enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · bois et forÊts des tropiques,...

10
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR… Cédric Vermeulen 1 Chloé Schippers 1 Cécilia Julve 2 Mezogue Ntoune F.D. 2 Charles Bracke 1 Jean-Louis Doucet 1 1 Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux Unité de gestion des ressources forestières et des milieux naturels Laboratoire de foresterie des régions tropicales et subtropicales 2, passage des Déportés 5030 Gembloux Belgique 2 Nature plus Asbl S/c Laboratoire de foresterie des régions tropicales et subtropicales 2, passage des Déportés 5030 Gembloux Belgique Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ligneux dans le cadre de la certification en Afrique centrale Préparation collective de Ricinodendron heudelotii, Cameroun. Photo C. Julve.

Upload: others

Post on 17-Mar-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 ) 69PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Cédric Vermeulen1

Chloé Schippers1

Cécilia Julve2

Mezogue Ntoune F.D.2

Charles Bracke1

Jean-Louis Doucet1

1 Faculté universitaire des sciences agronomiques de GemblouxUnité de gestion des ressourcesforestières et des milieuxnaturelsLaboratoire de foresterie des régions tropicales et subtropicales2, passage des Déportés5030 GemblouxBelgique

2 Nature plus AsblS/c Laboratoire de foresterie des régions tropicales et subtropicales2, passage des Déportés5030 GemblouxBelgique

Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ligneuxdans le cadre de la certification

en Afrique centrale

Préparation collective de Ricinodendron heudelotii, Cameroun. Photo C. Julve.

Page 2: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

RÉSUMÉ

ENJEUX MÉTHODOLOGIQUESAUTOUR DES PRODUITS FORESTIERSNON LIGNEUX DANS LE CADRE DE LA CERTIFICATION EN AFRIQUECENTRALE

En Afrique centrale, les Pfnl occupentaujourd’hui une place centrale dansles processus visant à certifier lesforêts, place justifiée par l’importanceéconomique et culturelle que ces der-niers représentent pour des popula-tions locales encore très dépendantesde l’écosystème. Cependant, iln’existe encore que peu de méthodo-logies standardisées pour les intégrerdans les plans d’aménagementsforestiers. Le présent article constitueune contribution à cette probléma-tique. Il présente une synthèse com-parative de trois méthodologies utili-sées pour cartographier et caractériserles Pfnl de communautés locales enbordure de permis forestiers enAfrique centrale.

Mots-clés : Pfnl, cartographie,exploitation forestière, populationslocales, Cameroun, Gabon.

ABSTRACT

METHODOLOGICAL ISSUESCONCERNING NON-WOOD FORESTPRODUCTS IN THE CONTEXT OFCERTIFICATION IN CENTRAL AFRICA

In Central Africa, NWFPs have becomecentral to the process aiming to cer-tify the origins of construction timber,and rightly so, given the cultural andeconomic importance of non-woodforest products for local populationswho are still highly dependent ontheir ecosystem. However, few stan-dardised methodologies exist as yetto incorporate NWFPs use into forestmanagement plans. This article offersa contribution on this topic by pre-senting a comparative synopsis ofthree methodologies currently in useto map and characterise NWFPs usedby local communities along theboundaries of forest concessions incentral Africa.

Keywords : NWFP, mapping, forestuse, local populations, Cameroon,Gabon.

RESUMEN

RETOS METODOLÓGICOS SOBRE LOS PRODUCTOS FORESTALES NO MADEREROS EN EL MARCO DE LACERTIFICACIÓN EN ÁFRICA CENTRAL

En África Central, los PFNM ocupanhoy un lugar destacado en los proce-sos que tienen como objetivo la certi-ficación del origen de la madera deconstrucción. Este lugar se justificapor la importancia económica y cultu-ral que dichos productos tienen paraunas poblaciones locales que siguensiendo muy dependientes del ecosis-tema. Sin embargo, por ahora existenpocas metodologías estandarizadaspara integrarlas en los planes deordenación forestal. Este artículoaporta una contribución a esta pro-blemática. Se presenta una síntesiscomparativa de tres metodologíasutilizadas para cartografiar y caracte-rizar los PFNM de comunidades loca-les colindantes con concesionesforestales en África Central.

Palabras clave: PFNM, cartografía,explotación forestal, poblacioneslocales, Camerún, Gabón.

70 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 )

FOCUS / NON-WOOD FOREST PRODUCTS AND CERTIFICATIONC. Vermeulen, C. Schippers, C. Julve, M. Ntoune F.D., C. Bracke, J.-L. Doucet

Page 3: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Introduction

Selon la définition de la Fao, lesproduits forestiers non ligneux (Pfnl)sont des biens d’origine biologiqueautres que le bois, dérivés des forêts,des autres terres boisées, et desarbres hors forêts (Fao, 1999). EnAfrique centrale forestière, ces Pfnloccupent aujourd’hui une place cen-trale dans les processus visant à certi-fier les forêts, place justifiée par l’im-portance économique et culturelleque ces derniers représentent pourdes populations locales encore trèsdépendantes de l’écosystème(Clarck, Sunderland, 2004). LesPrincipes, Critères et Indicateurs desprincipaux organismes de certification(Forest Steward ship Council,Organisation africaine du bois,Organisation internationale des boistropicaux) les ont donc inscrits commeéléments prioritaires dans l’évalua-tion d’une gestion durable sur le plansocial. Si l’ensemble des acteursreconnaissent aujourd’hui l’impor-tance de cette prise en compte, lesparamètres permettant d’objectivercelle-ci sont encore mal définis. Endehors des techniques classiquesd’inventaire et de biométrie relative-ment lourdes (Wong et al., 2001), iln’existe en effet que peu de méthodo-logies standardisées pour les intégrerdans les plans d’aménagement fores-tier, si on excepte les recommanda-tions formulées par l’Association tech-nique internationale des boistropicaux (Atibt, 2005). La plupartdes plans d’aménagement se conten-tent de cartographies inspirées desméthodes participatives commecelles de Davis-Case (1993). Parailleurs, peu d’éléments quantitatifsprécis concernant l’évaluation decette intégration ont été développés.Enfin, la caractérisation des besoinsdes populations locales, notammenten termes de besoins en espaces decollecte, reste encore très lacunaire.

Récemment, des méthodologiesprônant un relevé des sites de col-lecte par les populations elles-mêmessont apparues (Lewis, Nelson, nondaté), notamment à la Compagnieinternationale du bois (Cib) au Congo-Brazzaville. Présentées d’emblée

comme une panacée à suivre dans lecadre des processus de certification(Hopkin, 2007), elles augurentcependant de coûts élevés pour unecollecte de données limitée. Cetteapproche ne semble pourtant pasdestinée à rester isolée. Anthropolo -gues et indigénistes semblent déci-dés (Freeman et al., 2008) à utiliser leFsc comme lieu de revendications dedroits supplémentaires pour lespeuples autochtones, notamment ence qui concerne la reconnaissance dedroits sur les Pfnl dans le cadre duprincipe Fsc 3.3. La récente certifica-tion Fsc de la société Pallisco auCameroun a notamment débouchésur une demande de la part des certi-ficateurs de mesures spécifiques ence sens. La question se pose doncdes pratiques concrètes à adopterquant aux Pfnl dans l’avenir.

Le présent article constitue unecontribution à cette problématique. Ilprésente une synthèse comparativede trois méthodologies utilisées pourcartographier et caractériser les Pfnlissus d’essences concurrentiellesdirectes (voir infra) de communautéslocales en bordure de permis fores-tiers en Afrique centrale.

Méthodes et lieuxd’enquête

Définitions

Dans le cadre des relations entreune entreprise forestière et les popula-tions locales, nous entendrons par«  essence concurrentielle  » touteespèce végétale recherchée à la fois parles populations locales, d’une part, etpar l’exploitant forestier et ses ayantsdroit, d’autre part. La concurrence pourune essence sera considérée comme« directe » si l’essence est recherchéepour la qualité de son bois d’œuvre parl’exploitant forestier et pour toute autrepropriété par les populations locales.Le moabi (Baillonnella toxisperma),dont les populations tirent une huile ali-mentaire, représente le cas embléma-tique de cette concurrence directe.

La concurrence sera considéréecomme « indirecte » dans le cas où l’es-sence n’est pas recherchée pour sonbois d’œuvre, mais que la présence del’exploitant forestier entraîne une exploi-tation de la ressource par ses ayantsdroit et leurs familles. Le bois amerGarcinia kola, recherché pour corser levin de palme, constitue un bel exemplede Pfnl convoité autant par les ouvriersque par les populations locales.

Le moabi, espèce concurrentielle par excellence.Photo C. Julve.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 ) 71PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Page 4: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Zones d’étude

Trois sites ont accueilli lesétudes présentées ici. D’une part levillage Badjoué de Medjoh, en péri-phérie de l’unité forestière d’aména-gement (Ufa) 10 044, et les villagesde l’axe Kongo-Zoulabot composésde ressortissants du groupe ethnolin-guistique Nzime en périphérie del’Ufa 10 039, tous situés à l’est duCameroun (figure 1). D’autre part levillage de La Scierie au nord-est duGabon composé de ressortissants dugroupe ethnolinguistique Kota, situéen périphérie de la concession fores-tière sous aménagement durable(Cfad) de l’Ogooué Ivindo (sociétéOlam-Gabon) (figure 2).

Méthodologie

L’étude portant sur la comparai-son de trois méthodologies diffé-rentes, ces dernières seront présen-tées en même temps que lesrésultats qu’elles produisent.

RésultatsCartographie dans

le cadre des inventairesd’aménagement

La cartographie dans le cadredes inventaires d’aménagement anotamment été testée au Cameroundurant l’aménagement de la conces-sion 10 039 (Hubert et al., 2004).Après une enquête préliminaired’identification des Pfnl collectés(noms locaux, mode de récolte, par-tie collectée, usage), treize essencesde Pfnl dites «   spéciales   », trèsrecherchées par les populationslocales, ont été intégrées à l’inven-taire d’aménagement (taux d’inven-taire à 1,3 %). Citons pour exempleIrvingia gabonensis, Annonidiummanii, et surtout le moabi Baillon-nella toxisperma. Couplés à un sys-tème d’information géographique,les inventaires d’aménagement per-mettent de représenter spatialementla distribution de chaque Pfnl dans la

concession (figure 3). Ils permettentégalement de calculer une densitéestimée à l’hectare et d’effectuer uneanalyse de la structure en classesdiamétriques (figure 4). Dans le casdu moabi traité ici, le graphiquemontre que cette essence présentaitune structure décroissante. Sacourbe de distribution n’annonçaitaucun problème de régénération.Dans le cas contraire, la méthodepermet d’envisager des solutions pal-liatives pour les espèces dont la régé-nération est menacée : mise en pépi-nière et enrichissement des trouéesd’abattage, par exemple.

Cette approche ne permet cepen-dant pas de localiser les sites de col-lecte. Le nombre de pieds utilisés parles populations locales et leur locali-sation ne sont pas connus. L’identifi-cation des sites de collecte situésdans la concession et potentiellementconflictuels n’est pas possible.

Figure 1.Localisation de la zone d’étude au Cameroun.

72 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 )

FOCUS / NON-WOOD FOREST PRODUCTS AND CERTIFICATION

Page 5: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Cartographie intégrée à l’étude de l’occupation

spatiale

L’étude de l’occupation spatialed’un village (Vermeulen, 1997)consiste à géopositionner l’ensembledes activités actuelles et passéesd’une communauté humaine, dont lacollecte des produits forestiers nonligneux. Les sites de collecte de pro-duits forestiers non ligneux visitéspar les populations sont géoposition-nés et les informations sur les usageset les parties collectées sont enregis-trées par un enquêteur accompagnéde villageois. Ensuite, ces informa-tions sont intégrées dans un systèmed’information géographique et leurtraitement permet la production decartes thématiques.

Cette approche permet deconnaître la position géographiquedes sites de collecte villageois, lesespèces utilisées par les populationset les usages qu’ils en font. Les sitesde collecte de Pfnl conflictuels situésdans les concessions forestières peu-vent aussi être identifiés.

Les résultats se présentent sousforme de cartes constituées denuages de points représentant larépartition spatiale des sites de col-lecte (figure 5) de Pfnl, espèce parespèce, dans le finage villageois.

Les données collectées permet-tent également de calculer lenombre de sites de collecte situés àune distance donnée du village(tableau I). Ces cartes et tableauxmontrent notamment que la majoritédes Pfnl importants sont collectés lelong de pistes préférentielles, dansun rayon de 9 km maximum autourdu village concerné.

La cartographie des Pfnl liée àl’étude de l’occupation spatiale nerenseigne cependant pas sur larépartition naturelle des espèces dePfnl ni sur la structure de leursclasses diamétriques.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 ) 73PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Figure 2.Localisation de la zone d’étude au Gabon.

Figure 3.Localisation des Irvingia gabonensis (manguiers sauvages ou Andoks) d’après l’inventaire d’aménagement de l’UFA 10 039 (Cameroun).

Page 6: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Cartographie participativepied par pied

La cartographie participativepied par pied consiste à géoposition-ner l’ensemble des pieds des princi-pales espèces de Pfnl en étroite colla-boration avec les villageois. Les piedsde Pfnl de deux villages Nzime enpériphérie de l’Ufa 10 044, au sud-estdu Cameroun, ont été cartographiésde cette manière. Unité familiale parunité familiale, les utilisateurs dési-gnent les sites de collecte et lesarbres utilisés. Tous les arbres utilisésrencontrés sont localisés (enregistre-ment des coordonnées géogra-phiques au Gps et description de laformation végétale) et certainescaractéristiques (diamètre à hauteurde poitrine et phénologie) relevées.Ils sont en outre marqués afin d’êtrepréservés par l’exploitant. Les résul-tats se présentent sous forme decartes constituées de nuages depoints représentant la répartitionspatiale des pieds des principauxarbres (figure 6) inscrits dans leslimites des permis forestiers et de laforêt communautaire du village.

Les données collectées permet-tent également de calculer les dis-tances des arbres utilisés au village.Le tableau II montre notamment queplus de 99 % des arbres utilisés sontsitués à moins de 4,5 km du village.

Elles permettent également dedresser la courbe en structure diamé-trique des seuls arbres qui font l’objetd’une collecte. Ces courbes ne rensei-gnent cependant pas sur la bonnerégénération ou non de l’espèce. Ellesne fournissent qu’une donnée limitée,très facultative, mais originale, à savoirles classes diamétriques recherchéespar les populations locales.

Figure 4.Structure de population de Baillonella toxisperma dans l’Unité Forestièred’Aménagement 10 039 (Cameroun).

Figure 5.Répartition de quatre principaux produits forestiers non ligneux (amvout,Trycoscypha acuminata ; andok, Irvingia gabonensis; moabi, Baillonellatoxisperma ; noisetier, Coula edulis) récoltés dans le village de La Scierie (Gabon).

74 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 )

FOCUS / NON-WOOD FOREST PRODUCTS AND CERTIFICATION

Tableau I. Nombre de sites de collecte de Pfnl en fonction de la distance au village de La Scierie (Gabon).

Distance maximale du village en km1 2 3 4 5 6 7 8 9

Nombre cumulé de sites 46 64 158 390 604 845 874 977 1 016de collecte

% cumulé de sites de collecte 5 6 16 38 59 83 86 96 100

Page 7: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Dans le processus d’aménage-ment, ce type de cartographie inter-vient en même temps que l’inventaireen plein, avant exploitation de l’as-siette de coupe annuelle. Il est réa-lisé par l’équipe du volet social char-gée à la même époque de mettre enplace dans les villages les plates-formes de concertation.

DiscussionAvantages comparatifs

des trois méthodesprésentées

Pour réduire les conflits entrecommunautés villageoises et exploi-tants forestiers sur les espècesconcurrentielles, la méthodologieproposée devrait permettre :

▪ d’identifier les espèces concurren-tielles ;▪ de positionner la ressource collec-tée dans l’espace avec les popula-tions locales ;▪ d’identifier les sites de conflits ;▪ de déterminer le statut de la res-source (régénération, maintien depieds productifs).

Le tableau III présente la compa-raison des trois méthodologies selondifférents critères d’efficience. Bienque la méthode consistant à position-ner l’ensemble des sites principauxde collecte de Pfnl revienne le moinscher, elle reste la moins intégrée à ladémarche de l’aménagement.

Pour remplir les quatre condi-tions (identification des espècesconcurrentielles, position de la res-source, identification des sites deconflits, statuts de la ressource), ilest donc recommandé, aprèsenquête d’identification préalablecommune à toutes les méthodes, decombiner un inventaire d’aménage-ment intégrant les principalesespèces concurrentielles à une carto-graphie participative par pied.

Pfnl et certif icationforestière

La cartographie des sites de col-lecte de Pfnl constitue un enjeu majeurde la certification forestière. Certainsauteurs (Hopkin, 2007) ont proposéune méthode consistant à fournir auxpopulations locales (populationssemi-nomades notamment) desCybertrackers permettant à ces der-nières de géopositionner elles-mêmesl’ensemble des sites (y compris lessites de collecte et les pieds d’es-sences concurrentielles) importants àleurs yeux et situés dans la concessionforestière. Cette solution, dont l’éva-luation scientifique n’est pas encoredisponible, semble représenter unsommet dans la participation. Elle estprésentée par ses promoteurs (Lewis,Nelson, non daté) comme le modèle àsuivre dans le cadre de la certificationFsc. Cependant, les acteurs de terrain,

Différents Pfnl sur le marché d’Abong-Mbang, Cameroun.Photo C. Julve.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 ) 75PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Tableau II. Distribution des arbres utilisés en fonction de la distance à Medjoh(Cameroun).

Arbres à Pfnl Distance par rapport au village Total0-1,5 km 1,5-3 km 3-4,5 km 4,5-6 km

Baillonnella toxisperma 65 26 3 94

Irvingia gabonensis 169 78 15 2 264

Ricinodendron heudelotii 101 41 17 159

Total 335 145 35 2 517

% cumulé du total 65 93 99,6 100

Page 8: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

76 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 )

FOCUS / NON-WOOD FOREST PRODUCTS AND CERTIFICATION

Connaissance des usages et organes des Pfnl utilisés

Nombre d’espèces de Pfnlétudiées

Connaissance de larépartition naturelle desPfnl dans la concession

Connaissance de lastructure et régénérationdes Pfnl

Connaissance de larépartition spatiale dessites de collecte villageois

Connaissance du nombrede pieds utilisés de chaqueespèce

Évaluation de distance de collecte

Identification des sitesconflictuels

Participation villageoise

Aspects organisationnels

Équipe et temps nécessaire

Coûts estimatifs

Tableau III. Avantages comparatifs des trois méthodes de cartographies utilisées

Méthodologie 1.Cartographie durantl’inventaire d’aménagement

Enquête préalablenécessaire

Important

Excellente

Excellente

Non adaptée

Non adaptée

Non adaptée

Non adaptée

Très faible (à traversouvriers locaux)

Intégré à l’inventaired’aménagementSig complexe

1 personne affectée àl’équipe d’inventaireclassique1 responsable Sig (pleintemps) Durée de l’inventaire

En sus des coûts liés àl’inventaire classique,0,15 €/ha par espèce dePfnl inventoriée en plus (lecoût reste fixe quel que soitle nombre de villages etdépend de la surface de laconcession)

Méthodologie 2.Cartographie intégrée à l’occupation spatiale

Enquête réalisée en mêmetemps

Important

Non adaptée

Non adaptée

Très bonne

Moyenne

Très bonne

Très bonne

Bonne

Enquête spécifiqueSig

1 enquêteur1 accompagnateurvillageois1 responsable Sig (tempspartiel)

0,01 €/ha par espèce dePfnl dont les sitesprincipaux sont à identifier(le coût total dépend de lasurface cumulée desfinages villageois àparcourir et du nombred’espèces à positionner)

Méthodologie 3.Cartographie participativepar pieds

Enquête réalisée en mêmetemps

Faible

Non adaptée

Estimation portantseulement sur les arbresdont on collecte les fruits et non sur le peuplementnaturel.

Très bonne

Très bonne

Très bonne

Très bonne

Très bonne

Enquête spécifiqueintégrée à la préparation del’exploitation de l’assietteannuelle de coupeOutils informatiquessimplifiés

1 enquêteur1 accompagnateurvillageois1 responsable traitementdonnées (temps partiel)

0,05 €/ha par espèce dePfnl à positionner (le coûttotal dépend de la surfacecumulée des finagesvillageois à parcourir et dunombre d’espèces àpositionner)

Page 9: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

responsables de sa mise en œuvre,soulignent (Madingou, Obimbola,2007) que de nombreuses difficultésdoivent encore être résolues, notam-ment le fait que cette méthodologierequiert un double enregistrement(Gps et Cybertracker), que l’intégrationdans les données de l’aménagementest complexe, et que la méthodologieactuelle exige de revenir deux à troisfois sur le terrain.

On imagine sans difficulté qu’elleprésente également un coût élevé, tanthumain que matériel. Elle dépend enoutre fortement de la confiance queles populations portent au processus(elles peuvent délibérément cacherdes arbres) et de l’effort qu’ellesconsentent, qu’on pourra imaginerfaible si elles ont mal perçu l’enjeu dela cartographie, ou au contraire exces-sivement élevé si elles escomptent seservir des résultats pour obtenir unecompensation monétaire. Par ailleurs,elle ne fournit aucune donnée chiffréequant à l’état de la ressource (régéné-ration naturelle notamment).

La certification forestière Fsc est àla recherche de standards de terrain àfaire appliquer. Si le cas d’étude testésur la compagnie forestière Cib estcertes séduisant, il ne faut pas oublierqu’il s’inscrit dans le cadre d’une desplus grandes sociétés industrielles enactivité dans le bassin du Congo. Ladimension même de la société autorisedes initiatives dont le coût serait insur-montable pour d’autres entreprises,surtout en temps de crise financièremondiale. L’enjeu pour la certificationde type Fsc est donc considérable : siles standards exigés par cette dernièrereposent sur des méthodologies peuintégrées à la démarche de l’aménage-

ment, coûteuses en temps, en logis-tique et en hommes, il y a fort à parierque les entreprises forestières qui hési-tent aujourd’hui au seuil de différentescertifications se détournent d’elles.Dans un contexte où les initiatives fleu-rissent (certificats de bonne conduite,certificats de légalité, partenariatsvolontaires), le risque de voir la certifi-

cation Fsc en Afrique centrale limitée àquelques très grosses entreprises« élites » (une vingtaine de permisforestiers) devient très grand. Il importedonc d’évaluer d’autres méthodes decartographie, telles que celles propo-sées dans cet article, avant de pré-tendre les ériger en standards.

Figure 6.Répartition spatiale des trois Pfnl principaux à Medjoh (Cameroun).

Graines et fruits de moabi (Baillonella toxisperma), Cameroun.Photo C. Julve.

Amandes de Ricinodendronheudelotii en vente sur un marché,Cameroun.Photo C. Julve.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 ) 77PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Page 10: Enjeux méthodologiques autour des produits forestiers non ... · BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 69 PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX ET CERTIFICATION / LE POINT SUR…

Conclusion

La combinaison des trois métho-dologies évaluées dans cette études’avère certes moins séduisante quecelle consistant à produire une« inside knowlegde » par des commu-nautés utilisant les Cybertrackers,selon les mots de l’auteur (Hopkin,2007), « like a video game ». Ellesproduisent cependant des donnéesquantifiées fiables à des coûts raison-nables, et intégrées dans les proces-sus habituels de l’aménagement.Elles fournissent surtout une idée del’état de la ressource, et des mesuresconcrètes à prendre pour pallier sasurexploitation ou certaines insuffi-sances de sa régénération. En outre,elles constituent une alternative cré-dible à une expérience unique, peut-être trop vite annoncée commel’exemple à suivre en matière de Pfnldans les concessions forestièresd’Afrique centrale.

Référencesbibliographiques

ATIBT, 2005. Étude sur le plan pra-tique d’aménagement des forêtsnaturelles de production tropicalesafricaines. Application au cas del’Afrique centrale. Volet 2. Aspectssociaux. Paris, France, Atibt, 76 p. +annexes.

CLARCK L. E., SUNDERLAND C. H.,2004. The Key Non-Timber forestproducts in central Africa : state ofthe knowledge. USAID, Technicalpaper, 122, 199 p.

D’ARCY DAVIS-CASE, 1993. Foresteriecommunautaire. Diagnostic, suivi etévaluation participatifs. Arbres,Forêts et Communautés rurales.Notes sur la foresterie communau-taire. Rome, Italie, Fao, 133 p.

FAO, 1999. Vers une définition har-monisée des produits forestiers nonligneux. Unasylva, 50 (198) : 53-94.

FREEMAN L., LEWIS J., BORREILL-FREEMAN S., WIEDMER C., CARTER J.,CLOT N., TCHOUMBA B., 2008. Free,prior and informed consent : implica-tion for sustainable forest manage-ment in the Congo Bassin. Workshopon forest governance and decentrali-sation in Africa, 8-11 avril 2008, Dur-ban, Afrique du Sud.

HOPKIN M., 2007. Mark of respect.Nature, 448 : 402-403.

HUBERT D., FETEKE F., NKOLONG E.,2004. Plan d’aménagement del’unité forestière d’aménagement10 039. Ets Assene Nkou, R. Pallisco,Nature plus, Minef, République duCameroun, 158 p.

LEWIS J., NELSON J. (non daté). Log-ging in the Congo Basin. What hopefor indigenous people’s resources,and their environment ? Documentde travail, 8 p. http://www.tropicalforesttrust.com/ media/uploaded/JL_JN_Paper_on_Congo_Basin_IPs.pdf (consulté le 08/05/2008).

MADINGOU E., OBIMBOLA G., 2007.L’utilisation de la cartographiesociale participative comme outil decommunication dans la gestion d’uneunité forestière d’aménagement :l’expérience de la CIB avec les com-munautés autochtones (locales etsemi-nomades). In : Séminaire de for-mation Atibt «  Module social del’aménagement forestier  », Enef,Libreville, Gabon, 1-9 octobre 2007.

VERMEULEN C., 1997. Problématiquede la délimitation des forêts commu-nautaires en forêt dense humide, Est-Cameroun. In : Proceedings of theLimbe Conference, Limbe Botanicgarden, Cameroon, 17-24 January1997. Londres, Royaume-Uni, Earth-watch Europe, UK Tropical ForestForum, 106-123.

WONG J. L. G., THORNBER K., BAKERN., 2001. Évaluation des ressourcesen produits forestiers non ligneux :expériences et principes de biomé-trie. Rome, Italie, Fao, Produits fores-tiers non ligneux n° 13, 108 p. +annexes.

78 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 )

FOCUS / NON-WOOD FOREST PRODUCTS AND CERTIFICATION

Collecte de fruits de moabi (Baillonella toxisperma) en forêt, Cameroun.Photo C. Julve.