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Du même auteur

FICTIONS ET RÉCITS

Personnes et personnages, La Différence, 1979Jardins et rues des capitales, La Différence, 1980Esther, La Différence, 1982L’Extrémité du monde, Denoël, 1985, « Motifs », 2007L’Or et la Poussière, Gallimard, 1986Babel des mers, Gallimard, 1987La Sentinelle du rêve, Michel de Maule, 1988, Seuil

« Points », 1997L’Étoile rubis, Julliard, 1990Le Diable est un pur hasard, Mercure de France, 1992L’Accompagnement, Gallimard, 1994, « Folio », 1996Aimer, Gallimard, 1996, « Folio », 1998Consolation provisoire, Gallimard, 1998L’Éloignement, Gallimard, 2000Fiction douce, Seuil, 2002Une fin, Seuil, 2004Le Mot amour, Gallimard, 2005L’Hôte invisible, Gallimard, 2007

ESSAIS

Violette Leduc, éloge de la bâtarde, Stock, 1994Laure et Justine, Lattès, 1996Mille ans de littérature japonaise (en collaboration avec

Ryôji Nakamura), La Différence, 1982, Picquier 1998Sur Pier Paolo Pasolini, Le Scorff, 1998, édition aug-

mentée Le Rocher, 2005Sibilla Aleramo, Le Rocher, 2004 (précédemment paru

sous le titre : Nuit en pays étranger, Julliard, 1992)Pasolini, Gallimard, Folio biographies, 2005Maria Callas, Gallimard, Folio biographies, 2009Alberto Moravia, Flammarion, 2010

(Suite en fin de volume)

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René de Ceccatty

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récit

Flammarion

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- Flammarion - Noir souci - 135 x 210 - 24/3/2011 - 18 : 3 - page 6

© Flammarion, 2011.ISBN : 978-2-0812-6661-2

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Derrière un cavalier le noir souci prend place.

Horace

L’amitié-passion, voilà le remède que vous cherchez.

Paul Verlaine

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CHAPITRE 1

Leurs deux sœurs se prénommaient Paolina.Quelle confusion s’annonçait ! Et je peux imaginerque lorsque, mourant, Giacomo entendit Antoniomurmurer le nom de Paolina à son oreille, un chaosde souvenirs surgit dans son esprit nébuleux.

Les prénoms ont été, pour le petit groupe familialorganisé autour du couple de Giacomo Leopardi etd’Antonio Ranieri, la source d’une sorte de désordredes sentiments. Ce ne fut pas la seule cause de l’anar-chie des affects qui m’a intéressé dès que j’ai lul’œuvre de Leopardi et que j’ai voulu comprendre savie. Comprendre est beaucoup dire.

Paolina Ranieri était près de son frère, Antonio,quand Giacomo, devant eux, agonisait. C’était àNaples, au début de l’été 1837. Le choléra, qui s’étaitdéclaré en juillet 1835 à Livourne et avait peu à peugagné Naples, après avoir sévi en Toscane, était entrain de dévaster la ville. Il y avait eu une premièrevague, d’octobre 1836 à mars 1837. Puis une recru-descence d’avril à octobre 1837. L’épidémie fit quatrepour cent de victimes sur une population de trois

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cent soixante mille habitants : c’est-à-dire près dequinze mille morts, pour la plupart dans les quartierspopulaires évidemment. Les navires suspects étaienttenus en quarantaine au loin dans la rade, maiscertains marins rejoignaient secrètement le port à lanage, aggravant la situation. Tous les malades nemouraient pas : on administrait des graines d’ipéca(pour faire vomir et tousser), de la camomille, de lamenthe, de l’acétate d’ammonium. On se nettoyaitles mains avec de l’esprit camphré. Pas toujours avecsuccès, selon Antonio Ranieri.

Dès que Giacomo fut mort, la première idée deson ami Antonio fut de le faire échapper à la fossecommune où étaient entassés les cadavres, à l’écartde la population vivante. Il le fit enterrer dans l’égliseSan Vitale, au-delà de la grotte de Pozzuoli. Non loinde la tombe de Virgile. Sa deuxième idée fut d’in-former la famille de Giacomo que le poète n’était pastombé victime de l’épidémie, mais qu’il avait, selonles médecins, succombé à un hydropéricarde (pré-sence d’un liquide séreux autour du muscle du cœur,œdème généralisé). Il eut ensuite de nombreusesautres idées grâce auxquelles le mythe de Leopardigagna en ampleur en Italie et en Europe. Cinquanteans plus tard, la statue était bien solide sur son socle.Les œuvres complètes de l’écrivain mort à trente-neufans étaient publiées grâce à Antonio. Chacun pouvaitévaluer le génie.

Paolina Leopardi, en revanche, était loin du coupleformé par son frère et par Antonio. Elle était restéedans le palais familial de Recanati, ville de la province

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des Marches, à l’est de l’Ombrie, à proximité del’Adriatique, sous l’autorité pontificale. Quand lanouvelle parvint à son père, officiellement par unelettre d’Antonio, la rumeur avait déjà fait son chemin.Et dans les campagnes autour de la demeure, onsavait déjà que le jeune comte Leopardi était mort àNaples, dans les bras d’Antonio. Elle écrivit aussitôtà sa meilleure amie, la cantatrice Marianna Brighenti.Et, dans un flot de pleurs et de cris de désespoir, elledécrivit la désolation qui s’était abattue chez les Leo-pardi. À Marianna, qui la première, quelques annéesplus tôt, lui avait parlé de l’amitié passionnée soudainnée entre Ranieri et Giacomo, elle avait dit sa terreur.

Terreur de quoi ? Terreur que ce Ranieri fûtl’homme qu’elle avait aimé quelques années aupara-vant et qui l’avait fuie, comme tous les autreshommes. Laide et noiraude, laide comme tous lesmembres de la famille Leopardi, Paolina devaitdevenir une figure de la vieille fille éternelle. Unesorte d’Eugénie Grandet, de Catherine Sloper, l’hé-roïne de Washington Square. En effet, quand la chan-teuse Marianna Brighenti lui annonça que Giacomoavait rencontré un charmant jeune homme, de huitans son cadet, Paolina eut la conviction irrationnelle,impérieuse, inévitable que ce Ranieri était son fiancéinfidèle. Elle se représentait la tragédie : Ranieri réap-paraissant dans la famille Leopardi, non pour seréconcilier avec la sœur, mais pour séduire le frère.Cette image épouvantable de la fatalité amoureuse etfamiliale obscurcit sa raison pendant les quelquesminutes nécessaires à la rédaction d’une lettre

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angoissée que sa correspondante ne comprit pas. Or,Ranieri était le prénom de l’amant fugitif (RanieriRoccetti), disparu dans les oubliettes. Alors que ceRanieri-ci était le patronyme d’Antonio. AntonioRanieri Tinti.

Paolina Leopardi fut, de toute évidence, unevierge. Couronnée d’aubépines, « la fleur des nou-veau-nés », écrira-t-elle à son amie chanteuse. Et nonde lys, la fleur de la jeune mariée. Elle mourut commeelle était née, ainsi que l’on disait en ces années-là.C’est du reste l’expression qu’utilisa Antonio Ranieripour résumer la sexualité de Giacomo. « Il est mortcomme il est né. » « Un ange », etc.

La sexualité : ce sera, avec la laideur, le thème,majeur sans être exprimé, de ce qui concerne la rela-tion entre Antonio Ranieri et Giacomo Leopardi.Non exprimé, parce que la sexualité n’était pas,lorsque se produisirent les événements que nousévoquons, une notion isolée, identifiée, définie. Unmême terme ne réunissait pas l’identité psycholo-gique, les pulsions, l’orientation des désirs. Le désirlui-même n’était pas défini par son objet, mais seu-lement par le trouble qu’il pouvait semer dans l’ordrede la vie quotidienne, dans la raison, dans la famille,dans l’activité sociale. En revanche, les sentiments,quels que fussent leurs objets, étaient abondammentdéfinis et commentés. Antonio Ranieri, en parlantde la virginité de son ami, mort à deux semaines deson trente-neuvième anniversaire, n’en tirait aucuneconclusion sur sa « sexualité ». Son angélisme aug-mentait seulement la « pureté » de sa réputation de

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poète sublime. Aucun attachement inconsidéré,aucun écart de débauche, aucun geste inutile, aucunsoupçon de vulgarité. Son corps n’avait été souillé nipar une femme, ni, à plus forte raison, par unhomme, cela allait de soi.

Giacomo avait écrit plusieurs poèmes d’amour.Mais personne, à ce jour, n’est en mesure de donneraux noms dont il use pour désigner ses « maîtresses »,une chair, une réalité historique. Bien entendu, sesbiographes lui connaissent des engouements senti-mentaux pour des femmes de tous âges, à plusieursépoques de sa vie et dès son adolescence. Mais cecerveau monstrueux a fait un usage immédiat de cesfurtives ou obsessionnelles passions : il en a fait destypes (Silvia, Nerina, Aspasie) qui éloignent laréflexion de leurs modèles réels (Teresa Fattorini, lafille du cocher des Leopardi, morte à vingt et un ans,de phtisie, Maria Belardinelli, une jeune paysanne,morte jeune elle aussi, et Fanny Ronchivecchi Tar-gioni Tozzetti, bourgeoise mariée, intellectuelle, flo-rentine) et brouillent les pistes. On surinterprète leslettres où Leopardi confie son émotion devant telleintellectuelle qui le reçoit avec délicatesse et manifesteune sensibilité à la lecture de ses poèmes (comme laBolonaise Teresa Carniani Malvezzi, qu’il rencontreen 1826 et dont il parle à son frère Carlo, dans unelettre du 30 mai). Certes, l’échange intellectuel créeune illusion d’intimité, mais Leopardi ne présenteprécisément pas la chose autrement que comme uneillusion. Il se réjouit de se redécouvrir « capable d’il-lusions stables, malgré une connaissance et une

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accoutumance opposée, et enracinée ». Et il ne prendcette illusion que comme « une désillusion de la désil-lusion ». Teresa Carniani Malvezzi finit, au bout dequatre mois, par mettre un terme à leurs tête-à-tête,par excès d’ennui.

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CHAPITRE 2

Ses lettres les plus enflammées, qui sont le lien leplus lisible, le plus incontestable entre sa vie et lalittérature, sont adressées à des hommes. Pour la plu-part, des intellectuels, philologues, savants, venus detoute l’Europe et attirés par la singularité géniale dece nain bossu (et puant, selon certains témoignages).Et, différent de tous, Antonio Ranieri, jeune historienet homme politique, qui le rencontre à vingt-deuxans, à Pise, le 29 juin 1828, le jour du trentièmeanniversaire de Leopardi, par l’intermédiaire d’unami commun, le poète napolitain, nationaliste, indé-pendantiste, Alessandro Poerio, qu’ils reverront plustard régulièrement à Naples, et devient, après deuxannées d’hésitation, son compagnon – à partird’octobre 1830 où ils se revoient à Florence, lorsqueRanieri revient de son voyage en France et enAngleterre.

Ils ont huit ans de différence d’âge. Ranieri estparti de Naples à l’automne 1827, dans un état deprofond découragement et de mélancolie qui inquièteses amis napolitains. Il a voyagé avec un ami grec de

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sa génération, Eustachio Simos, puis avec l’avocatCarlo Troya qui pourrait être son père. Ranieri a unepersonnalité contradictoire, conjuguée d’enthou-siasmes et d’abattements : un tempérament que tousses amis ont qualifié de mélancolique. Il a abandonnésuccessivement toutes ses tentatives d’études (méde-cine, droit, grec ancien, histoire). La maladie de samère qu’il ne peut pas aller revoir en 1829, faute depasseport et de droit de retour à Naples, puis sa morten son absence le déprimeront profondément. Il évo-quera dans ses Mémoires, posthumes, Les Nuits d’unermite, sa tentative de suicide, qui se produisit peuavant son voyage en France. Giacomo et Antoniosont tous deux frères aînés de famille nombreuse :Giacomo, aîné de Carlo, Paolina, Luigi et Pier Fran-cesco (pour ne citer que ceux qui ont survécu au-delàdu bas âge), et Antonio, lui, aîné d’Enrichetta, Pao-lina, Marianna, Erminia, Giulia, Gegia et de Giu-seppe, Lucio et Goffredo.

De cette amitié passionnée, Giacomo semble nefaire aucun usage philosophique immédiat. S’ilconsacre à l’amitié de très nombreux articles de sesbrouillons réflexifs, qu’il appelle, comme c’était alorsl’usage pour ce genre de notes disparates, son « zibal-done », et s’il parle avec un certain mépris condes-cendant des passions charnelles que s’inspiraient,dans l’Antiquité, les hommes, surtout dans le cadrede l’amour philosophique, de l’éducation, de l’en-traide militaire ou du parrainage politique, il ne luivient jamais à l’idée d’évoquer son ami en ces termes.La nature même de son lien à Antonio Ranieri semble

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échapper à cette forme de réflexion. Ses épan-chements littéraires ne se trouvent que dans seslettres. Comme si la correspondance intime bénéfi-ciait d’un autre statut dans la littérature, dans la phi-losophie et dans la réflexion sur soi et sur les autres.

Le couple que formaient un jeune homme blondet beau, vif et volontiers rieur, politicien actif etséducteur de femmes, et un monstre génial, reclus etsaturnien, frappaient les observateurs. Bien que leslettres adressées par Giacomo à Antonio ne laissentpas planer le moindre doute sur l’attachement obses-sionnel que le poète lui vouait, c’est plutôt Antonioqui paraît être soucieux du bien-être de son ami. C’estlui qui l’entraîne à Naples, sa ville natale, et décidede ne plus jamais le quitter. C’est lui qui ralentit oumodère ses activités intellectuelles, amoureuses etpolitiques pendant les dernières années qui restent àvivre à Giacomo. Après avoir fait souffrir Leopardiqui participait de loin, puis de près, à sa vie senti-mentale très agitée, Ranieri décide de se détournerdes femmes. Giacomo a suivi pendant quelquesannées Antonio, à Rome, ailleurs.

On voyait donc le nain avec Don Juan. De l’ex-trême laideur de Giacomo, il est relativement peuquestion dans les témoignages des autres et dans sestextes autobiographiques. Comme si son génie effa-çait cette réalité et la souffrance qui en était la consé-quence. Dans ses poèmes, Leopardi n’évoque pas,non plus, ni sa bosse, ni sa taille minuscule, ni sonteint olivâtre, ni les grimaces que ses traits déforméset ses souffrances physiques semblent lui imposer

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constamment et qui suscitèrent des lazzi de la partdes enfants du voisinage dans sa jeunesse. Tout auplus, dans une allusion du « Ressouvenir » :

J’ai passé ma jeunesse, ici, abandonnéCaché, sans nul amour et sans la moindre vie,Endurci par l’excès de regards malveillants.

Enfant prodige qui, dès l’âge de dix ans, dialoguait,sous l’égide de son père Monaldo, avec les savants del’Europe entière (Suède, Angleterre, France, Suisse,Allemagne) et écrivait indifféremment en latin, engrec, en français et en italien, il semblait avoirconservé sa taille d’enfant, par fidélité à sa précocité.

Y a-t-il une force d’attraction émanée de l’intelli-gence aussi irrésistible que celle que suscite la beauté ?L’attrait pour l’intelligence, auquel Antonio Ranieriaurait donc cédé, n’est pas aussi prompt à vouloirêtre suivi de fusion que celui pour la beauté. Il exiged’emprunter un autre chemin, plus lent, moins fra-gile aussi. Les moyens qu’il a de se satisfaire sontautres, mais non moins impérieux. L’appel est asseztyrannique pour que Ranieri renonce provisoirementà sa vie. Il oublie les femmes et emmène donc Gia-como à Naples, où il va mourir. Après la mort deson ami, sa vie (encore longue) n’a plus d’autre sensque de faire grandir la renommée de Leopardi.

Le livre tardif que Ranieri consacre aux sept annéesque dura leur vie commune éveille suspicion et mêmeironie chez les admirateurs de Leopardi. Je ne partagepas ce point de vue qui se veut empreint de rigueurhistorique et de sévérité littéraire. On reproche à

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