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entrées ibres Écrire et lire l'Enseignement catholique / N° 33 / novembre 2008 entrées libres n°33 - novembre 2008 Mensuel - ne parait pas en juillet-aout Bureau de dépôt: 1099 Bruxelles X N° d’agréation: P302221 Photo: Stéphane THONET pour HELMo Mode DOSSIER Les épreuves intégrées! RENCONTRE Armel JOB S’ouvrir à la différence

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entrées ibresÉcrire et lire l'Enseignement catholique / N° 33 / novembre 2008

entrées libres n°33 - novembre 2008 Mensuel - ne parait pas en juillet-aout Bureau de dépôt: 1099 Bruxelles X N° d’agréation: P302221 P

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DOSSIERLes épreuvesintégrées!

RENCONTREArmel JOB

S’ouvrir à ladifférence

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entrées libres < N°33 < novembre 20082

sommaire

noël3 Un Noël bohémien

édito4 La mixité sociale par voie d’inscription?

des soucis et des hommes5 En équipe Entre les murs et entre les lignes

Une nouvelle responsable pour la Cellule Pouvoirs organisateurs

entrez, c’est ouvert!6 Un p’tit coin de potager7 Une semaine vitaminée Une liaison fondamentale

l’exposé du moi(s)8 Armel JOB

La pédagogie de la question

rétroviseur10 Entre raison et croyances...

DOSSIERLes épreuves intégrées

écoles du monde11 Il n’y a pas que les champignons

qui poussent en automne...

zoom12 S’ouvrir à la différence

de la salle des profs14 Je voudrais être une petite souris...

point de vue15 Ni loi sans foi, ni foi sans loi

service compris16 Pastorale scolaire: deuxième Enfant-roi? École et parents

partenaires! Comprendre la publicité - éducation critique

entrées livres17 Espace Nord Un libraire, un livre

à voir!18 C’est notre Terre! Une exposition à voir et à vivre

hume(o)ur20 La lettre disparue Le CLOU de l’actualité

entrées libresNovembre 2008 N° 33 4e annéePériodique mensuel (sauf juillet et aout)ISSN 1782-4346entrées libres est la revue del'Enseignement catholique enCommunautés francophone et germanophone de [email protected]

Rédacteur en chef et éditeur responsableFrançois TEFNIN (02/256.70.30)avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles

Secrétaire Nadine VAN DAMME (02/256.70.77)

Création graphique Anne HOOGSTOEL

Membres du comité de rédaction Anne COLLETJean-Pierre DEGIVESBenoît DE WAELEBrigitte GERARD Thierry HULHOVENAnne LEBLANCMarie-Noëlle LOVENFOSSEMarthe MAHIEUBruno MATHELARTPaule PINPURNIAUXGuy SELDERSLAGHJacques VANDENSCHRICK

Publicité Marie-Noëlle LOVENFOSSE (02/256.70.31)

Abonnements Laurence GRANFATTI (02/256.70.72)

Impression IPM PRINTING Ganshoren

Tarifs abonnements1 an: Belgique: 16€ Europe: 26€

Hors-Europe: 30€2 ans: Belgique: 30€ Europe: 50€

Hors-Europe: 58€À verser au compte n°191-0513171-07du SeGECavenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxellesavec la mention “entrées libres”.

Les articles paraissent sous la respon-sabilité de leurs auteurs.Les titres, intertitres et chapeaux sontde la rédaction.Textes conformes aux recommandationsorthographiques de 1990.entrées libres est imprimé surpapier PEFC par l'imprimerieIPM PRINTING - certificationSGS-PEFC/COC-0196

8Armel JOB

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zoom

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S i vous n'avez pas encore entendu parler de lui, je vous invite à découvrir sans tarder ce bohémien que JeanGROSJEAN compare à François d'Assise: Jean-Marie KERWICH. Juste avant de mourir, Yehudi MENUHINadmire ses premiers poèmes, et Christian BOBIN parle d'"un va-nu-pieds qui nous redonne les clés du ciel

qu'on pouvait croire à jamais perdues". Éloge d'une poésie romanichelle qui vient de sortir d'une crèche ou, mieuxencore, d'une roulotte.Jean-Marie KERWICH est né en 1952 dans une famille de gitans piémontais. Et toute sa poésie s'en ressent, jusquedans ses titres: L'ange qui boîte 1 et, tout récemment, L'Évangile du gitan 2. C'est là qu'il écrit: "Chaque fois que j'en-tre dans ma caravane, j'ai le sentiment que Dieu m'y attend. Il a fait de ma roulotte son refuge". Et juste avant: "Cesoir-là, j'avais tellement mal qu'il me semblait que je portais Dieu sur mes épaules (…). La douleur était intolérablemais je n'avais pas le choix. Je n'allais quand même pas laisser choir ce Messie sur le bord du chemin". Car pourJ.-M. KERWICH, "Jésus est né sur la croix", un Jésus qu'il appelle aussi, en souvenir peut-être de ses propres jon-gleries, "l'enfant du cirque". D'ailleurs, "la petite ânesse qui a porté son cœur s'en souvient".Né à Naples deux ans avant KERWICH, Erri DE LUCA aime aussi les Noëls qui prennent plaisir à musarder par unautre chemin. Ouvrier spécialisé chez Fiat, chauffeur de camion, maçon… et Prix Femina étranger en 2002, ceromancier "par hasard" qui se dit "non croyant" a publié, en 2006, In nome della madre, où il raconte "la sagessed'accouchement de Miriàm/Marie". Car pour DE LUCA, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, Marie était seule dans l'étable. Même Joseph était prié de se tenir de l'autre côté de la porte. "C'est le plus grand prodige de cette nuit denativité: l'habilité d'une fille mère, sa solitude assistée. C'est bien autre chose qu'une étoile filante et trois mages surdes pistes chamelières".Au nom de la mère 3 commence par une conversation où Miriàm tente d'expliquer à son "beau Iosef" comment sonventre a été "rempli par l'annonce" et se termine par l'arrivée de ce "Fils d'un vent de paroles" né "sur une terre bou-langère". Quand il est sorti "bien portant au milieu de l'eau et du sang", Miriàm a coupé le cordon elle-même, d'unseul coup. "Le bœuf a mugi doucement, l'ânesse a secoué fort ses oreilles. La première bienvenue au monde deIeshu, mon fils, fut un applaudissement de bêtes". Miriàm décide alors de rester seule avec lui car elle sait que, dansquelques heures déjà, il ne sera plus à elle. C'est à l'aube seulement, quand la lumière de l'étoile pâlit, qu'elle dit àson "amoureux fou" resté toute la nuit derrière la porte: "Entre Iosef, celui-ci est maintenant ton fils".Ce livre rare qui dresse, de Miriàm et Iosef, un portrait intérieur très éloigné des sentiers de Noël les plus battus,rejoint, par bien des côtés, le nomadisme de Jean-Marie KERWICH. "Habitue-toi au désert", dit Myriàm au "bon petit"qui vient de sortir d'elle, "Habitue-toi au bivouac, apprends la distance qui protège des hommes. Le désert n'est pasun exil, il est ton lieu de naissance".Je les vois bien tous les deux, KERWICH et DE LUCA, réunir leurs âmes vagabondes, en rejoignant la prière desbergers que le non croyant vient offrir à son ami croyant:"Notre Père qui es aux cieux…Donne-nous aujourd'hui les pâtures de demain…Et… sauve-nous des loups…Ainsi soit-il".

GABRIEL RINGLET

1. Éd. Le temps qu'il fait, 2005.2. Éd. Mercure de France, 2008.3. Éd. Gallimard, NRF, 2006.

noël

UnNoëlbohémien

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édito

Q uand ces lignes paraitront, les inscriptions des élèves non prioritaires devraient se clôturer en 1re secondai-re. Nombreux sont ceux qui n'ont pas attendu ce moment pour faire entendre leur voix et dire ce qu'ils pen-sent des mesures en vigueur. Suivant de près l'évolution de ce dossier, le SeGEC a souligné à maintes

reprises, notamment lors de la campagne de sensibilisation des parlementaires de mai dernier et dans les commu-niqués de presse antérieurs, les difficultés engendrées par les différentes moutures d'un projet qui, s'il est généreuxdans ses intentions, pêche par la manière dont celles-ci sont mises en pratique.Le nouveau décret "mixité" est, en effet, très complexe et reste difficile à expliquer aux parents et à appliquer dansles écoles. L'inacceptabilité sociale du tirage au sort exprimée par des parents et les inscriptions multiples qu'ilengendre rendent difficile l'organisation de la prochaine rentrée scolaire. Le SeGEC continue d'étudier avec lesdirections d'écoles la manière de réduire autant que faire se peut les désagréments induits. Dans ce cadre, les pro-cédures initiées dans les diocèses visent à permettre de gérer collectivement la problématique des inscriptions mul-tiples. À l'issue de cette année scolaire, il conviendra d'évaluer l'efficacité des dispositifs mis en œuvre.Prenant la mesure des difficultés réelles posées par l'application du décret dans les établissements scolaires, d'au-cuns voudraient mettre en place une centralisation accrue des inscriptions qui mettrait à mal, une fois encore et demanière inappropriée, la responsabilité et l'autonomie des établissements.En analysant au plus près de la réalité la mise en œuvre des dispositions actuelles, il sera primordial d'en réaliserune évaluation lucide et sans parti pris, en tenant compte des réalités de terrain telles qu'elles sont effectivementvécues par les différents acteurs. Il conviendra d'observer auprès de l'ensemble des écoles les effets réels desmesures qui ont été prises, rappelons-le, pour mettre fin à quelques situations jugées inacceptables dans une trèspetite minorité d'écoles et au mépris des dispositions prises par de nombreuses autres pour favoriser l'hétérogénéitésociale. En effet, on observe que de nombreuses écoles qui ne rencontraient pas de problèmes d'inscriptions en sur-nombre se voient aujourd'hui assaillies de demandes et contraintes de réaliser un tirage au sort en raison desinscriptions multiples effectuées par des parents inquiets. À la prochaine rentrée, elles verront leur nombre d'élèvesse réduire au gré des désistements et resteront ainsi dans l'incertitude jusqu'à mi-septembre au moins.La vraie question, pour nos politiques, ne devrait-elle pas être de traiter le mal et non le symptôme? Plutôt que dedécréter une hypothétique mixité sociale, ne devrait-ils pas viser une amélioration de la qualité de l'enseignementpartout où c'est possible et nécessaire, en rendant ainsi tous les établissements également désirables? C'est ce quedemandent les parents, et cette demande est tout à fait légitime. Mais c'est aussi, et même d'abord, le projet de toutesociété démocratique.

ÉTIENNE MICHEL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU SEGEC5 NOVEMBRE 2008

entrées libres < N°33 < novembre 2008

La mixité socialepar voie d'inscription?

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I nitiative du Bureau des internats etorganisée par sa commission

pédagogique, la journée destinéeaux éducateurs d'internats se vou-lait sportive et s'est déroulée dansune carrière réaffectée de Comblain-la-Tour. Cadre féerique, nature sau-vage, brouillard ensoleillé, anima-teurs expérimentés, en ce vendredi17 octobre, tous ces signes étaientde bon augure pour les 56 partici-pants. Au programme: traversée d'unpont de câbles (à quelque 20 mètresde haut!), épreuves d'équilibre, joutespacifiques et questions de réflexion,

mettant l'accent sur l'entraide et letravail d'équipe, clés indispensablesà la réussite des parcours imposés.Le sang-froid des participants ayantété largement éprouvé, c'est avecbeaucoup d'enthousiasme qu'ilsfirent bon accueil à l'apéritif et aubarbecue prévus par la dynamiqueéquipe logistique du Val d'Antheit.Car, il n'est de journée d'éducateursqui ne se termine en grande convi-vialité, c'est bien connu! Rendez-vous est d'ores et déjà fixé pour laprochaine édition!

des soucis et des hommes

EN ÉQUIPE UNE NOUVELLE RESPONSABLEPOUR LA CELLULE POUVOIRSORGANISATEURS

E n remplacement de Guy SEL-DERSLAGH, devenu directeur

du Service Recherche et Dévelop-pement Pédagogique du SeGEC(SeRDeP), le Conseil d'administra-tion du SeGEC a désigné SophieDE KUYSSCHE comme nouvelleresponsable de la Cellule Pouvoirsorganisateurs, et ce, dès le 1er

décembre prochain. Elle était jus-qu'ici experte méthodologique auConsortium de Validation desCompétences à Bruxelles, aprèsavoir occupé la fonction deSecrétaire générale de l'InstitutCentral des Cadres (ICC).

Ses coordonnées:[email protected]él.: 02/256.70.05Secrétariat: 02/256.70.41Fax: 02/256.70.06

L e moins que l'on puisse dire, c'est que le film Entre les murs, auquelnous consacrions un article dans notre numéro d'octobre, ne laisse per-

sonne indifférent. Non content d'avoir raflé la Palme d'Or à Cannes, il susci-te aussi un raz-de-marée d'opinions divergentes.Pour poursuivre le débat, entrées libres a demandé leur opinion sur ce film àJean-Pierre LEBRUN, Jacques LIESENBORGHS, Bernard DEFRANCE,Bernard REY, Philippe van MEERBEECK, Michèle GARANT, MarcROMAINVILLE, Vincent DUPRIEZ, ou encore Philippe BEAGUE.À lire sur www.entrees-libres.be

Et vous, vous avez vu ce film? Vous en pensez quoi?Donnez-nous votre avis en écrivant à [email protected]

ENTRE LES MURS ET ENTRE LES LIGNES

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entrez, c’est ouvert!

Il s'en passe des chosesdans et autour des écoles: coup de projecteursur quelques projets,réalisations ou proposi-tions à mettre en œuvre.Poussez la porte!

UN P'TIT COIN DE POTAGER"S ous les pavés, la plage!", criait-on en mai 68. "Sur les pavé, les légu-

mes!", pourrait-on entendre aujourd'hui."Nous sommes une école de ville située en plein Bruxelles, sans aucun espacevert dans la cour de récréation", explique Sophie DELIENS, institutrice en 2e-3e

maternelle à La Retraite du Sacré-Cœur 1. L'année dernière, une maman de l'école, animatrice à l'asbl Fabrication Maison, a suggéré de réaliser un projet enlien avec la nature. Parmi les idées évoquées, celle de créer un potager nous asemblé la plus porteuse. La plupart des enfants n'avaient aucune idée de lamanière dont pousse un légume, et le choix de ce thème permettait d'envisagerune série d'exploitations possibles".C'est ainsi que nos apprentis jardiniers ont aménagé peu à peu un espace quiallait bientôt devenir le point de rencontre des élèves, des enseignants, maisaussi des parents. "Nous avons récupéré des bacs à fleurs que nous avons net-toyés, décorés et remplis de terre, précise l'institutrice. Nous avons ensuite déli-mité le coin potager et avons pu faire les premiers semis. Les enfants ont parti-cipé à l'ensemble des étapes, qui ont débouché sur des animations multiples".Une fois par mois, deux animatrices de l'asbl se joignaient aux élèves, ce qui apermis de mettre en place divers ateliers. L'exploitation du thème s'est aussipoursuivie en classe, avec des activités de français, mathématiques, cuisine,arts plastiques, éducation au mouvement, etc. "On peut dire que nous avons uti-lisé les légumes à toutes les sauces, s'exclame joyeusement S. DELIENS. Lesenfants ont représenté la graine et la plante en terre glaise, ils ont amené cha-cun un légume de chez eux et en ont fait un personnage qui racontait son his-toire, ils ont fait de la peinture avec du jus de légumes, ils ont mimé la plante quipousse, et nous avons, bien sûr préparé plusieurs recettes. Cette expérience,que nous comptons bien poursuivre, a été très enrichissante à de nombreuxpoints de vue. Les élèves ont dû apprendre la patience et se faire à l'idée qu'il ya une saison précise pour chaque légume. Au début, ils étaient très frustrés d'être obligés d'attendre plusieurs semaines pour pouvoir consommer ce qu'ilsavaient semé. Ils devaient aussi respecter le travail des autres et entretenirrégulièrement leur potager. Toute l'école s'est sentie concernée et beaucoup deparents, entrainés par leurs enfants, passaient fréquemment". Quand on vousdit que les légumes apportent plein de bonnes choses!

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. www.retraitesc.be

entrées libres < N°33 < novembre 2008

UN PROJET À FAIRE CONNAITRE? [email protected] UN PROJET À FAIRE CONNAITRE? REDACT

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UNE LIAISON FONDAMENTALE

L e 30 juin, ils sont "les grands" de sixième. Deux mois plus tard, ils deviennent "les petits" de première. Certainsfont ce grand écart avec souplesse, d'autres ont peur, se découragent, voire décrochent.

Pour mieux prévenir ou comprendre les difficultés des enfants (des ados?) de 1re secondaire et donner les meilleu-res chances d'atteindre les compétences 14 ans à tous ceux qui ont obtenu le CEB (avec 50 ou 90%), les directionsd'une dizaine d'écoles fondamentales et des établissements secondaires de la région hutoise ont posé, dès 2004,les jalons d'une collaboration étroite.Les premiers axes de travail se sont rapidement dégagés: la deuxième langue et la lecture. Recherche des conver-gences et des différences entre les deux niveaux, mise au point d'outils communs, organisation de formations pourinstituteurs et professeurs… Jean-Marie PINEUR, directeur de l'École fondamentale Saint-Louis de Huy, résumeainsi l'histoire de cette aventure dont s'ouvre aujourd'hui un nouveau chapitre: le chantier des mathématiques.Autour de la table, comme à chaque fois, des directions, des enseignants et des conseillers pédagogiques du fon-damental et du secondaire. Les questions sont nombreuses: pourquoi les résultats de certains élèves varient-ils tantentre la 6e primaire et la 1re secondaire? Les cadres de référence du 1er degré différencié correspondent-ils au pro-gramme intégré? Les instituteurs apprennent-ils une ou plusieurs méthodes pour résoudre tel type de problèmes? Àquel âge les enfants sont-ils capables d'expliquer une procédure qu'ils ont mémorisée? Un objet de travail est choi-si, une formation programmée, une prochaine réunion fixée: démarrage rapide et enthousiaste.Il faut dire que les bénéfices de l'expérience se font déjà sentir concrètement: "Toutes les réunions ont été profita-bles et, surtout, la formation sur l'apprentissage fut pour chacun une révélation", déclare Dominique DELATTE, pro-fesseur de français à l'Institut Libre du Condroz Saint-François.

ANNE COLLET

Contact: [email protected]

entrez, c’est ouvert!

L a sagesse populaire ne prétend-elle pas qu' "on est ce qu'on man-

ge"? Est-ce cette maxime qui a motivéle Conseil de participation de l'Écolelibre fondamentale Sainte-Julienne deRomsée 1? C'est possible. Toujoursest-il qu'il a adopté, cette année, unprojet d'établissement faisant la partbelle à la santé.Tamara SOUGNEZ, infirmière ensanté communautaire au Centre PMSlibre de Liège 1, a tout naturellementendossé le rôle de personne-ressour-ce chargée de coordonner une séried'activités sur ce thème. "J'ai été ame-née à répondre à des demandes parcycle relatives au brossage des dents,au lavage des mains, à l'hygiène cor-porelle ou encore aux assuétudes,

explique-t-elle. Mais l'école souhaitaitmettre sur pied une semaine santé quiconcerne l'ensemble des élèves. Nousavons donc opté pour l'alimentation,en commençant par un état des lieux,dans chaque classe, sur les habitudesdes élèves: quel type de petit-déjeunerprennent-ils? Quelle collation à 10h?Diner chaud ou tartines? Etc.".La semaine santé proprement dite adébuté le dimanche 12 octobre par unepromenade avec parents et enfants,histoire de sensibiliser tout ce petitmonde aux objectifs de la semaine pré-vue. Annulée l'an dernier faute de par-ticipants, l'initiative a rencontré cettefois un grand succès, puisque plus de120 personnes, sans doute alléchéespar le petit-déjeuner équilibré promis,

avaient répondu à l'appel. Les jours quiont suivi, les enfants ont été soignésaux petits oignons par une série d'inter-venants. Au menu figuraient, en effet:un petit-déjeuner malin, présenté sousforme de buffet, histoire de montrerqu'il existe d'autres aliments que leshabituels corn-flakes ou les sempiter-nelles tartines au choco, la visite d'unpotager, des courses au marché, unerécolte de pommes débouchant sur lafabrication de jus avec l'aide d'uneconfrérie locale, diverses animations etateliers sur le thème de l'eau, la pyra-mide alimentaire, etc."Les élèves ont également pu prendrepart à des ateliers du gout 2, avec laparticipation d'un chef cuisinier quis'est rendu dans chaque classe de pri-maire. Après un exposé sur lessaveurs, la partie «découverte» a per-mis aux enfants d'exercer leurspapilles à reconnaitre différents gouts.Ils ont vraiment été enchantés de tou-tes ces initiatives et au-delà de l'atten-tion apportée à l'alimentation, beau-coup de choses positives ont étévécues. Pour le petit-déjeuner buffet,par exemple, nous avions imaginé unsystème de parrainage des plus petitspar les grands, et cela a créé de nom-breux liens entre les classes".Autrement dit: "Qui petit-déjeune malinse fait des copains!". MNL

1. www.ecoleromsee.be2. www.bougermanger.be

UNE SEMAINE VITAMINÉE

[email protected] UN PROJET À FAIRE CONNAITRE? [email protected] UN PROJET À

entrées libres < N°33 < novembre 2008 7

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8 entrées libres < N°33 < novembre 2008

Quel a été votre parcours scolaire?Armel JOB: Ma scolarité a commen-cé à l'école communale de mon villa-ge, une classe unique dans laquellel'instituteur s'occupait de front des sixannées. C'est lui qui m'a donné legout de la langue française, je lui suisplus redevable qu'à tous les maitresque j'ai fréquentés par la suite. À 12ans, j'ai été interne au séminaire deBastogne, à une époque où la seuleforme d'enseignement était lesgréco-latines. Cette filière unique, quine comportait que 2h de sciences et3h de mathématiques, n'a pas empê-ché mes condisciples qui le souhai-taient de devenir biologiste ou ingé-nieur. Pour ma part, j'ai fait une licen-ce et l'agrégation en philologie clas-sique à l'Université de Liège. Il n'y adonc que l'enseignement provincialqui manque à mon CV.

Quel genre d'élève étiez-vous?

AJ: Je dois confesser que j'ai été plu-tôt bon élève. Je suis né dans unefamille modeste qui mettait tout sonhonneur dans le travail bien fait. Bâclerla besogne aurait été faire insulte àmes parents. C'était une chose enten-due, et je ne me souviens pas quemon père ou ma mère m'aient jamaisadmonesté ni félicité. Il leur suffisait desavoir que je faisais, comme eux, ceque j'avais à faire. Quant à critiquer unprofesseur, cela leur aurait paru la der-nière incongruité.

Quel rapport aviez-vous avec l'école?

AJ: À mon époque, étudier, c'étaitavant tout bucher. En classique à Liè-ge, par exemple, on apprenait enco-re par cœur les bibliographies dans

tous les cours, avec les lieux et datesd'édition. Avec un peu d'applicationet de méthode, c'est incroyable cequ'on finit par retenir! Ce bourrageétait comme une épreuve d'initiation.L'important était ailleurs, tout lemonde était bien d'accord là-dessus.

Y a-t-il des enseignants qui vousont particulièrement marquédurant votre scolarité?Qu'avaient-ils de particulier?AJ: Comme tout un chacun, j'ai étémarqué par des maitres, c'est-à-diredes personnes dont j'admirais l'intel-ligence, la compétence, la sagesse,l'humour. La plupart passeraientaujourd'hui pour de piètres pédago-gues, car ils ne pratiquaient aucunedes méthodes de management sco-laire d'aujourd'hui. Mais c'était desmodèles. Je suis, pour ma part, un

l’exposé du moi(s)

ARMEL JOB

La pédagogiede la question

Entre un grand-père marchand de chevaux et un père matelassier puis marchand de céréales, d'une part, et le latinet le grec, d'autre part, il n'y a qu'un pas. Du moins, quand ons'appelle Armel JOB. Et que le séminaire de Bastogne a faitson œuvre. Au point d'y revenir comme professeur, puiscomme directeur. Et de trouver quelque loisir pour écrireromans et récits. Rencontre.

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adepte convaincu de la philosophiede René GIRARD qui prétend qu'onne désire pas un objet pour lui-même, mais par l'intermédiaire d'unmédiateur lui-même possesseur decet objet. Personne n'aime sa pre-mière cigarette: elle fait souvent ren-dre tripes et boyaux. Cependant, ondevient fumeur et convaincu de l'ex-cellence du tabac pour rejoindre lemodèle du fumeur, notre voisin ou lecow-boy Marlboro. Ce processusvaut aussi pour les bonnes habitu-des. Je reste persuadé qu'un maitrepeut rendre aimable la plus indigestedes matières.Il me semble que la tendance actuel-le à transformer la pédagogie en unetechnique d'accompagnement de l'élève - procédé conforme à l'indivi-dualisme contemporain - risque defaire oublier le caractère tout à faitsingulier de la relation entre l'élève etle professeur. C'est pourtant danscette relation que réside le véritableplaisir d'apprendre et celui d'ensei-gner. Quoi de comparable entre larelation d'un professeur occupé àcoacher des élèves installés devantun ordinateur et celle d'un professeurparvenu à accrocher sa classe aupoint qu'elle oublie la sonnerie?

Quel type d'enseignant avez-vousété?AJ: Pour ma part, j'ai été un profes-seur comblé. J'ai enseigné les matiè-res réputées inutiles, le latin et legrec, à un public très varié et passpécialement favorisé. Je crois quela plupart de mes élèves et moi, nousavons eu beaucoup de plaisir à nousinterroger ensemble sur ces vieuxtextes, à les triturer, à enlever le ver-nis, à retrouver la pâte humainecomme si elle avait cuit la veille.

Aujourd'hui, vous êtes aussiécrivain…AJ: Quand j'ai arrêté d'enseigner, j'aicommencé à publier des romans. Cen'est pas par hasard. À mes yeux, unroman, c'est une question. Unequestion qu'on se pose si on veutcomprendre comment les chosesarrivent, ce qu'elles veulent dire. Dela philologie, en somme. En plus, unroman, c'est fait pour être comprispar les lecteurs. Le lecteur est sanscesse présent à l'esprit du roman-cier. De la pédagogie, en somme.

ARMEL JOB

l’exposé du moi(s)

[ L'EXTRAIT ]Le directeur de conscience

“Au collège, il faut se confier à un Père qui sera votre directeur de conscience.Monsieur le principal est venu le rappeler à la grande étude du soir. Il sait quele moment est propice. Après les inévitables congés, les cœurs sont plongésdans la désolation. On entend des sanglots dans les dortoirs. Il faut que les sen-timents puissent s'épancher. La tristesse est mauvaise conseillère. Qui sait àquelles solitudes, à quelles amitiés pires encore, elle peut conduire?Karl choisit le Père Anselme, sur le conseil de son voisin d'étude qui est endeuxième année. "Tu verras: chez lui, c'est facile! Pas besoin de parler".Chaque vendredi soir, Karl se rend chez le Père Anselme. Il lui donne un livrettout racorni, qui est une liste de tous les péchés classés par commandement.Karl passe en revue le catalogue et il pointe au crayon les fautes dont il s'estrendu coupable. Ce n'est pas toujours simple, d'autant qu'il semble qu'à moinsd'être de la dernière vanité, on doive se découvrir au moins trois péchés parsemaine. Père Anselme les lit lui-même, il saisit sa gomme, efface le pointageet donne l'absolution.La page du sixième commandement est complètement élimée. La marge desalinéas "actes impurs" et "pensées impures" a été effacée tant et plus. Elle esttoute grise et presque trouée.- J'ai commis un acte impur sur ma personne, lit machinalement Père Anselme.- Pardon, Père, mais je n'ai pas pointé ce péché-là.- Ah? Eh bien oui, c'est vrai, j'avais cru voir un trait.- Non, non.- Tu sais, Karl, tu peux l'avouer. Il y a des garçons qui viennent jusqu'à deux foispar jour ici pour cette même faute.Karl s'en fiche. Ce n'est pas son problème. La religion est déjà suffisammentpénible sans qu'on aille s'encombrer de péchés mortels.- Est-ce que tu te plais ici, Karl?- Oui, bien sûr.Ce n'est pas vrai. Karl s'ennuie. Personne ne l'aime dans cette prison. Sauf peut-être un peu Père Anselme. Karl n'a pas envie de l'affection de Père Anselme.Quand il décroise les jambes, sa soutane exhale des macérations d'urine.- Bon. Tu n'es pas un bien grand pécheur. Tu diras trois Ave tous les soirs. Et nefais pas cela comme un moulin à prières. Pense bien à ce que tu dis!C'est plus facile à dire qu'à faire. Quand Karl s'y met, sa pensée refuse avecobstination de s'absorber dans le sens des oraisons. Arrivée au "fruit de vosentrailles", elle s'évade presque automatiquement. Karl pense à Simone. Il sedemande ce qu'elle fait et son coeur se navre en s'avisant qu'elle songe sansdoute à lui. Karl essaie de se ressaisir, de reprendre ses Ave, de rassembler sesesprits. Il médite chaque verset. Alors, il cale sur "mère de Dieu". Voyons, com-ment Dieu a-t-il une mère s'il est éternel? Cette remarque doit être sacrilège,mais elle n'a pas demandé avant d'entrer dans son cerveau. En attendant, ellel'a distrait de la fin de la prière. Karl en recommence une nouvelle en veillant àbien se concentrer sans toutefois réfléchir excessivement à ce qu'il dit. Il finit pars'endormir, désespérant d'accomplir sa pénitence comme il faut. Au moins celalui fera un péché commode pour la prochaine confession”.

De la salade!, Memor, Bruxelles, 1999

à lire...La reine des Spagnes, récit, L'Harmattan, 1995La malédiction de l'abbé Choiron, récit, L'Harmattan, 1998De la salade!, roman, Memor, 1999La femme manquée, roman, R. Laffont, 2000Baigneuse nue sur un rocher, roman, R. Laffont, 2001Helena Vannek, roman, R. Laffont, 2002Le Conseiller du roi, roman, R. Laffont, 2003La femme de Saint-Pierre, récits, Labor, 2004Les fausses innocences, roman, R. Laffont, 2005Les Mystères de sainte Freya, roman, R. Laffont, 2007Le commandant Bill, Mijade, 2008À paraitre en 2009, chez Laffont: Tu ne jugeras point, roman

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"(...) et c'est ainsi que mon père, à vingt ans, sortit de l'école normale d'Aix-en-Provence, et devint instituteur public. Les écoles normales primaires étaient àcette époque de véritables séminaires, mais l'étude de la théologie y était rem-

placée par des cours d'anti-cléricalisme. On enseignait à ces jeunes gens que l'Église n'avait jamais été rien d'au-tre qu'un instrument d'oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c'était de nouer sur les yeux du peuple lenoir bandeau de l'ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.La papauté était dignement représentée par les deux Borgia, et les rois n'étaient pas mieux traités que les papes:ces tyrans libidineux ne s'occupaient que de leurs concubines, quand ils ne jouaient pas au bilboquet.Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande révolution avait été une époque idyllique, l'âged'or de la générosité et de la fraternité poussée jusqu'à la tendresse: en somme, une explosion de bonté.Je ne sais comment on avait pu leur exposer - sans attirer leur attention - que ces anges laïques, après vingt milleassassinats suivis de vol, s'étaient entreguillotinés eux-mêmes.Il est vrai, d'autre part, que le curé de mon village, qui était fort intelligent et d'une charité que rien ne rebutait, consi-dérait la Sainte Inquisition comme une sorte de conseil de famille: il disait que si les prélats avaient brûlé tant de juifset de savants, ils l'avaient fait les larmes aux yeux, et pour leur assurer une place au Paradis. Telle est la faiblessede notre raison: elle ne sert le plus souvent qu'à justifier nos croyances.Cependant, les études de ces normaliens ne se bornaient pas à l'anticléricalisme et à l'histoire laïcisée. Il y avait untroisième ennemi du peuple, et qui n'était point dans le passé: c'était l'Alcool. Des tableaux effrayants tapissaient lesmurs des classes: on y voyait des foies rougeâtres, et si parfaitement méconnaissables (à cause de leurs boursou-flures vertes et de leurs étranglements violets) que l'artiste avait dû peindre à côté d'eux le foie appétissant du boncitoyen, dont la masse harmonieuse et le rouge nourrissant permettaient de mesurer l'étendue de la catastrophe voi-sine. Les normaliens, poursuivis jusque dans les dortoirs par cet horrible viscère, étaient peu à peu frappés de ter-reur. La terrasse des cafés, à l'heure de l'apéritif, leur paraissait une sorte de cimetière de suicidés. (...) Mais ce qu'ilshaïssaient le plus farouchement, c'étaient les liqueurs dites «digestives», les Bénédictines et les Chartreuses, «avecprivilège du Roy», qui réunissaient, dans une trinité atroce, l'Église, l'Alcool et la Royauté".

MARCEL PAGNOLLA GLOIRE DE MON PÈRE, SOUVENIRS D'ENFANCE, GALLIMARD, 1958

entrées libres < N°33 < novembre 2008

rétroviseur

Entre raison et croyances…Comment étaient formés les instituteursdu temps jadis? Un reportage de notreenvoyé spécial, Marcel PAGNOL…

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Une épreuve? Et intégrée, en plus? Est-ce bien raisonnable?

Pour clore un cycle de formation, certains enseignants, de tous lesniveaux de l'école, demandent à leurs écoliers/élèves/étudiants deproduire un travail d'une certaine ampleur et sous des formesvariées. Objectif poursuivi: démontrer sa capacité à mener une tâcheimportante dans la durée en y intégrant des savoirs, des savoir-faireet des savoir-être acquis dans les différents cours ou les différentesétapes de la formation.Avec en plus, selon les cas, un choix personnel du sujet pour plus demotivation; une occasion de creuser ses aspirations en vue d'uneorientation; une production individuelle ou (partiellement) collective,pour développer d'autres apprentissages encore.Intéressant, tout cela… Restent quelques questions pour les profs:comment dépasser l'opposition stérile entre disciplines et productionintégrée, entre production et reproduction? Comment accompagnersans prescrire une autonomie rendue illico impossible? Commentenseigne-t-on l'intégration (sous-question préalable: comment l'a-t-onapprise)? Comment évaluer un tout qui, comme chacun sait, est plusque la somme des parties? Pour apprécier quelles compétences spé-cifiques? Sans laisser la forme ou la prestation prendre un pas unila-téral sur le fond. En sachant que l'addition n'a jamais fait l'intégration…Que de questions! Oui, mais "Toute connaissance est une réponse àune question", prétendait Gaston BACHELARD. Pas de raison que cene soit pas vrai pour les profs aussi!

FRANÇOIS TEFNIN

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LES ÉPREUVESINTÉGRÉES

ENJEUX

FAIRE DU LIEN. ET DU SENS.

PRATIQUES:FONDAMENTAL

PARENTS SUPPORTERS...MAIS PAS JOUEURS!

PRATIQUES:SECONDAIRE

UN TFE POUR DEMAINCENT FOIS SUR LE MÉTIER...UN TFE PERSONNELUNE ÉVALUATION UNIQUEL’OPTION EN UNE ÉPREUVE

PRATIQUES:PROMOTION SOCIALE ET SUPÉRIEUR

UNE INTÉGRATION OBLIGÉEUN PATIENT SOUS TOUTESLES COUTURESÀ LA MODE DE CHEZ NOUS...

BALISES

TOUS CAPABLES?

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P our répondre à ces questions, onpeut se référer - en élargissant

son propos - à un document produitpar le département pédagogique de laFédération de l'enseignement secon-daire catholique1. Des bénéfices de cetype de productions peuvent en effetapparaitre pour les différents acteurs.

RELIERPartons de la définition suivante: "UnTFE est une production de l'élève quis'inscrit dans la durée et qui permetd'intégrer des compétences déjàacquises ou à développer". Cette pro-duction peut fournir aux enseignants"une mine d'informations pour appré-cier le degré de maitrise des nom-breuses compétences terminales dis-ciplinaires et transversales. Quant àl'élève, il peut y prouver ses compé-tences en les mobilisant sur un sujetpluridisciplinaire porteur de sens pourlui". Ainsi, idéalement, l'élève doitpouvoir choisir une situation ou uneproblématique qui le motive ou qui l'a-mène à chercher des réponses à desquestions qu'il se pose. En mettant enœuvre une série de démarches, pourmaitriser au mieux le thème choisi, l'élève pourra articuler des savoirs etdes compétences disciplinaires, maisaussi transversales. Quel que soit leniveau d'enseignement, l'un desobjectifs de ce type d'épreuves estqu'élèves et enseignants s'ouvrent àdes pratiques pluridisciplinaires ouinterdisciplinaires, enrichissant larecherche des apports de différentesdisciplines. L'élève devra faire preuved'inventivité, pratiquer parfois paressais et erreurs et, le plus souvent,

effectuer une présentation orale deson travail. Il sera amené à décloison-ner des connaissances trop souventcirconscrites dans un seul champ dis-ciplinaire. En effectuant ces liensentre différentes matières, en tentantde mettre en pratique ce qu'il a appris,l'élève développe son autonomie, seresponsabilise, tout en bénéficiantd'un cadre (un échéancier, un plan detravail, une méthode…) et d'unaccompagnement différencié destinésà l'aider dans sa progression.

POUR DEMAINLe chef-d'œuvre ou le TFE jouentégalement un rôle en tant que prépa-ration à l'étape suivante de la forma-tion. Ils permettent au jeune de per-fectionner sa méthode de travail etl'aident à s'orienter. Ainsi, si l'élèvepeut choisir le sujet de sa productionintégrée, il le fera en fonction de sesintérêts personnels et il pourra petit àpetit clarifier, vérifier ou reconstruireses projets d'études ou profession-nels. Il peut donc être bénéfique derenforcer le lien entre le travail et leprojet personnel du jeune. Plus lesélèves et les étudiants auront l'occa-sion d'être confrontés à des situationsd'intégration, mieux ils seront arméspour réussir leurs études ultérieures,notamment s'ils arrivent à maitriserdans la longueur cette recherche per-sonnelle de longue haleine.

UN ENSEIGNANT IMPLIQUÉSi un des enjeux essentiels d'une pro-duction intégrée est d'apprendre à l'élève à mobiliser l'ensemble de ses

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ENJEUX

FAIRE DU LIEN ET DU SENS

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Pourquoi demander à des écoliers/élèves/étudiantsde présenter une épreuve intégrée à la fin d'un par-cours de formation?Quel intérêt un "chef-d'œuvre" ou un travail de find'études (TFE) peut-il avoir pour les jeunes d'unepart, pour les enseignants d'autre part?

définitions

PluridisciplinaritéProcessus de formation qui con-siste à analyser ou à résoudreun problème grâce au recours àplusieurs disciplines différentes.Les formateurs de ces différen-tes disciplines n'interagissentpas nécessairement ensemblecomme dans l'interdisciplinarité.

InterdisciplinaritéProcessus de formation qui meten évidence les interactions quiexistent entre plusieurs discipli-nes et qui peuvent aller de lasimple communication des idéesjusqu'à l'intégration mutuelle desconcepts directeurs de l'épisté-mologie, de la terminologie, de laméthodologie, des techniques,des données et de l'orientationde la recherche et de l'enseigne-ment s'y rapportant.

TransdisciplinaritéProcessus de formation qui meten évidence un modèle ou desconcepts communs à plusieursdisciplines.

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connaissances et à les mettre ensynergie, cette perspective exige desenseignants une adaptation de leurposture. Par rapport à la situationd'enseignement collectif, la relationentre un "promoteur" et un élève/étu-diant est davantage individualisée etbasée plutôt sur une adhésion quesur un rapport hiérarchique. Dans cecontexte particulier, l'enseignant est làpour expliciter et ajuster les règles dujeu, tout en tenant compte des réac-tions de l'élève. Il a pour rôle de l'aiderà faire face à cette situation complexeque constitue le TFE. L'élève cher-chera à intégrer théorie et pratique, àalterner les temps d'investigation etde structuration, et cela ne sera pos-sible qu'avec l'aide d'un adulte quil'accompagnera, le questionnera et lecritiquera quand il le faudra.L'enseignant devra s'adapter à la per-sonnalité de l'élève, prendre en comp-te ses difficultés, ses questions, ses

valeurs et le guider tout au long duparcours en lui proposant différentesfaçons de procéder. C'est par sesquestions et ses propositions quel'enseignant peut accompagner l'élè-ve, le pousser à développer son auto-nomie et à exploiter au maximum sespotentialités. Malgré tout, si l'ensei-gnant est bien un guide pour l'élève, iln'en reste cependant pas moins celuiqui, seul ou avec un "jury", l'évaluera(sauf dans les cas où l'on dissocienettement la fonction d'accompagna-teur de celle d'évaluateur, auquel casl'enseignant devient, selon la formuleconsacrée, "davantage entraineurqu'arbitre"). Les enjeux et finalitésd'une épreuve intégrée sont donc àdéfinir avec beaucoup de précisiondès le départ et doivent être rappelésfréquemment.Quand la production intégrée s'inscritdans le cadre du projet d'une équipeenseignante, les professeurs travaillant

ensemble peuvent mieux percevoir laspécificité de leur discipline, apprendred'autres pratiques et mieux saisir lesliens entre les différents programmes,en se découvrant un dénominateurcommun en termes d'apprentissage.Le TFE peut alors constituer un outilintégrateur qui éclaire le conseil declasse.Grâce à cette épreuve - et en complé-mentarité éventuelle avec d'autres for-mes d'évaluation plus disciplinaires -,les enseignants peuvent dresser unprofil de l'élève/étudiant, constaterson investissement, les progrès réali-sés tout au long de son parcours et, àl'aide des informations recueillies, jus-tifier une réussite ou, éventuellement,un échec, et proposer des remédia-tions. Le chef d'établissement, chargéde présider les délibérations, détientquant à lui un outil qui permet, sinécessaire, de dépasser les clivagesdisciplinaires. L'équipe éducative peutainsi faire le point sur l'acquisition descompétences, mais aussi avoir unregard plus global et prospectif sur l'élève au terme de sa formation.

BRIGITTE GERARD

1. J.-M. DEMOUSTIER et Anne OGER,"Travail de fin d'études et développement decompétences. Pour quoi? Avec qui?Comment?", FESeC, 2006. Téléchargeablesur www.segec.be > enseignement secon-daire > documents et programmes > dossierTFE.Voir aussi: "Un portfolio au service du chef-d'œuvre" sur www.segec.be > enseigne-ment fondamental > productions pédago-giques > la Salle des Profs.Dans "rechercher", taper "chef-d'œuvre".

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CE BEL OBJET EN BOIS…Christophe GEORIS est professeur d'ébénisterie à l'Académie des Arts et Métiers de la communed'Etterbeek. Quatre soirs par semaine, il retrouve ses élèves, femmes et hommes de tous âges, qui viennentapprendre comment construire meubles et objets en bois.Après une première année dévolue à l'apprentissage des techniques de base, la deuxième est consacrée àl'apprentissage de techniques plus pointues (incrustation, placage…). Chaque élève réalise, de la concep-tion à la finition et à son rythme, ses projets personnels: une table, un banc, une chaise… Il devient ainsi deplus en plus autonome sur les plans technique et artistique.Christophe accompagne chacun individuellement, suscite sa curiosité, le pousse à se poser des questions,à réexaminer son projet initial, sous un angle nouveau…, l'incitant ainsi à devenir plus audacieux.En fin d'année intervient l'évaluation: le jury - trois professionnels ébénistes et le professeur - évalue selontrois critères: la qualité des techniques utilisées, la qualité des finitions et la créativité. Cette manière d'évaluer les productions, au terme de l'apprentissage, autorise, pendant l'année, les tâtonnements, lesremises en question, les erreurs et les échecs.La formation en académie, bien loin de celle du technicien exécutant, permet ainsi à ceux qui s'y inscriventd'approcher la démarche de l'artiste: c'est, du moins, la conviction de Christophe!

PAULE PINPURNIAUX

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D epuis plus de 10 ans, les enfantsproduisent en 6e ce fameux tra-

vail de fin d'études. "Notre réflexionest partie du constat que l'épreuveinterdiocésaine n'était pas révélatricede toutes les compétences des élè-ves, notamment de ce qui avait trait àl'écrit fonctionnel et à la capacité decommuniquer. Nous pensions égale-ment que pour certains élèves dont lefrançais n'était pas la langue mater-nelle, il fallait travailler davantage lacompréhension des consignes",explique Cathy MONSANTO. Un desdéfis de ce type de démarche estd'assurer l'égalité des élèves face auxexigences de l'épreuve. Le leitmotivest ici justice et égalité. La recherche,le tri, la compréhension de l'informa-tion, ainsi que sa communication, seconstruisent avec l'enfant et sontgérés en classe. C'est le travailmanuscrit et la présentation orale quifont l'objet d'une évaluation. Pourtrouver les sources, la classe va à labibliothèque et à la médiathèque.L'accès à Internet est assuré au coursd'informatique. Les parents sont infor-més en début d'année de la philoso-phie du TFE et sont invités à soutenirle processus, mais en aucun cas ilsne peuvent intervenir danssa réalisation.

AUTONOMIE ET SOLIDARITÉDans le processus, on remarque l'in-vestissement demandé à l'enfant,mais aussi la place laissée à unedémarche collective. Le choix du sujetest capital. Il faut que l'enfant ait unquestionnement personnel. "De plus,les enfants connaissent les balises dece choix. Il faut pouvoir trouver dessources écrites et compréhensiblespour se lancer dans une recherche",précise l'institutrice. La classe définitle planning de travail et les échéan-ces, et prend connaissance de lagrille d'évaluation. La répartition despoints entre les compétences (savoirlire, écrire, communiquer) est discu-tée. Les affiches reprenant les sujetschoisis et les questions de l'élève sontplacées dans le couloir. Les deuxclasses de 6e prennent connaissancedes recherches, et chacun peut inscri-re les questions qu'il se pose face ausujet d'un condisciple. Les membresde l'équipe éducative peuvent aussialimenter la réflexion des enfants.Après cette récolte, les élèves regrou-pent les questions sous au moins troisthématiques, objets du travail. "Nousconsacrons le mercredi matin au TFE.Les parents sont les bienvenus dansce moment d'accompagnement. Celapermet, en les confrontant à la pra-tique, de calmer certaines angois-ses".

ÉVALUATIONLe travail manuscrit est d'abordévalué. Il faut ensuite le dactylo-graphier à l'école grâce au maté-riel informatique ou à la maison.La solidarité joue aussi. Ceuxqui disposent du matériel pro-posent aux copains de venirchez eux. Au moment de laprésentation orale, l'enfantchoisit deux évaluateurs dans

la classe qui doivent faire preuve "d'unregard plus concentré". L'institutrice et

un autre adulte donnent leur avis etlaissent ensuite la classe s'exprimer.À ce stade, c'est "savoir communi-quer" qui est évalué. Pour garantir lajustice et l'équité chères à l'école,l'asbl Âges et transmission apporteson soutien aux élèves dont le fran-çais n'est pas la langue maternelle.

DIFFICULTÉSC. MONSANTO n'élude pas les diffi-cultés. Ainsi, l'activité de classe àorganiser dans le cadre du TFE jadisobligatoire est devenue facultative.Elle provoquait une surenchère entreles parents… "Parmi l'équipe éduca-tive, on constate l'intérêt de beau-coup de collègues, l'investissementde certains parfois comme person-nes-ressources, la préparation en 5e

par une recherche après les classesde neige. Mais beaucoup s'inquiètentface à la somme de travail que celareprésente. Je dois avouer qu'il s'agitd'un investissement total. Je reste àl'affut d'informations, même en-dehors de l'école, sur tous lessujets". Certains parents préfère-raient un entrainement à l'épreuveexterne sous forme de drill. De plus,celle-ci ne laisse pas de place à l'évaluation du TFE."Chaque année, en juin, nous faisonsle bilan. Chaque année, nous pen-sons que rationnellement, il vautmieux arrêter. Chaque année, enseptembre, nous recommençons! Enjuin 2009, j'aurai le regard de majeune collègue qui vient d'arriver dansle projet. L'enjeu sera de savoir si elleestime que le TFE, dans sa philoso-phie, est méthodologiquement trans-férable ou s'il tient uniquement à lapersonnalité des profs qui le portent.Si ce dernier point de vue se dégage,alors il faudra arrêter!", conclut-elle.Rendez-vous en septembre 2009!

ANNE LEBLANC

entrées libres < N°33 < novembre 20084

PRATIQUES: FONDAMENTAL

PARENTS SUPPORTERS… MAIS PAS JOUEURS!

Pourquoi un travail de fin d'études en 6e primaire,à l'heure de l'épreuve externe? Cathy MONSANTO,institutrice à l'École du Bonheur à Woluwé-Saint-Lambert, répond avec un enthousiasme égal à l'énergie déployée pendant toute l'année pour quetous réussissent le TFE.

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UN TFE POUR DEMAIN"Pour leur TFE, les élèves peuvent déterminer un sujet qui ne se situe pas nécessairement dans le cadre disciplinaire,mais qui colle à leur motivation et qui ait, si possible, un lien avec les études qu'ils comptent accomplir. Comme le sujetest déjà choisi en 5e année, les élèves ont le temps de s'y consacrer. Un promoteur les accompagne, et des dispositifssont mis en place pour les aider: ateliers, visites de bibliothèques… Le TFE n'est pas seulement le résultat d'une collectede documents. Il doit aussi contenir une part personnelle, qui peut être un travail de laboratoire, une enquête, une inter-view, une vulgarisation… Toute chose qui montre qu'il ne s'agit pas d'un simple copier-coller. Le travail, qui doit compterentre 20 et 40 pages, doit être rendu avant les vacances de Pâques. S'il n'est pas satisfaisant, l'élève a droit à une pério-de de remédiation. Il peut corriger l'écrit avant la présentation orale de début juin, qui se déroule devant un jury interne.La place du TFE par rapport aux autres branches fait l'objet d'un gros débat. L'école est encore très frileuse à l'idée dele considérer comme un élément essentiel à prendre en compte. Il s'agit d'un élément parmi d'autres dans le parcours del'élève sur deux ans. On n'a jamais pris la décision de faire rater un jeune à cause de ce travail, mais il peut sauver cer-tains en situation difficile.L'objectif principal est de déterminer si l'élève parvient à rechercher et à synthétiser des documents, ou encore s'il arriveà se positionner par rapport à la matière. C'est aussi l'apprentissage de l'autonomie et de la gestion du temps. Le TFEest perçu par les élèves comme étant très lourd au départ, mais avec le recul, ils constatent que cela les prépare bien àl'enseignement supérieur".Anne OGER, ancienne enseignante de français en rhétorique à l'Institut Saint-Joseph à Ciney et coordinatrice des TFE

CENT FOIS SUR LE MÉTIER…"Au collège, le TFE a été remanié à plusieurs reprises. Dans sa première mouture, il s'agissait d'un travail très cadré, trèscloisonné. Un thème était choisi par les profs, et l'élève devait effectuer une recherche en profondeur, rédiger un travailselon certaines règles et passer oralement devant un jury. Cette épreuve était certificative. Il y a trois ans, on s'est renducompte des limites du système. Les élèves les plus en difficulté n'étaient pas assez aidés, tous n'étaient pas sur le mêmepied. Ils étaient laissés à eux-mêmes, dans le but de les préparer à l'enseignement supérieur, mais pour certains, celademandait vraiment trop de travail. On a donc rendu le travail plus ouvert et simplement formatif. On l'a étendu à d'au-tres possibilités, par exemple la création d'une mini-entreprise, ou en guise de préparation à l'examen d'ingénieur civil…Là encore, les enseignants y ont trouvé des limites: pour quelques élèves, le caractère formatif du travail était démoti-vant. Et il y avait parfois des difficultés à le raccrocher au contenu des cours.Cette année, nous avons donc encore modifié le TFE. Le thème sera dorénavant choisi par un enseignant (qui suivraégalement le travail), en lien avec son cours, et pourra s'étendre à d'autres disciplines. Le cadre pluridisciplinaire estessentiel. Il y aura toujours une production écrite et orale, mais sa forme ne sera pas figée. Une exposition pourra, parexemple, être admise.Cette épreuve-ci sera certificative, le travail comptant pour un quart de la cote de fin d'année pour le cours. Il s'agira sur-tout d'un travail de préparation à l'enseignement supérieur. Nos anciens étudiants témoignent du fait que cela leur a bienservi, en termes de contraintes de temps, d'organisation ou d'autonomie. À cette occasion, ils rencontrent d'autres réali-tés et peuvent aussi approfondir leur projet personnel. Le TFE développe des compétences pour l'enseignement supé-rieur, mais aussi d'autres, plus transversales. L'important est, en effet, de pouvoir utiliser des compétences dans d'autrescontextes que les cours".Alain KOEUNE, directeur du Collège Notre-Dame de Bellevue à Dinant

PROPOS RECUEILLIS PAR BRIGITTE GERARD

PRATIQUES: SECONDAIRE

Selon les formesd'enseignement et lesoptions, des écolesorganisent des travauxde fin d'études (TFE)aux objectifs et auxmodalités variés.Illustrations.

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UN TFE PERSONNEL"L'objectif du TFE est que l'élève montre qu'il a acquis les quatre macro-compétences certifiantes pour le CESS: ob-server, questionner, rédiger et présenter. L'élève doit respecter des balises importantes: utiliser différentes sources,rencontrer des témoins, pratiquer des interviews… On lui demande aussi d'intégrer de la théorie vue dans au moinsun autre cours. Dans ses conclusions, il doit montrer comment il est parvenu au résultat, ou comment il est arrivé àune autre question. C'est un travail important, de 30-40 pages, mais les élèves (15 maximum) sont bien encadrés enclasse, car nous accueillons un public qui n'a pas beaucoup de soutien à l'extérieur. L'élève rédige, l'enseignant cor-rige, dans un échange permanent. Le TFE doit être présenté oralement devant un jury interne et externe.Ce parcours est parfois difficile, mais en général, les élèves persévèrent. Il peut arriver que certains paniquent, maisc'est normal puisqu'ils sont en apprentissage. Il est essentiel que le jeune puisse mesurer à quel point il a changépar un travail de questionnement qui peut générer un effet «thérapeutique». Les élèves doivent s'interroger sur ceque ce travail leur a appris, sur eux, sur les autres et sur le monde. Ce sont souvent des jeunes scolairement bles-sés, et le TFE est une occasion pour eux de dépasser cette blessure. L'enjeu est également de prendre consciencede leur capacité ou non à entrer dans le supérieur. La difficulté, c'est que les élèves doivent encore passer les au-tres examens; cela déforce un peu l'impact du travail. Il devrait peut-être avoir plus de poids…".Marianne LAURENCIS, enseignante en 7e Pc1 au Centre scolaire Ma Campagne à Ixelles

UNE ÉVALUATION UNIQUE"La philosophie de la 7e Pc est de diriger les élèves vers un projet professionnel ou vers des études. Le TFE est sur-tout une réflexion d'ordre théorique, l'aspect pratique étant abordé au cours des stages. Chez nous, les cours s'ar-rêtent vers le 15 mai pour permettre aux élèves de se consacrer entièrement à la rédaction du TFE en classe.Ensuite, celui-ci fait l'objet d'une présentation orale. Les jeunes sont accompagnés dans leur travail et ils ont accèsaux infrastructures de l'école, comme la salle informatique. Les enseignants de toutes les disciplines se relaient pourles suivre. On souhaite effectivement que toutes les branches soient présentes d'une façon ou d'une autre dans leTFE. Toutes les compétences doivent être mises en œuvre. L'élève peut corriger son travail au fur et à mesure et,de ce fait, les exigences sont assez élevées. C'est aussi un bon apprentissage de l'autonomie.En fin d'année, il n'y a pas d'autre examen. Une session «à l'ancienne» est organisée à Noël et à Pâques, les élè-ves doivent déjà effectuer une épreuve d'intégration. Il y a donc trois épreuves certificatives, mais le TFE a la valeursuprême. Si l'élève connait de grosses difficultés dans les deux premières épreuves, il peut se rattraper grâce auTFE. S'il rate celui-ci, il a la possibilité d'une remédiation…Ce travail demande une grande collaboration entre enseignants, alors qu'il leur est parfois difficile de renoncer à leursprérogatives de branches. Après un an de cette expérience, notre bilan est positif, mais les élèves étaient contentsd'en finir! Il a aussi fallu leur faire comprendre qu'il n'y aurait plus de notes. C'est une logique tout à fait différente".Gauthier DEWULF, enseignant en 7e Pc au Collège Notre-Dame des Trois Vallées à Genval

L'OPTION EN UNE ÉPREUVE"En 6e professionnelle, nous organisons deux épreuves intégrées certificatives, à Noël et en juin, durant lesquellesles élèves sont mis en situation concrète. Ils doivent effectuer différentes tâches dans un domaine précis, au sein del'école. L'an passé, à Noël, ils ont dû organiser un gouter à l'occasion de la Saint-Nicolas et en juin, ils ont été misdans la situation d'un hôtel-restaurant. On prépare les élèves tout au long de l'année en les plaçant dans des situa-tions similaires. Ce sont les compétences prévues dans le programme qui sont évaluées. Tout se déroule dans l'école, mais c'est un jury extérieur qui se charge de l'évaluation. L'épreuve de Noël compte pour 30% et celle de juinpour 70%. Les élèves doivent obtenir une moyenne de 60%. Sinon, ils peuvent représenter une épreuve intégréedébut septembre. Ces épreuves concernent les cours à options de la section: informatique, activité d'insertion pro-fessionnelle, techniques d'organisation et secrétariat. Les élèves doivent également passer les autres examens.Nous avons un public qui n'est pas toujours facile. Le fait de mettre les élèves en action peut redynamiser une clas-se et une option. Pour moi, l'expérience est très concluante et positive".Isabelle CHARLIER, enseignante au 3e degré Auxiliaire administratif et d'accueil à l'Institut de la Providenceà Herve

PROPOS RECUEILLIS PAR BRIGITTE GERARD

1. La 7e Professionnelle de type "C" est celle qui prépare à l'obtention du Certificat d'Enseignement Secondaire Supérieur.

entrées libres < N°33 < novembre 2008

PRATIQUES: SECONDAIRELE

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UNE INTÉGRATION OBLIGÉE"L'enseignement de promotion sociale est modulaire. Les cours y sontregroupés par unités de formation, autour de compétences communes.Dans chaque section, les étudiants doivent passer par les différentes uni-tés de formation, qui font chacune l'objet d'une évaluation intégrée en ter-mes de compétences, de capacités terminales. Cette évaluation se fait surla base d'un travail unique, écrit, qui permet de vérifier les capacités desétudiants, et qui est présenté oralement. Ensuite, au terme de la formation,pour obtenir un certificat de qualification ou un diplôme de baccalauréat, lesétudiants doivent passer l'épreuve intégrée de la section, sur un thème pré-cis, en tenant compte des différentes approches vues précédemment. Cetravail est également présenté devant un jury, avec au moins un enseignantde chaque unité de formation déterminante. C'est alors que l'on vérifie l'intégration de l'ensemble de la formation. La caractéristique de l'ensei-gnement de promotion sociale étant un aller-retour permanent entre théo-rie et pratique, on doit bien sûr en tenir compte dans l'épreuve intégrée.C'est surtout l'intégration au niveau des unités de formation qui est spéci-fique ici. Comme nous nous adressons en général à des adultes, cesépreuves permettent de tenir compte de leur vécu (stages, expériencesprofessionnelles…). On croise cela avec les cours pour vérifier si les étu-diants ont bien atteint les capacités terminales. Il faut avoir compris les dif-férentes matières et pouvoir les appliquer. Le gros avantage de cette façonde travailler est, pour moi, la collaboration qu'elle suppose entre les ensei-gnants, obligés de se concerter et de se rencontrer régulièrement, surtoutpour construire l'épreuve commune. Par ailleurs, les cours ne sont passimplement juxtaposés, mais coordonnés; c'est aussi un avantage pour lesétudiants. L'épreuve intégrée est un très bon outil pour la formation desadultes, puisqu'elle permet de valoriser autre chose que la matière pure etsimple. Dans les premiers temps de la formation, les étudiants passentnéanmoins encore l'un ou l'autre examen classique. L'épreuve intégréefinale compte pour un tiers dans l'obtention du diplôme, et les unités de for-mation pour deux tiers".Agnès BALSACQ, directrice du CPSE (Centre de promotion socialepour éducateurs) à Grivegnée

UN PATIENT SOUS TOUTES LES COUTURES"Cela fait quelques années que nous organisons une épreuve intégrée àla fin de la 3e année. Celle-ci permet une certification recouvrant l'appren-tissage des trois années d'études. Sur papier, les étudiants sont mis ensituation concrète face à un patient dont ils doivent s'occuper. À eux d'ex-pliquer à un jury de deux enseignants comment ils le prennent en charge,de la façon la plus complète possible. Ils ont pour cela 3/4h de préparationet peuvent s'aider de deux ou trois outils professionnels.Bien sûr, la mise en place de cette épreuve demande aux enseignants untravail continu en groupe et beaucoup de concertations, mais c'est positif,car cela permet de vérifier l'ensemble des connaissances acquises tout aulong des études. Cette façon de procéder est un choix de l'école, ce n'estpas obligatoire. À côté de cela, les étudiants doivent également passer unexamen pratique à l'hôpital ainsi que des examens classiques pour lescours théoriques. Ils ont aussi un TFE à remettre, comme c'est le cas danstoutes les formations de baccalauréat. S'il y a un problème concernant l'épreuve intégrée, les étudiants ont droit à une remédiation. Ils y sont pré-parés tout au long de l'année, et même déjà en 2e année".Christine SMAL, déléguée de la coordination en 3e année du bacca-lauréat en soins infirmiers à la Haute École Libre Mosane (HELMo) -Sainte-Julienne

PROPOS RECUEILLIS PAR BRIGITTE GERARD

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PRATIQUES: PROMOTION SOCIALE ET SUPERIEUR

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À LA MODE DE CHEZ NOUS…Autre exemple d'intégration dans l'en-seignement supérieur, les réalisationsdes bacheliers "Modélistes-Stylistes"de la Haute École Libre Mosane,récemment présentées dans le cadrede la Biennale Internationale de Designde Liège. Des thèmes aussi divers quela publicité, les contes pour enfants, laplace de l'Homme dans l'univers, lamusique étaient déclinés en tenuesuniques et originales, fruits de larecherche et de l'expérimentation col-lective comme du style personnel dechaque étudiant. Comme le dit BALEN-CIAGA, grand couturier espagnol: "Unbon couturier doit être: un architectepour les tracés, un sculpteur pour lescourbes, un peintre pour les couleurs,un musicien pour l'ambiance et uncréateur pour l'inspiration". Par descours aussi variés que création, stylis-me, couture, marketing, droit, gestiond'entreprise, au terme de leur bacca-lauréat, les étudiants peuvent conce-voir les tendances et les modèles, sontcapables de les traduire par un patro-nage techniquement abouti et dispo-sent des compétences à la fois tech-niques (modélisme, coupe) et artis-tiques (stylisme). FT

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Quels sont les enjeux de l'intro-duction de ce type d'épreuvedans le cursus scolaire?Éric MANGEZ: Ce type d'épreuvese situe dans la continuité de diver-ses options prises, au moins auniveau des discours, dans lesannées 90. Ces options sont cepen-dant en rupture avec le passé, où lesépreuves étaient vraisemblablementplus "découpées". Cette intégrationdes épreuves s'inscrit plus générale-ment dans une volonté d'intégrationcurriculaire. Celle-ci peut être miseen relation avec l'économie et sesévolutions récentes. Nous sommesdans une économie de la connais-sance qui nécessite des travailleursautonomes, capables d'initiatives: ilsne doivent pas simplement disposerde connaissances, mais ils doiventsurtout être aptes à les mettre enœuvre dans des situations réelles,de manière originale, au service del'entreprise. Ils doivent être suscepti-bles de mener à bien des projets. Lanotion de compétence, de mêmeque les épreuves intégrées et lesprojets, font écho, dans le domainepédagogique, à ces transformationsde l'économie.

À votre avis, tous les élèvessont-ils sur un pied d'égalitépour faire face aux exigencesd'une épreuve intégrée?EM: Les élèves ne sont jamais toussur un pied d'égalité face à une épreu-ve scolaire, intégrée ou non. Certainsont acquis des dispositions ou bénéfi-cié de davantage de ressources éco-nomiques et culturelles dans le cadrede leur famille ou de leur environne-ment social. Ces inégalités sociales,économiques et culturelles préexis-tent d'une certaine manière. Et unedes missions de l'école est sansdoute de tenter de les réduire ou, entout cas, de ne pas les renforcer.Comme l'a indiqué Pierre BOUR-DIEU, par exemple, une des manièresd'accentuer les inégalités consiste àexiger des élèves des connaissancesou des compétences qui ne leur ontpas été enseignées. Si l'on veut éva-luer les jeunes au travers d'uneépreuve intégrée, il faut que toutes lescompétences nécessaires à la réussi-te de ce type d'épreuve aient fait l'ob-jet d'un travail pédagogique. Rienn'est moins évident - ou d'ailleursaussi paradoxal - que d'apprendre àquelqu'un à devenir autonome. Hiercomme aujourd'hui, l'inégalité socialede réussite scolaire provient souventdes compétences implicites: cellesqui sont à la fois nécessaires et nonenseignées.

À quelles conditions cela peut-ilmarcher?EM: La première condition est sansdoute de prendre pleinement lamesure du défi. Penser une épreuveintégrée est complexe. Anticiper sonévaluation l'est tout autant. Il faut, enoutre, accorder l'épreuve et lesapprentissages réalisés pendantl'année: il est indispensable que cesapprentissages - et ceux-là unique-ment - suffisent à la réussite de l'épreuve. Si cette réussite nécessitedes compétences qui n'ont pas faitl'objet d'un apprentissage, on ouvrela porte au renforcement des inéga-lités. On risque en effet alors d'éva-luer des dispositions personnellesliées au milieu social d'origine,davantage que des compétences etdes connaissances acquises dans lecadre scolaire.

1. Éric MANGEZest sociologue auCERISIS (Centrede recherche pourla solidarité et l'in-novation sociale).Son dernier ouvra-ge, Réformer lescontenus d'ensei-gnement, est paruaux PUF en 2008.

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BALISES

TOUS CAPABLES?LE

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Les arguments ne manquent pas pour promouvoir des productions intégrées.Mais quelles en sontaussi les limites? Ou du moins, les conditions d'une miseen œuvre à la fois efficace et juste?Réponses d'Éric MANGEZ1.

Comment donner à tous les moyens

de faire face aux exigences

de l’école?

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T out commence en automne2007, à Verviers. Il ne nousfaut pas très longtemps pour

nous rendre compte que notre classeest le point de rencontre de person-nes venues d'horizons profession-nels, géographiques, linguistiques etculturels très variés. Et que la cohabi-tation qui s'amorce ne sera pas tou-jours facile.En automne encore, le hasard - maisest-ce bien un hasard? - me mène àbord d'une péniche amarrée sur lecanal de Bruxelles. On y rêved'Europe, d'amitiés, d'un mondemeilleur… Il y a là Cécile, qui parleavec passion d'un "truc" par Internet,facile, qui ne coute rien. Vous avezdeviné? Ca commence par "e"!En automne toujours, sur le siteInternet d'eTwinning: Louise, Filome-na, Kyriaki, Mohamed et leurs élèvesconfrontent leurs identités, commenous dans notre classe. Le miracle,c'est qu'ils le font en français, et qu'ilsnous ouvrent leurs portes. Du fond de

notre petit coin de Wallonie, nousserons les seuls francophones d'ungroupe qui travaille en français!Alors apparaissent les barrières lin-guistiques, culturelles, administrati-ves, technologiques.Alors patiemment, barreau après bar-reau, avec les tenailles de la parole,de l'obstination, de la réflexion, et sur-tout - surtout! - du plaisir partagé, petità petit nous ouvrons des brèchesdans les barrières. On chatte avecdes Italiens et des Norvégiens, onécrit, on se filme, on parle de soi etdes autres, on se pose des questions,on y répond, on se dispute le titre de"meilleur chocolat du monde". C'esttout petit, une goutte d'eau dans lamer, mais une fenêtre s'est entrouver-te et soudain, dans notre école pous-siéreuse, on respire comme un air deliberté.Le travail de notre groupe est primé àRome1, puis chez nous, et nous som-mes tout étonnés: c'était notre vie de

tous les jours, on nous dit avec ce prixqu'elle a de la valeur, et nous ne nousen rendions pas compte! Nous voicidonc devenus des bourgeois gentils-hommes, faisant de la démocratieinterculturelle sans le savoir.

ANDRÉ SIMONPROFESSEUR RESPONSABLE DU PROJET

ETWINNING À DON BOSCO VERVIERS

1. par le Bureau National eTwinning d'Italie

écoles du monde

En fait, il s'agit d'une banale histoire de rencontres,de hasards, de ces petits miracles comme ceuxqui font surgir les champignons dans les boisen automne…

champignonsautomne…

Il n'y a pas que les

qui poussent en

eTWINNING: JUMELER C'EST GAGNER!L'opération eTwinning1 aide lesenseignants de l'enseignement fon-damental et secondaire à mettre surpied des échanges à distance entre,au minimum, une classe d'ici et uneautre classe d'un des autres payseuropéens participants (pays mem-bres de l'Union européenne + laNorvège et l'Islande).Concrètement, il s'agira de réaliseravec ses élèves un projet européeninterculturel, grâce à l'utilisationpédagogique des Technologies del'Information et de la Communication(TIC), dans le but de compléter l'ap-prentissage linguistique par deséchanges avec des élèves d'autrespays, et de préparer ou prolongerd'autres expériences internationales(échanges à distance ou séjours àl'étranger, individuels ou collectifs).Cette année, le 1er prix eTwinning dela Communauté française pour l'en-seignement secondaire a été accor-dé à l'Institut Don Bosco de Verviers,et plus particulièrement à la 6e pro-fessionnelle électriciens-monteurs etmécaniciens d'entretien, pour sonprojet "Les jeunes en Europe s'inté-ressent à la Méditerranée. Folkloreet traditions", en lien avec quatrepartenaires: l'Italie (Ercolano, Na-poli), la Norvège (Kyrksæterøra,Trondheim), la Grèce (Pyrée), et leMaroc (Fkih Ben Salah).

1. Twinning: mot anglais signifiant jumelage

Portail européen:www.etwinning.netPortail de la Communauté française de Belgique:www.enseignement.be/etwinning

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L a question de l'intégration,dans l'enseignement ordinai-re, des enfants en situation de

handicap a fait l'objet de travaux quiont conduit, en janvier 2008, à l'adoption, à l'unanimité des députésdu Parlement de la Communautéfrançaise, d'une proposition de réso-lution et au dépôt, en septembre,d'un projet de décret. Une série demesures ont été prévues, permet-tant, notamment, de faciliter la colla-boration entre les différents typesd'enseignement et de services, aubénéfice des élèves. Le Parlement apoursuivi la réflexion en organisant,le 30 septembre dernier, un colloqueintitulé "Les enfants en situation dehandicap: une richesse pour l'école -Place aux actes".

AGIR

À l'entame du colloque, Julie DEGROOTE1 a souligné l'importanced'apporter, dans le domaine de l'inté-gration, des réponses diverses à desréalités multiples. "Il ne s'agit pas defaire passer un message simpliste

qui consisterait à dire: tout à l'inté-gration", a-t-elle indiqué, rappelantqu'intégration ne doit pas signifierassimilation. Insistant sur le dyna-misme extraordinaire du mondeassociatif, elle s'est dit convaincuede la nécessité que le politique pren-ne le relais et prévoie un cadre bud-gétaire suffisant pour apporter uneréponse forte et inventive en lamatière. "Il est temps de changer deregard sur la différence et sur lehandicap et de viser la tolérance etle respect", a-t-elle conclu.

PERSPECTIVE EUROPÉENNE

L'Agence européenne pour le déve-loppement de l'éducation des per-sonnes ayant des besoins particu-liers regroupe actuellement 27 pays.Mary KYRIAZOPOULOU, sa repré-sentante à Bruxelles, a brossé untableau de la situation européenneen matière de pratiques d'intégra-tion scolaire. "Aucun pays n'a derecette miracle que les autres puis-sent copier telle quelle, explique-t-elle. Le processus s'est développé

différemment selon les endroits etest en constante évolution". 2,1%des élèves européens sont scolari-sés dans des classes ou des écolesspécialisées, mais si la tendancegénérale est à l'essor d'une poli-tique d'intégration dans l'école ordi-naire, la proportion d'élèves recon-nus à besoins particuliers, les pro-cédures de validation, le finance-ment de l'enseignement varient d'unpays à l'autre. Quels sont les élé-ments nécessaires à une intégrationréussie? Comment faire évoluer lesmentalités? Il est important de four-nir aux établissements et aux ensei-gnants des indications, voire uneréelle formation, sur la manière d'in-tégrer des enfants handicapés etd'adapter les démarches d'appren-tissage, de leur apporter un soutienspécifique en personnel et en équi-pement, et de mettre en place deshabitudes de coopération qui profi-tent à l'ensemble des enfants. Dansce cadre, la reconversion des éco-les spécialisées en centres de res-sources, apportant une aide à la foisaux élèves et aux enseignants

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S'ouvrir à ladifférenceFaire une place, dans l'école ordinaire, aux enfants handicapés, l'idée n'est pas neuve et elle convainc de plus en plus de monde. Mais comment ne pas en rester au stade des bonnes intentions?

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concernés, pourrait également êtreun facteur positif.

INQUIÉTUDES

Les participants à la table ronde ontrépondu à une série d'interrogations,montrant par moments une belle una-nimité, dévoilant à d'autres quelquesdivergences. Du côté des écoles spé-cialisées, on perçoit une certaineinquiétude, explique RosannaDELUSSU 2, à l'idée que leur transfor-mation en centres de ressources pourles écoles ordinaires pourrait se sol-der par des pertes d'emploi, et que lesélèves à besoins spécifiques risque-raient d'être moins bien encadrés. Ilfaut parfois très longtemps pour éta-blir une relation de confiance avecces enfants. Que va-t-il leur arriver,quand ils seront "noyés" au milieu desautres? Comment réellement indivi-dualiser les démarches d'apprentis-sage? Il faut donc rassurer les équi-pes et les directions. Les expériencesmises en place dans le réseau desvilles et communes prouvent qu'il estpossible de développer cette complé-mentarité entre enseignement ordi-

naire et spécialisé, grâce à l'expertisedu personnel de celui-ci.Jean-François DELSARTE 3 s'alar-me, quant à lui, de l'explosion dunombre d'inscriptions dans le spécia-lisé qui, rappelle-t-il, a été voulu, audépart, par les parents des enfantsqu'il n'était pas possible de scolariserdans l'ordinaire. Mais depuis unedizaine d'année, on les voit davan-tage revendiquer la prise en chargede ces enfants dans l'ordinaire. C'estsous leur pression que l'intégrationfait peu à peu son chemin. La ques-tion, aujourd'hui, n'est plus d'êtrepour ou contre l'intégration, maisbien de voir comment l'organiser demanière positive, en envisageant lespécialisé comme un partenaire pri-vilégié de l'ordinaire, à qui il peutapporter son expertise.Et c'est bien comme cela égalementque Jean-Pierre COENEN 4 entendles choses: "Quand on intègre unenfant, on intègre une difficulté parti-culière d'apprentissage, nécessitantl'aide de personnes qui connaissentbien la problématique en question",observe-t-il. Il a également insisté sur

l'aspect inhumain des transports sco-laires dans lesquels les enfants handi-capés passent quotidiennement delongues heures, et répété l'importancede travailler à la construction d'uneécole apprenant aux enfants à vivreensemble et visant la réussite de tous.

OBLIGATION OUENCOURAGEMENT?Quant à Marco DI DUCA 5, celui-cisouligne que les freins face à l'inté-gration se manifestent tant du côtéde l'ordinaire que du spécialisé.Comment les enseignants, qui ontgénéralement l'habitude de travaillerseuls, vont-ils vivre l'arrivée de "spé-cialistes" dans leur classe? Et surquelle expertise précise pourront-ilscompter, alors qu'il n'existe pas defilière de formation conduisant spéci-fiquement au spécialisé? "Des pontssont à construire, et il faut renforcerles piliers des deux côtés", estime-t-il.Et pour ne pas en rester au stadedes bonnes intentions, il se deman-de même s'il ne faudrait pas envisa-ger une intégration à caractère obli-gatoire, en exigeant, par exemple,que dans une zone géographiquedonnée, une école au moins offredes possibilités d'intégration desenfants différents. Rejoint sur ce der-nier point par plusieurs parents pré-sents, il ne soulève, par contre, pasl'enthousiasme des autres partici-pants de la table ronde qui préfèrent,eux, parler de lever des freins, defaciliter les choses et d'encouragerétablissements et enseignants parun soutien efficace. Pour ce qui estdu fait de travailler ensemble, cen'est pas nouveau puisque le décret"Missions" y fait largement allusion,et cela ne devrait donc plus effrayerpersonne, souligne, quant à lui, J.-F.DELSARTE, qui rappelle aussi l'utili-té d'associer les Centres PMS à l'en-semble de la démarche.

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. Présidente de la Commission de l'éducationdu Parlement de la Communauté française2. Conseillère au Conseil de l'Enseignementdes Communes et Provinces pour l'enseigne-ment spécialisé3. Secrétaire général adjoint de la Fédérationde l'enseignement fondamental catholique4. Président de la Ligue des Droits de l'Enfant5. Chercheur, psychologue, président duCentre d'Étude et de Formation pour l'Éduca-tion Spécialisée de l'ULB

zoom

"Cela fait 40 ans que l'enseignement spécial existe, explique Bernadette STE-VENS, directrice de La Petite Source à Bossut-Gottechain. Il est normal qu'ilévolue et que de nouvelles pistes soient explorées. Nous sommes actuelle-ment engagés dans des projets d'intégration et d'inclusion. L'intégrationconcerne des enfants individuellement qui, après une ou plusieurs annéesdans le spécial, rejoignent une classe de l'ordinaire, avec une aide de l'écolespécialisée à raison de plusieurs heures par jour. L'inclusion consiste à cons-tituer un groupe d'enfants ayant d'importantes difficultés d'apprentissage quijustifieraient leur prise en charge dans l'enseignement spécialisé (type 8). Ilssont inscrits dans le spécial, mais suivent leur scolarité dans l'ordinaire dès la1re année primaire, encadrés à la fois par le titulaire de la classe et par un ensei-gnant du spécial à temps plein en co-titulariat. Cette formule, que nous avonsadoptée depuis 2 ans, demande un investissement important, en temps et enénergie, tant de la part de l'école spécialisée que de celle de l'ordinaire, desCentres PMS concernés et des parents. C'est une autre façon d'envisager letravail. C'est très stimulant et valorisant et c'est, à mon sens, un moyen effica-ce de prévention contre le décrochage scolaire. Ça ne veut pas dire que le type8 doive disparaitre, car des difficultés d'apprentissage peuvent être vraimenttrop importantes. C'est une possibilité parmi d'autres. C'est l'intérêt de l'enfantqui doit rester la préoccupation principale pour le choix de la piste à suivre".

pistes multiples

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de la salle des profs

E t quand la petite souris gran-dit, elle décide d'en savoirplus et de franchir, enfin, la

porte de ce lieu mystérieux. Sesstages lors de son régendat lui enfournissent l'occasion, et elle entre-prend d'étudier soigneusement,pour son Travail de Fin d'Études, lescontours de cette fameuse pièce,histoire de vérifier si elle "facilite larelation entre les membres d'uneéquipe éducative" et si elle est bien"le lieu à privilégier pour assurer l'in-tégration des nouveaux ensei-gnants". Tout un programme!

LABORATOIREPremières observations et premièresdéceptions: loin de cet antre bouillon-nant de discussions multiples sur lapédagogie et les élèves, elle constateque c'est surtout "un lieu réservé auxadultes qui désirent trouver un peud'intimité ou de calme". Poussantplus loin l'examen, elle observe, parexemple, les efforts faits pour tenterde rapprocher les uns et les autres,mais qui ne parviennent pas à com-bler "un profond fossé entre certainsprofesseurs, comme ceux de l'ensei-gnement technique avec ceux de

l'enseignement général". Ici, la salledes profs est une grande pièce froideoù se perdent quelques tables nedonnant guère envie de s'installer.Là, c'est une salle polyvalente oùenseignants et élèves vont et vien-nent, ce qui "donne une autre appro-che de la relation prof-élève". Ailleurs,c'est un endroit où "on a vraimentl'impression de pouvoir évacuer toutle stress", où "on se sent un peucoupé du monde" et où, grâce à "uneambiance de travail et d'échange", onconstate "énormément d'entraideentre les professeurs".

UN PETIT CAFÉ?Soucieuse de dépasser le stade dusimple constat, notre étudiante distin-gue quatre représentations de sallesdes profs où, remarque-t-elle, lamachine à café a généralement unrôle central puisqu'il apparait que "laplupart des professeurs ont besoin deleur dose de caféine pour pouvoirentamer, continuer et terminer leurjournée de cours". On trouve donc: lasalle polyvalente (préparation desleçons, corrections, recherche dedocumentation, demande d'aideauprès d'un confrère, détente), lasalle de travail (silencieuse, chacunrespectant le travail de l'autre), lasalle d'échanges et de convivialité (ily fait bon vivre) et la salle virtuelle(espace de communication et d'é-change sur Internet). Véritable micro-société, elle remplit de multiples fonc-tions censées faciliter la relation entreles membres d'une équipe éducative.Mais, précisément, ceux-ci pensent-ils que ce lieu favorise l'intégrationdes jeunes enseignants? C'est laquestion que leur a posée notre étu-diante. Pour la plupart d'entre eux, ilsemblerait que oui, à condition toute-fois que les nouveaux fassent le pre-mier pas et s'efforcent de nouer desrelations de qualité, car ils sont sou-vent livrés à eux-mêmes, un systèmede parrainage n'étant pas d'applica-tion partout, loin s'en faut. Quant àsavoir si une intégration réussie dansla salle des profs a une influence surla qualité de l'enseignement, le travailreste à faire. Intéressé(e)?

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. Aurore COMBLET, "La salle des profes-seurs: un lieu à privilégier pour assurer l'in-tégration des nouveaux enseignants au seinde l'établissement scolaire?", Haute Écolede Namur, 2007-2008.

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Je voudraisêtre une petite

souris…

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"En tant qu'élève, nous ne connaissions cet endroitque de l'extérieur, avec une porte toujours fermée et qui ne s'ouvre que lorsqu'on désire rencontrer unprofesseur pour lui remettre un travail. On savaitaussi que les conseils de classe, la préparation et parfois les corrections des interrogations s'ytrouvaient, ainsi que toutes les informations à notre sujet et, curieux comme nous l'étions, nous voulions connaitre ces informations. On se disaittoujours que l'on aimerait être une petite souris afin de découvrir ce lieu interdit aux élèves"1.

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L eurs querelles et dissensionsinternes ont souvent perturbéles conduites et les institu-

tions humaines; elles les ont mêmeensanglantées en des temps quenous pensons révolus, où leurfureur ne connaissait aucun frein. Àvrai dire, leur antagonisme demeureen éveil sous la cendre: quand souf-fle le vent d'un fanatisme irraisonnéou d'un dirigisme déraisonnable, lefeu reprend vigueur.

DROIT D'INITIATIVE

À l'heure actuelle, sous des formesapparemment bénignes mais néan-moins préoccupantes, l'École vitavec irritation ce rapport (pas tou-jours harmonieux, mais pas néces-sairement conflictuel) entre la loi quidécide d'en haut et la foi qui cons-truit d'en bas.Même si, par l'expérience et par laraison, nous pouvons vérifier com-bien elles ont besoin l'une de l'autrepour permettre la réalisation d'unenseignement de qualité au servicede tous (qui passe par la juste placefaite dans les établissements à cha-cun de leurs acteurs), nous sentonsque s'installe progressivement chezun grand nombre d'entre eux le sen-timent d'être dépossédés du droit d'initiative et du pouvoir d'inventionsans lesquels, en pédagogie commeailleurs, il n'est pas d'enthousiasme

professionnel possible.C'est l'excès de verticalité dans lesrelations humaines - à tous lesétages de la construction scolaire -qui est ici en cause: ce mode decommunication nie la participationdes forces vives, tue la culture duprojet partagé et condamne l'Écoleà n'être qu'une inefficace caricatured'elle-même.À rebours, nous constatons que faireconfiance aux ressources locales,promouvoir le travail en équipe,favoriser la participation de tous auprojet éducatif du lieu, mieux articu-ler l'enseignement aux réalités etaux besoins d'ici et de maintenant,génère le plus souvent d'heureuxrésultats… à condition que l'établis-sement développe son action propredans le respect des missions de l'école obligatoire et de l'organisationde l'enseignement définies par la loi.En effet, s'il faut préférer l'exerciced'une pédagogie par adhésion à sonexercice par injonction, encore faut-il prendre conscience que les éta-blissements partagent globalementla responsabilité d'instruire et d'édu-quer tous les élèves de leur territoi-re scolaire: nonobstant l'histoire par-ticulière qui est la leur, ils ont à met-tre leur savoir-faire au service deceux qui s'adressent à eux.

SERVICE À LA TRIBU

C'est l'excès de communautarisme quiguette ici l'institution scolaire: le caséchéant, s'y manifestent volontiersl'esprit de classe et de clan, le senti-ment de supériorité, l'anesthésie de lasensibilité sociale, la difficile accepta-tion de la solidarité active et la tenta-tion de se placer au-dessus des lois.On voit bien qu'il y a là un enjeu cru-cial pour l'efficacité et pour l'avenirmême de notre enseignement de ser-vice public. Trop d'ingérence législati-ve lui nuit et finit par ruiner le crédit dulégislateur, architecte rhabillé en pèreJoseph, raillé au lieu d'être respecté;trop d'indépendance lui nuit même-ment et finit par rendre détestablesd'aimables vertus, dévoyées de leursfins premières en passant du serviceà la nation au service à la tribu.Il reste plus que jamais utile de propo-ser à la réflexion cum grano salis detous ceux que concerne l'École - toutspécialement ceux qui soutiennentsans réserve l'interventionnisme despouvoirs publics et ceux qui louentsans nuances les mérites du libéralis-me - la pensée paradoxale qui affirmeque c'est "la loi qui libère" et "la libertéqui asservit"… l'une et l'autre sedevant, selon nous, de respecter lesdroits de chacun et de poursuivre l'épanouissement de tous.

WILLEM MILLER

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point de vue

entrées libres < N°33 < novembre 2008

Ni loi sans foi, ni foi sans loi

Foi et loi forment un très vieux couple. Et pourtant, elles n'ont jamais fait facilement bon ménage...

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service compris

PASTORALE SCOLAIRE: DEUXIÈMECinq affiches adressées aux commu-nautés éducatives et destinées àjalonner cinq moments importants del'année scolaire ont vu le jour récem-ment, à l'initiative de la CommissionInterdiocésaine de Pastorale Sco-laire, en collaboration avec la CelluleCommunication du SeGEC.La première accompagnait la ren-trée. La deuxième, qui vient d'arriverdans les écoles, a pour slogan"L'élève s'élève" et s'appuie surl'importance de responsabiliser et defaire confiance.Dans le contexte "post-conseil declasse", il peut être positif de s'inter-roger sur la relation avec l'élève: ellepeut l'encourager ou… le découra-ger. Quel regard portons-nous surl'élève (excellent ou en difficulté)?Comment lui dire, en nos gestes etparoles, "Lève-toi et va"?

Des pistes d'animation sont disponibles sur le site www.segec.be/pastorale, ainsi qu'auprès des équipes diocésaines de pastorale.Informations complémentaires: [email protected]

COMPRENDRE LA PUBLICITÉ - ÉDUCATION CRITIQUELe Conseil de l'Éducation aux Médias (CEM) propose unnouvel outil (brochure, CD, fiches techniques et pédago-giques) destiné aux enseignants du primaire et du secon-daire. Il a pour objectif d'amener les élèves à adopter unregard distancié, critique et responsable vis-à-vis desnombreuses publicités dont ils sont la cible quotidienne.

Les contenus sont accessibles sur le site du CEM:www.cem.cfwb.be

entrées libres < N°33 < novembre 2008

ENFANT-ROI? ÉCOLE ET PARENTS PARTENAIRES!Comment se parler pour trouver de nouveaux équilibres et assurer ensem-ble l'éducation des enfants, à partir de responsabilités et de points de vuedifférents, dans une perspective de soutien à la parentalité? Les actes de lajournée-débat de Louvain-la-Neuve (31 mai 2007) viennent de paraitre. Ilssont disponibles au prix de 5€, à verser sur le compte n°191-0513171-07 duSeGEC (avec la mention "enfant-roi" + le nombre d'exemplaires souhaités).Les commandes sont à adresser à:Joëlle DEWANDRE, av. Mounier 100 - 1200 BruxellesFax 02/256.71.29 - [email protected]

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entrées livres

espace nord

D errière la colline, initialement édité en 2000, reparait aujour-d'hui chez Luc Pire, dans la collection Espace Nord. Xavier

HANOTTE (photo), son auteur, est né en 1960 dans le Hainaut.Après des études de lettres anglaises et néerlandaises, il traduitdes auteurs flamands et anglais, dont Wilfred OWEN, considérépar certains comme le plus grand poète anglais de la 1re GuerreMondiale, dont il a montré de manière extrêmement réaliste la bru-talité et l'horreur. La découverte de cet auteur va renforcer l'intérêtque X. HANOTTE porte à cette période et sa volonté de luttercontre l'oubli. Ayant fait ses premières armes en traduisant les tex-tes d'autres auteurs, il franchit le pas en s'essayant lui-même auroman en 1995. Depuis, il a à son actif plusieurs romans, despoèmes et une pièce de théâtre écrite avec Benoît MISSON, dansle cadre d'un travail de mémoire collective.Derrière la colline s'inscrit dans un courant littéraire qui fait la partbelle à la fois au réalisme et au fantastique. Dans la lecture qu'ilen fait à la fin du livre, Joseph DUHAMEL en parle en ces termes: "Le réalisme magique postule la présence au seinmême du réel d'un mystère, d'un surréel indissociable de la réalité, perceptible dans des circonstances et selon desmodalités particulières".

EXTRAIT"Leur sagesse m'était étrangère. Mais en m'asseyant auprès d'eux comme si c'était là chose naturelle, enacceptant de mettre en veilleuse tout ce qui excédait la perception immédiate de mes sens, il me semblaitpousser la première porte d'un univers secret, bizarrement rassurant, où la parole superflue s'effacerait, s'émietterait mot après mot devant l'imminence d'une révélation.Laquelle? Pour le savoir, il ne fallait surtout pas chercher à provoquer son irruption. Pareille aux rêves, cetterévélation viendrait d'elle-même ou, au contraire, demeurerait à jamais enfouie dans l'ombre des voûtes quinous tenaient à la fois lieu de ciel et de caverne. L'attendre sans l'espérer ni même croire en elle, l'attendresans exigence ni curiosité… Il n'y avait rien d'autre à faire".

Xavier HANOTTEDerrière la collineÉditions Luc PireEspace Nord, 2008

un libraire, un livre

S' il fallait faire tenir en deux mots l'intrigue de ce livre, on pour-rait dire: c'est l'histoire d'un bandit sarde. Il n'y aurait plus alors

qu'à dérouler un fil attendu: des clans, des vengeances, le maquis,l'âpreté et la beauté de l'ile. Autant d'ingrédients que l'on trouveeffectivement dans ce nouveau roman de Marcello FOIS, mais quientrent pour bien peu dans l'exceptionnelle somptuosité du livre.Mémoire du vide résonne comme une tragédie antique, un texted'un seul souffle où tout est dit de la condition humaine: l'amour etla douleur, la fidélité aux valeurs transmises et la liberté de les réin-venter, le devoir d'insoumission aux ordres du destin et aux loisinjustes. C'est aussi une réflexion profonde et originale sur lesfrontières entre histoire et fiction, local et universel, intime et col-lectif. Et puis, il y a cette puissance d'évocation d'une nature su-blime et souveraine, qui place l'auteur dans le sillage de GIONO etde FAULKNER.Un chef-d'oeuvre, assurément!

Régis DELCOURTLibrairie Point VirguleRue Lelièvre 1 - 5000 NamurTél./fax: 081/[email protected]

CONCOURSGagnez un exemplaire d'un des deux livres ci-dessus en envoyant, avant le 22 décem-bre, un courriel à [email protected] avec vos coordonnées postales etcomme objet du message: "colline" ou "vide".Une seule participation par adresse électronique.Les gagnants du mois de septembre sont:Florence BOMAL, d'OrmeigniesBrigitte IWEINS, de BeaumontMichel PERIN, de SpyMichel SANEM, d'EngisVéronique FERNANDEZ, d'Orp-le-Petit

LA REVUE NOUVELLE

N°9 - septembre 2008DossierRefonder le secondaire:pour un débatIntroduction: D. CARLIER etL. VAN CAMPENHOUDTLe blues de l'école secondaire: Fr. TILMANLes objectifs pédagogiquesd'un nouvel enseignementsecondaire:B. DUFOUR, D. GROO-TAERS et Fr. TILMAN

Marcello FOISMémoire du videSeuil, Paris, 2008Traduit de l'italienpar Jean-PaulMANGANARO

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C hacun a sa part de respon-sabilité. Il est doncindispensable de prendre

conscience de cette situation et deses conséquences, et d'imaginer etmettre en œuvre des solutions.C'est donc dans l'optique de sensi-biliser au développement durableque Tempora a conçu et réalisé l'ex-position "C'est notre Terre!", qui aouvert ses portes le 18 octobre der-nier. Celle-ci nous propose dedécouvrir notre planète telle quenous ne l'avons jamais vue.Le thème est abordé de manièreludique et instructive, dans unesplendide scénographie. Le par-cours est émaillé d'œuvres d'art,d'activités interactives, d'objetsinédits, de décors impressionnantset il nous amène à découvrir ce quela terre pourrait redevenir sil'Homme disparaissait… Nous par-courons ainsi l'histoire de notre pla-nète, tout en étant témoins de lamanière dont nous puisons dansles ressources naturelles, les épui-sant petit à petit.

COMPRENDRE

"C'est notre Terre!" s'articule autourde quatre moments. La visite com-mence avec "le temps de la Terre",qui est sans commune mesure avecle temps de l'Homme. La Terre faitfigure d'exception fragile, elle reste laseule planète connue où s'est déve-loppée la vie. Au sein d'une biblio-thèque contenant 4.568 livres, l'expo-sition nous propose de parcourir l'his-toire de la Terre, déjà longue de 4,57milliards d'années… Ensuite vient "letemps des Hommes", ceux-ci sontapparus il y a à peine quelques dizai-nes de milliers d'années! Dans unpremier temps, le développement del'être humain s'est inscrit en phaseavec l'évolution lente de la planète…Mais depuis peu, un demi-siècle envi-ron, tout a changé, la consommationdes ressources de la Terre s'est brus-quement emballée. Nous découvronsici l'illustration de cette accélération,via différentes thématiques (eau,transports, alimentation, énergie…).L'exposition s'attarde ensuite sur "letemps des écosystèmes". Même si

nous ne nous en rendons pas comp-te tout de suite, l'activité humaine ades conséquences de plus en pluslourdes sur ceux-ci. Ils sont com-plexes et en constante évolution. Levisiteur pourra mesurer les consé-quences de notre "empreinte" sur laTerre via les forêts, les sols, lesocéans, la banquise, quatre écosys-tèmes particulièrement révélateurs.

AGIR. VITE!Et enfin, voilà venu "le temps dessolutions", du changement. D'iciquelques décennies, nous devronsparvenir à maitriser les empreintesque nous laissons sur la planète. Unlabyrinthe figurant la vie quotidiennede chacun nous présente les diffé-rentes solutions possibles, en termesde transport, nourriture, consomma-tion, logement, technologie…"C'est notre Terre!" en appelleainsi à notre conscience et fait lepari d'un monde meilleur, que cha-cun aura contribué à construire.

BRIGITTE GERARD

entrées libres < N°33 < novembre 2008

à voir!

Terre!Une exposition à voir et à vivreLe développement durable est devenuaujourd'hui un véritable enjeu. Depuis quelques décennies, l'utilisationpar l'Homme des ressources de la terre s'est vivement accélérée. Certaines d'entre elles sont épuisables,et certains écosystèmes portent lourde-ment l'empreinte de l'être humain.

POUR DÉCOUVRIR LE DOSSIER PÉDAGOGIQUE ETLES DATES DES JOURNÉES SPÉCIALES "ENSEIGNANTS",VISITEZ LE SITE WWW.EXPO-TERRA.BE

C'est notre

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J e ne sais pas si vous m'êtes res-semblants, mais j'avoue uneperplexité à la profondeur abys-

sale. Tel un plongeon de la Bourse. Etpour quel motif, me direz-vous? Voyezles tentatives réitérées d'amputationde l'alphabet auxquelles nous assis-tons dernièrement.

À VAU-L'EAU!Il y eut d'abord un parti qui passa aubleu - enfin, manière de parler! - uneétiquette mature de 57 ans au profitd'une nouvelle enseigne aux teintesd'Orangina. Sans tambour ni trompet-te, il y eut ensuite un mouvement dejeunesse qui, à la faveur d'un grandfeu virtuel, y jeta les filins d'une partiede son identité. Et enfin, tout nouvelle-ment, voilà que le débat s'installe surl'agora internétique d'une université. Àgrand renfort d'adversaires et de parti-sans de la suppression d'une lettre ter-rée au pivot d'un sigle qui, jusque là,paraissait inoxydable. Mais que peutbien leur avoir fait un malheureux demirond aux allures de petit vieux dontl'arthrose ferait arquer la tête et plierles genoux? Aux dires des pétitionnai-res, il semblerait qu'il ne représenteplus rien aujourd'hui et limite le nom-bre des possibles adhérents-abonnés-adeptes-fidèles-sympathisants (barrezles mentions inutiles).Permettez-moi une suggestion. Plutôtque de jeter à la poubelle une lettresubitement devenue honteuse, pour-quoi ses pourfendeurs ne tentent-ilspas une opération de réutilisation?Gratos, bien sûr! La disette est telle-ment répandue parmi les indigents desens qu'une petite piqure de rappel neleur ferait pas de tort! Pensez aux ban-quiers fourvoyés, aux despotes detous bords, aux médias déboussolés…Il y a de quoi faire!

AU SUIVANT?La pente entamée, les esprits subtils sedemandent à présent quelle sera lasubséquente institution de la grandefamille qui en viendra à se questionnersur l'avenir de son appellation. BonDieu - si j'ose l'invoquer dans pareildébat! -, mais bien sûr, la suite estpiquée de fil opalin! Vous ne voyezpas? En cinq lettres: "établissementd'enseignement". Bon, vous y êtes?Maintenant, déshabillez la noble institu-tion de sa lettre prétendument ringarde.Que reste-t-il? Du vent! Très bien, direz-vous: de quoi avons-nous besoinaujourd'hui? De souffle! Veto, votrehonneur, n'amalgamons pas vent etsouffle! Pareille erreur reviendrait à ren-dre synonymes tirage au sort et équité.Les optimistes rétorqueront que nousn'avons pas besoin d'appâter élèves ouparents. Même en exposant des nomsà faire dresser la pilosité sur la tête d'unpape de la pub dégarni - pensez unpeu: Notre-Dame de la Tombe, laVierge Fidèle, j'en passe et desmeilleurs… -, nous arrivons à remplirnos auditoires et autres instituts, et

même à organiser de grandes loteriesà forte densité de postulants.

SUR LES PAS DE GEORGES P.Dans le fond, l'évolution était prévisi-ble. Molière lui-même ne nous avait-ilpas déjà invités à dissimuler le saintqu'on ne saurait voir? Bien sûr, reste laquestion: à radier le fondement, nerisque-t-on pas de manquer d'assise,ainsi que disait l'homme qui parlait auxoiseaux? Faut-il vraiment se presseren pareille orientation? Et en plus, nevoilà-t-il pas qu'au plus fort du débat,Sœur Emmanuelle juge bon de rangerses baskets! Et que voit-on? Élogesunanimes, les plus athées nous la kid-nappant presque pour en faire leurporte-drapeau! Je ne sais plus quepenser… D'autant que je m'avise sou-dain que je me suis laissé gagner parle syndrome au point de m'interdiresupra et infra l'usage de la lettre fati-dique. Et par suite, je vous le deman-de: dans l'affaire, que faut-il faire pourparaitre… sensé?

EUGÉNIE DEL OMINETTE

La lettre disparue

LE CLOU DE L’ACTUALITÉ INSCRIPTIONS (P.4)

entrées libres < N°33 < novembre 2008

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