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enrique vila-matas dublinesca Christian Bourgois éditeur Extrait de la publication

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enrique vila-matas dublinesca

Christian Bourgois éditeur

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DUBLINESCA

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Du même auteurchez le même éditeur

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BARTLEBY ET COMPAGNIE

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BARTLEBY ET COMPAGNIE

ENFANTS SANS ENFANTS

ÉTRANGE FAÇON DE VIVRE

IMPOSTURE

PERDRE DES THÉORIES

LE VOYAGEUR LE PLUS LENT

SUICIDES EXEMPLAIRES

Extrait de la publication

ENRIQUE VILA-MATAS

DUBLINESCA

Traduit de l’espagnolpar André GABASTOU

CHRISTIAN BOURGOIS ÉDITEUR ◊

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Titre originalþ:Dublinesca

© 2010 by Enrique Vila-Matas© Christian Bourgois éditeur, 2010

pour la traduction françaiseISBN 978-2-267-02083-0

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Pour Paula de Parma

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MAI

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Il appartient à la lignée de plus en plus clairseméedes éditeurs cultivés, littéraires. Ému, il assiste chaquejour au spectacle de l’extinction discrète, en ce débutde siècle, de la branche noble de son métier – éditeursqui lisent encore et ont toujours été attirés par la litté-rature. Il a eu des problèmes il y a deux ans, mais il asu fermer à temps sa maison d’édition qui, en défini-tive, même si elle jouissait d’un grand prestige, s’ache-minait avec une étonnante obstination vers la faillite.En plus de trente ans d’indépendance, il y eut de tout,des succès mais aussi de grands échecs. La dérive desderniers temps, il l’attribue à son refus de publier deslivres qui racontent les histoires gothiques à la modeet autres balivernes, masquant ainsi une partie de lavéritéþ: la bonne gestion financière n’a jamais été sonfort et, comme si c’était trop peu, son goût fanatiquede la littérature l’a peut-être desservi.

Samuel Riba – Riba pour tout le monde – a publiéla plupart des grands écrivains de son temps. Decertains un seul livre, mais c’était assez pour qu’ilsfigurent dans son catalogue. Même s’il n’ignore pasque quelques autres valeureux don quichottes sontencore en activité dans le secteur honorable de son

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métier, il aime parfois se considérer comme le dernieréditeur. Il cultive une image un peu romantique delui-même et a constamment l’impression de vivre lafin d’une époque et d’un monde, sans doute influencépar l’arrêt de ses activités. Il a une tendance exagérée àlire sa vie comme un texte littéraire, à l’interpréteravec les déformations propres au lecteur chevronnéqu’il fut pendant tant d’années. Il attend, par ailleurs,de vendre son patrimoine à une maison d’éditionétrangère, mais les pourparlers sont au point mortdepuis un certain temps. Une puissante et angoissantepsychose de la fin de tout s’est emparée de lui. Et rienni personne n’a réussi à le convaincre que vieillir a ducharme. Est-ce sûrþ?

En ce moment, il est en visite chez ses vieuxparents et il les regarde des pieds à la tête avec unecuriosité mal dissimulée. Il est venu leur raconter sonrécent séjour à Lyon. En dehors de la visite du mer-credi – rendez-vous obligatoire –, il a depuis long-temps contracté l’habitude d’aller les voir à ses retoursde voyage. Ces deux dernières années, il n’a même pasreçu le dixième des invitations à se déplacer qu’il rece-vait jadis, mais il a caché ce détail à ses parents, il leura aussi caché qu’il avait fermé sa maison d’édition caril considère qu’ils sont trop âgés pour supporter aisé-ment ce genre de contrariétés.

Il est heureux chaque fois qu’on l’invite quelquepart parce que, entre autres, il peut continuer à déve-lopper devant ses parents la fiction de ses multiplesactivités. Bien qu’il frise la soixantaine, il est, commeon peut le voir, très dépendant d’eux, peut-être parcequ’il n’a pas d’enfants et qu’eux, de leur côté, n’ont

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que luiþ: il est leur fils unique. Il s’est rendu dans desendroits qui ne l’attiraient guère uniquement pourleur raconter ensuite ses voyages et les laisser conti-nuer ainsi à croire – ils ne lisent pas les journaux etne regardent pas la télévision – qu’il édite toujours,qu’on le réclame en de multiples endroits et que, parconséquent, tout continue à très bien marcher pourlui. Mais ce n’est pas le cas. Alors que, lorsqu’il étaitéditeur, il était habitué à une grande activité sociale,maintenant c’est tout juste s’il en a une, pour ne pasdire aucune. À la perte de tant de fausses amitiés s’estajoutée l’angoisse qui s’est emparée de lui depuis qu’ila, il y a deux ans, cessé de boire de l’alcool. Autantparce qu’il sait que, ne buvant pas, il aurait été moinsaudacieux dans ses publications que parce qu’il ne faitpour lui aucun doute que son goût de la vie socialeétait forcé, pas du tout dans sa nature, et qu’il pro-cédait peut-être uniquement de sa peur maladive dudésordre et de la solitude.

Ces derniers temps, rien ne marche plus très bienpour lui depuis qu’il courtise la solitude. Bien qu’ilfasse tout pour ne pas le laisser sombrer dans le vide,son couple est plutôt chancelant, mais pas toujours,parce que sa vie conjugale passe par les étapes les plusvariées, elle va de l’amour et de l’euphorie à la haine etau sentiment de catastrophe. Il se sent de plus en plusinstable, il est devenu bougon et la plupart des chosesqui se présentent à lui au cours d’une journée luidéplaisent. À cause de l’âge probablement. Toujoursest-il qu’il commence à se sentir mal à l’aise dans lemonde et qu’approcher la soixantaine lui donnel’impression d’avoir une corde autour du cou.

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Ses vieux parents écoutent toujours ses récits devoyage avec une grande curiosité et une attention sou-tenue, à l’occasion comme deux répliques parfaites deKubilaï Khan écoutant les histoires que lui racontaitMarco Polo. Les visites succédant à tout voyage deleur fils semblent jouir d’un statut particulier, supé-rieur à celles, monotones et routinières, du mercredi.Celle d’aujourd’hui en est une. Il se passe toutefoisquelque chose de bizarre parce qu’il y a déjà un bonmoment qu’il est dans la maison et il n’a pas encoreété capable de parler, fût-ce du bout des lèvres, deLyon. S’il ne peut rien leur expliquer de son passagedans cette ville, c’est parce qu’il y était coupé dumonde et que son voyage était à ce point sauvagementcérébral qu’il n’a aucune anecdote un tant soit peuhumaine à leur raconter. De plus, ce qui s’y est passéest désagréable. Un voyage froid, glacial, comme cestrajets sous hypnose que, ces derniers temps, il entre-prend si souvent devant l’ordinateur.

Sa mère insiste et semble même un peu inquièteþ:—þTu es donc allé à Lyon.Son père a commencé à allumer lentement sa pipe

et le regarde, lui aussi, d’un air bizarre comme s’il sedemandait pourquoi il ne dit rien de cette ville. Maisque peut-il leur dire de son séjourþ? Il ne va pas semettre à leur parler de la théorie générale du romanqu’à lui tout seul il a été capable d’élaborer dansl’hôtel lyonnais. L’histoire de la genèse de cette théo-rie ne les intéresserait guère et, comme si c’était troppeu, il n’est pas très sûr qu’ils sachent très bien ce quepeut être une théorie littéraire. Dans le cas contraire,il est persuadé qu’ils s’ennuieraient à mourir. Et pour-raient en arriver à découvrir que, comme le dit bel et

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bien Celia, il est trop isolé, trop coupé du monde réel,trop accro à l’ordinateur ou, celui-ci faisant défautcomme à Lyon, à ses voyages mentaux.

À Lyon, il n’a cherché à aucun moment à contacterla Villa Fondebrider, l’organisation qui l’avait invité àprononcer une conférence sur la gravité de la situa-tion de l’édition littéraire en Europe. Peut-être parceque personne n’est venu l’accueillir à l’aéroport ou àl’hôtel, Riba, pour se venger du mépris manifesté parles organisateurs à son endroit, s’est enfermé dans sachambre d’hôtel et a réussi à y donner forme à l’un deses rêves du temps où il éditait et n’avait de tempspour rienþ: il a rédigé une théorie générale du roman.

Il a publié beaucoup d’auteurs importants, mais iln’y a que chez le Julien Gracq du roman Le Rivagedes Syrtes qu’il a perçu le sens de l’avenir. Dans sachambre de Lyon, les heures de réclusion s’égrenant àl’infini, il s’est efforcé de mettre au point une théoriegénérale du roman qui, à partir des enseignementsrepérés dès le départ dans Le Rivage des Syrtes, établis-sait les cinq éléments selon lui indispensables pour leroman à venir. Ces éléments, d’après lui essentiels,tous présents dans le roman de Gracq, sontþ: intertex-tualité, connexions avec la haute poésie, conscienced’un paysage moral en ruine, légère supériorité dustyle sur l’intrigue, l’écriture perçue comme une hor-loge qui avance.

Une théorie audacieuse puisqu’elle faisait du romande Gracq, jugé d’ordinaire désuet, le plus avancé detous. Il a rempli des tas de pages, commentant lesdivers éléments de cette proposition pour le roman àvenir. Mais, sitôt son dur travail fini, il s’est souvenude «þl’instinct sacré de ne pas avoir de théoriesþ» dont

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parle Pessoa, autre auteur favori dont il a eu l’hon-neur de pouvoir éditer L’Éducation du stoïcien. Il s’estsouvenu de cet instinct et a pensé que les romancierssont parfois d’une incommensurable sottise, il s’estalors rappelé plusieurs écrivains espagnols dont ilavait publié des histoires qui étaient le produit naïf dethéories savantes et prolixes. Quelle terrible perte detemps, a pensé Riba, que d’établir une théorie pourécrire un romanþ! Il pouvait en parler en connaissancede cause puisqu’il venait d’en écrire uneþ!

Car, s’est dit Riba, si quelqu’un a une théorie,pourquoi écrire un roman en fonction de celle-ciþ? Aumoment même où il se posait cette question et, sansdoute pour avoir moins l’impression d’avoir perduson temps, y compris en se la posant, il s’est dit quepasser tant d’heures à l’hôtel à écrire sa théorie géné-rale lui avait au fond permis de se débarrasser d’elle.Était-ce négligeableþ? Non, bien sûr. Sa théorie conti-nuerait d’être ce qu’elle était, lucide et audacieuse,mais il allait la détruire en la jetant dans la corbeille àpapier de sa chambre.

Riba a enterré secrètement, dans l’intimité, sa théo-rie et toutes celles que le monde a connues, puis il aquitté Lyon sans s’être à aucun moment mis encontact avec ceux qui l’avaient invité pour parler de lagravité – peut-être pas si grave, a pensé Riba tout aulong du voyage – de la situation de l’édition littéraireen Europe. Il est sorti par la porte dérobée de l’hôtelet est retourné en train à Barcelone vingt-quatreheures après son arrivée à Lyon. Il n’a laissé aux gensde la Villa Fondebrider aucun petit mot justifiant soninvisibilité ou son étrange fuite ensuite. Il a comprisque le voyage n’avait eu qu’un seul objectifþ: mettre

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sur pied une théorie pour ensuite l’enterrer dansl’intimité. Il est reparti tout à fait convaincu que cequ’il avait écrit et théorisé à propos de ce que devaitêtre un roman avait eu pour seul but de lui permettrede se délester de ce même contenu. Ou plutôt de luifournir l’indiscutable confirmation que ce qu’il y a demieux au monde, c’est de voyager et de perdre desthéories, de les perdre toutes.

—þTu es donc allé à Lyon, lui répète sa mère.Nous sommes fin mai, le temps est irrégulier, éton-

namment pluvieux pour une ville comme Barcelone.Journée froide, grise, triste. Il s’imagine un instantà New York, dans une maison où l’on entend lesvéhicules se diriger vers le Holland Tunnelþ: flots devoitures retournant au foyer après le travail. Pureimagination. Il n’a jamais entendu le bruit venu duHolland Tunnel. Il retombe vite sur terre, dans Bar-celone et sa déprimante lumière gris cendre. Celia, safemme, l’attend à la maison vers dix-huit heures.Tout se déroule selon une certaine normalité, mis àpart l’inquiétude qui s’empare peu à peu de sesparents voyant que leur fils ne parle absolument pasde Lyon.

Mais que peut-il leur raconter de ce qui s’est passélà-basþ? Que peut-il leur direþ? Que, comme ils lesavent fort bien, il ne boit plus d’alcool depuis que sesreins soumis à rude épreuve l’ont mené, il y a deuxans, dans un hôpital et qu’il en est resté prostré dansun état de sobriété permanente qui le pousse parfois àse livrer à des activités extravagantes comme élaborerdes théories littéraires et à ne pas sortir de sa chambred’hôtel, pas même pour faire la connaissance de ceuxqui l’ont invitéþ? Qu’à Lyon il n’a parlé avec personne

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et que, tout compte fait, depuis qu’il a arrêté d’éditer,c’est ce qu’il fait tous les jours à Barcelone pendant lesheures et les heures qu’il passe devant l’ordinateurþ?Que ce qu’il regrette le plus et qui le rend le plus tristeest d’avoir cessé d’éditer sans avoir découvert unauteur inconnu qui aurait fini par se révéler un écri-vain génialþ? Qu’il est encore traumatisé par cettefatalité inhérente à son ancien métier, cette fatalité siamère, d’avoir à chercher de nouveaux auteurs, ces êtreshélas si indispensables, puisque sans eux il est impos-sible que la baraque tienne deboutþ? Que, ces dernièressemaines, il souffre de complications au genou droit,dues sûrement à l’acide urique ou à l’arthrose, à sup-poser qu’il s’agisse de deux choses différentesþ? Que,jadis, l’alcool le rendait spirituel et qu’il est devenumélancolique, sans doute depuis toujours sa vraienatureþ? Que peut-il dire à ses parentsþ? Que tout estfiniþ?

La visite se déroule dans une certaine monotonie etils en arrivent même à se souvenir, en partie à causede l’ennui régnant, du jour déjà lointain de 1959 oùle général Eisenhower daigna visiter l’Espagne et mitun terme à l’isolement international du régime du dic-tateur Franco. Ce jour-là, son père débordait d’enthou-siasme, non pas parce que le maudit général galicienavait gagné la bataille, mais parce que les États-Unis,vainqueurs du nazisme, s’étaient enfin rapprochés dela désespérante Espagne. C’est l’un des premiers sou-venirs importants de sa vie. Il se souvient surtout dumoment où sa mère avait demandé à son père pour-quoi la visite du président nord-américain suscitait enlui un «þenthousiasme aussi démesuréþ».

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«þC’est quoi l’enthousiasmeþ?þ» avait demandél’enfant.

Il se souviendra toujours des termes exacts de cettequestion parce que – petit comme il était – c’était lapremière de sa vie. Il se souvient aussi de la deuxièmemais il est moins sûr de la façon dont il l’avait formu-lée. Il sait en tout cas qu’elle avait à voir avec son pré-nom, Samuel, et ce que lui avaient dit à l’école desprofesseurs et des enfants. Son père lui avait expliquéqu’il n’était juif que par sa mère et, comme elle s’étaitconvertie au catholicisme quelques mois après sanaissance, il n’avait pas à s’inquiéter – c’est ce qu’illui avait ditþ: pas à s’inquiéter –, il devait se considérercomme un enfant de catholiques sans rien avoir àajouter.

Son père, comme chaque fois que cette visite d’Eisen-hower revient sur le tapis, nie cet enthousiasme et ditque sa mère se trompe si elle pense que la visite duprésident américain l’avait outrancièrement exalté.Il nie aussi que son film préféré avait été, pendanttoute une époque, Haute Société de Charles Walters,avec Bing Crosby, Grace Kelly et Frank Sinatra. Ilsl’avaient vu au moins trois fois à la fin des années1950 et il se souvient que ce film mettait toujours sonpère d’excellente humeurþ: il aimait à la folie tout cequi venait des États-Unis, il était fasciné par le cinémaet le glamour des images venues de là-bas, attiré par lavie que de tels êtres humains menaient sur cette terreapparemment à cette époque aussi éloignée qu’inac-cessible. Il est fort possible qu’il ait précisément héritéde lui, de son père, cette fascination pour le Nou-veau Monde, pour le charme lointain de ces lieux quiparaissaient alors si inaccessibles, peut-être parce qu’y

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vivaient, semblait-il, les personnes les plus heureusesde la terre.

Ils parlent aujourd’hui de cette visite d’Eisen-hower, de Haute Société et du débarquement en Nor-mandie, mais son père s’entête à diverses reprisesà nier un tel enthousiasme. Quand pour ne pas s’en-liser, semble-t-il, ses parents s’apprêtent à reparler deLyon, le soir tombe très vite, avec une rapidité étrangepour Barcelone, tout s’assombrit à grande vitesse etarrive une surprenante trombe d’eau accompagnéed’une forte décharge électrique. Juste au moment oùil allait repartir.

Effrayant fracas d’un coup de tonnerre isolé. L’eautombe sur Barcelone avec une rage et une force incon-nues. Il a l’impression d’être enfermé et, en mêmetemps, d’être plus que capable de traverser les murs.Quelque part, en marge de l’une de ses pensées, ildécouvre une obscurité qui lui transperce les os. Iln’est pas trop étonné, il y est habitué. Il y a de forteschances qu’un peu plus tôt ait pris ses quartiers dansl’obscurité l’un des nombreux fantômes humides – pai-sibles fantômes de certains ancêtres – qui logent dansce sombre entresol.

Il veut oublier le spectre domestique qui lui trans-perce les os, se dirige vers la fenêtre et voit alors unjeune homme qui, sans parapluie, sous la pluie, postéau beau milieu de la rue Aribau, a l’air d’espionner lamaison. Peut-être est-ce un fantôme supérieur. Mais,sans aucun doute, un fantôme de l’extérieur qui n’aprécisément rien de familier. Ils échangent deux regards.Apparemment hindou, le jeune homme porte uneveste coupée comme celles de Nerhu, bleu électrique,à boutons dorés tout le long du plastron. Que fait-il là

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Réalisationþ: Nord Compo à Villeneuve-d’AscqImpressionþ: CPI Firmin-Didot à Mesnil-sur-l’Estrée

Dépôt légalþ: marsþ2010. N°þ2042 (XXXXX)Imprimé en France

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Dublinesca Enrique

Vila-Matas

Cette édition électronique du livre Dublinesca d’Enrique Vila-Matas

a été réalisée le 04 mai 2011 par les Éditions Christian Bourgois.

Elle repose sur l'édition papier du même ouvrage, (ISBN : 9782267020830).

ISBN PDF : 9782267022230. Numéro d’édition : 2042.

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