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Michèle Vinet Jeudi Novembre Prise deparole Roman Extrait de la publication

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C.P. 550, Sudbury (Ontario)CANADA P3E 4R2

705-675-6491www.prisedeparole.ca

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On s’esclaffe, on se tape les cuisses. Non, mais, quel manque de sérieux pour ainsi échafauder une histoire sortie des contes de Grimm ! Mais Nize a pour son dire que si les beaux jeunes hommes poussent dans les jardins à Castelbourg, elle l’ira cueillir, le grand poireau. Ce qu’elle peut être comique. Elle ajoute qu’elle saura s’en faire une fricassée ou une omelette. Elle fera une inté-res sante récolte de ce garçon du mardi. Ils verront bien, les Castelbourgeois. Elle vous détricotera leur pré cieuse légende une maille à la fois jusqu’à ce qu’on pro duise son acte de naissance au beau Samedi.

Un beau matin de novembre, Zave et Déza cueillent dans leur potager un « tombé des nues », un amnésique pour qui le monde semble tout neuf. Bientôt, ils affectionnent comme leur propre fils ce beau jeune homme sensible et surdoué qui, dès qu’il se met au piano, lui arrache les plus délicieuses, les plus trou-blantes mélodies. Sa professeure de musique, Orphélie, en est chavirée.

Alors que le dénommé Jeudi tisse une amitié complice et profonde avec Raphaël, le drôle de pis tolero qui lui apprend à parler aux fleurs et à pour chasser les nuages, il ne se doute pas qu’une jeune fille le surveille de près.

Jeudi Novembre propose une plongée rafraîchis sante et poétique dans un monde onirique, où la Création s’anime et s’étonne devant la grandeur de l’être.

Michèle Vinet a fait carrière à titre de comédienne et dans le domaine de l’éducation. Jeudi Novembre est son deuxième roman.

Michèle Vinet

Jeudi Novembre

Michèle Vinet

Jeudi Novembre

Prise deparoleRoman

8,35 mm(0,3287 po)

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Extrait de la publication

Extrait de la publication

Jeudi Novembre

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Extrait de la publication

De la même auteure

Parce que chanter c’est trop dur, roman, Sudbury, Éditions Prise de parole, 2007.

Cinquante exemplaire de cet ouvrage ont été numérotés et signés par l’auteure.

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Extrait de la publication

Michèle Vinet

Jeudi Novembre

Roman

Éditions Prise de paroleSudbury 2011

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives CanadaVinet, Michèle, 1946-Jeudi Novembre / Michèle Vinet.Publ. aussi en formats électroniques.ISBN 978-2-89423-266-8I. Titre.PS8643.I64J48 2011 C843’.6 C2011-906285-2

Vinet, Michèle, 1946-Jeudi Novembre [ressource électronique] / Michèle Vinet.Monographie électronique en format PDF.Publ. aussi en format imprimé.ISBN 978-2-89423-439-6 (PDF).--ISBN 978-2-89423-523-2 (ePub)I. Titre.PS8643.I64J48 2011a C843’.6 C2011-906286-0

Diffusion au Canada : Dimédia

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de parole appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contemporaine.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (programme Développement des communautés de langue officielle et Fonds du livre du Canada) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

Œuvre en page de couverture : André St-Onge, Masque 1, aquarelle, 2006, 56 cm x 76 cm.Conception de la couverture : Olivier Lasser

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Imprimé au Canada.Copyright © Ottawa, 2011Éditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2www.prisedeparole.ca

ISBN 978-2-89423-266-8 (Papier)ISBN 978-2-89423-439-6 (PDF)ISBN 978-2-89423-523-2 (ePub)

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Charbon black

Une complainte amoureuse s’échappe de la courbe planétaire et souffle sur le silence astral. Vague invi-sible, elle déferle sur le vide absolu. Interpellée, une conscience répond au signal. Se faire masculin, goûter à la vie. Pourfendre le néant et arriver, innocent, devant l’amour humain. Saisir le pronom de l’être individué et dire : « Je ». Écarter l’inexistence. Se glisser dans l’ar-rondi du mystère. Délaisser les solitudes infinies et par-venir à la plénitude organique d’une identité de chair. Apprendre le travail de l’homme et le destin du vivant. Échanger cette condition d’irréalisé cosmique contre un pouls, une biographie et un nom.

Babel hallucinée.Le jour, vieillard aux retours épuisés, arrive en traî-

nant des lambeaux d’âme. Son matin, vert-nausée, compose avec le temps et s’inféode à son autorité. Une autre journée. Les sempiternels lendemains du monde, effilochés comme les oripeaux d’un vieux qui se prend pour un matin.

Appel vertige.

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On dit que l’aube est blanche, la pure et vierge toile où réinventer le jour et recommencer le monde. Pourtant, ce matin, loin d’annoncer un réveil cocori-qué et blond, elle semble maladive et blafarde, comme ces brouillards marins obsédés d’horizons lointains. L’aurore cède sa grâce, sa majesté d’aigle et passe à la gaucherie de la cigogne.

L’aurore va accoucher.Dans le temps.

C

C’est un beau mal. Une beauté souffrance. Un plai-sir douleur. Autour de lui, un monde éblouissant avec sa lumière, sa transparence, son papillotement inces-sant. Partout, des objets concrets et diaprés. Textures affriolantes.

Il râle devant la splendeur de la Création. Le vert bronze, le prune de Monsieur, le gorge de pigeon gênent sa respiration. Un ailé jaseur se perche sur son genou et l’apprivoise de son chant. Son gazouillis le fait sourire. Il se sent ivre et aussi fébrile qu’un nouveau-né. Il se touche, s’examine, découvre ses yeux, ses mains, ses jambes, ses pieds.

Longtemps, il contemple la vie. S’attarde à décoder l’énigme à laquelle il participe désormais.

Un murmure le caresse. Sa peau frémit.Soudain, la lumière triomphante se fatigue. La

lune emporte dans ses jupes tout ce qui l’émerveille. Le monde s’en va. Il a peur. Tout cela n’aura été qu’illusion ?

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Un malaise s’installe sur ses paupières. Il s’entoure les jambes de ses bras.

L’inconçu a emprunté un corps et participé à la pla-nète. Bel intermède.

Déjà, il retourne dans son charbon black.

Surpris par un écureuil, il ouvre les yeux sur le matin qui l’entoure et pousse un cri de surprise. Il a une voix. Il se met à rire d’un grand tonnerre qui ébranle le coin de jardin où il se trouve.

Il est frigorifié, mais il est vivant.

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Perle de lait

Aujourd’hui, il fait beau. L’haleine du ciel est fraîche. On surprend le givre sur ses lèvres. On accepte la marche de la terre comme inéluctable et l’automne comme le chavirement nécessaire au renouveau. L’été a offert ses volées de feuilles et le murmure des ruisseaux, sa ribambelle d’oiseaux et de lapins, ses framboises et ses fougères, ses navets et ses nénuphars. Maintenant, sa générosité demande grâce à genoux pour qu’après un roupillon réparateur hanté de rêves florifères le fes-tival de l’abondance recommence.

On se prépare en conséquence. Dans les bourgs et les bois du pays, les ménagères font la liste des plats d’hiver. Les armoires et les chambres froides sont rem-plies, le vin est embouteillé, les animaux, abattus, la viande, salée ou séchée. Sur les tables des cuisinières, il y aura de la dinde aux truffes, de la langue aux cor-nichons, des oreilles de veau et des rognons au vin. Ailleurs, ce sera de la grenouille fricassée, des écre-visses aux radis et des omelettes baveuses. La récolte des pommes figues, des griottes et des louises-bonnes est abondante. Grâce aux vaches, aux chèvres et aux

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brebis, il y aura du saint-fiacre, du barbichon et du brin d’amour.

Les fenêtres ont été calfeutrées, le bois empilé, les cheminées nettoyées. On voit venir la saison avec ses fêtes, son rhum, son calvados et ses rencontres d’agré-ment. Le repos s’amène au prix d’un labeur enfin ter-miné. On organisera des après-midi de courtepointes et de tartes aux fruits. On fumera des pipes et des ciga-rettes à l’odeur du foin, on planifiera des expéditions pour chasser les canards, attraper les premières biches d’hiver et s’en faire des ragoûts. Autant les bras et les jambes ont trouvé leur forme durant la belle saison, autant l’imagination, le goût de l’aventure et de l’exa-gération s’exerceront pour meubler les soirées de froid à casser les clous. Près du feu, les nuits de tempête, on racontera des histoires invraisemblables.

C

Lorsque DesAnges entend rire dans sa cour, elle inter-rompt sa vaisselle du matin et sort sur la galerie. Dieu du ciel ! s’écrie-t-elle, il y a un homme nu dans mon jardin. Le pauvre grelotte. On est en novembre, après tout. Son voisin, Monsieur Légaré, veuf aux aguets des rondeurs de DesAnges, se précipite à son secours. La bouche grande ouverte et les yeux exorbités, DesAnges frissonne en montrant du doigt ses derniers choux. Sous le choc, elle balbutie un salmigondis indéchiffrable.

Avec une couverture à gros carreaux, on enveloppe l’individu cueilli dans le potager comme un poti-ron. Au contact de vieilles pantoufles, il s’étonne et, enfin debout, met un pied devant l’autre, mal assuré :

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on dirait presque qu’il marche pour la première fois. Dans la maison, on dépose devant lui un bol de soupe fumante et il boit. Monsieur Légaré s’absente quelques instants et revient avec une bouteille de remontant. La soupe fait son travail et il y a du pain, mais le gaillard a besoin d’un petit verre de trois-six. Monsieur Légaré aussi. Dès la première gorgée de feu, le repêché du jar-din pousse un cri de plaisir et arbore un sourire. Il semble pourtant ne rien comprendre et ne répond à aucune question. Il vient de loin, c’est clair. Dans ses yeux frémit une lumière dentelée, comme si l’appari-tion de DesAnges et Monsieur Légaré, la soupe et le trois-six étaient d’incomparables présents.

Autant son comportement est étrange, autant il est comique avec la couverture et les pantoufles de Monsieur Légaré. On dirait un amnésique sorti d’un profond coma pour qui le monde est neuf.

Envoûtée par le sourire du jeune homme et atten-drie par ses yeux noirs et sa condition, DesAnges déclare que, si on ne trouve pas qui est cet étran-ger, elle l’adoptera derechef. Il sera son fils unique bien-aimé. Puisque c’est aujourd’hui le premier jeudi du mois, il s’appellera Jeudi Novembre. Le méde-cin, sommé d’évaluer la santé du nouvel arrivé, le déclare en excellente forme quoique un peu sonné et le constable, Monsieur  Michel, accepte, si DesAnges n’en a pas peur, qu’elle héberge l’étranger jusqu’à ce qu’on établisse son identité.

Monsieur Légaré retourne chez lui et, d’une armoire, sort quelques vêtements ayant appartenu à son fils parti gagner sa vie ailleurs. Lui, François-Xavier, sou-tiendra DesAnges en servant de père à l’étranger.

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Il y a de ces choses qui ne peuvent être enseignées aux hommes que par des hommes. Si, en quelques minutes, DesAnges peut devenir mère, il peut redeve-nir père et aimer de nouveau. Puisque, de toute évi-dence, ce fils adoptif est perdu, il se nommera Jeudi Novembre L’égaré.

Lorsque Monsieur  Michel revient la semaine sui-vante, il trouve un Jeudi soigné, bien habillé, qui sait dire : Bonjour, comment allez-vous ? D’après le rap-port du constable, aucun prisonnier n’est en balade, aucun dérangé ne s’est échappé, aucun immigrant n’a omis de prendre ses papiers. Il blague que le jeune Jeudi est sans doute tombé du ciel, qu’il vient fort pro-bablement de très loin par un dur chemin puisqu’il ne se souvient de rien. Il sera donc membre d’une famille recomposée en les personnes de DesAnges et de Monsieur Légaré.

DesAnges et François-Xavier sont rassurés d’ap-prendre que Jeudi est à n’en pas douter orphelin. Inutile de fouiller son passé au-delà de l’enquête qu’on vient de leur présenter. Ils se l’approprient comme un grand Moïse sauvé des eaux, leur fils-homme sorti des choux.

Il fait le bonheur de ces deux êtres dont la vie, avant son arrivée, était réduite à quelques recettes et trois pièges à lapins. Maintenant, on se promène partout avec le fils. On lui fait l’école — il faut tout lui ensei-gner, même lui apprendre à parler — et on lui montre comment manier la canne à pêche. On se sent de nou-veau utile et vivant.

Monsieur Légaré et DesAnges ont décidé que leur fils a vingt ans et qu’ils l’ont trouvé le jour de son

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anniversaire. On fait donc inscrire son nom un peu partout pour confirmer sa légitimité. Il apprend à signer son nom et on remarque qu’il est gaucher. À la mairie, on s’énerve sur l’apostrophe dans son nom. DesAnges et Monsieur  Légaré y tiennent mordicus. Son nom et son âge, incontestables, sont donc ins-crits dans les dossiers municipaux. Jeudi devient un membre en règle de la communauté de Castelbourg.

C

Apprendre une planète et ses caprices, voilà tout un défi. Les enseigner aussi. Près de la cuisinière où tou-jours quelque chose d’odorant mijote, embaume, Jeudi se comporte en bon élève. Une part de gâteau ou une compote lui sera réservée si son travail plaît à DesAnges. Certaines lettres produisent des sons à enfiler à la queue leu leu pour former des mots, ce que DesAnges appelle des porteurs de signification qui changent le monde. Les fumets de la cuisine font de lui un enfant-homme-apprenant docile. Bien travailler devient un régal, une leçon tôt apprise. Dans l’atelier de la maison voisine, Jeudi aime aussi travailler de ses mains avec Monsieur Légaré. DesAnges cuisine, enseigne le ciel et la terre à son fils et partage les progrès du jeune homme avec François-Xavier devenu un papa idéal.

Comme un enfant, Jeudi voue un sentiment de reconnaissance à DesAnges, qu’il a surnommée Déza. Elle est la source de tous ses bienfaits, de son appé-tit rassasié, de son sommeil duveteux, de sa propreté impeccable. Il sait tirer la chaise à table et ouvrir les portes devant elle selon les conseils de ce bon vieux

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Zave, son père, son copain, son semblable en plus court et plus chauve. De l’alphabet au nettoyage du jardin, au bois fendu et empilé, l’homme tombé du ciel s’illustre. Il prend des couleurs et se fait des bras et des mollets.

Dès qu’il réussit à mettre quelques phrases l’une à côté de l’autre, il se met à poser des questions. C’est quoi ? demande-t-il en montrant du doigt une échalote ou un hameçon. C’est pourquoi ? intime-t-il des épaules en soulevant un marteau ou un atlas. Il apprend à bricoler en faisant de la géographie. Zave l’initie à l’ébénisterie et Déza tombe dans les pommes en l’entendant nommer le pays. Jeudi cherche ces pommes sans les trouver. Ces gens sont singuliers et attachants, pense-t-il. Parce qu’il s’attache, le cher Jeudi. Il s’attache à Zave et à Déza, au confort, au bien-être qu’il apprend à comprendre, à épeler et à vivre. Ses parents se rendent disponibles, déployant le vocabulaire du quotidien comme celui, plus subtil, du cœur. Jeudi a saisi que son père, dont la veste pendouille et à la casquette de toute occasion, ainsi que sa maman, au chignon de fils d’argent, sont plus vieux que lui et qu’il leur doit d’être devenu très rapidement un vrai jeune homme.

Le plus difficile a été de réussir à monter ce drôle d’engin à deux roues et de le garder en équilibre avec ses pieds et ses mains. Petit à petit, il a commencé par rouler sur le trottoir devant la maison, pour ensuite s’aventurer toujours plus loin sur les sentiers cou-verts de feuilles desséchées qui crissent sous les roues de sa bicyclette et se plaignent, dirait-on, de se trou-ver ainsi rompues après avoir apporté tant d’ombre et de bienfaisance.

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Jeudi découvre le froid qui s’approfondit de jour en jour. Il aime la perle de lait que devient le ciel. Il sait se vêtir et enfiler son chandail. Pour les gants, c’est plus difficile. Rentré de ses aventures et affamé, il demande comme collation deux petits pains au chocolat. Une fois avalés, de son index mouillé de salive, il ramasse les miettes dans son assiette et sur la nappe, comme pour se régaler encore une fois. C’est quoi ? se demande-t-il. Des miettes, se répond-il. Et il répète ce joli mot cho-colaté : miettes miettes miettes. Parfois, il fait de son mieux pour en répandre le plus possible et ainsi faire durer le plaisir. Être humain a de ces drôles de petites lubies et manies qui rendent l’expérience inoubliable.

Petits plaisirs de rien dans l’immensité.Dans l’incommensurable.

C

Le grand objet noir qui règne dans le salon, où rarement on pénètre, a un nom. Un jour, Madame Dubien s’ins-talle au salon en visite et Jeudi lui demande : C’est quoi ? C’est un piano, révèle Madame Dubien. Elle se lève et découvre une longue rangée de petits insectes noirs ou blancs sur lesquels elle dépose les mains.

Rien n’a préparé Jeudi à ce qui s’abat soudain sur lui. La magie est si profonde qu’il sent frémir en lui l’espace, qu’il en ressent un irrésistible chatouillis. Les larmes coulent sur ses joues. Il ferme les yeux. La musique vogue dans l’air comme une embarcation sur la mer et vient clapoter sur les rives de son histoire, comme ces épopées du monde qui racontent les générations aux générations.

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Ému, interloqué, Jeudi s’interroge. D’où arrivait-il le matin où on l’a trouvé ? Qu’est-il venu faire ici ? C’est peut-être cela, la musique, qu’il est venu cher-cher, et non pas un pays ni des parents. Dans le salon aux meubles décatis, Jeudi s’ouvre comme une fleur. L’égaré s’éveille.

Lorsque Madame Dubien arrête de jouer, Jeudi se lève brusquement et se met à crier. Piano, piano, se lamente-t-il comme si on lui retirait cela même qui lui donnait vie. Tout doucement, la pianiste se met à jouer une berceuse et Jeudi comprend qu’on peut se faire maître de cette grande boîte noire et faire monter, dans les os et dans le sang, l’hymne de l’Univers. Déza lui propose d’apprendre à en jouer lui-même et, bou-leversée, Madame Dubien s’offre comme professeure.

Jeudi s’installe au piano et commence à en jouer. L’instrument au sommeil poussiéreux tressaille et, après quelques toussotements et crachats, sort de l’ou-bli. Piano, piano, gémit l’homme. Jeudi, mon bien-aimé, répond la musique. Ensemble, ils chanteront la destinée humaine. Ils découvriront l’eurythmie de la planète afin de créer un monde dont les vibrations inviteront à s’agenouiller les galaxies éloignées.

C

À la maison, l’enthousiasme et l’étude prennent toute la place. Les parents ne sont plus seuls avec leur fils. La musique a donné du coude à table. Elle est implacable d’exigences et de travail, mais ô combien radieuse. Le grand enfant ne fait pas des gammes sous la tutelle d’un professeur rigoureux et d’un métronome égrainant la

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mort. Non, un phénomène débarque dans le salon. Cette intuition de la perfection a un nom. Jeudi le trouvera. Il deviendra cette chose. Il saisira de ses mains ce dont il a entendu la complainte là-bas et dont le souvenir s’estompe.

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Achevé d’imprimeren novembre deux mille onze sur les presses

de l’Imprimerie Gauvin, à Gatineau (Québec).

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On s’esclaffe, on se tape les cuisses. Non, mais, quel manque de sérieux pour ainsi échafauder une histoire sortie des contes de Grimm ! Mais Nize a pour son dire que si les beaux jeunes hommes poussent dans les jardins à Castelbourg, elle l’ira cueillir, le grand poireau. Ce qu’elle peut être comique. Elle ajoute qu’elle saura s’en faire une fricassée ou une omelette. Elle fera une inté-res sante récolte de ce garçon du mardi. Ils verront bien, les Castelbourgeois. Elle vous détricotera leur pré cieuse légende une maille à la fois jusqu’à ce qu’on pro duise son acte de naissance au beau Samedi.

Un beau matin de novembre, Zave et Déza cueillent dans leur potager un « tombé des nues », un amnésique pour qui le monde semble tout neuf. Bientôt, ils affectionnent comme leur propre fils ce beau jeune homme sensible et surdoué qui, dès qu’il se met au piano, lui arrache les plus délicieuses, les plus trou-blantes mélodies. Sa professeure de musique, Orphélie, en est chavirée.

Alors que le dénommé Jeudi tisse une amitié complice et profonde avec Raphaël, le drôle de pis tolero qui lui apprend à parler aux fleurs et à pour chasser les nuages, il ne se doute pas qu’une jeune fille le surveille de près.

Jeudi Novembre propose une plongée rafraîchis sante et poétique dans un monde onirique, où la Création s’anime et s’étonne devant la grandeur de l’être.

Michèle Vinet a fait carrière à titre de comédienne et dans le domaine de l’éducation. Jeudi Novembre est son deuxième roman.

Michèle Vinet

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