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Extrait de la publication

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© Éditions Gallimard, 1980.

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<r La transparence est son masque. »

Schéhérazade,Tewfik El-Hakim.

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PRÉFACE

Ce livre explore les forces organisées et organisa-trices qui, dans une société donnée, poussent à l'unifor-mité. Uniformité de penser, de sentir et d'être dont lebanal est l'expression par excellence. Lentement éla-boré, ce concept permet de saisir en leur unité des phé-nomènes appartenant à des champs anthropologiquestrès divers. Il est vrai cependant que, quelle que soit laforme que revêt le banal, cette forme est tenue d'abordpour une forme de sensibilité.

L'analyse du banalpasse dans ce livre par des œuvresqui captent et tentent de dominer les forces uniformi-santes dont elles sont les témoins. Œuvres où le banal

fait problème. Mais cette analyse reste, de proposdélibéré, au plus près de son objet, sans recourir à cer-tains concepts qui risquent d'expliquer trop et tropvite. C'est ainsi que la tendance au nivellement inhérenteau banal n'est pas mise en rapport avec l'hypothèsefreudienne de la pulsion de mort.

Ce qui fait problème dans le banal, c'est que le réel,qui est à la fois le rationnel et le technique, tend de plusen plus à prendre la place de l'imaginaire. L'imaginairequ'un lien fondamental unit à la projection de sorteque, par le truchement du banal, c'est toute la problé-matique de la projection qui se trouve de nouveau abor-

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Le banal

dée sous son aspect négatif d'absence de projection 1le réel n'est plus que ce qu'il est.

Quoique des plus transparents, le concept de banalgarde un fond de mystère qui est le mystère même duprincipe d'identité. Ce principe où s'exprime l'exigenced'adéquation de la pensée à elle-même rend possiblele banal en tant que redondance. La redondance n'estpas négation de pensée mais absence de pensée dansun simulacre de pensée. L'identité ici n'est plus uneexigence à accomplir puisqu'elle est déjà un faitaccompli. C'est pourquoi, d'emblée, le banal nous inter-roge sur sa double appartenance à la pensée la plusessentielle et à ce qui en tient lieu dans des formulestoutes faites. Et comme ces formules sont le répétitif etle standardisé, la pensée de l'identique dans le banal estinséparable d'une technique de production et d'unetechnologie. L'analyse du banal fait nécessairementréférence à des systèmes sociaux qui, à la formeabstraite de l'identité, substituent des contenus concrets

de l'identique incarnant les normes sociales d'une sen-sibilité. L'exigence de pensée est désormais exigencede conformité. Le banal nous conduit au centre de cequi nous rend semblables, même et surtout quand nousnous voulons différents. Il nous tend un piège qui estcelui du général devenu le même et l'autre, à partir dequoi tout le monde est unique.

Le banal nous interroge ensuite sur ce qui ne peut seréduire à l'identique et que définit la pensée inconsciente.Pensée de l'impossible adéquation de soi-même à soi-même, du dédoublement du contenu en manifeste etlatent, de la présence invisible des déplacements etcondensations. Or, si rien ne coïncide avec ce qu'il est,la dualité de l'être et du paraître est ultime. Le banallui-même est un leurre dans la mesure où invariable-

ment il vient remplacer autre chose. La théorie freu-

1. Cf. Sami-Ali De la projection. Une étude psychanalytique. Payot,Paris, 1970.

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Préface

dienne de l'inconscient constitue de la sorte comme la

preuve ontologique de la non-existence du banal, ausens où une chose serait simplement ce qu'elle est.

Il est cependant une autre possibilité que n'exploitepas la théorie freudienne à supposer que le banal existevéritablement et non comme simple illusion due audéplacement d'objet et d'accent, qu'en est-il alors desliens du banal avec l'inconscient? Question qui ne peutavoir de sens que si l'on montre d'abord que le banal entant que tel existe quelque part.

L'expérience esthétique nous en apporte l'indispen-sable évidence. Cette expérience, surtout depuis ledadaïsme, fait appel d'une manière décisive à l'auto-matisme et au hasard, transformant late créationenun acte banal aussi peu subjectif que possible. Ir Lecommunisme du génieproclamé par le surréalismetémoigne de cette volonté de décentrer l'œuvre par rap-port au sujet. L'œuvre n'exprime rien, l'expressionétant supplantée par des opérations de hasard codifiése déroulant indépendamment du sujet, voire en dehorsdu sujet. Toutefois, par son adhésion à l'inconscient«psychologique », fût-il ramené à la dimension de l'oc-culte, le surréalisme paraît encore comme la dernièretentative de restaurer l'esthétique de l'expression. Ils'arrête à mi-chemin dans l'exploration du répétitif etdu fortuit. Solution de compromis, il nous fournit uneréférence initiale permettant de suivre les étapes d'unenouvelle esthétique qu'oriente la fascination de l'im-personnel. On passe ainsi du banalpsychologique rele-vant de l'opposition du latent et du manifeste au banalmétaphysique que détermine la saisie de l'identité desêtres. (Intuition implicite à la position du surréel entant que fond commun du subjectif et de l'objectif.)

La nouvelle esthétique, déplaçant le centre de gravitédu dedans au dehors, trouve son inspiration dans l'in-fini du dehors. Le hasard y donne accès, hasard quiparadoxalement se combine avec une nécessité posée

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Le banal

a priori comme procédé technique, verbal ou gestuelrépétable à l'infini. On se meut aux confins du symbo-lique rejoignant l'être même à travers l'indicible. Il nefaut chercher ni sens ni non-sens, ni sens qui se dérobelà où la chose est simplement 1. La chose ou sa rédu-plication photographique, ou encore la réduplication dela réduplication photographique. L'œuvre ne dit rien,son silence ne signifie rien, il n'y a rien à signifier. Ellese réduit à son existence matérielle immédiate, tel

l'arbre ou le nuage. Y a-t-il vraiment un « au-delà » quiappartienne au langage? « Cela fait de jolies couleurs »,dit Warhol de ses sérigraphies de Marylin Monroe. Etpour John Cage, les sons sont. Pareillement, le « pro-cédé très spécial» que Roussel applique au niveau desassonances verbales engendre automatiquement desIr équations de faitsaussi énigmatiques que l'êtreidentique à lui-même. C'est cette identité que l'on s'ef-force maintenant de recréer, au moyen de la répétitiondu même, du même son ou de la même couleur, à la

faveur d'une rythmique faisant dissoudre le subjectif etl'objectif dans une temporalité spatiale et une spatialitétemporelle. L'extase n'est pas loin où se reconnaît,par-delà la distinction du sujet et de l'objet, la présenced'un processus qu'il faut bien qualifier de cosmique. Lamonotonie de l'œuvre, celle que suscitent également lesgrandes étendues élémentaires, n'est pas un sentimentnégatif mais ce qui nous met en résonance avec les pul-sations de notre corps et de l'univers.

La position de l'identique est donc indissociable del'élément mystique. C'est ce qu'ont compris, à leur corpsdéfendant, un Warhol ou un Rigaut, en allant jusqu'aubout d'une expérience où une autre forme de sensibilitése fait jour. L'indifférence ou l'ennui en tant que révéla-teurs du néant la médiatisent et ce sont pourtant, en

1. On peut le contester au nom de la psychanalyse, mais dans ce cas onn'interprète pas, on crée un objet interprétable psychanalytiquement. Laserrure est faite sur mesure.

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l'occurrence, les signes d'une grave pathologie person-nelle. Apparition accidentelle, marginale de ce quiailleurs est constitutif de l'essence même d'une visiondu monde. En découvrant que l'impensable existecomme pure potentialité, on s'ouvre simultanément àd'autres cultures. Ici se situe le retour du refoulé dansun refoulement culturel. En ce sens, Warhol et Rigautsont aux prises avec une intuition qui n'est pas si diffé-rente de celle, centrale, du Bouddhisme et du Taoïsme.

Ce quijustifie certains rapprochements opérés ici quipourraient paraître arbitraires.

L'identité assimilée à l'être immédiat est, selon Hegel,la pire des banalités. Le langage voulant en dire la sin-gularité le dit avec des mots que rien ne singularise. Lesingulier n'étant pas le singulier, la dialectique peut semettre en route. Elle progresse à l'intérieur du langagene faisant qu'un avec le rationnel, après avoir laissé àson sort l'ineffable de l'expérience mystique. Le banalsemble ainsi avoir partie liée avec la question des limitesdu langage, point sur lequel la dialectique hégélienne atrop vite glissé et qui, à partir de Wittgenstein notam-ment, n'a cessé d'alimenter l'analyse logique du lan-gage. Analyse qui s'enlise à mesure qu'elle avance ladialectique s'immobilise par la division à l'infini du dis-cours qui l'objective. Dans cette division se tracentcontinuellement des lignes de démarcation entre sens etnon-sens, entre dicible et indicible. L'élément mystiquene se situe ni au-delà de l'expérience du monde, ni afortiori en dehors du discours qui la représente, il estce qui se révèle du monde lorsqu'on aura fait le tour dulangage. C'est la fin de tout discours, comme le noteWittgenstein.

Le banal, on le voit, met en jeu une certaine concep-tion du langage. Il nous invite à méditer le fait que lesdeux pôles du discours ne sont pas la métaphore et lamétonymie mais, plus généralement, le littéral et lefiguré. C'est pourquoi, dans la division jakobsonienne

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Le banal

du langage, l'existence même du littéral fait problèmedès lors que saute aux yeux l'arbitraire de vouloir lesubsumer sous la catégorie de la métonymie 1. Est pro-blématique du même coup le statut métapsychologiquedu littéral si, suivant Lacan, on établit un lien essentiel

entre déplacement et condensation d'une part, méta-phore et métonymie de l'autre. Car, dans ce cas, le lit-téral ne pourrait être que le sens pris à la lettre lorsde la conversion au plan de la représentation incons-ciente, de l'identité de mots en identité de choses (unchapeau melon, dans un rêve, se mange). L'interpréta-tion lacanienne suppose déjà un discours figuré 2, cepen-dant que le littéral n'est nullement réductible au dis-cours figuré (un chapeau est un chapeau, un melon estun melon; le melon est comestible, le chapeau ne l'estpas). En tout état de cause, il ne sauraity avoir de rela-tion directe entre le littéral et les processus primaires.

Cette relation, en revanche, peut être indirecte pre-nant le détour d'un imaginaire qui coïncide avec l'acti-vité projectiveprimordiale. Cette activité dont le proto-type reste le rêve a des formes qui se multiplient à mesurequ'elles s'en éloignent, mais qui n'en constituent pasmoins des variantes ayant toutes la même racinedélire, fantasme, illusion, création, rêverie. L'opposi-tion du littéral et du figuré renvoie, dès lors, à l'absenceet à la présence de la projection dans l'élaboration del'expérience du monde. Entendons-nous bien unemétaphore en soi n'est pas une projection, elle peutmême, dans la rhétorique publicitaire par exemple, enêtre l'absolue négation («Alexandrie est la perle de laMéditerranée »). A l'inverse, une projection est toujoursgénératrice des transpositions métaphoriques et méto-

1. Jakobson (R.) « Deux aspects du langage et deux types d'apha-sies », in Essais de linguistique générale, Tome I, p. 43 et suiv. Minuit,Paris, 1963. Cf. Rosolato (G.) « Symbol formation. » Intern. J. Psycha-nal., 59, 1978.

2. Lacan (J.) « L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raisondepuis Freud », in Écrits, p. 493 et suiv. Seuil, Paris, 1966.

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nymiques se confondant avec le « réeldans l'expé-rience projective. Ces transpositions ne sont des jeuxde mots que parce que le jeu concerne d'abord la rela-tion aux choses, relation imaginaire dans laquelle lecorps propre fonctionne comme schéma de représenta-tion. On est au cceur de la subjectivité. A la limite (d'ail-leurs atteinte chez Wittgenstein et Tchouang-tseu), lelangage paraît comme la projection a priori de ce quedoit être un univers pour qu'il devienne univers dediscours. Et le savoir, médiatisé par le langage, trahitpar là même sa nature anthropocentrique.

Le banal soulève donc la question la plus générale dela possibilité de la projection dans une organisationsociale favorisant un réel qui est le littéral. L'esthétiquecontemporaine, particulièrement chez Marcel Duchamp,en a pris clairement conscience, tout en se lançantdans une activité créatrice qui, grâce à l'utilisationsystématique du banal, n'a plus rien à voir avec lescritères habituels de la « créativité j). Celle-ci peut seborner au choix d'une image préexistante qu'on repro-duirait mécaniquement. La subjectivité ici est d'autantplus significative que le contenu de l'œuvre est lui-même insignifiant. En se confondant avec l'anonymatde l'objet, la subjectivité crée l'illusion de son absencesubjectivité par négation d'elle-même. C'est pourquoil'esthétique du banal réclame une autre méthode d'ana-lyse que celle qui part du postulat que l'œuvre estl'expression directe d'une subjectivité.

Reconnaissant que le banal existe, cette autreméthode s'emploie à en déterminer la place à l'intérieurd'un processus de projection qui porte autant sur l'ob-jet que sur le temps et l'espace de l'objet. Ici intervientd'une façon radicale la projection d'une forme reflétantaussi bien l'espace corporel que la temporalité du corpspropre, forme où prévaut l'implication réciproque dudedans et du dehors. L'analyse de l'œuvre de Roussel,entreprise à partir de son poème La vue, en donne un

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premier exemple centré sur l'espace de la rêverie. Lamême structure spatiale sous-tend également l'expé-rience du miroir, laquelle, chez Rigaut et Warhol,s'ouvre sur la problématique du double et du visage. Etc'est encore elle qui, chez Wolfson, éclaire le dévelop-pement circulaire de la dialectique de l'objet partiel etde l'objet total.

Cette démarche comporte néanmoins le risque d'in-troduire implicitement une projection pour prouverl'existence de la projection. C'est pourquoi la démons-tration doit, autant que possible, prendre appui sur lestextes eux-mêmes, textes où se trouve posé un pro-blème qui autrement serait escamoté. L'objectivitéen matière de projection emprunte cette voie détournéequi, du reste, permet d'orienter différemment toutel'herméneutique. Seul inconvénient pourtant un cer-tain ralentissement du tempo de l'analyse, lequel exigeautre chose qu'une attentionflottante.

Mais il y a pareillement une pathologie du banaldans laquelle la subjectivité, sans pouvoir se nier dansson objet, se trouve niée par son objet. Pathologie duconformisme social s'accompagnant d'une remarquableperte d'intérêt pour tout ce qui n'est pas réel et trahis-sant une sensibilité marquée par les efforts d'adapta-tion. Or, immanquablement, il s'agit d'une adaptationqui s'opère par le refoulement réussi de toute activitéde rêve et qui modifie durablement l'organisation carac-térielle. Aux moments de crise, cette organisation semaintient en même temps qu'elle favorise l'apparitionde maladies véritablement organiques. La somatisationici fait un avec le maintien du refoulement caractériel,lequel renvoie, d'une part, au caractère et non à lanévrose de caractère et, d'autre part, à la difficultéparticulière de recourir à l'imaginaire auquel donneaccès la projection. L'analyse s'attaquant une fois deplus à la structuration de l'espace et du temps met enévidence un décalage compensé entre des possibilités

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imaginatives réduites et les tâches adaptatives aux-quelles on doit faire face. La pathologie du neutre s'op-pose ainsi radicalement au débordement de l'imaginairelequel signifie, dans la névrose et la psychose, l'échecdu refoulement et le retour du refoulé.

Un mot enfin pour éclairer le projet de ce livre qui s'estdéveloppé parallèlement à mes autres travaux. Durantmon expérience analytique en Égypte, je n'ai pas ren-contré de patients déclarant « ne pas rêver ». Dans unpays où le rêve se double d'une pratique sociale del'interprétation, où il est même fréquent de rêver enlieu et place d'un autre, il paraît impensable qu'onpuisse être coupé de la vie onirique. C'est cependant cequi frappe en Occident, surtout chez les malades «psy-chosomatiques qu'on qualifie d'n opératoires ». Quedeviennent dans ce cas le rêve et ses équivalents diurnes?Il est évident que la réponse ne se trouve pas au niveaude la description d'une pathologie qu'on voudrait aussispécifique que possible mais qu'on n'isole pas moins dutype de société dans laquelle elle s'inscrit. Il fallait doncélargir la perspective théorique aux dimensions del'anthropologie psychanalytique afin de poser le vraiproblème quel est le statut de l'activité du rêve dansune société de type technologique? Le concept de banaldésigne le champ à explorer.

Cette exploration vise principalement à découvrir ceque signifie, à l'ère post freudienne, le malaise dans laculture non pas, comme le pensait Freud en 1929,prévalence de la pulsion de mort au sein de la sociétéoccidentale, mais domination interne par un pouvoiranonyme reproduisant à l'échelle de l'individu les forcesadaptatives qui conduisent au conformisme. Celui-ciest sujétion consentie à un modèle culturel englobant lapensée et la sensibilité devenu une autorité d'autant plusefficace qu'elle reste impersonnelle. Ce n'est pourtant

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pas ce que Freud appelle « Surmoi collectif(« Kultur-überich » *), mais quelque chose de plus fondamentalqui tient d'un surmoi corporel permettant au corpspropre de définir son fonctionnement cr normalet sesréférences spatio-temporelles. Et il paraît malaisé desuivre Freud qui, à la même époque, misait sur lacr guérisonde l'humanité de cette cr névrose obsession-nelle» qu'est la religion au train dont vont les choses,si cette<r guérison »s'obtient un jour, ce sera sûrementpar disparition, comme lors d'une chimiothérapie réus-sie, du symptôme en même temps que de l'imaginaire.Dans cette optique qui est celle du banal, le triompheanticipé d'Éros s'avère aussi improbable que celui dela raison dont Freud célébrait la ténacité en dépit dela faiblesse de la voix par laquelle elle était portée.Car Éros et la raison tendent insensiblement à se

confondre avec des comportements adaptatifs dans les-quels fait défaut le négatif qui n'est pas une figure de laviolence idéologique. La voix de la raison a beau êtretenace, elle est de plus en plus mécaniquement répé-titive. Et qu'adviendra-t-il du merveilleux si, commejadis cet enfant de Freud méprisant les fables parce quetrès tôt pourvu d'« un sens du réel particulièrementmarqué», on s'en détourne en bloc au nom de laréalité?

Une autre possibilité est proposée ici reprendrel'analyse où Freud l'avait abandonnée au profit desconcepts synthétiques d'une Weltanschauung (la pulsionde mort en est un) et, en poussant jusqu'au bout l'inter-rogation du réel, percer derrière le banal la présencede l'imaginaire.

Puisse ce livre issu d'une autre temporalité être lusans hâtel

1. Freud (S.) Malaise dans la civilisation, p. 103. P.U.F., Paris,1978.

2. Id. L'avenir d'une illusion, p. 40. P.U.F., Paris, 1976.

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A l'origine du banal, la relation qui, dans l'inquié-tante étrangeté rattache intimement en dépit de leurdifférence le familier à l'étrange, se rompt soudain auprofit du familier. Imperceptiblement en effet, par unmouvement de dégradation continu, le familier se mueen banal dans la mesure où il s'affirme à la fois comme

identique à lui-même et comme distinct de l'étrange. Lebanal, c'est donc le familier qui, à force de familiarité,n'a plus rien à voir avec l'étrange. Dans le banal enfinse marque un arrêt, se parachève une dichotomie quetraduit la juxtaposition de deux tautologies le banalest banal et l'étrange étrange. Cependant pour se main-tenir dans son altérité, le banal doit se poser commen'étant pas l'étrange. Il est tout entier dans cet acteconstitutifqui exclut de lui l'étrangeté mais qui derechef,à travers cette même négation, introduit un potentieldialectique susceptible de s'actualiser en trois direc-tions l'esthétique, la pathologie et la mystique.

1. Freud (S.) « L'inquiétante étrangeté », in Essais de psychanalyseappliquée. Gallimard, Paris, 1933.

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