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RECUEILLIS PAR JOSEPH-MÉDARD CARRIÈRE PRÉSENTÉS PAR MARCEL BÉNÉTEAU ET DONALD DESCHÊNES Contes du Détroit Prise deparole AGORA Extrait de la publication

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RECUEILLIS PAR JOSEPH-MÉDARD CARRIÈRE

PRÉSENTÉS PAR MARCEL BÉNÉTEAU

ET DONALD DESCHÊNES

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Contes du Détroit présente une collection unique devingt-cinq contes traditionnels recueillis par Joseph-MédardCarrière, en 1938, dans la région de Windsor, Ontario.

Cette collection, une des réalisations importantes de Joseph-Médard Carrière, ce Franco-Ontarien classé parmi les grandschroniqueurs de la culture française en Amérique du Nord,est pourtant la seule qu'il ait recueillie dans son pays natal.L'ouvrage livre un trésor inespéré : un brillant échantillon —et le seul susceptible de voir le jour — d’un patrimoine issudu plus ancien territoire de l’Ontario français. Pour la com-munauté francophone du Détroit, qui trop longtemps s’estlaissé convaincre que la culture venait forcément de l’exté-rieur, la publication de ces contes traditionnels ne peutqu'ancrer la culture dans le terreau régional et la revaloriser.

Joseph-Médard Carrière (1902-1970) est le grand pionnier desrecherches folkloriques françaises aux États-Unis. Il a consacréune grande partie de ses travaux à documenter les vestiges dela langue et de la culture de petites communautés françaisesen Amérique, plus particulièrement du Centre-Ouest (dont leMissouri, l'Illinois et l'Indiana).

Marcel Bénéteau, folkloriste et musicien, poursuit ses recherchesauprès de la communauté canadienne-française du Détroit.Depuis 1998, il a catalogué plus de 2000 versions des chansonstraditionnelles françaises de la région.

Donald Deschênes œuvre depuis de nombreuses années dans lesdomaines du développement culturel et communautaire. Il apublié, seul ou avec d’autres, des recueils de chansons tradition-nelles et de contes.

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Du même auteur

LivresLe Passage du Détroit : 300 ans de présence francophone/Passages : Three Centuries ofFrancophone Presence at le Détroit, Windsor, University of Windsor HumanitiesResearch Group, Working Papers in the Humanities no 11, 2003.Trois Siècles de vie française au pays de Cadillac, Windsor, Éditions Sivori, 2001.

Articles«Variantes phonétiques, morphologiques et lexicales dans le français des deux groupescolonisateurs dans la région du Détroit », dans Louis Mercier (éd.), avec la collabo-ration de Hélène Cajolet-Laganière, Français du Canada — Français de France. Actesdu sixième Colloque international tenu à Orford (Québec), du 26 au 29 septembre 2000,Tubingen, Max Niemeyer Verlag, p. 199-212.«Chansons traditionnelles et identité culturelle chez les francophones du Détroit »Ethnologies, Vol. 26, no 2, hiver 2005, p. 201-217.«Le chansonnier manuscrit comme document ethnologique : considérations sur lecahier de Félix Drouillard (vers 1897-1903) », Rabaska, no 1, automne 2003, p. 59-80.«The Oral Traditions of le Détroit and Mid-Western French Settlements : a MissingLink in French Cultural Studies », Le Journal, Vol. 19, no 3, été 2003, Centre forFrench Colonial Studies, p. 1-7.«Le Détroit depuis Cadillac », Cap-aux-Diamants, no 66, été 2001, p. 36-38.«La chanson traditionnelle du Détroit », Bulletin Mnémo, Vol. 5, no 3, hiver 2001, p. 3-5, et Vol. 5, no 4, printemps 2001, p. 5-6.

Disques compactsVieilles Chansons du Détroit / Old French Songs of the Detroit River Region (DisquesPetite Côte Records) : – Volume I, Les filles de Sandwich (PC002, 1992, 1998) ; –Volume II, Adieu donc Belle-Rivière (PC001, 1995) ; – Volume III, À la table de mesamis (PC003, 2000).

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recueillis par JOSEPH-MÉDARD CARRIÈRE

présentés par MARCEL BÉNÉTEAU

et DONALD DESCHÊNES

CONTES TRADITIONNELSCOLLECTION AGORA

Prise de paroleSudbury, 2005

Contes duDétroit

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives CanadaContes du Détroit / recueillis par Joseph-Médard Carrière; présentés par Marcel Bénéteau et Donald Deschênes.

ISBN 2-89423-167-9

1. Canadiens français — Ontario — Windsor, Région de — Folklore. 2. Canadiens français — Ontario (Sud-Ouest) — Folklore. 3. Contes — Ontario — Windsor, Région de. 4. Contes — Ontario (Sud-Ouest) I. Carrière, Joseph-Médard, 1902- II. Bénéteau, Marcel, 1951- III. Deschênes, Donald, 1952-

GR113.5.W56C66 2005 398.2’09713’32 C2005-904148-X

En distribution au Québec: Diffusion Prologue • 1650, boul. Lionel-Bertrand Boisbriand (QC) J7H 1N7 • 450-434-0306

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de pa role appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contem poraine.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (Programme d’appui aux langues officielles et Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

Couverture et mise en pages : Olivier LasserPhotographie, page 17: Henrietta Hight

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

Imprimé au Canada.Copyright © Ottawa, 2005

Éditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2http://pdp.recf.ca

ISBN 2-89423-167-9ISBN 978-2-89423-406-8 (Numérique)

Prise deparole

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À la mémoire d’Eugénie Côté-Carrière, 1906-2004.

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REMERCIEMENTS

Ce projet n’aurait pu se réaliser sans la coopération de plusieurspersonnes, entre autres Ray Brassieur de l’Université de la Louisianeà Lafayette, Joseph Dénommé de l’Université de Virginie et PatrickQuinn, archiviste de l’Université Northwestern de Chicago.

Je tiens à exprimer la plus grande reconnaissance à madameEugénie Côté-Carrière, épouse de Joseph-Médard, qui accordaavec grand plaisir la permission de publier les contes ; sa générositéet son enthousiasme ont donné la bénédiction au projet dès soncommencement. Je suis redevable aussi à leur fille, Henrietta Hight,toujours prête à prêter son assistance et son encouragement pourmener le projet à terme. Je tiens à reconnaître la coopération de laDivision des archives de l’Université Laval, Archives de folklore,qui a facilité mon accès au Fonds Joseph-Médard-Carrière (F246),ainsi que la collaboration du Centre de recherche en civilisationcanadienne-française. Enfin, une reconnaissance particulière estdue à Jean-Pierre Pichette, titulaire de la Chaire de recherche duCanada en oralité des francophonies minoritaires d’Amérique(COFRAM) et directeur du Centre acadien, qui a été le premierà nous mettre sur la piste de ce trésor et qui, par sa rigoureuse ana-lyse des contes, a assuré la valeur de cette publication comme outilde recherche pour la communauté scientifique.

MARCEL BÉNÉTEAUDépartement de folklore et ethnologie en Amérique française,

Université de Sudbury

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JOSEPH-MÉDARD CARRIÈREET LES CONTES PERDUS DU DÉTROIT

L a collection de contes que vous tenez présentement entre lesmains représente la seule attestation d’une des composantes

majeures de l’expression culturelle des Français du Détroit. Latradition orale de cette région, qui perdure depuis plus de troissiècles, est peu documentée et est aujourd’hui menacée de touscôtés ; malgré son importance historique et son caractère unique,très peu de chercheurs lui ont porté attention. Les œuvres savantesou populaires basées sur cette tradition et visant un grand publicse sont avérées tout aussi rares ; mis à part l’échantillon du ré-pertoire traditionnel présenté dans une trilogie de disques audio-numériques1, il faut remonter au XIXe siècle pour trouver un ou-vrage consacré à la tradition orale de cette communauté historique :Marie Caroline Watson Hamlin, écrivant en anglais pour unpublic américain, publiait alors un livre intitulé Legends of leDétroit, traitement littéraire de 31 légendes tirées de la traditionorale des francophones des deux bords de la rivière Détroit2.

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1. Marcel Bénéteau, Vieilles Chansons du Détroit; Vol. I, Les Filles de Sandwich,Essex County Historical Society, 1992 ; réédition en 1998 par Disques PetiteCôte Records ; Vol. II, Adieu donc, Belle Rivière (1995), et Vol. III, À la table demes amis (2000), Disques Petite Côte Records

2. Marie Caroline Watson Hamlin, Legends of le Détroit, Détroit, ThorndikeNourse, 1884 ; Le Détroit des légendes, traduction française de Richard Ramsay,Société historique du Nouvel-Ontario, documents 88-89, Sudbury, 1991 ;

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Bien que ces œuvres ne représentent qu’une fraction de l’ancienrépertoire — et ce sous forme modifiée d’après les sensibilitésartistiques de leurs diffuseurs —, au moins elles attestent que leschansons et les légendes ne sont pas complètement effacées dudiscours francophone du Détroit. Mais sur les contes tradition-nels, ces récits fictifs et imagés, peuplés de rois et de princesses, degéants et de bêtes à sept têtes, d’animaux magiques et de hérosindomptables, guère un mot ne nous est parvenu3. Pourtant lesfrancophones du Détroit, comme ceux de partout ailleurs, auraientdû en connaître. Au cours de mes enquêtes sur la chanson, je nemanquais jamais de demander à mes informateurs s’ils ne se sou-venaient pas aussi de quelques contes. Mais à part quelques bribeset une ou deux versions plus ou moins cohérentes, ma requête n’apas porté fruits : ce genre semble bel et bien éteint dans notrerégion depuis déjà quelques générations. Les formes multiples dedivertissement de l’ère moderne, la dépendance à la communi-cation écrite, la présence incontournable de la culture anglo-américaine avec son insistance sur la forme «disneyenne» descontes traditionnels, tous ces facteurs ont contribué à la perte dece volet important du patrimoine oral du Sud-Ouest ontarien. Ilfaudrait pouvoir retourner dans le passé pour trouver les derniersadeptes de cet art populaire ; à vrai dire, il aurait fallu que quel-qu’un y prenne intérêt il y a déjà plusieurs générations.

Mais, de toute évidence, voilà ce qui est arrivé, à l’insu d’à peuprès tout le monde. Joseph-Médard Carrière, le grand pionnier

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publié aussi sous le titre Du Crapaud à cheval au Nain rouge, Sainte-Foy, LesÉditions de la huit, 2000. Voir aussi Michel Gaulin, «Créance populaire etnostalgie du passé : Le Détroit des légendes de Marie Caroline Watson Hamlin(1884)», dans Marcel Bénéteau (dir.), Le Passage du Détroit : 300 ans de présencefrancophone/Passages : Three Centuries of Francophone Presence at le Détroit,Windsor, Humanities Research Group, Université de Windsor, 2003, p. 29-36.

3. Il faut noter ici une version de «La Fuite magique», recueillie vers 1975 à Pointe-aux-Roches, au cours d’une étude linguistique menée par Vincent Almazan. Latranscription inédite est déposée au Trésor de la langue française au Québec àl’Université Laval.

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des recherches folkloriques françaises aux États-Unis, a fait un brefséjour dans le Sud-Ouest ontarien en 1938. Il y recueillit vingt-sixcontes qu’il ne publia jamais. Il déposa sa collection aux Archivesde folklore de l’Université Laval4, où elle est demeurée enfouiependant plusieurs décennies. Luc Lacourcière signale son exis-tence dans la préface du premier volume de la série Les vieux m’ontconté, de Germain Lemieux, grand folkloriste de l’Ontariofrançais5. Ce n’est qu’avec la publication du Répertoire ethnolo-gique de l’Ontario français6 que les coordonnées de la collectionsont devenues accessibles et que la possibilité de diffuser les contess’est présentée. Le présent recueil nous livre un trésor inespéré : unbrillant échantillon — et le seul susceptible de paraître — d’unpatrimoine à jamais oublié. Il est impossible d’exagérer l’impor-tance de cette publication, qui nous enrichit de plusieurs façons.Du point de vue ethnologique, l’arrivée d’une collection majeure,recueillie sur le plus ancien territoire de l’Ontario français, ne peutqu’apporter de nouvelles connaissances aux chercheurs et auxexperts du conte traditionnel7. Pour la communauté francophonedu Détroit, qui trop longtemps s’est laissé convaincre que laculture était quelque chose qui venait forcément de l’extérieur, laredécouverte de ce volet essentiel ne peut que faire augmenter lavaleur d’une culture régionale. Enfin, la publication de cettecollection fait valoir, dans son pays natal cette fois-ci, une autreréalisation importante de Joseph-Médard Carrière, ce Franco-Ontarien considéré parmi les grands chroniqueurs de la culturefrançaise en Amérique du Nord.

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4. Fonds Joseph-Médard-Carrière (F246), Division des archives de l’UniversitéLaval, Archives de folklore.

5. Germain Lemieux, Les vieux m’ont conté, Tome I, Montréal, Les ÉditionsBellarmin, 1973, p. 11.

6. Jean-Pierre Pichette, Répertoire ethnologique de l’Ontario français. Guidebibliographique et inventaire archivistique du folklore franco-ontarien, Ottawa,Presses de l’Université d’Ottawa, 1992.

7. Jean-Pierre Pichette en suggère les riches possibilités dans ses commentaires à lapage 293.

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Il importe donc de situer les contes dans leur contexte, ce quenous faisons en présentant la communauté francophone duDétroit, le chercheur Joseph-Médard Carrière, ses sources et saméthode de travail. Les contes nous sont parvenus sous formed’un manuscrit dactylographié en orthographe phonétique, quireproduit de façon fort intéressante la prononciation du françaisrégional. Pour des raisons qui seront discutées plus tard, nousavons décidé de transcrire les contes en orthographe normalisée.Cette tâche ardue incomba à Donald Deschênes, qui a œuvrépendant plusieurs mois à rendre accessible le discours des con-teurs sans perdre la saveur orale de leurs récits. Pour chaqueconte, Donald effectuait d’abord une première ébauche, quenous discutions ensemble avant qu’elle lui soit renvoyée pour enfixer la version finale. Notre méthodologie et la justification denos choix seront exposées dans la section «La langue des contes »à la fin de cette introduction8.

Pendant ce temps, je me suis occupé de la recherche sur lessources des contes et de l’analyse linguistique de leur langue ; j’aiaussi contacté d’anciens collègues de Joseph-Médard Carrièreainsi que des membres de sa famille en vue de reconstruire lesdétails de son enquête. Enfin, nous avons demandé à l’ethnologueJean-Pierre Pichette de nous faire part de son expertise en nousfournissant une analyse des contes, afin que la collection puisseêtre utile autant à la communauté scientifique qu’aux lecteurs quila liront simplement pour le plaisir de découvrir le monde mer-veilleux qu’elle renferme.

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8. Donald Deschênes arrivait bien préparé pour cette tâche, ayant déjà transcrit etprésenté trois collections de contes et de légendes de l’Ontario français : Légendesde chez-nous. Récits fantastiques de l’Ontario français, Donald Deschênes et MichelCourchesne, Sudbury, Centre franco-ontarien de ressources en alphabétisation,1996, 71 pages ; Les Voleurs de poules, et Autres Contes à rire de l’Ontario français,Donald Deschênes, Sudbury, Éditions Prise de parole, 1997, 100 pages ; LesContes d’Émile et une nuit, Émile Maheu et Donald Deschênes, Sudbury,Éditions Prise de parole, 2000, 312 pages.

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LES FRANÇAIS DU DÉTROIT : L’ANCIEN ET LE NOUVEL-ONTARIO

Avant de résumer l’œuvre de Joseph-Médard Carrière et desouligner son importance pour l’héritage français en Amérique duNord, il convient de brosser le portrait de la communautéfrancophone du Sud-Ouest de l’Ontario, ce petit îlot qui a attirél’attention du chercheur. La présence française au Détroit du lacÉrié date de la fondation de la colonie par Antoine Laumet, sieurde Lamothe Cadillac en 1701. Cadillac avait une vision gran-diose : sa petite colonie, qui affirmerait une présence française en-gagée et permanente au cœur des Pays d’en haut, devait servir depoint de rassemblement pour toutes les nations autochtones alliéesaux Français ; de cette façon, les Français pourraient contrôler latraite des fourrures dans les riches territoires de l’intérieur et enmême temps bloquer les visées expansionnistes des Anglais et deleurs alliés iroquois. Cadillac envisageait beaucoup plus qu’un fortmilitaire et un poste de traite : il fit venir des familles de colons,des artisans et des marchands pour faire du Détroit une véritablecolonie qui devait suffire à ses propres besoins et même appro-visionner tous les postes français de l’intérieur.

Mais la vision de Cadillac s’avéra trop ambitieuse et il dut lui-même abandonner sa colonie en 1710. Dans les décennies quisuivirent, la population s’accrut lentement, la traite des fourruresdemeurant l’activité principale autour du fort. Le Détroit prit del’importance comme chef-lieu de toute une aire d’influence poli-tique et économique française à l’intérieur du continent nord-américain. Les anciens peuplements français en Ohio, aux Illinois,en Indiana et même au Missouri, qui fascineraient plus tardJoseph-Médard Carrière, avaient à leurs débuts de forts liensculturels et économiques avec le Détroit.

En 1749, les premières terres furent accordées sur la rive sud duDétroit, c’est-à-dire sur ce qui est aujourd’hui la rive canadiennede la rivière Détroit. C’est à la Petite Côte (aujourd’hui LaSalle)que prend racine le premier peuplement européen permanent enterritoire ontarien. Lorsque Détroit passe aux Anglais en 1760, unesoixantaine de familles habitent la rive sud. Quand la rive nord

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passe aux Américains en 1796, on peut toujours dire que la rivièredu Détroit est une rivière française depuis les bords du lac Sainte-Claire à l’embouchure du lac Érié. Sur la rive nord, le fait françaisse fondra bientôt dans le grand creuset américain, mais sur la rivesud, la langue et la culture survivront jusqu’à nos jours. On trouveles descendants des premiers colons de la Côte du Détroit surtoutà Windsor et dans les communautés à l’ouest et au sud de la ville :LaSalle, Rivière-aux-Canards et McGregor.

Mais, dès la fin du XVIIIe siècle, le sud et l’intérieur de la pénin-sule du Sud-Ouest accueillent de nombreux colons anglophones :Loyalistes d’abord, puis de nouveaux colons des Îles britanniques.Les Français se trouvent rapidement minoritaires et marginaliséset attendent sans doute le même sort que leurs cousins américains.Mais au cours des années 1840 à 1850, lors d’une crise écono-mique au Bas-Canada, une deuxième vague d’immigration fran-çaise vient augmenter la population originale à la Côte du Détroit.Ces nouveaux arrivés s’établissent à la Côte du lac Sainte-Claire,fondant villages et paroisses à Tecumseh, Belle-Rivière, Pointe-aux-Roches, Saint-Joachim, Tilbury, Pain Court et Grande Pointe.Ce mouvement de population se poursuit jusqu’au début duXXe siècle. Les colons viennent y vivre la vocation agricole queles conditions économiques au Québec les empêchent de pour-suivre. Apportant avec eux l’idéologie canadienne-française qui aévolué dans la vallée du Saint-Laurent tout au cours du XIXe siècle,ils sont très différents de leurs confrères à la Côte du Détroit.

Sauf à Windsor et à Tecumseh, établissements qui servent dezone tampon entre les deux Côtes, il y a peu de contacts initiauxentre les deux groupes francophones. Chacun garde pendantlongtemps ses particularités linguistiques et culturelles. Bien queles différences diminuent au cours du XXe siècle, alors que lesdeux groupes feront parfois cause commune pour revendiquerleurs droits, on note toujours des différences dans le parler popu-laire de l’un et l’autre, différences qui auraient encore été trèsmarquées à l’époque où Carrière recueillit ses contes. En fait,Carrière arrive dans un environnement tout à fait particulierparmi les francophonies de l’Amérique du Nord : un territoire

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qui, longtemps avant d’accueillir les mouvements colonisateurs duXIXe siècle, avait été la plaque tournante entre les Pays d’en hautet la vallée du Saint-Laurent ; un territoire où sont juxtaposés, surun espace relativement restreint, l’Ancien et le Nouvel-Ontario.

JOSEPH-MÉDARD CARRIÈRE :ENQUÊTEUR DES TERRAINS PERDUS

Si nous connaissons quoi que ce soit sur la langue et la culture desanciens peuplements français à l’intérieur du continent nord-américain — des endroits comme Vincennes, en Indiana, Prairie-du-Rocher en Illinois, Vieilles-Mines au Missouri — c’est en trèsgrande mesure grâce aux travaux d’un seul homme, Joseph-Médard Carrière. Franco-Ontarien de naissance, ce chercheurengagé a passé sa vie professionnelle aux États-Unis et consacréune grande partie de ses travaux à documenter les vestiges de lalangue et de la culture de petites communautés isolées de l’in-térieur, où survivaient les derniers vestiges de l’empire français enAmérique du Nord.

Il n’existe aucune biographie formelle de Carrière, mais lesgrands moments de sa vie sont relatés dans diverses sources. Néà Curran, dans l’Est ontarien, en 1902, il est décédé le 1er dé-cembre 1970 à Charlottesville, en Virginie, où il était professeurde français depuis 1942. Si nous en connaissons peu sur les pre-mières années de sa vie, nous savons qu’il se distingua à compterdes années 20 par une décennie d’études extraordinaires : bacca-lauréat ès arts de l’Université Laval à Québec en 1921, maîtrisede l’Université Marquette à Milwaukee en 1925, puis deHarvard à Cambridge en 1926. De cette dernière institution, ilreçut le Sheldon Travelling Fellowship de 1929-1930, ce qui luipermit de passer un an à Paris, où il séjourna à la Sorbonne, àl’École des Chartes et à l’École pratique des Hautes Études avantd’obtenir un doctorat en philologie romane de Harvard en1932. Il enseigna d’abord comme chargé de cours à l’UniversitéNorthwestern, où il devint professeur adjoint en 1936, puis pro-fesseur agrégé en 1939. En 1942, il accepta le poste de professeur

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de langues romanes à l’Université de Virginie, où il demeura jus-qu’à la fin de ses jours. En 1938, Carrière fut élu officierde l’Académie française en reconnaissance de ses publications surle folklore du Missouri, et en 1949, chevalier de la Légiond’honneur pour son travail relatif à la diffusion de l’appréciationde la littérature française en Amérique. De plus, il reçut del’Université Laval, en 1947, un doctorat honorifique en folklore,le premier accordé par cette institution.

La liste sommaire de ses études et distinctions nous dit peu surl’homme que ses collègues ont décrit comme étant « simple, direct,sans ruse ou malice. C’était un homme de convictions fermes [...]démontrant toujours une douce tolérance pour les opinions desautres tout en défendant vigoureusement les siennes... Il éprouvaitde forts sentiments envers la justice sociale, avec une attentionparticulière pour les minorités et les opprimés, peut-être en partiedue à sa propre expérience comme membre d’une minorité dansson pays natal9. » Le professeur Carrière était aussi un homme defamille. En1932, il épousa Eugénie Côté, comme lui de Curran,et de qui il eut trois enfants : Louise, Noël et Henrietta.

Carrière a laissé une copieuse bibliographie de publicationssavantes dans le domaine des langues et littératures romanes, maisce sont ses travaux auprès des francophones du Centre-Ouestaméricain qui nous intéressent surtout ici, et pour lesquels il est lemieux connu aujourd’hui. En 1934 et encore en 1935, il passal’été chez les Franco-Américains de Vieilles-Mines, de Potosi et deRacola, au Missouri. Il enregistra, sur cylindres de cire, environ 80chansons folkloriques et prit en dictée 73 contes traditionnels. Lacollection de contes parut en 1937 sous le titre Tales from theFrench Folklore of Missouri10 ; le livre demeure un des jalons

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19. Gaston Moffati, Robert T. Dénommé et Bryant C. Freeman, « Joseph-MédardCarrière 1902-1970», document dactylographié déposé au Centre de rechercheen civilisation canadienne-française, Université d’Ottawa, AUL P178/C5/2,21.Traduction de l’éditeur.

10. Tales from the French Folklore of Missouri, Evanston, Northwestern UniversityPress, 1937 ; réimpresion chez AMS Press, New York, 1970, 354 pages.

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Extrait de la publication

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recueillis par Joseph-Médard carrière

présentés par Marcel Bénéteau et donald deschênes

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Contes du Détroit présente une collection unique de vingt-cinq contes traditionnels recueillis par Joseph-Médard Carrière, en 1938, dans la région de Windsor, Ontario.

Cette collection, une des réalisations importantes de Joseph-Médard Carrière, ce Franco-Ontarien classé parmi les grands chroniqueurs de la culture française en Amérique du Nord, est pourtant la seule qu’il ait recueillie dans son pays natal. L’ouvrage livre un trésor inespéré : un brillant échantillon — et le seul susceptible de voir le jour — d’un patrimoine issu du plus ancien territoire de l’Ontario français. Pour la com munauté francophone du Détroit, qui trop longtemps s’est laissé convaincre que la culture venait forcément de l’exté rieur, la publication de ces contes traditionnels ne peut qu’ancrer la culture dans le terreau régional et la revaloriser.

Joseph-Médard Carrière (1902-1970) est le grand pionnier des recherches folkloriques françaises aux États-Unis. Il a consacré une grande partie de ses travaux à documenter les vestiges de la langue et de la culture de petites communautés françaises en Amérique, plus particulièrement du Centre-Ouest (dont le Missouri, l’Illinois et l’Indiana).

Marcel Bénéteau, folkloriste et musicien, poursuit ses recherches auprès de la communauté canadienne-française du Détroit. Depuis 1998, il a catalogué plus de 2000 versions des chansons traditionnelles françaises de la région.

Donald Deschênes œuvre depuis de nombreuses années dans les domaines du développement culturel et communautaire. Il a publié, seul ou avec d’autres, des recueils de chansons tradi-tion nelles et de contes.

Extrait de la publication