eliphas_levi_fables

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    Eliphas LviFABLES ET SYMBOLESTranscription Arsne Saint-Agnile.

    Note : Dans l'ouvrage original lescommentaires ne suivent pas les fables, maisfont l'objet d'une partie distincte. Du fait quel'ouvrage sera mis en ligne petit petit, cetordre n'a pas t respect : chaque fable estdirectement suivie de son commentaire.

    LIVRE PREMIERFABLE PREMIRELE POETE ET LA CIGALE.Sur la verdure pose, Et s'enivrant au soleilD'une goutte de rose, La cigale, son rveil,Bnit la nature et chante Au loin, sa voixinnocente Annonce le bel t.Sous un grand chne abrit Anacron l'coute,il accorde sa lyre, C'est la cigale qui l'inspire ;II chante la cigale, il chante les beaux jours, Etl'innocence et les amours;Il chante les curs purs qui, comme la cigale,

    Mnent devant les dieux une existence gale,Et confiant leur vie aux faveurs du soleil,S'endorment sur, la foi de l'horizon vermeil!Une piqre importuneVient l'interrompre; il croit voir S'agiter commeun point noir: La fourmi difforme et brune,

    L'avare et sotte fourmi

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    Qui ne chante pour personne, Prte peu,jamais ne donne, Et ne connat pas d'ami.Il veut craser la bte ; Mais la cigale, en

    chantant, Attendrit son cur content Peut-on,lorsqu'on est pote Avoir un cur sans bontEt sans gnrosit ?La cigale, qui devine, Dit au vieil Anacron- En pargnant ma voisine, Tu m'as pay machanson

    La fourmi noire et chagrine Eut grand tort de leblesser; Mais pour sauver la mauvaise, J'aichant, j'en suis bien aise, Maintenant je vaisdanser.

    LIVRE PREMIERSYMBOLE PREMIERLE POETE ET LA CIGALE.Dans le symbolisme hiroglyphique desanciens la cigale reprsente les aspirationsvers la divinit, elle annonce le printemps, elletient de la sauterelle, et du scarabe qu'on voitsouvent gravs parmi les signes sacrs de

    l'gypte. Anacron l'a chante dans une odequi est presque un hymne. La fourmi aucontraire est un signe typhonien ; elle tient dela mouche consacre Beelzebub, et cela estsi vrai qu'une varit de fourmis porte desailes. Les fourmis s'entredtruisent, se

    dvorent entre elles et piquent ceux qui lestouchent. La Fontaine avait donc raison de dire

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    que l'avarice goste est le moindre dfaut dela fourmi : elle en a en effet bien d'autres.Notre fable qui place l'homme entre ces deux

    symboles, reprsente la lutte des deuxpenchants opposs de la vie humaine,l'aspiration cleste et l'instinct matriel, lachanson de l'idal et la morsure du positif, etc'est dfinitivement l'idal qui remporte toutl'avantage.

    C'est en effet l'ide affranchie des intrtssaluant l'avenir, comme la cigale salue leprintemps, qui dcide des intrts mmes. Lesgrands courants d'opinion sont soulevs etconduits par les ides gnreuses qui excitentl'enthousiasme. La foi est le levierd'Archimde, lorsqu'on a un point d'appui dansle ciel, on remue et l'on dplace la terre.La foi est donc le premier principe de laphilosophie occulte que nous dfinirons lascience des lois et des forces exceptionnellesde la nature.L'tre est. Dans l'tre est la vie; dans la vie

    l'intelligence, non comme accessoire, maiscomme principe.Ceci nous mne droit la connaissance deDieu.Les lois de la vie universelle sont les loisdonnes par l'universelle.

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    L'intelligence particulire subit ces loisgnrales et en est l'esclave tant qu'elle ne lesapproprie pas ses usages particuliers.

    Il est donn l'homme un petit monde rgirpar sa volont. Si sa volont n'est pas libre, ilsubit les lois fatales qui le traitent en esclaveet tendent le rsorber dans la mort, carl'intelligence universelle travaille dtruire lesesclaves et crer des hommes libres.

    Le propre de l'intelligence, dgage desinstincts, est le dvouement. Le ciel en morale,c'est l'harmonie des sentiments gnreux, et laterre ou l'enfer c'est le conflit des instinctslches.Celui qui veut user en lche de la puissanceocculte sera dvor par elle. La lumireuniverselle, qui est le grand agent desprodiges, est le feu de l'enfer pour lesmchants.Nous reprsentons ici l'initi sous la figure d'unpote. En effet, posie vent dire cration etl'initi est un vritable crateur. II donne la

    lumire et conserve la vie ceux mmes qui leperscutent, il ne se venge que par desbienfaits. Ses enchantements des chants enl'honneur de Dieu et de la nature, et lorsqu'il aconserv la vie au profane qui le mconnaissaitet voulait le condamner la misre et la

    rprobation, il peut dire comme la cigale denotre fable

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    J'ai chant, j'en suis bien aise, Maintenant jevais danser.

    FABLE IILE LOUP PRIS AU PrEGE.Au beau milieu d'un traquenard Un loup se jetad'aventure,Il y fut pris : bonne capture !Survient Robin mouton, qui passait par hasard.

    Alors, forc d'tre hypocrite, Avec un ton dechattemiteLe loup, pour la premire fois Adoucissant sagrosse voix- Mouton mon fils, mouton mon frre, Moutonmon ami, mon compre, Crois-moi, je t'aitoujours aim.Je suis un pauvre loup captif et dsarm, Tire-moi de ce maudit pige !- Quand je le voudrais, le pourrais-je ? Ditl'autre ; j e n'en ferai rienQuand mme: je te connais bien. Dis, n'as-tupas croqu ma mre ?

    - Pas tout fait... peine... il s'en faut debeaucoup. - Si ce n'est toi, c'est donc tonfrre !A mon tour, compre le loupQuand vont venir les chiens, fais-leur dolance.Ah ! tu croyais que le plus fort

    A toujours raison quand il mord ! On te mordra,prends patience.

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    D'audace et de pouvoirs qu'un mchant soitarm, Quand l'heure sonne, il faut qu'il expie etqu'il meure.

    Et la raison de l'opprim Devient tt ou tard lameilleure.

    SYMBOLE IILE LOUP PRIS AU PrEGE.Le loup reprsente l'impit et la frocit. La

    mythologie nous prsente Lycaon chang enloup. Le monde profane est figur dans leshiroglyphes du Tarot par un loup, un chien etune crevisse. Le loup c'est l'incrdule, le chienc'est le croyant aveugle, et l'crevisse c'estl'ennemi du progrs. Le loup reprsente aussile nord, rgne de Gog et de Magog suivant leshirophantes hbreux. On trouve aussi la ttede loup parmi les symboles typhoniens del'Egypte. Le loup est consacr Mars, dieu dela guerre et de la destruction, aussi leprenonsnous ici pour la reprsentationallgorique de ces puissances brutales qui

    oppriment l'intelligence et la lumire figurespar l'agneau. Notre agneau a grandi ; il estdevenu le mouton ou le blier solaire, et ilrefuse son concours ces vieux despotismespris au pige de leur propre politique. Ce n'estpas la colre du lion qui est terrible, dit la

    Bible, c'est la colre de l'agneau. Le sang dujuste ne coulera pas toujours en vain, on

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    n'gorgera pas toujours les femmes et lesenfants qui prient et qui pleurent enembrassant l'autel de la patrie. Celui qui frappe

    de l'pe prira par l'pe, a dit le Matre, etc'est l, en effet, une des grandes lois tudiespar la philosophie occulte. La force universelletend ncessairement l'quilibre, et cetquilibre se rtablit toujours fatalement encorrigeant un excs par l'excs contraire. Celui

    qui aura tu sera tu, celui qui aura exil seraexil, celui qui aura fait des esclaves seraesclave. La lumire universelle, lorsque vous lacomprimez un de ses ples, se jette l'autreavec l'imptuosit de la foudre. Si vous vouscoupez un membre, vous souffrirez du membreque vous n'aurez plus d'incessante etd'inexprimables douleurs. Qu'un grand empiresupprime une nationalit, et sa ruine viendrade cette nation mutile. Quand vous bnissezune maison, dit le grand initiateur, si cettemaison n'en est pas digne, votre bndictionreviendra sur vous. II en est de mme de la

    maldiction, gardez-vous de maudire, car si ceque vous maudissez est digne de bndiction,votre maldiction reviendra sur vous et voustuera.Lorsqu'on projette avec une force extra-normale, la lumire magntique, si elle

    rencontre une rsistance gale la force deprojection, elle revient son point de dpart en

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    y entranant un courant form par le choc etdtermin par un tourbillon.

    FABLE IIILE FAKIR ET LE BRAMIN.Portant une hache la main, Un fakir rencontreun bramin- Fils maudit de Brama, je te retrouve encore !Moi, c'est Eswara que j'adore !

    Confesse devant moi que le matre des cieuxEst le meilleur des dieux,Et que moi je suis son prophte, Ou je vais tefendre la tte !- Frappe, lui rpond le bramin,Je n'aime pas un dieu qui te rend inhumain. Lesdieux n'assassinent personne.Crois ou ne crois pas que le mien Est plusindulgent que le tien Mais en son nom, je tepardonne.

    SYMBOLE IIILE FAKIR ET LE BRAMIN.

    Quand les forces contraires ne s'quilibrentpas, elles se dtruisent mutuellement.Les enthousiasmes injustes, religieux ouautres, provoquent par leur excs unenthousiasme contraire.C'est pour cela qu'un clbre diplomate avait

    raison lorsqu'il disait: N'ayez jamais dezle.

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    C'est pour cela que le grand Matre disait:Faites du bien vos ennemis et vousamoncellerez du feu sur leur tte.

    Ce n'tait pas la vengeance par les moyensoccultes que le Christ voulait enseigner, maisle moyen de rsister au mal par une savante etlgitime dfense.Ici est indiqu et mme dvoil un des plusgrands secrets de la philosophie occulte.

    FABLE IVLE VIEUX RAT ET LE RATON.Un vieux rat tout perclus, tout chauve, toutgrison, Mis en pril par son grand ge,Manda prs de lui son raton Et lui tint ceprudent langage- Garde-toi, tant que tu vivras, Des festins quetu trouveras Tout prpars dans des logettesTrop bien construites et trop nettes ; Aux trousles plus profonds reste souvent blotti, Nemords jamais rien sans regarder derrire.Gare le chat et la ratire !

    Adieu, tiens-toi pour averti.Le pre mort, Raton sort du trou, puis s'ycache, Va, revient, s'accroupit en frottant samoustache, Puis fait en sautant quelques pas.- Par Jupiter, dit-il, qu'aperois-je l-bas ? Unecabane ouverte ... un lopin de fromage ! C'est

    sans doute mon hritage.

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    Je n'aperois autour ni ratire ni chats, Entronsbien vite en jouissance.En quatre bonds Raton s'lance,

    En deux coups de dents ... in est pris.Jeunesse n'a jamais compris Les leons del'exprience.

    SYMBOLE IVLE VIEUX RAT ET LE RATON.

    L'homme terrestre qui fuit la lumire comme lerat recommence toujours les mmes fautes, etil n'y a point pour lui de progrs ; la terre attirela putrfaction pour se nourrir de fumier, etmalgr les leons de l'histoire etl'enseignement des sages, les plus grossiersappts allcheront toujours les instincts de lamultitude ignorante. Ces instincts, il faut lesrprimer par la contrainte, il faut se rendrematre des animaux nuisibles ; l'homme seulest digne de la libert. Prenez donc lesinsenss au pige de leurs propres vices pourles mettre hors d'tat de nuire. Les anarchistes

    seraient trop redoutables s'ils pouvaient tredisciplins, mais heureusement discipline etanarchie sont deux mots qui ne s'accordentpas. Le jeune homme qui mprise les ancienset qui veut marcher seul, marche seul en effet ;il est hors de la socit ; il est hors la loi qui

    protge et tombe sous la loi qui rprime.Prchez le dsordre tant qu'il vous plaira, la

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    nature a cr une hirarchie, et elle lamaintient.L'autorit, cette grande chose si mconnue de

    nos jours, est appuye sur la sagesse etl'intelligence, comme le Keter des Hbreux surChocmah et Binah. (Voy. notre Dogme et Rituelde la Haute Magie.) L'autorit sanctionnel'honneur qui repose sur le dvouement et lajustice comme Tiphereth sur Gedulah et

    Geburah. L'honneur se base sur la vritsociale qui est l'alliance de l'ordre et duprogrs, de la loi et de la libert, du pouvoir etdu devoir, et cette vrit constitue la viemorale de l'humanit.Ainsi: Autorit .......................1Sagesse ........................ 2Intelligence.................. 3Dvouement ................ 4Justice.......................... 5Honneur....................... 6Progrs ........................7Ordre ........................... 8 Vrit

    sociale ..............9 Humanit ................... 10Ceci est l'explication et l'applicationphilosophique des nombres sacrs de lakabbale dont nous avons donn dans nosprcdents ouvrages le sens hiratique etmystrieux.

    FABLE V

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    LE MONTAGNARD ET L'HOMME DE LA VALLEE.A l'heure o le ciel souriantEntr' ouvre les rideaux du splendide Orient,

    Et plus frais qu'un enfant aux paupirescloses, Fait sortir le soleil de sa couche deroses,Une valle tait couverte de brouillard, Etl'habitant de la valle,Baissant sa tte dsole,

    Disait : - Le ciel de nous dtourne son regard,La nature en deuil est voile !- Non, lui rpondit un montagnard, En cemoment le ciel s'allume ; Dans l'immensit del'azurTout est rayonnant, tout est pur.Le jour n'est pas voil, c'est la terre qui fume.Au lieu de murmurer chez toiContre la nuit qui couvre un coin de lacampagne, Sois agile, et viens avec moiVoir le soleil sur la montagne.Misanthropes et paresseux,Qui rampez toujours terre terre, Et ne

    rencontrez que misre, Turpitudes, boue etpoussire, Redressez-vous, levez les yeuxCe monde, que toujours votre vanit blme,N'est pas le trou de taupe o l'ennui voussurprend; Gravissez la montagne, largissezvotre me, Cessez d'tre petits, le monde sera

    grand.

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    SYMBOLE VLE MONTAGNARD ET L'HOMME DE LA VALLEE.Ce qui est en haut est comme ce qui est en

    bas, dit le symbole d'Herms grav sur la tabled'meraude. C'est ainsi que l'harmonie rsultede l'analogie des contraires. La forme estanalogue la pense, l'ombre la lumire, levtement au corps, le fourreau au glaive, lengatif au positif. Quand le soleil fait resplendir

    la cime des montagnes, l'ombre descend pluspaisse dans les valles, et quels seraient leshonneurs de la science et du gnie sans laprofonde ignorance des multitudes ? Est-ce dire qu'il faut perptuer cette ignorance ? Non,la nature y a pourvu, et comme dit l'vangilede saint Jean, la lumire luit dans les tnbreset les tnbres ne la comprennent pas,pourquoi ? A cause de l'obstacle. Que fairedonc pour clairer la valle ? Oter la montagne.C'est bien simple, mais c'est difficile. Or, c'estici le lieu d'imiter le mot clbre prt par latradition Mahomet : Si la montagne ne veut

    pas descendre, gravissons la montagne !Les tnbres sont en bas, la lumire en haut etle crpuscule au milieu : travers ces troisatmosphres plonge et s'lve l'chellemystrieuse de Jacob. Ceux d'en bas, quiaspirent la lumire d'en haut, doivent

    s'efforcer de monter, mais ils ne feront jamaisque la zone des tnbres soit la zone de la

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    lumire. Il y a des degrs d'intelligence et devertu comme il y a des degrs d'ge, et lespartisans de l'galit absolue voudraient que

    l'on traitt les enfants comme des hommesfaits. Notre devoir envers les enfants ce n'estpas de leur persuader qu'ils sont grands, c'estde les aider grandir.

    FABLE VI

    LE CHEVAL ET LE BUF.La tte basse et les naseaux fumants,Promenant sur le sol ses longs regardsdormants, Avanant pas pas, et l'chinetendue,Un boeuf tirait une charrue. Arrive un chevalqui bondit, Mord son frein, dresse sa crinire,Eparpille au loin la poussire, Regarde le boeufet lui dit- Assez de travail et de peine, Assez de joug,assez de chane, Le clairon sonne, veille-toi ;N'est-tu pas aussi fort que moi ? Sors de laterre humide et noire, Viens au combat, songe

    la gloire ; Sois fier, sois libre, sois lger !...Mais le boeuf, sans se dranger Lui rpondd'une voix paisible- Je crois, mon cher concitoyen, Que tu meparles pour mon bien; Je n'ai ni ta croupeflexible,

    Ni tes jarrets toujours dispos ;

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    Les cavaliers craindraient les angles de mesos ; Epouvant par la trompette,Je ferais des coups de ma tte ;

    Je comprends mon vieux joug mieux qu'unharnais tout neuf ; Nous irions ensemble laguerre,Toi, tu te tirerais d'affaire ; Moi, je seraistoujours le boeuf.Tribuns, artisans de discorde, Phraseurs, gens

    de sac et de corde, Qui promettez autravailleurDe rendre son destin meilleur, Vos mensongeset vos colres Ne feront pas que l'ignorantSans tudes soient des pres. Dieu cra diversanimaux,Il fit des boeufs et des chevaux. Je comprendsle cheval qui rue Contre le joug et la charrue,Mais un boeuf faisant le cheval Serait un biensot animal.

    SYMBOLE VILE CHEVAL ET LE BUF.

    Dans le symbolisme hiroglyphique, le chevalreprsente l'enthousiasme potique, surtoutlorsqu'on lui donne des ailes.Il reprsente aussi la guerre parce qu'il portel'homme au combat.Le boeuf au contraire reprsente la terre et le

    travail ; il est aussi le symbole de la rsignationet du sacrifice.

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    Le cheval reprsente aussi les orages de lamer, et c'est pour cela qu'on le fait sortir de laterre sous un coup de trident de Neptune.

    Parce que les temptes marines sont la guerredes flots et la grande posie de l'Ocan dontelles exaltent les sombres beauts jusqu'l'enthousiasme et jusqu'au dlire.La guerre est l'ennemie du travail et surtout dulabourage reprsent par le boeuf. Le cheval et

    le boeuf sont les deux forces quilibres duprogrs, l'une rapide et rvolutionnaire, l'autrelente et laborieuse.Dans le domaine de l'ide, les gnies hardis etaventureux qui devinent l'avenir sont opposs ces esprits pratiques et prudents quicreusent pas pas le sillon de la scienceofficielle.Dans l'ordre politique, le cheval imptueuxc'est le rvolutionnaire, et le boeuf tardif maisutile c'est le conservateur.Or, le cheval fougueux n'est pas plus fait pourla charrue que le boeuf n'est fait pour la

    guerre. Il faut monter sur le cheval pourconqurir des campagnes nouvelles et rserverle boeuf pour les labourer.

    FABLE VIIL'HARMONICA ET LE ROSSIGNOL. (A M.

    Alphonse de Lamartine.)Un harmonica rsonnait,

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    Sans jeux de mots je prends la chose, Ilprtendait donc, et pour cause, Que lerossignol dtonnait.

    - Oh ! les mauvaises chansonnettes Quecelles de ce triste oiseau !II n'a pas ce timbre si beau, Ces notes siclaires, si nettes,Cet accent cristallin dont je puis me vanter. Ons'endormait l'couter.

    La nuit commenait rpandreSon calme et ses parfums ; alors d'une voixtendre Un oiseau prluda, puis se mit chanter.C'tait une chanson douce, nave et pureComme l'me de la nature;Les pleurs venaient aux yeux, le cur taitcharm Tout se fondait en mlodies ;Les mes les plus refroidies Se souvenaientd'avoir aim. L'harmonica tintait toujours aveccolre, Mais un bon vieillard le fit taireEn lui disant: - Machine bcarre et bmol, Tufais du bruit sans rien comprendre ; Le

    rossignol pourrait t'entendre,Mais toi tu n'entendras jamais le rossignol.Les sourds peuvent nier ta divine harmonie ;Lamartine, toi par pudeur,Respecte la Fontaine et son tendre gnie Tuferas douter de ton cur.

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    SYMBOLE VII L'HARMONICA ET LE ROSSIGNOL.Ce symbole s'explique de lui-mme et n'a pasbesoin de commentaire.

    FABLE VIIILE CHIEN ET LE LOUP.Au loup le chien donnait la chasse ; Le prendretait peu malaisDe faim, de fatigue puis,

    Le loup tombait de guerre lasse.- Vil esclave, dit-il au chien, Par toi faut-il queje prisse ? Lche perscuteur et tratre lajustice,Tu m'envias toujours ma libert, mon bien !Tu dvores mon droit ! - Ton droit, dit lemolosse, Etait celui du plus froce ;Le mien, c'est celui du plus fort,Et celui du plus faible aussi, que je dlivre.Pour remplir un devoir tu n'as jamais su vivre,Tu n'as droit rien... qu' la mort !Libert, libert chrie,Il est beau de mourir pour toi,

    Mais il est bien plus beau d'obir la loi Et devivre pour la patrie !

    SYMBOLE VIIILE CHIEN ET LE LOUP.Nous avons dj reprsent la tyrannie par le

    loup. Ici nous le prenons pour le symbole del'anarchie. Qu'est-ce en effet qu'un tyran ?

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    C'est un anarchiste couronn. L'anarchiste estcelui qui prend pour la libert l'exemption oul'infraction du devoir. C'est celui qui mconnat

    l'autorit d'une manire absolue et universelle,mme l'autorit de la vrit et de l'honneur.C'est l'homme insociable, c'est le sauvage,c'est l'enfant rvolt contre son pre, c'estl'individu qui s'isole en se concentrant dans songosme et dans son orgueil. Cet homme ne

    saura jamais commander, il ne sauraqu'opprimer, parce qu'il n'a jamais su obir; ilporte avec impatience 1 joug du travail, il estjaloux de l'intelligence, il nie la science, iln'coute jamais les instructions que commedes outrages son ignorance, et toute lumirele brle au lieu de l'clairer ; il voudrait courbertoutes les ttes sous le niveau de sa proprestupidit. S'il est empereur, il peut s'appelerCaligula ; s'il est tueur de roi, il s'appelleraMarat ou Fieschi.Ce sont de pareils hommes qui nous fontcomprendre la valeur sociale du gendarme.

    C'est contre de pareils loups que les bergers dutroupeau des hommes doivent lancer leurschiens.

    FABLE IXLA COLLINE ET LA MONTAGNE.

    La montagne au front sourcilleux

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    Du haut de son mpris regardait la colline, Quitoujours doucement se relve et s'incline Sousles pas des troupeaux, des hommes et des

    dieux.Adore-moi, motte de terre, Disait-elle avec seschos Sur toi je suspends le tonnerre,Des orages grondants mon front brise les flots.- Ma grande sueur, tu n'est pas sage,Rpondait la colline, et s'il tonne chez toi,

    Je ne crains que ton voisinage, Car tu pourraistomber sur moi.Or, un jour survint la guerre De l'Olympe et desTitans, Les immortels sur la terre S'exilrentpour un temps.La montagne est arrache, Elle s'croule endbris, Quand sous de calmes abris L'humblecolline est cache.Vnus fuit dans son vallon, Bacchus y plante savigne, Bientt elle devient digne Des visitesd'Apollon.On y construit, on y fonde Des palais et desautels

    Les dieux sur sa verdure attirent les mortels ,Elle est, enfin, l'oracle et la reine du monde. Larichesse fertile y vient de toute part,Les rois lui font la cour et laissent l'cartCes grands monts ternels nourriciers desorages Qui passent les nuages

    Et que le Trs-Haut seul domine d'un regard.

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    Prfrons aux gloires striles Le travail qui faitle bonheur La hauteur n'est pas la grandeur.Pour tre grands, soyons utiles.

    SYMBOLE IXLA COLLINE ET LA MONTAGNE.Il n'est pas de vraie puissance sans actions ;l'orgueil qui se croit au-dessus de tout lemonde est moins grand que le vrai mrite qui

    se met au niveau du devoir sans jamaisprtendre s'lever au-dessus. Ce n'est pointl'lvation aride des montagnes qui fait leurgrandeur; l'Olympe est peut-tre plus escarpque le Parnasse, mais c'est le Parnasse qui faitla gloire de l' Olympe.Le Calvaire n'est qu'un monticule et il est millefois plus grand que le pic de Tnriffe. Quellecime des Apennins ou des chanes du Caucases'galera jamais la grandeur du Capitole ?Quel entassement de montagnes, rv par lesTitans de la fable ou de l'histoire, pserajamais sur le monde autant que la simple

    colline du Vatican ?La rvolution franaise eut aussi sa montagnesanglante et terrible qui est reste moinsgrande dans la posie de l'histoire que lemlancolique et morne rocher de Sainte-Hlne.

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    Dieu a foudroy les cimes du Sina et du montHoreb et il a tabli son temple sur la colline deSion.

    FABLE XLES OBSEQUES DU ROSSIGNOL. (A EugnePelletan)Un rossignol avait charm longtemps Le peupleail des forts sombres, Puis survint la fin de

    ses ans ;La mort le reprit dans ses ombres.Tous les oiseaux alors crurent qu'ils feraientbien De rendre hommage sa mmoire.La fort le pleura comme un grand citoyen.Mille cris douloureux attestrent sa gloire. Seulpourtant un merle siffleurOsa blmer cette douleurImpuissant et jaloux, c'est la commune rgle.- Qu'a-t-il fait, aprs tout, ce chantre sivant, S'il voulait tre regrett,Pourquoi n'tait-il pas un aigle ?- Mais toi-mme, pourquoi ces discours

    superflus, Lui rpond un pinson plus sage,Tu n'es pas un aigle non plus,Et du doux rossignol tu n'as pas le ramage.Pelletan, mon ami, pourquoi donc outrager Lammoire de Branger ?Sans doute il fallait, pour te plaire, Dis-le

    maintenant sans faons, Que Branger ftmilitaire

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    Et ne ft jamais de chansons !

    SYMBOLE X

    LES OBSEQUES DU ROSSIGNOL.Notre fable est une application et uneexplication du symbole de Pythagore : " Nebrisez pas, ou ne dchirez pas les couronnes. "Branger ne ralise pas pour nous l'idal de laperfection humaine. Le chantre de madame

    Grgoire et de Lisette, le pontife grivois d'unbon dieu en bonnet de coton, n'est, on peutbien le comprendre, ni notre modle, ni notrehros; mais Branger tait un homme de cur,un honnte homme, un vrai talent, et enprenant sa dfense, nous voulons proclamerl'inviolabilit de la gloire et des tombeaux.

    FABLE XILE PHENIX ET LA COLOMBE.II est un oiseau solitaireQui renat de lui-mme et meurt pour rajeunirSeul il est son pass, seul tout son avenir ;

    Il est son propre enfant, il est son propre pre.C'est le phnix, esclave et roi,Esclave du destin, roi de la solitude. Pour lui lamort est sans effroi,La naissance est une habitude.II vieillit sans aimer, il prit sans regrets, Il est

    sans mre et sans pouse.

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    II est toujours nouveau sans espoir de progrs,Et du nant qui dort sa tristesse est jalouse. Lacolombe d'Anacron,

    Passant un jour tire d'ailes, Pour porter desodes nouvelles Du vieux pre de la chanson,Voit le phnix et le salue. Comment ? Sansdoute la faon Des colombes de l'Hellnie.Mais de son beau plumage il semble tropcharg ; Il ne lui rpond pas, il rve, il est

    plongDans une tristesse infinie,- Sire, lui dit en roucoulant La toute belleColombelleJe crains de vous troubler peut-tre en vousparlant. Laissez-moi seulement vous direQue je passe vos pieds et que je vous admireDu peuple des oiseux vous tes le premier.- J'en suis le premier, le dernierEt le plus malheureux, dit l'enfant de la tombe ;Que ne suis-je un simple ramierPour vous aimer, douce colombe ! Vivre seul,ne jamais mourir, Toujours briller, toujours

    souffrir, Et traner dans l'exil sa tristesseimmortelle, Puis, par le soleil consum,Renatre sans avoir aim, N'est-ce pas la mortternelle ?Tous les phnix me font piti.La solitude est plus qu'un malheur, c'est un

    crime. II en est un seul que j'estimeC'est le phnix de l'amiti !

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    SYMBOLE XILE PHENIX ET LA COLOMBE.

    Le phnix est le dogme philosophique del'ancien monde ; la colombe est le gnie dumonde chrtien.Le phnix est isol dans l'orgueil de sa beaut,il ne peut aimer que lui-mme, il se conoit etse renouvelle par le suicide. La colombe, au

    contraire, est l'image du plus candide et duplus sincre amour. Elle est simple et sansorgueil, et Salomon dit sa compagne dans leCantique des cantiques : Tes yeux sont douxcomme les yeux de la colombe.Dogme unique, symbolisme philosophique etpotique la fois, qui s'ensevelit sous lesdbris des vielles civilisations et renat avec lessocits nouvelles, l'occultisme est beau, il estimmortel dans sa profonde raison d'tre, ilreprsente la nature et ses lois, l'esprit humainet ses aspirations, l'inconnu et ses incertitudesque surmonte une lgitime hypothse ; mais le

    doux mysticisme chrtien avec ses rves duciel, avec ses gmissements vers un idal detendresse et de puret infinie, a fait presqueoublier la science colossale d'Eleusis et deThbes. Antigone, la vierge antique, n'a past mre comme Marie. Nous avons moins de

    larmes pour la fille innocente d'(Edipe lesacrilge, que pour la mre toujours vierge du

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    Rparateur. Le phnix, toujours renaissant, a jene sais quoi de fatigant et de terrible quirappelle le vautour de Promthe, et la

    colombe chrtienne portant son bec le rameaud'olivier ne nous annonce que l'amour, lamisricorde et la paix.Nous ne faisons donc pas revivre le phnix dela philosophie occulte pour l'opposer lacolombe chrtienne, mais nous voulons que le

    phnix rende hommage la colombe et quecelle-ci console le phnix dans sa solitude.Nous voulons que les dogmes de la science etceux de la foi s'unissent dans une mmeaurole comme les rose-croix, nos matres,unissaient la gracieuse image de la rose ausymbole svre de la croix.

    FABLE XIILE PEINTRE ET LE CRITIQUE.Un peintre, dans un paysage Aride, effrayant etsauvage, Avait mis un trs beau lion Dvorantun pauvre mouton. Un critique vient, il admire

    Le talent, mais il plaint l'innocent animal, Tantqu'au peintre il se prend dire- Votre tableau n'est pas moral.Quoi toujours du plus fort retracer l'injustice ?Toujours le triomphe du vice !Du faible toujours le supplice ! Je voudrais voir

    votre lion Ramassant l'herbe des prairies, Et les

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    tiges les mieux fleuries Les offrire au petitmouton ;Prs d'eux de l'amiti vous ouvririez le temple

    Ce serait un meilleur exemple.- Oui, rpondit l'artiste, en effet, Cet exempleserait parfait,Mais ma peinture, peu fidle, Serait un fortmauvais modle. Il nous est permis d'inventerLes ornements d'une figure, Mais dans le vrai

    l'on doit rester Lorsqu'on veut peindre lanature.Monsieur Prud'homme un jour lisait Une fablede la Fontaine,Et d'une voix grave il disait- Je veux la corriger, elle en vaut bien lapeine. J'aurais tourn la chose ainsi,Si j'eusse t le grand bonhomme. - Ehparbleu ! la Fontaine aussi, S'il et tmonsieur Prud'homme !

    SYMBOLE XIILE PEINTRE ET LE CRITIQUE.

    II n'y a d'immoral que le mensonge; le vrai esttoujours moral. Ceci peut sembler un paradoxeet c'est un axiome incontestable de la plushaute philosophie.Nous ne prtendons pas que la peinture vraiedu vice ou du crime puisse tre prsente sans

    danger; mais nous affirmons que le mal quipourrait en rsulter porte avec lui son remde,

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    puisque le vice et le mal, lorsqu'ils sontfidlement reprsents, ne peuvent avoir qu'unattrait fortement combattu par l'pouvante et

    l'horreur.Nous ne pensons pas que personne soit jamaistent d'imiter Nron tuant sa mre. Les Csarsde Sutone sont les damns du plaisir,impuissants qui se tordent dans l'enfer dumonde romain, et si quelque chose nous fait

    adorer et mme envier les douleurs du Christsur le calvaire, ce sont les volupts de Tibredans son exil de Capre.

    FABLE XIIILE SOLEIL ET L'ETOILE. (A madame la comtessede Mniszeck).La nuit abaissait son grand voile DevantPhbus aux cheveux d'or, Et seule, une petitetoileDans le ciel blanchissant resplendissait encor. -

    Cache-toi lui disaient ses jalousescompagnes, Ne vois-tu pas que le soleil,

    Bientt triomphant et vermeil,Va de l'espace immense envahir lescampagnes ? Il t'ensevelira dans des flots declart.Devant lui n'est-tu pas honteuse ?- Non, rpond l'toile amoureuse,

    - J'adore sa lumire et j'aime sa beaut. Jeveux m'teindre la dernire,

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    Et quand reviendra l'heure o mon amant mefuit, Belle de souvenir, rayonner la premireParmi les filles de la nuit.

    Petite toile, ainsi prs de votre belle me Jem'enrichis en m'oubliant, madame, Puis, loinde vous on me trouve meilleur; Car je dois unreflet de grceA votre esprit, votre cur. Ainsi je puis sanstrop d'audace, Pauvre filon perdu des belles

    mines d'or Dont j'aime reflter la richesselointaine, Donner quelque parure des fablesencor, Aprs celles de la Fontaine.

    SYMBOLE XIIILE SOLEIL ET L'ETOILE.Les mes humaines ont leur lumire spcialecomme les corps. II existe un magntismerayonnant qui rend l'approche de certains tresconsolant comme la grce cleste, oudsesprant comme l'enfer. L'atmosphre desfemmes trouble ordinairement le cur deshommes, mais il est des natures

    exceptionnelles qui tiennent de l'ange plus quede la femme et qui vous purifient en vousapprochant; natures tellement suprieures etharmonieuses qu'elles rendent digne d'ellesl'enthousiasme respectueux qu'elles inspirent.Ces femmes sont les preuves vivantes des

    vrits de la foi, car on respire dans le parfumde leur grce, leur regard est doux et profond

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    comme le ciel pur; leur voix est certainementun cho d'un monde meilleur, et leur sourireest un parfum qui vient de Dieu.

    FABLE XIVLE VOYAGEUR ET LE GOURMAND.Je ne suis point jaloux des plaisirs de la table ;D'un vivre plus frugal le corps se trouve mieux,Et l'esprit peut avec les deux

    S'asseoir au banquet de la Fable. On dit que lepeuple allemand En juge un peu diffremment.Et pourtant je ne saurais croire Ce que nagureen a contUn voyageur. Voici l'histoire Passant par unbeau jour d't Au bord du Rhin, prs d'unetreille,Il vit un Allemand, bien en point, gros et gras,Seul table et sans altereas,Fter galement l'cuelle et la bouteille. L'ansuivant, notre voyageurRetrouve au mme endroit le mme grosmangeur -Oh, oh ! dit-il, le fait va paratre

    incroyable, Et pourtant cet homme est tableDepuis l'an dernier: je l'ai vu !Un autre et suppos qu'il tait revenu, Maisque devenait la merveille ?Par une aventure pareilleLa Fontaine a pass sans manger, le front nu,

    Jadis une journe entireSous un arbre chang par la pluie en gouttire.

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    Le vrai nous parat ennuyeux, Le mensonge estplus potique Nous aimons tous le merveilleuxEt nous craignons ce qui l'explique.

    SYMBOLE XIVLE VOYAGEUR ET LE GOURMAND.Si l'amour du merveilleux n'tait pas chez laplupart des hommes le got de l'absurde, il seconvertirait en amour de la nature : mais la

    nature est soumise des lois, elle proportionneles effets aux causes, et voil ce que notreimagination drgle ne veut pas. L'autorit dela raison tant la plus inflexible des autorits,notre penchant l'anarchie se fatigue de laraison, et nous croyons plus volontiers unDieu capricieux qu' un Dieu juste. Entrecapricieux, en effet, on peut s'entendre. Onpeut flchir un despote par des dons ou pardes bassesses ; mais la justice ! Quelque chosede flexible comme une proportionmathmatique, quelle misricorde en esprer ?Avec elle on est forc d'tre juste, et c'est ce

    que nous ne voulons pas.Dieu fait tout avec le nombre, le poids et lamesure, dit l'Ecriture sainte, et nouscomprenons mal sa bont si nous la sparonsde sa justice qui est aussi sa justesse. Nousavons beau faire en mathmatiques des

    erreurs plus ou moins volontaires, si nouscomptons mal, la nature compte bien, la

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    souveraine raison ne s'meut pas de nos folies,ce qui est injuste sera ternellement injuste, lavrit ne transige pas avec l'erreur

    FABLE XVLES VOYAGEURS ET LES BERGERS.On m'a cont qu'un sage de l'Asie, Avec unseul disciple, un jour,Du monde commena le tour. La route qu'il

    avait choisieLes gara tous deux en pays tranger. Un soleildesschait la verdure.Ils firent la rencontre alors, par aventure, D'unebergre et d'un berger,L'un presque nu, l'autre bien mise,L'un couch de son long, l'autre sur l'herbeassise ; La bergre filant, l'autre presqueendormi.Le sage lui dit: - Mon ami, Montre nous la routecertaine De la ville la plus prochaine ;Nous sommes gars. - Le berger paresseux,Entr' ouvrant peine les yeux,

    Fait un signe puis se dtourne,Et pour mieux dormir se retourne. Mais labergre se levant- Les routes se croisent, dit-elle,Mieux vaut avoir un guide. Elle marche devant,Joyeuse, diligente et belle ;

    Puis, quand les voyageurs sont dans le bonchemin, Lestement elle se retire,

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    Se retournant pour leur sourire Et saluant avecla main.- Matre, dit le disciple au sage, Cette fille au

    si doux visage, Et si pleine de charit,Trouvera-t-elle dans ce monde Le bien qu'elleaura mrit ? - Du ciel la sagesse estprofonde, Rpond le matre ; en vrit,Je te dis que cette bergre Si gentimenthospitalire, Epousera le paresseux

    Qui ddaignait d'ouvrire les yeux.- Oh! que dites-vous l, mon matre !Nommez-vous cela du bonheur ?- Sans doute, car elle doit tre Pour lui plusdouce qu'une sueur, Plus indulgente qu'unemre Ainsi notre aimable bergre Aura leparadis du coeur.A toucher toute somme est bonne

    Au comptoir des banquiers du jour Mais labanque de l'amour,Le plus riche est celui qui donne.

    SYMBOLE XVLES VOYAGEURS ET LES BERGERS.Cette touchante et profonde parabole quicontient tout le gnie du christianisme, estemprunte aux lgendes rabbiniques. Elle taitdigne de figurer dans les Evangiles et le hros

    de la lgende devait tre le Christ lui-mme.Voil une thorie de l'amour que n'ont devine

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    ni M. Michelet ni les autres crivains de notretemps qui ont divagu sur l'amour. On pourraitdire que l'amour, comme la lumire cratrice

    qui le produit, se rvle par deux forcescontraires, il est absorbant ou rayonnant.L'amour absorbant n'est que l'amour ngatif ;c'est pour l'me un enfer lorsqu'il ne rencontrepas l'amour rayonnant, car c'est alors une nuitsans esprance et sans toiles, c'est une soif

    de Tantale, c'est la faim insatiabled'Ersichthon ; mais l'amour rayonnant estcomme le soleil, sa vie est de s'chauffer etd'clairer, mais il rayonnerait encore quandmme il serait seul. Est-ce que le soleil s'teintlorsqu'il est quitt par les comtes qui viennentboire ses splendeurs et qui s'empressentensuite de s'loigner pour briller seules ?L'amour rayonnant ressemble la tendressede la mre qui ne s'puise jamais, soit que sesenfants la quittent, soit qu'ils reviennent, soitque de nouveaux enfants lui soient donnspour partager son lait et son amour. Deux

    choses sont ordinairement ncessaires dansles habitudes vulgaires pour faire du feu ; ilfaut du feu et il faut du bois ; il en est de mmeen amour, il y a des curs de feu et des cursde bois. Les premiers aiment toujours et viventde leur amour, les seconds en meurent.

    FABLE XVI

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    LA POMME MURE ET LES TROIS HOMMES.Trois hommes diffrents, un prtre, Un pote,un juif brocanteur,

    Par un jour de grande chaleur, S'taient assissous un vieux htre. Prs d'eux tait unpommier nain Qui n'avait qu'une seule pomme,Mais la hauteur de la main, Mre, vermeilleet telle, en somme, Qu'on se figure en paradisLe fruit sduisant dont jadis S'affrianda le

    premier homme. Tous trois l'ont vue en mmetemps, La partager serait dommage.- Tirons au sort, dit le plus sage.- Comment ? - Dormons quelques instants, Puisnous nous dirons sans mensongeCe que chacun de nous en dormant rvera Etla belle pomme seraPour qui fera le plus beau songe. Ainsi dit, ainsifait, nos gens Ferment tous les trois lapaupire Un seul ne dormit pas. Les autresimprudents Rouvrent les yeux la lumire- Moi j'ai rv que j'tais Dieu,Dit le pote au juif qui souriait sous cape. - Moi,

    j'ai rv que j'tais pape,Dit le prtre, et tous deux vous tombiez dans lefeu. - Moi, reprend d'un air hypocriteLe brocanteur isralite,Je n'ai pas dormi: j'avais faim, Le beau fruittait sous ma main ; J'ai pens que j'tais tout

    simplement un homme, Et ma foi j'ai croqu lapomme.

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    Bonne leon pour vous qui, de vrits las,Dormez pour choisir vos mensonges,Et qui, pour bien user des choses d'ici-bas,

    Attendez l'oracle des songes.

    SYMBOLE XVILA POMME MURE ET LES TROIS HOMMES.Cette lgende est tire du Talmud.La philosophie occulte est fonde sur le

    ralisme et sur le positivisme les plus absolus.Elle ne croit pas aux rves ; elle croit laralit des hypothses ncessaires d'aprs lascience de ce qui est.Elle ne tue pas le sphinx qui reprsente lesforces fatales de la vie, mais elle le fait servirau triomphe de l'esprit.Elle ne nie pas les besoins : elle veut qu'on lessatisfasse sans les drgler et sans s'yasservir.Les besoins sont de deux ordres : ceux del'esprit et ceux du corps.Il faut l'esprit la vrit et la justice ; au corps,

    il faut le dveloppement et la vie. Elle expliqueles lois ncessaires de l'quilibre et enseigne lavoie droite qui nous soustrait l'action et laraction des contraires.L'homme livr la vie animale et satisfaisantuniquement les besoins de son corps atrophie

    son esprit ou en exagre tellement les besoinsque la soif d'idalisme le prcipitera bientt

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    dans les superstitions les plus extravagantes etles plus bizarres. L'homme qui sacrifie le corps l'esprit atrophie ses organes physiques,

    dprave son cerveau et tombe bientt dans lafolie qui le met au-dessous de l'animal.L'homme n'est ni une bte ni un ange. S'il veutfaire la bte, il est flagell par les anges ; s'ilveut faire l'ange, il devient bte." II faut cultiver notre jardin ", dit l'auteur de

    Candide ; et ici, sans le savoir, Voltaire estd'accord avec la bible. Dieu, dit la gense,avait plac l'homme dans un jardin pour qu'il lecultivt sans toucher l'arbre de la science.Mais l'homme, entran par la folle imaginationde la femme a voulu tre Dieu, et Dieu l'arevtu d'une peau de bte en l'envoyant fouiret dfricher la terre.Plus heureux s'il se ft content des pommesdu pommier sans toucher aux fruitsfantastiques de l'arbre du bien et du mal !

    FABLE XVII

    PROMETHEE ET MERCURE.Jupiter, un jour, fut touchDes souffrances de Promthe ; Vers luiMercure est dpch, Et, sur la rocheensanglante, L'entremetteur du roi des dieux,Tenant une coupe remplie

    De cette eau qui fait qu'on oublie, Vient seposer silencieux.

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    - Que me veux-tu ? dit la victime -T'apporter l'oubli de ton crime Et de ces

    dangereux secrets

    Qui font ton ternel martyr Pour que tu n'aillesplus les dire Aux mortels toujours indiscrets. -

    Oui, mourir sans jamais renatre, Carl'ignorance, c'est la mort, Voil les grces deton matre. Qu'il triomphe, il est le plus fort !Mais je l'ai devin, qu'il tremble ! Je vis, et nous

    rgnons ensemble, Lui dans son ciel, moi dansl'enfer. Enchan, je lui fais la guerreEt j'attire moi son tonnerre Avec mesentraves de fer ! Va, Mercure, tu perds ta peineLaisse-moi ma gloire et ma chaine. Oublier ceserait prir ;J'aime mieux savoir et souffrir.Souffrir en homme est plus honnte Que devivre et jouir en bte.

    SYMBOLE XVIIPROMETHEE ET MERCURE.Et pourtant il est beau d'avoir ravi le feu du

    ciel, dt-on subir travers les ges le supplicede Promthe !Est-ce Promthe qui est clou au montCaucase ou le mont Caucase, le berceau deshommes, qui est clou Promthe ? Si legant se lve, n'entranera-t-il pas le monde

    suspendu ses clous ensanglants ?

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    Jupiter envoie un vautour Promthe et cevautour, nourri des fortes entrailles du Titan,devient un grand aigle qui tranglera un jour

    l'aigle de Jupiter.L'humanit est figure par Promthe, elle estfigure aussi par ce supplici immortel quitend ses bras entre le ciel et la terre, et quifait de son gibet une chelle plongeant sonpied dans la nuit des enfers.

    Quand les pontifes et les satellites de Pilate lecroient mort, il sort de sa tombe, il descendaux enfers, il en brise les portes, et il remonte la lumire entranant captive la vielleservitude, comme Hercule, librateur d'Alceste,tirait aprs lui avec une forte chane le chien trois ttes du Tnare.Les noms changent suivant les temps et lescontres, mais le symbolisme est toujours lemme.L'homme doit tre esclave d'abord pourapprendre dsirer et conqurir la libert. Ildoit souffrir pour vaincre la souffrance, il doit

    faire le mal qu'il prend pour le bien, et souffrirla peine de son erreur pour arriver la sciencedu bien et du mal et pour choisir librement lebien.Mais que ce soit le mal ou le bien, il faut qu'ilfasse quelque chose. La vie est ce prix, celui

    qui ne fait rien est un cadavre.

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    Celui qui fait le bien parce qu'il a peur d'unchtiment n'est encore qu'un vil esclave. Estceque la peur est une vertu ?

    Menacer un homme de cur c'est l'engager faire ce qu'on lui dfend.Si l'enfer devait tre le partage de l'intelligencecourageuse qui lutte au nom de la raison, et sile ciel tait rserv la stupidit craintive quiobit au nom du mystre, les gens d'honneur

    et de cur devraient tous aller en enfer etl'enfer serait alors le ciel.

    FABLE XVIIIL'I ERrrAGE DU LION.Un lion, seigneur redout, Aprs avoir dans sesdomaines Fait des sottises souveraines, Mourutet fut peu regrett. Un serpent, rus politique,Sitt que le matre fut mort, Discuta le droit duplus fort, Siffla le pouvoir despotique Alors levizir lopard,Tigre le grand prvt, le procureur renard,Proclamrent la rpublique.

    Voil chacun libre d'agir, De miauler, hurler,mugir. Dieu sait le bruit et la ripaille ! Puisbientt, Dieu sait la bataille ! Chacun chez soi,chacun pour soi ; Plus de recours, plus dejustice, Que chacun triomphe ou prisse ! Lecode, c'est la gueule, et la dent fait loi ! Tout le

    malheur tomba sur la gent moutonnire, Ets'accrut de telle manire,

  • 8/7/2019 eliphas_levi_fables

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    Qu'envoys du peuple mouton Vinrent prsd'un autre lion Pour implorer son patronage. -

    Mangez-nous, mais dfendez-nous

    Des chiens, des lopards, des tigres et desloups. Venez du roi dfunt recueillir l'hritage.C'est multiplier les tyrans Que d'affranchir lamultitude. Rpublique, en un mot, veut direservitude Pour les petits et guerre entre lesgrands.

    SYMBOLE XVIIIL'I ERrrAGE DU LION.Les univers sont les monarchies des soleils, lessoleils ont sans doute des archi-soleils pourmonarques.La terre est une monarchie de l'homme, lesfacults morales de l'homme sont la monarchiede sa volont, le corps humain est unemonarchie : il n'a qu'une tte et qu'un cur.La famille est une monarchie. Si le pre n'estpas un monarque, il n'est rien et la famillen'existe plus.

    Toute la force d'une socit quelconque rsidedans l'unit et dans la puissance de son chef.Deux chefs, c'est la division. Un chef dont legouvernement est contrl par la multitude estun simulacre de chef, c'est la multitude quigouverne.

    Mais la multitude tant la chose gouvernable,comment peut-elle gouverner ? Comment

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    s'entendrait-on dans une cole o chaquecolier serait le matre ?Un matre, ft-il mauvais, vaut mieux que vingt

    matres la fois ; et que serait-ce si, au lieu devingt, il y en avait vingt mille ou vingtmillions ?On dit que les rois s'en vont en Europe, maisceux-l seuls s'en vont qui reprsentent lecaprice, le bon plaisir ou l'anarchie. Au-dessus

    des rois de hasard il y a les lois, et c'est par leslois que doivent rgner les souverains vraimentlgitimes.Donnons un nouveau sens au mot lgitimit,ou plutt rendons-lui son sens vritable. Un roilgitime c'est celui qui rgne au nom de la loi.Un roi lgitime, c'est la libert couronne parcequ'il est le reprsentant de l'ordre qui protgela libert.Les rpubliques ne sont pas desgouvernements, ce sont des crises sociales.Quand le pouvoir, semblable au rocher deSisyphe, chappe aux bras qui veulent le

    pousser trop haut, il retombe et roule denouveau au bas de la montagne ; c'est cequ'on appelle une rvolution. Mille bras alorsviennent branler le rocher, c'est larpublique ; vient un plus fort qui le soulve ;c'est l'empire : celui qui parviendra le fixer

    sur le sommet de la montagne, soit sous le

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    nom d'empire, soit sous un autre nom, celui-laura rtabli la royaut.Les rvolutionnaires ou les rpublicains sont

    ceux qui voudraient voir retomber le pouvoirpour y mettre la main leur tour, et quiveulent essayer de soulever aussi le rocher deSisyphe.

    FABLE XIX

    L'HIRONDELLE ET LE MOINEAU.Un moineau de peu de cervelle S'tait prisd'une hirondelle ; L'hirondelle croyait l'aimer.Faussement, en amour, on dit qui se ressembleS'assembleL'amour vit de contraste, et se plait formerDes unions extravagantes.Dame hirondelle avait des formes lgantes,Dom moineau se montrait bon vivant etjoyeux. Ils passrent ainsi tous deuxDe la belle saison les rapides journes ; Maisbientt les feuilles fanesS'en allrent au vent, les arbres claircis

    Frissonnaient dans toues leurs branches. Degele au matin les plaines taient blanches, Etles pauvres oiseaux se cachaient tout transis. -

    Adieu, dit un jour l'hirondelle,Je vais ou le printemps m'appelle.- Quoi ! tu t'en vas ? dit le moineau. Quel

    printemps vaudra nos caresses ? Mais tu veux

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    sous un ciel nouveau Porter tes volagestendresses ;Et tu vas oublier mes regrets superflus. Adieu,

    je ne te retiens plus !- Oui, dit alors la fugitive, Je vais sous unautre soleil Chercher un amant qui me suive,Un amant qui me soit pareil.Elle part: du moineau l'me est anantie.- Je ne l'aurais pas cru, dit-il, elle est partie !

    L'hirondelle se retournaitPour voir si le moineau venait ; Pour jamais ilsse sparrent. Tous deux avaient tort, etpourquoi ? C'est que l'amour et son capriceNe peuvent taxer d'injustice La nature qui faitla loi.Epoux dont l'me est dsunie,Accusez de l'amour le mensonge ou l'erreur;Mais au tourment de votre curN'ajoutez pas la calomnie.

    SYMBOLE XIXL'HIRONDELLE ET LE MOINEAU.

    Nous sommes loin de conseiller ou de justifierla sparation entre poux. Le mariage estsacr et indissoluble : les vritables poux nese sparent jamais.Les amourettes volages appartiennent auxmoeurs de la vie animale. Un homme digne de

    ce nom et une femme digne d'tre une mrene se reprennent pas aprs s'tre donns.

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    L'homme qui abandonne sa femme est unlche. La femme qui abandonne son mari estune prostitue.

    Que faire pourtant lorsqu'on s'est tromp en secroyant faits l'un pour l'autre ? Que faire quandla vie commune est un supplice ? Il faut, touten se sparant matriellement, rester fidleset dvous l'un l'autre. Tels sont les principesde la morale qui ne transige jamais avec les

    faiblesses humaines. Les infidlits conjugalessont des chutes et des misres quiappartiennent l'animal ; les vritables etirrparables infidlits sont celles de l'esprit etducur.Si Desgrieux tait le mari de Manon Lescaut aulieu d'tre son amant, il serait sublime lorsqu'ill'accompagne dans son exil, mais ManonLescaut marie serait tellement infme qu'ellen'oserait plus revenir Desgrieux : il luiresterait pour triste ressource de lever la tte,d'afficher sa honte ou de la couvrir d'hypocrisie

    en faisant la prude et en disant qu'elle a quittDesgrieux parce que c'tait un abb dfroquet un libertin.Elle rendrait alors un vritable service aupauvre Desgrieux qui la pleurerait commemorte,... et qui la suivrait peut-tre encore en

    Amrique, mais repentante, rachete par

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    l'expiation, purifie enfin pour commencer unevie nouvelle dans un nouveau monde.Si la Bjard et quitt Molire en le calomniant

    et en l'outrageant, notre grand comique ne ftpeut-tre pas mort si jeune et et laissquelques chefs-d'oeuvre de plus.

    FABLE XXL'AIGLE ET LE HIBOU.

    Le hibou dit l'aigle un jour- Vainement au soleil tu vas faire ta cour,Lorsqu'il s'loigne, ta paupire Laisse-t-il unpeu de lumire ?Pas la moindre, et ton oeil fatigu de clart Seferme dans la nuit, voil d'obscurit. Et mesdeux yeux sont des toiles,Qui me montrent l'oiseau sur la brancheendormi Le crpuscule est mon ami ;Aux dserts du chaos je me fraye une route,J'illumine son front par les ombres noirci. -Oui,rpondit l'aigle, mais aussi, Quand il fait jour,tu n'y vois goutte.

    Excentriques de tous les temps,Qui faites l'impossible en raison comme enstyle, Pour vous un seul prodige est toujoursdifficile, C'est d'avoir un peu de bon sens.

    SYMBOLE XX

    L'AIGLE ET LE HIBOU.

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    L'aigle reprsente l'esprit de lumire ; le hiboul'esprit de tnbres.L'esprit de lumire parle au nom de l'ternelle

    raison, l'esprit de tnbres au nom du mystre.Le hibou n'est pas clair par le soleil, maispas le phosphore de ses yeux.Ainsi que les druides clairaient l'ombre desforts o ils cachaient leurs sanglants mystresavec la flamme des bchers.

    C'est ainsi que les faux mystiques opposentaux lumires de la science les hallucinations deleurs rves.C'est ainsi que les profanes de l'Egypte adorentun chien, au lieu de chercher comprendre lafigure hiroglyphique d'Anubis.Il existe des hommes que la lumire irrite etfatigue et qui, tournant le dos au soleil,regardent toujours dans leur ombre.S'ils se croient chrtiens, ils adorent le diableet lui donnent les attributs de Dieu.S'ils se disent philosophes, ils adorent le nantet l'anarchie, et veulent les mettre la place

    de l'tre ternel et de l'ordre immuable quiprside la hirarchie des tres.L'affirmation tmraire et la ngation absurdeont galement leurs fanatiques, ce sont leshiboux de l'intelligence.Ceux-l ne voient que dans la nuit de leurs

    passions, mais ds que le jour se fait, ilsdeviennent aveugles.

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    Jamais ces hommes ne comprendront rien laphilosophie occulte. Et c'est pour euxseulement qu'elle est occulte

    Occulte comme le soleil pour les hiboux ;Occulte comme le bon sens pour les fanatiques; Occulte comme la raison pour les insenss.Car c'est la philosophie de la lumire ; c'est laphilosophie du bon sens ; c'est la philosophieexacte comme les nombres, rigoureuse comme

    les proportions de la gomtrie, rgle commela nature, vidente comme l'tre, infailliblecomme les mathmatiques ternelles. Aveuglequi ne la voit pas, mais plus aveugle encore quiprtend la voir dans la nuit !

    FABLE XXILE RENARD ET LE CHACAL.Un renard rencontre un chacalQui lui dit: - Bonjour, mon compre. - Moi, ditl'autre, vil animal,Je ne suis ton parent, ton ami, ni ton frre !- Va, reprend le chacal, soit moins fier, les

    larrons Sont gaux devant la potence.Nous diffrons un peu de poil et de naissance ;Mais pour vivre, tous deux enfin nousdvorons. Autour des poulaillers tu cherchesdes victimes ; Tes festins sont autant decrimes...

    - Peut-tre, interrompit le renard; mais, crois-moi, Ne me compare pas toi.

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    Je croque les poulets et mme les colombes, Jesuis sans piti, sans remord ;Mais je ne fouille pas les tombes Et je n'outrage

    point les morts !N'effeuillez jamais les couronnes, DisaitPythagore autrefois. Voulait-il protger lestrnes, Parlait-il du bandeau des rois ? Non,mais des couronnes de gloire, Des lauriers duPamasse et de ceux de l'histoire, Des grands

    noms consacrs par de nobles regrets. Or, il nepensait pas qu'il ft un cur sauvage Assezmaudit pour faire outrageA la couronne de cyprs.Notre sicle a moins de scrupulesLes nains vont au tombeau souffleter leshercules ; On dchire Musset, on siffleBranger !Puisque pareille chose arrive,Qu'y faire ? II faut que chacun vive,Et les chacals peut-tre ont besoin de manger.

    FABLE XXII

    LES SINGES ET LA GUENON.Jadis des singes fort coquets Et dguiss enfreluquets, Parmi les hommes se mlrent, Ettant aux hommes ressemblrent, Que bientt,pour les discerner, On ne savait qu'imaginer.Enfin, pour sauver les familles Et prserver les

    jeunes filles, Sur un thtre de renom

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    On fit paratre une guenon. Aussitt singesl'applaudirent, Tous au spectacle se rendirent,Binocles sur les nez camards S'adaptrent de

    toutes parts. Voyez ses pieds, voyez sa danse,Ses grimaces, son impudence; Voyez tout cequ'elle fait voir ! On la couronnait chaque soir.Ainsi, malgr chapeaux et linge, Se rvla lepeuple singe. Rigolboche, c'tait le nomDe la bienheureuse guenon,

    Eut chevaux, parures, domaines, Tout, exceptfigure humaine; Et longtemps elle rendit fousSes bons amis les sapajous.Grands dfenseurs de la morale, Ne criezjamais au scandale. Devant certains succs dujour, Souffrez la danseuse qui brille C'est uneguenon qui sautille, Et les singes lui font lacour.

    SYMBOLES XXI ET XXIILE RENARD ET LE CHACAL. - LES SINGES ET LAGUENON.Il est des hommes qui jettent l'injure sur les

    tombes illustres et des couronnes aux piedsdes plus ignobles courtisanes ; des hommesqui briseraient volontiers les statuts des presde la patrie et qui lvent l'impuret sur lepavois. Ne leur disons rien et laissons-lespasser. Le rgne de la bte doit avoir son

    temps.

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    FABLE XXIIILE MAITRE ET LES DEUX OUVRIERS.Un matre avait deux ouvriers L'un grand

    travailleur fort habile, L'autre maladroit etdbile, Rebus de tous les ateliers,Honnte cependant et pre de famille.Le matre en l'employant consultait son boncur ; Lui-mme il avait une fille,Et voulait lui porter bonheur.

    Le premier recevait un honnte salaireConvenu, bien pay, mais se fchait pourtantDe voir l'autre gagner autant.Si bien qu'il vint tout en colreSe plaindre au matre un jour. Le matre arpondu - Je te donne ce qui t'est d,Et j'ajoute pour ton confrre Ce que je lui croisncessaire. Mon argent est moi, ne puis-je enfaire don A qui me plat ? Sois fier d'tre le plusrobuste. La loi m'ordonne d'tre juste,M'est-il dfendu d'tre bon ?La justice a droit d'tre chiche Devoir, c'est neplus possder. Mais l'lan du cur il est doux

    de cder, Et c'est pour donner qu'on est riche.

    SYMBOLE XXIIILE MAITRE ET LES OUVRIERS.Cette fable est imite d'une parabole del'Evangile.

    Il n'est pas question ici de la solidarit entre lestravailleurs ni de l'galit de salaire, mais du

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    droit de donner qui est la plus prcieuse detoutes les prrogatives de la richesse.Celui qui fait ce qu'il peut, mais qui ne gagne

    pas assez a besoin de secours. Ce secours onne le met pas la charge de celui qui gagnedavantage ; mais si le matre prend sur luid'assister celui qui gagne moins, le travailleurqui se suffit serait injuste de le trouvermauvais.

    Il y a deux moyens d'abolir la misrePremirement supprimer les vices par lareligion, l'instruction et la rpression ;Secondement combler par la charit les videsque laisse l'insuffisance du travail.Prendre un fusil pour combattre la misre, c'estcomme si on prenait de l'alcool pour combattrela fivre. Les rvolutions n'ont jamais eu poureffet que d'augmenter la dtresse du peuple.Les conseiller ceux qui souffrent, c'estcomme si on conseillait ceux qui se trouventmal logs de brler leur maison et ceux quisont mal vtus de jeter au feu leurs haillons.

    Ils avaient des galetas, ils seront dans la rue ;ils avaient des lambeaux pour se couvrir, ilsseront nus.Croit-on par de semblables excs faire violence la charit ou la justice ?Mais la justice punit les dsordres au lieu de les

    rcompenser et la charit s'enfuit devant laviolence.

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    LE PELICAN ET LA CIGOGNE.Le clibat peut tre un sacrifice hroque ou uncrime contre la socit.

    Il est un sacrifice hroque chez ces noblesfilles de saint Vincent de Paul qui renoncentaux douceurs de la famille particulire pourtre les mres de la famille universelle.Il est un crime chez ces gostes clibatairesqui craignent les devoirs qu'impose le mariage

    et qui se vouent la dbauche strile.Demander le mariage des prtres, c'estdemander l'abolition du sacerdoce chrtien.Un ministre protestant est un honntebourgeois qui prside une assemblereligieuse, ce n'est pas un prtre.Pour que l'orphelin puisse avec confianceappeler le prtre mon pre, il ne faut pas quele prtre ait des enfants lui.Il est le pre des enfants de Dieu.Son clibat est sublime, parce qu'il setransforme par l'abngation personnelle en uneimmense paternit.

    Le plican qui se saigne pour ses enfants est lesymbole du Christ et le Christ est le modle duprtre.

    FABLE XXVESOPE, JUPITER ET LES OISEAUX.

    Un jour, les habitants de l'air

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    Sur un grand cdre s'assemblrent Pour rendrehommage Jupiter. Tous ensemble ils seconsultrent. Aucun d'eux n'avait vu ce

    monarque des dieux. Le moyen de lereconnatre ?Un hibou leur dit: - C'est peut-treUn oiseau qui la nuit fait rayonner ses yeux.- Non, c'est un aigle immense entour detonnerres, Qui tient l'orage dans ses serres,

    Leur dit l'aigle avec un grand cri. - Moi, repritun beau colibri, Je le rve par de couleursclatantes, Avec des aigrettes flottantes,Mais doux, agile et trs mignon. La tendre etple tourterelle,Et le ramier son compagnon,Le veulent beau, tendre et fidle.- Est-il sr qu'il soit un oiseau, Dit la chauve-souris sceptique ? Le boeuf croit que c'est untaureau,Et la baleine en fait un prodige aquatique.L'lphant indien dit: - C'est un lphant Quiporte et fait tourner le monde. L'homme voit

    en lui un roi qui menace et qui gronde, Et lafemme un divin enfant.- Que faire en ce doute invincible ?- Pour qu'il reoive nos attributs, Prtons-luitous les attributsEt sachons qu'il est invisible... Un dindon crie

    alors la stupidit.Esope fut enfin consult.

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    - Ne cherchez pas le connatre,Leur dit ce docte esclave inspir d'Apollon ;Mais croyez qu'il est juste et bon, Et comme lui

    tchez de l'tre.

    SYMBOLE XXVESOPE, JUPITER ET LES OISEAUX.L'tre, le mouvement perptuel rsultant desforces quilibres, la vie et ses lois, la nature

    enfin, tel est le rsum des symboles de notrepremier livre. Mais la vie est intelligente, lanature obit une direction suprme, nous lesentons, nous sommes forcs de le croire.Cette direction mane d'une cause suprme,d'une cause inconnue, nous nous inclinons etnous nommons Dieu.Tout n'tait que chaos et confusion dans nospenses, l'affirmation et la ngation seheurtaient, le doute mortel succdait aux luttesinsenses des forces sans direction ; nousavons nomm Dieu, et la science prend uncorps, la pense humaine s'organise, le gnie

    humain s'est donn une tte : il a nommDieu !Les hommes ne sont plus ennemis, ils ne sontplus rivaux, ils sont les enfants d'un mmepre. La libert par la loi, l'galit parl'accomplissement du devoir constituent la

    fraternit. La socit devient un corps vivant et

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    immortel car elle s'est donn une tte vivanteet immortelle elle a nomm Dieu !Ce Dieu nous le rvons notre image et l'ide

    que nous nous formons de lui n'est que l'idalhumain exalt, le besoin de le mieux connatreet de l'aimer nous fait agrandir notre idal, leprogrs commence avec la recherche de Dieu,et plus l'homme grandit, plus Dieu s' lve.Les peuples se font des idoles et les brisent,

    l'enfer se peuple de dieux tombs jusqu' ceque la parole du grand initiateur se fasseentendre : Dieu est esprit et il faut l'adorerdans l'esprit de la vrit !Le plus grand parmi les disciples du matrevient dire son tour" Dans l'ternit vivante existe la parole, et laparole est en Dieu et la parole est Dieu. Elle estla vraie lumire qui illumine tout hommevenant dans le monde. "Croyons en lui, mais ne le dfinissons pas. UnDieu dfini c'est un Dieu fini.Il est au-dessus de toutes les ides, de toutes

    les formes, de toutes les abstractions, de tousles nombres.Il n'est ni le premier ni le dernier des tres, caril est plus que tous les tres. Il n'est pas l'tre,car l'tre vient de lui.Il n'est donc ni l'tre ni un tre, il est l'auteur

    de l'tre et des tres. Il est tout, mais tout n'estpas lui.

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    Pour aller lui, dit saint Paul, il suffit de croirequ'il est et qu'il rcompense ceux qui lecherchent.

    Et o faut-il le chercher ?- Dans la vrit et la justice, puis dansl'amour de l'humanit, dit saint Jean.Personne, ajoute-t-il, n'a jamais vu Dieu, maiscelui qui n'aime pas son frre qu'il voit,comment aimera-t-il jamais un Dieu qu'il ne

    voit pas ?Il faut aimer pour croire, la foi est la confiancede l'amour.

    LIVRE IIFABLE PREMIERSLE FABULISTE ET LES IROQUOIS.Un missionnaire autrefois, A force de soins etde peine, Traduisit en bon iroquois Une fablede la Fontaine.Un jongleur savant et profond, Car il savait peu prs lire,A ses concitoyens apprend pour les instruire Ce

    pome qui les confond,Une fourmi parlant une cigale !C'tait une fourmi sans doute sans gale ; Unedesse, un manitou !On ne peut douter de l'histoire ;Elle vient d'un grand saint, d'un homme en

    robe noire. Voil le peuple moiti fou

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    A la fourmi l'on dresse un temple Par des plusvives couleurs ;Aux jeunes gens, aux beaux parleurs, On la

    propose pour exemple.Un voyageur passe par l ;Il voit le nouveau culte, il rit de l'algarade, Etjure la sotte peupladeQue jamais une fourmi ne parla.- Eh quoi ! c'tait une sottise Que le saint

    nous avait apprise, Dit le peuple irrit. - Non,rpondit le passant, C'est une belle fable, onme la fit apprendre Comme vous quandj'tais enfant.Ce qu'elle enseigne est vrai, mais il faut lacomprendre.Je me le suis dit bien des fois,Docteurs qui dfendez ou qui sifflez la Bible, Cebeau livre du ciel contient vraiment les lois ; Iln'est ni absurde ni risible,Mais vous tes des iroquois.

    LIVRE II Le gnie religieux de l'humanit

    SYMBOLE PREMIERLE FABULISTE ET LES IROQUOIS.Sous les symboles divers de tous les ges, detous les peuples et de tous les cultes, la mmephilosophie est cache.Le trimourti de l'Inde, le triangle d'Herms qui

    porte les noms d'Osiris, d'Isis et d'Horus, latriade sacre de Pythagore symbolise dans les

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    fables hellniques par le triple Jupiter, par latriple Parthnie et par les trois grces,reprsentent les grandes forces quilibres de

    la nature.La savante Egypte n'a pas plus ador le chiensous la figure d'Anubis ou le chat sous lesymbole d'OElurus, que nous n'adorons lacolombe qui figure le Saint-Esprit, l'agneauhiroglyphique du sacrifice et de la lumire, et

    le pain qui est le sacrement de l'universellecharit.Mais d'ge en ge la science s'oublie, lessignes restent comme des lettres qu'on ne saitplus lire, et l'ignorance insulte un symbolismematrialis par une autre ignorance.Lucien se moque des dieux de l'Olympe et deleurs ridicules amours, il insulte au fuseaud'Hercule, comme Voltaire la mchoire d'nede Samson et aux tartines d'Ezchiel.Comme si Hercule enivr par Omphale, etSamson vaincu par Dalila n'taient pas un seulet mme symbole.

    Les Juifs accusent les Egyptiens d'adorer lesoignons, les Romains accusent les Juifsd'adorer la tte d'un ne, les chrtiensaccusent les Romains d'adorer tout exceptDieu. Dupuis accuse les chrtiens d'adorer undieu de farine. Partout la mme ignorance ou

    la mme mauvaise foi, et l'on retrouve partoutce mme ennemi de la vraie religion que saint

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    Jean appelle symboliquement la bte et quenous appellerons philosophiquement la btise.Faut-il pour cela proscrire le symbolisme ?

    Faut-il jeter au feu les fables de la Fontaine,parce que des enfants stupides croient querellement les boeufs et les nes ont parl ?Les fables ont pour but d'instruire les enfantset non de propager le culte des nes ou lesneries des croyants aveugles.

    Faut-il brler les livres d'algbre parce qu'il y aune multitude de personnes qui n'ycomprennent rien ?Le symbolisme est une science commel'algbre et analogue mme l'algbre, car,sous des signes convenus, il reprsente d'unemanire abstraite des ides exactes comme lesnombres et reprsentes mme souvent pardes nombres.Le kabbaliste polonais Wronski, reprsentantpar Fx le connu et l'inconnu, pose ainsi encaractres algbriques le problme universelde la philosophie occulte.

    Fx=Aono+Al n l+A2S22+A3n3 . . .Ce qui signifie : l'tre est proportionnel l'tre,ou l'infini gale toutes les qualits possibles, ouencore, les proprits absolues de l'tre sontproportionnelles au besoin absolu de tous lestres, d'o l'on peut dduire cet axiome : la

    ncessit de l'tre infini suppose le progrsindfini des tres.

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    FABLE IILES TOURTERAUX ET LA CORNEILLE.

    Sur des rameaux pliants et frles, Un couple dejeunes tourtereaux Vint un jour se poser, tousdeux tendres et beaux, Gonflant leur douxplumage et frmissant des ailes. Ils seroucoulaient leurs amours,L'une disait : - Ami, je t'aimerais toujours

    Et l'autre rpondait : - Tu seras toujoursblanche ; Le printemps fleurira toujours surcette branche, Confidente de nos plaisirs.Le temps doit s'arrter au gr de nos dsirs ;Ma sueur, tu seras toujours belle,Et moi, toujours, toujours fidle !Nous ne mourrons jamais... Prs de ls'embusquait Une corneille sculaireQui de leurs discours se moquait. Elle taitnoire et solitaire ;Les tourtereaux, en la voyant, S'envolrent tire-d'aile,Puis leur tour se moquant d'elle, Ils la

    maudirent en fuyant.Ils avaient raison, la vieillesse Ne doit pastroubler la jeunesse Dans le rve des beauxjours. Laissons l'ge d'or ses navescroyances, Ce sont les folles esprancesQui font les plus sages amours !

    SYMBOLE II

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    LES TOURTERAUX ET LA CORNEILLE.Les mathmatiques ternelles rglent la vie,mais seules elles ne sont pas la vie ; elles ont

    pour contrepoids quilibrant l'amour ternel, lepre de la posie.Beau comme un dieu, fatal comme le sort, Cedoux tyran, ce bonheur qui tourmente, L'amourest n complice de la mort; L'amour joyeuxc'est la mort triomphante. Mais quand la mort

    triomphe par l'amour, L'tre ternel s'chappede la tombe ;Et sur les flots qu'il apaise son tour, Del'univers quand vient le dernier jour, L'amourfait planer sa colombe.L'enfer a dit: Je n'aime pas l'amour; L'injusteamour est une prfrence. Contre le cielj'lverai la tourO veut rgner ma fire indiffrence.- Opposer donc des remparts ce Dieu Qui dunant combla le prcipice ! D'un vol rapide ilpntre en tout lieu ; Il est plus prompt, pluspuissant que le feu, Plus absolu que la justice !

    L'amour superbe est le grand Lucifer Tomb duciel pour fconder les mondes. Rien n'assouplitsa volont de fer,Il se fait jour aux nuits les plus profondes. C'estle dsir inexorable et fort,C'est de Sestos la lumire qui veille.

    D'un sombre cueil son flambeau fait un port,C'est un Sanson qui jamais ne s'endort;

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    Il est vaincu ds qu'il sommeille.C'est le brigand, le contempteur des lois C'estl'ternel rvolutionnaire,

    Il jette au monde et renverse les rois, Dans lechaos il reptrit la terre, Avec sa sueur,l'ardente libert,De la victoire il dfend la couronne Il estheureux, vainqueur et dtest, Mais il s'enfuitds qu'il est accept Il ddaigne ce qu'on lui

    donne.C'est le dmon, mais c'est la volupt ; C'est lepch, mais c'est la force vive ; Il fait le mal,mais il fait la beaut ;

    On le repousse et toujours il arrive ! C'est letorrent conqurant de son cours, C'est le rivalet le but du tonnerre Malgr les lois, la haine etles discours, Dans la nature il produira toujoursLa mort, la naissance et la guerre.Mais un rayon de la divinitComme un filet le surprend et l'enchane. Il estpris de la maternit,

    Cette splendeur de bont surhumaine. C'taitla force, il devient le pouvoir, Sur un berceauquand sa fiert s'incline, Il se transforme enimmortel espoir,Et lorsqu'il peut pouser le devoir, Il se chargeen vertu divine.

    FABLE III

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    PYGMALION.Lorsque Pygmalion, sous sa main trop savante,D'un marbre que l'amour toucha de son

    flambeau Sentit la forme vivre et la chairfrmissante Repousser le ciseau,Il aima son ouvrage, il jouit de son rve ;Il commena le jour qui jamais ne s'achve, Lejour de l'amour ternelTant d'orgueil palpitait dans son sein paternel !

    La fable ne dit pas comment finit l'histoire ;Voulez-vous l'apprendre, en voiciLe dnouement en raccourci.D'abord ce furent des caresses, Des transports,de folles ivresses ! La statue anime avait desyeux ardents Et des lvres toujours avides,Des couleurs riches et splendides ; Mais c'taitdu marbre dedans, C'tait un beau front sanspenseSa bouche tait brlante et son me glace. Unjour, en s'veillant, le statuaire eut peur ; Il crutn'avoir fait qu'un vain songe,Son bonheur lui parut un douloureux

    mensonge. Il quitta Galate avec un crid'horreurPourtant elle tait toujours belle,Rien ne prouvait encor qu'elle ft infidle. Quelui manquait-il donc ? - Un cur.Oh ! pauvres amoureux de nos filles de

    marbres ! On trouvait autrefois des nymphesdans les arbres, Mais on trouve aujourd'hui

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    bien plus souvent, je crois, Des corces defemme avec des curs de bois.

    SYMBOLE IIIPYGMALION.L'amour est une toute-puissance lorsqu'il s'agitde raliser le possible, c'est une fatalit et unvertige mortel lorsqu'il s'obstine la ralisationde l'absurde.

    Ce que vous voulez avec amour vous le pouvezsi la nature le peut, c'est--dire si votre volontn'est pas en dsaccord avec l'ternelle raison.Les transformations de la magie et de la chimiehermtique ne sont que le dveloppementartificiel des germes naturels. On ne fait pas del'or, on aide la nature en faire.Le problme rsolu par la magie d'Herms estcelui-ci" Accumuler et fixer dans un corps artificiel lecalorique latent, de manire changer lapolarisation molculaire de corps naturels parleur amalgame avec le corps artificiel. "

    Celui de la magie prodigieuse peut se formulerainsi: " Dprimer ou exalter le principe desformes de manire en changer lesapparences. "On voit par cette dfinition que les prodiges dela magie fascinatrice ne sont en effet que des

    prestiges.

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    On peut s'exalter au point de prendre unestatue pour une femme. Mais on ne fera jamaisen ralit qu'une statue soit une femme, ni

    qu'une femme soit une statue.On peut monter la tte d'une fille de marbre etla faire agir comme si elle aimait; on ne luidonnera jamais un cur.Jouir des illusions sans en tre dupe, l est legrand arcane de la magie.

    Celui qui cre l'illusion sans la subir commandeau vertige et l'enfer; celui qui la subit estentran par le vertige.L'un est le magicien qui enchane le diable,l'autre est le sorcier qui le diable finittoujours par tourner la tte et tordre le cou.Etat d'avancement au 14/08/2001