evolution de la demande de travail dans...

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Département des Etudes Transport & Logistique E E V V O O L L U U T T I I O O N N D D E E L L A A D D E E M M A A N N D D E E D D E E T T R R A A V V A A I I L L D D A A N N S S L L E E T T R R A A N N S S P P O O R R T T R R O O U U T T I I E E R R E E T T P P R R O O S S P P E E C C T T I I V V E E D D E E S S B B E E S S O O I I N N S S E E N N R R E E C C R R U U T T E E M M E E N N T T S S E E T T Q Q U U A A L L I I F F I I C C A A T T I I O O N N S S Décision de subvention n° 09 MT SU 08 2011

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  • Dpartement des Etudes Transport & Logistique

    EEEVVVOOOLLLUUUTTTIIIOOONNN DDDEEE LLLAAA DDDEEEMMMAAANNNDDDEEE DDDEEE TTTRRRAAAVVVAAAIIILLL

    DDDAAANNNSSS LLLEEE TTTRRRAAANNNSSSPPPOOORRRTTT RRROOOUUUTTTIIIEEERRR EEETTT

    PPPRRROOOSSSPPPEEECCCTTTIIIVVVEEE DDDEEESSS BBBEEESSSOOOIIINNNSSS EEENNN

    RRREEECCCRRRUUUTTTEEEMMMEEENNNTTTSSS EEETTT QQQUUUAAALLLIIIFFFIIICCCAAATTTIIIOOONNNSSS

    Dcision de subvention n 09 MT SU 08

    2011

  • Dpartement des Etudes Transport & Logistique 1

    SOMMAIRE Introduction ..................................................................................................................... 3 CHAPITRE 1. DETERMINANTS ET PROSPECTIVE DE LEMPLOI TRANSPORT DANS LA LITTERATURE...................................................................................................... 8

    1. Modlisation du march du travail................................................................................ 8 1.1. Demande conditionnelle 1.2. Effet de substitution des facteurs 1.3. Travail qualifi et non qualifi 1.4. Heures de travail

    2. Expliquer la demande de travail dans les transports routiers ....................................... 14 2.1. Libralisation europenne 2.2. Temps de conduite 2.3. Une pnurie de main duvre dans la profession ?

    3. Prospective, tendances et scnarios dans les transports routiers ................................. 29 3.1. Les tendances globales 3.2. Scnarios dvolution de la demande de transports en France 3.3. Prospective mtiers

    CHAPITRE 2. ANALYSE ECONOMETRIQUE DE LA DEMANDE DE TRAVAIL DANS LES TRANSPORTS ROUTIERS .................................................................................. 51

    1. Description et tude prliminaire des donnes........................................................... 51 1.1. Quelques repres sur lvolution de lactivit du transport routier 1.2. Prsentation des donnes relatives lemploi 1.3. Stationnarit et recodage prliminaire

    2. Hypothses et modlisation........................................................................................ 67 2.1. Modlisation univarie 2.2. Le choix de variables exognes 2.3. Modlisation vectorielle autorgressive (VAR) 2.4. Modles slectionns et infrence

    3. Les projections demploi dites tendancielles .......................................................... 77 3.1. L'arbitrage de performance pass futur 3.2. Rsultats

    CHAPITRE 3. PROJECTIONS DES DEPARTS EN FIN DE CARRIERE ET POSTES A POURVOIR DANS UN SCENARIO TENDANTIEL.............................................. 83

    1. Projections de dparts en fin de carrire ..................................................................... 84 1.1. Rformes des retraites et du CFA dcaleront les dparts en fin de carrire 1.2. Mthodologie destimation prvisionnelle des dparts en fin de carrire 1.3. Rsultats 1.4. Robustesse du modle

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    2. Projections de postes pourvoir ................................................................................. 98 2.1. Estimation des postes pourvoir par activit 2.2. Origine et modalits des recrutements

    CHAPITRE 4. ANALYSE DE LA QUALITE DES PREVISIONS RELATIVES AUX INTENTIONS DEMBAUCHES A COURT TERME DES ETABLISSEMENTS DES TRANSPORTS ROUTIERS..... 106 1. Reformulation de la base de donnes : cration de nouvelles variables quantitatives et qualitatives ......................................................................................... 107 2. Statistiques descriptives univaries........................................................................... 108 2.1. Secteur, rgion, et anne de sondage 2.2. Stocks et flux demplois au sein des diffrents tablissements 2.3. Variables de prvisions (qualitatives et quantitatives) 2.4. Qualit des prvisions

    3. Etude des variables par tranches deffectif et par secteur dactivit .......................... 134 3.1. Taille des tablissements 3.2. Secteurs

    Conclusion.................................................................................................................... 141 Bibliographie ................................................................................................................ 143

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    INTRODUCTION Daprs les donnes de la Commission des Comptes de la Nation concernant le transport intrieur de marchandises en France aujourdhui, le mode de transport routier est largement prdominant avec 284 gt/km correspondant 81% du trafic par rapport aux autres modes de transport.

    Ce constat est renforc par lexamen de lvolution des parts du trafic des modes de transport au cours des 25 dernires annes. Celui-ci fait ressortir que, pendant cette priode (de 1985 2009), la part du transport routier a augment de 32% alors que celle du transport ferroviaire a t divise par 2 et celle du transport fluvial a diminu de 32%.

    En ce qui concerne le transport intrieur de voyageurs, il reprsente 885 gv/km dont 75 gv/km pour le transport ferroviaire, 36 gv/km pour le transport collectif routier et 13 gv/km pour le transport arien (le transport par voiture particulire prdomine avec 724 gv/km). Lanalyse de lvolution rcente (de 2006 2009) fait ressortir que pendant cette priode, les transports intrieurs de voyageurs se maintiennent globalement au mme niveau ; nanmoins, le transport par autobus et autocars a progress. Le secteur des transports a cr de nombreux emplois au cours des vingt dernires annes. Ceux-ci sont dsormais confronts des dfis endognes relever (nouvelles technologies, attentes de la socit civile en matire de performance environnementale, etc.), mais aussi la concurrence des flottes des Pays de lEst pour ce qui est du transport routier de marchandises, ou encore la limitation des dpenses publiques pour ce qui est du transport routier de voyageurs. Le projet de recherche poursuit ici deux objectifs principaux. Il vise dabord, pour les mtiers du transport routier de marchandises et de personnes au sens de la convention collective des transports routiers et activits auxiliaires, tablir des projections demplois (stocks), de dparts en fin de carrire, et de postes pourvoir (flux), par grande activit, et en distinguant les conducteurs des sdentaires, lhorizon 2020. Il explore ensuite, sur la base dexploitations de donnes de panel, de quelle manire les enqutes dopinion interrogeant des dirigeants dentreprises de transport sur leurs projets de recrutement peuvent tre utilises dans une prospective de court terme. Le rapport sintresse principalement aux salaris des tablissements entrant dans le champ de la Convention collective nationale des transports routiers et activits auxiliaires du transport, du moins autant quils peuvent tre reprs par les nomenclatures statistiques et outils dobservations.

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    Codes NAF de la Convention collective nationale des transports routiers et des activits auxiliaires du transport (dans la nouvelle NAF rev. 2)

    Terminologie utilise dans le prsent document

    NAF rv. 2 Intitul de poste

    49.41A Transports routiers de fret interurbains

    49.41B Transports routiers de fret de proximit

    53.20Z Autres activits de poste et de courrier Transport routier de marchandises (TRM)

    80.10Z Activits de scurit prive (*)

    49.39A Transports routiers rguliers de voyageurs Transport routier de voyageurs (TRV)

    49.39B Autres transports routiers de voyageurs

    Dmnagement (DEM) 49.42Z Dmnagement

    49.41C Location de camions avec chauffeur Location (LOC)

    77.12Z Location et location-bail de camions (*)

    52.29A Messagerie, fret express Auxiliaires de transport (AUX)

    52.29B Affrtement et organisation des transports (*)

    Prestataires logistiques (PRL) 52.10B Entreposage et stockage non frigorifique (*)

    (**)

    Transport sanitaire (TRS) 86.90A Ambulances

    (*) Ces codes dactivit ont une dfinition plus large que celle correspondant au champ de la Convention collective transport nationale des transports routiers et des activits auxiliaires du transport. En consquence, pour les activits partiellement couvertes, les ajustements ncessaires sont oprs afin de ne retenir que les entreprises couvertes par la convention collective. (**) Depuis le 1er fvrier 2005, sont entres dans le champ de cette mme convention collective certaines activits logistiques identifies par rfrence au code 52.10B de l'Entreposage non frigorifique.

    Lemploi transport et logistique est ainsi ici dfini en termes de secteurs dactivit et non de mtiers.

    Initialement, il tait envisag de sappuyer notamment sur des recherches du PREDIT relatives la prospective de la demande de transport, pour dcliner des projections scnarises de la demande de travail dans le secteur. Nanmoins, la brutalit de la crise a rendu quasiment caducs ces exercices prospectifs, aujourdhui en cours de ractualisation (on pense en particulier aux quatre scnarios plus un dvelopps dans Fret 2030). Dsormais, il est probable que ceux-ci intgrent mme des scnarios de lvolution de la demande de transport routier clairement baissiers. Par ailleurs, ces exercices prospectifs portent sur une demande globale de transport, sans prjuger de la nature de ceux qui lhonoreront et des modifications possibles dans les rapports de force et parts de march : pavillons trangers/franais, compte dautrui/compte propre, poursuite ou non de lexternalisation. Or, le travail men ici se concentre sur le transport pour compte dautrui effectu par le pavillon franais.

    Une autre raison explique que les exercices de scnarisation naient pas t conduits dans le cadre de cette recherche : en 2011, la DGEFP et lOPCA Transports ont lanc un appel doffres pour un Contrat dEtudes Prospectives (CEP) des secteurs du transport. Le champ de ce CEP couvre la branche des transports routiers et activits auxiliaires, au sens de la convention collective, ainsi que les transports fluvial et maritime. Ltude vise en particulier tablir des scnarios dvolution demploi moyen terme devant dboucher sur des prconisations en matire dactions pour accompagner dans les meilleures conditions possibles les volutions de lemploi et des comptences avec une dimension territoriale (extraits du cahier des charges). La dmarche requiert la participation de groupes de travail dexperts, professionnels, et des reprsentants de la profession. Les observatoires prospectifs de branche tant parties prenantes du processus (associs aux comits de pilotage du CEP), il napparaissait pas pertinent et souhait de mener en doublon le travail de scnarisation avec des experts et reprsentants de la profession qui auraient t sollicits

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    pour deux recherches quasiment concomitantes, lesquelles auraient paru pour partie du moins redondantes. Au sein dun consortium avec le Creq, lEcole des Mines, Nestear et Cope 13, lAFT sest vue confie la ralisation du CEP dont les rsultats seront livrs fin 2012.

    Dans ces conditions, la prsente tude a principalement t recentre autour dune analyse plus fine des dterminants de la demande de travail dans la littrature, et danalyses conomtriques visant approfondir la dfinition dun scnario tendanciel, de sorte consolider tous les pr requis llaboration, dans le cadre dune concertation sereine, de scnarios vnementiels, de rupture, etc.

    De nombreux travaux disponibles sur lvolution de la demande de transport font ressortir que cest souvent loffre qui structure la demande de transport1 et que lvolution de loffre et de la demande de transport dpendent de nombreux vecteurs. Les vecteurs dvolution structurels doivent bien tre dissocis des vecteurs dvolution conjoncturels. Les industries des biens intermdiaires, des biens dquipements de lautomobile et de la construction sont parmi les secteurs les plus gnrateurs de transport terrestre, or, ces secteurs ont t particulirement affects par la crise, tandis que les biens de consommation (y compris alimentaires) sont moins touchs par la rcession mais gnrent moins de transport.

    Dans ces conditions, nous avons t amens approfondir la recherche des dterminants de lemploi, dans le cadre notamment dune revue de littrature. Celle-ci offre une synthse de l'articulation gnrale entre activit conomique (production) et facteur travail, rappelant les faits saillants de la thorie, et permettant d'identifier les variables explicatives retenues gnralement dans les modles conomiques pour dcrire le comportement du march du travail. Elle met aussi en vidence, sil en tait besoin, que trs rares sont les exercices prospectifs qui se sont penchs sur la demande de travail dans le transport.

    Lexercice prospectif proprement dit a consist estimer l'quation de la demande de travail dans le transport routier de marchandises, et le transport routier de personnes, partir dunits de production spcifiques au transport (exprimes en tonne.km et voy.km), quand les exercices prospectifs mtiers-qualification tablis au plan national sur la base de modles macro-sectoriels sappuient essentiellement sur la valeur ajoute comme indicateur de production sectoriel.

    Cette approche a t utilise pour comprendre comment les entreprises de transport rpercutent en termes demploi lvolution de la demande qui sadresse elles. Il importait de dterminer jusqu quel point les effectifs demploi sajustaient la demande de transport, et, dans la mesure o cette dernire est ponctue de cycles, dtudier le comportement du stock demploi au cours du droulement du cycle. Lvolution des effectifs demplois de la branche peut donc tre apprhende partir de projections sur la croissance de la production/de la demande de transport et de celle de la productivit du travail. La productivit du travail dpend elle-mme notamment de la dure du temps de travail, du travail temps partiel et du cot relatif des facteurs de production. A ce niveau, lhypothse dune ventuelle dformation de la structure demploi a t envisage, du fait de la poursuite attendue de la progression de la proportion des emplois de conduite.

    1 P. Salini, Lvolution de la demande de transport, quelles ruptures ?

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    Il s'est agi ensuite de raliser les projections quantitatives moyen terme (horizon 2020) sur lvolution des effectifs demploi en s'appuyant sur l'quation prcdente. A ce stade, le travail a surtout port sur des applications conomtriques, et un scnario au fil de leau est propos. Celui-ci pourra ultrieurement tre revisit au regard des nouveaux scnarios sur lvolution attendue des flux de transport en cours dlaboration par ailleurs.

    Les besoins en recrutement ou les dparts de lemploi reprsentent des flux, alors que les projections deffectifs demplois refltent des stocks. Les besoins futurs en recrutements sont lis aux volutions de lactivit et de la productivit, au vieillissement des effectifs, la mobilit, aux pratiques de gestion des emplois et des comptences. Lestimation des besoins en recrutement dcoule des estimations des effectifs demplois prvisionnels et des dparts attendus de lemploi (besoins de renouvellement des effectifs), et reflte dont l encore un scnario tendanciel.

    Les dparts en fin de carrire en particulier expliquent une partie des recrutements venir. Des projections de dparts en fin de carrire lhorizon 2020 ont ici t ralises. Elles portent sur les conducteurs dune part, et les sdentaires dautre part, pour le transport routier de marchandises, le transport routier de voyageurs et le transport sanitaire. Ces projections de dparts en fin de carrire sappuient sur les pyramides des ges des salaris de lenqute 2010 de lObservatoire Prospectif des mtiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL).

    En effet, dans le cadre de lOPTL, une enqute annuelle, ralise depuis 1990 par les Conseillers Rgionaux l'Emploi et en Formation (CREF) de la Direction des Relations Institutionnelles et des Etudes de lAFT permet d'avoir une meilleure approche des spcificits de lemploi dans la branche conventionnelle.

    La mthode dchantillonnage repose sur des quotas par rgion, taille dtablissement et secteur dactivit. Ainsi, 2.730 questionnaires recueillis en 2010 auprs dautant dtablissements ont t exploits, reprsentant 67.918 salaris. La statistique UNEDIC sert de pierre angulaire au calcul des pondrations statistiques (sur les tablissements et les effectifs) pour redresser les donnes. L'enqute porte ainsi sur 7,3 % des tablissements et 10,7 % des salaris de la branche conventionnelle. L'intervalle de confiance ("marge d'erreur") des donnes nationales se situe en de de 2 %.

    Les donnes denqute permettent notamment la ventilation des effectifs en familles professionnelles selon une nomenclature des emplois spcifique la branche conventionnelle. Une famille professionnelle est constitue par l'ensemble des emplois qui correspondent une mme finalit et une mme technicit professionnelle, quel que soit le niveau de comptence dans cette technicit. C'est l'ensemble des emplois lis l'exercice d'une activit de l'entreprise ou un domaine de l'administration de l'entreprise ; c'est l'espace naturel dans lequel voluent habituellement les salaris, et l'intrieur duquel se produit l'volution la plus frquente de carrire.

    Plus gnralement, cette enqute permet la Commission Paritaire Nationale professionnelle de l'Emploi et de la formation professionnelle dans les transports routiers et les activits auxiliaires du transport (CPNE) de prsenter des informations chiffres au plan national et rgional par llaboration de Tableaux de bord rgionaux de l'emploi et de la

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    formation professionnelle. La Profession dispose ainsi d'un outil de connaissance, de dialogue et d'action en matire d'emploi, de qualification et de formation dont la fiabilit est dmontre chaque anne.

    Un certain nombre de donnes utilises ici sont issues de lexploitation de cette enqute, en particulier les indicateurs dmographiques, ou encore sur les mouvements de main duvre entrants et sortants des tablissements de la branche conventionnelle, les motifs de ces sorties, leur croisement avec lge, la famille professionnelle, le secteur.

    Les projections de dparts en fin de carrire ont t tablies en faisant voluer les pyramides des ges dans le temps et en affectant notamment chaque tranche dge le taux de dpart annuel moyen constat en 2009 (probabilits de dpart chaque ge) : dans un premier temps, nous avons suppos que la proportion de dparts en retraite observe par le pass pour chaque tranche dge restera la mme, ce qui signifie une certaine stabilit des comportements individuels. Puis, dautres simulations ont t effectues pour tenir compte de la rforme des retraites et de la modification induite du dispositif de Congs de Fin dActivit (CFA).

    Les projections de besoins en recrutement sont ensuite rparties selon lorigine attendue des recrues : postes pourvus par mobilit intra-branche, besoins en recrutement adresss aux autres branches, besoins en recrutements nets (adresss aux autres branches).

    Enfin, partir notamment des projets de recrutement dclars par les tablissements interrogs dans le cadre de lenqute annuelle de lObservatoire Prospectif des mtiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL), de nouveaux indicateurs ont t recherchs, susceptibles de fiabiliser court terme les projections de postes pourvoir.

    Dans le cadre de lenqute OPTL, les tablissements sont en effet amens formuler des prvisions une chance de un deux ans. Il sest agi dapprcier la fiabilit et la crdibilit des dclarations prvisionnelles dembauche, didentifier sil existe un biais systmatique dans ces dclarations, et quelle est la possibilit de prendre en compte ce biais pour estimer les recrutements court terme.

    Lexistence dventuels dcalages temporels dans les prvisions dembauche tait considrer et vrifier : par exemple, il est possible que les entreprises prvoient de recruter t+1, et ne concrtisent en fait ces recrutements qu t+2 pour diverses raisons (dlais administratifs, retard dans le dblocage des budgets, etc.).

    A cet effet, un travail conomtrique a t men confrontant les intentions annuelles de recrutement dclares (ex ante) et les ralisations dembauches effectives (ex post) lanne suivante (crations et remplacements de postes). A noter que lexploitation des rponses cette enqute porte sur 13 annes avec en moyenne 6.453 enregistrements par an sur la priode, soit 83.889 lignes.

    Ces travaux ont permis davoir une visibilit sur le taux derreur commis par les tablissements dans leurs prvisions et de mieux comprendre comment les tablissements construisent leurs anticipations en termes dintentions dembauche.

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    CHAPITRE 1. DETERMINANTS ET PROSPECTIVE DE LEMPLOI TRANSPORT

    DANS LA LITTERATURE

    Lobjectif est ici est de mettre en avant les dterminants de la demande de travail des entreprises partir des enseignements de la thorie du march du travail et de la littrature existante. La fonction de production est rgulirement traite depuis les travaux dAlfred Marshall (1920) jusqu' aujourdhui, il serait inutile de faire une revue dtaille des dveloppements des connaissances sur ce sujet depuis sa modlisation premire. Ce travail vise donc avant tout donner une image plus claire du fonctionnement du march du travail, afin de pouvoir mieux comprendre quels sont les enjeux actuels auxquels est confronte la demande de travail dans les transports routiers, et les leviers qui pourraient influer sur son volution.

    1. Modlisation du march du travail Une modlisation simple du march du travail permet de mettre en avant les facteurs susceptibles dinfluencer la demande de travail. Cette analyse sappuie en majeure partie sur louvrage de Cahuc et Zylberberg, Le march du travail .

    1.1. Demande conditionnelle La firme utilise plusieurs facteurs de production pour produire un bien. On va commencer l'analyse avec deux facteurs: le travail et le capital (qui rsume les autres facteurs). On dfinit une fonction de production : Y = F (K, L) Y est la production, K est le stock de capital L est le nombre de travailleurs. On suppose FK > 0 et FL > 0: la firme peut produire plus avec plus de capital ou plus de travail. Cependant on suppose que la production crot de moins en moins vite FKK 0 et FKK < 0 et FLL < 0. Une isoquante est ncessairement dcroissante et convexe.

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    La pente de l'isoquante en un point est le taux marginal de transformation (tmt): il dtermine la quantit de capital qui peut tre conomise lorsque la quantit de travail est accrue d'une unit et que la production est inchange. Par diffrentielle totale de Y = F (K, L), ce tmt vaut (en valeur absolue): tmt = FL/FK. Les entreprises ralisent un calcul conomique qui les incite changer la proportion de facteurs afin de produire moindre cout. Il faut prendre en compte que les prix de loutput et des facteurs de production sont exognes. Comme le montre Bernadet [1997], partir du milieu des annes quatre-vingt, cest dire de labandon du contingentement des licences, les entreprises de transport connaissent une baisse de leurs marges due principalement une baisse des prix tandis que les cots augmentent. En effet, la pression exerce par les chargeurs sur les prix est trs forte on parle de cost-killers dans la profession et il apparat comme tant difficile de penser que les transporteurs puisent exercer individuellement un pouvoir de march, ils sont donc price-takers.2 Les thmes suivants feront lobjet plus loin de dveloppements spcifiques, mais dors-et-dj on peut remarquer que la libralisation du march des transports en Europe, notamment avec larrive des transporteurs des nouveaux pays de lUnion europenne, a provoqu une pression supplmentaire sur les cots des transporteurs. Cette volont de libralisation du march sappuie sur la dynamique positive observe entre PIB et demande de transport, et a une incidence sur le cot relatif du travail et du capital. En ce qui concerne le facteur travail, les diffrences de conditions lgislatives encadrant la conduite jouent sur la comptitivit des chargeurs franais. On pense notamment la rglementation sur les

    2 CABRERA-DELGADO Jorge, La demande de travail dans le transport routier de marchandises franais : quelques rsultats obtenus partir de donnes de Panel , Septembre 2007

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    temps de travail et lutilisation des tachygraphes, mais aussi lapplication de la rglementation relative aux formations obligatoires (daccs aux mtiers et continue) dans les transports. Au niveau du capital, la mise en concurrence des transporteurs europens, en particulier pour les trajets linternational, rend ncessaire la comparaison des cots dexploitation des vhicules, majoritairement composs du prix des carburants et du respect des rgles encadrant le cabotage, mais aussi au contrle de ces rgles... Le rglement cabotage tait trs diversement appliqu en Europe. Certains pays nhsitaient plus aller au-del du Rglement pour adopter des rglementations plus restrictives dans la dfinition de la dure, ou fixer des exigences euro-incompatibles pour contrler le cabotage (instauration de carnet de cabotage). 3

    1.2. Effet de substitution des facteurs La firme choisit K et L de faon minimiser ses cots WL+RK tout en produisant la quantit requise Y (W est le salaire et R est le cot du capital). On peut reprsenter les isocots (WL+RK=C1) dans les axes K, L. L'isocot C1 correspond un cot plus faible que l'isocot C2. En groupant les deux graphes, on voit que la firme cherche se situer sur l'isocot le plus bas tout en produisant Y (cest-0-dire en restant sur l'isoquante). Ceci dfinit l'quilibre E.

    3 Extrait du site de la Fdration nationale des transports routiers (FNTR) http://www.fntr.fr/europe/le-cabotage-routier-en-europe.html

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    A l'quilibre, la pente de l'isoquante (le tmt = FL/FK) est gale la pente de l'isocot : tmt = FL/FK = W/R. La quantit de travail demande en E est ce qu'on nomme la demande conditionnelle de travail (de mme, la quantit de capital demande en E est ce qu'on nomme la demande conditionnelle de capital).

    Que se passe-t-il si le salaire augmente par rapport au cot du capital ? La pente de l'isocot (W/R) devient plus forte. L'quilibre passe en E' o la quantit demande de travail est plus faible (tandis que la quantit demande de capital augmente). Ce glissement reprsente l'effet de substitution de capital au travail. Nanmoins, le secteur des transports routiers est gnralement caractris par un couple vhicule - conducteur. On ne saurait ce jour du moins mettre en uvre une production avec des vhicules routiers sans conducteur ou des conducteurs sans vhicule routier ; de manire intuitive, on imagine une technologie de production respectant plus ou moins

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    ladage un camion un conducteur par la possibilit davoir une lasticit de substitution faible. Cette caractristique intrinsque au secteur des transports renforce limportance du travail dans la combinaison productive, et rend les difficults de recrutement exacerbes.

    1.3. Travail qualifi et non qualifi Que se passe-t-il lorsqu'il existe plus de deux facteurs de production, par exemple, du fait que le facteur travail se dcompose en travail non qualifi et travail qualifi ? Les demandes conditionnelles dpendent du cot de chacun des trois facteurs. On conserve le rsultat standard: pour produire une quantit donne de biens, la firme recourt d'autant moins un facteur que son cot est lev. Si la demande conditionnelle de travail qualifi augmente lorsque le cot du travail non qualifi augmente, on dit de ces deux inputs qu'ils sont p-substituts (ou substituts au sens de Hicks-Allen). Si la demande conditionnelle de travail qualifi diminue lorsque le cot du travail non qualifi augmente, on dit de ces deux inputs qu'ils sont p-complments. L'augmentation du cot d'un facteur correspond une augmentation du cot marginal. Ds lors, l'augmentation du cot du facteur rompt l'galit entre la recette marginale et le cot marginal. Pour la rtablir, il faut rduire la production. La baisse de la production se ralise via une baisse dans l'utilisation des facteurs de production, y compris donc, l'utilisation du facteur dont le prix a augment. Il s'agit de l'effet de volume. Pour le facteur dont le cot a augment, l'effet de volume va dans le mme sens que l'effet de substitution: il y a une rduction de la demande pour ce facteur. La somme des deux effets nous donne la demande inconditionnelle du facteur. La demande inconditionnelle d'un facteur dpend du cot de ce facteur mais aussi du cot des autres facteurs de production.

    Comment volue la demande pour un facteur si le cot d'un autre facteur augmente? Par effet de substitution, la demande pour ce facteur peut augmenter. Cependant, par effet de volume, la demande pour ce facteur diminue. L'effet net est donc a priori indtermin. Si une hausse du prix du facteur x conduit accrotre la demande inconditionnelle du facteur y, on dit que les facteurs x et y sont des substituts bruts (l'effet de substitution domine alors l'effet de volume). Si une hausse du prix du facteur x conduit diminuer la demande inconditionnelle du facteur y, on dit que les facteurs x et y sont des complments bruts (l'effet de volume domine alors l'effet de substitution). Cette notion est pertinente lorsquon se demande par exemple si la hausse du taux d'intrt (du cot du capital) augmente ou diminue la demande de travail.

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    Le travail qualifi et le capital semblent tre p-complments tandis que le travail non-qualifi et le capital semblent tre p-substituts. En effet, le travail non qualifi est plus facilement substituable au capital que le travail qualifi. Dans la littrature empirique, il apparat ainsi que les mtiers les plus qualifis sont gnralement complmentaires au capital tandis que les mtiers non qualifis sont plus susceptibles dtre remplacs par des machines. Quand il y a difficult de recrutement pour certains mtiers, les employeurs peuvent tre incits proposer des salaires plus attractifs pour recruter. Dans dautres cas, larbitrage se fera en faveur de linvestissement en capital. Lemploi de conducteur routier ncessite un permis poids lourds, une formation obligatoire initiale puis continue, lusage du tachygraphe les conducteurs seraient donc davantage p-complment du capital utilis. Au niveau europen, la directive 2003/59 relative la qualification initiale et la formation continue des conducteurs de vhicules routiers affects aux transports de marchandises ou de voyageurs introduit une obligation de formation, transpose dans les droits nationaux. Cette obligation constitue une part du cot du travail qui en thorie est homogne au niveau europen, on verra plus loin que dans la ralit la mise en application est plus complexe.

    1.4. Heures de travail Le temps de livraison dune marchandise, tout comme le temps de transport des voyageurs, constituent des lments de comparaison primordiaux pour les clients, mettant en concurrence les diffrents modes de transport. On a suppos jusqu'ici que L = NH o L est le travail, N est le nombre de salaris H est le nombre d'heures prestes par les salaris. On a donc suppos que salaris et heures sont parfaitement substituables: la production de 8 hommes travaillant chacun 1 heure par jour est identique celle d'un seul homme travaillant 8 heures par jour. Or, on peut penser que la premire heure au travail correspond la mise en route et est faiblement productive, que les heures suivantes sont plus productives mais que la fatigue rduit progressivement la productivit. Par ailleurs, les heures supplmentaires sont rmunres des taux majors. Comme on le verra plus loin, lUnion europenne a introduit notamment la directive 2002/15 pour palier la diffrence de cot quintroduisent les diffrences de lgislations concernant les temps de travail des conducteurs.

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    2. Expliquer la demande de travail dans les transports routiers

    La demande de travail dans les transports routiers est influence par la demande globale de transport et la comptitivit des oprateurs nationaux (pavillon franais), qui aujourdhui sont largement tributaires de la politique des transports europenne tourne vers une libralisation accrue du secteur, et une harmonisation relative des conditions encadrant lexercice de la profession de conducteur, mais aussi de gestionnaire dactivit de transport. En outre, le cot du travail varie en fonction de la rglementation des temps de travail, mais aussi de la quantit de travail disponible sur le march de lemploi et de son employabilit.

    2.1. Libralisation europenne La mise en place des infrastructures de transport constitue un lment crucial de la politique conomique. Dans tous les cas de figure, ces choix auront un impact sur la demande de transports et orienteront dans une vaste mesure la manire dont sorganiseront les flux de marchandises et de voyageurs. Avec la mise en valeur dune politique commune en Europe, le dveloppement de la mobilit est devenu un enjeu central de lincorporation des identits nationales et conomiques au sein de lUnion. Les directives de lUnion europenne rpondent plusieurs choix stratgiques. Ainsi, la mise en avant dune libralisation des transports en Europe doit permettre de stimuler lconomie au travers dune concurrence accrue entre les transporteurs, en particulier routiers. La mise en avant dalternatives la route, qui dominent encore largement dans le transfert de marchandises, au travers de lintermodalit constitue aussi une priorit. Ce choix prsente dailleurs lavantage de prendre en compte la rarfaction de ptrole, mais aussi de favoriser la protection de lenvironnement en rduisant les missions de gaz effet de serre, tout en satisfaisant une demande mise par les citoyens de voir moins de poids-lourds sur les routes. LUnion europenne met en avant les bienfaits de la concurrence

    Les politiques nationales en matire de transport sont orientes par les dcisions prises par la Commission europenne, qui joue un rle important dans la manire dont sont organises les rglementations nationales sur la route. Lune des ides-forces dfendue par lUnion europenne concerne les bienfaits de la concurrence. LUnion a rgulirement plaid en faveur de la concurrence lintrieur de chacun des modes comme facteur daugmentation de la productivit. Cela est vrai dans le domaine routier et dans le domaine arien notamment, qui sont maintenant trs largement libraliss .4

    4 DIDIER MICHEL et PRUDHOMME REMY, Rapport du conseil danalyse conomique, infrastructures de transport, mobilit et croissance, 2007

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    Le caboteur europen est libre de circuler mais est soumis la lgislation du pays concern

    Larticle 1er du rglement CEE n3118/93 spcifie que tout transporteur de marchandises par route pour compte d'autrui qui est titulaire de la licence communautaire () est admis, aux conditions fixes dans le prsent rglement, effectuer, titre temporaire, des transports nationaux de marchandises par route pour compte d'autrui dans un autre tat membre, ouvrant ainsi lespace national, longtemps marqu par un degr de rglementation lev. Entre les pays de lUnion europenne, la simple possession dune licence communautaire dont la dlivrance relve du pays dtablissement suffit autoriser son titulaire effectuer des transports entre deux pays quelconques : laccs au march est donc libre. Cette libert est largement utilise, et les statistiques relatives aux parts de marchs des diffrents pavillons sur les transports internationaux montrent que la mise en concurrence des transporteurs est effective, car ces parts ont considrablement volu. 5 Laugmentation rapide du volume du cabotage dans le transport national a engendr des critiques grandissantes dans les tats concurrencs, en particulier la France, principal pays cabot en Europe qui a cherch plusieurs reprises limiter lampleur de ce phnomne. 5 BERNARDET Maurice, Etat de la construction et du fonctionnement du march des transports routiers de marchandises en Europe, 2009

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    La libralisation profiterait en premier lieu des diffrentiels entre les cots de main

    duvre

    La loi n 2005-882 du 2 aot 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises tente ainsi restreindre le cabotage en lui appliquant des dispositions dfinies en matire de dtachement transnational des travailleurs. Le nouvel article 342-3 du code du travail que cette loi introduit prcise ainsi : Les employeurs mentionns sont soumis aux dispositions lgislatives, rglementaires et conventionnelles applicables aux salaris employs par les entreprises de la mme branche d'activit tablies en France, en matire de lgislation du travail , notamment : - dure du travail, repos compensateurs, jours fris, congs annuels pays, congs pour

    vnements familiaux, congs de maternit, congs de paternit, conditions d'assujettissement aux caisses de congs et intempries ;

    - salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplmentaires.

    Ces dispositions s'appliquent aux salaris des entreprises de transport tablies hors de France qui, la demande de leur employeur, excutent leur travail pendant une dure limite sur le sol franais dans le cadre d'oprations de cabotage ralises dans les conditions fixes par les rglements (CEE) n 3921/91. Comme le remarque M. Bernadet, cela revient dire que les conducteurs dentreprises effectuant du cabotage en France sont soumis aux mmes rgles, en matire salariale, lgales ou conventionnelles, et de scurit sociale que les conducteurs des entreprises franaises. La Commission europenne avait t consulte sur la compatibilit de ces dispositions nationales avec la rglementation europenne et celle-ci navait pas mis dobjection. Or il est parfaitement vident que leur application interdirait purement et simplement le cabotage en France.

    Mais, aprs que le gouvernement a renonc publier les dcrets dapplication ncessaires une mise en uvre effective des dispositions restrictives adoptes, larticle du code du travail a t abrog par lordonnance n 2010-1307 du 28 octobre 2010.

    Les tentatives avortes de la France de restreindre le cabotage peuvent tre interprtes comme une rponse aux pressions des organisations professionnelles du transport routier afin de protger un march libralis mais qui ne bnficie pas encore dune harmonisation en matire salariale, de cabotage ou encore de temps de travail.

    mais aussi des diffrentiels de taxes sur les carburants

    Le transport routier paye videmment des impts comme toutes les autres activits conomiques : les carburants, les vhicules ou les rparations sont assujettis la TVA au taux normal de 19,6 % et les bnfices des entreprises de transports paient limpt sur les socits. Mais le transport routier paye en outre des impts spcifiques. Le plus important est la taxe intrieure sur les produits ptroliers (TIPP) qui reprsente de 60 % (gazole) 70 %

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    (supercarburant) du prix la pompe(4)... Seul le tabac est impos un taux aussi lev. Tous les autres biens le sont des taux dix fois moins importants...6

    Gazole Prix moyens 2007 en /l

    Source : Commission europenne

    0,51

    1,11

    0,49

    1,09

    0,49

    1,42

    0,5

    0,99

    0,5

    1,16

    0,52

    1,03

    0,52

    0,93

    0,52

    0,97

    Europe 25 France Royaume Uni Pologne Allemagne Belgique Luxembourg Espagne

    HT TTC

    % gazole dans march carburants (2007) 64% 76% 53% 67% 54% 81% 80% 78%

    Les prix du gazole seraient en fait tout aussi levs dans les autres pays europens, avec une moyenne qui est mme suprieure la France dans lEurope 25. Cependant, les pays voisins comme la Belgique, le Luxembourg ou lEspagne bnficient de prix la pompe relativement plus bas. Ces diffrences permettent des vhicules trangers venant en France de sapprovisionner en carburant pour un moindre cot, la contenance de leurs rservoir leur permet aisment de traverser la France, voire dy caboter, sans sapprovisionner dans notre pays. Il y a sans doute l un handicap de comptitivit pour les transporteurs franais, bien que ceux-ci nhsitent pas faire le plein ltranger lorsque leur parcours leur permet.

    Une capacit de transport limit a 40 tonnes en France

    Pays Limite de poids autoris en charge Norme technique

    Belgique 44t 5 essieux

    Pays-Bas 50t 5 essieux

    Luxembourg 44t 5 essieux

    Royaume-Uni 44t 6 essieux

    Italie 44t 5 essieux

    Danemark 48t 6 essieux

    Sude 60t 6 essieux

    Finlande 48t 6 essieux

    Allemagne 40t 5 essieux

    Autriche 38t (+/- 5%) 5 essieux

    Espagne 40t 5 essieux

    Portugal 40t 5 essieux

    France 40t 5 essieux

    Source : FNTR, le dossier du 44 tonnes

    6 DIDIER MICHEL et PRUDHOMME REMY, Rapport du conseil danalyse conomique, infrastructures de transport, mobilit et croissance, 2007

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    Sagissant du poids et des dimensions des vhicules, dans certains pays voisins, le poids maximal autoris (PMA) est suprieur aux 40 tonnes autorises en France. Les vhicules trangers ne peuvent circuler dans notre pays avec un poids suprieur cette norme. Mais il est probable que, tenant compte de la faible probabilit que le vhicule soit pes au cours de son dplacement en France, des entreprises charges ltranger 44 tonnes prennent le risque de dpasser le maximum autoris en France une fois la frontire franchie. On ne connat pas la frquence de cette pratique ; il nest pas certain quelle se soit dveloppe au cours des dernires annes et quelle puisse donc expliquer lvolution de la part de march du pavillon franais, dautant que le respect de la norme de 40 tonnes nest pas toujours respecte par les transporteurs franais eux-mmes. 7 Lautorisation rcente (18 Janvier 2011) de circulation de poids lourds ayant un tonnage de 44 tonnes au lieu de 40 tonnes auparavant pour les transporteurs franais, sous certaines conditions, pourrait leur permettre damliorer leur position sur le transport national, mais aussi international. Lamlioration relative des gains de productivit attendus, rapports au prix de revient la tonne transporte, selon le type dactivit et dorganisation des entreprises, a t value par le CNR (Comit National Routier) entre 9,1% et 11,6%, en tenant compte de llvation des cots dutilisation 44 tonnes. La fdration nationale des transports routiers (FNTR) sest historiquement prononce ds 1988, pour une gnralisation de lautorisation du 44 tonnes par tape, spcialits par spcialits, afin de ne pas dstabiliser le march par une offre et une capacit brutalement suprieures de cette norme8. Le faible pourcentage de chance dtre contrl et lhtrognit des sanctions faussent

    les dterminants des couts entre les comptiteurs

    Extrait de Etat de la construction et du fonctionnement du march des transports routiers de marchandises

    en Europe , Maurice BERNADET, Laboratoire dEconomie des Transports, 2009 Sagissant enfin dun diffrentiel concernant les pratiques diffrentes, selon les pays, en matire de contrle et de sanctions, les arguments ponctuels ne manquent pas, sans, l encore, quon puisse en mesurer limpact. Il semble cependant exact, au-del des anecdotes que les transporteurs franais se plaisent rapporter, que lattitude des services de contrle de certains pays envers les poids lourds trangers (mais pas spcialement franais !) soit assez peu quitable et ait un effet dissuasif Ainsi des efforts de coordination mens dans le cadre dEuro Contrle Route qui groupe les services dune vingtaine de pays sont menes afin d'amliorer la qualit des contrles afin d'accrotre la scurit routire, d'optimiser le respect des rglements rgissant le transport routier et de favoriser une concurrence plus loyale. L'objectif gnral de la collaboration consiste harmoniser autant que possible et idalement dans toute l'Europe les pratiques de contrle, en recourant la concertation, la collaboration et des initiatives communes. Mais les contrles ne sont quune tape dune procdure qui doit passer par la constatation des infractions et aboutir leur sanction. Or rien ne prouve que le niveau dindulgence dont font preuve les services de contrle soit le mme dans tous les pays. Par ailleurs les dispositions nationales sont trs diffrentes, tant en ce qui concerne les procdures qui suivent la constatation dune infraction quen ce qui concerne le niveau des sanctions, lorsquil y a sanction. Cest ainsi, par exemple que les infractions au rglement sur les temps de conduite et de repos sont ingalement sanctionnes selon les pays. Pour prendre un exemple trs concret, une dure de conduite continue de 9 heures (soit un dpassement

    7 BERNARDET Maurice, Etat de la construction et du fonctionnement du march des transports routiers de marchandises en Europe, 2009 8 Extrait du site de la FNTR : le dossier du 44 tonnes

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    de 5 heures 30) fait lobjet dune sanction administrative prenant la forme dune amende dun niveau de 4 600 euros en Espagne, mais de 840 euros en Allemagne et de 550 euros seulement aux Pays-Bas. Il sagit l pourtant dun domaine o la rglementation est harmonise, depuis longtemps. Mais peut-on prtendre que les rgles sont les mmes lorsque les sanctions qui dcoulent de leur violation varient dans des proportions aussi importantes ? Consciente de ce problme, la Commission a adopt au dbut de cette anne une Directive25 modifiant lannexe III du Rglement (CE) n561/2006 du 15 mars 2006 relatif au temps de conduite, de repos, au chrono tachygraphe, annexe qui tablissait la liste des infractions ce rglement. La nouvelle annexe propose de classer ces infractions en trois catgories, en fonction de leur degr de gravit, en infractions mineures, graves et trs graves et les seuils de rfrence, pour les infractions lies des variables quantitatives, sont prciss (par exemple, pour la dure de conduite continue: au-del de 4h30 et jusqu 5 h, linfraction est mineure ; au-del de 5h et jusqu 6h, linfraction serait grave ; au-del de 6h, elle serait trs grave). Mais la Directive ne fixe aucune valeur, mme indicative, aux sanctions qui seraient associes ce classement. Elle cre simplement une obligation aux diffrents Etats de prvoir une classification en infractions mineures, graves et trs graves. Cette Directive va bien dans le sens souhait, mais il ne sagit que dun premier pas vers une harmonisation qui semble, l encore, ncessaire. On peut donc estimer que lEurope des transports a jusqualors chou dfinir, et plus encore mettre en uvre - compte tenu des carts considrables qui existent, dans la plupart des pays, entre les rgles et la pratique -, raliser un march unique cest--dire un espace dans lequel les rgles du jeu, dune part, et les dterminants essentiels des cots, dautre part, sont identiques pour tous les comptiteurs.

    La mise en avant dune reconnaissance commune de la qualification des conducteurs vise

    favoriser la mobilit des travailleurs, et terme rduire les diffrences de cot dans

    lutilisation de la main duvre. Nanmoins, dans la pratique, il reste des diffrences dans

    ses conditions dapplication

    La directive 2003/59/CE du parlement europen du 15 juillet 2003 relative la qualification initiale et la formation continue des conducteurs de vhicules routiers affects aux transports de marchandises ou de voyageurs, vise en particulier fournir une reconnaissance mutuelle de la qualification des conducteurs routiers. Son article 10 prvoit ainsi que lobtention de la qualification initiale ou la ralisation de la formation continue soient enregistres par lapposition du code 95 soit sur le permis de conduire, soit sur la carte de qualification de conducteur. Quelques Etats autorisent lusage des deux options, linstar de la Slovnie et lAllemagne. 9 La directive laisse les Etats membres libres de choisir la rpartition de 35 heures de formation continue obligatoire tous les 5 ans, condition deffectuer des priodes de 7 heures conscutives de formation au minimum. Le projet europen STARTS met en vidence que le financement de la formation continue nest pas partout support par lemployeur : la rpartition de cette charge financire dpend entirement et parfois principalement de la bonne volont de lemployeur (Bulgarie, Autriche, Roumanie). Se pose aussi la question des heures de formation considres ou non, dans la pratique, selon les tats membres, comme des heures travailles.

    9 Flora Deville (AFT-IFTIM) du projet europen STARTS port par lIRU et ETF

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    2.2. Temps de conduite

    Le temps de travail influence directement le cot du travail, et par ce biais la comptitivit

    des entreprises ; la rglementation franaise sur les temps de travail serait plus

    contraignante et moins souple que la rglementation europenne

    Dans la rglementation franaise, la notion de temps de service est plus large que la notion europenne de temps de travail et comprend les temps de disponibilit. En effet, la rglementation franaise ne fait pas, pour les priodes o le conducteur est disposition de lemployeur, une distinction entre les priodes dont la dure nest pas connue lavance (Attente) et celles dont la dure est connue (Disponibilit) : toutes deux font partie du temps de service. Au niveau europen, le temps de disponibilit nest pas dcompt comme temps travaill.

    Extrait des recommandations et conclusion de pour une rgulation durable des transports routiers de

    marchandises , Sous la direction de Claude Abraham, Conseil danalyse stratgique (CAS), 2008 Selon les catgories de services, le cot de la conduite reprsente de 34 50 % de celui du transport routier de marchandises et en constitue ainsi le principal lment. Bien quil ne soit pas le seul facteur, le diminuer permet damliorer la comptitivit du pavillon franais : cest donc un chantier prioritaire. Dans le transport routier de marchandises, la dfinition franaise du temps de travail, spcifique et particulirement complexe, est diffrente de la dfinition europenne : Au niveau europen, certains temps ne sont pas dcompts comme des temps de travail : ainsi en est-il du temps de disponibilit dfini, par larticle 3 de la directive 2002-15, comme des priodes autres que les temps de pause et de repos, pendant lesquelles le travailleur mobile nest pas tenu de rester son poste, mais doit tre disponible pour rpondre des appels ventuels Ces priodes et leur dure prvisible doivent tre connues lavance . Cette notion nexiste pas en droit national bien que des situations identiques puissent se rencontrer dans les faits ; Au niveau franais, le temps de service est constitu par des heures de travail, qualifies comme telles, auxquelles sajoutent des heures dquivalence ; ces temps correspondent lgalement des priodes dinaction rmunres conformment aux usages, conventions ou accords collectifs de travail. Dans les faits, comme lindique le bilan social annuel du transport routier de marchandises, 10 % du temps de service est reprsent par de lattente. Ainsi, les heures dquivalence recouvrent en ralit la fois des priodes de travail et des priodes dinaction dont certaines peuvent correspondre la notion de disponibilit au sens de la directive 2002/15. Par ailleurs, les dures maximales de travail sont diffrentes : au niveau communautaire, 60 heures sur une semaine isole, 48 heures/semaine en moyenne dcomptes sur un quadrimestre ; le droit gnral franais prvoit, hors quivalences, une dure maximale de 48 heures sur une semaine isole ou de 44 heures sur une priode de douze semaines conscutives (qui peut tre porte 46 la suite dune convention ou dun accord collectif de branche). La rglementation franaise, par le recours aux heures dquivalence, a t rendue compatible avec le droit communautaire. Le dcret 2007-13, qui a t pris aprs examen par le Conseil dEtat, limite les dures de service des conducteurs, pour les grands routiers, 56 heures sur une semaine isole et 48 heures par semaine sur une priode de trois ou quatre mois. Ces diffrences notables conduisent une situation complexe, et qui le devient encore plus au fur et mesure des modifications nationales et europennes ; elle est de moins en moins scurise sur le plan juridique, compte tenu des interprtations auxquelles elle peut donner lieu. En outre, ces diffrences entranent des distorsions de concurrence entre Etats-membres. En effet, notre connaissance, la majorit des Etats-membres ont repris sans la modifier la directive europenne ou ne lont pas transpose en droit national dans le cas o ce dernier permet des temps de travail plus importants. La situation actuelle est doublement insatisfaisante : elle pnalise les entreprises et elle est juridiquement incertaine. Elle devrait voluer pour se rapprocher de la dfinition des temps de travail europens, tout en augmentant les revenus nets des salaris.

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    Commentaire de la FNTR sur la redfinition du temps de travail des conducteurs

    La FNTR se rjouit de voir que son analyse concernant linadquation du droit social transport tant avec le droit commun national quavec le droit spcifique europen amne le Centre dAnalyse stratgique proposer des pistes de solutions proches des demandes de la FNTR. Ce chantier essentiel peut se concevoir avec une mthode de travail impliquant non seulement les acteurs concerns (entreprises et salaris) mais galement des experts extrieurs au secteur du transport, et les pouvoirs publics. Il importe galement, au-del du cap fix, quun calendrier soit arrt et que toutes les rformes lgislatives (il est question de la dfinition du temps de travail qui relve de la loi) rglementaires, et conventionnelles soient envisages. Lexamen du systme actuel des quivalences dmontre sa grande ambigut confirme par les statistiques voques du bilan social annuel du transport routier de marchandises selon lequel 10% des quivalences seraient constitues par de lattente. Outre le fait que ce chiffre nest quune moyenne, certains conducteurs ayant des temps dattente beaucoup plus long, comment expliquer que 90 % du reste de ces quivalences correspondraient alors du temps de travail effectif ? Seule la rfrence aux temps de disponibilit prvus par lEurope, dans des conditions qui restent dfinir, permet de se dgager de cette ambigut

    Si, la suite du rapport coordonn par C. Abraham, la FNTR sest rjouie de voir que le CAS partageait son analyse concernant linadquation du droit social transport tant avec le droit commun national quavec le droit spcifique europen , lUnion fdrale route de la CFDT a soulign que lapplication des solutions proposes risquerait terme dentraner une dgradation des conditions de travail des conducteurs. Ce qui est prohib par larticle 10 de la Directive n2002-15 : La mise en uvre de la prsente directive ne saurait justifier aucune rduction du niveau gnral de protection dont bnficient les travailleurs .

    Lutilisation des tachygraphes a un impact direct sur les temps de travail, mais son

    utilisation nest pas uniforme en Europe

    I existerait entre les textes et les pratiques des carts qui peuvent tre considrables. Ainsi la manire dont le slecteur du tachygraphe est utilis par les conducteurs peut entraner des diffrences importantes dans les temps enregistrs. Il semble ainsi que dans certains pays les conducteurs ne connaissent que deux positions du slecteur : le travail et le repos, de sorte que les temps dattente ne sont pas comptabiliss comme temps de travail 10

    Extrait de Pour une rgulation durable du transport routier de marchandises , Avril 2008, Maurice Bernadet, CAS En France les pouvoirs publics et les agents chargs du contrle veillent ce que les temps de disponibilit soient bien enregistrs par le positionnement du slecteur du chrono tachygraphe sur la position carr barr. Ils veillent aussi, videmment, ce que le slecteur soit bien positionn sur Autres tches dans les priodes dattente dont la dure nest pas connue, et le vrifient dans les files dattente des camions la porte des entrepts. Dans les autres pays europens, il semble quau contraire le carr barr ne soit pas utilis. En fait les conducteurs ne connaissent, lgard des temps autres que la conduite et les Autres tches, que la position repos . Ce qui signifie que le slecteur du chrono tachygraphe est positionn en repos non seulement pour les

    10 BERNARDET Maurice, Etat de la construction et du fonctionnement du march des transports routiers de marchandises en Europe, 2009

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    temps de disponibilit mais aussi pour les temps dattente dont la dure nest pas connue lavance. Cette pratique nest pas conforme la rglementation europenne puisque selon celle-ci lattente devrait faire partie du temps de travail en tant comptabilise en Autres tches , mais elle semble gnralise en Allemagne, en Espagne Et les agents du contrle ne pratiquent pas de vrification cet gard, car ils ne peuvent pas intervenir en dehors de la voie publique. Enfin il faut rappeler que le dcret Fiterman fait obligation de fonder ltablissement de la feuille de paie sur les temps constats par le chrono tachygraphe, alors que dans les autres pays europens, il ny a pas de relation automatique tablie entre les temps de travail constats et ltablissement de la feuille de paie.

    Une tude permet de comparer les temps de travail des conducteurs et leur cout relatif au

    niveau europen

    Une enqute mene en 2002/2003 par le cabinet Prognos pour le Comit National Routier dans neuf pays de lOuest de lUnion, antrieure la rcente directive sur les temps de conduite, montre que le temps de conduite annuel en France tait le plus faible. La difficult des comparaisons europennes impose dtre prudent, mais les diffrences semblent suffisamment marques pour tre significatives.

    Source : Etude Prognos, 2003

    Lenqute ralise par le cabinet Prognos compare aussi le cot de la charge salariale des conducteurs franais avec ceux de quelques pays occidentaux :

  • Dpartement des Etudes Transport & Logistique 23

    Source : Etude Prognos, 2003

    Les principales conclusions de cette tude peuvent se rsumer ainsi : - la France a le temps de conduite le plus bas ; - les salaires y sont relativement faibles car limits par le temps de travail maximum ; - les heures sont plus vite dcomptes comme supplmentaires que dans dautres pays

    et elles sont chres, freinant la flexibilit ; - les charges patronales et les indemnits de dplacement sont leves. Cest ce qui expliquerait que le cot unitaire du temps de conduite est le plus lev des pays avec lesquels la comparaison a t mene. On doit se demander si depuis la transposition de la directive 2002/15/CE du Parlement europen et du Conseil du 12 mars 2002 relative l'amnagement du temps de travail des personnes excutant des activits mobiles de transport routier, qui a fait lobjet en droit franais du dcret n 2005-306 du 31 mars 2005, lcart au dtriment des transporteurs franais sest sensiblement rduit. On peut galement se demander de quelle manire la loi n 2007-1223 du 21 aot 2007, dite Loi Tepa a pu amliorer la comptitivit des entreprises en rduisant le surcot de l'heure supplmentaire. Une actualisation de ltude Prognos permettrait davoir une ide plus prcise de lvolution des diffrentiels de cots et de temps de travail en Europe, en particulier de ltat du

  • Dpartement des Etudes Transport & Logistique 24

    gisement de productivit sur la limite de temps de conduite impose par lUnion europenne, qui tait estim environ 17% en 2002 par ltude Prognos. La fraude comme lment de rationalisation des cots ?

    La concurrence accrue entre les entreprises des pays europens, mais aussi entre les entreprises nationales, a vraisemblablement engendr des excs (surcharges, dpassement des horaires de conduite, etc.). La tentation de mettre en uvre une fraude gnralise est grande ; une tude du SOeS (ex. SES) chiffre les rductions de cot obtenues par la fraude.

    dpassement de la dure de conduite journalire (12h par jour) : conomie de 9.800 euros par an et par vhicule (7,7% du chiffre daffaires) ;

    la fausse attestation de congs permettant au conducteur de dpasser le temps de conduite hebdomadaire : 12.800 euros dconomie (10,2 % du chiffre daffaires) ;

    la neutralisation du chrono tachygraphe : 18.300 euros (14,5% du chiffre daffaires). Le choix individuel concernant le respect de la lgislation en vigueur, du fait du manque de contrle et de la non-harmonisation des sanctions au niveau europen, incite les entreprises saligner sur les standards les plus souples de lUnion europenne, au pire une fraude. Remarquons toutefois que la fraude est le rsultat dun comportement rationnel des diffrents acteurs, qui a donc de profondes justifications conomiques .11

    2.3. Une pnurie de main duvre dans la profession? En 2011, pour des postes de conduite (routiers marchandises, grand routiers ou de transport en commun), environ un projet de recrutement sur deux serait assorti de difficult de recrutement selon les entreprises interroges12. Cette situation peut sembler paradoxale compte tenu du contexte conomique. Pourtant, elle est pointe de manire rcurrente par les entreprises de transport routier. Une pnurie de main duvre peut cohabiter avec un chmage lev, et casser la

    croissance

    Lapparition de pnuries de main-duvre la fin des annes 1990 avait montr que celles-ci pouvaient coexister avec des taux levs de chmage, la perte demploi dans certains secteurs saccompagnant dimportants besoins de renouvellement ou de crations demplois dans dautres secteurs. Corollaire de ce paradoxe apparent, la pnurie de main-duvre risquerait, dpass un seuil critique, de menacer la croissance conomique de laquelle elle est issue : les entreprises ne trouveraient plus les comptences ou les qualifications dont elles ont besoin sur le march du travail ou en interne ; lappareil productif ne pouvant plus fonctionner plein rendement, le dveloppement mme de lemploi sen trouverait

    11 Bernardet (M.), Lasserre (J.C), op.cit.. 12 Selon lenqute BMO 2011, en ce qui concerne les conducteurs routiers et grands routiers (j3z43) et les conducteurs de transport en commun sur route (j3z41), le pourcentage de prvisions dembauches assorties de difficults de recrutements est de 45.6% et 52.9% respectivement

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    contrari, le manque de main-duvre engendrerait ainsi le chmage, la pnurie de main-duvre conduirait la pnurie demploi. Les cots de production augmentant (en raison de linflation salariale), les pertes de production saccumulant, la qualit de service se dgradant, les parts de march samenuisant, la situation de nombreuses entreprises se dgraderait avec toutes les consquences en termes de chmage. 13 LIRU met en vidence des difficults de recrutement de conducteurs en Europe

    Une tude effectue en 2007 par L IRU14 (International Road Transport Union) dans 15 pays europens (hors France) met en vidence une pnurie variant entre 5 et 15 % du nombre de conducteurs en activit. Ce phnomne reflte un fort besoin en qualifications pour la profession. Le premier motif mit en avant dans la pnurie de main duvre a trait aux conditions dexercice de la profession.

    Principales causes du manque de conducteurs

    23%

    21%18%

    15%

    13%10%

    Drivers extended periods from home, unpredictable schedules

    Possibilities overwork reduced

    Lack of qualified professional drivers

    Responsibilities, tasks, functions professional drivers complex

    Salaries are too low

    Other

    IRU, Driver shortage , 2007

    Lenqute recommande plusieurs pistes : amliorer limage du secteur du transport routier et des conducteurs (Belgique,

    Allemagne) augmenter les capacits de formation (Allemagne, Norvge) mener une rflexion entre le gouvernement et les acteurs du secteur afin damliorer

    les programmes de formation (Pologne) utiliser des conducteurs occasionnels (Grande-Bretagne) augmenter les salaires (Allemagne, Norvge) adopter une meilleure organisation, notamment des plannings afin de permettre aux

    conducteurs davoir une vie normale (Norvge) apporter une aide financire pour la formation initiale (Hollande) faciliter lembauche de conducteurs trangers (Lituanie) former et attirer plus de femmes dans la profession (Estonie).

    13 Perspectives conomiques de lOCDE, 2004. 14 Menno Menist, 5th International IRU Academy Seminar on Driver Shortage, 2007

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    Des difficults de recrutement galement en France

    Au niveau franais, des indicateurs bass sur les statistiques de Ple emploi permettent de vrifier lexistence dun rel besoin en termes de demande de travail non satisfaite. Le taux de tension exprime, pour une demande demploi enregistre, le nombre doffres demploi dposes. Il correspond au rapport du nombre doffres demploi dposes au cours dune anne sur le nombre de demandes demploi enregistres au cours de la mme anne. Il permet dvaluer les tensions de recrutement selon les mtiers. Un taux de tension suprieur 1 traduit thoriquement des difficults de recrutement. Cependant, les offres demploi enregistres Ple emploi tant partielles (en moyenne 30 40 % des offres du march du travail), Ple emploi retient un seuil critique de 0,75 : un taux de tension suprieur 0,75 pour un mtier traduirait ainsi des difficults de recrutement. Le dernier rapport annuel de lObservatoire Prospectif des mtiers et des qualifications dans le Transport et la Logistique (OPTL) montre quaprs un fort repli en 2009 de lindicateur de tension, celui-ci repart la hausse en 2010 pour quasiment toutes les familles professionnelles du transport routier. Les augmentations les plus prononces du taux de tension sobservent sur les mtiers de responsables : le taux de tension du responsable dexploitation des transports routiers de marchandises passe ainsi de 0,26 0,5. La progression du taux de tension pour le mtier de conducteur de transport de marchandises est galement notable, de 0,44 en 2009 0,63 en 2010. Globalement, les tensions restent en de de ce quelles taient en 2008, et aucun des mtiers nenregistre en 2010 un taux de tension suprieur ou gal 0,75. 15 Des stratgies dattraction pour palier le manque de main duvre

    Afin de parer les tensions grandissantes sur les mtiers de la conduite, les transporteurs diversifient leurs pratiques de recrutement ; ainsi, dans le panel des solutions imagines ces dernires annes par les transporteurs, on trouve en bonne place la volont forte dattirer les femmes vers les mtiers de la conduite (Hamelin et Rodriguez, 2005). Il ne sagit pas l dune proccupation de parit, mais dun moyen de lutte contre la pnurie de candidats. Par ailleurs, bien que cette volution soit la fois solution et problme, le recrutement de candidats post bac, notamment bac +2, progresse, tmoignant de difficults de primo-insertion et dexigences plus leves dans les mtiers de la conduite. Dernirement, depuis lassouplissement de la loi Fillon sur le cumul emploi-retraite, on constate aussi un recours assez frquent aux chauffeurs retraits pour des missions ponctuelles. 16 Cette dernire tendance est confirme par les rapports annuels de lOPTL qui montrent une augmentation de la proportion des conducteurs routiers les plus gs. Prs de 56% des effectifs de la branche conventionnelle ont plus de 40 ans en 2009, aprs 54% un an

    15 Rapport OPTL 2011 (Donnes Pole emploi/DESP/Dpartement tudes et statistiques sur le march du travail/ STMT-Demandes et STMT- Offres (PERSEE/COSI)) 16 Jafflin Claire, Recherche Transport Scurit 99, 2008

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    auparavant, et 43% dix ans plus tt. Le vieillissement des effectifs de la branche se poursuit donc. En particulier, la part des plus de 55 ans a plus que doubl depuis 1999. Paralllement, la part des moins de 36 ans sest rduite de 11,6 points en 10 ans, et de 2 points par rapport 2008. Cette tranche dge reprsente dsormais 29% des effectifs. Les destructions demplois que connaissent la branche conventionnelle en 2009 ont plus largement port sur les moins de 51 ans, dont les effectifs ont baiss de 4,7% en un an, tandis que ceux de 51 ans et plus augmentaient dans le mme intervalle de temps de 4,8%.

    Comparaison de la structure par ge de la branche 10 ans dintervalle

    1999 2009

    25 et - 8,7% 6,6%

    26 - 30 14,5% 10,4%

    31 - 35 17,0% 11,7%

    36 - 40 16,5% 15,5%

    41 - 45 15,0% 16,8%

    46 - 50 13,3% 15,9%

    51 - 55 10,5% 13,4%

    56 et + 4,5% 9,8%

    Source : Enqute Tableau de bord (OPTL)

    Dans le transport routier de voyageurs, 8,1% des salaris ont plus de 60 ans, et parmi eux 27% ont plus de 65 ans. Dans ce secteur, la progression des effectifs constate en 2009 est mettre sur le compte dune progression des effectifs de plus de 50 ans : le nombre des salaris de cette tranche dge a progress de plus de 15% en 2009, tandis que leffectif de moins de 51 ans baissait de 1,5%. En fait, les effectifs de moins de 51 ans ont rgress dans tous les secteurs dactivit de la branche conventionnelle (jusqu -11% dans le dmnagement), lexception du transport sanitaire et des prestataires logistiques. Dans le mme temps, les effectifs de plus de 50 ans se sont accrus dans presque tous les secteurs dactivit, except chez les loueurs et les prestataires logistiques. Les plus de 50 ans reprsentent dsormais 14% des recrues des tablissements de la branche conventionnelle, soit 2 points de plus quen 2008. Claire Jafflin observe que certaines entreprises ou certaines agences gratifient trs officieusement dune prime au recrutement le conducteur qui parraine un collgue, laquelle sajoute une prime additionnelle si le nouveau conducteur est encore dans lentreprise six mois plus tard. Daprs elle, le manque de communication officielle sur ces pratiques par les transporteurs routiers eux-mmes, tant pour limiter les politiques de dbauchage que pour viter les revendications syndicales, a probablement contribu ce que, face aux vocations de pnuries de conducteurs, le scepticisme ambiant soit longtemps rest la rgle, voire le reste encore, empchant de dpasser la stricte logique marchande de loffre et de la demande, qui produit en la matire des raisonnements simplistes et, court terme, irralistes, du genre : si il ny a pas assez de conducteurs, la raret relative du transport crera une augmentation des prix laquelle permettra de mieux rmunrer les conducteurs, ce qui fera en retour disparaitre la pnurie et si le transport routier devient plus cher, ce sera une

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    excellente opportunit de transfert modal, de surcroit sans action publique contraignante, donc presque une situation idale de march. 17

    Une revalorisation de limage du conducteur ncessaire auprs du public ?

    Suite la demande de la fdration nationale des transports routiers (FNTR), lIFOP a ralis partir de 2000 une tude sur la perception par le public de la profession. Il en rsulta des critiques sur limage renvoye par les mdias accuss den ternir lattractivit. Lessentiel des difficults de recrutement tiendrait donc une mauvaise image vhicules par les vecteurs dopinion (conseillers dorientation, enseignants, journalistes, etc.), taye par une pnibilit de ces mtiers suprieure celle rencontre dans dautres activits pour des rmunrations pas notablement plus levs. 18 Les contraintes horaires, principale source dinsatisfaction des conducteurs

    Imputer lessentiel des problmes de recrutements limage grand public de la profession serait restrictif. Une enqute ralise par Randstad en 2011 en France, en Belgique et en Hollande auprs de conducteurs routiers permet de mettre en vidence des motifs dinsatisfaction, au premier rang desquels figurent les horaires et le salaire. Les contraintes horaires apparaissent ainsi comme la principale cause dinsatisfaction des conducteurs franais (14 %), devant le salaire (12 %). Ltude note aussi que les Franais portent le regard le plus svre sur leurs situations professionnelles actuelles. Selon eux, elle s'est fortement dgrade par rapport ce qu'elle tait cinq ans auparavant. Un jugement qui ne les empche cependant pas d'tre optimistes pour l'avenir.

    17 Jafflin Claire, Recherche Transport Scurit 99, 2008 18 Jafflin Claire, Recherche Transport Scurit 99, 2008

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    3. Prospective, tendances et scnarios dans les transports routiers

    3.1. Les tendances globales Un groupe dexperts dans le cadre dun processus de rflexion19 lanc par la Commission europenne a identifi des dfis et tendances luvre pour lavenir de la politique des transports, ici repris. Le vieillissement de la population

    En 2060, lge mdian de la population europenne devrait tre suprieur de 7 ans celui actuel, et les personnes ges de 65 ans et plus devraient reprsenter 30 % de la population contre 17 % aujourdhui20. Bien quau dessus d'un certain ge les gens voyagent gnralement moins, les personnes ges d'aujourd'hui ont tendance voyager plus que leurs parents. Cette tendance devrait se poursuivre et est renforce avec les progrs en matire de sant, la dmocratisation des voyages et de meilleures comptences en langues trangres. A noter quon peut attendre dune socit vieillissante quelle mette davantage l'accent sur la fourniture de services de transport avec un niveau lev de scurit et de fiabilit, et qui disposent de solutions appropries pour les utilisateurs mobilit rduite. En outre, la tendance au vieillissement de la population pourrait exacerber les pnuries de main-duvre et de comptences, et entraner de ce fait une hausse des cots des transports pour la socit. Par ailleurs, une socit avec une part plus leve de personnes ges aura besoin de consacrer davantage de ressources publiques pour le paiement des retraites et les soins de sant. Cet effet sur les finances publiques exercera une pression sur le dveloppement et l'entretien des infrastructures de transport et limitera le financement disponible pour les transports publics, ceux-ci risquent galement dtre impacts par les nouvelles contraintes budgtaires publiques. Migration et mobilit europenne

    La migration nette vers l'UE pourrait accroitre de 56 millions de personnes la population de l'UE dans le cinq prochaines dcennies. Limmigration pourrait jouer un rle important dans l'attnuation de l'effet du vieillissement de la population sur le march du travail. Les migrants gnralement jeunes et urbains pourraient intensifier encore les liens de l'Europe avec les rgions voisines, en crant davantage de liens culturels et conomiques avec leur pays d'origine. Ces liens entraneront une plus grande circulation des personnes et des biens.

    19 Brussels, 2009 279/4, A sustainable future for transport: Towards an integrated, technology-led and user friendly system 20 Eurostat (2008), Population and social conditions, Statistics in Focus 72/2008; and European Commission, Demography Report 2008: Meeting Social Needs in an Ageing Society. SEC(2008) 2911

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    La mobilit au sein de lUnion devrait aussi saccroitre avec labaissement progressif des barrires administratives et lgales. Des challenges environnementaux

    Cest une proccupation grandissante pour le secteur des transports qui cherche attnuer son impact sur l'environnement. L'dition 2008 du rapport TERM21 de l'Agence europenne pour l'environnement, qui fournit des indicateurs de suivi du transport et de lenvironnement dans l'UE, montre que de nombreux Europens demeurent exposs des niveaux dangereusement levs de pollution atmosphrique, en particulier pour la concentration de PM10 dont le transport est la deuxime source la plus importante, et qui dpasse la valeur limite dans de nombreuses zones de qualit de l'air. Surtout, lUE a rcemment adopt un texte sur le climat et lnergie qui fixe un objectif de rduction des missions de GES dans l'UE de 20% par rapport 1990. Les transports ont un rle cl jouer dans la ralisation de cet objectif. Des ressources fossiles de plus en plus rares

    Dans les prochaines dcennies, le ptrole et les autres combustibles fossiles vont devenir de plus en plus chers au fur et mesure que la demande augmente et que les sources faible cot se tarissent. L'impact ngatif sur l'environnement va augmenter mesure que les approvisionnements conventionnels seront remplacs par des sources plus polluantes. Dans le mme temps, la ncessit de passer une conomie moins consommatrice en carbone et les proccupations croissantes concernant la scurit nergtique se traduiront par une offre accrue dnergies renouvelables, rendues moins chres par le progrs technologique et la gnralisation de leur production. Le changement des prix relatifs rendra les investissements dans des sources d'nergie alternatives plus attractifs, en dpit de la forte variabilit de ces prix. La ncessit de soutenir le dveloppement des infrastructures et la longue dure de vie des vhicules va nanmoins retarder ce processus de transition. La rduction de la ncessit dutiliser des combustibles fossiles modifiera vraisemblablement lquilibre des modes de transport, car ils reprsentent actuellement environ la moiti du volume du transport mondial maritime22.

    21 EEA, Transport at a crossroads, TERM 2008, No 3/2009. 22 The share of fossil fuels among the main commodities traded in the world by sea is around 51%, of which crude oil (32%), oil products (8%) and coal (11%) (based on billions of ton-miles, 2005 figures, source: UNCTAD).

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    Lurbanisation

    L'urbanisation est une tendance claire des dernires dcennies et devrait se poursuivre, la proportion de la population europenne rsidant dans les zones urbaines devant passer de 72% en 2007 84% en 205023 La proximit des personnes et des activits est une source majeure d'avantages quimplique l'urbanisation. Toutefois, au cours des 50 dernires annes, la croissance des zones urbaines travers l'Europe tait encore plus grande que celle de la population rsidente, rsultat dun talement urbain qui prsente un rel dfi pour les transports de voyageurs, car il apporte un besoin supplmentaire de transport individuel, gnrant des problmes de congestion et d'environnement. Les transports en zone urbaine reprsentent 40% des missions de CO2 et 70% des missions d'autres polluants rsultent du transport par la route. Ces problmatiques urbaines suscitent lmergence de nouvelles organisations en matire de livraison de marchandises en ville et de logistique urbaine. Dans le domaine de la grande distribution, Monoprix exprimente par exemple pour la livraison de ses magasins Paris intra-muros le recours au mode ferroviaire, en partenariat avec Fret SNCF, et ce pour des parcours relativement courts ( shortlines ferroviaires ). Pour Monoprix, lopration vise faciliter le parcours dapproche de Paris depuis la grande couronne, alors que la voirie routire de cette zone est fortement encombre. Extrait de La responsabilit sociale et environnementale des entreprises comme outil de rgulation de la demande de transport ? V. Castay, J.-A. Lasserre, Dpartement des Etudes Transport et Logistique, PREDIT / ADEME, 2008 Aprs trois ans d'tudes et de travaux, le 28 novembre 2007, Monoprix a affrt le premier train. Le tronon ferroviaire de 30 kilomtres relie l'entrept de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), l'espace de fret ferroviaire urbain de Bercy, quai de la Rpe dans le XIIe arrondissement, o Monoprix dispose de 3 700 m

    2 de surface

    dentreposage. Depuis fin novembre, une quinzaine de wagons assurent quotidiennement l'approvisionnement des 47 magasins parisiens de Monoprix (60 en mars 2008) en boissons et en marchandises gnrales (textile et produits non alimentaires d'importation). Les convois sont oprs par la filiale VFLI de Fret SNCF. 26 camions aliments en GNV (gaz naturel vhicule) prennent le relais Bercy et oprent deux rotations quotidiennes supplmentaires par rapport au tout-route. La dmarche de Monoprix suscite l'intrt dautres enseignes. Au total, neuf sites de fret urbain, dj rservs par RFF, devraient tre ractivs ces prochaines annes le long des boulevards des marchaux dans la moiti est de Paris : les Gobelins, Tolbiac, Bercy-La Rpe (dj en service), les Halles Gabriel-Lam Hest-Pierres, Cour Hbert, Pantin-Villette, La Chapelle Charbon, La Chapelle International et enfin Batignolles. Tous ces sites pourraient tre relis entre eux par la petite ceinture , une ligne ferroviaire que RFF dfend bec et ongles alors qu'une partie des lus veulent en faire une promenade. Deux tudes ont t lances par la Ville de Paris sur le thme de la logistique urbaine. La premire afin d'tudier la possibilit d'attribuer des sillons de fret en heure creuse sur la ligne B du RER afin de relier l'aroport Charles-De-Gaulle au quartier des Halles. L'autre concerne l'extension de la ligne de tramway T3, qui pourrait tre utilise certaines heures du jour pour livrer des marchandises ou rcuprer des dchets collectifs containeriss dans des wagons spcialement conus.

    23 United Nations, Department of Economic and Social Affairs/Population Division (2008), World Urbanization Prospects: The 2007 Revision

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    Le cadre rglementaire

    Lvolution du cadre rglementaire peut avoir un impact dterminant sur les entreprises de transport et de logistique. Si lon pense naturellement toutes les directives en matire de pollution, d'environnement et de transport, il ne faut pas omettre de tenir compte de lvolution des rglementations concernant le SAV, recyclage, rcupration ou le retraitement des produits et emballages. De mme des rglementations locales peuvent avoir des effets non ngligeables sur lentreprise (gestion des entrepts, contraintes de circulation). 24 A court-moyen terme, des volutions importantes du cadre rglementaire se dessinent avec notamment la mise en uvre dune co-taxe poids lourds ds 2013 : issue du Grenelle de lEnvironnement, elle devra tre acquitte par les poids-lourds pour lutilisation du rseau routier national non concd et des routes dpartementales susceptibles de subir un report de trafic. Elle est prsente par le MEDDTL comme :

    - une fiscalit plus cologique qui pse sur les trafics rellement effectus plutt sur le cot du travail et les biens des entreprises de transport routier,

    - une fiscalit plus juste qui touche tous les poids-lourds quelle que soit leur nationalit,

    - un signal-prix qui favorise le report modal grce un mcanisme de rpercussion de la taxe sur les chargeurs,

    - le moyen de prlever de nouvelles ressources pour la construction des infrastructures de transport dcides lors du Grenelle Environnement.

    Le calendrier de mise en uvre de lco-taxe devrait se conjuguer avec celui de la libralisation du cabotage dans lUnion europenne en 2014. Toujours au niveau du transport routier de marchandises, lautorisation rcente (17 Janvier 2011), sous certaines conditions, de tonnages de 44 tonnes, au lieu de 40 tonnes prcdemment, devrait permettre aux transporteurs damliorer leur position sur le transport national, mais aussi linternational. Lamlioration relative des gains de productivit attendus, rapports au prix de revient la tonne transporte a t value par le CNR (Comit National Routier) entre 9,1% et 11,6%, selon le type dactivit et dorganisation des entreprises (en tenant compte de llvation des cots dutilisation 44 t.). Cependant les retours dexprience des exprimentations ou drogations dj mises en place (44 tonnes portuaires, fluvial ou maritime, TCRR, APL transport de betteraves) montrent des rsultats varis. 25 Une des autres pistes tudies (au stade en France de la rflexion) est lautorisation de circulation de vhicules plus longs et plus lourds (VLL) de 25,25 m de long et de plus de 44 tonnes, qui sont susceptibles doffrir des avantages intressants, similaires aux avantages apports par les augmentations en 2001 de poids et de longueur au Royaume-Uni (cf. tude rtrospective de McKinnon, 2005). Toutefois, lintroduction de tels vhicules ncessiterait : - des investissements en infrastructure pour adapter les parkings et les aires de repos ; - un renforcement des ouvrages dart, mise en place de dviations et restrictions ;

    24 Quel(s) futur(s) pour quelles organisations logistiques ? , PROSPECT, fvrier 2007 25 La lettre du transport n1175

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    - des exigences minimales en termes de limites de poids, de manuvrabilit afin de minimiser limpact sur linfrastructure ;

    - une adaptation de la vitesse limite. Une telle autorisation serait susceptible de faire perdre des parts de march aux transports intermodaux. La recherche de technologies innovantes

    Certaines nouvelles technologies permettraient terme dconomiser et/ou de gagner en efficacit, bien quil soit important de relativiser leur impact : dveloppement des motorisations hybrides pour les poids lourds qui permettraient de diminuer la consommation la tonne/km transporte, systmes de navigation comme GALILEO et identifications par frquence radio type RFID Sil est mis un jour en uvre, le concept du futur de routes roulantes pourrait rvolutionner les transports de marchandises sur longue distance : linfrastructure imagine est une autoroute ddie au trafic poids lourds constitue par exemple de deux fois une voie de roulement de 3,50 m plus une BAU servant de voie de service et de voie en conduite manuelle dans le cas dun mode dgrad. Les voies sapparentent une voirie conventionnelle pour une circulation de poids lourds. De telle routes roulantes ont t imagines sur un millier de kilomtres depuis la frontire espagnole jusqu la frontire belge : celle-ci serait alors dote de 8 changeurs qui la connectent avec les grands axes qui lui sont perpendiculaires, lesquels permettraient de collecter et de diffuser le trafic depuis et vers les grands centres de production et de consommation, avec des vhicules circulant 110 km/h.

    Lvolution des modes de consommation

    On observe depuis maintenant une dizaine dannes une forte volution de lutilisation dInternet pour des achats, dont le transport lger profite largement. On pense notamment aux supermarchs et centrales dachat en ligne. Cette hausse est relier avec le dveloppement des achats sur Internet via des plateformes logistiques qui livrent les centres de consommation depuis des plateformes de proximit. Les grandes enseignes traditionnelles (Fnac, Bhv, Carrefour) proposent dornavant quasiment toutes une livraison domicile, pour une gamme de produits de plus en plus large (produits alimentaires, meubles, informatique, fleurs.). Do une augmentation de la demande de transport sur courte distance et du transport express, et une baisse