Édouard hugon op. la mère de grâce

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5/23/2018 douardHugonOP.LaMredeGrce-slidepdf.com http://slidepdf.com/reader/full/edouard-hugon-op-la-mere-de-grace 1/326 ÉTUDES THÉOLOGIQUES R. P. E. HUGON DRS FRÈRES PRÊCHEURS LA MÈRE DE GRÂCE  Plena sibi, superplena nobù PARIS (VI e ) P. LETHIELLEUX, LIBRAIRE-ÉDITEUR 10, RUE CASSETTE, 10

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R.P. Édouard Hugon OP (1867-1929). La Mère de Grâce. (Mariologie thomiste)

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    TUDES THOLOGIQUES

    R. P. E. HUGONDRS FRRES PRCHEURS

    LA

    MRE DE GRCEPlena sibi, superplena nob

    P A R I S ( V I e )

    P. LETHIELLEUX, LIBRAIRE-DITEUR

    10 , RUE CASSETTE, 10

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    Biblio!que Saint Librehttp://www.liberius.net Bibliothque Saint Libre 2009.

    Toute reproduction but non lucratif est autorise.

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    LA

    MRE DE GRCE

    LA MKRE DE GRACE.

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    P E R M I S D ' I M P R I M E R

    Paris, le 25 Janvier 11)04

    P . P A G E S , vi e . go n.

    Laideur et l'diteur rservent tous droits de reproduction

    et de'traduction.

    Cet ouvrage a t dpos, conformment aux loin, en

    Avril 1904.

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    AVANT-PROPOS

    La thologie mariale a pris de nos jours un

    dveloppement la fois consolant et fcond

    pour la pit, que le grand Congrs de Lyon,

    au mois de septembre 1900 et celui de F ri-bourg (Suisse) en 1902, ont mis pleinement

    en lumire. Les encycliques immortelles de

    Lon XJIT sur le Rosaire constituent elles

    seules un monument doctrinal, une vritabledogmatique de la Sainte Vierge (1).

    C'est faire uvre thomiste et uvre d'actua

    lit que d'entrer dans ce mouvement, Vheure

    surtout o Vglise s'apprte exaller Marie

    par le jubil d'or de VImmacule-Conception.

    Notre but ici est modeste. Aprs Vouvrage

    magistral du P. Terrien nous n'avons pas traiter fond le magnifique sujet des gloires

    de Marie : une invocation de l'glise sufft

    (1) Nous av on s tir qu el qu es con sq uence s de cet en

    seignement du Souverain Pontife dans un petit ouvragentitul : Le Rosaire et la Saintet. Paris, Leth ielleux.

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    VI AVANT-PROPOS

    notre plan : Marie, Mre de grce ! Elle scan

    dalisait Vtroitesse jansniste, et cependant

    elle renferme tant de doux mystres, elle cache

    tant de profondeurs thologiques, elle rsume

    tant de vrits fondamentales du christianisme !

    L'lude complte de ce titre nous permettrade toucher aux questions importantes qui se

    ramnent la tliologie de la Sainte Vierge ;

    et, comme la meilleure mthode pour faire

    comprendre Marie est de la comparer avecson divin Fils, nous aurons rappeler aussi

    les grands principes du trait de l'Incarnation.

    Cette marialogie en abrg ne peut, sans

    doute, pas remplacer les longs ouvrages, mais

    nous pensons qu'elle a son utilit et son intrt,

    et nous osons offrir ce petit livre la Vierge

    Immacule, en cette anne jubilaire, commeun hommage de reconnaissance et un tribut

    d'amour.

    Marie est appele Mre de grc e, parce

    qu'elle a reue la plnitude des grces pourelle-mme, et parce qu'elle est la distributrice

    des grces pour tous les saints : Plena sibi,

    superplena nobis. De l deux divisions fon

    damentales de notre ouvrage :

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    AVANT-PROPOS VII

    Premire partie, la plnitude des grces en

    Marie.

    Seconde partie, le rle de Marie dans

    l'acquisition et la distribution des grces.

    Ce travail tait dj livr Pimpressionlorsque a paru VEncyclique de S. S. Pie X

    sur le Jubil de VImmacule-Conception. Tout

    en regrettant de n avoir pu utiliser pour notre

    sujet ce magnifique enseignement du Docteursuprme de VEglise, nous avons t profon

    dment consol d'y trouver la confirmation de

    nos principales thses sur le rle de Marie dans

    l'acquisition et la distribution des grces. Le

    document pontifical signale la valeur salis-

    facioire des actions de la Sainte Vierge,

    qui a eu pour mission de prparer une victime pour le salut des hommes, de la nourrir

    et de la prsenter, au jour voulu, Vaulel.

    Aussi entre Marie et Jsus, perptuelle socit

    de vie et de souffrance . Le rle mritoire : Elle a t associe par Jsus-Christ l'u

    vre de la rdemption, elle nous mrite de con-

    gruo, comme disent tes thologiens, ce que

    Jsus-Christ nous a mrit de condigno .

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    VIII AVNT-P ROPOS

    Le pouvoir d'intercession et la mdiation uni

    verselle pour la distribution des grces :

    Elle est le minisire suprme de la dispensa-

    lion de la grce .

    L'Encyclique fait valoir les raisons fonda

    mentales que nous avons essay de mettre enlumire : Marie est tout la fois mre du

    corps naturel et du corps mystique du Sau

    veur ; elle est indissolublement unie son Fils

    pour mriter, satisfaire et intercder. Elleest l'aqueduc, comme dit saint Bernard, elle

    est le cou surnaturel qui a pour office de

    rattacher le corps la tte et de transmettre

    aux membres les influences et les efficacits

    de la tte .

    C'est ainsi que pour clbrer dignement

    Pauguste Vierge, le Souverain Pontife a crudevoir associer les deux privilges les plus

    glorieux pour Marie : son Immacule Con

    ception et sa double maternit.

    Saluons donc avec Pie X la Reine Immacule et la Mre de Grce !

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    CHAPITRE PREMIER

    Les diverses plnitudes de la grce

    Le mot grce dsigne, en gn ra l, tout ce

    qui est donn gratuitement. Les biens de lanature, ce titre, sont des grces, car nous

    les tenons de la munificence librale de Dieu.

    La cration, l'existence, la conservation, tout

    ce qu'il y a d'tre et de vie en nous, sont une

    aumne que la Providence nous fait de plein

    gr. Il n'y a pas* dans toute notre nature, une

    parcelle d'tre qui soit nous : le Tout-Puissant donne tout, soutient tout par une in

    fluence cont inue lle et immdiate ; prcaires

    et dpendants, nous avons sans cesse besoin

    d'tre ports par lui. C'est bien l l'aumnede chaque instant , le bienfait qui n'est pas

    d, le don gratuit . Il y a ainsi , dans l'ordre

    na tu re l, une sorte de g rce qui atteint cha

    cune des cratures pour les faire exister,

    LA MRE DE GRACE. 1.

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    2 l r o P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    vivre et prosprer; c'est la nourrice cle Puni-

    vers , comme parle le livre cle la Sagesse :

    Omnium nutrici grati iu (1). Elle est parti

    culirement remarquable dans l 'homme lors

    qu' el le ral ise en lui toutes les perfections

    de l'me et toute la beaut du corps.Ces grces naturel les, Marie les a reues

    dans leur pl n it ude. Son me a puis , en

    quelque sorte, les richesses de l'idal et du

    rel. Jsus-Christ, l 'homme parfait, est le reprsentant le plus achev de l'humanit. Son

    corps a t form par la vertu surnaturelle de

    l'Espr it -SainL ; or Dieu ne fait de te ls mi

    racles que pour enfanter des chefs-d'uvre :

    c'est donc le modle de tout ce qui est pur et

    beau dans le monde matriel. Son me, qui

    est le type du monde des esprits, qui touche

    la personne divine , source de toute beau t ,

    runit en elle tout ce qu'il y a de grand, de g

    nreux, d'exquis clans l'me des artistes, des

    potes , des orateu rs ; elle dpasse infinimentle gnie : elle est, pour ainsi dire, l'idal sp

    cifique ralis. Mais, comme Jsus et Marie

    sont unis dans le mme plan ternel et que

    (1) Sap., xvi, 25.

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    CH. I. LES DIVERSES PLNIT. DE LA GRACE 3

    Dieu les a contempls d'avance dans le mme

    tableau, ils sont comme le moule ou le miroir

    l'un de l' au tre. Il n'y aura jamais de cra tu re

    qui imite et reproduise de plus prs la beaut

    de Jsus que l'me de Marie : elle est bien le

    miroir fidle dans lequel rame de Jsus secontemple et se reconnat. Elle est donc in

    comparablement belle, et il fallait bien, en

    effet, que l'me destine porter toutes les

    merveilles de la grce ft dj elle-mme lamerveille de la nature.

    La dignit de l'me rejaillit sur les puis

    sances, comme l'clat de l'essence se reflte

    sur les proprits. Nous en concluons une

    perfection acheve dans toutes les facults

    de l'auguste Vierge, pntration et sret de

    l' intel ligence, force de la volont, harmonie

    des puissances infrieures.

    Chez les autres humains le corps est sou

    vent rfractaire l'action de l'me ; les indis

    positions de la matire interceptent la clartsupr ieure de l'esprit , et le soleil de l'me,

    prisonnier de la chair, doit retenir en lui te

    trop-plein de sa lumi re ; le corps manque

    d'clat , c'es t la la ideur ou la vu lgar it.

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    4 l r c P. LA. PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    Mais, en Marie, pouvons-nous concevoir de

    semblables indispositions? La Providence,

    qui a dtourn d'elle le fleuve de la corrup

    tion originelle, qui n'a point permis que ce

    corps ft souill un seul instant, devait-elle

    souffrir qu'i l ft rebelle l'action de l 'espri t?Cette chair et cette Ame ont d s'pouser et

    vivre dans l' harmonie par fa ite, afin de pr

    parer le tabernacle o le Verbe devait faire sa

    demeure et prendre ses dlices : l'Ame a donccommuniqu au corps ces perfections et cet

    clat suprieurs qui font la beaut.

    D'ailleurs Dieu devait la dignit de son

    Fi ls de don ner la beaut Marie. Lorsqu 'i l

    ptrissait le limon primitif, il pensait au corps

    que le Verbe devait un jour revtir : qaodcum-

    que limas exprimebalnr, Chrislus cor/itabatarhomo fatums (1). N'avons-nous pas plus de

    raison de dire avec Bossuet (2) que Dieu, en

    formant le corps de Marie, avait en vue

    Jsus-Christ et ne travaillait que pour lui ? 11tait comme oblig de mettre dans celte chair

    quelque chose d'exquis la rendant capable de

    (1) T E R T U L L .

    De re&urreclionc carnis, cap. vi.(2) I e r sermon sur la JNalivil de la Sic Vierge, exorde.

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    CH. T. LES DIVERSES PLNIT. DE LA GRACE 5

    devenir le moule d'o sort irai t le corps trs

    parfait du Verbe incarn. Ainsi que nous

    l'avons dit de Pme, le corps de Marie est le

    (idole miroir o Dieu contemple et reconnat

    la beaut de son Fi ls . 11 faut croire, dit Ca-

    jetan ( l ) , que la Sainte Vierge a t, a idant

    que faire se pouva it , semblable en tout

    J s u s . Comme la beaut spirituelle est ra

    lise dans l'Ame du Christ et de sa Mre, la

    beaut sensible a trouv ses types achevsdans le corps de Jsus et le corps de Marie.

    La Sainte Vierge a runi en elle les perfec

    tions des femmes clbres qui l'ont figure

    dans l'Ancien Testament : la grce de H-

    beeca, les charmes de Rachcl, la beaut de

    Judi th , la majest douce d'Es ther . Sa seule

    prsence est une apparition cle la beaut im

    macule. Les Pres et les auteurs ecclsias

    tiques depuis saint Grgoire de Nazianzc (2),

    saint Jean Damasccnc (3), Richard de Saint-

    Victor (4), Denis le Chartreux (5), Gcrson (6)(l) De Spasmo Virginia.(2j Truydia de Passione Chrisli.\3) Serin. 1de Naiiv. Virg.(4) Comm. in Canlic.,. lib. xxvi.

    (f>) De Laudibns Virginis, lib. .(6) Serai, de Concept'. B. V.

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    6 I r e P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    jusqu'aux plus rcents crivains de Marie,

    sont unanimes affirmer que la Vierge a t

    parfa itement bel le : be ll e d'espr it, bel le de

    corps, belle de visage.

    Le miracle et la grce se sont ajouts la

    nature pour former Marie une parure debeaut inconnue jusqu'alors et qui ne se re

    verra jamais plus : les charmes de la vierge et

    la majest de la mre, l'intgrit parfaite et la

    fcondit sans gale. El le possde la foisles grces du pr in temps et les richesses de

    l't ; elle donne son fruit tout en restant

    fleur.

    Elle est belle dans le temple de Jrusalem

    o l'Esprit divin la prpare sa mystrieuse

    destine ; belle dans la chambre virginale o

    elle vit dans le recuei ll ement et la pr ire ;belle quand elle berce l'Enfant-Dieu ou qu'elle

    le ca resse sur son cur ; belle clans la maison

    de Nazare th , ct du gracieux adolescent

    qui est son fils et son Dieu ; bel le sur leschemins de la Jude et de la Galile, accom

    pagn an t le cleste prdicateur et recueil lant

    ses paroles ; belle sur le Calvaire, quand elle

    assiste le divin mourant et qu'elle devient la

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    CH. I. LES DIVERSES PLEN1T. DE LA GRACE 7

    mre de l'humanit ; belle au Cnacle, o elle

    inst rui t les Aptres et protge l'glise nais

    sante ; belle enfin sur le trne de gloire o

    elle rgne ct de Jsus, au-dessus de tous

    les churs des anges.

    Elle est assurment l'apparition vivante dela beaut, et je comprends que le pote nous

    ait reprsent l' archange en extase devant

    Marie en contemplant ses yeux. Quel sera

    donc le ravissement de la voir telle qu'elleest, avec les charmes exquis de son corps et

    les grces incomparables cle son me ! C'est

    l une part du bonheur qui nous attend pour

    l'ternit.

    Et cette beaut immacule , mme sur la

    terre , ne fut jamais pour personne un attrait

    au pch (1). La beau t chaste transfigure lecur qu'elle ravit, comme l'clat d'une douce

    lumire rjouit sans troubler. Dieu est la

    premire beaut, la premire vierge, le pre

    mier amo ur, et cet te beaut rend purs ceuxqui s'approchent d'elle : on est vierge en

    l'aimant. Ainsi de Marie. Sa beaut porte

    les mes au Dieu qu'elle reflte, la fleur de

    (1) S. TIIOM., in I I I Sent., disl . 3, q. 1, a. 2, sol. 1, ad 4 .

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    8 l r e P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    sa virginit est un parfum o Ton respire le

    ciel ; c'est aimer la puret que d'aimer Marie-

    Heureuses les saintes mes qui l 'aperoivent

    dans leurs mditations, heureux les artistes

    qui l 'entrevoient, comme Angelico, dans une

    de ces conceptions qui sont le commencementde l'extase ; heureux enfin nous tous, lorsqu'il

    nous sera donn de la voir au ciel, en vivant

    de sa vie, aimant de son amour !

    Telle est la premire plnitude de grce etde beaut qui appartient Marie. Nous ne

    faisons qu'effleurer ces considrations, pour

    arriver notre sujet proprement dit, la grce

    surnaturelle.

    Le bien gratuit par excellence est celui qui

    dpasse toutes les forces, toutes les nergies,

    toutes les proprit s , toutes les exigences dela nature et nous met au niveau de Dieu.

    L'glise a dfini, contre Pelage et ses dis

    ciples, la ncess it de cet te grce, et nous

    n'avons pas tablir ici ce dogme fondamental.

    Certaines grces ont pour objet de nous

    sanctifier et de nous unir Dieu, et, par le fait

    qu'elles ralisent cette adhsion au souverain

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    19/326

    CH. I. LES DIVERSES PLENIT. DE LA GRACE 9

    bien, elles embellissent nos mes, nous ren

    dent les amis du Seigneur. Bien des personnes

    cherchent, sans jamais le trouver, le don de

    plai re ; nous somm es plus heureux dans

    l'ordre surnaturel : nous recevons le privilge

    de plaire au seul Roi dont il importe d'avoirles faveurs : gralia gratam faciens.

    D'autres grces, quoique trs excellentes et

    trs prcieuses, ne suffisent point par elles-

    mmes pour sanctifier, leur rle est extrieuret social : procurer le bien du prochain, la

    conversion des pcheurs, l'utilit de l'Eglise,

    comme la prophtie, le don des langues, le

    pouvoir des gur is ons, la vertu des mira

    cles, etc. On leur rserve le nom gnral

    de grces gratuites, grati gratis dat, puis

    que leur prsence ne nous rend pas ncessai

    rement les amis cle Dieu.

    La grce qui confre le don de plai re , gra

    tam faciens, se divise en grces actuelles et

    grces habituelles. Les premires sont dessecours transitoires : clairs surnaturels qui

    saisissent l'intelligence, impulsions subites

    qui entranent la volont, elles prparen t et

    disposent au sa lu t, comme les mouvements

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    10 I r e P. L A PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    pieux qui prcdent l'tat de grce, ou bien

    elles compl tent l'uvre du salut en dve

    loppant les nergies dposes dj dans l'me,

    comme les secours qui suivent la justifica

    tion. La grce habi tuel le est cont inuell ement

    penche sur notre me pour lui conserver lachaleur et la vie, elle lui apporte un tre

    nouveau et permanent, une seconde nature,

    qui est une naissance la vie divine. La grce

    habi tuel le confre la qual it d'enfants deDieu, la grce actuelle l'opration des enfants

    de Dieu ; la grce hab ituel le nous unit au

    Seigneur et nous sanctif ie par ce contact , la

    grce actuelle nous fait sentir la touche de

    l 'E sp ri t -Sai nt ; avec la grce actuelle c'est

    Dieu qui passe, avec la grce habituelle c'est

    Dieu qui demeure.

    La plnitude de la grce peut s 'entendre de

    diverses manires. Plnitude absolue, lors

    qu'elle s'appl ique a tous les effets et qu 'elle

    est donne avec toute l'excellence et toutel'intensit possib les : c'est celle qui appar

    tient Jsus-Christ. Il est l'universel, l'ef

    ficace princ ipe qui at teint tous et chacun des

    effets surna turel s : toutes les oprat ions du

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    21/326

    CH. I. LES DIVERSES PLNIT. DE L GRCE 11

    salut drivent de lui. Il a puis toutes les ca

    paci ts de la grce, comme un abme sans

    rivages qui contiendra it les eaux de tous les

    ocans . Il touche, par l'union hyposlafique,

    la source infinie des grces, la divinit ; cl,

    comme il est imposs ible d'tre plus prs deDieu que lui, on ne saurait concevoir une

    grce plus profonde et plus tendue que la

    sienne : c'est la plnitude absolue, sans li

    mite, jusqu'au dernier degr qui soit possible,au moins de la puissance ordinaire de Dieu.

    On dist ingue ensui te (1) la plnitude de

    suffisance, qui rend les justes capables d'ac

    compli r les ac te s mritoires et excellents et

    d'arriver au ferme du salut ternel : c'est celle

    qui est commune tous les sa in ts . En der

    nier lieu, la plnitude de surabondance, qui

    se dverse su r les hommes, comme un rser

    voir trop rempli : c'est le privilge spcial de

    Marie.

    La source, le fleuve et les ruisseaux ontleur pln itude, niais d'une manire diffrente;

    ainsi le Christ, Marie et les saints. Jsus a

    la plnitude de la source, puisqu'il est l'ocan-

    (\) Cf. S. TIIOM. Comm. in joan., cap. I. Icct. x.

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    22/326

    12 l T e P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    sans limite et sans fond, o l'on puise sans

    cess e et qui demeure tou jours rempli . Les

    sa in ts ont la plni tude des ru isseaux, cou

    rants plus ou moins l arges, plus ou mo ins

    profonds, mais toujours limits. Marie a la

    plnitude du fleuve, fleuve majestueux el dbordant qui fait ar river jusqu ' nous les flots

    du vaste ocan Jsus-Christ .

    Mentionnons encore la plnitude d'uniuer*

    salil, co mme celle qui appart ient l 'Egli se ,dans laquelle se trouve runi l'ensemble des

    bienfaits et des dons clestes : il n'est aucune

    grce que l'Eglise, prise dans sa totalit et

    avec foute la dure de son existence, ne puisse

    et ne doive possder . Nous examinerons si

    une telle pln itude appart ient la Sainte

    Vierge.

    Comme il y a eu progrs dans ces diverses

    grces , la plni tude du premier in st an t n'est

    pas celle de la seconde sanctification lorsque

    Marie conut le Christ , ni celle-ci la plnitude finale. Notre tude, pour tre complte,

    devra donc passer en revue ces quatre poi nt s

    importants :

    La plnitude de la premire sanctification ;

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    23/326

    CH. I. LES DIVERSES PLENIT. DE LA GRACE 13

    La plnitude de la seconde sanctification et

    la grAce de la maternit divine ;

    La plnitude finale ;

    La plnitude d'universalit.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    24/326

    CHAPITRE DEUXIME

    La plnitude de la premire sanctification

    Le Christ cl Marie ont ce privilge ([ne leurhistoire commence avanl leur naissance et

    ne s'achve jamais. Tous les deux, quoique

    d'une manire diffrente, ont re

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    25/326

    CH. II. PLNITUDE DE L I r o SANCT1FICAT. 15

    Irait la corruption primitive charrie par ces

    ilts impurs. Pierre de Celle se sert d'une autre

    comparaison : 11 est venu, le Fi ls de Dieu,

    n de la Vierge, sans le levain de la faute, et

    il a choisi dans la niasse de la nature humaine

    la farine trs pure d'une chair immacule,sans prendre le ferment du pch originel (1).

    C'est la une raison premire et fondamen

    tale.

    Il y en a une autre : le fait de l'union hy-poslalique. Comme toutes les actions et toutes

    les proprits sont attribues la personne,

    et qu'il n'y a qu'un seul suppt en Noire Sei

    gneur, la faute originelle serait impute la

    personne mme d'un Dieu! La grce substan

    tielle d'union est donc une barr ire infranchis

    sable contre tout pch, originel on actuel.Les mmes raisons n'existaient point pour

    Marie. Porte sur le fleuve ordinaire de la

    gnration humaine, elle devait subir le con

    tact de la souillure, et elle n'avait point, parail leurs, une grce substant ie lle qui du t ta

    prserver. Mais d'autres convenances rcla-

    niaient imprieusement l'exemption. Etait-il

    (li PKTILS GELLENSIH, De panibus, enp. iv.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    26/326

    16 I r c P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    poss ible que le temple o le Verbe devait

    habiter ft profan un seul instant? Ne fal

    lait-il pas que la Vierge ret, ds le premier

    moment, une prparation digne de la future

    mre d 'un Dieu ? L'opprobre or ig inel aurai t

    perptuellement rejailli sur le Fils. Avecquelle insolence le dmon aurait dit Jsus-

    Christ^ Je t'ai vaincu un jour, car cel le dont

    tu as reu la chair fut un instant sous mon

    pouvoir !De plus, Marie devait tre la rparatrice du

    genre humain. El. comment aurait -el le pu bri

    ser la tte du serpent si le serpent, le premier,

    lui avai t dj fait sentir sa cruelle et honteuse

    morsure? h ! l' humani t ne s'y est point

    trompe! elle a toujours proclam bien haut

    sa foi h un pr iv ilge qui est une gloi re pour

    nous tous ; les sain ts prchaient publ ique

    ment ce que les fidles croyaient. Voici ce

    sujet le prcieux tmoignage de saint Vin

    cent Fcrrier. Marie n'attendit pas, pourt re sanctifie, l' poque de sa naissance, la

    dernire semaine ou le dernier jour : au pre

    mier instant, ds que son corps fut form et

    son me cre, elle fut sanctifie, car elle

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    27/326

    CH. II. PLNITUDE DE LA I r e SANCTIFICAT. 17

    tait dj raisonnable et capable de sanctifi-

    calion (l).

    Il n'en tre pas dans notre dessein d'exposer

    la thologie de l'Immacule Conception. Les

    raisons de ce dogme sont connues de tous :

    les thologiens les ont dveloppes longue ment, les prd icateurs les ont fait pntrer

    dans l'esprit des (idoles, et il serait inutile de

    refaire cette page glorieuse , qui est dans

    tous les curs.Ce privilge, pourtant si magnifique, n'est

    que le cot ngati f de la premire sanctifica

    tion ; c'est surtout l'abondance des grAccs qui

    en a fait la beaut.

    I

    LA PREMIRE GRACE

    En Jsus-Christ la plnitude premire a t

    la plnitude finale. Sa dignit exigeait qu' il

    (1) SCXIUH gracias csL super omnes alios ; es t sanrLi-

    flcalio bcaLo Marie, quia ista sanctificatio non fuit cum dc-buiL nasc ij ii cc in uilinio die scu ebdomada, sed in codemdie et liora, ymo in inomenio fonualo corporc cL crataanima fuit sanctificata, quia tune fuit rationalis et capaxsanctifieationis . I. Sermo de Conceplione bate Marie.Manuscrit de Toulouse, mrs. 34G. Nous devons ce

    loxle h l'obligeance du R. P. FAGKS, O, P., le savant historien et diteur de saint Vincent Fcrricr.

    LA MRE DE GRACE . 2 .

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    28/326

    18 l r o P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    n'y et pas de succession dans ses grces et

    ses vertus : d'un seul coup il at te ign it le fate.

    D'ailleurs, pour nous servir d'une autre image,

    il ne pouvait jamais tre plus prs de la source

    qu'il Flait alors, car il louchait Dieu dj

    par ce tte union personne lle qui n' admet pointde deg r s , qui ne peut tre jama is p lus tro ite

    qu'au premier instant :ds l'origine donc, l'o

    can divin s'est dvers dans l'me clc Jsus

    avec une telle abondance que rien ne saurai ty tre ajout . La grce tant parfa ite, les

    vertus se trouvent aussi au degr suprme, qui

    est l'hrosme : vertus naturelles ou infuses,

    dons cl fruits du Saint-Esprit, grces gra

    tuites, tout ce qui appartient l'conomie du

    surnaturel orne dj l'me de Celui qui est,

    ds le premier instant , le chef de l 'humanit

    et la source de notre sanctification. Les grces

    consommes des an ges et des hommes for

    mera ien t un ab me , si elles taient runies

    ensemble ;mais il serait possible de les sondercl. d'y ajouter e ncore : elles ne peuvent donc

    se comparer avec la grce de Notre Se igneur ,

    laquelle rien ne s'ajoute et qui a une sorte

    d'infinit.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. II. PLNITUDE DE LA I r c SNCTIFICAT. 19

    La perfection cle la Sainte Vierge n'a pas

    le mme carac tre. Marie, sa conception,

    touche Dieu de moins prs que plus tard

    quand elle concevra le Verbe de vie ; sa grAcc

    initiale n'est donc pas une grce consomme.

    Mais c'est dj la prparation et le fondementde la maternit divine. Or, ne semble-L-il pas

    que les bases d'une dignit en quelque sorte

    infinie doivent dpasser la hauteur de toutes

    les grces accordes aux cratures ?Une double question se pose ce sujet :1 la

    grce de la premire sanctification en Marie

    est-elle suprieure la grAcc consomme des

    anges et des plus grands saints pris spar

    ment ? 2 est-el le suprieure h la grAcc con

    somme de tous les anges et de tous les saints

    pris ensemble ? Les Pres et les anciens

    thologiens n'ont pas discut tous ces dtails,

    mais ils ont pos les principes qui nous

    permettront de rsoudre la difficult.

    La rponse la premire question ne paraitpas douteuse : c'est une doctrine aujourd'hui

    commune que la grce initiale de Marie a

    surpass la grAcc consomme des plus grands

    saints. Depuis longtemps d'ailleurs des doc-

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    20 i r e P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    te ur s il lus tres s'taient pr on on c s dans le

    mme sens . Saint Jean Dama scne disa it

    dj propos de la naissance de la Vierge:

    C'est aujourd'hui qu 'est enfante la mo n

    tag ne de Dieu, mont ag ne au gu st e qui dpasse

    toule colline et toute montagne, c'est--direles plus subl imes hau teu rs des an ges et des

    hommes (1). Ce qui est dit de la naissance

    peut videmment s'appliquer la conception .

    Suarez (2) regarde comme pieux et vraisemblable le sent iment qui acco rde Marie, ds

    le premier instant, une grce suprieure la

    grce consomme des ancres et des hommes.

    Le dominicain Justin de Micbow crivait au

    xvn c sicle dans ses confrences si thologi

    ques sur les l itanies : Ds sa conception, la

    Sainte Vierge a eu une abondance et une pl

    ni tude de grces telles que nul homme ou

    nul ange n'a jamais eues, n'a jamais pu ou

    ne pcuLjamais avoir (3). M. Olier a expos

    gracieusement cette doctrine ; Contcnson etsaint Alphonse de Liguori vont mme plus

    (l) Oral, de Naliu. Virg.

    (2, De myslcriis Vit ChrislL d. 1, s. L

    (3) 134 confrence.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    31/326

    CH. II. PLNITUDE DE LA I , e SANCTIFICAT. 21

    loin, ainsi que nous le dirons plus bas. Quant

    aux auteurs de notre poque, inutile de citer

    des tmoignages particuliers, puisque tous les

    ouvrages actuels de marialogie sont unanimes

    sur ce point.

    Sans discuter toutes les preuves qu'on acoutume d'apporter, nous nous contentons de

    deux raisons qui nous paraissent particuli

    rement claires et dcisives.

    Ds le premier instant, Marie est marquecomme mre de Dieu, et il faut que la grce

    la dispose dj en vue de cette destine,

    qu'elle reoive la perfection d'une future mre

    de Dieu. El le n'a pas encore sa dignit su

    prme, mais elle doit en avoir la prparation

    convenable ; en un mol, sa premire sancti

    fication doit tre le fondement de la maternit

    divine.

    Or une dignit de ce genre, qui a une sorte

    d'infinit, dpasse toutes les montagnes de

    la saintet, et les plus hautes rgions desgrAccs ne semblen t pas encore un fondement

    capable de la porter. C'est ainsi qu'on explique

    le psaume 86 : Fundamenia ejas in monli-

    bus sanclis, ses fondements reposent sur les

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    32/326

    22 r* 1 \ LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    montagnes saintes . Les commencements

    des grces (le Marie reposent sur le sommet

    des aulrcs saints ; l o ceux-ci ne parvien

    nent qu'au terme de la grce consomme,

    c'est de l que la Vierge est partie sa pre

    mire sanctificalion ; le faite de loules lesautres saintets n'est que la base de la sienne.

    On interprte dans le mme sens le passage

    o le proph te Isae reprsente la mo ntagne

    de la maison du Sei gneu r leve au-dessusde toutes les autres montagnes :Mans clomus

    Domini in verlicc monliam (1).

    On pourrait discuter sur la valeur exg-

    tique cle ces deux interpr ta lions ; mais , au

    point de vue traditionnel,elles ont uncauloril

    incontestable, base sur l 'application quoli-

    dienne que l 'Eglise fait de ces textes la

    Sainte Vierge dans la liturgie. Les saints doc

    teurs et les crivains ecclsiastiques, Gr

    goire le Grand, Jean Damas cn e dont nous

    avons cit le tmoignage , Contenson, le P .Poirier, M. Olier, le P. Terrien, reproduisent

    un an imement celle interprtat ion. C'est bien

    la montagne, qui se dresse sur le fate des

    (1) ISAI., u, 2.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    33/326

    CH. II. PLNITUDE DE LA l P e SANCTiriCAT. 23

    autres montagnes, dit saint Grgoire, car

    la hauteur de Marie resplendit au-dessus de

    tous les au tre s sainls (1). Les paroles de

    M. Olier mritent d'lro connues: Les fon-

    deincnts et les prmices de la vie de la Trs

    Sainte Vierge sont levs par-dessus les plushaute s montagnes de l'Eglise, c'est - -di re

    par-dessus les aines les plus parfaites et les

    plus su rminen tes de l'Eglise.. . D'o vienl

    que Dieu aime plus ces entres ou autrementces portes que les tabernacles de Jacob. Les

    ent res de la Trs Sainte Vierge son t deux,

    Lune cache et inconnue, qui est sa sainte

    Conception, l'autre est plus vidente, et c'est

    sa Nativit (2).

    Une seconde preuve qui est apporte com

    munment et que nous trouvons excellente,c'est que Marie tait aime de Dieu au-dessus

    des anges et des sa in ts les plus consomms

    dans la saintet, car le Verbe la regardait et

    l'aimait dj comme sa mre future. Or, l'amour divin est crateur : pour Dieu, aimer

    (1) Mons quippe in ver lice inonlium, quia alliUulnMariai supra omnes sanctos reluist . In /. 7?

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    34/326

    24 r P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    c'est foire du bien ; aimer dans l'ordre su rna

    turel, c'est donner la grce. S'il aime Marie

    plus que les grands saints, il lui vcul plus de

    bien, il lui accorde plus de grce (1). Nous

    reprendron s plus bas ce ra isonnement.

    Abordons la seconde question : celle grceinitiale est-elle suprieure aux grces consom

    mes de tous les anges cl de tous les hommes

    ensemble ? Les tmoignages sur ce point

    sont moins expl icites ; bon nombre d'auteursque nous avons cits pour la premire ques

    tion ne se sont pas prononcs sur celle-ci.

    Suarcz n'en parle pa s, quoiqu' il soutienne

    que la grce finale de Marie soit plus par

    faite que la grce dernire des anges et des

    saints pris mme collectivement. Nous de

    vons reconnatre que celte opinion est com

    bat tue par cer tains thologiens. Le P . Te r

    rien n'est pas de ce nombre, mais il se

    monlrc fort hsitant, et il semble mme

    regarder ce sentiment comme moins probable (2).

    (1) )cnm diligere mugis aliquid nihil aliud est qnanici ma ju s bonum vc ll c : vo lu nl ns enim Dci cs l causa b o -

    nital is (I P . , O. 20, a. I).12}La Mre de Dieu, L I, p. 391,

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    CH. II. PLNITUDE DE LA I l c SANCT1FICAT. 25

    Celle doclrine a pourtant d'illustres dfen

    seurs. Sain t Jean Damasccne parait bien l'en

    seigner lorsqu'il dit que Marie, sa nais

    sance, a su rpass toutes les hau teurs des

    anges cl des hommes . Nous pensons que

    c'est aussi l'avis de sa int Vincent Ferr ie r. Marie, sa conception , reoit dans leur

    plni tude les grces qui ne sont donnes aux

    autres saints que partiellement . Ce qui re

    vient dire : Toutes les autres grces sontdes parties qui, unies ensemble, nVgalcnl

    pas la plnitude totale dont Marie fut favo

    rise au premier instant (1). Cette opinion est

    soutenue expressment par Vga (2) ; Con-

    tenson l'expose en fort beau langage (o) ;

    sa int Alphonse en est comme le dfenseur

    atti tr (4). On a cit Billuart ; voici ce que(1) Coloris per partes clalur gratia Dei, Marie autem

    lola se diffundil gracie pleniludo... in virginc Maria forma lo corporc et creala anima slatim fuit sanc li fkala.LcLilicaL civitalem, scilicet Anglus, qui gratic divine rc-

    vclationc vidcrunl graliam sanct itatis Virginia et fece-runL fcslum in clo de cjus conccplionc II. Sermo deconceplione Deale Marie, Mis. 310.

    (2) Thcol. Mariant \\. llfiO.(3 TheoL Mordis et C.ordis, lib. X, diss. 0. cap. , sp.

    2, primo.

    4 Gloires de Marie, IIe

    partie , dise. 2. Sur la Xalivilcde Marie.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    26 I 1 C 1 \ LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    nous avons pu trouver dans ses sermons

    (Panyyr. de la Vierye). Aprs avoir di s

    tingu avec saint Thomas une double plni

    tude de grce, i! conclul que Marie a reu

    une plnitude de grce an-dessns de laides

    les cralures, puisqu'el le a t leve Pcla tle plus sublime qui est Indignit de Mre de

    Dieu . Et plus loin il ajoute : Ordinairement

    les au t res cra tures reoivent la grce aprs

    leur naissance par les eaux salutaires dubaptme, ou a propor tion de ce qu 'e lles ont

    besoin pour prat iquer la vertu aprs lrc ar

    rives l'usage de ra ison . Mais Marie , au-

    dessus de ces lois, se trouve sanctifie ds le

    sein de sa mre, ds ce moment les grAccs

    coulent abondamment dans son cur. Marie

    reoit une pln itude de grce et elle la reoit

    d'une manire extraord inai re ds le sein de

    sa mre .

    De nos jours, le P. Monsabr a reproduit,

    dans ses confrences Notre-Dame (T), l'opinion de Gonlenson et de saint Liguor i.

    Nous n'hsi tons pas, pour notre modes te

    pari , suivre ce sentiment. Il nous suffira de

    (1; Carme de 1877.Le Paradis de ilncarnalion.

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    CH. 11. PLNITUDE DE LA I 1 C SANCTIFICAT. 27

    reprendre les deux preuves dcisives qui nous

    oui: servi rsoudre la premire question :

    bien comprises et pousses dans toules leurs

    consquences elles rendent noire thse 1res

    solidement probable. La grce initiale tant

    la base et la prparat ion de la materni t di vine, doit tre proportionne cette dignit,

    puisque c'est un axiome que toute disposition

    se mesure la qualil dernire qu'elle com

    mence et prpare. Ici la qualil dernire,c'est--dire la maternit divine, est d'une di

    gnit incommensurable, qui excde comme

    l'infini toutes les perfections cl loulc la di

    gnil des cratures runies ensemble ; donc la

    premire sanctification, pourlre en rapport,

    mme de loin, avec celte dignit, doit dpasser

    les dons cl les grAccs de toutes les cratures

    la fois.

    Tel est le raisonnement de Confenson. On

    objecte vainement qu'il ne s'agit pas encore

    de la prparat ion prochaine la mate rn it divine. Nous rpondons : cela prouve que la

    premire grce ne fut pas aussi parfaite que

    celle de la seconde sanctification, lorsque

    Marie devint mre du Verbe, mais non que

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    28 l l c l \ LA PLENITUDE DES GRACES EN MARIE

    celle grce initiale ne soit suprieure loules

    les grces des anges cl des hommes. Elle

    n'tait qu'une disposition lointaine, d'accord ;

    n'cmpche qu'elle ft une disposition con

    venable, car elle prparait dj la Vierge de

    venir la digne mre de Dieu. Prima quidem(perfeclio gratine) quasi disposiliva per quam

    reddebalur I D O N E A ad hoc qnod essel maler

    Chrisli ; et hc fait perfeclio sancii/icatio-

    nis (1) . C'tait, disons-nous, un fondementdigne, ou du moins convenable, d e l mater

    nit div ine . Eh bien ! entassez toutes les per

    fections, toute la saintet de toutes les

    cratures, avez-vous un fondement digne, ou

    seulement convenable, de cette auguste ma

    ternit ? Toutes ces grces ajoutes les unes

    aux autres feront sans doute une haute et gi

    gantesque montagne ; mais de ce fate la su

    bl imit de mre de Dieu, la distance es t in

    franchissable : ces sommets ne sont pas encore

    la base de la mate rn it divine. J' en conc lusqu'ils n'atteignent pas la hauteur de cette

    grce initiale qui a jet en Marie les fonde

    ments convenables de sa future dignit. Cette

    (1) III p., o. 27, a. 5, ad 2.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. II . P L N I T U D E D E LA TVO SANCT1FICAT. ^29

    montagne, forme de toutes les saintets ac

    cumules, doit s 'lever bien prs de Dieu ;

    plus haut se dresse la montagne sur laquelle

    repose la maison du Seigneur, la materni t

    divine. Ainsi, touchant Dieu de plus prs,

    Marie a du recevoir plus de grce que tousles saints ensemble.

    Nous arrivons la mme conclusion, si

    nous sondons un instant l'amour dont Dieu

    chrissait Marie au premier moment o ellesortait de ses mains. Il l'aimait plus que tous

    les saints ensemble, puisqu' il lui voulai t

    dj nubien que les perfeelions de toutes les

    cratures n' at te indront jama is , le bien infini

    de sa subl ime maternit : il la regardai t et

    l'aimait dj comme sa mre future (1). Sa

    mre lui tant plus prcieuse que tous les

    mondes , il l'aime plus que tous les mondes .

    C'est bien, d 'a il leurs, ce qu 'enseignent nos

    anciens et pieux exgfes lorsqu'ils disent,

    propos du psaume 86, que Dieu aime les seules

    (1) Illam profecto ndhuc in malrs utero decubnntemadamavil Vcrbum sibiquo, in gcnilrice.m delegit, ulpotcsuperabundanti bened ict ione prrevcnlam jamque Sancli

    Spirilus* niagistorio deputatam . S. LAUR ENT. JUS TIN .Serin. cleNalw. Virg.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    30 l v c P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    portes de Sion, c'est--dire, les comme nce

    ments de Mar ie , plus que toutes les lentes de

    Jacob ensemble, c'est--dire plus que tous les

    saints la fois. Or c'est un principe tholo

    gique que la grce correspond l' amour :

    pour Dieu, nous rayons remarqu, aimer c'estprodu ire la grce. Si donc il aime la Sai nte

    Vierge plus que tous les saints ensemble, il

    lui confre plus de grce qu ' tous les saint s

    la fois ; la conclus ion es t inluctable. l i atoujours aim Marie comme mre, dit Bos-

    suet, il Ta considre comme telle ds le pre

    mier moment qu'elle fut conue ( \ ) . Donc,

    des ce moment, pouvons-nous ajouter, il lui

    a confr plus de grce qu' tons les sainls.

    Nous savons l 'objection qui sera faite :

    Sous prtexte d'exalter l'auguste Vierge ,gardez-vous d'exclure l'tat de progression

    que requiert la nature de sa saintet. Eh !

    en quoi , je vous pr ie , excluons-nous cet tat

    de progression ? Une grAce suprieure cellede toutes les cratures ensemble est loin d'tre

    infinie, et compare avec la dignit de mre

    de Dieu, elle n'est qu'une disposition incom-

    (1) Tom. XI, p. 38.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    41/326

    CH. II. PLNITUDE DE LA l r e SANCTIFICAT. 31

    plte et qu'une lointaine prparation. Elle

    peut se perfectionner encore, et rien ne nous

    empche de la concevoir plus abondante au

    temps de la maternit, plus parfaite encore

    l'heure de la mort.

    II

    CONSQUENCES DE LA PREMIRE GRACE

    L'excellence de la premire sanctificationappelle le cortge des vertus, des dons et

    des aut res ornements surna turels. Ces ri

    chesses divines ne sont pas seulement la pa

    rure de la grce : elles la suivent toujours et

    partou t, ainsi que les propr its accompa

    gnent l'essence et que la chaleur et la lu

    mire accompagnent le soleil. Marie, qui, ds

    le premier instant, est prpare sa destine

    de mre de Dieu, ne doit pas tre moins par

    faite qu'Eve sa cration. Or c'est l'enseigne

    ment commun que nos premiers pa rcnl s , leur veil la vie, taient orns des richesses

    infuses qui compltent l'tat de jusLice. El,

    comme la grAce dans la Sainte Vierge est

    extraordinaire, elle demande ce qu'il y a d'ex-

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    42/326

    32 l r e P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    traordinairc, d'achev, de parfait dans les ver

    tus et les dons . Les grces gratui te s el les-

    mmes , si elles n'ont pas s'exercer encore ,

    sont dj l en germe, toutes prles s 'pa

    nouir. Les vertus doivent tre portes au mme

    degr que leur principe, la grce : celle-ci dpas san t le sommet de toutes les sa in te ts,

    les vertus du premier instant ont atteint le

    fate suprme o arrivent les ver tus cons om

    mes des aut res justes ,c' es t--d ire l 'hro sme.Nous croyons donc que cette bienheureuse en

    fant a eu, ds l'origine, toutes les vertus au

    degr hroque.

    La plnitude premire a exerc son in

    fluence sur le vaste domaine de l'esprit .

    Notre Seigneur a eu, ds le moment de sa

    conception, le plein usage du libre arbi tr e.La raison chez lui n'a pas connu le sommeil,

    son regard, ouvert ds le premier instan t,

    s'esl fix pour toujours sur l'essence divine

    et a contempl la lumire dans la lumire :c'est la vision incffablcmcnt bienheureuse.

    Principe et chef de l'ordre surnaturel, cause

    de foute bat itude, le Christ doit jouir le pre

    mier de cette gloire qu'il donnera aux autres

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    43/326

    CH. II. PLNITUDE DE LA I r e SANCTIFICAT. 33

    et qui, (rai ll eurs , lui revient cle droit comme

    un apanage inamissible, en vertu mme de la

    grce d'union. Comme le matre des cratures

    ne doit manquer d'aucune des perfections

    qui embellissent ses sujets, nous devons re

    connatre dans l'unie de Jsus et au premiermoment, une science infuse la manire des

    anges : des ides puissantes imprimes direc

    tement par Dieu lui ont permis de voir et de

    lire toute vrit. Ces deux sciences ont lparfaites l'origine, car l'tat de progress ion

    ne convient pas Notre Seigneur. Elles s'

    tendent h tout ce qui est rel : prsent; pass

    et futur. Il faut bien, en effet, que le juge et

    le roi de l'univers connaisse fout ce qui doit

    tre soumis son tribunal et tout ce qui ar

    rive dans son empire. Celte double connaissance surnaturelle n'a pas teint les nergies

    natives de son intelligence ; dou d'une ac

    tivit bien suprieure toutes les forces du

    gnie, il acqui t, bien vite et sans fat igue,cette science exprimentale que nous devons

    cueillir par un pnible labeur sur tous les

    champs de la cration. 11 est clair que celle-

    ci n'a pas t parfaite ds l'origine ; Notre

    LA MRE DE GRACE. 3 .

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    34 l r e P. LA PLENITUDE DES GRACES EN MARIE

    Seigneur a pu progresser clans cette science

    jusqu 'au jour o son esprit s'est repos dans

    la plnitude du savoir.

    P o u r Marie, rien ne nous au to ri se a affir

    mer comme certain qu 'el le joui t, au pr emie r

    instan t, d e l vision batifique ; ma is faut-illui reconnatre la science infuse, l'usage du

    libre arbitre, ou bien croire que sa raison est

    reste endormie comme celle des au tre s en

    fants et ne s'est veille que plus tard ? SaintFranois de Sales et saint Alphonse de Li-

    guori ne veulent pas mme que le doute soit

    permis cet gard. tl n'y a nul doute, dit

    le premier, qu'elle n'ait t toute pure et rCail

    eu l'usage de la raison, ds que son Ame fut

    mise en ce petit corps form dans les en

    trai lles de sainte Anne (1). Ce n'est pasune simple opinion, mais l'opinion du monde

    entier, ajoute saint Alphonse en citant le V.

    P . de la Colombirc, que Marie enfant ayant

    reu dans le sein de sainte Anne la grAcesanct ifiante, reut dans le mme ins tant le

    parfait usage de la raison avec une grande

    lumire correspondante la grce dont elle

    (l) Serai. 38, pour la foie de la Prsentation.

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    CH. II. PLNITUDE DE LA I r c SANCTIF1CT. 35

    fuL enrichie, cle sorte que nous pouvons croire

    que, des l ' instant o sa belle Ame fut unie

    son corps trs pur, elle fut claire de toutes

    les lumires de la divine sagesse (1 ). Saint

    Th omas n'est pas oppos cescnt imcn l. L'u

    sage habituel et pe rmanen t du libre arbitreds le sein maternel lui parat, il est vrai, le

    privilge exclusif du Christ, mais il ne nie

    point que la bienheureuse Vierge ait pu cer

    tains moments et surtout au premier instantjouir de sa raison et de sa libert ; c'est ainsi,

    d'a illeurs, que Cajtan et Contenson expli

    quent le texte du Docteur anglique. Chris

    tophe de Vga, qui soutient fortement cette

    doctrine, cite, pour l'appuyer, saint Bernar

    din de Sienne , Sa lmeron, Azor, Vasquez,

    Salazar, etc. (2). On ne doute pas du sentiment de Suarez (3). Trois il lustres domini

    cains, Cajtan (4), Contenson (5), Justin de

    Michow (6), sont du mme avis. Saint Vin-

    (1)Gloires de Marie, II 0 partie, 2 lise. Sur la Nativit deMarie, 2 point.

    (2) TlieoL Marianu, n. 050.(3) De Mysleriis Vihv Chrislif d. 4, s. 7.(I) In III ]>., i|. 27, a. 3.

    (5) Lib. X, di^s. 6, cap. i. sp. 2, octavo*(G) Confrences sur les litanies, 'J3C conf.

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    36 r P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    cent Ferricr avait dj enseign que Marie au

    premier moment jouit de sa raison et fut ca

    pable de sanctif icat ion : Fuit sanciificala,

    quia lune fnil ralionalis et capax sanctifica-

    tionis (1). Le P . Terr ien (2) dc la re n 'avoir

    trouv que deux adversaires dcids du privilge de Marie, Jean Gerson et Muratori.

    Ce privi lge n'es t donc pa s srieusement

    contest, bien qu'il n'engage pas la foi. Nous

    avons, pour le prouver, trois r ai sons fondamentales.

    La premire nous est fournie par saint Tho

    mas (3). Le Docteur anglique ra isonne ainsi

    propos de Notre Seigneur : Le Christ a

    t sanctifi ds le premier instant. Or il y a

    deux modes de sanctification : celui qui est

    propre aux adultes et qui se fait par leur actepersonnel, et celui des enfants, lesquels sont

    justifis non par leurs actes mais par la foi

    des parents ou la foi de l'Eglise. Le premier

    mode est plus parfait que le second, de mmeque l'acte est suprieur l'habitude et que ce

    (1) Mrs. 346, cit prcdemment.

    (2)La Mre de Dieu, t. II, p. 27.(3) III i\, Q. 34, a. 3.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. II. PLNITUDE DE LA Ve SANCTIFICAT. 37

    qui est par soi l'emporte sur ce qui est par

    au tru i. Or la sanctification du Christ devait

    tre la plus parfaite de toutes, car il tait sanc

    tifi pour devenir le sanctificateur des autres.

    11 a donc reu la grce par un mouvement de

    son libre arbi tre vers Dieu. Et comme cetacte du libre arbitre est mritoire, il s'ensuit

    que le Christ a mrit au premier instant de

    sa conception .

    Nous tablissons un raisonnement analoguepour Marie. Sa premire sanctification est su

    prieure la saintet consomme des adultes.

    Une grce de cette excellence demande tre

    reue dans Fume d'aprs un mode au moins

    aussi parfait que celui par lequel les adultes

    sont justifis, autrement il en rsulterait pour

    Marie une infriorit que Dieu ne saurait tolrer. Or ce mode requiert le concours du

    libre arbitre. Il faut en conclure que, si nos

    premiers parents ont eu, au moment de leur

    justification, l 'usage de la raison et de la libert, Marie l'a eu un degr suprieur, et,

    par suite, qu'elle a mrit ds le premier ins

    tant. Nous ne concevons pas qu'il puisse en

    tre autrement. Marie es t dj la prfre,

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    38 l P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    l'unique du Seigneur , plus aime que tonte s

    les cratures ensemble : Dieu se donne elle

    par une grftcc inoue, il faut qu'elle se donne

    Dieu par un amour souverain qui suppose la

    conscience cl la libert.

    La seconde raison n'est pas moins plausible. La grce du premier moment est. Irop

    extraordinai re pour qu'e lle puisse rester

    inerte et improductive; il n'entre pas dans le

    gouvernement suave de la Providence de dposer dans une mc des richesses qui n'au

    raient aucun moyen de fructifier. Mais , si

    Marie est prive de l'usage de sa raison,

    toutes ces perfections minentes sont con

    damnes une sorte de stri lit. El les ne

    sont pas entirement inutiles, dites-vous, car

    elles servent orner celte belle me. Je leveux bien, mais n'est-ce vraiment pas trop

    peu pour des dons si extraordinaires de rester

    purement dcoratifs ? Il y a l des germes

    qui demandent clore, des nergies quiveulent se dployer, des activits qui ont

    besoin de passer en exercice : si toutes ces

    faculls surnaturelles sont prives de leur

    dveloppement rgulier, elles souffrent vio-

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. II. PLNITUDE DE L I r c SANCT1FICAT. 39

    lence . Tout cela rclame l'usage clu libre ar

    bitre. Cet usage es! extraordinaire sans doute,

    mais les grces et les vertus du premier ins

    tant le sont bien davantage ; pourquoi donc

    accorder celles-ci et refuser ce qui est nces

    saire leur panouissement? Vu la conditionet l'excellence de la grce initiale, l'usage de

    la raison parait mme naturel, car il est n

    cessaire pour que tous ces dons soient pr

    servs do la stri li t et sortent d'une fataleinertie qui rpugne leurs tendances et

    leurs nergies.

    Puis donc que ce privilge est exig par

    l'excellence de la grce initiale, il faut rac

    corder h Marie, si un tel acte est possible ds

    l'origine . Or l' usage du libre arbi tre, qui

    consiste dans l'opration de l'intelligence etde la volont, peut se faire en un instant. Ce

    n'e st pas un acte long se produi re , impar

    fait et successif comme le mouvement, mais

    un acte subit, plus rapide encore que la vision du regard. Concluons donc que Marie ,

    ainsi que le Christ, a eu l'usage du libre ar

    bitre au premier instant de sa conception (1).

    (1) Nous appliquons Marie, l'analogie tant si mani-

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    40 I r o P. .LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    Pour comprendre la possibilit de la con

    naissance au premier instant, il faut remar

    quer qu'elle a pu se faire par des ides infuses

    sans l'exercice des sens et le concours de

    l'imagination.

    Ce qui est essentiel a la connaissance intellectuelle c'est d'atteindre un objet immat

    riel. Il y a diverses manir es d'y parvenir.

    Nous y ar rivons d'ordinaire par des ac te s

    multiples et comme par bonds successifs : lessens externes commencent la srie, l'imagina

    tion se forme ensuite une reprsenta tion qui

    est le miroir et le vicaire de l'objet, l'esprit

    exerce sur cette image un puissant et myst

    rieux travail d'abs traction et produi t une nou

    velle image d'un ordre tout diffrent, infini

    ment suprieure, qui reprsente l'objet dans

    reste, ce que saint Thomas dit de Notre Seigneur : Di-cenduin est quod Chris tus in primo instanti suce con-ceptionis habuit illam operationem animai qiuo polest ininstanti haberi. Taiis autem est operatio voluntatis et

    in lc llcc tus, in qua consistt usus liberi arbitrai. Subitoenini et in instanti perficitur operalio intollcctus et voluntatis, multo magi s quam visio corporalis, co quodintclligerc, vellc et cnlirc, non est molus imporl'ecLi

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    CH. II. PLNITUDE DE LA I r c SANCTIFICAT. 41

    son tat spirituel. Tel est le mode naturel et

    ordinaire. Ce n'est pas le seul qui soit pos

    sible. Si notre esprit peut se donner des

    ides par son travail propre, pourquoi Dieu

    ne pourrait-il pas lui en communiquer direc

    tement, sans l'intermdiaire du monde extrieur ? Ce sera la sc ience infuse comme celle

    qui convient aux anges, aux fmes spares

    et qui n'est pas un fait inou dans les annales

    de la saintet. Les ides venant d'en haut, laconnaissance s'accomplit dans les rgions

    suprieures de rame, et l'appoint des facul

    ts sensibles n'es t plus indispensable. C'est

    un mode miraculeux, je l'accorde, mais il

    n'est point impossible : les scolastiqucs ne

    nous enseignent-ils pas que notre intelli

    gence, ap rs la rsurrect ion bienheureuse ,pourra se servir ou se passer, son gr, du

    concours de l'imagination et des sens ?

    Voici une dernire preuve, que nous avons

    trouve chez tous les auteurs favorables auprivilge de Marie. Toute grce, tout don,

    toute faveur dont a pu jouir quelqu 'un des

    saints, ont t octroys Marie. Or Jean-Bap

    tiste a eu l'usage de la raison ds le sein

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    42 I r o P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    maternel. C'en est assez pour nous autoriser

    conclure que Marie a reu ce privilge au

    moment cle sa conception. Le pr incipe invo

    qu ici est incontestable, su rtou t lorsqu' il

    s'agit d'une faveur qui a rapport la sancti

    fication de l'Ame. C'est le cas, puisque l 'usagedu libre arbitre tait ncessaire pour prparer

    l'auguste enfant l'infusion de la grce, pour

    prserver de la strilit tant de richesses

    surnaturelles. Quant au fait relatif Jean-Baptiste, l'vangile semble l'affirmer claire

    ment.

    Le tressaillement de reniant est signal

    par saint Luc comme un vnement cxlraor-r

    dinaire (1), et sa inte El isabeth ajoute sous

    l'inspiration divine que l'enfant a tressailli de

    joie (2). La joie suit la connaissance, et lajoie spirituelle fait cho une connaissance

    raisonnable. Celle de Jean-Baptiste est de ce

    genre, car elle est provoque, non par un

    objet sensible, ma is par une chose surn atu

    relle, la prsence de Jsus-Christ, ainsi (pie

    l'observe Cajtan : Conslal aulem Joannis

    (1) Luc, i, 41.(2) IbirL, v.44.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. II. PLNITUDE DE LA I r e SANCTIFICAT. 43

    gaudiiim non de re sensibili, sed de Christi

    advenlu fuisse (1). Sa jo ie et sa connais

    sance ta ient donc ra isonnables : c'est l'usage

    du libre arbitre . 11 le recul avec la crfice de

    la justification, disent unanimement les saints

    Pres. Jean lui -m me, remarque saintIrne, lorsqu'ils taient, lui dans le sein de

    sa mre et Jsus dans le sein de Marie,

    reconnut cl salua le Seigneur (2). Et sain!

    Ambroise : Il avait l'usage de l'intelligencecelui qui le tmoigna dans l'acte mme du

    tressail lement (3). Citons encore le mot

    clbre de sainl Lon : Le Prcurseur reut

    dans le sein maternel l'esprit de prophtie et,

    avant de natre, salua la Mre de Dieu par

    des signes d'allgresse (4).

    L'Eglise professe manifestement cettecroyance dans sa li turgie : elle affirme que

    (1) Comment., in II r M o. 27. a. 3.

    (2) Joannes ij>sc, cuni adhuc in ventre matris sua* esset

    et ille in vulva Marin?,Dominum cognoscens salulabnt.Adv. Ineres., ni, 10.(3) Habcbat inlHligcndi nsuin qui exultandi habebat

    cflcclum . Lib. II in Luc.([) Pr.'ccursor Christi spirituni prophclifc in Ira vi secra

    jnalris accepil . et nonrium cditu.s Gcnitrici Dei signa

    exullationis ostendit . Sermo in Naliv. Domini, 10,cap. v.

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    44 l r e P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    Jean sent it le roi cle gloi re cach dans son

    lit nuptial, le sein de Marie: Senseras regem

    ihalamo manenlem (1), et que, grce J ean ,

    l'g li se de Dieu a connu l'auteur de sa rg

    nration spirituelle : Per quem sa rgnra-

    lionis cognovit auclorem (2).Il est donc croire que l'auguste Vierge

    a fait des actes d'intelligence au premier ins

    tant. Mais ce privilge a-l-il persvr ? Les

    auteurs sur lesquels nous nous tions appuysjusqu'ici ne sont plus unanimes sur ce der

    nier point ; il semble mme plusieurs qu'une

    telle faveur ne saurait tre accorde qu'

    Jsus-Chr ist . Un bon nombre pour tant sou

    tiennent que Marie a constamment joui de sa

    raison : ci tons , entre tant d 'autr es , saint

    Frano is de Sa le s, saint Alphonse de Liguor i,M. Sauv (3), le P. Terrien (4). Il en est mme

    qui attribuent ce privilge Jean-Baptiste :

    ainsi Origne (5), Tolet (6), Maldonat (7).

    (1) Hymn. Vcspcr.(2) Posloom.(3) Jsus intime, L. III, p. 262.(4) La Mre de Dieu, t. II, ch. .

    (5) In Luc., lib. II.

    (G) Comm. in Luc, I, annot. 118.(7) In cap. Luc.

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    CH. II. PLNITUDE DE L l r e SANCTIFICT. 45

    Quoi qu'il en soil du Prcurseur, nous

    pensons que Marie a toujours conserv l'usage

    de son libre arbitre. Une des raisons que nous

    avons fait valoi r pour le moment de la con

    ception nous semble garder la mme force

    dmonstrative pour tout le temps suivant.Les grces primordiales de la Vierge sont

    trop abondantes et trop extraordinai res pour

    demeurer striles dans son me. Un instant

    fugitif ne leur suffit pas pour se dvelopperavec l 'ampleur qui leur convient ; des ner

    gies si fcondes rclament un exercice conti

    nuel pour satisfaire l'aspi rat ion vhmente

    qui les emporte sans cesse vers la perfection.

    Ce serait leur faire violence que d'arrter leur

    essor. Et pourquoi Dieu retirerait-il ce privi

    lge ? 11 ne lui est pas plus difficile de lemaintenir habi tuel lement que de l 'accorder

    un ins tant ; la connai ssance infuse qui est

    possible l'origine, l'est galement dans la

    suite. Celui qui donne sans repentance neretire pas ses bienfaits le premier, surtout

    lorsqu'un tel retrait impose une vritable con

    trainte des activits qui veulent agir et qui

    ont besoin du libre arbitre pour se dployer.

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    46 l r c P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    El pai s , si le privilge est enlev auss itt

    que reu, Marie dchoit ds l'origine, elle est

    moins parfaite dans la suite qu'au premier

    instant. Est-il convenable qu'une si sainte

    cra tu re puisse ainsi dchoir sans sa faute,

    alors que sa dignit demande qu'el le marchesans cesse de progrs en progrs, de perfec

    tions en perfections ? Celte simple remarque

    suffirait nous convaincre que l'usage du

    libre arbitre a persvr.En Notre Seigneur cet exercice permament

    de l'intelligence et de la volont est comme un

    droit naturel, et on peut dire dans ce sens avec

    saint Thomas que c'est son apanage et son

    privilge exclusif. Pour Marie il n'est pas d

    au mme titre, mais de hautes convenances

    et la seule dignit de future Mre de Dieu lerclament et l'exigent.

    Nous n'avons pas tout dit ; mais il faut se

    borner, et, d'ailleurs, il y a l des profondeurs

    et des mystres qui nou s chapperon t toujoursici-bas. Le peu que nous avons expliqu suffit

    prouver que Marie, sa premire sanctifica

    tion, a t pleine de grce en son me, dans

    ses facults et jusque dans sa chair immacule.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CHAPITRE TROISIME

    La plnitude de la seconde sanctification

    Les perfections du premier instant ont imprim l'me de la Vierge un lan si vigou

    reux qu'elle est monte toujours de sommets

    en sommets. Les grces se sont sans cesse

    accumules en vertu de ce trafic admirable du

    mrite dont nous aurons parler dans la suite.

    Au moment de la naissance , l'augmentation

    surnaturelle a dj pris des proportions qu'ilest imposs ible notre intel ligence humaine

    de mesurer. Le commerce sacr continue tou

    jours avec une fcondit que rien n'entrave,

    et de nouveau les grces s'entassent sur lesgrces. Les annes vcues au temple activent

    ce merveilleux dveloppement : l'me de

    Marie dir ige par l 'Espri t-Saint lui-mme,

    nourrie et comme engraisse de la plus pure

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    48 I R P . LA P L N I T U D E D ES GR AC ES E N M ARI E

    sve du surnaturel, per Spirihim saginala,

    ainsi que parle sa in t Jean Damascnc , arrive

    de bonne heure cet lat qui est l 'ge parfait

    de la grce. Au moment o l 'ange vient la

    saluer, Marie a dj, bien que toute jeune, la

    plnitude de la maturit : elle est prte pourdonner son fruit. Le Verbe, attir par sa cha

    rit, sa virginit , son humili t , lui demande

    asile dans son sein. Le consentement est

    donn, et, en un instant, le plus sublime desmiracles est accompli, le Verbe s'est fait

    chai r. Il se produit a lors , dans l'aine cle la

    Vierge , un changement merveilleux, digne

    d'un si grand mystre ; sa grce se transforme

    et passe un ordre tellement suprieur qu'on

    peut l'appeler dj une grce consomme,

    non pas qu'elle marque le dernier terme dumri te , mais parce qu 'e lle fixe et confirme

    immuablemen t dans le bien la volont dj

    impeccable (1). La conception du Fi ls de

    Dieu, plus efficace que tous nos sacrements,a confr l'heureuse Mre toutes les richesses

    (l) In co nc cp li on e au lem Filii Dci consummata est

    ejus gralia, confirmans eam in bono . III. p., Q. 27, a. 5.ad 2.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. III. PLNITUDE DE LA II e SANCTIFICAT. 49

    du surnaturel. Trois raisons principales r

    clament pour elle et ds ce moment une pl

    nitude de surabondance.

    PREMIRE RAISON

    La grce de la seconde sanctification est

    une prparation prochaine et immdiate la

    maternit divine. 11 doit y avoir propor tion,sinon galit, entre la perfection dernire et

    la disposition qui est charge de la commen

    cer. C'est d'ai lleurs une loi de la Providence

    que, lorsqu'une crature est appele un mi

    nistre spcial, Dieu l'y prpare d'une manire

    qui soit digne du rle h remplir. Si la grce

    du premier instant, prparation pourtant lointaine et inacheve, a t si pleine et si fconde,

    que dire de la grce prsente, qui est la pr

    paration immdiate, dernire, complte ? Il

    faut qu'elle se mesure avec la maternit elle-mme, qu'elle soit son niveau, dpassant

    toutes les hauteurs humaines et angliques et

    atteignant les confins de la divinit. Nous

    puiserions vainement toutes les comparai-

    LA MRE DE GRACE. 4 .

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    50 [LC P . LA P L N IT U D E D E S GRA CES EN MARI E

    sons pour en donner une ide. Supposons

    qu'une crature doive recevoir la prparation

    convenable pour devenir la mre de milliers

    de mondes plus parfaits les uns que les autres,

    d'tres plus accomplis que le premier de tous

    les saints , plus levs que les chrub ins etles sraphins, et ainsi de suite l'infini : il

    lui faudrait, certes, une dignit qui dfie nos

    faibles conceptions. Tout cela ne saurai t se

    comparer, mme de loin, avec la maternitdivine. La grce de prparation qui dispose

    Marie ce haut ministre est donc ineffable.

    Tout ce que nous pouvons en dire c'est qu'elle

    est digne de Dieu. Il est certain, en effet, que

    le Verbe a rendu sa mre digne de lui. Si les

    astres ne sont pas purs en sa prsence, Marie

    est pure devant lui ; si les s raph ins eux-mmes ne mritent pas d'approcher de la

    Saintet substantielle, Marie lc mrite, et elle

    es t assez, sa inte pour que la Saintet s'ap

    proche d'elle, habile avec elle, contracte avecelle une union indissoluble, forte comme l'

    ternit. Nous aurions approfondi la plnitude

    de cette grce si nous comprenions ce mot :

    digne de Dieu ! Oui, si elle est digne de Dieu,

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. III. P L E N I T U D E DE LA I I E SANCTIFICAT. 51

    elle a des proportions divines cl nous ne pou

    vons la comparer qu'avec la grce de Jsus-

    Christ.

    De l'me elle rejaillit sur le corps, afin que,

    de cette chai r ainsi sanctifie, puisse tre

    forme la chair d'un Dieu. Deinde in corpus,ai ex carne sua possei r/enerare Denm (1). 11

    en rsulte pour toute la personne une beaut

    nouvelle. De mme que l'habitation de la Tri

    nit dpose dans les justes une majest cache qui se rvle parfois l'heure de la mort,

    de mme que l'union hypostat ique confre

    l'Humanit du Verbe une perfection et une

    beaut qui relvent Jsus au-dessus de tous

    les enfants des hommes, de mme la grce

    de la maternit divine ajoute l'tre tout

    entier de Marie une excellence et des agrments qui font de la Vierge comme la rv

    lation et lc charme de Dieu...

    IIDE UXI ME RAISON

    Seconde cause de cette plnitude, l'union

    avec Fauteur de la grce. Plus un tre s'unit

    (1) III. P. o. 27, a. 4.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    52 l r 0 P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    a son principe, mieux il en reoit l'influence ;

    plus on es! prs d'une source, plus on participe

    l'abondance de ses flots ; plus on est rap

    proch d'un foyer, mieux on ressent les effets

    de sa chaleur et de sa lumire. Or, le principe

    de la grAce c'est Jsus-Christ, cause principale par sa divinit, cause instrumentale par

    son humanit. La bienheureuse Vierge Marie

    fut de toutes les cratures la plus rapproche

    du Christ selon l'humanit, puisque le Christa reu de Marie sa nature humaine. Donc_>

    Marie a d obtenir du Christ une plnitude de

    grce au-dessus de toutes les cratures (1).

    Essayons d'expliquer le raisonnement de

    saint Th omas . Ce qui dtermine la mesu re

    des grces c'est l'union plus ou moins troite

    avec l'humanit et la divinit de Jsus-Christ.Or est-il possible d'tre plus prs que Marie

    de l'Humani t adorable ? On peut dire que

    cette nature est quelque chose de Marie,puis

    qu'el le a t prise de Marie, et que, pendantneuf mois, elle s'est nourrie et a respir par

    elle. S'il suffisait de saisir la frange du man

    teau divin pour tre sauv : Virlus de illo

    (l) m, p.,Q. 27, a. 5.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. III. PLNITUDE DE LA II e SANCTIFICAT. 53

    exihat et sanabal omnes ; si Jsus a pu sanc

    tifier Jean le Prcurseur h travers le sein ma

    ternel , que ne cloit-il pas oprer clans son

    auguste Mre, qui touche plus que son man

    teau, qui atteint son humanit par une sorte

    d'union substant ie lle ? Puisque ce contact estle plus intime de tous, puisqu'il n'y a pas de

    mesure dans cette union, il ne doit pas y en

    avoir dans la grce qui en dcoule : il semble

    que l'ocan se dverse tout entier.Il est difficile aussi d'tre plus prs que

    Marie de la nature divine, car la Mre de

    Dieu, nous l'expliquerons au chapitre suivant,

    appartient Tordre hypostatique et s'lve

    jusqu'aux confins d e l divinit.Et, d'ailleurs,

    comme en Notre Se igneur, les deux na tures

    sont insparables, comme l'onction du Verbea embaum tout l'tre du Christ, comme il

    n'est en lui aucune partie qui ne soit pntre

    tout entire de l'huile de la divinit, toucher

    le Christ visible c'est atteindre le Christ Dieu,on va infailliblement de l'un l'autre : Per

    Chrisiam hominem ad Chrisium Deum. Marie,

    tant de toutes les cratures celle qui tient

    de plus prs au Chris t visible, approche aussi

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    54 1 p . l a p l n i t u d e d e s g r a c e s e n m a r i e

    de p lus prs la divinit. At tache ainsi plus

    troitement que les autres l'humanit, r

    servoir, et la divinit, source des grces,

    elle en reoit la plnitude ds la conceplion

    du Verbe.

    On n'aura pas de peine comprendre qu'untel contact ait du produire la grAcc, si Ton

    considre que Notre Seigneur cherche avant

    tout l'union qui se lait par la charit. De mme

    que, en concevant Jsus selon la chair, laVierge le conut selon l'esprit, ainsi que les

    Saint s Pres se plaisent le rpter, de

    mme, en s'unissant lui par le contact phy

    sique de l'humanit, elle a d s'attachera lui

    et plus intimement encore par le contact spi

    rituel de la grce. El, de son ct. Notre

    Seigneur dsire habi ter en elle su rtou t parl'esprit et le cur. 11 souffrirait une vri table

    violence s'il n'y avait l que l'union matriel le

    des corps : il ne peut pas vouloir le lien phy

    sique sans l'treinte morale de la charit,l'union de la nature sans l'union de la grce.

    Une maternit si surnaturelle ne se conoit

    pas sans l 'amour surnature l. Le seul fait de

    prendre naissance en Marie et d'tre en cou-

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    65/326

    CH. III. PLNITUDE DE LA II e SANCTTF1CAT, 55

    tact perptuel avec elle quivaut clone une

    loi, a une obligation sacre de lui donner la

    grce. La not ion vraie de l'Incarnation nous

    suffit pour conclure qu'i l y eut de la part de

    Dieu une sorte d'institution de confrer la

    grce par le contaci physique de l'humanitdu Verbe avec Marie, comme ce fut plus tard

    une institution divine de confrer la vie

    surnaturel le p a r l e contact physique des sa

    crements avec nos mes. Causes secondaireset infirmes, les sacrements produisent pour

    tant leurs effets d'une manire toujours infail

    lible dans les sujets qui n'y mettent point

    d'obstacle ; le contact de l'humanit adorable ,

    instrument conjoint de la divinit, doit agir

    avec une efficacit plus grande. Et non seu

    lement Ja Vierge ne met point d'obstacle, maiselle apporte les dispositions les plus parfaites

    de la ver tu hro que . Rien n'arr tant la grce

    du ct de Marie, il faut que, de la part de

    Jsus, elle se donne sans limite, h (lotspresss, irrsistibles.

    L'excellence des sacrements, aussi bien que

    leur efficacit, grandit dans la mesure o ils

    nous uni ssen t davantage a Dieu, et le plus

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

    66/326

    56 l r e P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    parfait de tous est celui qui contient et la vertu

    divine et la personne mme de Jsus-Christ.

    La conception du Verbe, qui apporte Marie

    la vertu et la personne de Dieu, doit raliser

    tout ce que produi t la communion, et mme

    davantage. Dans Y Eucharistie, Notre Seigneurse donne bien tout entier , mais sous des ap

    parences trangres : dans l'Incarnation il se

    livre tout entier Marie sous sa forme vri

    tab le et par un contact immdiat . Par l'Eu charis tie il nous fait vivre de lu i, mais sans

    vivre de nous, car il ne reoit rien du com

    muniant ; dans l' Incarnat ion il es t form de la

    substance de sa Mre, il vit de Marie comme

    le fruit cle la sve de l 'arbre, il tient d'elle et

    la nourriture et la respiration. Ne faut-il pas

    que, son tour, il la nourrisse de sa divinit ?A chaque flot cle vie que lui communique la

    Vierge il rpond par des flots nouveaux de

    grce, et chaque mouvement qui lui vient de

    Marie provoque les panchements de ses donssurnaturels : s'il vit cle sa Mre, sa Mre vit

    de lui encore davantage.

    Tous les effets de l'Eucharistie, toutes les

    extases de la communion sont dpasss ici et

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. III. PLNITUDE DE LA II e SANCTIFICAT. 57

    sans comparaison. Et pour tant , que de mer

    veilles produit chaque jour le hanquet eucha

    ristique ! Sa in t Thomas essaie de nous en

    donner une ide : Ce sacrement confre la

    grce d u n e manire spir ituel le avec la vertu

    de charit. Aussi saint Damascne comparel'Eucharistie au charbon ardent qui fut montr

    en vision au prophte Isac. Le charbon n'est

    pas simplement du bois, c'est du bois uni la

    flamme : de mme lc pain de la communionn'est pas simplement du pain, il devient la

    chair unie la divinit. Et, comme dit saint

    Grgoire, l'amour de Dieu n'est pas oisif : il

    opre de grandes choses partout o il se

    trouve. C'est pourquoi ce sacrement, de sa

    nature et en tant qu'il dpend de sa vertu, ne

    confre pas seulement les habitudes de grceet de charit, mais il excite encore aux actes,

    selon le langage de l'Aptre : L'amour du

    Christ nous presse. Ainsi l'Ame est spiri

    tuellement fortifie dans ce sacrement parle fait qu'el le y gote des dlices surna

    turelles e t qu'el le s'enivre des douceurs de

    la bont divine, d'aprs ces paroles du Can

    tique (r, 5) : Buvez et mangez mes amis ;

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    IS8 l t v 1>. L A P L N I T U D E D E S G R A C E S E N M A R I E

    enivrez - vous , mes bien - a ims ( 1 ) !

    Tous ces effets du grand sacrement runis

    ensemble, depuis r insli lulion dcrEucharistie,

    et les co mmunions des saints les plus fervents

    dans le cours des ges , et la dern ire com

    munion du dernier juste dans ce suprme sacrifice qui marquera la fin des temps, ne suf

    fisent pas pour nous faire comprendre ce que

    la Conception du Verbe a opr en Marie. La

    prsence seule de Jsus, par elle-mme etpar sa vertu propre, confrait les habitudes

    de grce et de char i t ; et elle excitai t, mu l

    tipliait les actes. Elle inondait la Vierge de

    tous les torrents des clestes volupts. Jsus

    disait sa Mre: Buvez et enivrez-vous, ma

    bien-aime, de tout mon amour et de toutes

    mes grces ! El elle rpondait : Buvez et enivrez-vous, mon bien-aim, de toute ma ten

    dresse et de toute ma reconnaissance ! 11 faut

    ici s'arrter et se recuei lli r devan t ces secrets

    qu'il n'est pas permis l 'homme d'exprimer .

    (1)HL 1 \ , O. 79, a. 1 , ad 2.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    en. m. PLNITUDE DE LA l ln SANCTIFICAT. 59

    111

    T R O I S I M E R A I S O N

    Ceci nous suggre une troisime raison de

    celle pln itude: l'amour rciproque du Filspour la Mre et de la Mre pour lc Fils. Un

    principe souvent invoqu ici, c'est que la

    grce correspond l' amour et se mesure

    lui. Dj au moment de sa conception Marieest la prfre, plus chrie que toutes les

    cratures ensemble. Mais que dire lorsqu'elle

    devient mre de Dieu ! Cer tes, le Christ a

    aim ses aptres, et surtout son Vicaire; ils

    sont les choisis, les intimes auxquels il a r

    vl tous ses secrets et confi ce qu'il avait

    de plus cher ici-bas, son pouse immortelle,l'Eglise. Il aime ses saints et ses saintes,

    qu'il fait vivre sur son cur, qu'il associe

    ds maintenant sa batitude par les ravis

    sements et les extases, sa royaut par l'empire qu'il leur accorde sur les cratures, sa

    toute-puissance par le pouvoir des mirac les,

    sa science divine par lc don de prophtie. Il

    nous aime tous infiniment, puisqu'il nous a

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    60 r P. L A PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    donn ses sueurs , ses la rmes , tout son cur ,

    tout son sang, toute son humanit et toute sa

    divinit. L'Eucharistie est le mmorial de cet

    amou r pouss ju sq u' l 'excs. Si, pour nous

    prouver sa tendresse, Dieu crqit chaque jour

    une terre nouvelle et des cicux nouveaux,nous ser ions confondus. Eh bien ! pour venir

    nous {lans l 'Euchar istie, il doi t faire des

    miracles plus difficiles et plus grands que la

    cration de la terre et du ciel. Le changementdu pain au Corps de Jsus et du vin en son

    Sang imprime une secousse la nature en

    tire. La mer Rouge suspendit ses flots la

    voix de Mose ; la voix du prtre la nature

    suspend ses lois, les miracles s'enchanent

    les uns aux autres, le monde est comme

    branl par l'incroyable prodige de la conscra tion, et, pour maintenir l 'ordre au milieu

    de cette commotion gigantesque, il faut une

    puissance plus grande, en un sens, que la

    puissance de crer. In hac conversionc plurasunl difficiliora quant in creatione (1). Et ce

    mys tre de char it se continue sans in te rrup

    tion en tout temps et en tout lieu. Tant qu'il

    (1) III. P., Q. 75, a- 8, ad 3 ;

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. III. PLNITUDE DE LA II e SANCTIFICAT. 61

    y aura un prtre pour clbrer et un fidle

    pour communier, Jsus renouvellera des mer

    veilles plus tonnantes que la production de

    l'univers. Cela peut nous faire comprendre la

    bonl de Dieu pour tous et chacun de nous,

    mais non pas encore sa tendresse pour Marie.Dieu s'appelle l 'amo ur : Deas charilas

    est (1). Sa bont est ce soleil qui atteint

    toutes les cratures, qui claire et rchauffe

    tous les rivages, et les sommets du royaumeangliquc et les plus humbles frontires de

    l'tre. Tous ces rayons, qui se dversent sur

    l'ensemble des mo nde s, consti tuent comme

    un faisceau gigantesque d'une force irrsis

    tible.

    Pour la Vierge, c'est plus qu'un faisceau :

    il semble que le soleil se soit concentr toutentier sur elle avec tout son clat et toute sa

    chaleur. Qu'on essaie de sonder les nergies

    de cet as tre infini de l 'amour, et alors seule

    ment on comprendra la plnitude des grcesen Marie.

    Il est clair qu'elle doit tre plus aime que

    toutes les cratures, car tre la Mre de Dieu

    (1) I Epist. JOAK., iv, 1G.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    62 l r c P . L A P L N I T U D E D E S G R A C E S E N M A R I E

    c'est incomparablement plus que d'tre la

    mre de tous les tres actuels, de tous les

    mondes possibles. L'amour du Christ pour sa

    Mre contient tout ce qu'il y a d'exquis dans

    la nature, car il sort d'un cur o tous les

    sent iments humains sont por ts au sub l im e;tou t ce qu'il y a d'exquis dans le surnaturel ,

    car il vient d'une me laquelle la grce et

    la charit ont communiqu des aspirations et

    des battements qui retentissent jusque dansl'ternit. Mais c'est, avant tout, l'amour d'un

    Dieu. Il y a, en effet, en Notre Seigneur,

    trois sources de tendresse qui sont trois

    abmes: son cur, son me, sa divinit.

    L'me adorable jouit de tout ce qui dlecte le

    cur, et la divinit aime tout ce qui a fait

    tressaillir le cur et l'me. Oui, Jsus-Christaime en Dieu, parce que, Dieu et homme tout

    ensemble, il veut de sa volont divine tout

    ce que sa volont humaine peut chrir ; il aime

    en Dieu parce qu'il voit en sa Mre une Mrede Dieu; il ne peut la regarder sans aperce

    voir ce lien substantiel qui l'unit elle, ce lien

    de Tordre hyposlatiquc en vertu duquel Marie

    touche aux confins de la divinit. S'il aime sa

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    C H . I I I . P L N I T U D E D E L A I I E S A N C T I F I C A T . 03

    More en Dieu, il doit raliser en elle ce dont

    est capable un amour crateur, infini, qui

    tient son service une puissance infinie, des

    abmes de grces dont notre esprit ne pourra

    mesurer ni l'tendue ni la profondeur.

    Bien que l'amour divin n'ait pas besoind'tre provoqu par le n tre, il agit cepen

    dant avec plus d'efficacit l o il est mieux

    accueilli. On conoit, en effet, que la grce

    soit verse avec plus d'abondance lorsquel'amour reconnaissant et coopra leur sait

    mieux rpondre l'amour prvenant et gratuit.

    Pour faire apprcier les grces de Marie, il

    nous faut donc dire que lques mots de son

    amour pour Jsus.

    C'est d'abord un amour maternel. On sait

    de quel hro sme les mres sont capables etcomment leur cur mo nte vite au subl ime.

    Cet amour a quelque chose d'extat ique qui

    jette hors de soi, empche de penser soi

    pour ne s 'occuper que du cher enfant. Unefemme se mourait de la maladie cruelle qui

    avait emport son fils quelques annes aupa

    ravant. Ses douleurs son t atroces, in tol

    rables ; elle ne s'en plaint pas, elle n'y pense

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    64 l r c P . LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    et n'en parle que parce que cela lui rappelle

    le supplice de son fils. Au lieu de dire : Com

    bien je souffre! elle rpte: O h! combien

    mon pauvre enfanta du souffrir ! Voil bien

    la tendresse mate rnel le ; ce n' es t pas encore

    celle de Marie pour Jsus. La Sainte ViergeMarie, parfaite tons les points de vue, a ex

    cell dans toutes les dl icatesses du cur

    materne l , ma is elle a des sent iments et des

    transports que les autres mres ne connatrontjamais , car elle est plus mre que toutes les

    aut res mre s. Son Fils lui appart ien t tota le

    ment, puisque aucune autre crature n'a con

    couru cet enfantement vi rginal , et elle ap

    par tient tout entire son Fils, car elle n'a

    que Lui. Pour Marie, Jsus est l'unique, le

    seul enfan t; pour Jsus , Marie est l'unique ,le seul auteur de ses jours ici-bas. C'est l

    un fait singulier, ce sont auss i des tendresses

    d'un genre par t dont il est impossib le de

    sais ir les nuances et les dli catesses.Et puis, c'est un amour de mre vierge. Lc

    cur devient plus gnreux et plus aimant

    dans la mesure o il est plus pur. Chez les

    au tres mres, l'affection est plus ou moins

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    CH. III. PLNITUDE DE LA II e SANCTIFICAT. 65

    partage ; le cur n' tan t plus vierge, n'es t

    pas tout entier pour l'enfant. Dans le cur de

    Marie, qui est devenu plus virginal encore par

    la ma terni l, il n'y a aucune parcelle qui ne

    soit toute remplie d' amour pour Jsus . La

    charit divine a pntr son tre dans toulesses profondeurs: rien dans son cur, dan s

    son me, dans ses facults, rien qui soit vide

    d'amour. Elle aime de toute sa volont, de

    tout son espr it, de toutes ses forces et elleest ainsi toute mre et toute mre d 'amour

    pour Celui dont le Pre est aussi l'amour. Ut

    nullam inpeclorc virginali parliculam vaciuun

    cunore relinr/ueret, sed loto corde. Iota anima,

    lola viriaie diligeret et feret mater cariiatis

    cujiis Pater est charilas Deus (1).

    Cette tendresse de mre et de vierge, quirunit dj toutes les excellences de Tordre

    na tu re l, est transforme par les plus hautes

    nergies de la grce. Nous avons dit que

    toutes les vertus de Marie ont l portes audegr parfait qui est l'hrosme ; cela est plus

    vrai encore de sa chari t. Chez les autres

    mres, Tamour n' es t pas ncessairement la

    (1) S. BERNARD, Scrm, XXIX. in Cantic, n. 8.

    LA MEUE DE GRACE. 5.

  • 5/23/2018 douard Hugon OP. La M re de Gr ce

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    66 I r c P. LA PLNITUDE DES GRACES EN MARIE

    charit qui sanctifie, la nature n'est pas tou

    jours leve par la grce, et la mre peut

    craindre de s'attacher trop la crature dans

    son enfant . Pour Marie, tout ce qui vient de

    la nature est embelli par la grce, tout ce qui

    est amour est chari t , toul ce qui est d onn l'enfant s'adresse au Seigneur ; elle n'a pas

    redouter des transports trop humains, car,

    en aimant son Fils, elle aime son Dieu. Si la

    nature toute seule opre tant de merveillesdans le cur maternel et enfante si souvent

    le sub lime , que sera-ce lorsque toutes ses

    forces sont associes aux pui ssances de la

    grce ! Les dlicatesses de la nature et les

    perfections du surnaturel ont produit en Marie

    une nuance d'amour materne l qui n'a point

    germ dans les autres curs.Ce n'es t pas dire assez. Il y a plus que les

    tendresses de la nature, plus que les ten

    dresses de la grce ordinaire, il semble que c