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Extrait de la publication

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Normand Cazelais

Né à Montréal, Normand Cazelais est géographe de formation. Il s’est consacré à l’aménagement du terri-toire, à la toponymie, au journalisme et à l’enseignement tout en voyageant beaucoup. Il est l’auteur d’une ving-taine de livres, dont Vivre l’hiver au Québec (Fides, 2009) avec lequel il a remporté, en 2010, au Salon du livre de Montréal, le prix Marcel-Couture. Chez XYZ, il a publié deux romans, Ring et L’haleine de la mer, ainsi que deux recueils de ses chroniques touristiques parues dans Le Devoir de 1991 à 1993, Étrangers d’ici et d’ailleurs. Il anime présentement des émissions à Radio Ville-Marie et pré-pare d’autres livres.



La collectionLes grandes figures

est dirigée parClaudie Vanasse

Le comité éditorial est composé de

Pierre Angrignon,professeur à la retraite, collège de Valleyfield,

diplôme d’études supérieures en histoire, Université de Montréal

Josée Bonneville,Directrice littéraire chez XYZ éditeur

Maîtrise en littérature comparée, Université de Paris III

Claudie Vanasse,docteure en histoire,

Université de Montréalet Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives CanadaCazelais, Normand

Robert de Roquebrune : l’art de la fabulation

(Les grandes figures ; 55)Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-89261-580-7

1. Roquebrune, Robert de, 1889-1978. 2. Écrivains québécois — 20e siècle — Biographies. I. Titre. II. Collection : Grandes figures ; 55.

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Les Éditions XYZ bénéficient du soutien financier des institutions suivantes pour leurs activités d’édition :– Conseil des Arts du Canada ;– Gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ;– Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) ;– Gouvernement du Québec par l’entremise du programme de crédit d’impôt pour

l’édition de livres.

Conception typographique et montage : Édiscript enr.Maquette de la couverture : Zirval DesignIllustration de la couverture : Portrait de Robert de Roquebrune — Fusain de J.-Arthur Lemay, 1931, tiré de Mille têtes, ouvrage gravé et imprimé à Paris aux Ateliers de l’héliographie d’art

Copyright © 2011, Normand CazelaisCopyright © 2011, Les Éditions XYZ inc.

ISBN version imprimée : 978-2-89261-580-7ISBN version numérique (PDF) : 978-2-89261-670-5

Dépôt légal : 4e trimestre 2011Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives Canada

Diffusion/distribution au Canada : Diffusion/distribution en Europe :Distribution HMH Librairie du Québec/DNM1815, avenue De Lorimier 30, rue Gay-LussacMontréal (Québec) H2K 3W6 75005 Paris, FRANCEwww.distributionhmh.com www.librairieduquebec.fr

Imprimé au Canada

www.editionsxyz.com



Normand Cazelais

Robert de RoquebruneL’art de la fabulation

éditeur



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Avant-propos

Pourquoi Robert de Roquebrune ?Pourquoi consacrer un titre de la collection « Les

grandes figures » à un écrivain aujourd’hui presque disparu du firmament des lettres québécoises — « canadiennes- françaises » eût-il préféré préciser ? Qui se souvient de lui ?

Pour réparer une forme d’injustice, d’ingratitude ? C’était, en partie, ce qui animait ma démarche au départ. De mes années de collège, j’avais gardé en tête quelques lectures agréables, l’image d’un homme aux cheveux blancs, au port altier, aux yeux fixés vers un lointain qui semblait ne pas appartenir à ce monde. Et ce nom à par-ticule, tout de même inhabituel : de Roquebrune.

Des titres évocateurs, Les Habits rouges, Testament de mon enfance, Contes du soir et de la nuit, avaient survécu dans ma mémoire. Depuis longtemps, je ne l’avais plus fréquenté sans toutefois l’avoir complètement oublié. Parfois, mon regard croisait son nom sur les rayons de ma bibliothèque, sans plus.

Je ne me doutais pas que cette entreprise me réser-verait des surprises de taille. Être biographe, c’est faire un travail de limier, retracer le parcours à la fois phy-sique et mental d’une personne ; c’est vérifier et recou-per des faits, ordonner le tout afin qu’en émerge un



Robert de Roquebrune

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portrait conforme à une réalité qui a souvent plusieurs visages.

Avec Roquebrune, j’ai vite appris qu’il fallait faire le partage entre la réalité et la fabulation. Écrire la vie d’un tel homme m’avait paru à première vue une tâche peu exigeante, grâce surtout aux nombreuses pages qu’il nous a laissées sur une bonne partie de sa longue existence… Sauf que ses mémoires offrent souvent des fausses pistes où il n’est pas toujours aisé de se retrouver.

La majorité des gens qui ont vécu à son époque et qui auraient pu témoigner de ses intentions, motifs ou activi-tés sont décédés ; ne restent que des parents plus jeunes, observateurs plus ou moins lointains de son itinéraire. Si Roquebrune a produit beaucoup d’articles pour une grande variété de journaux et de revues, les documents écrits ou photographiques pouvant attester la véracité de ses affirmations et assertions concernant son lignage, ses années de jeunesse ou sa formation académique sont assez limités ; de même est-il malaisé de le suivre de près dans les emplois qu’il a occupés à Paris, occupations qui ont contribué à conférer un indéniable prestige à sa per-sonne. Si le fonds documentaire qui porte son nom se révèle assez imposant, il n’est guère utile pour alimenter une opinion objective sur sa personne ni pour donner une idée précise de sa carrière d’archiviste.

La meilleure source en ce domaine demeure les tra-vaux de Jean-Guy Hudon, qui a enseigné la littérature à l’Université du Québec à Chicoutimi, notamment sa thèse de doctorat et différents textes qu’il a rédigés sur Roquebrune. J’en profite d’ailleurs pour le remercier vivement de la collaboration qu’il m’a apportée dans la



L’art de la fabulation

préparation de cet ouvrage qui, compte tenu de la nature même de la collection « Les grandes figures », ne saurait être davantage qu’une honnête exploration de la vie et de l’œuvre de Robert de Roquebrune. Une biographie défi-nitive, qui ferait autorité, reste donc à écrire.

Pour satisfaire aux exigences de la collection et en même temps éviter des raccourcis risqués, j’ai eu recours à la formule du dialogue. Elle permet de souli-gner par voie indirecte les multiples interrogations que le parcours de Roquebrune ne manque pas de soulever et permet également d’éviter au texte de trop lourdes et fréquentes citations.

Une dernière remarque liée au patronyme de l’écri-vain. Selon les personnes et les siècles, les auteurs et les circonstances, on trouve plusieurs graphies : La Roque, LaRoque, La Rocque, Laroque, Larocque. Roquebrune lui-même n’a pas toujours utilisé la même. Quand il s’agit d’ancêtres ou d’autres personnes que Roquebrune, il convient de garder la graphie des documents consultés. Pour l’homme qui fait l’objet de ce livre, je crois que le mieux est d’utiliser la graphie utilisée dans le document officiel qu’est son passeport de 1974, à savoir Laroque.

Enfin, mes remerciements les plus sincères vont aux Éditions XYZ, à sa directrice littéraire Josée Bonneville et à la directrice de la collection Claudie Vanasse, à ma conjointe Diane Dubois et à tous ceux et celles qui m’ont aidé dans mes travaux.



Copie du passeport de Joseph Robert Hertel Laroque de Roquebrune, 19 septembre 1974.

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INTRODUCTION

Une vie à raconter

— Allô ! Gaston ?— Oui, bonjour. Ah ! c’est toi, Louis.— Oui. Tu te rappelles cette conversation voici

quelques mois ? Je t’avais dit qu’une maison d’édition m’avait approché pour un projet…

— Oui, oui ! Je m’en souviens très bien. Alors, où c’en est ?

— Eh bien, j’ai accepté. Je vais rédiger la vie d’un auteur québécois qui a connu une certaine célébrité à un moment donné et qui a plus ou moins sombré dans l’oubli.

— Comment s’appelle-t-il ?— Robert de Roquebrune.— Ça me dit vaguement quelque chose… mais sans

plus. Sa vie a été intéressante ?— Ah, ça oui ! Plus je creuse le sujet, plus je découvre

des perles. Il y en aurait assez pour écrire une brique de quatre cents pages… Je devrai me limiter à l’essentiel.

— Tu es avancé ?— J’ai lu tout ce qu’il a écrit… et il a beaucoup écrit !

J’ai fait également des recherches sur lui, sur son temps.— Bravo ! Quand comptes-tu remettre le manuscrit ?




— D’ici la fin de l’année, j’espère. Mais… auparavant, j’aurai à vaincre quelques problèmes méthodologiques. Et… c’est pourquoi j’aurais besoin de toi.

— De moi ? Mais je ne connais rien aux biographies en général ni à ton Roque… machin en particulier.

— Aucune importance ! J’ai besoin de quelqu’un avec qui parler, échanger. Quelqu’un qui me connaît bien… et dont je connais le bon jugement.

— Tu es trop bon… Je m’embarque dans un drôle de bateau… Quand est-ce qu’on commence ?

— Samedi après-midi, chez moi, ça t’irait ?— Confirmé, dix sur dix.— À samedi, donc.— À samedi.



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CHAPITRE 1

L’art du vrai et du faux

— Merci, Gaston, d’avoir répondu si vite à mon invitation.

— Je t’en prie, Louis, ça me fait toujours plaisir, tu le sais, de te voir. D’autant plus que tu as titillé ma curiosité avec ce projet de biographie.

— Mais, avant toute chose, tu prendras bien un verre de vin ? C’est un côtes-du-rhône, un nectar qui ne devait pas déplaire au sieur de Roquebrune… qui a longtemps fréquenté le sud de la douce France…

— Ah ! Il aimait vivre, cet homme… Il m’est déjà sympathique…

— Attends ! Attends ! Ne t’emballe pas ! Tu verras que le personnage est complexe.

— Hum ! il est bon, ton vin… Mais tu as dit « person-nage ». Pourquoi ?

— Parce que Robert de Roquebrune était vraiment un personnage… un singulier personnage.

— On n’est pas, tout un chacun, plus ou moins un personnage ?

— Exact. Chez certains toutefois, cette dimension est plus accentuée. Tiens ! dans mes recherches, j’ai trouvé une pensée de l’écrivain français André Maurois. Tu le connais ?



Extrait de naissance et de baptême de Joseph Robert Hertel.

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Louis-René Hertel La Roque de Roquebrune (1841-1936),

Father of archivist, Robert La Roque de Roquebrune (1889-1978), vers 1890

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L’art de la fabulation

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— Oui. Il a écrit des romans. Et une Histoire des États-Unis, je pense…

— Bravo ! Ça vaut une autre rasade !— Holà ! Il faudra y aller mollo si tu veux que j’écoute

toute ton histoire.— Tu as raison, prenons le temps de déguster. Alors,

tends l’oreille à Maurois : « Le Personnage est l’homme que les autres imaginent que nous sommes ou avons été. Il peut être multiple. » Je ne te lirai pas tout, mais il écrit que le personnage peut être également celui que nous voulons être par notre comportement, celui que les autres imaginent. Ou encore l’équivalent d’un rôle à jouer dans la vie. En lisant cela, j’ai tout de suite pensé à Roquebrune.

— Explique-moi, je suis tout ouïe.— Commençons par le commencement. Selon Jean-

Guy Hudon, Robert de Roquebrune est né le 29 juillet 1889 — et non le 28 comme il l’a écrit dans Testament de mon enfance — sous le nom de Joseph Robert Hertel, fils de Louis Rémi Hertel La Rocque et de Lylia de Salaberry. En atteste son extrait de naissance et de baptême, comme on disait dans ce temps-là. Le complément « de Roquebrune » est arrivé par la suite, comme il s’en est expliqué lors d’une entrevue à la télé de Radio-Canada, au Sel de la semaine, en 1968.

— Je me souviens. C’était une émission très populaire animée par Fernand Seguin.

— C’est ça. J’ai même retrouvé la date : c’était le 22 avril. Dans l’entrevue, Roquebrune disait que son nom venait de Gascogne, plus précisément du dépar-tement qui s’appelle le Gers aujourd’hui. Le Laroque de




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Roquebrune dont il a affirmé être le descendant serait né dans un château du même nom, un château des xve et xvie siècles qui aurait appartenu à sa famille.

— Eh ben…— Tout est là, Gaston. Sa vie durant, Roquebrune

s’est donné une mission d’envergure : il avait un lignage à établir. Il était né à la campagne, mais il n’appartenait pas à la plèbe, que non ! Il n’était pas non plus du rang des hobereaux, de ces gentilshommes de basse noblesse qui vivaient sur leurs terres. Non, il lui importait de faire savoir à tous et à toutes qu’il était d’un sang très bleu… à défaut de posséder une grande fortune. Pour cela, il ne comptera pas les écrits, les interventions verbales ni même les disputes ; il traitera abondamment de sujets qui auront un rapport, direct ou indirect, avec cette question… tout en choisissant avec soin les médias et les causes pour asseoir sa réputation.

— Un passionné, donc.— À sa façon, certainement. Mais aussi un stratège.

Je reviendrai plus tard sur les circonstances de sa nais-sance et sur sa tendre enfance. Pour le moment, je vais poursuivre la présentation du personnage. Comme je te l’ai dit au téléphone, j’ai fait quelques recherches : la première fois qu’il a ajouté « de Roquebrune » à son patronyme, c’était en 1911 dans des articles envoyés à un hebdomadaire breton, La Mouette, publié à Quiberon. C’était une pratique assez courante à l’époque : bien des artistes — peintres, comédiens, écrivains, drama-turges — recouraient à un nom de plume, de scène.

— À un nom d’emprunt, à un pseudonyme, quoi ! C’est encore très répandu aujourd’hui sur le Net…



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