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ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC. LE CASD’ÉTABLISSEMENTS DU SECTEUR MÉDICOSOCIAL
Stéphane Bellini
Association de Gestion des Ressources Humaines | « @GRH »
2014/4 n° 13 | pages 103 à 126 ISSN 2034-9130ISBN 9782807300590DOI 10.3917/grh.144.0103
Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-agrh1-2014-4-page-103.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 103
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ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC. LE CAS D’ÉTABLISSEMENTS DU SECTEUR MÉDICOSOCIAL
Stéphane BelliniMaître de conférences - Université de Poitiers Enseignant à l’IUT – Département Gestion des Entreprises et des AdministrationsChercheur au [email protected]
Résumé
Dans le cadre d’une recherche-action, nous observons la genèse d’une démarche de Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences par des acteurs de terrain. Nous mettons en discussion la littérature sur la GPEC avec celle de l’appropriation des outils de gestion, qui souligne l’intérêt d’intégrer l’acteur dans l’analyse. La grille de lecture des dynamiques d’appropriation éclaire les processus sociaux à l’œuvre (jeux de pou-voir, construction de sens, apprentissage) et permet de mieux les comprendre. Nous montrons également que les formes de GPEC sont produites par l’imbrication de ces processus sociaux. Plus que la fiabilité des outils, les dimensions humaines à l’œuvre dans une démarche de GPEC sont des facteurs de succès.
Mots-clésGPEC, dynamique d’appropriation, acteurs, recherche-action.
Abstract
In the context of an action-research, we observe the genesis of a process of a Human Resources Prospective Management. We draw on literature on HRPM and the notion of management tools appropriation. They both underline the interest to consider the actor in the analysis. The concept of appropriateness dynamics brings out social pro-cesses (social politics relationships, sensemaking, learning process). We show HRPM forms are the result of social process combination. More than the reliability of tools, the human dimensions of such a prospective process are the factors of success.
KeywordsHR Prospective Management, appropriateness dynamics, actors, action-research.
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INTRODUCTIONLa Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) est une démarche structurée pour anticiper et organiser les mutations économiques et leurs conséquences sur l’emploi. Dans sa version classique, la GPEC est présentée comme un enchaînement linéaire d’outils d’analyse puis de plans d’action. Cette présentation tend à en faire une mécanique rationnelle et sous-estime l’importance des dimensions humaines à l’œuvre dans son déploiement (Cadin, Guérin & Pigeyre, 2002 ; Gilbert, 2006 ; Beaujolin-Bellet, Cornolti, Kuhn & Moulin, 2007).La mise en place d’une démarche de GPEC passe par le choix et le déploiement d’outils, ce qui légitime le recours à la littérature sur les outils de gestion (Berry, 1983 ; Hatchuel & Weil, 1992 ; Gilbert, 2006 ; De Vaujany, 2006 ; Chapiello & Gilbert, 2013). Nous met-tons en discussion ces deux champs de la littérature, GPEC et outils de gestion ; ils soulignent l’intérêt de réintégrer l’acteur dans l’analyse du déploiement des dispositifs. Reste à opérationnaliser ce précepte. Grimand (2007, 2012) propose une grille de lec-ture des dynamiques d’appropriation à travers quatre dimensions : rationnelle, sociopo-litique, cognitive et symbolique. Ses Travaux font écho à la littérature sur les outils de gestion et permettent de mieux comprendre les processus sociaux à l’œuvre lors de la genèse de démarches de GPEC. La grille d’analyse qui en est issue permet de rendre visibles des dimensions invisibles, en les identifiant et les nommant. Nous avons saisi l’opportunité de conduire une recherche-intervention dans 29 établis-sements du secteur social, sanitaire et médicosocial, dont l’objectif opérationnel visait à aider des représentants de ces établissements à construire une GPEC. À partir de ce terrain, nous nous sommes interrogés sur la genèse d’une démarche de GPEC dans un contexte très particulier non seulement en raison du secteur d’activité mais aussi parce que les acteurs impliqués dans la démarche sont des binômes constitués de représen-tants des directions et des délégués du personnel. Au révélateur de ce cadre concep-tuel, apparaissent des dimensions invisibles à l’œuvre lors d’un travail de construction d’une GPEC. Le choix des outils ou l’abandon de la démarche trouvent une nouvelle explication. Plus encore, l’analyse permet de mieux comprendre les formes prises par la GPEC, du fait d’une combinaison de plusieurs processus sociaux : jeux de pouvoir, sens perçu de la démarche, apprentissages.
1. GPEC ET OUTILS DE GESTIONLa littérature sur la GPEC pointe les failles conceptuelles d’une notion souvent vue et enseignée comme un processus rationnel, selon lequel s’enchaînent des séquences chaque fois appuyées d’outils de GPEC, dont l’effet devrait être la prévention de res-tructurations lourdes. Cette littérature invite à analyser la GPEC en intégrant le point de vue des acteurs. Le recours à la littérature sur les outils de gestion permet d’enrichir la compréhension des phénomènes à l’œuvre dans la mise en place d’outils de GPEC, en
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considérant notamment que la dimension technique des outils de gestion ne saurait être étudiée sans sa dimension sociale. C’est dans l’interaction entre ces deux dimensions que se produit l’appropriation de démarches de GPEC, dès la phase de genèse instrumentale.
› 1.1. Une littérature pointant les failles de la notion
La Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences (GPEC) a fait l’objet de plusieurs définitions, dont on peut extraire trois points communs :
– que l’on parle de démarche préventive, prospective ou prévisionnelle, il s’agit à chaque fois d’imaginer l’avenir de l’entreprise. Pour Gilbert, il s’agit ainsi de « l’intro-duction du temps dans la gestion » (Gilbert, 2006, p.12) ;
– l’accent est mis sur la dimension stratégique et sur l’intérêt de mettre en lien les prévisions d’activité avec l’organisation future d’une entreprise et ses emplois et compétences (Le Boterf, 1988) ;
– elle raisonne à la fois sur un plan quantitatif et qualitatif (Mallet, 1991 ; Thierry & Sauret, 1993).
Une schématisation de Mallet (1991) présente la GPEC comme un enchaînement linéaire d’analyses et d’actions d’adaptation. Reprise par des cabinets conseil, elle prend au fil du temps le statut du « schéma classique de GPEC » (Gilbert, 2006, p. 72), se décou-pant en quatre grandes phases : définition d’orientations stratégiques, analyse des ressources actuelles, analyse des besoins à moyen terme, définition de plans d’action visant à résorber les écarts entre besoins prévus et ressources actuelles. Ce modèle de référence cherche à favoriser l’adéquation besoins/ressources, et tient en point de mire l’« écart zéro » vu comme un « idéal normatif » (Gilbert, 2006, p. 67). Hormis ce schéma dit classique, photographier la GPEC se révèle être un exercice délicat tant les pratiques sont hétérogènes et n’épuisent pas les possibilités d’en dresser des typo-logies (Joyeau & Retour, 1999 ; Oiry, 2013). La GPEC est présente y compris dans les PME (Abraham, Brillet, Coutelle & Hulin, 2011) où elle ne se distingue pas nettement de celle des établissements de tailles plus importantes sur les objectifs et le contenu, mais elle se caractérise par un pilotage plus serré du dirigeant et une instrumentalisation souvent moins forte (Parlier, 2006).La littérature identifie deux limites fondamentales au concept de GPEC. Tout d’abord, la GPEC s’est construite sur l’idée de prévision d’activité, fondement de l’évaluation des besoins. De là découlent les tableaux prévisionnels d’effectifs, référentiels, carto-graphies et autres raffinements instrumentaux. Mais leur sophistication ne réduit pas l’irréductible incertitude de toute activité économique. Fonder un modèle sur une prévi-sion par nature incertaine est une première limite du modèle (Defélix, Dubois et Retour, 1997 ; Masson et Parlier, 2004). Ensuite, le schéma classique de la GPEC pâtit d’une philosophie gestionnaire rationalisatrice (Gilbert, ibid.), selon laquelle il est possible d’organiser l’anticipation puis l’évolution des emplois et compétences grâce à des outils
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parfois très sophistiqués. De cette manière, la GPEC prend la forme d’un enchaînement de tâches d’une apparente rationalité, « une suite d’actions pré-organisées conduisant à des résultats prévus » (Gilbert, 2006, p. 95). Or, pas plus que d’autres outils de ges-tion des compétences, les outils de GPEC ne déterminent les usages qui en sont faits. Le postulat fonctionnaliste sous-jacent au schéma classique suppose notamment que les acteurs des organisations se coulent dans le moule qui leur est préparé. Une autre lecture est possible. Cadin, Guérin et Pigeyre (2002) exposent ainsi l’affrontement entre la démarche d’évolution des emplois et des compétences et les logiques parfois incom-patibles des acteurs, entre les désirs d’évolution des uns et les besoins identifiés par les autres. Plus récemment, Schmidt, Gilbert et Noël (2013) montrent bien que les identi-tés professionnelles expliquent l’usage de dispositifs censés développer l’employabilité des salariés. Beaujolin-Bellet et al. (2007) indiquent encore que les directions peuvent juger opportun de ne pas communiquer l’anticipation des réorganisations pour diverses raisons (signal négatif donné à des parties-prenantes, peur de conflits sociaux longs, crainte de la prophétie auto-réalisatrice). Aux deux limites conceptuelles que sont l’impossibilité de la prévision et l’instrumenta-lisation négligeant les acteurs, s’ajoute le fait que la GPEC s’est révélée être incapable d’endiguer les restructurations lourdes, contrairement aux intentions de départ (Thierry et Sauret, 1993). L’épreuve des faits oblige à revoir les objectifs : si la GPEC ne permet pas de prévenir les restructurations, elle peut devenir un outil de l’« anticipation partagée des restructurations », pourvu que certaines conditions favorables à un dialogue constructif entre partenaires sociaux soient réunies (Beaujolin-Bellet et al., 2007). De cette anticipa-tion partagée pourraient naître des opérations de mobilité ou d’évolution professionnelle.
› 1.2. L’interaction entre outils de GPEC et acteurs
Les failles de la notion de GPEC invitent à un glissement essentiel visant à s’intéresser à l’implication des acteurs davantage qu’aux seuls contenus des démarches. Il s’agit donc de réintégrer les acteurs dans des outils de GPEC souvent désincarnés et présen-tés sous un angle fonctionnaliste. Nous nous inscrivons dans la filiation des travaux considérant que la technique est indissociable du social, les deux étant en permanente interaction (Gilbert, 1998). L’étude de la « genèse instrumentale » (Chapiello & Gilbert, 2013, p. 29) est notamment un moment privilégié pour prendre en compte les intentions des acteurs au moment où l’outil se construit.La littérature sur les outils de gestion est abondante ; elle met notamment en évidence les limites de l’approche rationnelle et l’intérêt d’étudier les interactions entre le tech-nique (l’instrumentation) et le social (Berry, 1983 ; Hatchuel & Weil, 1992 ; Gilbert, 1998). La construction de l’outil n’est pas uniquement le résultat de considérations pratiques et fonctionnelles mais elle est aussi sous-tendue par une philosophie gestionnaire et une vision simplifiée des relations organisationnelles autour de l’outil (Hatchuel & Weil,
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1992). Elle est également orientée vers un objectif. Eyraud (2013) montre ainsi que le choix d’indicateurs de performance des universités varie selon l’objectif de ceux qui les proposent : maîtrise des dépenses (ministère des finances) ou valorisation du travail réa-lisé (ministère de l’enseignement supérieur et la recherche). Chacun cherche à définir des indicateurs lui permettant de donner une image de la performance qui lui soit favorable en prévision des arbitrages budgétaires (in Chapiello & Gilbert, 2013, pp. 183-196). Une fois construit, l’outil de gestion n’est pas un objet neutre. Il oriente l’action des acteurs qui l’intègrent à leur système d’action concret (Crozier & Friedberg, 1977) et produit tantôt des retours attendus, tantôt des usages imprévus de contournements ou détour-nements (Bernoux, 1995). Cependant, les outils de gestion sont d’autant plus réducteurs que les phénomènes sociaux dont ils doivent rendre compte ou qu’ils encadrent sont complexes (Gilbert, 1998). L’analyse sociale des outils de gestion montre encore que leur mise en place ne relève pas d’une mécanique instantanée et ne suit pas une progression linéaire ; elle procède d’ajustements, de tâtonnements, de renoncements à des intentions initiales et/ou de développements imprévus (Grimand, 2007). Les dynamiques à l’œuvre s’expliquent par la présence de dimensions invisibles souvent négligées au profit de l’apparente techni-cité des outils (Berry, 1983). L’hétérogénéité des pratiques à partir d’outils apparemment similaires est le signe de leur reconfiguration par les acteurs. C’est précisément cette reconfiguration que nous souhaitons observer à travers les dynamiques d’appropriation et ce dès la genèse ins-trumentale. Suivant les recommandations de Chapiello et Gilbert (2013), cela suppose d’en « identifier le système » (p. 28) c’est-à-dire « la combinaison d’un ensemble d’élé-ments en interaction (…) inscrits dans des situations. Etudier l’objet en soi limite l’ana-lyse, épuise rapidement le propos. On trouvera donc avantage à identifier le système dans lequel s’inscrit l’outil de gestion ».
› 1.3. Les dynamiques d’appropriation
Aborder la GPEC du point de vue de l’appropriation des outils permet d’appréhender l’interaction entre le technique et le social et complète la littérature sur le domaine. La question de l’appropriation des dispositifs de gestion des compétences est centrale pour Masson et Parlier (2004). Selon eux, l’adaptation des outils aux contextes et le partage de représentations sont dans de nombreux cas moins réfléchis que la sophis-tication des outils, ce qui peut faire apparaître un décalage entre la conception et les usages. Cependant, le processus d’appropriation des outils invite à nuancer cette stricte séparation : « conception et usage sont intégrés dans un vaste processus récursif et continu » par lequel « l’outil est approprié par plusieurs acteurs qui le forment, le défor-ment, l’interprètent » pour qu’ensuite les acteurs « se réapproprient l’outil reconstruit » (De Vaujany, 2006, p. 119). L’intégration conception-usage est d’autant plus pertinente
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que le déploiement de l’outil se trouve au stade de sa genèse, ce qui est le cas dans les situations étudiées ici.Grimand propose une grille de lecture de la dynamique d’appropriation, étant entendue comme « la rencontre de l’acteur et de l’outil dans le contexte d’une organisation sin-gulière » (2012, p. 243). Il postule une « dualité » des outils selon laquelle l’outil ne se réduit pas à son substrat technique. L’outil est « une entité mixte associant d’un côté des artefacts, matériels ou symboliques (des concepts, des schémas, des interfaces d’outils informatique…), de l’autre des registres d’action, d’usage qui vont leur donner sens » (2007, p. 5). Ses travaux font ainsi écho à la littérature sur les outils de gestion exposée plus haut et permettent d’éclairer d’une part des processus de construction de la GPEC encore dans l’ombre et d’autre part les liens entre l’implication des acteurs dans cette construction et le design des outils lui-même.La grille de lecture de Grimand contribue à « multiplier les points de vue » sur les outils (Chiapello & Gilbert, ibid.) en proposant quatre regards sur la dynamique d’appropriation (2007, 2012) :
– selon un regard rationnel et instrumental, l’outil a vocation à résoudre des problèmes ; il remplit les fonctions que ses concepteurs lui confèrent. C’est un vecteur de rationa-lisation dans la mesure où l’outil propose une représentation simplifiée et réduite du réel. Qu’il s’agisse d’en rendre compte ou de le transformer, il donne l’impression (ou l’illusion) de le maîtriser (Berry, 1983) ;
– le regard sociopolitique sur les outils de gestion signale la présence de jeux d’acteurs (Crozier et Friedberg, 1977) et de rapports sociaux dans la dynamique d’appropria-tion et plus spécialement autour de la mise en place des outils de gestion. Les acteurs ont des comportements stratégiques et utilisent leurs ressources pour peser autant sur le contenu des outils que sur la manière de les installer (Eyraud, 2013) ;
– la dimension symbolique des dynamiques d’appropriation permet de voir comment les outils de gestion peuvent être les vecteurs de construction de sens. Selon la théorie du sensemaking de Weick (1995), le sens commun est produit dans un processus continu, reliant la pensée et l’action dans un mouvement permanent de récursivité, dans lequel l’activation d’outils prend part. Pour Weick, les outils sont constitutifs de la structuration des rôles et de la construction identitaire et dépassent leur seul attribut fonctionnel ;
– enfin, un regard cognitif permet d’examiner le processus d’apprentissage dont l’outil est le support, par exemple quand il permet d’engager une analyse réflexive sur le travail. En ce sens, les outils ont un rôle d’activation de nouveaux apprentissages (Gilbert, 1998). En matière de GPEC, l’outillage peut implicitement rétroagir sur l’orga-nisation en ouvrant de nouvelles réflexions et en créant des apprentissages (Joyeau, 2002). Grimand (2007) prend l’exemple d’un référentiel de compétences, dont la hié-rarchie des compétences met à jour les progressions attendues de la part de salariés.
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Nous tentons d’appliquer ce cadre conceptuel à la genèse de démarches de GPEC dans des établissements du secteur sanitaire, social et médicosocial, décrits plus bas. Nous nous interrogeons sur les cheminements par lesquels les acteurs parviennent à choisir puis à façonner leurs outils de GPEC.
2. MÉTHODOLOGIEAu cours des paragraphes suivants, nous montrons la manière avec laquelle nous avons saisi un problème de gestion pour le transformer en une question de recherche. Nous présentons ensuite notre dispositif méthodologique. La nature de l’opération, le secteur d’activité, le statut des acteurs en présence ne sont évidemment pas des toiles de fond neutres des dynamiques d’appropriation mais permettent au contraire de les contextua-liser. Leur exposé relève de l’analyse selon une « approche systématique » des outils de gestion, que Chapiello et Gilbert empruntent aux principes de l’analyse anthropologique (2013, p. 29) et par laquelle le contexte et les usages sont porteurs de significations.
› 2.1. La sollicitation d’un OPCA
Nous avons été sollicités pour participer à la réalisation d’un guide de GPEC pour le compte de l’Organisme Paritaire Collecteur Agréé (OPCA) du secteur associatif sani-taire, social et médicosocial, UNIFAF. Celui-ci rassemble des établissements et asso-ciations à but non lucratif très divers. Les effectifs de la majorité des établissements sont compris entre 10 et 50 salariés mais certaines associations peuvent compter jusqu’à 600 salariés. Certaines d’entre elles sont des déclinaisons départementales d’associations nationales et gèrent plusieurs établissements alors que d’autres sont le fruit d’un regroupement local de parents ou d’élus et gèrent un unique établissement. Sur le plan des activités, UNIFAF regroupe des associations ou établissements trai-tant du handicap sous toutes ses formes ou, plus largement, de l’inadaptation (men-tale, sociale, physique), mais aussi des Établissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), des structures pour jeunes en situation de petite délin-quance ou nécessitant une protection, des Établissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT) ou entreprises adaptées, des cliniques de rééducation fonctionnelle. La dimension non-lucrative est fortement revendiquée par l’OPCA comme par les acteurs eux-mêmes, quelle que soit leur place dans la hiérarchie. Les associations connaissent des contraintes financières liées au tarissement des ressources des financeurs publics mais elles n’ont pas pour objectif de faire des bénéfices. L’opération impulsée par UNIFAF présentait l’opportunité d’une collecte d’informations riche et réglait la délicate question de la négociation d’un terrain (Wacheux, 1996). De plus, l’existence même d’une demande montre que la recherche correspond à un intérêt des praticiens.
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› 2.2. L’émergence de la question de recherche
La généalogie de la question induit une interaction avec l’objet de recherche que nous intégrons au moment de penser le projet de recherche, consubstantiel de la relation au terrain (Giordano, 2003). L’objectif pratique et volontariste de l’OPCA d’accompa-gner des établissements dans la mise en œuvre d’une GPEC aboutit à un dispositif par lequel des binômes de professionnels et de représentants du personnel s’emparent de méthodes et outils de GPEC. Ceux-ci sont présentés dans un guide dans le but de construire leurs propres démarches. Nous avons accès lors des séances de travail aux modalités d’élaboration de ces démarches, ce qui répond à notre objectif de mieux com-prendre comment se construit une GPEC à travers l’appropriation d’outils. Objectif pra-tique et objectif de recherche sont ainsi intimement liés (Hatchuel, 1992).
› 2.3. Le statut des connaissances produites
Tout en cherchant à nous distancier du travail des groupes, nous avons bien conscience de participer partiellement à la construction de l’objet de recherche que nous obser-vons. En outre, notre intervention a orienté le travail des professionnels. Nous assu-mons cette position d’inclusion dans l’objet de recherche, fondamentalement liée à la recherche-action (Hatchuel, 1992 ; Moisdon, 1984 ; Wacheux, 1996 ; David, 2008). Elle nous demande de préciser la nature de la connaissance produite par cette recherche. Nous observons un phénomène auquel nous prenons part et les réalisations observées sont aussi le produit de cette relation. « Le chercheur utilise sa position pour copro-duire des connaissances depuis l’intérieur du système et non depuis l’extérieur » (David, 2008, p. 203).Avec David, nous soutenons qu’il ne s’agit pas d’un biais à la connaissance produite, ce qui sous-tendrait qu’il existe une connaissance pure et parfaite de laquelle on s’écarte-rait par certains dispositifs méthodologiques. Or, dès lors que l’on s’intéresse à l’action humaine, toute connaissance est le produit d’une interaction avec un objet. « La place du chercheur et les conséquences de la recherche pour l’action sont explicitement prises en compte, non pas dans l’optique de « biais » qu’il faudrait limiter mais, au contraire, comme principe même d’intervention et de génération de connaissances scientifiques » (David, 2008, p. 196). Si nous revendiquons l’absence de biais, nous avons aussi une claire conscience des interactions entretenues avec l’objet de recherche. Afin d’en évi-ter les conséquences négatives, nous cherchons à organiser une « familiarité distante » avec notre objet de recherche (Matheu, 1986), selon laquelle tout en étant proche et même partie prenante de l’objet, nous créons les conditions de la distance (Girin, 1981) en recourant à quelques principes méthodologiques classiques, faits de rédaction et prises de notes lors des différentes phases et de restitutions tant au comité de pilotage d’UNIFAF qu’à la communauté scientifique. Notre position est donc d’assumer la proxi-mité physique du terrain et d’en organiser une distance cognitive.
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Les limites du recueil de données tiennent d’abord aux éléments inobservés : nous ne sommes pas présents dans les établissements quand les démarches se concrétisent et les groupes de travail se forment au-delà du temps des interventions. Elles tiennent aussi à la nature de l’opération : les parties-prenantes sont volontaires à quelques exceptions près et cela conduit à la constitution de binômes d’abord sensibles à la démarche et ensuite chez qui le dialogue social est déjà noué. En cela, le travail livré ici ne revendique aucune représentativité statistique. Nous en maintenons l’intérêt tout en percevant qu’elle ne nous permet pas de rendre compte de la profondeur du changement généré dans les établissements par une démarche expérimentale (David, 1998), dont nous allons présenter les particularités ci-dessous.
› 2.4. Les modalités de la recherche-action
Notre recherche s’inscrit dans la tradition de la recherche-action. Nous observons le déroulement des groupes de travail constitués pour que les binômes de cadres ou diri-geants et de représentants du personnel s’emparent d’un guide élaboré préalablement par nos soins avec sept professionnels du secteur. Les groupes de travail sont compo-sés de 6 à 12 personnes et se réunissent trois à quatre journées, espacées chacune d’environ un mois afin d’encourager la mise en œuvre dans les établissements entre les séances. Au total, cette opération a représenté 19 jours d’intervention pour la phase d’accompagnement à la prise en main du guide, auprès de 29 établissements.
Encadré 1. La construction du guide
La construction du guide de GPEC s’est faite avec le concours de professionnels du sec-teur d’activité. Sept professionnels, reconnus pour l’intérêt qu’ils portaient à la GRH, ont ainsi répondu à l’appel. Ils ont participé directement à coproduire un guide reprenant les principes et outils de la GPEC et ils ont ensuite été mobilisés pour l’expérimenter dans leurs propres structures. À la fin de la construction du guide, deux établissements ont été investis pour tester la praticité du guide (compréhension du vocabulaire, clarté de la démarche, pertinence des outils). Chaque fois, c’est un binôme dirigeant – représentant du personnel qui commente le guide en testant son utilisation. Le guide obtenu est donc le fruit d’un travail collectif, d’itérations répétées entre un contenu proposé et des amendements ou ajouts demandés par les parties-prenantes. Nous sommes dans le cas de figure d’une phase de co-conception des outils (De Vaujany, 2006). Le tout est orchestré par deux animateurs-formateurs. Le premier est consultant-formateur en organisation et spécialisé dans ce secteur d’activité. Nous sommes le second, ignorant au départ les spécificités du secteur et appelé pour un transfert de connaissances sur le thème de la GPEC.
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ÉTUDE DE LA GENÈSE DE DÉMARCHES DE GPEC 113
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3. RÉSULTATSIl n’est guère surprenant de voir l’examen des 29 démarches montrer des résultats très divers. Les participants à l’opération définissent à la fois des modes d’entrée dans la GPEC qui leur conviennent et des objets réalistes ou prioritaires à leurs yeux. Certains sortent de l’opération avec un accord de GPEC, d’autres avec une révision de fiches de poste. D’autres encore abandonnent en cours de route pour des raisons très variables. L’abondance des informations nécessite de les ordonner pour en proposer une lecture, ce que nous faisons dans le tableau 1, synthétisant pour chaque établissement les informations obtenues et nos analyses. Au-delà du constat de la diversité de mode de construction, avec des niveaux d’avancée et des blocages différents, nous relevons dans les travaux des groupes des niveaux d’avancement distincts. Nous constatons également l’apparition de facteurs de blocage parfois rédhibitoires, davantage liés à un manque de consensus ou de sens qu’à un défaut d’instrumentation. Nous relevons ensuite que l’engagement dans la démarche donne lieu à des apprentissages, signe d’une dynamique parvenant à modifier des pratiques ou représentations. Nous obser-vons enfin des formes de GPEC singulières, construites en fonction de dynamiques d’appropriation différentes.
› 3.1. L’expression d’une démarche rationnelle
La séduction des outils de gestion tels que présentés dans un guide au papier glacé opère souvent dans un premier temps. Certains établissements se lancent ainsi dans d’ambitieux dispositifs à l’échelle de petites structures. Il s’agit par exemple de « faire évoluer des compétences dans la perspective de nouveaux profils recherchés », d’éla-borer « un plan stratégique », de « réajuster l’organisation » ou d’« adapter les postes », d’entreprendre une « réorganisation du service ». Dans le passage des principes à l’ac-tion, ces objectifs généraux se traduisent souvent par une mise en place d’outils ou d’instruments, qui encadrent, photographient, encouragent ou contraignent les proces-sus de travail.L’éventail des outils mobilisés est vaste, comme l’indique le tableau 1 : pyramide ou histogramme des âges, fiches de postes, diagnostics interne ou externe, mise en place d’entretiens professionnels. Cependant, la conception d’un outil n’est pas à elle seule un indicateur de son appropriation puisque cet outil ne dit rien ni de sa mise en œuvre ni de ses effets. Les acteurs en ont eux-mêmes conscience puisque plusieurs d’entre eux ont mis en œuvre des tableaux prévisionnels d’effectifs et ont pu en constater leur faiblesse prédictive : l’outil suppose une stabilité dans la durée à la fois de l’activité, du personnel, du périmètre, de l’organisation et de la politique d’emploi (externalisation ou internalisation), ce qui relève de la fiction.Pourtant, les outils rassurent, offrent une apparence de professionnalisme et renforcent le sentiment de maîtriser le cours des évènements, à tort ou à raison ; très souvent, nous
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avons constaté qu’ils facilitent l’engagement dans la GPEC : à partir du mode opératoire à construire (qui fait quoi et comment ?), ils peuvent devenir un outil de dialogue et de convergence des représentations. Dans ce cas, c’est bien en tant que support de ces dynamiques qu’ils sont intéressants et non pour les fonctions qui leur sont attribuées.L’examen du choix des outils par les acteurs montre encore que ni les caractéristiques techniques des outils mobilisés, ni les contextes internes ou externes, ni les configu-rations organisationnelles dans lesquelles ils s’intègrent (notamment appartenance à une association nationale ou non) n’apportent d’explication au processus conduisant des individus à s’emparer des outils. Nos constats suggèrent ainsi de recourir à d’autres éclairages pour saisir les modalités de construction de la GPEC.
› 3.2. Des jeux de pouvoir
L’analyse stratégique nous enseigne que les jeux de pouvoir peuvent exister indépen-damment des rapports hiérarchiques (Crozier & Frieberg, 1977). L’exemple d’une Maison d’Accueil Spécialisé (n°14) le confirme. Le binôme cadre/représentant du personnel fait part d’emblée de ses réserves sur la démarche de GPEC, selon lui impossible à engager sans la formalisation d’un projet associatif. Plus tard, le projet se révélera peu éloigné du précédent, et très malléable (« attention à la personne », « intégration des familles »…) mais c’est alors la faiblesse des marges de manœuvre financières octroyées par l’asso-ciation qui justifiera l’impossibilité pour le binôme de s’impliquer dans une GPEC. Ces réticences expriment une tension entre le binôme de l’établissement et les adminis-trateurs de l’association gestionnaire. Le binôme fait part d’un manque d’écoute des administrateurs à leur égard, qui les ont inscrits à l’opération de prise en main du guide de GPEC sans qu’ils n’y adhèrent et parle de « décalage des administrateurs avec la réalité ». Les jeux sociopolitiques s’expriment à d’autres occasions, à travers les binômes de représentants du personnel/direction, particularité de la formule choisie par l’OPCA, qui tient compte de la nécessité d’un compromis entre des acteurs dont les visions des politiques d’emploi ou de formation sont inspirées par leurs positions. Une anecdote l’illustre dans une Maison d’Enfance à Caractère Social (n°18 dans le tableau) : à l’occa-sion de la présentation d’un outil (tableau de polyvalence ou matrice de compétences), la déléguée du personnel réagit vivement en affirmant : « si c’est ça la GPEC, alors il faut la combattre ! ». En présence de son directeur, en binôme avec elle, elle fait part de son refus de la polyvalence et du risque de comparaison entre salariés que sous-entend l’analyse des compétences individuelles. L’association exclura cet outil de sa GPEC et la démarche servira surtout de point d’appui à la création d’un consensus. Cet exemple est significatif de jeux de pouvoir, aboutissant à l’exclusion du champ de la GPEC de sujets comme l’externalisation ou à l’orienter vers des points particuliers.
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Nous avons vu deux exemples. Le premier montre que les jeux de pouvoir entre les administrateurs d’une association et ses salariés, cadre et représentant du personnel, en bloque le déploiement. Le deuxième laisse voir un jeu d’acteurs permettant d’abou-tir à un consensus tout en infléchissant le contenu d’une GPEC. Un troisième exemple confirme que les jeux de pouvoir participent à la construction des formes prises par la GPEC. Il s’agit d’un foyer d’hébergement (n°28) dont le choix du périmètre de la GPEC, sur le service comptable, marginal dans l’organisation, est lié aux anticipations des réactions d’éducateurs, plus nombreux et apparemment plus rétifs à la notion : « on va montrer comme ça aux éducateurs qu’il n’y a pas de craintes à avoir de la GPEC » (chef de service). Les jeux de pouvoir interviennent donc dans le choix du périmètre et des outils, bref dans les formes de la GPEC dès sa genèse.
› 3.3. La volonté de partager le sens de la GPEC
La préoccupation du sens de la GPEC se retrouve dès les premiers tours de tables, lors de l’explicitation des intentions et la définition d’orientations de moyen terme. Plusieurs établissements cherchent à faciliter le partage de sens autour de la démarche : présen-tation de la démarche dans les instances représentatives du personnel, information des salariés, constitution de groupes de travail, mise à disposition d’un classeur… Pourtant certaines difficultés opérationnelles trahissent un déficit de sens. Les deux exemples suivants en témoignent.Le chef de service d’une MAS (n°14) estime être dans l’incapacité d’engager une GPEC : « franchement, on ne peut rien faire. La tutelle nous donne un budget en fonction de ratios. En fonction du nombre de résidents, vous avez un budget mais vous devez avoir tant de personnes qualifiées avec tel ou tel diplôme. Bref, on ne peut quasiment rien bouger. Alors, vous savez, faire évoluer les compétences….». Ces difficultés opération-nelles sont réelles et entendues à maintes reprises : impossibilité de prévoir l’évolution des données externes comme les financements et l’évolution du public accueilli, fai-blesse des marges de manœuvre en interne : rémunération, mobilité professionnelle, promotion… Sans les minimiser, nous relevons que certains groupes les surmontent, à l’image d’un Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (n°23). Longtemps géré par une association locale, il vient d’être intégré à une association nationale fédérant des dizaines d’établissements similaires. La centralisation des déci-sions est crainte par le binôme dirigeant/représentant du personnel, qui s’engage néan-moins dans la GPEC en y voyant un moyen de devenir force de proposition vis-à-vis de la structure nationale. Malgré les incertitudes très fortes, le binôme planche sur un organigramme prévisionnel et affûte son argumentation pour légitimer le maintien d’une activité de restauration et non son externalisation. Dans le premier cas, le chef de service n’a pas décidé lui-même de participer aux groupes de travail. Il n’en perçoit pas le sens puisqu’il est convaincu de l’absence de
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marge de manœuvre. Comme le décrit le second, dans un contexte tout aussi contraint, le binôme dirigeant/représentant du personnel perçoit suffisamment de sens pour que cela soit moteur de son action. Plus que la marge de manœuvre elle-même, c’est bien la perception qui en est faite qui est motrice ou bloquante. Cela relativise l’importance de facteurs de succès objectifs.Comme l’indique le tableau 1, plusieurs établissements ne s’engagent pas dans la GPEC en raison du faible sens qu’ils y perçoivent. D’autres utilisent la GPEC comme un cadre global permettant de traiter de problèmes qu’on pourrait qualifier de minuscules au regard de l’ambition initiale portée par le concept de GPEC : alors que la GPEC pose dans ses principes l’anticipation à un horizon de moyen terme et une approche globale de l’organisation, les acteurs la reconfigurent pour y faire entrer des sujets à un horizon de court terme, selon une approche parfois très localisée : service comptable, anticipa-tion de certains départs en retraite…
› 3.4. La GPEC comme support d’apprentissages
Nous constatons qu’à plusieurs reprises les outils de GPEC deviennent support d’ap-prentissages c’est-à-dire que leur utilité ne tient pas aux outils eux-mêmes mais à la réflexion qu’ils permettent d’engager, à l’image de la démarche d’un établissement (n°19) autour des fiches de postes, expliquée par un cadre : « On a commencé à travailler dessus mais c’est allé plus loin que ce qui était prévu. On s’est rendu compte qu’on n’avait pas les mêmes façons de faire, ce qui n’est pas forcément un problème, mais qu’on avait des approches tellement différentes que ça n’aidait pas les personnes accueillies. (…) Au bout du compte, les fiches ont surtout servi à se mettre d’accord sur nos rôles et sur comment ils allaient devoir évoluer avec le public accueilli qui est toujours aussi fragile alors que les exigences des clients, elles sont de plus en plus fortes ». En s’emparant des outils de GPEC, parfois pour s’éloigner de leurs intentions premières, les acteurs signalent une dynamique d’appropriation en cours. L’aboutissement n’est pas prédéfini dans une feuille de route dont ils auraient à suivre le tracé ; ils le définissent par la confrontation de leurs points de vue et contribuent ainsi à produire des apprentissages. Dans certains cas, les apprentissages portent sur un objet précis comme le tutorat à construire en anticipation de départs à la retraite (n°10) ou bénéficient à un public par-fois réduit comme dans cette association (n°25) où une commission GPEC réunit les chefs de service qui y anticipent les mouvements de personnel à six mois. Dans d’autres cas, ils portent sur une redéfinition plus large des missions de l’organisation. Prenons le cas d’une association d’aide aux handicapés sensoriels (n°17), faisant face à une évo-lution rapide de ses missions, qui ne consistent plus à prendre en charge les personnes handicapées accueillies mais à faire le suivi de leur intégration en milieu dit ordinaire. La pérennité de l’association tient à sa capacité à faire évoluer le rôle des éducateurs spécialisés. Un simple tableau prévisionnel d’effectif donnera lieu à des discussions au
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sein du binôme sur les possibilités d’évolution des personnels vers de nouvelles fonc-tions. Un groupe de pilotage d’éducateurs se met en place, dont le travail doit aboutir à la définition de nouveaux postes. Chaque fois, les apprentissages sont rendus possibles par un partage d’intérêts entre acteurs, pour qui la GPEC est devenue un objet de consensus plutôt que de conflits, puis par un partage de sens pour des acteurs perturbés par les évolutions de la législation.
4. DISCUSSIONNotre recherche est au croisement de deux champs de la littérature, ceux de la GPEC, des outils de gestion, plus précisément celui de l’appropriation des outils par les acteurs. La mise en dialogue de ces deux champs renouvelle le regard sur la GPEC. Nous nous inscrivons dans la lignée de travaux pointant la négligence des acteurs dans la vision classique de la GPEC (Gilbert, op. cit ; Cadin, Guérin & Pigeyre, op. cit.). Au contraire d’être une démarche hors-sol, la GPEC est ancrée dans des contextes particuliers (social, culturel, professionnel…) et elle est le produit de l’appropriation des acteurs (Masson & Parlier, 2004 ; Oiry et al., 2013). Etudier la GPEC sous l’angle de l’appropriation des outils de gestion revient donc à por-ter un autre regard sur la GPEC. C’est considérer que l’étude des dimensions humaines importe pour comprendre les formes de la GPEC prises au final. Selon la formule de Chapiello et Gilbert, c’est aussi « diminuer la séparation entre le technique et le social » (2013, pp. 28). C’est alors à ces dimensions qu’il faut accorder une attention soutenue, plus qu’à la seule instrumentation censée produire des effets par elle-même.
› 4.1. Intérêt d’une grille de lecture de la genèse instrumentale
Nous rejoignons Chapiello et Gilbert (2013) quand ils appellent à « multiplier les points de vue » (p. 28) pour enrichir l’analyse. La grille des dynamiques d’appropriation de Grimand (2007, 2012) s’inscrit pleinement dans cette perspective. Elle donne du contenu à ce précepte et propose un cadre d’analyse. Au-delà de la visée rationnalisatrice des outils, elle invite à observer les dimensions sociopolitiques, socioculturelles et cogni-tives à l’œuvre dans une démarche de GPEC.Appliquée à l’étude de la genèse de démarches de GPEC, elle s’avère pertinente et utile dans la mesure où elle permet de rendre visibles des dimensions invisibles en les identifiant et les nommant. De cette manière, l’analyse devient plus fine. Dans les situations étudiées, la dimension sociopolitique est présente dans la conception même du dispositif d’intervention, associant des binômes direction – représentants du per-sonnel dans le but de prévenir des jeux de défense de positions institutionnelles. Dans l’avancée des démarches, le choix des périmètres (large ou étroit), des objets (évolution des postes ou tutorat par exemple), des outils et jusqu’à la formulation des termes de
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l’outil, la GPEC tient compte de bout en bout de la dimension sociopolitique. La dimen-sion symbolique se signale par le nécessaire sens de la démarche pour les acteurs qui s’y engagent. Elle est tantôt établie préalablement par l’identification claire et partagée des enjeux de l’établissement, tantôt élaborée au cours de la démarche par les acteurs. « L’appropriation est fondamentalement un processus interprétatif et de construction de sens à l’intérieur duquel les acteurs questionnent, élaborent et réinventent les modèles de l’action collective » (Grimand, 2007, p. 5). Plus encore, les outils dépassent leurs seules vocations fonctionnelles pour structurer les rôles et doter les outils d’un attribut symbolique (Weick, 1995), comme par exemple quand le groupe de travail symbolise une démarche participative. Enfin, on perçoit la dimension cognitive très nettement à travers les nombreux exemples lors desquels les groupes s’emparent d’outils pour les faire évoluer, en les choisissant et les adaptant à leurs contextes. Les apprentissages dont la GPEC est le support sous-entendent une certaine maturation, l’appropriation étant un processus « ouvert et continu (…) alternant en permanence des phases de conception et d’usage » (Grimand, 2012, p 254).
› 4.2. Des formes de GPEC produites par une imbrication de processus sociaux
La formalisation de l’analyse par le recours à la grille de Grimand met en évidence le pro-cessus par lequel les formes de GPEC sont le produit d’un emboîtement de phénomènes sociaux. Les outils sont choisis, assimilés, intégrés aux particularités et contextes de l’organisation en tenant compte de plusieurs processus sociaux. Le choix des outils de GPEC (dimension rationnelle) prend son sens (dimension symbolique) compte tenu des points de consensus stabilisant les jeux de pouvoir entre acteurs (dimension sociopoli-tique). Dans d’autres situations, les apprentissages produits dans la construction d’outils (dimension cognitive) participent à la construction du sens de la démarche (dimension symbolique). Dans d’autres cas encore, le choix des outils et du périmètre (dimension apparemment rationnelle) s’explique par l’intention de neutraliser de futures postures défensives d’un autre service (dimension sociopolitique) une fois la démonstration faite des bienfaits de la GPEC pour le premier service (dimension cognitive).La genèse de la GPEC, dans le contexte organisationnel observé, est ainsi le produit d’interactions multiples entre des processus agissant sur des registres différents. Elle ne procède pas d’un ordonnancement linéaire de tâches, comme le schéma classique l’indique sans nuance mais d’ajustements spontanés réalisés en situation. Pensée et action sont encastrées selon un processus récursif de production de sens (Weick, 1995). L’intérêt d’ « identifier le système » (Chapiello & Gilbert, ibid.) est de rendre moins énig-matique, voire incompréhensible, le processus de construction des prémisses d’une GPEC.
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L’ambition de la GPEC, anticiper les évolutions d’emploi, nous semble mériter une ingé-nierie par laquelle il convient de penser les dimensions humaines. En les nommant à travers une grille d’analyse, en montrant que la GPEC se construit dans un processus interactif entre ces dimensions, nous pensons contribuer à cet effort. La déconstruction du schéma classique pour en pointer les limites (Cadin, Guérin & Pigeyre, ibid.), aussi pertinente soit-elle, n’est pas une fin en soi dès lors que le chercheur fait vœu de pro-duire des connaissances actionnables. Il s’agit ainsi de favoriser des espaces rendant possible le dialogue sur l’emploi et les compétences en tenant compte des jeux socio-politiques mais aussi d’essayer d’organiser la diffusion de sens (sensegiving ). Maitlis (2005) estime que, sans être totalement contrôlée, elle peut être organisée en trouvant les conditions et éléments déclencheurs de la construction de sens, par exemple par des réunions formelles, pilotées et organisées dans ce but.
› 4.3. Une nouvelle explication de l’abandon de la GPEC par les acteurs
L’importance des dimensions invisibles à l’œuvre permet de proposer une explication au retrait des acteurs en dépassant l’explication apparemment absolue de l’incertitude fondamentale quant à l’avenir. Notre étude montre, dans un secteur sans but lucratif et sans conflit de valeurs évident, que la GPEC peut être un terrain d’expression des jeux de pouvoir au point de paralyser le déploiement des outils, comme on l’a vu avec des jeux d’opposition entre l’encadrement d’un établissement et les administrateurs de l’asso-ciation. De même, le déficit de sens perçu dans la démarche est une raison fréquente d’abandon. Il peut prendre des formes différentes : définition ambigüe du rôle attribué aux parties-prenantes, manque de clarté des objectifs de la GPEC, perception d’une absence de marge de manœuvre… Dans ce cas, ces deux dimensions des dynamiques d’appropriation agissent comme des conditions de succès à réunir pour dépasser le stade de la genèse.De plus, l’imprévisibilité fondamentale des aléas à venir, obstacle supposé à la GPEC n’est un problème que si on considère qu’elle est une entrave à l’exécution ordonnée d’un plan. Selon ce schéma, l’incertitude est un obstacle à l’« idéal normatif de l’écart zéro » (Gilbert, 2006). Mais une démarche de GPEC gagnerait à être considérée comme un processus ouvert, en construction permanente par les acteurs qui définissent son périmètre, son horizon en fonction du sens qu’ils lui attribuent et de l’évaluation des jeux de pouvoir. La faille conceptuelle identifiée par la littérature n’est pas en soi celle de la GPEC mais il s’agit de la faille d’ambitions irréalistes et du postulat fonctionnaliste sous-jacent à sa vision classique.Notre analyse de la genèse instrumentale de GPEC nous conduit à soumettre trois points à la discussion. Ces points sont issus de l’observation de situations particulières, en raison de la singularité des contextes. La nature du dispositif engagé par l’OPCA et conçu pour être suivi par des binômes de dirigeants et représentants du personnel en
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fait une première particularité. Ici, l’instrumentation de la GPEC est le déclencheur de la dynamique du fait du dispositif même. La deuxième particularité est l’appartenance sectorielle des établissements : ils appartiennent au secteur non lucratif, ce qui introduit dans le discours des dirigeants comme des salariés certaines valeurs de désintérêt (au sens financier du terme) et d’insertion du travail dans une perspective sociétale, ce qui évite probablement des désaccords idéologiques sur les finalités de l’organisation. La troisième particularité tient au faible effectif de la plupart des établissements, qui explique en partie l’importance des relations interpersonnelles et la faiblesse relative de l’outillage initial de GRH (Abraham et al., 2011). Ces trois particularités méritent d’être soulignées car les processus à l’œuvre sont par nature contextualisés. Au-delà de ces particularités communes à l’ensemble des établissements, l’examen plus fin des contextes de chaque établissement peut faire apparaître d’autres éléments importants dans la compréhension des processus à l’œuvre : le caractère réellement volontaire de l’inscription à la démarche (et non poussé par un administrateur par exemple), le passé des dirigeants ou représentants du personnel et leur vécu de situations tendues sur le plan de l’emploi, les circonstances entourant les sessions de travail ou encore la qualité des relations sociales.
CONCLUSIONNous étudions la genèse instrumentale d’une GPEC en sollicitant deux champs de la littérature, ceux de la GPEC et de l’appropriation des outils de gestion. Ils se rejoignent sur l’intérêt de réintégrer les acteurs dans le social. Il s’agit alors de rendre intelligible le social et de « multiplier les points de vue » pour ce faire (Chapiello & Gilbert, 2013, p. 28). La grille d’analyse des dynamiques d’appropriation (Grimand, 2007, 2012) s’inscrit dans cette perspective. Elle propose d’observer les dimensions rationnelle, symbolique, sociopolitique et cognitive à l’œuvre dans le cheminement des acteurs au moment de faire émerger une GPEC. Nous l’appliquons à 29 établissements du secteur social et médicosocial, étudiés dans le cadre d’une recherche-action. Notre recherche permet d’abord de rendre visibles des dimensions invisibles en les iden-tifiant et les nommant. Nous montrons ensuite que les formes particulières de GPEC, articulant outils et méthodes, résultent d’une imbrication de phénomènes sociaux (jeux de pouvoir, construction de sens, apprentissages) en interaction les uns avec les autres. D’un point de vue managérial, cette recherche montre d’abord que la course à la sophisti-cation des outils n’est pas un gage de réussite. Elle montre ensuite l’intérêt d’une atten-tion soutenue aux dimensions humaines, invisibles et impalpables, à même de favoriser un engagement des acteurs dans une GPEC. L’anticipation des évolutions d’emploi nous semble mériter une ingénierie par laquelle il convient de penser les dimensions humaines en commençant par identifier les dimensions symbolique, sociopolitique et cognitive à
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l’œuvre. Il s’agit ensuite de s’efforcer de les rendre favorables au déploiement d’une GPEC par une implication des acteurs dans les démarches. Le travail d’ingénierie consis-tera à définir les formes de l’implication des acteurs au regard de l’analyse des situa-tions. Enfin, cette recherche plaide pour une révision en profondeur du schéma classique de la GPEC, tel qu’il a été enseigné à un grand nombre de managers et d’étudiants.
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