les embarras du sémioticien de Tlön 1496.2. Un réalisme insatisfaisant : l’ontologie des entités et des processus 152

6.2.1. Le statut ontologique des entités 1526.2.2. Le statut ontologique des processus 154

6.3. Un antiréalisme : le tout-au-texte 1566.4. Vérifier sur pièces ? La solution du réalisme en creux 161

7. Un innéisme du sens ? 166

8. Le sens : positivité ou différentialité ? 1718.1. Position du problème 1728.2. Positivité : l’homologation 1738.3. Négativité : la différenciation 1748.4. Dialectique du positif et du négatif 176

chapitre iii Du sens élémentaire à la catégorie 179

1. La notion de catégorie 180

2. Pourquoi catégoriser ? 184

3. La stabilisation des percepts : où commence vraiment la sémiose longue… 1873.1. Stabilisation et mémoire. Peut-on vivre dans l’instant ? 1873.2. Stabilisation et « objet ». Ou : les tomates sont-elles rouges ? 1883.3. Stabilisation intersubjective. Suis-je seul au monde ? 1953.4. Stabilisation n’est pas invariabilité 196

Page 24: Extrait de "Principia Semiotica"

4. stabilisation et interactions 197

5. L’organisation des catégories 1995.1. Contre une organisation logique des catégories… 2015.2. …une organisation vraiment sémiotique 202

6. La variation des catégories 2046.1. La question de la variation 204

6.1.1. Unicité de l’appareil récepteur et variété des catégories : une contradiction ? 2046.1.2. Quelques hypothèses peu satisfaisantes 2066.1.3. La sémiotique entre spiritualisme et matérialisme 208

6.2. Sources de la variation 2096.2.1. Variation des sensorialités 2106.2.2. Usage idiosyncrasique des sensorialités 2136.2.3. Variation des besoins 2166.2.4. Variation sociale 219

6.3. Chevauchements et conflits de catégorisation 221

7. encore l’amodalité 2257.1. Sensorialité et abstraction 2257.2. L’objet et les modèles… 229

chapitre iV Le clivage sujet/objet et la pulsion sémiotique 231

1. La disjonction originelle 231

2. chronos, père du sens ? 233

3. Quantitatif et qualitatif : deux visages du sens 2373.1. Qualité et quantité 2373.2. Qualité et sujet 238

4. Pourquoi du sujet et de l’objet ? 2414.1. Le localisme de la conscience et la réponse interactive 2424.2. Une interface entre l’être vivant et le monde 244

5. La pulsion sémiotique comme réponse au clivage 245

Page 25: Extrait de "Principia Semiotica"

chapitre V Le sens et les sémiotiques 251

1. La fonction de renvoi, cette méconnue 2511.1. L’objet de la sémiotique est-il le signe ? 2511.2. Le maximalisme peircien 2531.3. Le malthusianisme hjelmslévien 254

2. Les naissances de la fonction de renvoi 2562.1. Ce n’est pas la sensation de chaleur qui brûle 2562.2. Le signe comme potentialisation et comme produit de la mémoire 2592.3. De la surface aux profondeurs : genèse de la fonction de renvoi 261

2.3.1. Un pari pascalien ? 2612.3.2. Inférant, inféré… 264

2.4. Un objet, des objets ; une qualité, des qualités : la complexification du renvoi 266

2.4.1. Un objet, plusieurs qualités 2662.4.2. Une qualité, plusieurs objets 2662.4.3. Plusieurs qualités, plusieurs objets 2672.4.4. Synthèse 269

2.5. Rêver devant des photos de palmiers, ou manger une noix de coco ? 2722.6. Indice ? icône ? symbole ? La question de la terminologie 2732.7. L’objet : une nature morte, ou un processus ? 2772.8. L’activation de la fonction de renvoi 278

2.8.1. Une petite cuiller est-elle le signe d’une autre petite cuiller ? 2782.8.2. Procédures pluricodiques 2802.8.3. Procédures cognitives 281

3. La structure du signe 2833.1. Quelle place pour les sensorialités dans la fonction de renvoi ? 2833.2. La structure quadratique du signe 2853.3. Quatre relations (doubles) 289

3.3.1. Axe référent-signifié 2903.3.2. Axe signifiant-support 2913.3.3. Axe signifié-signifiant et 3.3.4. Axe référent-stimulus 291

3.4. La relation d’homologation 292

Page 26: Extrait de "Principia Semiotica"

3.4.1. Procédure de description, ou propriété des sémiotiques ? 2923.4.2. Homologation, ou relation support-signifiant ? 2953.4.3. Liberté des homologations 2983.4.4. Contraintes des homologations 301

4. Pourquoi le signe ? 3024.1. Du côté de l’anasémiose : la stabilisation 3034.2. Du côté de la catasémiose : du débrayage à l’esclavage 305

5. correspondance des structures sémiotiques et des structures sémiogénétiques 308

6. structures sémiotiques élémentaires 3136.1. Le binôme syntagmatique élémentaire 3136.2. Pi (∏) et Sigma (∑) : méréologie et logique de classes 316

6.2.1. La tête est-elle sphérique ? L’organisation ∑ 3176.2.2. La tête est-elle une partie du corps ? L’organisation ∏ 3196.2.3. La tête : une partie sphérique du corps. Complémentarité de ∏ et de ∑ 320

6.3. Articulations sémantiques élémentaires et arborescences 3256.4. La syntaxe 329

6.4.1 Syntaxe linguistique vs syntaxe générale 3306.4.2. Syntaxe et articulation : d’autres noms pour segmentation et regroupement 3316.4.3. Le paradigme, le syntagme et l’expérience dipolaire 3336.4.4. Variété des comportements syntaxiques 3376.4.5. Substances des syntaxes 338

7. Binarisme ou ternarisme ? 3407.1. Position du problème 3407.2. Du ternarisme à l’orthogonalité 3427.3. Trois avantages de la structure orthogonale 345

chapitre Vi entre anasémiose et catasémiose : l’interprétation, un renvoi infini 350

1. Produire le segment 3531.1. Facteurs perceptifs 3541.2. Facteurs indexicaux 357

2. segmenter et articuler le segment 361

Page 27: Extrait de "Principia Semiotica"

2.1. Segmentation 3622.2. Articulation 363

3. Un modèle global de l’interprétation 3643.1. Les facteurs de l’interprétation 364

3.1.1. Le segment (S) 3643.1.2. Les attentes (A) 3653.1.3. La grille (G) 3673.1.4. Solidarité des facteurs 370

3.2. Un modèle du processus interprétatif global : la transformation 3723.3. Manifestation de l’interprétation 374

4. La variabilité des interprétations 3764.1. Quelques sources de la variabilité 3764.2. La source première de la variabilité : le résidu d’intelligibilité et la tension interprétative 3784.3. La gestion de la tension interprétative : l’intervention sur les paramètres du modèle 380

4.3.1. Intervention sur S 3814.3.2. Intervention sur A 383

4.4. L’équilibre entre les paramètres A, G, S du modèle et les théories du sens 385

4.4.1. « Peu importe l’objet : ma liberté de l’interpréter est et doit rester infinie » 3864.4.2. « Le texte, tout le texte, rien que le texte, à serrer au plus près… » 3874.4.3. « Accepter l’obscurité… » 389

4.5. Polysémie ou monosémie ? Le paradoxe de l’interprétation 390

5. La pulsion interprétative 392

chapitre Vii Du sens au monde : la catasémiose 394

1. anasémiose et catasémiose 3941.1. Jamais l’une sans l’autre 3941.2. Perte d’information anasémiotique, inadéquation catasémiotique 3971.3. La pulsion actionnelle 398

Page 28: Extrait de "Principia Semiotica"

2. oublier la catasémiose ? 4002.1. La pragmatique 4002.2. Peirce et après… 4022.3. Agir par le discours, agir par le geste 4042.4. Ce que bouder la catasémiose veut dire 407

3. La catasémiose dans le cycle de la sémiose 4073.1. Catasémiose et monde naturel : du digital à l’analogique et retour 4073.2. Les déterminants de la catasémiose 410

4. Des outils : pour quoi faire ? 4134.1. Sémioticiens sur le métier 4144.2. Fonctions de l’outil 416

4.2.1. Outil et routines 4164.2.2. Outils et organes : un continuum ? 418

4.3. Anasémiose, catasémiose et médiation 4214.3.1. Outils anasémiotiques et outils catasémiotiques 4214.3.2. Le rôle médiateur de l’outil 423

4.4. Outil, sens et signe 425

5. typologie sémiotique de l’outil 4275.1. L’énergie 4275.2. La forme 4295.3. Le statut 4295.4. Le champ d’action 430

6. retour à l’allongement et à la socialisation de la sémiose 4316.1. Extériorité et permanence : l’allongement de la sémiose 4316.2. L’outil dans la diachronie : une téléologie ? 4326.3. Du corps individuel au corps social 4346.4. La catasémiose est partout 436

chapitre Viii recatégoriser l’expériencerhétorique de la connaissance 438

1. La nouveauté est-elle possible ? 4391.1. Systèmes et tautologie 4391.2. Comment entendre l’inouï ? 440

Page 29: Extrait de "Principia Semiotica"

1.3. Le rôle de l’hypothèse 445

2. Pourquoi changer ? 4462.1. Équilibre et déséquilibre 4462.2. Une nouveauté toujours relative 449

3. aspects sociaux de l’innovation 4503.1. Le cul-de-sac de l’unanimisme 4513.2. Déviance et innovation 453

4. Le mécanisme fondamental de la révision catégorielle : la médiation  4554.1. Des encyclopédies toujours provisoires 4554.2. Médiations référentielles, médiations discursives 4584.3. Cinq réactions à l’allotopie 4644.4. Les bénéfices de la médiation 4664.5. Médiation et réorganisation du système 468

5. recatégorisation scientifique et recatégorisation rhétorique : points communs et spécificités 4725.1. Une base commune 4725.2. Sens scientifique et sens rhétorique : cinq oppositions de nature pragmatique 475

5.2.1. Figure et pensée : amies ou ennemies ? 4755.2.2. Stabilité vs instabilité 4805.2.3. Distance vs présence 4835.2.4. Restriction vs provignement 4855.2.5. Falsifiabilité vs non-falsifiabilité 4885.2.6. Intersection vs réunion 491

Épilogue sens et sciences du sens entre nature et culture 494

1. Deux concepts de base 4951.1. Le dipôle 4951.2. La dualité 4961.3. Visages de la dualité 499

1.3.1. Dialectique du continu et du discret 4991.3.2 Dialectique du sens et des sémiotiques 501

Page 30: Extrait de "Principia Semiotica"

2. contre la naturalisation de l’esprit : quatre critiques 504

3. Quelques apories apparentes 5083.1. Un premier argument qu’il est facile d’écarter : l’irréductibilité 5083.2. Deux autres arguments méthodologiques : circularité et innéisme 5093.3. Le hasard à la rescousse ? 5113.4. Où l’on jette le bébé avec l’eau du bain 514

4. L’autonomisme : la véritable aporie 5164.1. Autonomisme neuronal et autonomisme culturaliste 5164.2. La même fuite devant la même tâche 519

5. Le continuum nature-culture  5215.1. Le continuum objectif 5215.2. Le continuum discursif 5245.3. Non point l’autonomie, mais l’autonomisation 526

6. La perspective naturaliste et l’épistémologie de la sémiotique 528

Bibliographie 532

table des figures, tableaux et schémas 555

index 557

Page 31: Extrait de "Principia Semiotica"

du même collectIf

Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1970 (Paris, Le Seuil, coll. Points, 1982).

Rhétorique de la poésie. Lecture tabulaire et lecture linéaire, Bruxelles, Complexe, 1977 (Paris, Le Seuil, coll. Points, 1990).

Collages, Paris, U.G.E. (coll. 10/18), 1978.

Rhétoriques, sémiotiques, Paris, U.G.E. (coll. 10/18), 1979.

Traité du signe visuel. Pour une rhétorique de l’image, Paris, Le Seuil (coll. La Couleur des idées), 1992.

Rhétoriques du visible, numéro de Protée, 1996.

Figuras, conocimiento, cultura. Ensayos retóricos, Universidad Nacional Autónoma de México (coll. Bitácora de retórica), 2003.

Page 32: Extrait de "Principia Semiotica"

Les théories de la signification sont nombreuses. Mais aucune n’affronte la question de savoir comment et pourquoi nait le sens.

Paraphrasant la formule célèbre de Leibniz, les Principia semiotica du Groupe µ répondent à la question « Pourquoi y a-t-il du sens plutôt que rien ? ». Rompus à l’interdisciplinarité, les auteurs de ce collectif se fondent pour cela sur les récentes avancées des sciences du langage et de la communication, et sur ce que les sciences cognitives ont permis d’engranger au cours des trente dernières années.

Ils peuvent ainsi démontrer que le sens est toujours issu de l’expérience multisensorielle d’un sujet et qu’il retourne au monde via l’action ; que les mécanismes régissant la formation du sens sont en nombre limité ; et que si l’univers du sens englobe les symboliques humaines les plus sophistiquées, il s’étend aussi à tout le règne du vivant.

Cette synthèse audacieuse permet d’ordonner dans un cadre unifié des phénomènes apparemment aussi divers que les langues, l’interprétation des images, la communication animale, l’invention de l’outil, etc. Elle apporte une réponse rigoureuse à des questions philosophiques brulantes et, surtout, propose une nouvelle alliance entre sciences humaines et sciences de la vie.

Basé à l’Université de Liège (Belgique), le Groupe µ poursuit depuis plus de quarante ans des travaux interdisciplinaires en rhétorique, en sémiotique et en théorie de la communication, linguistique ou visuelle.

Qu’il s’agisse de Rhétorique générale, un classique traduit en une vingtaine de langues et salué par la revue Sciences humaines comme un des livres marquants du XXe siècle (1970) ou du Traité du signe visuel (1992), qui a refondé la théorie de l’image, ses travaux signés collectivement ont tous constitué des avancées décisives pour les sciences de la pensée.

Diffusion / Distribution : Harmonia MundiEAN 9782874493065

ISBN 978-2-87449-306-5592 pages – 28 €

PrinciPia Semioticaaux sources du sens

octobre 2015

Retrouvez-nous sur www.lesimpressionsnouvelles.com