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État de la population de touladis du lac Papineau - Pêche expérimentale 2013

État de la population de touladis du lac Papineau Pêche expérimentale 2013


RÉFÉRENCE À CITER :

DESCHENES, J. 2017. État de la population de touladis du lac Papineau – Pêche expérimentale 2013. Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Direction de la gestion de la faune de l’Outaouais. Gatineau. 16 p.

La version intégrale de ce document est accessible sur le site www.mffp.gouv.qc.ca

© Gouvernement du Québec Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs


Équipe de réalisation

Rédaction : Julie Deschênes1

Révision : Stéphanie Gagné2

Échantillonnage, analyses de laboratoire et infographie :

Joanie Corbeil1

Vincent Greco Le May1

Christian Pilon1

1 Direction générale du secteur sud-ouest, Direction de la gestion de la faune de l’Outaouais, 16, impasse de la Gare-Talon, RC 100, Gatineau (Québec) J8T 0B1

Téléphone : 819 246-4627

Courriel : [email protected].

2 Direction de la gestion de la faune et de ses habitats, Direction de l’expertise sur la faune aquatique, 880 chemin Sainte-Foy, 2.00, Québec (Québec) G1S 4X4


Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs I

Résumé Le lac Papineau, situé en partie en Outaouais et dans les Laurentides, est bordé par une pourvoirie (Kenauk Nature X S.E.C.), des terres publiques et des terrains privés. Il supporte une communauté de poissons composée de truites arc-en-ciel, de touladis, d’achigans à petite bouche, d’achigans à grande bouche, de crapets-soleils, de crapets de roche, de perchaudes, de meuniers noirs, d’éperlans arc-en-ciel, de cyprins, d’ombles chevaliers et de ouananiches. La réglementation concernant la pêche a récemment changé au lac Papineau en raison d’un jugement désignant le lac Papineau comme étant public.

Une pêche expérimentale a été effectuée en 1998 afin d’évaluer l’état de la population de touladis. Une seconde pêche expérimentale a été réalisée en 2013. Cette dernière a permis d’évaluer l’état de la population de touladis avant le changement de réglementation, d’examiner l’évolution de la population au fil des années et d’évaluer la pertinence des ensemencements en truites arc-en-ciel.

La population de touladis du lac Papineau semble être en période de rétablissement, compte tenu de l’augmentation d’abondance observée entre 1998 et 2013. Par contre, le rythme de rétablissement est lent. En poursuivant ainsi, la population de touladis atteindra l’équilibre (7,8 touladis par nuit-filet) uniquement en 2035. Elle est toujours considérée comme surexploitée en raison de sa faible abondance par rapport à celle d’une population à l’équilibre.

La quantité d’oxygène dans le lac Papineau est caractéristique des lacs peu productifs (oligotrophes) et offre un excellent habitat pour le touladi à presque toutes les profondeurs. La capacité de récupération de la population de touladis n’est pas restreinte par la qualité de l’habitat.

La fréquentation du lac Papineau risque d’augmenter dans les années à venir puisqu’il a été désigné comme lac public en 2012. Afin de limiter la récolte du touladi et de favoriser son rétablissement, la pêche d’hiver est interdite et une taille minimale de 450 mm à la récolte a été instaurée. Toutefois, la réglementation concernant la taille minimale de récolte sera ajustée et passera à 550 mm en raison de la désignation ichtyophage de la population de touladis.

L’ensemencement en truites arc-en-ciel adultes entre 1999 et 2013 ne semble pas avoir empêché une amélioration dans l’état de la population de touladis au lac Papineau, mais pourrait en réduire l’efficacité. Les ensemencements en truites arc-en-ciel n’atteignent pas les objectifs de mise en valeur recherchés en matière de pression de pêche et de taux de retour. La conjonction entre les ensemencements massifs en truites arc-en-ciel et la récolte des années 1980 pourrait avoir compromis le recrutement du touladi et contribué à l’effondrement de sa population.

Considérant que les ensemencements vont à l’encontre des orientations ministérielles qui sont de favoriser les espèces indigènes, qu’ils pourraient faire augmenter indirectement la récolte de touladis, que la population de touladis n’est pas encore rétablie, que la majorité des truites arc-en-ciel ensemencées ne sont pas récoltées par les pêcheurs sportifs, que la truite arc-en-ciel est une compétitrice et prédatrice des jeunes touladis, ces ensemencements ne sont pas considérés comme pertinents et représentent un frein potentiel au rétablissement de la population de touladis du lac Papineau.


Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs II

Table des matières Résumé............................................. ..................................................................................................... I

Table des matières................................. .............................................................................................. II

Liste des tableaux ................................ ............................................................................................... III

Liste des figures ................................. ................................................................................................ IV

Introduction ...................................... .................................................................................................... 1

Matériel et méthodes .............................. ............................................................................................. 1

Résultats et interprétation ....................... ............................................................................................ 3

Physico-chimie ................................................................................................................................... 3

Structure de la communauté .............................................................................................................. 4

Structure de la population de touladis ................................................................................................ 5

La croissance en longueur ................................................................................................................. 8

Âge et taille à maturité sexuelle ......................................................................................................... 9

Mortalité ............................................................................................................................................. 9

Comparaison avec d’autres plans d’eau de la région ......................................................................... 9

Évolution du segment femelle de la population ................................................................................ 10

Points de référence biologique ......................................................................................................... 11

Ensemencements ............................................................................................................................ 12

Exploitation ...................................................................................................................................... 14

Conclusion ........................................ ................................................................................................. 17

Références ........................................ ................................................................................................. 18


Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs III

Liste des tableaux

Tableau 1. Captures et biomasses par unité d’effort enregistrées à la pêche expérimentale au lac Papineau en 2013 et 1998, ainsi que l’intervalle de confiance à 95 %. .......................... 5

Tableau 2. Évolution des longueurs, masses et âges moyens des touladis capturés lors des pêches expérimentales au lac Papineau en 1998 et 20 13. .............................................. 5

Tableau 3. Indice de masse relative (IMR) et indice de Fulton (IF) des touladis capturés lors des pêches expérimentales au lac Papineau en 1998 et 20 13. .............................................. 5

Tableau 4. Paramètres de croissance des touladis du lac Papineau récoltés dans les pêches expérimentales de 1998 et 2013, selon l’équation de von Bertalanffy pondérée (intervalles de confiance à 95 %). ................ ..................................................................... 9

Tableau 5. Âge où 50 % des touladis sont sexuelleme nt matures dans le lac Papineau en fonction de l’année d’échantillonnage. ............ ................................................................ 9

Tableau 6. Comparaison de certaines populations de touladi en Outaouais. ............................. .. 10

Tableau 7. Évolution des caractéristiques de femell es matures dans les filets expérimentaux au lac Papineau en 1998 et 2013. ..................... .................................................................... 11


Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs IV

Liste des figures

Figure 1. Localisation des stations d’échantillonna ge sur le lac Papineau. ........................... ......... 2

Figure 2. Profils de concentration d’oxygène (mg/L) et de température (°C) dans le lac Papineau en 1998 et 2013. .................................. ............................................................................... 4

Figure 3. Distribution de fréquences des longueurs de touladis capturés à la pêche expérimentale dans le lac Papineau en 1998 et 2013. ..................................................... 6

Figure 4. Distribution de fréquences des âges des t ouladis capturés à la pêche expérimentale au lac Papineau en 1998 et 2013. ..................... ...................................................................... 7

Figure 5. Courbes de croissance des touladis récolt és à la pêche expérimentale en 1998 et 2013. ............................................................................................................................................ 8

Figure 6. État des populations de touladis en 1998 et 2013. Captures par unité d’effort en fonction de la longueur maximale des poissons. Sous la courbe du modèle, les populations sont surexploitées alors qu’au-dessus e lles sont à l’équilibre. .............. 12

Figure 7. Historique des ensemencements de différen tes classes de taille de truite arc-en-ciel et de la récolte pour cette espèce au lac Papineau. .. ........................................................ 13

Figure 8. Historique de l’effort, récolte des autre s espèces et récolte de touladis à la pêche sportive sur le lac Papineau. ..................... ..................................................................... 15

Figure 9. Relation entre le nombre de touladis réco ltés l’effort total (multispécifique). ............ ... 16


Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs 1

Introduction Le lac Papineau (45°48'28''N., 74°45'34''O.) est situé à l’intersection de quatre municipalités : Boileau et Notre-Dame-de-Bonsecours en Outaouais et Harrington et Grenville-sur-la-Rouge dans les Laurentides (figure 1). Il est bordé par une pourvoirie (Kenauk Nature X S.E.C.), des terres publiques et des terrains privés.

Ce lac, d’une superficie de 1265 ha, supporte une communauté diverse composée de touladis, d’achigans à petite bouche, d’achigans à grande bouche, de crapets-soleils, de crapets de roche, de perchaudes, de meuniers noirs, d’éperlans arc-en-ciel et de cyprins. La truite arc-en-ciel, l’omble chevalier d’eau douce et la ouananiche ont été ensemencés massivement au cours des années 1980 à 2000. En 2002, ces ensemencements massifs ont cessé. Seuls des ensemencements restreints de type dépôt-retrait en truites arc-en-ciel sont effectués annuellement depuis 2009.

Puisque le lac Papineau a été considéré comme à l’usage exclusif de la pourvoirie et de ses clients, la pêche au touladi y était réglementée par des quotas et non une taille minimale comme en territoire public libre. En 2012, un jugement de la Cour supérieure du Québec (no 550-05-011903-021) a désigné le lac Papineau comme un lac public. Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel du Québec (no 500-09-021215-122) en 2014 et la Cour suprême du Canada (no 36180) en 2015. La pêche sportive au touladi est donc maintenant régie par une taille minimale de 450 mm en longueur totale depuis l’entrée en vigueur du Plan de gestion du touladi au Québec 2014-2020, et la pêche d’hiver y est complètement interdite.

Une pêche expérimentale a été effectuée en 1998 afin d’évaluer l’état de la population de touladis. Une seconde pêche expérimentale a été réalisée en 2013. Cette dernière pêche expérimentale a permis d’évaluer l’état actuel de la population de touladis avant le changement de réglementation, d’examiner l’évolution de la population au fil des années et d’évaluer la pertinence des ensemencements en truites arc-en-ciel.

Matériel et méthodes La pêche expérimentale au touladi dans le lac Papineau a été effectuée conformément au Guide de normalisation des méthodes d’inventaire ichtyologique en eaux intérieures (Service de la faune aquatique 2011). En 2013, les mêmes stations qu’en 1998 ont été reprises (figure 1). Les travaux ont été réalisés les 17 et 18 septembre 2013.

Chaque filet a été laissé sur place environ 22 heures. Lors de la levée des filets, les poissons capturés étaient identifiés et dénombrés. Les touladis ont été mesurés au millimètre près, pesés entier au gramme près, le contenu de l’estomac a été identifié, le sexe et la maturité sexuelle ont été déterminés et les otolithes ont été prélevés pour l’évaluation de l’âge. Les poissons des autres espèces ont été pesés en vrac et le plus petit et le plus grand spécimen mesurés.



Figure 1. Localisation des stations d’échantillonna ge sur le lac Papineau.



Dans tous les cas, la pêche expérimentale étant réalisée à la fin de l’été, nous avons assumé que la croissance annuelle était complétée et l’âge des spécimens a été augmenté d’un an.

La mortalité totale a été estimée à l’aide d’une courbe de capture de Robson et Chapman (Robson et Chapman, 1961). Les paramètres de croissance de von Bertalanffy (Lt∞ et k) ont été calculés par régression non linéaire à l’aide du logiciel SYSTAT 13 (SYSTAT Software inc. 2009) en fonction d’un modèle pondéré.

Toutes les comparaisons statistiques de moyennes ont été réalisées à l’aide d’analyses de Kruskall-Wallis et de tests de comparaisons multiples de Conover-Inman (SYSTAT Software Inc., 2009). Les différences ont été considérées comme significatives à un seuil de probabilité α de 0,05.

Les captures par unité d’effort (CUE) et les biomasses par unité d’effort (BUE) ont été calculées à partir des deux années d’échantillonnage afin de minimiser l’influence de la variation interannuelle. La comparaison des CUE et des BUE a été faite sur la base d’intervalles de confiance. Lorsque l’intervalle de confiance d’une CUE n’inclut pas l’autre CUE, elles sont considérées comme significativement différentes (Cox et Hinkley, 1974).

Résultats et interprétation Physico-chimie

Les profils de températures montrent que le lac Papineau est stratifié (figure 2), comportant une couche d’eau de surface plus chaude et brassée par les vents (épilimnion), une couche de changement rapide de température (thermocline) et une couche profonde d’eau froide (hypolimnion). Les profils d’oxygène montrent également trois couches : une de surface, une médiane et une profonde. Dans la couche de surface, l’oxygène est abondant en raison des échanges avec l’air ambiant et de sa production par les plantes et les algues (Hutchinson, 1957). Dans certains plans d’eau, tels que le lac Papineau, l’eau est suffisamment transparente (5 à 9 m) pour permettre la production d’oxygène dans la couche médiane. La couche profonde contient généralement moins d’organismes vivants que la couche médiane et, donc, plus d’oxygène (Hutchinson, 1957). Cependant, l’oxygène peut diminuer près du fond en raison de l’accumulation d’organismes en décomposition.

En 1998, la couche de surface était plus chaude et contenait plus d’oxygène qu’en 2013. La différence entre les deux années pourrait être due à la période d’échantillonnage. En septembre, les températures de l’air refroidissent, refroidissant ainsi la couche de surface, et la consommation d’oxygène par les organismes vivants est à son maximum. Malgré cette différence, la quantité d’oxygène dans le lac Papineau est caractéristique des lacs peu productifs (oligotrophes) et offre un excellent habitat pour le touladi (> 7 mg/L), même à la fin de la période estivale avant le brassage automnal (Evans 2007).



Figure 2. Profils de concentration d’oxygène (mg/L) et de température (°C) dans le lac Papineau en 1998 et 2013.

Structure de la communauté

Au total, 13 filets expérimentaux ont été installés entre 10 et 40 m (habitat du touladi) dans le lac Papineau en 2013. Le tableau 1 présente l’ensemble des captures des pêches réalisées depuis 1998 au lac Papineau. Seulement trois espèces ont été capturées au cours de ces deux pêches expérimentales : le touladi, l’éperlan arc-en-ciel, capturé en 1998 seulement, et le meunier noir, capturé en 2013 seulement. La seule espèce présente dans les deux pêches expérimentales est le touladi qui a augmenté de 81 % entre 1998 et 2013. Il est cependant normal d’avoir capturé très peu d’espèces, puisque le protocole de pêche, lorsqu’il est orienté sur la population de touladis, ne permet pas de capturer efficacement dans le plan d’eau les autres espèces qui utilisent une niche distincte. Il n’est donc pas possible d’en arriver à une conclusion sur la situation des autres espèces ou sur des changements dans la structure de la communauté entre les deux inventaires.



Structure de la population de touladis

Outre l’abondance qui a augmenté en 2013, les autres caractéristiques de la structure de la population de touladis n’ont pas changé depuis 1998 (p > 0,05). La longueur moyenne, la masse moyenne et l’âge moyen sont similaires entre les années (tableau 2). Même l’indice de condition de Fulton et l’indice de masse relative sont similaires (tableau 3). En général, la distribution de fréquence des longueurs (figure 3) et des âges (figure 4) de touladis capturés à la pêche expérimentale est similaire entre les années. La structure de la population de touladis n’a donc pas changé entre 1998 et 2013, à l’exception de l’abondance des poissons.

Tableau 1. Captures et biomasses par unité d’effort enregistrées à la pêche expérimentale au lac Papineau en 2013 et 1998, ainsi que l’intervalle de confiance à 95 %.

2013 1998 Espèce capturée n CUE

(n/n-f) BUE

(kg/n-f) n CUE

(n/n-f) BUE

(kg/n-f) Touladi (Salvelinus namaycush)

61 4,7 4,5-4,9

2,4 2,2-2,6

34 2,6 2,5-2,7

1,5 -

Meunier noir (Catostomus commersoni)

7 0,5 0,3-0,7

0,7 0,5-0,9

Éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax)

2 0,2 0,0-0,3

Tableau 2. Évolution des longueurs, masses et âges moyens des touladis capturés lors des pêches expérimentales au lac Papineau en 1998 et 20 13.

Variable Années Nombre Moyenne Intervalle de confiance Longueur (mm) 1998 32 356 307-406 2013 60 340 309-370 Masse (g) 1998 30 667 305-1 028 2013 60 523 318-728 Âge 1998 30 8,4 6,8-9,9 2013 60 8,4 7,3-9,5

Tableau 3. Indice de masse relative (IMR) et indice de Fulton (IF) des touladis capturés lors des pêches expérimentales au lac Papineau en 1998 et 20 13.

Variable Années Moyenne Intervalle de confiance IMR 1998 115 96-134 2013 120 68-172 IF 1998 98 86-110 2013 100 64-136



Figure 3. Distribution de fréquences des longueurs de touladis capturés à la pêche expérimentale dans le lac Papineau en 1998 et 2013.



Figure 4. Distribution de fréquences des âges des t ouladis capturés à la pêche expérimentale au lac Papineau en 1998 et 2013.



Figure 5. Courbes de croissance des touladis récolt és à la pêche expérimentale en 1998 et 2013.

La croissance en longueur

Les poissons grandissent rapidement en début de vie et ralentissent leur croissance en vieillissant, mais n’arrêtent jamais de grandir, contrairement aux humains. Ce type de croissance est caractérisé par une longueur à l’infini (L∞) que les poissons tentent d’atteindre toute leur vie et la rapidité avec laquelle ils tentent de s’en approcher (k) (Pauly, 1980). Ces deux caractéristiques sont intimement liées à l’ensemble des pressions subies par une population (la mortalité naturelle, la mortalité par la pêche, la température, la compétition), mais principalement à son mode d’alimentation (ichtyophage ou planctonophage). Lorsqu’une population subit plusieurs pressions, les poissons tendront vers une plus petite longueur à l’infini (L∞) qu’ils tenteront d’atteindre plus rapidement (k) que s’il n’y avait aucune pression. Par exemple, les populations planctonophages auront une longueur à l’infini plus petite qu’elles atteindront plus rapidement que les populations ichtyophages.

Compte tenu de la faible quantité de spécimens, les courbes de croissance des populations ont été produites pour l’ensemble des poissons et non par sexe (figure 5). Ces courbes sont similaires entre 1998 et 2013, tel qu’il est confirmé par les intervalles de confiance des paramètres de croissance



(tableau 4). Les poissons du lac Papineau ont le potentiel d’atteindre de grandes tailles (L∞ = 854 mm), mais le font lentement (k = 0,063). Le niveau de stress subi par la population de touladis du lac Papineau ne semble pas avoir changé entre 1998 et 2013.

Tableau 4. Paramètres de croissance des touladis du lac Papineau récoltés dans les pêches expérimentales de 1998 et 2013, selon l’équation de von Bertalanffy pondérée (intervalles de confiance à 95 %).

Année Sexe Lt∞∞∞∞ (mm) k

1998 Tous 1 039 (627-1 451) 0,052 (0,024-0,080) 2013 Tous 854 (725-983) 0,063 (0,050-0,077)

Âge et taille à maturité sexuelle

En raison du petit nombre de spécimens, la taille et l’âge à maturité sexuelle ont été calculés pour l’ensemble de la population et non par sexe (tableau 5). Compte tenu de la différence dans la maturité des mâles et des femelles et de la faible taille de l’échantillon combiné, l’interprétation de ces données doit se faire avec réserve. L’intervalle de confiance a été ajouté entre parenthèses. « N » représente le nombre de poissons pour lesquels l’âge a pu être déterminé et « n mat », le nombre de poissons matures pour lesquels l’âge a pu être déterminé (régression logistique Systat).

L’âge à maturité sexuelle, tout comme la taille à maturité sexuelle, est similaire entre les années.

Tableau 5. Âge où 50 % des touladis sont sexuelleme nt matures dans le lac Papineau en fonction de l’année d’échantillonnage.

Année N (n mat) Âge Longueur (mm) 1998 30 (7) 11,6 (9,5-15,9) 469 (393-569) 2013 60 (11) 12,3 (10,6-14,2) 465 (418-523)

Mortalité

La mortalité totale en 1998 était estimée à 24 % (14-34 %) et à 28 % (21-36 %) en 2013. Considérant les marges d’erreur, les deux taux de mortalité sont similaires.

Comparaison avec d’autres plans d’eau de la région

La longueur à l’infini (L∞) et le k de la population de touladis du lac Papineau sont semblables à ceux des populations ichtyophages (tableau 6 : lacs Duval et Dumont). Considérant la présence d’éperlans dans le lac Papineau, les caractéristiques de croissance et la présence de vestiges de poissons dans les estomacs, la population de touladis de ce lac peut être qualifiée d’ichtyophage. Toutefois, la longueur moyenne des poissons et leur masse moyenne sont petites, même en les comparant aux valeurs des populations planctonophages (tableau 6 : lacs Antoine et Saint-Denis). En examinant la



distribution de fréquence des tailles (figure 3), l’on constate une abondance élevée de touladis de moins de 350 mm, comparativement aux poissons de 350 mm ou plus. Ces poissons sont également plus jeunes (figures 4 et 5). Cette abondance de relève fait donc diminuer la taille moyenne et la masse moyenne des captures.

L’âge à maturité et la longueur à maturité des poissons du lac Papineau sont semblables aux caractéristiques des autres populations de touladis de la région considérées comme étant à l’équilibre (tableau 6 : lacs Saint-Denis, Duval, Dumont).

Tableau 6. Comparaison de certaines populations de touladis en Outaouais.

Lac Caractéristique Antoine Saint-Denis Papineau Duval Dumont Année 2011 1993 2013 2009 2011 Longueur moyenne (mm) 389 415 336 489 498 Masse moyenne (g) 562 612 526 980 1705 Âge moyen (années) 10 13 8 13 12 L∞ (mm) 511 540 854 690 1021 k 0,163 0,124 0,063 0,108 0,068 Longueur maximale (mm) 560 549 577 648 779 Âge à maturité (années) 8 12 12 11 12 Longueur à maturité (mm) 358 432 465 488 459 Abondance (nombre par nuit-filet) 7,6 10,3 4,7 7,4 4,3

Évolution du segment femelle de la population

Dans le tableau 7, les CUE sont les captures par unité d’effort (nombre/nuit-filet). Les BUE sont les biomasses par unité d’effort (kg/nuit-filet). La biomasse est la masse totale de femelles mature dans l’ensemble des filets (kg). La proportion est le nombre de femelles matures divisé par le nombre total de femelles dans l’échantillon.

Le nombre de femelles matures capturées dans les pêches expérimentales est similaire entre les deux années (tableau 7). Seulement cinq femelles matures ont été capturées en 1998 alors que six l’ont été en 2013. Même si l’abondance totale de poissons récoltés a augmenté de 81 %, la proportion des femelles qui sont matures demeure la même. En effet, les femelles matures représentent 25 % de toutes les femelles en 2013, alors qu’elles en représentaient 21 % en 1998.

Compte tenu des marges d’erreur causées par la faible taille de l’échantillon et la grande variabilité dans la taille des femelles matures, la masse moyenne de celles-ci ne peut pas être considérée comme différente entre 1998 et 2013 (tableau 7). Les femelles matures constituent la base du potentiel reproducteur d’une population. Elles doivent demeurer suffisamment nombreuses, sinon la population ne peut se maintenir. En raison de l’augmentation de la population de touladis entre 1998 et 2013, l’abondance de femelles matures semble adéquate pour rebâtir la population sans aide externe. Néanmoins, cette biomasse par unité d’effort demeure largement en deçà de l’objectif provincial de



1,6 kg/n-f pour les populations en état d’équilibre et exploitées de façon durable (Arvisais et coll., 2012).

Tableau 7. Évolution des caractéristiques de femell es matures dans les filets expérimentaux au lac Papineau en 1998 et 2013.

Caractéristique 1998 2013 Nombre total de femelles 20 29

Nombre de femelles matures 5 6 CUE 0,4 0,5 BUE 0,8 0,6

Biomasse (kg) 10,8 8,4 Masse moyenne (g)

(Intervalle de confiance) 2 165

(48 – 4 281) 1 403

(851 – 1 954) Proportion 0,25 0,21

Points de référence biologique

L’évaluation de l’état des populations peut s’avérer difficile en raison du type d’alimentation des touladis : planctonophages (qui mangent du plancton) et ichtyophages (qui mangent du poisson). Chaque forme a des caractéristiques différentes d’abondance et de taille. Les touladis ichtyophages sont moins nombreux et plus gros que les touladis planctonophages. L’abondance à laquelle une population est jugée en surexploitation ou à l’équilibre dépend donc du type de population dans le plan d’eau. Un modèle a été développé afin de faciliter cette évaluation en utilisant la taille des poissons récoltés dans les pêches expérimentales et leur abondance (Arvisais et coll., 2012). En fonction de ce modèle, la population de touladis du lac Papineau était surexploitée en 1998 et le demeure toujours en 2013 (figure 6). Toutefois, elle semble être en récupération depuis 1998. Afin de considérer cette population comme étant à l’équilibre, l’on s’attendrait à obtenir une abondance de 7,8 touladis par nuit-filet, étant donné la longueur maximale des poissons.



Figure 6. État des populations de touladis en 1998 et 2013. Captures par unité d’effort en fonction de la longueur maximale des poissons. Sous la courbe du modèle, les populations sont surexploitées alors qu’au-dessus e lles sont à l’équilibre.

Ensemencements

Le lac Papineau a connu de nombreux ensemencements avec de multiples espèces depuis 1930. À cette époque, il s’agissait d’ensemencements en ombles de fontaine. En 1983, la ouananiche et la truite arc-en-ciel ont été introduites dans le plan d’eau. En 1993, l’omble chevalier également a été introduit dans le plan d’eau. Malgré tout, la truite arc-en-ciel demeure l’espèce la plus ensemencée (figure 7). Les ensemencements en truites arc-en-ciel ont débuté en 1983 par d’importants déversements (> 10 000 poissons) de petits poissons (< 150 mm). Dans les années 1990, plusieurs ensemencements massifs (> 10 000 poissons) en truites arc-en-ciel adultes (> 150 mm) ont été autorisés dans le lac Papineau afin de diversifier l’offre de pêche. Les orientations du gouvernement ayant changé en matière de mise en valeur et de conservation, un terme a été mis à ces ensemencements massifs en 2003 afin de favoriser la population de touladis. Depuis 2009, des ensemencements restreints en truites arc-en-ciel ont été autorisés à nouveau.



Malgré les nombreux déversements depuis 1991, l’ensemble de la récolte de truites arc-en-ciel (8 112 poissons déclarés) ne représente que 6 % des ensemencements (plus de 142 000 poissons). Cette activité est donc jugée inefficace (MDDEFP, 2013). Les ensemencements en truites arc-en-ciel ne semblent pas permettre de générer une récolte suffisante des poissons déversés.

La truite arc-en-ciel est une prédatrice omnivore vorace (Scott et Crossman, 1974) qui peut consommer des œufs et des jeunes alevins de touladis. Elle peut donc représenter une prédatrice pour les jeunes stades de touladi entre la période de ponte (à l’automne) et l’éclosion (au printemps), puisque ceux-ci sont dans la zone littorale fréquentée par la truite arc-en-ciel. En contrepartie, la truite arc-en-ciel ensemencée de plus de 15 cm est peu vulnérable à la prédation par le touladi en raison de sa taille. Elle peut également entrer en compétition alimentaire avec le touladi, particulièrement lorsque les proies pélagiques sont peu abondantes et qu’il doit s’alimenter dans la zone littorale.

Figure 7. Historique des ensemencements de différen tes classes de taille de truite arc-en-ciel et

de la récolte pour cette espèce au lac Papineau.



Exploitation

Le touladi au lac Papineau a été géré sur la base de quotas et d’une clientèle venant majoritairement de la pourvoirie. Avant 1991, les pourvoiries n’étaient pas obligées de fournir les statistiques de pêche par lac. Les données obtenues pour la période de 1981 à 1988 sont partielles puisque l’information sur les autres espèces n’est pas disponible. Elles permettent néanmoins d’évaluer l’état de la pêcherie au touladi à cette époque : la récolte (bandes orange) varie entre 534 et 1539 touladis, avec une moyenne de 837 touladis par année, et l’effort (ligne noire) varie entre 460 et 1347 jours-pêcheurs, avec une moyenne de 757 jours-pêcheurs (figure 8). La masse moyenne des touladis récoltés pendant cette période est de 720 g, pour un rendement moyen de 603 kg de touladis par année. Le rendement maximal soutenu du lac Papineau calculé selon la méthode de Shuter et al. 1998 est de 0,91 kg/ha, soit de 1151 kg par année. Le rendement annuel moyen de touladis dans les années 1980 était en deçà du rendement maximal soutenu et la population semblait en mesure de supporter un tel niveau d’exploitation à cette époque.

Depuis 1991, la récolte varie entre 0 et 871, avec une moyenne de 164 touladis par année. Lors de cette même période, l’effort varie entre 469 et 2489 jours-pêcheurs, avec une moyenne de 1126 jours-pêcheurs. Aucune donnée sur la masse moyenne des touladis récoltés n’est disponible. Il est donc impossible d’estimer le rendement en touladis pour cette période. L’effort moyen depuis 1991 est semblable à l’effort moyen des années 1980, mais la récolte de touladis est moindre. Une partie de l’effort a donc été transférée sur d’autres espèces que le touladi, soit l’achigan (barres vertes) et la truite arc-en-ciel (barres bleues). À l’exception des années 2000 à 2002, la récolte de truites arc-en-ciel est néanmoins demeurée marginale (figure 8), particulièrement lorsqu’on la compare avec la quantité de poissons déversés (figure 7).

Selon les données de pêches expérimentales de 1998, le poisson moyen convoité par les pêcheurs, lequel pèse en moyenne 720 g, est âgé d’environ 10 ans et il peut s’agir d’individus à la fois matures et immatures. Bien qu’elle ait été en dessous du rendement maximal soutenu, la récolte à la pêche sportive des années 1980 a restreint la quantité d’adultes pouvant se reproduire. De plus, le recrutement de jeunes touladis pourrait avoir été restreint par les ensemencements massifs en truites arc-en-ciel. Une diminution du potentiel de reproduction combinée à une restriction du recrutement pendant une période de dix ans pourraient avoir contribué à l’effondrement de la population de touladis au début des années 1990.

L’un des objectifs des ensemencements en truites arc-en-ciel est de permettre une augmentation de la pression de pêche sur un plan d’eau sans faire augmenter la récolte des autres espèces puisque les pêcheurs cibleraient la truite arc-en-ciel. Toutefois, les données de pêche sportive recueillies entre 1991 et 2013 démontrent que toute augmentation de l’effort de pêche sur le lac Papineau fait augmenter la récolte de touladis (figure 9; p < 0,05, R2 = 0,38). Les ensemencements en truites arc-en-ciel posent donc un risque à la population de touladis puisqu’ils ont, entre autres, comme objectif de faire augmenter la pression de pêche.



Figure 8. Historique de l’effort, récolte des autre s espèces et récolte de touladis à la pêche sportive sur le lac Papineau. Données partielles de 1981 à 1990 (touladi uniquement).



Figure 9. Relation entre le nombre de touladis réco ltés et l’effort total (multispécifique).



Conclusions La population de touladis du lac Papineau semble être en période de rétablissement, compte tenu de l’augmentation de l’abondance générale entre 1998 et 2013 et, plus particulièrement, de l’augmentation du recrutement. La mortalité totale et les statistiques de pêche indiquent que la ponction exercée par les pêcheurs sportifs depuis 1991 n’empêche pas le rétablissement de la population. Par contre, le rythme de rétablissement est lent. En poursuivant ainsi, la population de touladis atteindra l’équilibre (7,8 touladis par nuit-filet) uniquement en 2035. La population est toujours considérée comme surexploitée en raison de sa faible abondance par rapport à l’abondance d’une population à l’équilibre.

La quantité d’oxygène dans le lac Papineau est caractéristique des lacs peu productifs (oligotrophes) et offre un excellent habitat pour le touladi à presque toutes les profondeurs. La capacité de récupération de la population de touladis n’est pas restreinte par la qualité de l’habitat.

La pression de pêche du lac Papineau risque d’augmenter dans les années à venir puisqu’il a été désigné comme lac public en 2012. Deux changements réglementaires, qui résultent de l’entrée en vigueur du Plan de gestion du touladi au Québec 2014-2020, devraient limiter cette augmentation. La fermeture de la pêche d’hiver sur le lac Papineau permettra d’éviter les morts accidentelles résultantes de la remise à l’eau et de réduire le potentiel de braconnage hivernal. De plus, l’instauration d’une taille minimale de 450 mm à la récolte pour la saison de pêche permettra à plusieurs jeunes poissons de se reproduire au moins une fois avant d’être conservés par les pêcheurs. La réglementation concernant la taille minimale de récolte sera ajustée et passera à 550 mm puisque la population de touladis est considérée comme ichtyophage. Cela offrira une meilleure protection des individus jusqu’à la maturité et restreindra toute augmentation potentielle de la récolte résultant d’une augmentation de la fréquentation.

L’ensemencement en truites arc-en-ciel adultes entre 1999 et 2013 ne semble pas avoir empêché une amélioration dans l’état de la population de touladis au lac Papineau. Par contre, ces ensemencements pourraient avoir ralenti son amélioration. Les ensemencements n’atteignent pas les objectifs de mise en valeur recherchés en matière de pression de pêche et de taux de retour. L’augmentation de la pression de pêche générée par les ensemencements en truites arc-en-ciel pourrait faire augmenter la récolte de touladis au lieu de la faire diminuer. De plus, le taux de retour sur les ensemencements effectués entre 1991 et 2013 n’est que de 6 %, laissant 94 % des poissons ensemencés dans le milieu. Puisque la truite arc-en-ciel est une compétitrice et une prédatrice, elle pourrait freiner le rétablissement de la population de touladis. La conjonction entre la récolte à la pêche sportive des années 1980 et la compétition et la prédation résultant des ensemencements massifs en truites arc-en-ciel pourrait avoir nui au recrutement du touladi et contribué à l’effondrement de la population.

Considérant que les ensemencements vont à l’encontre des orientations ministérielles de favoriser les espèces indigènes, qu’ils pourraient faire augmenter indirectement la récolte de touladis, que la population de touladis n’est pas encore rétablie, que la majorité des truites arc-en-ciel ensemencées ne sont pas récoltées par les pêcheurs sportifs, que la truite arc-en-ciel est une compétitrice et une prédatrice des jeunes touladis, ces ensemencements ne sont pas considérés comme pertinents et représentent un frein potentiel au rétablissement de la population de touladis du lac Papineau.



Références

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