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entrées ibres Écrire et lire l'Enseignement catholique / N° 29 / mai 2008 entrées libres n°29 - mai 2008 Mensuel - ne parait pas en juillet-aout Bureau de dépôt: 1099 Bruxelles X N° d’agréation: P302221 Photo: Saint-Gabriel - Braine-le-Comte Décors décortiqués RENCONTRE Sébastien de FOOZ DOSSIER Les éducateurs éduquent!

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entréesibresÉcrire et lire l'Enseignement catholique / N° 29 / mai 2008

entrées libres n°29 - mai 2008 Mensuel - ne parait pas en juillet-aout Bureau de dépôt: 1099 Bruxelles X N° d’agréation: P302221 P

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Les éducateurséduquent!

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édito3 Négociation tant que possible,

mobilisation dès que nécessaire!

des soucis et des hommes4 L’enseignement spécialisé en chiffres5 Université d’été 2008

entrez, c’est ouvert!6 Décors décortiqués7 Personne à part entière

Quand soudure rime avec futur

l’exposé du moi(s)8 Sébastien de FOOZ

Talitakum: “Lève-toi et marche!”

rétroviseur10 Comment parler une langue

interdisciplinaire commune?

dossierLes éducateurs éduquent!

écoles du monde11 La tolérance dans nos différences

mais encore...12 Plus d’autonomie pour les dyslexiques13 Quelle régulation pour l’école à domicile?

La revue des revues

et vous, que feriez-vous?14 Quand les écoles se mobilisent

contre les expulsions

avis de recherche16 Et si on arrêtait de tirer sur

le pianiste...

18 Merci, Jacques VANDENSCHRICK!

19 Un libraire, un livre

hume(o)ur20 Beethoven et le chicon Le CLOU de l’actualité

entrées libres < N°29 < mai 20082

sommaire

entrées libresDécembre 2007 N° 24 3e annéePériodique mensuel (sauf juillet et aout)ISSN 1782-4346

entrées libres est la revue del'Enseignement catholique enCommunautés francophone et germanophone de [email protected]

Rédacteur en chef et éditeur responsableFrançois TEFNIN (02/256.70.30)avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles

Secrétaire Nadine VAN DAMME (02/256.70.77)

Création graphique Anne HOOGSTOEL

Membres du comité de rédaction Anne COLLETJean-Pierre DEGIVESBrigitte GERARD Thierry HULHOVENAnne LEBLANCMarie-Noëlle LOVENFOSSEMarthe MAHIEUBruno MATHELARTPaule PINPURNIAUXGuy SELDERSLAGHJacques VANDENSCHRICK

Publicité Marie-Noëlle LOVENFOSSE (02/256.70.31)

Abonnements Laurence GRANFATTI (02/256.70.72)

Impression IPM PRINTING Ganshoren

Tarifs abonnements1 an: Belgique: 16€ Europe: 26€

Hors-Europe: 30€2 ans: Belgique: 30€ Europe: 50€

Hors-Europe: 58€À verser au compte n°191-0513171-07du SeGECavenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxellesavec la mention “entrées libres”.

Les articles paraissent sous la respon-sabilité de leurs auteurs.Les titres, intertitres et chapeaux sontde la rédaction.Textes conformes aux recommandationsorthographiques de 1990.

entrées libres est imprimé surpapier PEFC par l'imprimerieIPM PRINTING - certificationSGS - PEFC - COC - 0127

entrées libresMai 2008 N° 29 3e annéePériodique mensuel (sauf juillet et aout)ISSN 1782-4346

entrées libres est la revue del'Enseignement catholique enCommunautés francophone et germanophone de [email protected]

Rédacteur en chef et éditeur responsableFrançois TEFNIN (02/256.70.30)avenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxelles

Secrétaire Nadine VAN DAMME (02/256.70.77)

Création graphique Anne HOOGSTOEL

Membres du comité de rédaction Anne COLLETJean-Pierre DEGIVESBenoît DE WAELEBrigitte GERARD Thierry HULHOVENAnne LEBLANCMarie-Noëlle LOVENFOSSEMarthe MAHIEUBruno MATHELARTPaule PINPURNIAUXGuy SELDERSLAGHJacques VANDENSCHRICK

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Abonnements Laurence GRANFATTI (02/256.70.72)

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Tarifs abonnements1 an: Belgique: 16€ Europe: 26€

Hors-Europe: 30€2 ans: Belgique: 30€ Europe: 50€

Hors-Europe: 58€À verser au compte n°191-0513171-07du SeGECavenue E. Mounier 100 - 1200 Bruxellesavec la mention “entrées libres”.

Les articles paraissent sous la respon-sabilité de leurs auteurs.Les titres, intertitres et chapeaux sontde la rédaction.Textes conformes aux recommandationsorthographiques de 1990.

entrées libres est imprimé surpapier PEFC par l'imprimerieIPM PRINTING - certificationSGS - PEFC - COC - 0127

8S. de FOOZ

dossier

3édito

consignes

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F in 2006, le gouvernement de la Communauté française a conclu, demanière bilatérale, un accord sectoriel avec les organisations syndica-les. Dès qu'il a eu connaissance de cet accord, le SeGEC et les autres

employeurs de l'enseignement subventionné n'ont eu de cesse de le dénoncer,le jugeant invalide sur le plan juridique. 80% des mesures qu'il regroupeconcernent, en effet, l'organisation de l'enseignement qui est d'abord, commechacun le sait, de la responsabilité des Pouvoirs organisateurs.Aujourd'hui, le gouvernement s'apprête à mettre en œuvre, par voie de décret,certaines mesures de cet accord, dont les plus sensibles sont certainement dedéterminer de manière discrétionnaire la taille des classes et de restreindre à 3%l'utilisation des heures de coordination. Cette limitation modifierait de manièreimportante l'organisation de nombreuses écoles et impliquerait la suppressionde multiples activités organisées au bénéfice des élèves et de leurs conditionsd'apprentissage. Le SeGEC et la FéADI 1 viennent de procéder à une enquêteauprès des directeurs de l'enseignement secondaire pour savoir comment ils uti-lisent ce NTPP "hors-cours" et avoir une idée la plus précise possible des servi-ces qui risquent de disparaitre si l'accord sectoriel était appliqué tel quel.Au terme de cette enquête, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'utilisationde ces heures se différencie fortement d'un établissement à l'autre, en raisondes réalités rencontrées localement. Ainsi, plus de la moitié des établissementsdu réseau dépassent actuellement ces 3% du NTPP. Si la limitation à 3%devient effective, les activités les plus menacées sont les études dirigées, lescentres de documentation ou bibliothèques, les projets pédagogiques nova-teurs, les cellules d'écoute et de médiation, les coordinations pédagogiques parniveau et par branche…On le voit, une série de services - et non des moindres - seraient appelés àdisparaitre, alors qu'on peut difficilement mettre en doute leur utilité pour lesélèves, et notamment pour les plus défavorisés d'entre eux. Mais, rappelons-le,outre cet aspect éminemment "pratique" de l'organisation scolaire, notre refusd'une limitation à 3% des heures de coordination est aussi de principe, puis-qu'elle viendrait gravement entraver la liberté d'enseignement. Pour la suite duprocessus, notre philosophie est de privilégier la négociation tant qu'elle estpossible mais d'envisager aussi, dès à présent, les autres moyens d'action quenous mobiliserons dès que nécessaire.

ÉTIENNE MICHEL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU SEGEC7 MAI 2008

1. Fédération des associations des directeurs de l'enseignement secondaire catholique

Négociationtant que possible,mobilisationdès que nécessaire!

édito

C e 1er juin prochain, Jacques VANDENSCHRICK quitte ses fonctions de directeur du Service rechercheet développement pédagogique (SeRDeP) du SeGEC pour une retraite bien méritée.

Avec le Comité des secrétaires généraux du SeGEC, je m'associe à l'hommage dont il est l'objet dans cenuméro. Je le remercie chaleureusement pour les nombreux services rendus avec compétence et engage-ment à l'enseignement catholique, dans les différentes fonctions qu'il a exercées.C'est Guy SELDERSLAGH, actuellement responsable de la cellule Pouvoirs organisateurs, qui lui succèdera.

ÉTIENNE MICHEL

entrées libres < N°29 < mai 2008 3

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des soucis et des hommes

E n 2007, l'enseignement ca-tholique enregistrait 13.138élèves (376 en maternel,

5.751 en primaire et 7.011 dans lesecondaire), ce qui représente42,75% de la population totale duspécialisé en Communauté françai-se. Quant à la population totale del'enseignement spécialisé du réseaulibre (SeGEC + FELSI), elle s'élèveà 14.840 élèves, ce qui représente48,29% de la population du spéciali-sé en Communauté française.Le tableau 1 ci-dessus présente larépartition des effectifs au sein del'enseignement spécialisé dans leréseau libre (confessionnel et nonconfessionnel).

ENSEIGNEMENTFONDAMENTAL SPÉCIALISÉ

Le 1er graphique ci-contre présentel'évolution des populations scolairesdans l'enseignement fondamentalspécialisé, de 1982 à 2007, dans

les trois réseaux d'enseignement(réseau de la Communauté françai-se (CF), officiel subventionné et libresubventionné).Les effectifs scolarisés dans le fon-damental spécialisé connaissent undéclin important en début de pério-de. Ensuite, à partir de 1987, ilsévoluent tendanciellement à lahausse dans les trois réseaux d'en-seignement. Sur l'ensemble de lapériode (1982 à 2007), on enregis-tre une progression de 8,57% pourle réseau de la Communauté fran-çaise et de 11,70% pour le libre sub-ventionné, tandis que l'officiel sub-ventionné connait une diminution de2,21% de ses effectifs.En 2007, les parts respectives desdifférents réseaux dans l'enseigne-ment fondamental spécialisé sont lessuivantes: 43,43% pour le libre sub-ventionné, 31,43% pour l'officiel sub-ventionné et 25,15% pour le réseaude la Communauté française.

ENSEIGNEMENTSECONDAIRE SPÉCIALISÉ

Le 2e graphique ci-contre présentel'évolution des populations scolairespar réseau dans l'enseignementsecondaire spécialisé de 1982 à2007.De 1982 à 2000, on observe que lenombre d'élèves inscrits dans l'officielsubventionné reste particulièrementconstant. Dans le même temps, lelibre subventionné et le réseau de laCommunauté française connaissentune lente érosion de leurs effectifs. Àpartir de 2001, le nombre d'élèvesrepart à la hausse dans les troisréseaux d'enseignement.Sur l'ensemble de la période (1982-2007), les effectifs de l'enseigne-ment secondaire spécialisé ont pro-gressé de 5,97%. L'augmentationde population la plus importanteconcerne le réseau officiel subven-tionné (+ 21,65%). Dans le mêmetemps, les effectifs du réseau libreont progressé de 7,38% tandis quele réseau de la Communauté fran-çaise enregistre un recul de 6,69%.En 2007, les parts respectives desdifférents réseaux s'établissent de lamanière suivante, dans le secondai-re spécialisé:53,63% pour le libre subventionné,25,22% pour le réseau de laCommunauté française et 21,16%pour l'officiel subventionné.

ÉTIENNE DESCAMPSOLIVIER FOSSOUL

L'enseignement spécialisé

en chiffresAprès les coups de projecteur sur la fréquentationdes établissements d'enseignement fondamental etsecondaire en Communauté française (publiés dansnos éditions de janvier et mars), voici les donnéesrelatives à la fréquentation des établissements del'enseignement spécialisé catholique.

entrées libres < N°29 < mai 2008

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des soucis et des hommes

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entrées libres < N°29 < mai 2008 5

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6 entrées libres < N°29 < mai 2008

entrez, c’est ouvert!

Il s'en passe des chosesdans et autour des écoles: coup de projecteursur quelques projets,réalisations ou proposi-tions à mettre en œuvre.Poussez la porte!

Q u'y a-t-il de commun entre un troupeau de girafes, le bureau deJules VERNE et une crèche? A priori rien, me direz-vous. Et pour-tant, si! Quelques indices? L'Institut technique Saint-Gabriel de

Braine-le-Comte 1. Deux enseignants: Michelle ABRASSART et Alain DEWA-VRE. Des élèves motivés. Du papier mâché et du bois. Rassemblez le tout,secouez, et vous obtiendrez un projet qui tient la route et qui vient même deremporter le trophée du 2e Forum des Innovations en Éducation 2, dans lacatégorie "école et monde professionnel"."En 2000, l'école nous a demandé de réaliser une crèche, explique MichelleABRASSART, enseignante dans la section Arts appliqués. La menuiserie aconstruit le chalet, et les élèves de 3e et 4e professionnelles Arts appliquésl'ont décoré en créant des personnages grandeur nature et des éléments dedétail en papier mâché". Devant le succès remporté par cette réalisation, etpar le troupeau de girafes créé ensuite par les Arts appliqués pour la jour-née "portes ouvertes", les enseignants des deux sections ont décidé de col-

laborer à nouveau, et bien d'autresprojets ont vu le jour: le bureau deJules VERNE (reconstitué dans lesmoindres détails, et qui a aujourd'huitrouvé place au Parc Paradisio), desmeubles et éléments "interactifs" réali-sés à la demande de l'échevin de laSanté pour apprendre à bien manger,la roulotte des clowns qui décoreaujourd'hui l'école du cirque deChâtelineau, l'école d'autrefois visitéepar Charlie CHAPLIN et le kid, etc.Mais est-il facile de passer d'un travailsolitaire à la participation à un projetcommun, où il faut pouvoir apporter sapierre à l'édifice en temps et heure? "Les élèves travaillaient chacun dansleur coin à la réalisation de petits élé-ments qu'ils rapportaient chez eux,une fois terminés. Ils ont dû appren-dre à s'intégrer à une conception col-lective, à reconnaitre et à respecter letravail de l'autre en terminant, parexemple, un élément commencé parquelqu'un d'autre. Ils ont acquis la«débrouillardise» du geste qui conti-nuera à leur servir plus tard. Je lesencourage aussi, individuellement, àaller plus loin dans le domaine où ilsprésentent des capacités particulières(couleurs, armatures…). Ils sont vrai-ment partie prenante du projet et sesentent valorisés par les appréciationsvenant de l'extérieur. Cette année,nous nous sommes attelés à la déco-ration du hall d'entrée, et la sectionmécanique est venue se joindre ànous. Une fois qu'on a exploré de nou-velles façons de fonctionner et que çamarche, on a envie d'aller plus loin!",conclut gaiement l'enseignante.Comme quoi, l'enthousiasme, c'estcontagieux!

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. www.saint-gabriel.be2. www.schola-ulb.be

DÉCORS DÉCORTIQUÉS

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D ébut avril, le Collège Saint-Guibert de Gembloux 1 aorganisé une semaine "extra-

ordinaire". Partant de l'idée que ce quifait peur et qu'on rejette c'est, biensouvent, ce qu'on ne connait pas,cette initiative visait à sensibiliser lesélèves à la problématique du handi-cap physique et mental au travers derencontres et d'activités multiples."Il y a 9 ans, résume VéroniqueHENRY, la directrice, un papa estvenu me trouver. Son fils, aveugle,désirait poursuivre sa scolarité dansune école ordinaire. Cela impliquaitpas mal d'adaptation de la part desenseignants et des élèves, et j'airéuni l'équipe pédagogique pour voirce qui était envisageable. Les ensei-gnants ont marqué leur accord, etnous avons mis sur pied une colla-boration avec le papa, l'ONA 2 et unsponsor privé qui nous a fourni unordinateur en braille. Cet élève a ter-miné sa 6e technique de gestion à l'école. Plus récemment, nous avonseu une demande pour un élèvesourd implanté cochléaire et lisant

sur les lèvres, une élève malvoyanteet deux enfants Asperger. Et làaussi, la décision commune a été deles accepter".Tout va donc pour le mieux, danscette école particulièrement ouverteà la différence? Si la vie n'y est pastoujours un long fleuve tranquille,directrice et enseignants s'efforcent,en tout cas, de bien préparer l'accueilde ces enfants extraordinaires, entoute connaissance de cause, notam-ment via une information très com-plète dans les classes concernées,de manière à gérer au mieux les diffi-cultés. "Mais nous avons souhaitéaller plus loin, explique V. HENRY, ensensibilisant les élèves du 1er degré àtoutes les formes de handicap. C'esten discutant avec Paul GERARD, del'IRSA 3, qu'est née l'idée de cettesemaine «extra-ordinaire». Pendant5 jours, grâce à la collaboration d'unesérie d'associations, 670 élèves ontpu participer à une multitude d'activi-tés réunissant handicapés et valides,tant du côté des animateurs que desparticipants".Théâtre, peinture, hippothérapie,cirque, parcours en chaise, sports,

témoignages, conférences, forum,débats et autres se sont succédépour le plus grand bonheur des jeu-nes et adultes présents. "Nous avonspartagé des émotions et desmoments très forts, qui ont permisaux uns et aux autres de se rendrecompte de la richesse que représentele fait de côtoyer des personnes diffé-rentes. Des liens se sont créés entreles jeunes. Cela a été une formidableoccasion de prendre conscience quederrière le handicap, il y a une per-sonne à part entière, et pas entière-ment à part!", conclut la directrice.

MNL

1. www.collegedegembloux.be2. Œuvre Nationale des Aveugles3. Institut Royal pour Sourds et Aveugles

PERSONNE À PART ENTIÈRE

QUAND SOUDURE RIME AVEC FUTUR

D es jeunes d'un CEFA qui vont compléter leur formation dans unCentre de compétence, voilà qui n'est pas habituel. "On peutexpliquer cela par la conjonction de plusieurs facteurs, explique

Françoise BIENFAIT, la coordinatrice du CEFA de l'Institut TechniqueSaint-Luc, à Mons. Depuis trois ans, nous organisons une formation de«monteur en chauffage» qui prolonge la formation de «monteur en sani-taire». Les patrons des entreprises de chauffage de la région souhaitaientque les jeunes qu'ils accueillent suivent une formation complémentaire ensoudure. Par ailleurs, j'avais entendu dire que les Centres de compéten-ce étaient parfois sous-employés par l'enseignement de plein exercice".De là est née l'idée de faire appel à l'un d'entre eux, le centre Technofutur-industrie de Stépy-Bracquegnies, pour permettre aux jeunes du CEFA deparfaire leur formation. Ce public étant souvent considéré comme "àrisque", il fallait convaincre qu'en l'occurrence, tout pourrait bien se pas-ser, et que les jeunes se plieraient volontiers à des conditions de travailsemblables à celles du milieu industriel (règles de sécurité, d'hygiène,d'horaires, de comportements, etc.). "Il s'agissait d'élèves du 3e degré,majeurs, et auxquels je savais qu'on pouvait faire confiance, précise F.BIENFAIT. Ils ont d'ailleurs été parfaitement corrects".Cette formation a, en quelque sorte, été organisée sur mesure.D'habitude, les modules durent 15 jours, mais ce n'était pas envisageablepour ces jeunes qui se rendent à l'école le lundi et travaillent en entrepri-se les quatre autres jours. Après avoir envisagé plusieurs solutions, il afinalement été décidé, en accord avec les patrons concernés, de libérer

les jeunes pendant une semaine, à récupérer à raison de cinq lundis d'affilée en entreprise. "Le Centre de compé-tence avait exigé la présence, pendant le stage, d'un accompagnateur du CEFA, mentionne la coordinatrice, et luiaussi a pu découvrir des techniques nouvelles. Quant aux jeunes, ils ont trouvé l'expérience formidable, et ils se sontsentis valorisés par le fait que cette formation ait été organisée pour eux. Ils ont appris énormément et ont vécu demanière particulièrement positive le fait d'être considérés comme des adultes dans un monde d'adultes".

Voilà un bel exemple de synergie réussie! MNL

entrez, c’est ouvert!

7entrées libres < N°29 < mai 2008

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8 entrées libres < N°29 < mai 2008

N é en 1973, Sébastien deFOOZ a voyagé dans unequarantaine de pays, notam-

ment à l'occasion de reportages. En1998, il part à pied à Saint-Jacques-de-Compostelle. En 2000, il renou-vèle l'expérience et se rend à Rome.En 2005, il reprend la route pourJérusalem. Il mettra six mois à y par-venir, après avoir traversé une dou-zaine de pays et croisé la route d'unefoule de personnes qui l'ont nourri ethébergé. Il vient d'écrire un livre 1

retraçant ce long chemin de paix quilui a réservé bien des surprises.

Quel a été votre parcours scolaire?

Sébastien de FOOZ: Sans être unélève difficile, j'avais du mal à resteren place. Mon père est d'origine lié-geoise et ma mère gantoise. Je par-lais français à la maison et néerlan-dais à l'extérieur. J'ai fait toutes mesétudes à Gand, au Collège Sainte-Barbe, puis à l'internat à Melle. J'aiun souvenir très précis de cetteépoque (je devais être en 3e ou 4e). Àl'étude, où si on levait trois fois latête, on avait une punition, j'ai prismon atlas de géographie et je mesuis dit: "Quand je serai grand, jeprendrai ma revanche sur cette liber-té qu'on me vole aujourd'hui". J'aitracé un trait d'Ushuaia à Anchorage,et je me suis promis de traverserl'Amérique à vélo. J'ai eu cette idéeen tête jusqu'après mes étudessupérieures à l'IHECS à Bruxelles.

Des enseignants vous ont-ilsmarqué?SdF: Au collège à Gand, j'ai été trau-matisé par un enseignant qui avaitdécidé de me faire échouer à soncours de latin, parce que j'avais unnom francophone. Mais heureuse-ment, j'ai eu des profs extraordinai-res! Je me souviens tout particulière-ment d'une prof de géographie. C'esten partie grâce à elle que j'ai eu enviede parcourir le monde. La manièredont elle nous parlait des reliefs, de latectonique des plaques qui traverseles frontières, nous a fait comprendreà quel point l'amour de la terre estimportant et que se cantonner à desrégions, des districts, des pays, desfrontières, n'a pas de sens.

Et votre foi, était-elle déjà biendéterminée?SdF: J'avais un peu la foi du char-bonnier. À l'adolescence, j'étais enrecherche, sans vraiment trouver deréponse. Après mes études supérieu-res, je suis arrivé à la conclusion quece n'est pas en restant assis qu'onpeut savoir si Dieu existe ou pas. Etle moment était venu de remplir lapromesse que je m'étais faite de tra-verser l'Amérique. Je voulais m'y pré-parer en allant à Saint-Jacques-de-Compostelle à vélo. Mon prof dephilo, qui a beaucoup compté pourmoi, m'a convaincu d'y aller plutôt àpied. 2.300 km, ce n'était pas rien,mais je suis parti! Et cela a été une

(re)conversion foudroyante. Pour lapremière fois de ma vie, j'ai vécul'instant présent, qui permet de pren-dre pleinement conscience de qui onest réellement.

Pourriez-vous préciser cette notionde "vivre l'instant présent"?SdF: Dans notre société de l'image,nous sommes transbahutés par destas de suggestions. On nous dit: "Situ ne ressembles pas à ça, tu n'exis-tes pas". En partant pour Saint-Jacques, j'avais des difficultés à mesituer dans ma vie. J'étais comme unsatellite de moi-même. Au fur et àmesure de la route, j'ai eu l'impres-sion d'une véritable catharsis. Avec lamarche, tout ce qui ne nous ressem-ble pas, tout ce qui n'est pas vrai, onle quitte. On se réapproprie l'espaceet le temps, mais aussi son corps. Ontraverse la division, le vide, pourrejoindre quelque chose de profondé-ment unificateur. La marche permetde transcender une série de barriè-res, de les fissurer, et de s'en défairefinalement. Si, bien souvent, on seraccroche à des images qui ne sontpas les nôtres, c'est parce que l'inté-riorité nous fait peur. C'est tellementplus dur de "rentrer en vérité", dedevenir soi, plutôt que de se dire: "Jeveux ressembler à un tel ou un tel".

L'enseignement ne devrait-il pasfavoriser ce genre de démarche?SdF: Évidemment! Un enseignant

SÉBASTIEN DE FOOZ

Talitakum:"Lève-toi et marche!"

l’exposé du moi(s)

Partir à pied à Jérusalemavec son bâton de pèlerinet 50€ en poche.S'en remettre au hasarddes rencontres.Tel a été le pari deSébastien de FOOZ.

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qui invite le jeune à entrer dans cetteprofondeur en confiance, avecrespect, qui l'encourage à devenirqui il est et à ne pas s'engager surles sentiers du faux paraitre, peutvraiment devenir un exemple pourlui. Il ne faut, bien sûr, pas tous par-tir à pied à Jérusalem pour y arriver!Encore que… Tout le monde devrait,selon moi, faire le voyage vers saJérusalem intérieure, cette traverséede la nuit, de ses peurs, de sesdémons, de ses fantômes. Qu'est-cequi t'attend là-bas? C'est toi-même.

Votre traversée à vous était"éclairée" par votre foi?SdF: Pour moi, la foi se traduit par larencontre, par tous ces petits signesvisibles ou invisibles qui m'ont indi-qué, au cours de cette traversée,qu'envers et contre tout il fallait gar-der confiance. C'est une invitationextraordinaire à oser mettre un pasdevant l'autre et à aller vers l'inconnusans se laisser bloquer par la crainte.Ce voyage, c'est comme une micro-vie, où j'ai traversé tout l'éventail del'humain, toute la gamme des émo-

tions, allant de la joie la plus extrêmeà la plus grande détresse, du douteà l'éclat. On peut voir les êtreshumains comme des coquilles (sym-bole de Saint-Jacques-de-Compos-telle) qui, jour après jour, reçoivent lagrâce de la vie, comme une eauprécieuse. Ébréchées par les bles-sures, fissurées par les rancœurs,elles peinent à la contenir. On estalors très vite dans une démarchevampirisante: on va se servir chezl'autre pour combler notre proprevide. Mais à partir du moment où onarrive à (se) pardonner, notrecoquille se ressoude peu à peu etnous permet de contenir cette grâce,jusqu'au moment où elle va mêmesurabonder. On ne va plus aller chezl'autre pour combler un vide, maisparce qu'on a besoin de donner.

Vous avez rencontré beaucoupde souffrances au cours de votrepériple. Y avez-vous trouvé unsens?SdF: Toutes ces personnes écor-chées, fracassées par la vie, en mevoyant passer, étaient en quelque

sorte invitées à faire, elles aussi, cevoyage de la tête au cœur. CommeBojan, ce jeune serbe qui, envoyécomme soldat en Bosnie, n'en finitplus de revivre les massacres aux-quels une spirale de haine absurdel'a obligé à participer, et qui medonne son T-shirt pour que je nel'oublie pas une fois arrivé àJérusalem. C'est tellement plus faci-le de créer une frontière virtuelleentre l'autre et nous. Mais quand onparvient à traverser cela, au-delà detoute l'ombre qu'on peut porter dansune vie, il y a cette étincelle de Dieuen chacun de nous. Dans cettedémarche de pèlerinage, quand onfait cette traversée intérieure, oncrée un espace de liberté pouraccueillir l'autre dans sa différencesans devoir le juger, un espace d'oùon enlève les peurs, comme unsculpteur enlève les scories de lapierre pour arriver à l'essence mêmede son art. Là, on est dans quelquechose de foncièrement libérateur.Notre regard sur l'autre conditionneénormément notre vie. Osons leregarder différemment, non pascomme une menace, mais commeune occasion pour soi de grandir.

Après des moments aussi forts,n'est-il pas difficile de reprendrepied dans la vie de tous les jours?SdF: Quand je suis arrivé à Jérusa-lem, je me suis rendu compte que,comme je l'avais entendu dire, leplus long pèlerinage commence auterme de la route. Aujourd'hui, j'éprouve le besoin viscéral de témoi-gner2. J'ai aussi un projet un peu fou:avec Bichara KADER, géopoliticienpalestinien chrétien, professeur àl'UCL, nous essayons de mettre surpied la Route de la Paix, une mar-che-relais vers l'est, qui traverseraitl'Europe, la Turquie et le Proche-Orient. 500 jeunes musulmans, chré-tiens et juifs se retrouveraient àAman pour une rencontre intercultu-relle. Ensuite, ils marcheraient en-semble jusqu'à Jérusalem.

INTERVIEW ET TEXTEMARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. S. de FOOZ, À pied à Jérusalem. 184jours, 184 visages, Racine.2. Outre ses conférences, S. de FOOZ orga-nise des séjours de méditation dans unmonastère byzantin en Syrie combinée à lamarche dans le désert, ainsi que des ateliersde marche nocturne en forêt en Belgique.Renseignements: www.talitakum.be

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l’exposé du moi(s)

De Gand à Jérusalem, enpassant notamment par laTurquie et la Syrie...

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"Q uand un vicomte rencontre un autre vicomte, qu'est-ce qu'ils seracontent? On connait la rengaine. Il n'est pas sûr que sa vérité soitapplicable aux enseignants. En effet, l'état de crise dans lequel le

métier d'enseignant se trouve, s'exprime souvent par la pauvreté ou l'absencede dialogue entre enseignants au niveau strict de l'exercice de leur métier. (…)Tout se passe comme si le désarroi social et culturel des enseignants se tra-duisait obscurément par un dessaisissement du langage commun dont chaquegroupe de travailleurs se doit sans doute de disposer et sans lequel il risque dedevenir un «troupeau qui ne se reconnait plus qu'avec peine»…Qui n'a jamais éprouvé, en conseil de classe, cette impression de ne jamaisparler de la même chose que son collègue, cette impression de n'arriver querarement à décrire avec précision et fermeté ce qu'un élève devrait faire pourprogresser dans son apprentissage et quasi jamais à la confronter de maniè-re circonstanciée aux diagnostics et propositions d'action d'un autre ensei-gnant? Une des tâches les plus urgentes qui attendent les enseignants, unede celles en tout cas qui leur redonneraient, tout autant que les indispensa-bles réalignements barémiques, identité sociale et dignité professionnelle,c'est bien celle d'inventer eux-mêmes, là où ils se trouvent, avec leurs collè-gues de travail, ce que MEIRIEU - à qui ces développements doivent beau-coup! - nomme «une langue interdisciplinaire commune» 3, un langage conve-nu entre enseignants de même discipline et de disciplines différentes, langa-ge toujours à préciser, toujours en discussion, outil professionnel d'échangeset de communication sur l'apprentissage. (…)Cette langue commune aux professionnels de l'apprentissage n'est pas facileà fixer; elle ne s'impose pas de l'extérieur. Elle ne peut se forger que collecti-vement à partir de l'exercice concret du métier. (…)Sans doute la détermination de ce langage commun passera-t-elle obligatoi-rement aujourd'hui, au sein des équipes d'enseignants, par des discussionspassionnées et concrètes sur le sens de vocables - tels: tâche, objectif, obs-tacle, procédure d'apprentissage, etc. - dont l'usage non vérifié, équivoque (etsans lien avec des choses précises à faire faire aux élèves) est à l'origine debeaucoup d'impuissance didactique. Sans doute chaque groupe d'apprenantsaura-t-il sa religion en la matière et les tensions seront-elles vives. Pourvu quela parole circule et que les enseignants apprennent à se reparler du grandmétier d'apprendre".

JACQUES VANDENSCHRICK

EXTRAIT DE "L'ÉCOLE DE DEMAIN", COMMUNICATION AU CONGRÈS DES PMS LIBRES DU30 MAI 1991 À LOUVAIN-LA-NEUVE, IN HUMANITÉS CHRÉTIENNES, N° 2, DÉC.-FÉV. 1991-1992.

1. Service Recherche et Développement Pédagogique du SeGEC.2. Voir aussi pp.18-19 de ce numéro.3. On se réfèrera à Philippe MEIRIEU, "Communication et pédagogie ou «Comment parler péda-gogie à l'école?»", Actes du Colloque de l'Afides, novembre 1989, in La revue des échanges,mars 1990, pp.10-16.10 entrées libres < N°29 < mai 2008

Flash-back sur un textede 1991. C'était hier. Son auteur, JacquesVANDENSCHRICK,directeur du SeRDeP 1,part aujourd'hui à laretraite. En lui rendanthommage 2, une occa-sion aussi de reposerune question toujoursd'actualité.

Commentparler unelangue inter-disciplinairecommune?

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"Pléonasme!", penserez-vous. Peut-être pas tellement.Un enseignant enseigne. Un directeur dirige. Un pouvoir organisateurorganise. Forcément. Du moins, c'est ce qu'on attend d'eux.Mais un éducateur et une éducatrice éduquent-t-ils? Entre les présentsà accueillir et les absents à recueillir, entre les retardataires à pousseret les intrus à repousser, entre la cour de récréation à tenir à l'œil et lescouloirs à arpenter, entre le prof à remplacer et les tables à déplacer…quand ont-ils le temps d'éduquer? "Mais en faisant tout cela!", répon-dront les optimistes, selon un principe jumeau de celui de la commu-nication, selon lequel il est impossible de ne pas éduquer.À la différence des enseignants, les éducateurs n'ont pas de matière à"faire passer". Mais dans le bouillonnement de la vie scolaire, de sontemps et de son espace à réguler, ce n'est pas rien d'écouter, com-prendre, surveiller, suggérer, conseiller, rappeler à l'ordre, féliciter,sanctionner, organiser, animer… C'est que la Loi à intégrer, un moi àdévelopper, un nous à construire, cela ne se fait pas qu'en classe. Dequoi en faire toute une profession!

FRANÇOIS TEFNIN

ENJEUX Éducateur: une profession à reconnaitre!

EUX ET NOUS Distance et proximité

FORMATION Tous les chemins mènent à l’éducation...

SUR LE TERRAIN Métier à part entière Ça marche! Gérer l’imprévu et la diversité De moins en moinssurveillant et de plus en plus éducateur

Et au fondamental? Quand l’informatique soulage En guise de conclusion...

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Les éducateurséduquent!P

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le dossier du mois

S i le regardde SabineRODRIQUE

sur la fonction estenthousiaste, il n'enreste pas moinslucide. Sa visionpermet de mesurerle rôle essentiel de

l'éducateur dans la mécanique com-plexe et subtile d'un établissementscolaire. Son analyse démontrecombien la question de la recon-naissance de l'aspect professionneldu métier et la nécessité de clarifierles tâches socioéducatives sont aucentre des préoccupations desagents de terrain. Grâce au reculindispensable exigé par toutedémarche scientifique, cette recher-che offre une approche plus systé-mique de la question.

HOMME-ORCHESTRE?Ne pouvant ici faire état du cadrethéorique très strict de ce travail,nous retiendrons avec elle que, mal-gré un long travail de réflexion menépar la FESeC 2 depuis la fin desannées 90 et la mise en évidencede la priorité du volet sociopédago-gique du métier, les réalités de la viescolaire maintiennent souvent l'édu-cateur dans un rôle d'homme-orchestre, pour ne pas dire d'hom-me à tout faire. Alors que pointe lavolonté politique de professionnali-ser les fonctions "cadres" de l'école,les éducateurs se sentent confinésdans cette catégorie de personnelauxiliaire d'éducation, avec tout leressenti négatif lié au terme mêmed'"auxiliaire".

Pourtant, les réalités auxquelles ilssont confrontés nécessitent un"savoir s'y prendre". Celui-ci seconstruit à travers l'acquisition decompétences sociales, qui débutebien avant et se poursuit bien aprèsune formation initiale indispensable.Après l'enquête menée sur le ter-rain, S. RODRIQUE constate cepen-dant que des assistants sociaux oudes régents disposent souvent dequalités requises pour travailler avecun public adolescent en milieu sco-laire. Elle n'a donc pas une visionrestrictive de l'accès au métier. Maisla situation actuelle qui n'exige pasun profil plus précis de qualificationet où, dans de nombreux cas, unCESS suffit, conduit à une dévalori-sation de fait de la fonction. Rouageindispensable de l'organisation pra-tique de l'école, l'éducateur est sou-vent écartelé entre différents rôlesd'intendance et de gestion quotidienne

où le volet éducatif passe au secondplan. Comment valoriser, pour deséducateurs en formation, desstages en milieu scolaire alors qu'ilsrisquent de n'aborder que très peul'aspect éducatif de la fonction?"C'est le serpent qui se mord laqueue", nous dit-elle en posant laquestion: "Ne faut-il pas réfléchird'abord à mener un véritable travailéducatif sur le terrain pour, enfin,accueillir dans de bonnes conditionsles éducateurs en formation initialeet les motiver pour un travail futur ausein d'une école?".

LEADERSHIP DE LA DIRECTION

Cette disparité relevée dans la défi-nition du travail d'éducateur sur leterrain montre combien, en cedomaine, la culture d'établissementet le management de la directionsont essentiels. Pour définir unemission cohérente aux éducateursau sein d'un projet pédagogiquecommun, il faut une réelle visionpolitique d'organisation des moyensmatériels et des ressources humai-nes. Dans cette logique de cohéren-ce des tâches, le vrai travail d'équi-pe est indispensable. "Quand l'équi-pe des éducateurs dysfonctionne,l'école dysfonctionne", reconnait undirecteur lors d'un entretien. Or, étatdes lieux inquiétant, la recherchemet en évidence les difficultés d'unnombre important d'équipes.Travailler en équipe éducative, cen'est pas simplement se réunir pourorganiser la prochaine sortie, "c'estaussi poursuivre ensemble desdémarches d'intervision, de supervi-sion et mettre les actions et lesquestions éducatives au centre des

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ENJEUX

Éducateur: une professionà reconnaitre!Éducateurs de formation et travaillant en milieu scolaire depuis de nombreuses années, SabineRODRIQUE et Jean-Louis BANETON ont éprouvé le besoin, à travers leur mémoire 1, de faire un étatdes lieux et une analyse de l'évolution en cours de leur métier.

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débats", insiste l'auteur du mémoire.De la part de la direction, celaimplique de connaitre les besoins dupersonnel en termes de formationcontinue et de décider d'un plan deformation concerté en fonction ducontexte et des besoins. Mais c'estaussi permettre aux éducateurs de"partager les outils qu'ils ont décou-verts" avec les enseignants. Euxaussi, au sein de leur classe, recon-naissent être confrontés à des ques-tions qui dépassent parfois leur rôleinitial. Pour la direction, il s'agit deconcevoir la vie scolaire, non pascomme des "castes" différentes,séparant personnel enseignant etles autres, mais comme un véritableespace coopératif où chacun appor-te son regard et ses compétencesface aux situations concrètes àgérer. Et ce, y compris dans lesmoments importants comme lesconseils de classe, où l'avis deséducateurs ne consiste pas seule-ment à énumérer les justificatifsd'absence. Une direction adoptantdes comportements soutenants,valorisants et coopératifs favorise ledéveloppement de la motivation etde la satisfaction personnelle. Celavaut sans doute pour tous les mem-bres du personnel scolaire…

PISTES ET SOLUTIONS…Au-delà des problématiques de for-mation et de politique de manage-ment d'école pour lesquelles, si unchangement s'impose, il ne pourrase faire que progressivement et

grâce à une prise de conscience desacteurs, les rédacteurs du mémoireproposent des pistes plus concrètes.La suggestion de créer une fonctionde conseiller principal d'éducationchargé d'organiser et de coordonnerle travail de l'équipe éducative en estune première. L'apparition d'un telposte pourrait être une reconnais-sance concrète de la professionnali-sation et une perspective de valori-sation dans une carrière actuelle-ment assez plane.Par ailleurs, leur profession étant par-fois "oubliée" jusque dans les texteslégislatifs (ils ne sont pas cités dansle décret "Missions"!), un "réseauéducateurs" actif permettrait sansdoute de créer une réelle identité pro-fessionnelle. S. RODRIQUE recon-nait les difficultés d'une telle associa-tion - les réalités des écoles sont mul-tiples, notamment selon le profilsocioéconomique de la population -,mais la circulation et l'échange desinformations autour des pratiquesfavoriseraient l'évolution vers uneconception de l'éducateur commeopérateur professionnel qualifié.

UN ÉQUILIBRE À TROUVER

Au terme de la lecture de ce mémoi-re, on mesure combien la questionde la place des éducateurs estsymptomatique des enjeux autourde l'organisation des écoles. Aucentre d'une société où les évolu-tions technologiques et socialesinterfèrent sans cesse dans les rela-tions éducatives, l'école doit fonc-tionner avec un cadre législatifconcernant le personnel largementhérité du passé. L'équilibre est com-plexe entre missions éducatives etréalités du quotidien. Sur ce bateauparticulièrement chahuté, c'est aucapitaine que revient la lourde tâchede savoir garder le cap…

ANNE LEBLANC

1. J.-L. BANETON et S. RODRIQUE, Leséducateurs de l'enseignement secondairecatholique du diocèse de Malines-Bruxelles.État des lieux et changements dans unmétier en voie de professionnalisation, UCL,Faculté de psychologie et des sciences del'éducation, mémoire de licence FOPA, 2006.2. Fédération de l'enseignement secondairecatholique.

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REGARD MÉTA

M ichèle GARANT, pro-moteur du mémoire deJ.-L. BANETON et S.

RODRIQUE, souligne d'embléela qualité de celui-ci. Les auteurs,acteurs de terrain engagés, ont,grâce à leur association, pu réel-lement prendre la distancenécessaire et livrer un travailessentiel à tout qui s'investit dansles problématiques scolaires.Elle insiste sur l'idée que l'ensei-gnement a une fonction socialeconsidérable et qu'il est indispen-sable, dans son organisation, derespecter justement la placesociale de chaque intervenant.Pour cela, le rôle de leadershipde la direction est capital. Par sontravail sur la complémentarité, surla reconnaissance, sur le sensdonné à l'action, le chef d'établis-sement rend chaque intervenantporteur du projet de son école.L'approche universitaire réaliséeici devrait, selon elle, être plus lar-gement partagée et servir de baseà de véritables changementsdans les pratiques. Comme denombreux autres travaux de laFOPA, précieux outils de réflexionpour les acteurs de la vie scolaire,trop souvent "oubliés" après leurpublication… AL

VRAIMENT ÉDUCATEUR?

En guise d'évaluation - formative! -, voici 14 caractéristiques pourdessiner les contours de la fonction d'éducateur:

réunions d'équipe régulières (minimum une fois par mois);évaluation individuelle;évaluation collective;responsabilité d'un groupe défini d'élèves;autonomie individuelle dans le travail;autonomie de l'équipe dans la gestion du quotidien;possibilité de proposer des activités durant les remplacementsd'enseignants;possibilité de proposer des activités durant les récréations;participation aux conseils de classe;avis régulièrement sollicité durant les conseils de classe;contacts individuels réguliers avec les élèves;contacts individuels réguliers ou occasionnels avec les parents;rôle de médiateur au sein de l'institution scolaire;participation régulière ou occasionnelle à des formations complé-mentaires.

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EUX ET NOUS

Distance et proximitéUn témoignage et un extrait de roman. Deux façonsd'approcher la question de la relation aux jeunes.Un même défi: comment tenir ensemble altérité etressemblance?

"ON VA BOIRE UN VERRE?"

À ma question répond un acquiescement collégial. On descend à lataverne du petit bourg. Toutes s'assoient sur la banquette. Pourrompre le silence et surtout trouver ma place au sein de leur grou-

pe que je connais peu, je questionne: "Comment vous sentez-vous à l'in-ternat?". D'emblée, elles me parlent de leur carnet de bord, envoyérécemment à leurs parents. Et qui fait mal. Remarques sur leur compor-tement, leurs études. "Des tartines!", clament-elles. Et c'en sont, assuré-ment, d'après ce que j'ai appris par le biais de mes collègues.Je reformule ma question. Car je n'ai pas envie de parler de leur scolari-té, mais plutôt de leur vécu d'interne et des sentiments qui l'accompa-gnent. "L'internat? Ça va, c'est pas le pire…". Je devine donc que le pirese trouve ailleurs… Qu'il git peut-être dans un recoin secret de leur tête,qu'elles l'étouffent surement sous les embrassades des amies, qu'ellesfont plutôt avec, faute de choix. "Pire" semble d'ailleurs un bien grandmot. Et pourtant…À entendre les flots de paroles confidentes qui envahissent maintenantl'espace, comme un barrage lâcherait ses eaux, je comprends qu'on n'enest pas très loin. Car c'est de la famille qu'il est question, de leur famille,ou de ce qu'il en reste. Autour de moi, des filles paumées qui tracent, vailleque vaille, leur chemin entre une mère divorcée qui se remarie avec unefemme, une mère jalouse qui met dehors sa fille adoptée parce qu'elle lasoupçonne d'avoir une liaison avec son mari, un père quinquagénaire quirentre à la maison dans la nuit accompagné d'adolescentes amoureuses,un couple qui se déchire à coups de poings, à coups d'insultes… Autourde moi, des filles uniques vouées à endurer seules les déchirures entreleurs parents, des filles de 14 ans destinées à endosser le rôle de mamanpour leur père, des filles qui sermonnent, raisonnent, pouponnent desadultes redevenus enfants…Je suis bouleversée. Et je n'ai qu'une envie: que le temps laisse encoreagir l'alchimie qui est en train de naitre entre nous et où le trop-plein deleurs manques d'affection et de reconnaissance, leurs difficultés à êtreelles-mêmes déborde de leurs lèvres loquaces.On les juge caractérielles, insupportables, indisciplinées… Elles sontpourtant pétries de solitude et d'une grande maturité, se forgeant seulesleurs repères pour garder un cap nécessaire. Leur comportement et leursactes ne sont que leur "vitrine extérieure", sommet d'un iceberg bien plusprofond. Peut-être l'internat est-il pour elles l'occasion de redevenir desadolescentes comme les autres, qui parlent fort, font des bêtises et tes-tent les adultes? Peut-être l'internat est-il une opportunité de changer derôle et de passer de l'adulte responsable qu'elles sont le week-end à lajeune insouciante qui nous côtoie la semaine…J'ai payé, elles se sont tues… Mais ce qu'elles m'avaient dit, leurs débor-dements adolescents, m'avaient renvoyée aux miens au même âge etavaient fini par m'embuer les yeux, à mesure qu'elles parlaient. J'ai payé,elles se sont tues… Et c'est moi qui leur ai dit merci. Elles ont paru éton-nées, puis ont alors laissé échapper leur merci pour cette boisson offer-te, même si je ne demandais rien…

CÉCILE ANDREUX, ÉDUCATRICE À L'INTERNAT DE L'ABBAYE DE FLÔNE

PION

"P ion, c'est une manière depas vraiment quitter l'éco-le lorsqu'on a peur de la

vraie vie dehors. Et pourtant, c'estdur même si c'est pas un métier. Toutle monde s'en fout. Cependant, à êtreen première ligne sur le front, ça per-met de combler tous les vides que lesparents et les profs ont laissé s'instal-ler. Je connais maintenant toutes lestêtes même si j'ai oublié la plupartdes noms pendant les vacances.J'arrive à comprendre ce qu'ils disentpas et pourquoi ils montrent certainstrucs et pas d'autres. Moi, j'observe,j'interviens à peine, je parle peu. Maisje fais des signes, je souris, je criepar onomatopées et je réponds à tou-tes leurs questions sans mentir. Lesenfants, ils aiment quand tu lesprends pas pour des cons. Ils se sou-mettent facilement au "tu verrasquand tu seras plus vieux" si on dit çasans mépris, sans gêne. Tout çam'aide à me soigner de la gamineque j'étais aussi à l'époque".

HOUDA ROUANE

EXTRAIT DE PIEDS-BLANCS,ÉDITIONS PHILIPPE REY, 2006, P. 55.

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A insi, en promotion sociale, leCPSE de Grivegnée2 organi-se deux formations d'éduca-

teurs 3. Au niveau secondaire, la pre-mière octroie un certificat de qualifi-cation "éducateur" et le CESS, quipermettent de travailler dans l'ensei-gnement. Au niveau baccalauréat,la seconde est équivalente au pleinexercice. Ces formations ont dusuccès: cette année, 190 étudiantssont inscrits dans le secondaire, etplus de 300 dans le supérieur."Les cours suivent deux approches,explique Agnès BALSACQ, direc-trice. L'une conceptuelle, avec de lapsychopédagogie, de la sociologie,de la philosophie, de la déontolo-gie… Et l'autre plutôt méthodolo-gique, avec de la communicationappliquée, de la didactique d'activi-tés… C'est une formation pour adul-tes, où la méthodologie se base tou-jours sur un lien entre pratique etthéorie. Les stages y sont trèsimportants. Les étudiants des deuxniveaux doivent en suivre unchaque année (d'immersion, d'in-sertion et d'intégration), et dans lessecteurs où ils sont susceptibles detravailler (aide à la jeunesse, milieuxouverts, enseignement…)".Mais ce n'est que depuis quelquesannées que les étudiants sontenvoyés en stage en milieu scolaire."Souvent, explique la directrice, lestage en école était consacré à dela surveillance, du travail adminis-tratif, mais pas du tout à de l'accom-pagnement. Il n'y avait pas d'éduca-teur référent pour travailler avec l'étudiant le relationnel, le pédago-gique ou le social. La situation s'est

améliorée. Il y a maintenant unréseau d'éducateurs auquel on peutse référer. Pour les 2e et 3e bacca-lauréat, l'école est devenue un lieude stage comme les autres, maispour le secondaire, on reste encoreassez réticent".Dans l'enseignement supérieur, laHaute École Charleroi Europe4, no-tamment, organise un baccalauréatd'éducateur spécialisé en accompa-gnement pédagogique. "Cette forma-tion très spécifique, explique PierrePIRET, directeur de la catégoriePédagogique, ouvre les étudiants àtous les univers dans lesquels ilssont susceptibles de travailler. Et onn'y forme pas seulement des acteursde terrain, mais aussi des cher-cheurs, capables de prendre du reculvis-à-vis de leur pratique".La première année d'études estbasée sur le pédagogique, les com-pétences de base, avec un stagecentré sur l'enfant et l'adolescent.

La 2e année aborde l'orthopédago-gie, les compétences particulièresaux personnes handicapées. Enfin,la 3e année est axée sur le projetpersonnel de l'étudiant. "Nousavons toujours quelques étudiantsqui suivent un de leurs trois stagesdans l'enseignement, raconte P.PIRET, mais les secteurs possiblessont tellement variés qu'ils sont fortéparpillés. Il me semble, en toutcas, que dans l'enseignementsecondaire, on engage de plus enplus d'éducateurs spécialisés A1(bac) plutôt que des A2, qui sortentde secondaire. Notre formation sepeaufine au fil des années en fonc-tion des demandes, mais elle est entrain de se stabiliser".

FORMATION CONTINUÉE

Et pour les éducateurs en fonction?Les formations sont rares, mais il enexiste. Par exemple, celle de deuxjours animée par Jean-Yves WOES-TYN, juriste au département admi-nistratif de la FESeC. Elle est orga-nisée dans le cadre de Forfor (for-mations disciplinaires) 5, et est cen-trée sur les aspects juridiques etadministratifs de la fonction."Cette formation comprend deuxvolets, explique J.-Y. WOESTYN.D'une part, le droit scolaire, avec desquestions spécifiques aux éduca-teurs sur les inscriptions, les absen-ces d'élèves, le registre de fréquen-tation, l'obligation scolaire, les sanc-tions disciplinaires ou les exclusionsdéfinitives… D'autre part, nous nousintéressons aux questions juridiquesliées à la responsabilité civile, ausecret professionnel, aux assuran-ces, voyages scolaires, médica-ments, certificats médicaux…".La formation connait un réel succès,mais est limitée à une trentaine d'ins-crits pour une question d'efficacité.

BRIGITTE GERARD

1. Certificat d'Enseignement SecondaireSupérieur2. Centre de Promotion Sociale pour Éduca-teurs - www.cpse-liege.be3. La liste des établissements organisant desformations d'éducateurs aux différentsniveaux est accessible sur www.segec.be.4. Implantation CESPC-M: École Normaledes Sœurs de la Providence-Gosselies:www.hece.eu5. Pour toute information: Christophe VER-HOEVEN (CECAFOC) - 02/256.71.83

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FORMATION

Tous les cheminsmènent à l'éducation…Nombre de formations et de diplômes ouvrent laporte à la fonction d'éducateur dans un établisse-ment scolaire. Du CESS 1 à un diplôme de l'ensei-gnement supérieur ou de promotion sociale, voireuniversitaire. Dans une orientation "éducation",mais pas nécessairement.

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SUR LE TERRAIN

MÉTIER À PART ENTIÈRE

Il est difficile de dresser un portrait robot del'éducateur, tant sa situation et la manière dontil est pris en compte diffèrent d'une école àl'autre. Une seule certitude: on a bien besoinde lui. Mais pour quoi faire? C'est là toute laquestion.

"C omme on le dit souvent pudiquement, explique ThierryANTOINE 1, le rôle attribué à l'éducateur dépend beau-coup de la «culture» de l'école". Jean GOOSSENS 2 est

encore plus clair: c'est le directeur qui mène la danse en la matière."S'il reconnait l'éducateur dans un réel statut professionnel, en com-plémentarité avec les enseignants, ceux-ci suivront le mouvement.S'il le considère comme une petite main, les enseignants le verrontde même".Seraient-ils donc si mal lotis, ces éducateurs? Il est difficile de géné-raliser, mais on observe tout de même certaines constantes, qui lesconduisent à revendiquer avant tout une réelle reconnaissance durôle qui est le leur. "Beaucoup se plaignent d'être des bouche-trous,des roues de secours, voire des poubelles, constate J. GOOSSENS.Je leur répète souvent: vous faites un métier à part entière, avec desmissions bien spécifiques. Vous êtes d'abord au service du bien-êtreet de la sécurité des élèves, pas du directeur ni des enseignants".Consciente du problème, l'ADIBRA a estimé qu'il était de son devoirde prendre cette question à bras-le-corps. "Nous formulons une sériede recommandations, précise son président, qui s'inspirent notam-ment du document édité par la FESeC 3. Il est important de sortird'une répartition des tâches qui se limite à la surveillance ou à l'ad-ministratif, pour permettre à chaque éducateur, comme cela se faitdéjà dans certaines écoles, d'avoir en charge la globalité du suivid'un niveau ou d'un degré".La demande sociale est de plus en plus large, et une série de tâchesd'éducation sont apparues à côté de l'enseignement proprement dit.Il y a donc bien là une place nouvelle à remplir par les éducateurs,au sein de l'équipe éducative, en réel partenariat avec la direction etles enseignants et en lien avec les familles. "Il est important aussiqu'ils puissent continuer à se former et qu'ils aient la possibilité dediscuter de questions relatives à leur place au conseil de classe, àleur fonction de garant de la règle et de la loi, aux services auxquelsils peuvent passer le relais quand la situation le demande, etc.", ajou-te J. GOOSSENS, qui conclut par une question adressée aux direc-teurs: "Imaginez que demain matin à 8h, aucun éducateur ne soitprésent dans votre école. Que feriez-vous?".

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. Directeur du Collège technique Saint-Jean à Wavre et président de l'Associationdes Directeurs de Bruxelles et du Brabant wallon (ADIBRA)2. Conseiller pédagogique Éducateurs, Bruxelles-Brabant wallon3. Voir pavé “À lire...” à la p. 8 de ce dossier.

ÇA MARCHE!

Anne JACQUEMIN, sous-directriceà Notre-Dame Heusy:"Nous n'engageons que des éduca-teurs professionnels. C'est unmétier à part entière, qui se justifiepleinement à l'heure actuelle dansles écoles. Chaque éducateur prenden charge un niveau d'études, tou-tes filières confondues, ce qui per-met d'avoir une vision plus complèteet homogène en ce qui concerne lessanctions, par exemple. Il gère lesabsences des élèves, mais n'enreste pas là. En cas d'absencesmultiples, de bagarres, d'imperti-nences ou autres, il rappelle lerèglement, mais s'intéresse aussi àce qu'il y a derrière ces incidents. Ilprend le temps de la discussion et aun rôle de relais avec la famille, lesenseignants, le PMS et d'autresintervenants extérieurs à l'école, sibesoin est. Nous nous réunissonstous les lundis pour discuter de toutce qui touche à leur fonction.Certains dossiers sont traités parl'ensemble de l'équipe pour unecohérence dans l'action. Les éduca-teurs s'impliquent aussi dans le tra-vail journalier et sont présents, demanière permanente et en alternan-ce, à trois endroits «stratégiques»dans l'école: dans le hall d'accueil, àl'étude et dans le local de détente.Je leur demande aussi de participeraux conseils de classe et aux déli-bés, car ils détiennent des élémentsd'information sur les élèves qui peu-vent éclaircir certaines situations.Pour résumer, je dirais que les édu-cateurs sont chargés de la prise encompte, dans le parcours de l'élève,de tout ce qui peut, à un moment,brouiller son apprentissage". MNL

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GÉRER L'IMPRÉVU ET LA DIVERSITÉ

"C ela fait 12 ans que je travaille en tant qu'éducateur àl'IMCE 1 d'Erquelinnes, témoigne Xavier BACQ. J'avaissuivi une formation socioéducative en humanités, et

ensuite une spécialisation en psychomotricité. Pour notre équipe dequatre éducateurs, les tâches sont très diversifiées: la gestion desabsences d'élèves, des remplacements d'enseignants, la surveillan-ce des récrés, l'accompagnement des élèves en sorties… Mais c'estloin d'être tout! Nous sommes également disponibles pour écouter etaider des jeunes en situation de crise. Nous gérons tout l'aspect dis-ciplinaire au sein de l'école, ainsi que les problèmes liés à la violen-ce, le racket, la drogue; dans ce cadre, nous rencontrons les parentssi nécessaire. Parfois, nous entendons des confidences d'élèves quirestent entre nous, mais dans certains cas (de maltraitance, parexemple), il faut pouvoir passer le relais. Si quelque chose ne fonc-tionne plus dans l'école, on est sollicité pour trouver une solution,réparer ce qui doit l'être…Théoriquement, il y a aussi dutravail administratif, mais onnous laisse tranquille avec ça!En ce qui me concerne, je mesuis spécialisé dans les «jeux decollaboration». L'enseignementspécialisé est en effet très indivi-dualisé, et l'esprit de groupe n'yest pas très présent. Pour lefavoriser, je propose des jeuxoù, pour gagner, tous les élèvesdoivent collaborer!À l'école, les éducateurs sontprésents toute la journée, cesont des personnes de référen-ce pour les élèves, comme pourles enseignants. Ils font partieintégrante de l'équipe pédago-gique et sont d'ailleurs souventinvités aux conseils de classe.Dans l'enseignement spécialisé,les enseignants sont déjà à l'écoute des élèves, mais c'estencore plus le cas pour les édu-cateurs. On a une certaine auto-rité, et il y a du respect par rap-port à notre fonction. Et lecontact avec les élèves, à luiseul, me procure beaucoup degratifications. Si l'horaire de tra-vail est peut-être un peu difficile,avec 36h par semaine (8h parjour, sauf le mercredi), je ne vou-drais changer d'emploi pour rienau monde! C'est un travail vrai-ment agréable, très varié et onne sait jamais le matin de quoi lajournée sera faite!".

BRIGITTE GERARD

1. Institut des Métiers de la Constructionet de l'Environnement

entrées libres < N°29 < mai 2008

le dossier du mois

DE MOINS EN MOINS SURVEILLANTET DE PLUS EN PLUS ÉDUCATEUR

"J 'ai fait des études d'éducateur spécialisé dans le domaine de lavie associative et je suis arrivé à l'internat un peu par hasard,confie Baudouin RODRIC, responsable de l'internat Notre-

Dame de Bellevue à Dinant. Quand j'ai débarqué à Saint-Berthuin (monpremier poste), j'ai été très surpris de découvrir que les internes étaientdes enfants de primaire. Ils me semblaient tellement jeunes pour êtrehors de chez eux! On m'a confié un groupe de 42 garçons de la 4e à la6e primaire. J'ai dû me débrouiller seul et j'ai tâtonné au début, même sile responsable de l'internat était là pour me donner quelques conseils.Mais cette liberté d'action m'a plu. C'était loin d'être de tout repos, maismon expérience dans les mouvements de jeunesse m'a aidé.Aujourd'hui, je m'occupe d'adolescents. Une journée type? Aller cher-cher les jeunes à la sortie des cours à 15h30, les amener au gouter,assurer l'étude et les aider à atteindre les objectifs scolaires. Après lerepas, je deviens animateur pour occuper le groupe de manière activevia des activités sportives, théâtre, bricolage, etc. Et cela du dimanchesoir au vendredi matin, mercredi après-midi compris. J'ai rarement 5minutes à moi avant l'heure du coucher! L'horaire d'un éducateur d'in-ternat est particulier et demande un investissement personnel important,car on laisse beaucoup de choses de côté, à commencer par une partiede la vie de famille. Et si nous devons rencontrer un enseignant, quel-qu'un du PMS, ou un intervenant extérieur, c'est pendant la journée,quand nous sommes censés avoir terminé notre travail.Les qualités d'un bon éducateur d'internat? Une réelle motivation, de lapatience, être en cohérence avec soi-même, être capable de se remet-tre en question et reconnaitre ses erreurs, sinon ça ne «passe» pas.Mais il faut aussi pouvoir admettre ses limites. Les jeunes ont beaucoupd'attentes, au niveau affectif notamment. Les situations familiales sontparfois très complexes, et il est nécessaire d'être suffisamment lucidepour passer le relais si besoin est. L'éducateur n'est ni parent, ni profes-seur, ni grand frère, ni psychologue, même si une bonne faculté d'écou-te est indispensable.Des souhaits? Davantage de moyens pédagogiques, un statut valoriséet des formations… Mais cela reste un métier magnifique!".

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

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QUAND L'INFORMATIQUE SOULAGE

Y ves MAIRESSE est enseignant et concepteur d'un logiciel d'as-sistance à la gestion des tâches administratives de l'équipeéducative (ADES) 1: "Ce programme permet de soulager l'équi-

pe éducative dans la gestion administrative des faits disciplinaires, entraitant tout ce qui doit être écrit, archivé ou imprimé".Sébastien TRUYENS, éducateur à Saint-Dominique à Schaerbeek,une des premières écoles où le logiciel a été installé, en est très satis-fait. "C'est très pratique, dit-il. Cela permet d'avoir une vue d'ensemblesur tous les élèves de l'école. Les fiches individuelles recensent tousles retards, les faits disciplinaires, les retenues… encodés par les diffé-rents collègues. Les enseignants peuvent aussi y avoir accès, ce quipeut faciliter le travail du conseil de classe. L'accès est protégé par unidentifiant et un mot de passe. Nous pouvons ainsi travailler plus vite etplus en profondeur".Comme le dit Y. MAIRESSE, "ADES n'a, en aucune manière, l'ambitionde remplacer les éducateurs. Il a été conçu pour alléger et simplifierleurs tâches administratives, les rendant ainsi plus disponibles pour letravail de fond, les relations avec les élèves". BG

1. ADES: Administration de la Discipli-ne dans les Établissements Scolaires.Renseignements: [email protected]

à lire: toujours d’actualité…

Dispositifs "Éducateur": rétrospectives et prospectives, un docu-ment de 134 pages publié en 2002-2003 par la Fédération de l'ensei-gnement secondaire catholique, qui présente des analyses, des défini-tions, des outils, des recommandations…À (re)lire sans modération sur:www.segec.be > enseignement secondaire > documents > éducateurs

EN GUISE DE CONCLUSION…

F rancis MULDER, éducateur pendant 31 ans dans un collège,actuellement médiateur au Service de la Médiation scolaire enRégion wallonne, synthétise quelques enjeux pour la fonction

d'éducateur en milieu scolaire:"Il faut assurer la lisibilité de la fonction, qu'on sache ce qu'on attend del'éducateur. Un référentiel commun serait utile pour définir des tâchesrecentrées en priorité sur la mission socioéducative (y compris sur-veiller, conçu comme «être en éveil sur ce qui se passe»). Les éduca-teurs ne doivent pas se retrancher dans des tâches logistiques et lesenseignants doivent éviter d'instrumentaliser les éducateurs. Des initia-tives existent, par exemple pour éviter un effet «lasagnes» et de se«marcher sur les pieds» avec d'autres intervenants. Ainsi, à Liège, avecdes directeurs de PMS, nous réfléchissons à la complémentarité desrôles autour de la question: «Quand suis-je la solution pour l'autre?».Deuxièmement, il faudrait créer une fonction de Conseiller à la vie sco-laire qui anime et fédère une équipe, qui soit le garant que les éduca-teurs sont bien dans leur mission (l'accompagnement socioéducatif),qui soit le lien avec les intervenants extérieurs… Il faut aussi investirdans la formation initiale (avec des stages en école) et continuée.Enfin, les éducateurs eux-mêmes doivent s'intégrer dans les cadresfixés notamment par le décret «Missions» et par les projets éducatifs etpédagogiques". FT

ET AU FONDAMENTAL?

S i, dans l'enseignementsecondaire, on compte enmoyenne un poste d'édu-

cateur pour 150 élèves (avec desnormes plus favorables pour lesécoles en discrimination positive),dans l'enseignement fondamental,la situation est plus préoccupantepuisque la fonction n'est mêmepas prévue! On ne peut pourtantpas dire qu'elle y serait inutile.C'est d'ailleurs ce qu'ont clairementexprimé récemment les directeursdes écoles maternelles et primai-res lors d'une enquête de laFédération de l'enseignement fon-damental catholique (FédEFoC).Dans la perspective d'un subven-tionnement différencié accru, il leurétait demandé quelle affectationprioritaire ils privilégieraient pources moyens supplémentaires.Si 36,5% d'entre eux se pronon-cent en faveur d'un accroisse-ment du nombre d'enseignants,52,5% plaident pour l'accroisse-ment d'autres formes d'encadre-ment: éducateurs, aide aux direc-tions… 8,5% envisagent plutôtune augmentation des moyensfinanciers et 2,5% une augmenta-tion du subventionnement desbâtiments scolaires.Ces réponses traduisent bien lesbesoins réels des écoles fonda-mentales et, plus particulièrementici, de celles qui scolarisent lesélèves les moins favorisés. FT

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Quatre écoles d'Europeont décidé de s'associerpour mener à bien unprojet Comenius sur lethème: "la tolérancedans nos différences".Qu'est-ce qui a décidél'école Saint-Martin deNandrin1 à se lancerdans l'aventure? C'estce que nous expliqueson directeur, Jean-Claude WILMES.

O n savait déjà qu'elle adou-cissait les mœurs, mais lamusique peut aussi servir

de trait d'union entre deux écoles quine se connaissent pas. En l'occur-rence, c'est Théo MERTENS,auteur-compositeur-interprète denombreux chants à caractère reli-gieux, qui a permis la rencontre. "Ilnous a mis en contact avec l'écoleMaintenon de Tours, en France, l'an-née scolaire dernière, explique J.-Cl.WILMES. Elle nous a demandé de la

rejoindre dans un projet européenoù la tolérance et la musiqueauraient une place prépondérante.Cela nous a un peu fait peur audépart, car nous savions que celaallait nous prendre pas mal de tempset d'énergie, mais nous avons déci-dé de tenter le coup, et nous ne leregrettons vraiment pas!".L'accent mis sur la tolérance dans leprojet d'établissement de Saint-Martin et le fait que l'école fête cetteannée ses 175 ans ont été deuxincitants importants qui ont large-ment pesé dans la balance. Et bien-tôt, deux autres écoles sont venuesse joindre aux premières, à savoir:l'école Saint-Joseph de Paimpol(France) et la Primary school dePortadown (Irlande du Nord).

ENGAGEZ-VOUS, QU'ILS DISAIENT!"Mener à bien un tel projet nécessi-te un solide investissement de lapart des enseignants intéressés,constate le directeur. Je leur ai donclaissé le choix de participer ou non.Nous avons finalement pu consti-tuer une équipe de six personnes ausein de l'école".

Outre le directeur, cinq enseignantsse sont lancés à l'eau, avec leurclasse de 1re et 2e maternelles et de3e (2 classes) et 6e primaires.En octobre 2007, durant trois jours,des enseignants issus des écolespartenaires ont visité Saint-Martin etrencontré les élèves des classesconcernées par le projet. "Nousavons travaillé à l'élaboration desactivités en lien avec le projet. Nousavons décidé de mettre sur pied uneexposition itinérante, donnant àchacun l'occasion de montrer enquoi il se différencie - mais aussi serapproche - des autres (nourriture,habitat, religion, langues, coutumes,personnages célèbres…). Le ver-nissage a eu lieu dans notre école le20 février dernier".L'exposition sera ensuite présentéeen Irlande, puis en France. Elledevrait permettre aux élèves d'en-trer de plus en plus en contact. Ladeuxième année, c'est en musiqueet en chansons que les quatre éco-les inviteront à la découverte del'autre, au respect et à la tolérance.Et en clôture de tout ceci, un grandconcert-spectacle sera organisé enmai 2009, dans une salle de larégion de Nandrin.

BILAN ET PROJETS

"Le bilan de tous ces contacts et detoutes ces activités est extrême-ment positif, s'enthousiasme J.-Cl.WILMES. Lors des rencontres dansles différents pays, l'accueil est cha-leureux et les rapports très cordiaux.On alterne les activités avec les élè-ves, les réunions de travail, lesmoments de convivialité et un peude tourisme. C'est très enrichissant,et la fatigue est vite oubliée. Celanourrit véritablement notre travail, etnous nous efforçons de le faire par-tager aux enfants".Ce sera chose faite, avec le specta-cle prévu en mai 2009. Toute l'écolesera, en effet, mise à contributionpour recevoir comme il se doit lesquelque 100 participants venant desautres pays et qu'il faudra trouver àloger. À en juger par le succès déjàremporté par l'exposition, ensei-gnants, élèves et parents ne man-queront pas de répondre à l'appel.

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

1. www.saintmartinnandrin.be

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écoles du monde

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08/04/2008

PLUS D'AUTONOMIEPOUR LES DYSLEXIQUESUne société belge, Sensotec, adéveloppé un logiciel destiné à aiderles dyslexiques à lire et à écrire plusrapidement et sans faute. À l'aided'un scanner, la personne numériseun texte puis le logiciel le lui lit. Enmême temps, la phrase est surlignéeen jaune, et le mot prononcé en vert.L'utilisateur voit alors exactement oùil est dans le texte et comprend à lamême vitesse que les autres. Celogiciel est agréé par la Communautéfrançaise depuis juin 2007 et estdisponible pour les écoles de l'ensei-gnement normal et spécialisé.

Et vous, qu'en dites-vous?

Jean-François DELSARTE, Se-crétaire général adjoint de la Fé-dération de l'enseignement fon-damental catholique:

"Tout d'abord, soyons clair: on peutcorriger une dyslexie, on peutessayer de la maitriser, mais il n'estpas possible de la soigner. Ce logi-ciel n'est donc pas un outil à vocationthérapeutique et ne remplace pas letravail indispensable effectué par leslogopèdes en cas de dyslexie. Mais,l'ayant testé, je peux assurer que ceprogramme représente une aide

intéressante à la lecture, et qu'il aégalement une vocation à caractèreorthographique. Il permet en effet àl'enfant de lire, à la vitesse qu'il sou-haite, tous les textes qu'on lui pré-sente. La lecture n'est ainsi plus unfrein à l'acquisition de compétencesdisciplinaires. Et au niveau de l'or-thographe, si l'enfant écrit de maniè-re phonétique, le logiciel lui proposeaussitôt une correction orthogra-phique. Il est très intéressant que lelogiciel reconnaisse l'expressionphonétique du mot.Globalement, je vois surtout danscet outil un intérêt pour l'enfant defin du primaire ou début du secon-daire, qui est déjà autonome (quipeut par exemple scanner des tex-tes lui-même ou les suivre avec un

casque audio). Dans le secondaire,ce système a, selon moi, beaucoupde sens car il permet au jeune d'évi-ter d'avoir un sentiment d'abandon,d'exclusion; il n'est pas non pluspénalisé au niveau des apprentissa-ges. Des documents à lire pour-raient, en effet, le freiner dans l'ac-quisition de compétences discipli-naires. Dans l'enseignement spé-cialisé, j'y vois un intérêt pour lesécoles qui scolarisent des enfantsavec des troubles de l'apprentissa-ge (type 8, maturité IV), à la fin desapprentissages fondamentaux, enpréparation à l'insertion dans lesecondaire. Les dyslexiques vontd'ailleurs principalement dans lesecondaire ordinaire.Ce logiciel est, me semble-t-il, le pre-mier outil aussi sophistiqué en lamatière. Il existe à ma connaissanceun autre programme, «The RosettaStone», destiné surtout à l'apprentis-sage des langues, par traductionvocale. C'est aussi très intéressantpour les enfants dyslexiques, qui ontsouvent des difficultés pour appliquerles consignes. C'est la consigne dela lecture qui est problématique, pasle concept. L'essentiel, c'est que cesnouveautés technologiques soientau service de la rééducation, pourune meilleure autonomie des enfantset adolescents. Il n'y a effectivementrien de pire pour eux que de se sen-tir dépendants des autres!".

BRIGITTE GERARD

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mais encore...

entrées libres < N°29 < mai 2008

L’école auxquotidiensLa presse en a parlé. Nous y revenons.À partir d'une information ou d'un évènement récent, entrées libres interrogeune personnalité, du monde scolaire ou non. L'occasion, pour elle, de nous proposer un éclairage différent, un commentaire personnel, voire d'interroger la question ainsi posée.Et vous, qu'en pensez-vous?P

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Quand la lectures’embrouille...

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10/04/2008

QUELLE RÉGULATIONPOUR L'ÉCOLE À DOMICILE?Dans notre pays, environ un millierd'enfants sont instruits à la maison ouen classes privées. C'est à eux ques'adresse le projet de décret voté parle parlement de la Communauté fran-çaise, encadrant l'enseignement àdomicile. Les parents qui choisissentcelui-ci ou une école privée aurontdésormais deux obligations: se sou-mettre aux contrôles et présenterleurs enfants aux examens certifica-tifs, à chaque passage de cycle. LeService général de l'Inspectioncontrôlera aussi les moyens pédago-giques mis en œuvre pour assurerl'enseignement. Si ceux-ci ne sontpas suffisants ou en cas d'échec auxexamens, l'enfant sera prié d'intégrerune école "classique". BG

Et vous, qu'en dites-vous?

Christine BRABANT, chercheuseà l'Université de Sherbrooke, auQuébec:

"Dans mon mémoire, j'avais dresséun premier portrait sociodémogra-phique et motivationnel des famillesqui pratiquent l'éducation à domicileau Québec. Les conclusions de l'étu-de décrivaient un groupe très sem-blable à la population générale auxplans du revenu familial et du lieu derésidence, par exemple, mais distinctpar le niveau de scolarité des parents(très supérieur à la population géné-rale). Les principales motivations desparents sont le désir de vivre un pro-jet d'apprentissage en famille, lavolonté d'offrir un enrichissement desprogrammes à leurs enfants et unecritique de l'organisation pédago-gique et sociale de l'école.Je réalise à présent une recherchede doctorat portant sur la gouvernan-ce de l'éducation à domicile. AuQuébec aussi, les autorités scolairesprennent de plus en plus consciencede ce mouvement grandissant etcherchent à mieux l'encadrer. Selonmoi, les parents-éducateurs (ouparents-enseignants) pourraient, sion les invitait à prendre la parole ausein de l'institution éducative, partici-per à sa réflexivité et à son renouvel-lement. Ma recherche vise à favori-

ser la prise deparole et l'actiondémocratique desgroupes deparents-éduca-teurs en soute-nant un proces-sus de réflexioncollective et leurrecherche d'unpartenariat avecles autorités sco-laires. Cette thèsefait le pari de lapossibilité d'unapprentissage detoute l'institutionscolaire à partirdes expérimentations des parents-éducateurs dans leur contexte édu-cationnel particulier.Il est clair que l'éducation à domicilepeut être efficace. Plusieurs recher-ches l'ont déjà démontré, que ce soiten mesurant le niveau de réussite«scolaire» des enfants éduqués àdomicile, leur développement socio-affectif ou leur insertion sociale àl'âge adulte. On ne sait pas avec cer-titude, toutefois, dans quelle propor-tion ces enfants réussissent. Maisc'est d'après moi dans l'attitude desÉtats envers ce mouvement éduca-tionnel moderne que reposent lesconditions de la réussite éducativedu plus grand nombre. En effet, àcause d'une ignorance de cette nou-velle forme d'éducation, les interve-nants scolaires construisent souventleurs pratiques d'encadrement sur labase d'un mépris des compétencesparentales, de pratiques coercitiveset sur l'imposition du modèle scolai-re. Cette attitude repousse lesfamilles vers l'isolement et le repli, cequi les prive d'un partage de compé-tences avec le système éducatif.Cela prive également les systèmesd'éducation d'un regard critique exté-rieur et d'un terrain d'expérimenta-tion éducationnelle et sociale.Les États-Unis et le Canada anglaisont développé ces dernières annéestoute une panoplie de mesures decoopération avec les familles qui fontce choix (centre de ressources péda-gogiques pour les parents, offre defréquentation scolaire à temps partiel,etc.). Et c'est davantage ce type derelation que souhaitent les parents-éducateurs. Je suis portée à favorisercette approche pragmatique qui visela mise en commun des énergies etdes compétences pour le développe-

ment des enfants, plutôt qu'une appro-che de contrôle légaliste qui s'avère,selon mes observations, peu efficace.Il est à souhaiter que les États où larégulation de cette pratique est enmouvance (comme le Québec et laBelgique) sauront apprendre des suc-cès et des erreurs des États plusavancés sur la question".

13entrées libres < N°29 < mai 2008

CAHIERS PÉDAGOGIQUES(CRAP)N°462, avril 2008, "La littératurede jeunesse, une nouvelle disci-pline scolaire?"

LE MONDE DE L'ÉDUCATIONN°368, avril 2008, "GénérationDigital Natives"N°369, mai 2008, "Malaise dansle primaire" - "La révolution réac" -"Qui forme l'élite?"

SCIENCES HUMAINESN°192, avril 2008, "Enseigner -L'invention au quotidien"N°193, mai 2008, "Les âges dela vie"

TRACES DE CHANGEMENTSN°185, mars-avril 2008, "Bonslecteurs - Mauvaise langue"

ENSEIGNEMENT CATHO-LIQUE ACTUALITÉS (France)N°322, mars 2008, "Ces élèvesvenus d'ailleurs"N°323, avril 2008, "Quand larecherche se fait action"

LA REVUEdes revues

mais encore. . .

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Comment assurerun enseignement dequalité pour tous?Même à la maison.

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et vous, que feriez-vous?

Myriam GEORGES, directricede l'école fondamentale libre àMartelange:"Ces dernières années, nous avonsconnu dans notre école plusieurscas d'enfants primo-arrivants mena-cés d'expulsion. L'école s'est àchaque fois mobilisée pour leurvenir en aide. Ainsi, une petiteAlbanaise de 1re maternelle risquaitde devoir quitter le pays avec safamille. Pour les soutenir, nousavons fait appel à la télévision loca-le, qui est venue filmer la petite enclasse. Nous avons également écrità Claude LELIEVRE, alors Déléguégénéral aux Droits de l'Enfant. Uncomité de soutien s'est créé autourde la famille et a organisé, le jourdes Droits de l'Enfant, une grandemarche parrainée dans le village, àlaquelle a participé toute l'école. Lapresse a été tenue au courant detoutes ces actions. Et finalement, unfax nous est parvenu un jour desvacances de Noël: le bureau de Cl.LELIEVRE nous annonçait que lafamille avait été régularisée! Par lasuite, nous avons connu deux-troiscas similaires, qui se sont tous ter-minés par une régularisation, maisune autre famille est pour lemoment encore en attente. Engénéral, ces personnes s'intègrentvite dans le village, participent à desactivités socioculturelles, appren-nent le français… Et nous avonstoujours un bon contact avec lesparents. Il est dès lors normal de semobiliser pour les aider!". BG

François CONSTANT, directeurdu Collège Notre-Dame et Saint-Lambert et de l'Institut Saint-Laurent à Herstal:"Ce problème se pose de manièrerécurrente dans les écoles deHerstal, quel que soit le réseau.Nous faisons tout notre possiblepour mettre le dossier scolaire deces jeunes en ordre (équivalences,etc.) et faciliter leur intégration. Nousavons l'intime conviction que c'esten passant par l'école qu'ils auront leplus de chances de s'intégrer. Il arri-ve fréquemment que certains d'entre

eux ne puissent pas participer à desactivités scolaires qui les rendraienttrop «visibles», ou nécessiteraientde quitter le territoire belge. Cetteannée, la problématique a pris untour encore plus crucial avec lamenace d'expulsion frappant unefamille vivant en Belgique depuis denombreuses années, et dont plu-sieurs enfants fréquentent notreécole. La direction et les ensei-gnants se sont réunis pour voir queltype d'action mener, sans mettre lafamille sous le feu des projecteurs etrisquer ainsi de lui porter préjudice.En accord avec elle, nous avons faitcirculer une pétition, interpellé deshommes et femmes politiques, etpeu avant Pâques, un jour de mar-ché, nous avons mis sur pied unemanifestation se rendant de l'école àla maison communale, premieréchelon symbolique de la démocra-tie. Cette mobilisation a aussi étél'occasion de discuter de la problé-matique dans les classes, où plu-sieurs élèves ont pu témoigner deleur vécu difficile à leur arrivée enBelgique. Cela a constitué un beaumoment d'éducation citoyenne et l'émotion était au rendez-vous, tantdu côté de l'école que des familles.Mais au-delà du cas particulier (dontle dossier de régularisation sembleaujourd'hui en bonne voie), noustenons à rester vigilants et à conti-nuer à nous interroger sur le rôle del'école par rapport à l'intégration".

MNL

entrées libres < N°29 < mai 2008

Quand les écolesse mobilisentcontre les expulsionsRégulièrement des écoles sont confrontées à lasituation de certains de leurs élèves menacésd'expulsion du pays.Comment réagir? Témoignages.

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Pascal CHARLIER, directeur duCollège Saint-Servais à Namur:"Comme notre école organise uneclasse-passerelle, nous accueillonssouvent des élèves en situation irré-gulière. Lorsque nous avons mis enplace cette classe destinée auxprimo-arrivants, on s'est bien renducompte que nous ne pouvions pasmonter au créneau chaque foisqu'un élève était en passe d'êtreexpulsé. Bien sûr, quand un élèvefait preuve d'une fréquentation régu-lière dans l'école, on peut le soute-nir en envoyant une lettre à l'avocatqui gère son dossier, en précisantqu'il a obtenu une attestation d'ad-missibilité, en donnant des preuvesde son assiduité, de ses compéten-ces… Il y a quelques années, parexemple, toute une famille risquaitde devoir quitter le pays, avec deuxfrères qui étaient passés dans laclasse-passerelle. L'un était alorsentré dans l'enseignement supé-rieur, l'autre était en dernière annéeen section boulangerie. La mobilisa-tion n'a pas débuté à l'école, maisdans le quartier. L'école a rejoint lemouvement initié par le comité dequartier, qui a organisé une mani-festation aux abords de l'établisse-ment. Nous avons mobilisé les éluslocaux, invité la presse, et la mani-festation s'est terminée dans l'atelierde boulangerie, où les élèves onttémoigné aux médias de la bonneintégration de leur camarade. Ils ontfinalement pu rester dans le pays!Mais nous n'avons pas toujours letemps de réagir: parfois, nousapprenons du jour au lendemainqu'une famille a disparu… À deux-trois autres reprises, il y a eu mobi-lisation des enseignants de la clas-se-passerelle, qui ont fait signer despétitions, envoyé un courrier à l'avo-cat et au Ministre de l'intérieur. Maisc'était alors interne à l'école". BG

Philippe VAN GEEL, directeurde l'Institut des Filles de Marie àSaint-Gilles:"Nous nous occupons pour lemoment du cas d'une jeune fille de19 ans, élève en 4e professionnelle,qui se trouve en séjour illégal depuisplusieurs années. Le 5 mars dernier,suite à un contrôle d'identité dansles transports en commun, elle s'estretrouvée enfermée dans le centrefermé de Merksplas à Anvers. Toutde suite, l'école s'est mobilisée sous

l'impulsion de son éducateur réfé-rent. Enseignants et élèves ont rapi-dement embrayé. Nous avonsenvoyé une lettre à l'avocat qui s'oc-cupe de son dossier pour soutenir laprocédure de régularisation. Unepétition a été signée par toute lacommunauté éducative et envoyéeà l'Office des étrangers. Le samedi26 avril, lors des journées portesouvertes à l'école, RESF (voir ci-dessous) avait un stand, afin de fairesigner une nouvelle pétition. Et ledimanche suivant, une manifestations'est tenue avec des membres de lacommunauté éducative, devant lecentre fermé.Ces situations sont assez régulièresdans notre école, du fait du publicque nous accueillons. Il y a deuxans, nous avions connu un peu lemême cas de figure, mais la policeétait venue chercher les deux

enfants à l'école même. Ils se sontretrouvés enfermés au centre127bis, mais ont pu réintégrer l'éco-le quelques semaines plus tard". BG

Et vous, que feriez-vous?

PROPOS RECUEILLIS PARBRIGITTE GERARD ET

MARIE-NOËLLE LOVENFOSSE

et vous, que feriez-vous?

entrées libres < N°29 < mai 2008 15

qu'est-ce donc que… le RESF?

"Le Réseau Éducation Sans Frontières,précise Alain LEMAITRE, participant auRESF 1, s'est constitué il y a quelquesmois, dans la continuité du processusfrançais du même nom. En Belgiqueaussi, beaucoup d'écoles sont confron-tées à l'existence d'enfants sans papiersqui se trouvent dans des situations dra-matiques. RESF intervient pour changerl'état d'esprit général qui consiste à croi-re qu'on ne peut rien faire pour les aider. Au contraire, beaucoup d'actions sont àmener: mobiliser la presse, lancer despétitions, s'adresser à des avocats mili-tants, etc. Nous souhaitons partager les

expériences afin de rendre les actions plus efficaces.Le rôle de RESF est de faire le lien avec les comités de soutien, ainsique de susciter une pérennité dans le temps et un réflexe de solida-rité. Notre objectif est double: agir dans l'urgence pour soutenir desfamilles en voie de régularisation, empêcher une expulsion… Notrebut n'est pas de dire: «Vous devez fonctionner comme ça». C'est plu-tôt de mettre à disposition des outils logistiques, et de faire en sorteque chaque comité de soutien avance de manière autonome. Etd'autre part, il faut aussi reconstruire des modes d'entraide, de soli-darité. Les écoles constituent un monde particulier, avec beaucoupde contradictions. C'est un lieu d'ouverture où l'on accueille tous lesenfants, mais malgré cela, certaines instances peuvent ôter l'enfantde ce milieu, du jour au lendemain. Nous exigeons une certainecohérence". BG

1. http://resf.be/ - contact: [email protected] - tél. d'urgence: 0475/91.83.24

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"E t si on arrêtait de tirer surle pianiste…", proposeMarc ROMAINVILLE 1.

Car ce sont ces poncifs largementrépandus, quel que soit le niveaud'enseignement, qu'il a interrogésrécemment 2. Bien sûr, reconnait-il,les difficultés langagières sont sour-ce de problèmes. Mais elles ont bondos! Il n'est donc pas inutile de cla-rifier un peu la situation. D'un côté, il

faut faire la part des choses entreles difficultés liées à la maitrise de lalangue et celles qui ne le sont qu'enapparence. D'un autre côté, il estintéressant d'analyser les raisonsdu succès de ce facteur explicatif"fourre-tout". Enfin, comme recul cri-tique ne signifie pas, pour le cher-cheur, absence d'engagement, ilconvient de dégager les implicationsdidactiques de cette analyse.

DE LA TRINITÉ AU PARLEMENT

Quelques exemples pêchés dansdes copies d'examens de la 1re

année de baccalauréat éclairentson propos.Exemple 1: à la question "Définissezle concept de Trinité", un étudiantrépond: "Un moment qui n'arrivejamais. Ex.: à Pâques ou à la Trinité".Exemple 2: dans le cadre de l'étudede l'indépendance de la Belgique,un étudiant affirme: "Le pouvoir defait devient un pouvoir de droit car iln'y a pas encore de Parlement",alors que la réponse attendue étaitévidemment: "… mais il n'y a pasencore de Parlement".Une analyse trop rapide ou un peusommaire pourrait amener aux con-clusions suivantes.Dans l'exemple 1: "Vous voyez bienqu'ils n'ont plus de vocabulaire!".Dans l'exemple 2: "Ils ne connais-sent même plus le sens de simplesconjonctions de coordination!". Ils'agirait donc apparemment delacunes lexicales et/ou syntaxiques.Peut-être, mais pas sûr!Dans le cas de la Trinité, l'étudiantcommet une première erreur, assezfréquente: la confusion entre sens

entrées libres < N°29 < mai 2008

avis de recherche

Et si on arrêtaitde tirer sur le pianiste…

"Ils ne comprennent même plus les consignes:c'est la méconnaissance du français qui les meten échec".Faites le test: balancez cette formule au milieu dela salle des profs ou au prochain conseil de classe.Vous pourrez très certainement constater qu'ellefait très vite l'unanimité parmi vos collègues!Il est même probable que l'un ou l'autre en arriverapidement à cette conclusion définitive: "… etd'ailleurs, le niveau baisse".

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commun du lexique et sens scienti-fique ou sens attendu par la discipli-ne ou par le professeur. Plus pro-fondément, il manifeste une absen-ce de culture religieuse de base,qu'il partage sans doute avec beau-coup d'autres. Dans le deuxièmecas, il s'agit moins d'un problème delangue que d'une difficulté à maitri-ser une conception claire de larépartition des pouvoirs. Lorsqu'unpouvoir de fait devient un pouvoir dedroit, l'autorité d'un gouvernementest assise. L'étudiant aurait dû com-prendre qu'un pouvoir exécutif avaitété mis en place, mais que le pou-voir législatif devait encore trouverune expression dans la mise enplace d'un Parlement. C'est sa mau-vaise perception du rôle d'unParlement qui provoque le choixerroné de car comme conjonctionentre les deux propositions.

CE QUI SE CONÇOIT BIEN…"Ce qui se conçoit bien, s'énonceclairement…". Ce vieux précepte deBOILEAU garde toute son actualité,estime Marc ROMAINVILLE. Il arri-ve régulièrement que les problèmesd'expression soient, en fait, des pro-blèmes d'idéation, de conceptuali-sation. Leur origine peut d'ailleursêtre multiple. Il peut s'agir d'undéfaut de compréhension partagéeentre élèves et professeurs sur cequ'il faut faire ou produire: ainsi enva-t-il de la consigne "Expliquezbrièvement tel phénomène", où l'ad-verbe introduit des possibilités d'in-terprétation assez diverses.

La mauvaise appréciation des exi-gences lexicales propres à une dis-cipline est une erreur assez fré-quente chez les étudiants, quelque-fois encouragés par des formulespièges des enseignants comme"Rédigez vos réponses avec vospropres mots". Les raccourcis ou lessous-entendus propres à la commu-nication ordinaire, utilisés dans uneanalyse scientifique, produisent ces"perles" que certains sites Internetrépertorient avec gourmandise.Ainsi, parlant de la progéniture desmarsupiaux, ce raccourci pour lemoins ambigu: "Le kangourou et lasarigue ont des poches sur le ven-tre dans lesquelles ils se réfugienten cas de danger". Qui est "ils"?

LES RAISONS D'UN SUCCÈS

Alors qu'on voit bien que les causesd'erreur sont multiples, pourquoicette explication passe-partout de"non-maitrise de la langue" connait-elle tant de succès dans les corpsprofessoraux? "On ne s'entend quesur des lieux communs. Sans ter-rain banal, la société n'est pas pos-sible". Rappelant cette assertiond'André GIDE, Marc ROMAINVILLEestime que l'explication des échecspar les difficultés langagières ou labaisse de niveau est un de ces lieuxcommuns qui rend la vie possibledans une microsociété comme unesalle des profs. Elle contribue aussià déresponsabiliser ceux qui la met-tent en avant, au même titre que le"réflexe Ponce Pilate" qui consiste àreporter sur le niveau d'études pré-

cédent les lacunes constatées. D'oùla célèbre formule: "Mais que faitdonc le secondaire - le primaire - lamaternelle - la famille?" 3. Enfin,c'est une élégante échappatoiredevant une réalité qui l'est beau-coup moins. Plutôt que d'admettreque le système scolaire est relative-ment indifférent aux différences etque l'inégalité des résultats scolai-res reproduit assez bien les inégali-tés sociales, les tenants de cetteexplication préfèrent en rester à unesorte d'idéologie des dons: les élè-ves échouent, non parce que leurenvironnement socio-familial n'estpas porteur, mais parce qu'ils nesont pas dotés des outils linguis-tiques adéquats.

TOUT LE MONDE SERETROUSSE LES MANCHES

Quelles implications didactiquescette analyse engendre-t-elle? PourMarc ROMAINVILLE, il faut dépas-ser la "rhétorique du déficit" et fairepreuve de pragmatisme pédago-gique. Il s'agit dès lors de travailler àidentifier les causes réelles desincompréhensions. Cela passe parune analyse portant sur l'ensemblede la situation de communication:l'étudiant, mais aussi l'enseignant etle contexte. Pour remédier aux diffi-cultés, il est nécessaire de prendresur soi de compenser les prérequisdéficitaires, de clarifier les contratsdidactiques implicites et d'entrainerles élèves à les décoder, ainsi qued'enrichir leur conception des disci-plines scientifiques et leur rapportau savoir."La méconnaissance du français estune cause d'échec". Oui, dans cer-tains cas. Mais tous les échecs n'ontpas pour cause la méconnaissancedu français. Et, à ne pas faire droit àcette réalité, on s'installe dans unsubterfuge confortable, où l'on netrompe peut-être que soi-même etdans lequel on se drape, au granddam de ceux qui en subissent lesconséquences.

JEAN-PIERRE DEGIVES

1. Marc ROMAINVILLE est professeur auxFUNDP de Namur et à l'UCL.2. Lors de la conférence d'introduction de lajournée ESFFIM (cf. pavé ci-contre) du 21février 2008.3. Entourez la mention utile, selon le niveaud'enseignement où vous travaillez!

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avis de recherche

entrées libres < N°29 < mai 2008

qu'est-ce donc que… ESFFIM?

"Enseignements secondaire et fondamental - Formation initialedes maitres", ESFFIM associe l'ensemble des professionnels de laformation des maitres et ceux qui assurent des responsabilités dansles différentes fédérations du SeGEC: responsables d'agrégations,professeurs des départements pédagogiques des Hautes Écoles,responsables du Certificat d'aptitude pédagogique en promotionsociale, responsables de secteurs à la FESeC, responsables institu-tionnels aux différents niveaux d'enseignement. C'est un lieu pours'échanger des informations générales sur l'organisation pédago-gique, pour réfléchir à des thématiques communes, pour construiredes outils ensemble… Le suivi des travaux est assuré par un Grouped'accompagnement et un Bureau.Lors de chacune des trois dernières années académiques, ESFFIM aorganisé une journée de rencontre à Louvain-la-Neuve. Le thème del'édition 2007-2008 était: "Les consignes dans nos enseignements".

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J acques VANDENSCHRIK,directeur du Service re-cherche et développement

pédagogique (SeRDeP) du Se-GEC, prend sa retraite ce 1er juin.Avec une culture aussi vivantequ'encyclopédique, une plumeflamboyante et une proverbialealacrité, il fut, tour à tour, collabo-rateur de l'encore nationaleFNETC (Fédération nationale del'enseignement technique catho-lique) et secrétaire général adjointde la FESeC (Fédération de l'en-seignement secondaire catho-lique), en charge notamment desquestions pédagogiques.Philosophe et romaniste, éprisde littérature et de poésie, pro-fondément empreint de culturehumaniste autant que fin con-naisseur des textes bibliques, cetancien directeur d’une école

d’enseignement technique et professionnel à Bruxelles a conservé,chevillée au corps sa carrière durant, une vraie préoccupation pour lesélèves les plus faibles et les plus fragiles, et particulièrement ceux qui,par cette sorte de sélection pas tout à fait naturelle, fréquentent l'en-seignement qualifiant.Il a accompagné tant de projets dans l’enseignement qualifiant, animétant de réunions de programmes, participé activement à la réforme del'enseignement professionnel et à l'enthousiasmante mise en placedes CEFA, qu'aujourd'hui, rares sont les directeurs qui n'ont pas béné-ficié de son optimisme volontariste, de ses conseils avisés et de sesmobilisateurs encouragements.Il fut aussi l'un des architectes de la mise en place des congrès del'enseignement catholique de 1998 et de 2002. Il prit part à leur matu-ration, de la conception jusqu'à la présentation. Il fut l'artisan de la ren-contre avec Marcel GAUCHET, qui accompagna notre réflexion, nousrappelant notre chance d'être les dépositaires d'une riche traditionéducative et fut l'un des artisans du renouvellement et de l'approfon-dissement de notre pluralisme situé. Dans la foulée de ces congrès, ilœuvra à l'organisation des universités d'été du SeGEC, lieux deréflexion et d'analyse indispensables à l'action.Familier des pédagogues, des philosophes et des sociologues de l'éducation, il joua le rôle de passeur d'idées, de facilitateur d'accès àla complexité des idées contemporaines.On ne saurait passer sous silence son écriture personnelle: dans desrecueils de poésie reconnus, appréciés et couronnés de prix presti-gieux, l'édition d'auteurs belges rares, des cartes blanches dans lesquotidiens, ou encore des chroniques iconoclastes à l'égard de la vul-gate pédagogiquement correcte dans la Revue Nouvelle, des articlesdans le Ligueur, cette écriture fait montre de l'étendue et de la perti-nence de ses champs de réflexion.Qui n'a rencontré Jacques en réunion ne sait que son oreille n'estjamais si attentive et son esprit si en éveil que lorsque la plume, le pin-ceau ou même la craie courent sur un papier brouillon soigneusementsélectionné, où ses talents de portraitiste, de caricaturiste, ou encorede peintre paysager s'expriment selon l'humeur. La main occupée n'al-tère jamais le jaillissement d'un trait, d'une réflexion, d'une saillie qui,par sa précision acérée, sa froide lucidité, sa cinglante bonhomie,ponctue les débats si elle n'y met pas fin.Cet infatigable travailleur, philosophe immergé en pédagogie, curieuxde l'essentiel et admirateur de l'accessoire, animateur d'équipe unani-mement respecté, mérite avant de poursuivre ses projets dans une vieque nous espérons pas trop éloignée de la nôtre, l'hommage de l'insti-tution qu'il a servie en humaniste intransigeant, en visionnaire inspiré,en honnête homme.

LE COMITÉ DES SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX DU SEGEC

"Quand Jacques VAN-DENSCHRICK a succé-dé à André PETITJEANà la FNETC, nous avonseu beaucoup de chance:Jacques était romaniste,

philologue, engagé, capable de maitri-ser une masse de problèmes, sensibleaux difficultés des écoles techniques etprofessionnelles, ne ménageant ni sontemps ni sa personne, aimable avec lescollaborateurs, respecté par tout unchacun. Le rituel était immuable:chaque matin, dans le bureau duSecrétaire général, rencontre bilingueet amicale entre néerlandophones etfrancophones, dans un respect mutuel,mais conscients de leurs différences,réunis pour le bien-être de toutes lesécoles. Après la communautarisation,les liens d'amitié ne se sont pas estom-pés. Basée sur une confiance réci-proque et un engagement de tous lesinstants pour nos écoles, cette amitiédépassait les différences linguistiqueset a résisté au temps. Jacques, j'ensuis convaincu, trouvera aisément denouvelles pistes où s'engager et plusde temps à consacrer à sa famille. QueDieu le bénisse, ainsi que tous ceux ettoutes celles qui lui sont cher(e)s".

Toon BOONE, ancien Secrétaire géné-ral de la Fédération (alors) nationale del'enseignement technique catholique(FNETC)

"«Toujours le vent visi-te les bannières». Cetitre de la troisièmeœuvre poétique publiéepar Jacques VANDEN-SCHRICK (Cheyne éd.,

1991) dit quelque chose de lui qui, pourmoi, a toujours été une bannière visitéepar le vent. Le vent qui visite Jacques,c'est le souffle de l'esprit!À la FNETC, il a constamment porté lesouci de l'enseignement technique etprofessionnel (que d'aucuns, ignorantsou aveugles, ne reconnaissaient pas àce lettré de haut vol!), et on ne peut quesouligner son engagement, muri dansles pas de Don Bosco, au bénéfice desplus pauvres du système scolaire, sonrefus de la sélection, sa quête perma-nente d'un sens pour l'action éducativeet pédagogique. Ce ne sont quequelques exemples où il a été bannièreou, si l'on veut, prophète à sa manière.Jacques, compagnon de plus de 40ans, a été mon plus précieux collabora-teur à la FESeC, celui qui m'a initié auxarcanes des relations avec les autresréseaux, l'administration, les cabinets etqui a nourri constamment notre actionen ouvrant le champ de la réflexion, enidentifiant nos propres contradictions,en décodant les évènements.

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un libraire, un livre

D e prime abord, deux axessous-tendent les proposde la psychanalyste Clau-

de HALMOS dans son dernierouvrage très didactique, L'autoritéexpliquée aux parents. Le premierprésente une définition de ce qu'ilfaut entendre par autorité, et dece qui fait autorité. Le second s'in-

téresse à ce qui peut et doit exercer une autorité.À travers son discours, elle vise tous ceux qui sont ame-nés à exercer une autorité: la parenté, le corps ensei-gnant, ou tout type de rapport hiérarchique. L'ouvrageest conçu sous la forme d'une suite d'entretiens; le tonest donc celui de la conversation, il est très libre, alerte.Première thématique du livre: que faut-il entendre parautorité? Que signifie mettre des limites à ses enfants?Tout d'abord, précise-t-elle, il n'existe pas d'autoriténaturelle, parce que celle-ci n'a pas à voir avec une per-sonne; c'est quelque chose qui est au-delà de la per-sonne qui l'exerce. L'autorité juste permet à l'enfant deréaliser que ce n'est pas seulement aux adultes mais,au-delà d'eux, à la loi qu'on lui demande d'obéir. ClaudeHALMOS nous dit voir souvent des parents prétendantn'arriver à rien avec leur enfant. Mais si cet enfant estgravement malade et qu'il faut lui faire prendre un médi-cament, ses parents réussissent à le lui donner. Parcequ'ils savent que le médicament, ça ne se discute pas.Contraindre devient une évidence, et les parents fontalors preuve d'autorité.Concernant son deuxième axe d'étude, la psychanalys-te nous montre qu'en dépit de la légitime égalité destâches et des rôles entre les femmes et les hommes, ilfaut, pour que l'autorité fonctionne, que la place de lamère et celle du père soient différentes. Dès que lamère fait référence au père dans un conflit d'autorité,elle quitte le combat à deux, et derrière le père, elle faitexister tous les adultes. Avec le père, on n'est jamais"toi" et "moi", mais toujours "toi", "moi" et la loi. Au final, son livre, plein de bon sens et d'éclaircissements,nous rappelle qu'un enfant qui grandit sans autorité est unenfant malheureux, que l'autorité permet à l'enfant decontenir ses pulsions. Claude HALMOS donne ici à tousles parents un outil qui leur offre la force de s'imposer.

Jean-François PALLOTLibrairie À Livre Ouvertrue Saint-Lambert 116 - 1200 BruxellesTél. 02/[email protected]

CONCOURSGagnez un exemplaire de ce livre en envoyant, avant le23 juin, un courriel à [email protected] vos coordonnées postales et comme objet dumessage: "autorité". Une seule réponse par adresse électronique.

Les gagnants du mois de mars sont:

Marianne PETIT, de Grâce HollognePatrick JANSEN, de NeupréIsabelle PICQUOT, de Banneux

Claude HALMOSL'autorité expliquée aux parentsEntretiens avec Hélène MathieuNiL éditeur, 2008

Converser avec Jacques est toujours sourced'ouverture, d'agrandissement de son point devue.Comment résister à citer un de ses poèmes,tiré du recueil précité:

Il se pourrait que tu oublies.Et qu'à chercher ce qui se taitTu ne trouves plus rienQu'un pain compliceDans le soir aggravé.

Nul doute que Jacques continue jusqu'au bout àchercher ce qui se tait. Bon vent vers la lumière!Un dernier mot: merci, mille mercis pour tout!".

Étienne FLORKIN, ancien Secrétaire généralde la Fédération de l'enseignement secondairecatholique

"Jacques VANDENSCHRICKsera le dernier des anciens com-battants à quitter l'équipe duSeGEC. À la FESeC, il a exercé,avec l'intelligence et l'imaginationqu'on lui connait, les fonctions de

Secrétaire général adjoint. Il était précédé deson talent de poète, d'homme de lettres et sesengagements à la «Revue Nouvelle». C'étaientdes années difficiles pour raison de contraintebudgétaire. Jacques savait prendre ces difficul-tés avec la distance de l'intellectuel, toujours unpeu ailleurs que dans l'immédiat, avec l'imagi-nation du poète, là où était son cœur. Lesembarras, les conflits n'étaient pas son fait. Ilpréférait regarder plus loin. Son talent d'aqua-relliste nous était son espace méditatif dans lequotidien parfois querelleur des réunions «inter-minables». Cela lui évitait d'autres impatienceset de nous laisser prendre des vessies pour deslanternes, quand les réformes se firent galopan-tes, car les réponses n'étaient pas toujours à lahauteur des questions.La direction du SeRDeP devait lui aller commeun gant. Un endroit stratégique où il pouvaitdonner libre cours au mouvement des pensées,dans la proximité avec Philippe PERRENOUDet d'autres. Il n'était pas fait pour se laisseremprisonner dans les doctrines et les idéolo-gies, interrogées avec une distance sainementsceptique.Sa trace est restée dans les Actes du Congrèsde 1998 et de celui de 2002, qu'il avait rendusdésirables. On se souvient du rôle, mené avecalacrité, de Monsieur Loyal pour ce qui étaittout autre chose qu'un cirque, dût-il en avoir lesapparences.Un respect réciproque en est né qui rendait sti-mulant l'échange des idées et des poètes, luidans le champ de l'école et de la littérature, moidans le champ de la mémoire «subversive» del'Évangile, pour un enseignement confessionnel.Beaucoup de choses passent de ce monde, lesliens de famille et d'amitié ne meurent pas. Ilssont semence de la vie du monde à venir.Merci, cher Jacques".

Armand BEAUDUIN, ancien Directeur généraldu SeGEC

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hume(o)ur

J e ne sais pas si vous êtescomme moi, mais je trouve l'ac-tualité décidément inépuisable

ces temps-ci. Au point qu'il faudraitvraiment être dur d'oreille pour nepoint succomber au chant de sessirènes. Encore qu'ici, il serait plutôtquestion de hertz, ce qui, il faut bienen convenir, est tout de suite nette-ment moins poétique.

CHUT!Ainsi vint le Mosquito, originaire dupays de Galles ou, si vous préférez,son homologue d'outre-Quiévrain,baptisé là-bas le Beethoven. Une arri-vée qui a fait grand bruit. Si j'osedire… enfin, pas pour tout le monde!Non, il ne s'agit pas d'un nouveau jeude la toujours nationale loterie. En fait,ce petit engin dispense des ultrasonsavec autant de prodigalité qu'un ado-lescent fait partager à toute une ramede métro les décibels prétendumentmusicaux extirpés de son GSM. Maisà la différence de cette torture musi-cale collective, les ultrasons, eux, nesont audibles que par les jeunesoreilles de moins de 25 ans et provo-quent, on ne sait trop pourquoi, unefranche débandade. Mon âge avancém'a empêchée de tester la chose,sinon mon sens du devoir journalis-tique n'aurait écouté… que son coura-ge. Or donc, les jeunes entendentmieux que les vieux. Non, je n'ai pasdit qu'ils écoutent mieux que lesanciens. Là, je vous laisse juge!

APPLICATION

À un endroit stratégique et hors deportée des malfaisants, vous fixezdonc ce petit caisson aussi commodé-ment qu'on monte un meuble IKEA. Àl'inverse de ce dernier, une fois votretravail terminé, c'est alors que lesennuis commencent. Quand vousdécidez de donner gratuitement unrécital desdits ultrasons, les médiastirent la sonnette d'alarme! Audible,elle, par tout un chacun. Récemment,dans une bourgade lointaine de la

province principautaire, un banquierl'a appris à ses dépens. Soucieux defaire respecter l'obligation scolaire etd'éviter aux jeunes écoliers de l'écoled'en face de céder aux appâts de lasociété de consommation en venantretirer trop souvent de l'argent dansson agence, ce brave homme mélo-mane avait placé l'objet litigieux sur sadevanture. Mal lui en pris! En moinsde temps qu'il ne faut pour l'entendre,le banquier adepte du plan Marshall etpréoccupé par le redressement sco-laire de la Wallonie a dû baisserpavillon et retirer la boite à musiquecontroversée. Exit, le Mosquito!

DEUX POIDS…On s'apprête donc à légiférer pourinterdire ce répulsif sonore. On parlemême de porter la question sur laplace publique européenne, histoired'accorder nos violons. Pourtant, lesexemples ne manquent pas d'autresinventions spécifiquement repous-santes à l'égard de la jeunesse etcontre lesquelles personne ne s'estjamais levé et ni aucune pétitionjamais lancée, alors qu'il en éclot

aujourd'hui plus promptement que lesmauvaises herbes dans un jardin.Prenez, par exemple, le chicon, ceMosquito gustatif de notre enfance.Aucune papille juvénile n'a jamaissupporté son caractère amer au-delàde l'obéissance factice à l'injonctionpaternelle d'en manger "quand mêmeun peu". On aurait pu inscrirel'exemption d'endive dans la déclara-tion des droits de l'enfant. Sauf envieirrépressible, bien entendu! Mais là,on fit la sourde oreille aux suppliquesinfantiles sous prétexte, qu'une foisadulte, "Tu verras, tu apprécieras!".Que retenir de tout ceci? Je ne vou-drais pas que vous me croyiez imper-méable aux protestations psycho-socio-philo-juridiques qu'a fait naitre cetocsin des temps modernes. Aussi,tentons de positiver. Et si demain, dansnos cantines, on servait les chicons endiffusant une sonate de Beethoven? Levrai! Cela ne coute rien d'essayer. Rienque pour voir qui se lèvera pour inter-roger: "Pour qui sonne le plat?".

EUGÉNIE DELCOMINETTE

entrées libres < N°29 < mai 2008

Beethovenet le chicon

LE CLOU DE L’ACTUALITÉ CONSIGNES (PP. 16-17)