exemple de dissertation rédigée

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  • 8/20/2019 Exemple de Dissertation Rédigée

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    Exemple de dissertation rédigée

    Sujet : Les textes littéraires et les formes d’argumentation souvent complexes qu’ils

     proposent vous paraissent-ils être un moyen efficace de convaincre et persuader ?

      La littérature se découpe traditionnellement en quatre grands genres : le

    roman, la poésie, le théâtre et la littérature dite « d’idées », l’essai, genre

    essentiellement argumentatif. Or les formes d’argumentation proposées par lalittérature ne se limitent pas aux seuls essais : poésie, théâtre, roman peuvent

    aussi remplir la lourde tâche de chercher à convaincre ou à persuader un lecteur.

    Mais on peut alors se poser la question de l’efficacité de ces formes littéraires

    d’argumentation : sont-elles réellement efficaces pour argumenter ? La complexité

    de certains textes, la diversité des formes littéraires ne sont-elles pas un obstacle

    à la compréhension de la thèse par le lecteur ? Nous verrons que la richesse et la

    spécificité du texte littéraire en font un excellent outil d’argumentation, mais que

    cette efficacité peut cependant être nuancée, et que la spécificité du texte littéraire

    peut s’avérer problématique lorsqu’il s’agit de convaincre et persuader.

      On ne compte plus dans la littérature les auteurs qui utilisent le texte,

    l’écriture comme un moyen de faire passer des opinions, un outil de critique, de

    polémique ou de révolte. Ce fut le cas des philosophes du siècle des Lumières,

    mais aussi de Zola ou Victor Hugo, pour ne citer que les plus célèbres. C’est donc

     bien que la littérature est efficace et remplit sa mission argumentative.

     Tout d’abord, c’est la richesse même du texte littéraire qui permet cette

    efficacité. L’auteur a en effet à sa disposition tout un arsenal de procédés

    d’écriture qu’il va utiliser pour faire passer sa thèse, son opinion, pour convaincre

    ou persuader, selon la stratégie choisie. Ainsi l’ironie, maniée par Voltaire

    notamment mais aussi par les philosophes des Lumières permet-elle de critiquer,

    dénoncer de manière terriblement efficace. La satire de la guerre par Voltaire, quece soit dans l’article « Guerre » du Dictionnaire philosophique, ou dans le chapitre

    III de Candide est un réquisitoire d’une grande efficacité. Le recours à l’image,

    procédé traditionnel et essentiel, est aussi très fréquent : en concrétisant une idée

    abstraite, en l’illustrant par une métaphore ou une comparaison, l’auteur

    accentue l’efficacité de son argumentation. C’est le cas de Montaigne qui utilise la

    métaphore du monde-enfant pour désigner l’Amérique récemment découverte,

    dans le chapitre « Des Coches », extrait des Essais. L’image est plus forte, plus

    frappante et donc plus efficace qu’un raisonnement. Damilaville a lui aussi

    recours à la métaphore filée dans l’article « Paix » de l’Encyclopédie : l’antithèse

    entre maladie et remède, c’est-à-dire entre guerre et paix, vaut par sa force et ses

    connotations une argumentation plus traditionnelle. Outre les procédés, c’est la richesse des formes d’argumentation littéraires qui

    permet aussi cette efficacité. Suivant qu’il cherche à convaincre, à persuader ou

    même à délibérer, suivant l’opinion qu’il souhaite mettre en avant, l’auteur n’a que

    l’embarras du choix : le dialogue théâtral ou philosophique lui permettra de faire

     vivre ses idées, et surtout de les confronter. C’est ce que fait Giraudoux dans sa

    pièce La guerre de Troie n’aura pas lieu, où partisans de la paix et partisans de la

    guerre s’affrontent. Diderot a écrit de nombreux dialogues philosophiques, qui lui

    permettent d’argumenter de manière plus riche. Tel autre auteur qui cherchera à

    être plus didactique et plus narratif préférera le genre de l’apologue, comme la

    Fontaine ou Voltaire. Même le roman ou la poésie, deux genres que l’on associepeu à l’argumentation, peuvent être des formes efficaces : la beauté d’un poème,

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    la vérité d’une intrigue romanesque sont autant d’appuis et d’atouts, le plus

    souvent pour persuader.

      Et c’est là toute la spécificité de l’argumentation littéraire : celle-ci en effet

    utilise très souvent la mise à distance, le détour, souvent celui de la fiction. Ainsi

    le lecteur est convaincu sans même s’en rendre compte, ou presque. C’est toute la

    force d’un genre comme l’apologue, qui permet d’argumenter par la fiction, et par

    le détour. La Fontaine, apparemment, nous parle d’animaux, Montesquieu de

    Persans, Giraudoux de mythologie et de guerre de Troie. Mais il n’en est rien : ilsnous parlent pourtant bien de nous. Mais un détour, une mise à distance est

    souvent bien plus efficace qu’une argumentation directe, surtout lorsqu’il s’agit de

    critiquer l’essence même de la nature humaine, ou tel pouvoir royal, comme le fait

    le célèbre auteur de « La cigale et la fourmi ». Le public enfantin à qui s’adresse

    initialement ces fables montre bien que leur efficacité n’est pas mise en doute : la

    morale passe, grâce à l’histoire puisque comme l’écrit La Fontaine : « Une morale

    nue apporte de l’ennui / Le conte fait passer le précepte avec lui ». Nous sommes

    donc bien là dans la persuasion.

      Ainsi, et pour de nombreuses raisons qui touchent au style, aux procédés,

    aux genres, à l’essence même du texte littéraire, celui-ci est efficace pourconvaincre et surtout pour persuader. Mais il est certain que ce moyen

    d’argumenter peut poser des problèmes de réception ou de compréhension.

     

    La littérature, si on la compare à d’autres formes d’argumentation plus

    traditionnelle peut sembler effectivement moins efficace.

    On peut tout d’abord mettre en relief les problèmes de l’accès au texte littéraire.

    Réservé à une élite le plus souvent, elle nécessite de nombreuses clés de lecture,

    dont l’absence compromet l’efficacité argumentative. Ces obstacles sont divers : ils

    peuvent être d’ordre linguistique lorsque le texte est écrit dans un registre

    soutenu, ou dans une langue des siècles passés, ou bien d’ordre culturel.Certaines références, historiques, mythologiques,… sont nécessaires pour

    comprendre par exemple les textes de Montaigne, ou même parfois les fables de La

    Fontaine.

     L’efficacité du texte littéraire peut être également compromise par ce qui fait

    son efficacité même, ce que nous avons nommé plus haut le détour. L’auteur a

    souvent recours à l’implicite, au non-dit : dans certaines fables, c’est au lecteur de

    dégager seul la morale. Si celui-ci ne s’attache qu’à l’histoire, sans chercher à aller

    plus loin, il passera à côté de l’opinion de l’auteur, et lira Candide comme un

    conte sans voir le message délivré par Voltaire. Le rôle du lecteur est donc

    important, et se posent alors les difficultés d’interprétation du texte littéraire. Si le

    lecteur ne décode pas l’ironie par exemple, l’argumentation n’a plus lieu d’être :

    que penser d’un lecteur qui comprendrait que Montesquieu, dans son texte « De

    l’esclavage des nègres », fait l’apologie de l’esclavage ?

      Mais de nombreux auteurs ont refusé de « rabaisser » la littérature, et donc

    l’art, à un outil de transmission, voire de propagande, lui préférant la fonction

    esthétique, ou de divertissement. Si l’on considère que la poésie a pour rôle

    essentiel de nous faire rêver, de transmettre des sentiments, ou que la fonction

    d’un roman est uniquement de nous permettre de nous évader, alors la dimension

    critique ou argumentative de ces œuvres sera mise de côté, et le lecteur des

    Lettres persanes ne verra certainement pas dans le roman épistolaire de

    Montesquieu un texte argumentatif, mais un roman sur les mœurs du sérail.

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      Il est donc indéniable que la littérature argumentative est terriblement

    efficace : d’ailleurs, si ce n’était pas le cas, les auteurs n’auraient pas à jouer avec

    la censure, et à s’exiler ou à publier de manière anonyme lorsque le danger se

    précise. Mais il est certain que cette efficacité n’est pas toujours évidente : le texte

    littéraire, de par sa richesse même, pose des problèmes de diffusion, de

    compréhension, d’interprétation. C’est en quelque sorte le revers de la médaille : là

    où est sa force argumentative, réside aussi sa faiblesse.