economie politique de la nutrition au burkina faso

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BANQUE MONDIALE - Washington - Economie politique de la nutrition au Burkina Faso : Analyse de l’influence de l’engagement politique Consultante : Dr Nestorine COMPAORE Avril 2008 71391 Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized

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Page 1: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

BANQUE MONDIALE

- Washington -

Economie politique de la nutrition au Burkina Faso : Analyse de l’influence

de l’engagement politique

Consultante :

Dr Nestorine COMPAORE

Avril 2008

71391

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Page 2: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

TABLE DES MATIERES

Résumé 8

1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION 13

1.1. Objectifs 13

1.2. Méthodologie 14

2. CONTEXTE GENERAL DU DEVELOPPEMENT AU BURKINA FASO 16

2.1. Les indicateurs sur la situation de la pauvreté 16

2.1.1. Données économiques 16

2.1.2. Du lien entre pauvreté, insécurité alimentaire et malnutrition 17

2.2. PROBLEMATIQUE DE LA MALNUTRITION AU BURKINA FASO : UN

PROBLEME STRUCTUREL ET CONJONCTUREL

18

2..1. Evolution des différentes formes de malnutrition chez les enfants et les femmes 18 2.2. 2. Données chiffrées sur les conséquences de la malnutrition 22

3. CONTEXTE GENERAL D’ELABORATION DES POLITIQUES

NUTRITIONNELLES AU BURKINA FASO

23

3.1. Diversité des perceptions de la nutrition au Burkina Faso 24

3.1.1. Perceptions de la nutrition au niveau du secteur de la santé 24

3.1.2. Perceptions de la nutrition au niveau du secteur agricole 25

3.1.3. Perception de la nutrition dans le secteur de l’éducation 26

3.1.4. Perceptions de la nutrition par les populations 26

3.2. Caractéristiques du contexte politique 28

3.2.1. Prise en compte de la nutrition dans le CSLP 28

3.2.2. Analyse de l’environnement politique 29

3.2.2.1. Le financement de la nutrition 29

3.2.2.2. Analyse de l’importance de la nutrition dans les dépenses publiques 30

3.2.2.3. La vision des planificateurs sur la nutrition 32

3.2.2.3. L’attention accordée aux personnes malnutries 33

4. QUELLE EST LA TRAJECTOIRE DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES

AU BURKINA FASO ?

34

4.1. La prise en compte de la nutrition dans les politiques, projets et programmes

sectoriels

34

4.1.1. Intégration de la nutrition au sein du ministère de la santé 35

4.1.2. Secteur du développement rural 48

4.1.3. La nutrition dans le secteur de l’éducation 52

4.2 : Les interventions des PTF et des organisations de la société civile 55

4.3. Les grandes tendances dans la trajectoire de la nutrition au Burkina Faso 62

4.3.1. Tournant 1 : Le faux départ 63

4.3.2. Tournant 2 : La relance manquée 66

4.3.3. Tournant 3 : La croisée des chemins 69

5. ANALYSE CRITIQUE DES FACTEURS DETERMINANTS DE L’ECHEC

DE L’INSTITUTIONNALISATION DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES

AU BURKINA FASO

71

5.1. La faute aux partenaires au développement ? 72

5.2. La faute de l’Etat et des Ministères impliqués ? 73

5.3. La faute aux nutritionnistes ? 73

6. STRATEGIES D’INTEGRATION DE LA NUTRITION DANS L’AGENDA 75

Page 3: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

POLITIQUE AU BURKINA FASO

6.1 La démarche d’intégration de la nutrition dans l’agenda politique 75

6.2. Les stratégies des acteurs 76

6.3. Les stratégies qui ne marchent pas 80

6.4. Le processus d’institutionnalisation de la nutrition 80

6.5. Les leçons tirées des analyses 83

Page 4: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

LISTE DES SIGLES ET ABBREVIATIONS

ABPAM Association Burkinabé pour la Promotion des aveugles et Malvoyants

ABSP Association Burkinabé de Santé Publique

AFD Agence Française de Développement

AME Association des Meres Educatrices

ANSA-B Association Burkinabé pour la Nutrition et la Sécurité Alimentaire

APE Association des Parents d’Elèves

BAD Banque Africaine de Développement

BM Banque Mondiale

CDMT Cadre des Dépenses à Moyen Terme

CES Conseil Economique et Social

CILSS Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel

CIN Conférence Internationale sur la Nutrition

CMA Centre Médical avec Antenne chirurgicale

CMV Complément Minéral et Vitaminique en test

CNCN Conseil National de Concertation sur la Nutrition

CNN Cellule Nationale pour la Nutrition

CNSA Conseil National de Sécurité Alimentaire

CONASUR Comité National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation

CPAF Coordonnateurs Provinciaux des Activités Féminines

CPN Consultation Pré-Natale

CREN Centre de Réhabilitation Nutritionnelle

CREPA Centre Régionale pour l’Eau Potable et l’Assainissement

CRS/BF Catholic Relief Service/ Burkina Faso

CSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté

CSPS Centre de Santé et de Promotion Sociale

DAAF Directeur Administratif et Financier

DAMSE Direction de l’Allocation des Moyens Spécifiques aux Ecoles

DEA Diplôme d’Etudes Approfondies

DEP Directeur des Etudes et de la Planification

DESS Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées

DGEP Directeur Général de l’Economie et de la Planification

DGPML Direction Générale de la Pharmacie, du Médicament et des Laboratoires

DGPSA Direction Générale des Prévisions et des Statistiques Agricoles

DGS Direction Générale de la Santé

DGSP Direction Générale de la Santé Publique

DHPES Direction de l’Hygiène Publique et de l’Education à la Santé

DLM Direction de la Lutte contre la Maladie

DN Direction de la Nutrition

DPAP Direction des Préventions et d’Alerte Précoce

DPV Direction de la Prévention par la Vaccination

DSA Direction des Statistiques Agricoles

DSF Direction de la Santé Familiale

DSME Direction de la Santé de la Mère et de l’Enfant

Page 5: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ECVBM Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages Burkinabé.

EDS Enquête démographique et Santé

EPA Enquête Permanente Agricole

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

F CFA Franc de la Communauté Financière d’Afrique

FDC Fondation pour le Développement Communautaire

FEWS Net Famine Early Warning System Network

FIDA Fonds International de Développement Agricole

FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population

FS Formation Sanitaire

GRET Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques

HKI Helen Keller International

IEC Information Education Communication

INSERM Institut National de Santé et de Recherche Médicale

IPSR Intervention Prolongée de Secours et de Redressement

IRD Institut pour la Recherche et le Développement

IRSS Institut de Recherche en Sciences Sociales

LIPDHD Lettre d’Intention de Politique de Développement Humain Durable

LPDHD Lettre de Politique de Développement Humain Durable

LNSP Laboratoire National de Santé Publique

MAHRH Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques

MAE Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage

MAE Ministère des Affaires Étrangères

MEBA Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation

MESSRS Ministère des Enseignements secondaire supérieur et de la Recherche Scientifique

MMN Mortalité Maternelle et Néonatale

MMR Maternité à Moindre Risque

MPE Malnutrition Protéino-Energétique

MS Ministère de la Santé

MSF Médecin Sans Frontière

OCB Organisation communautaire de base

OGM Organisme Génétiquement Modifié

OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONG Organisation Non Gouvernemental

ORANA Organisation de Recherche sur l’alimentation et la Nutrition en Afrique

OSC Organisation de la Société Civile

PADS Programme d’Appui aux Districts Sanitaires

PAM Programme Alimentaire Mondial

PAMER Programme d’appui au monde rural

PAMAC Programme d’Appui au Monde Associatif et Communautaire

PAMIR Développement Durable et Lutte contre la Pauvreté en Milieu Rural

PAPANAM Projet d’Appui aux Initiatives paysannes du Namentenga

PCIME Programme de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant

PDDEB Programme Décennal de Développement de l’Education de Base

PDSN Projet de Développement de la Santé et de la Nutrition

PDSS Projet de Développement des Services de Santé

Page 6: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

PEV Programme Elargie de Vaccination

PIB Produit Intérieur Brut

PIP Plan d’Investissement Prioritaire

PMA Paquet Minimum d’Activités

PMI Programme de Protection Maternelle et Infantile

PN Praticiens de Nutrition

PNAN Plan National d’Action sur la Nutrition

PNDS Programme National de Développement Sanitaire

PNN Politique Nationale pour la Nutrition

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

PSA/ UE Programme Sécurité Alimentaire/Union Européenne

PSAN Projet de Sécurité Alimentaire et Nutrition

PSN Politique Sanitaire Nationale

PTF Partenaires Techniques et Financiers

PTME Prévention de la Transmission Mère-Enfant

PV/VIH Personne Vivant avec le VIH

SAP Système d’Alerte Précoce

SIDA Syndrome d’Immunodéficience Acquise

SIM Système d’Information des Marchés.

SMI/PF Service de Santé Maternelle et Infantile/Planification Familiale

SNSA Stratégie Nationale de Sécurité Alimentaire.

SNU Système des Nations Unies

SODEPAL Société de développement des produits alimentaires

SP/CNLS Secrétariat Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida

SR Santé de la Reproduction

STA Service de Technologie Agro-alimentaire

STAN Service de Technologie Alimentaire et de Nutrition

TAP Treatment Acceleration Programme

TDR Termes De Référence

UE Union Européenne

UFR/LAC Unité de Formation et de Recherche/Langues, Arts et Communication

UFR/SVT Unité de Formation et de Recherche/ Sciences de la Vie et de la Terre

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

UNFPA United Nations Fund for Populations Activities

USD United States Dollar

USAID United States Agency for International Development

VIH Virus d’Immunodéficience Humaine

Page 7: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

LISTE DES GRAPHIQUES

Titre Page

Graphique 1 : La malnutrition chronique : une situation nationale

sévère et supérieure au seuil critique de 30% de l’OMS 18

Graphique 2 : Disparités entre régions 19

Graphique 3 : Evolution de la malnutrition aiguë entre 1993 et 2003 20

Graphique 4 : Evolution de la malnutrition chronique entre 1993 et 2003 21

Page 8: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Résumé Le présent rapport porte sur l’étude de cas de l’influence de l’engagement politique sur

l’intégration de la nutrition dans les priorités de développement national au Burkina faso. Elle

s’inscrit dans le cadre d’une recherche comparative portant sur plusieurs pays francophones et

anglophones d’Afrique. L’étude a été mandatée et coordonnée par une équipe d’experts de la

Banque Mondiale avec l’appui d’experts nationaux chargés de faire les études par pays. Cette

recherche comparative part du constat que certains pays ont su mettre à profit les appuis reçus des

bailleurs de fonds pour bâtir au fil du temps des politiques durables de prise en charge de la

problématique de la malnutrition. Par contre, d’autres n’ont pas réussi à créer une telle

dynamique, de sorte que la malnutrition constitue aujourd’hui un problème grave à résoudre.

Dans le concept note de la présente étude, des suppositions fortes existent concernant l’impact de

l’engagement politique sur l’intégration de la problématique de la nutrition dans les politiques de

développement. Cette éventualité est considérée comme un des facteurs déterminants à l’origine

d’une amélioration significative des indicateurs de nutrition dans un pays. A contrario, l’absence

de cet engagement politique est perçue comme étant à l’origine de la prévalence de taux de

malnutrition très élevés qui traduisent la non intégration effective de la nutrition dans les priorités

de développement national. Le Burkina Faso est considéré comme étant un des pays n’ayant pas

réussi à intégrer la nutrition dans son agenda politique, cela se traduisant par un fort taux de

malnutrition (19%).

L’étude de cas s’inscrit dans la recherche d’un cadre de compréhension des facteurs de succès au

sein d’une même tradition culturelle et politique, capable d’apporter des indications plus

pertinentes aux autres pays francophones qui n’ont pas connu ce succès. Le mandat qui nous est

confié consistait à analyser les causes de l’échec des politiques publiques portant sur la nutrition

au Burkina Faso sur une période de temps donnée (19960-2008). L’objectif général de l’étude

était de générer un savoir basé sur des données concrètes pour permettre de comprendre les

facteurs essentiels de la non réussite des politiques nutritionnelles au Burkina Faso afin de

permettre de mieux concevoir et mettre en œuvre des stratégies et programmes qui induisent une

sorte d’engagement politique à long terme.

La méthodologie utilisée pour faire l’étude de cas de l’expérience du Burkina Faso est

conditionnée par la démarche globale de la recherche. Elle s’articulait autour de deux aspects

essentiels : i) La collecte des données sur l’histoire des politiques nutritionnelles dans le pays

dégager les grandes tendances de la trajectoire de la nutrition. ii) L’analyse des données pour

dégager les facteurs explicatifs permettant de comprendre la situation qui prévaut et les éléments

permettant de nuancer l’appréciation des constats. Les outils suivants ont été utilisés pour la

collecte des données : la revue de littérature, la revue documentaire, les interviews avec les

personnes ressources, les visites de terrain sur trois sites (Saaba, Ziniaré, Bobo-Dioulasso).

Au terme de l’étude, les données collectées permettent d’ajouter d’autres éléments de définition

de l’engagement politique en faveur de la nutrition à ce qui est proposé dans les TDR de l’étude.

L’engagement politique n’est pas une donnée automatique et systématique quand on parle de la

nutrition. Il émerge progressivement comme le résultat temporaire d’une conjonction de facteurs

favorables et défavorables. Il n’est pas acquis de façon permanente et définitive. Il est fluctuant

en fonction des facteurs politiques, techniques, économiques en présence et mérite d’être renforcé

continuellement par l’information et le dialogue politique. L’engagement politique est le résultat

Page 9: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

d’une négociation permanente entre les acteurs clés, selon leurs intérêts du moment. Il est soumis

aux aléas politiques et conjoncturels du milieu liés à son environnement.

En s’appuyant sur cette vision du phénomène étudié, trois grandes tendances dans la trajectoire

historique de la nutrition au Burkina Faso ont été identifiées au terme de l’étude. On distingue

une longue période d’une trentaine d’années (1960-1990), marquée par des tâtonnements des

actions éparses et ponctuelles. Pendant cette période que nous qualifions de faux départ, les

acteurs n’avaient pas de stratégies explicites pour promouvoir l’intégration de la nutrition dans

l’agenda politique. En l’absence d’un corps de professionnels reconnu et ayant un statut, le

leadership technique n’était pas assuré et les financements disponibles n’étaient pas suffisants

pour des programmes structurants ayant une influence politique. A cause de la crise alimentaire

de la fin des années 1970, il y a eu des actions d’urgence, suivie d’une longue période de

relâchement.

La deuxième étape marquante de la trajectoire de la nutrition va de 1990 à 2004. Cette période est

marquée par des initiatives étatiques (sur financement de la Banque Mondiale et d’autres

partenaires) et de la part des nutritionnistes. Parmi les faits marquants on peut citer : la

participation du Burkina à la Conférence Internationale de Rome sur la Nutrition (1992);

l’élaboration et la mise en œuvre du premier plan national d’action national sur la nutrition

(PNAN), l’élaboration et la présentation de Profiles Burkina qui est une initiative concertée de

plaidoyer en faveur de la nutrition et enfin la création de la Direction de la Nutrition. Malgré ces

actions à portée politique, l’intégration de la nutrition dans l’agenda politique n’a pas eu lieu à

cause des problèmes d’ancrage institutionnel et d’une gestion inadéquate des ressources

humaines. Plusieurs initiatives réalisées pour l’intégration de la nutrition parmi les priorités

nationales n’ont pas abouti à cause des querelles de leadership institutionnel et le conflit

intergénérationnel qui ont favorisé la déperdition des ressources humaines qualifiées. On a assisté

donc à une relance manquée du processus d’intégration de la nutrition dans les politiques de

développement.

La troisième étape est en cours depuis 2005 et se manifeste par une mobilisation forte de

plusieurs acteurs clés en faveur de la nutrition. Le déclencheur de la prise de conscience a été

sans conteste la crise alimentaire au Niger en 2005. Malgré une dégradation progressive des

indicateurs nationaux de malnutrition depuis 1993, les autorités n’ont pas engagé des actions

fortes pour y remédier. En attirant l’attention sur la similitude de situation entre le Burkina Faso

et le Niger, l’UNICEF a été sévèrement contesté par l’Etat qui s’est résolu à se faire sa propre

opinion sur le sujet. L’évaluation conjointe réalisée en partenariat avec les PTF a confirmé la

gravité de la situation et incité l’Etat à prendre des mesures. Parmi ces mesures figurent la

création du Conseil National de Concertation pour la Nutrition et l’adoption de la première

Politique Nationale de Nutrition. On assiste conjointement à un momentum favorable au plan

international qui se traduit par une plus grande disponibilité de ressources financières pour

financer les activités de nutrition. Dans le contexte burkinabé, il s’agit d’une croisée des chemins

car c’est une occasion à ne pas manquer pour réellement mettre la nutrition au cœur de l’agenda

du développement national. Pour que les avancées positives puissent se concrétiser dans la durée,

il faut encore résoudre les problèmes d’ancrage institutionnel de la nutrition, renforcer les

capacités des ressources humaines en quantité et en qualité et assurer une mobilisation des

ressources financières pour des investissements à long terme. Il y a surtout une nécessité

Page 10: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

d’adopter une approche communautaire dans les interventions à cause du caractère structurel de

la malnutrition mais aussi de la pauvreté qui touche une grande partie de la population.

En définitive, c’est seulement il y a quatre ans que l’amorce d’une intégration de la nutrition dans

les priorités politiques est observée. L’analyse comparative des facteurs favorables et

défavorables qui ont prévalu depuis les indépendances, permet de dire que tous les acteurs clés

ont une part de responsabilité dans la situation actuelle de la malnutrition. Dans leur démarche

d’appui, les partenaires techniques et financiers ont soutenu et entretenu les clivages entre les

secteurs et les ministères en plus de financer des actions éparses et sans continuité ni résultats

durables. Les décisions sur l’ancrage institutionnel de la nutrition n’ont pas été basées sur une

vision holistique du problème, ni sur des critères objectifs visant une plus grande efficacité des

actions à entreprendre. Puisque le pouvoir de décision au sein des ministères incombe à des

responsables qui ne sont pas spécialistes en nutrition, ils ont souvent fait des choix de réformes

organisationnelles et d’allocation budgétaire qui n’étaient pas favorables à l’intégration effective

de la nutrition au niveau sectoriel. Quand aux nutritionnistes, ils ont été pris au piège d’un jeu

politico-administratif dont ils n’avaient pas la maîtrise et la compréhension. Face aux difficultés

rencontrées pour valoriser la profession et assurer leur promotion, ils ont préféré des solutions

individuelles en omettant de créer des initiatives alternatives d’auto-promotion et de promotion

de la nutrition au plan national. La crise qui touche actuellement le corps des nutritionnistes et le

conflit intergénérationnel opposants les « jeunes » et les « anciens » n’est pas propice à la

production technique indispensable pour le plaidoyer auprès des décideurs politiques. Depuis les

années 1970 jusqu’à aujourd’hui, les nutritionnistes n’ont pas su dépasser les barrières

institutionnelles pour développer leur métier et fixer les balises nécessaires à la préservation des

standards de qualité dans la pratique.

Après ce tour d’horizon, les facteurs clés qui apparaissent essentiels à l’intégration de la nutrition

dans l’agenda politique du pays sont nombreux et nous en citons quelques uns :

- L’ouverture des autorités politiques est une condition de base pour qu’une quelconque

action soit entreprise à l’échelle nationale, même si elles ne s’impliquent pas activement

dans le processus au départ ;

- L’existence d’une cohérence et d’une complémentarité entre les politiques et programmes

de production agricole et alimentaire initiés dans le pays.

- L’existence d’un mécanisme de concertation intersectorielle est utile pour rassembler tous

les acteurs clés pour des actions concertées et harmonisées ;

- L’implication des principaux donateurs intervenants dans le domaine de la nutrition dans

un cadre de concertation globale capable d’engager un dialogue constructif et régulier

avec les autorités politiques du pays ;

- La disponibilité de ressources financières suffisantes est requise pour accompagner les

actions entreprises par l’état suite au plaidoyer des partenaires et des spécialistes en

nutrition et ainsi que l’utilisation d’un mécanisme approprié de livraison de l’aide

financière;

- L’élaboration d’un document d’orientation politique est indispensable pour préciser la

vision du pays, ses principes directeurs, ses axes prioritaires d’action et les objectifs à

court, moyen et long terme ainsi que les prévisions de ressources humaines et

financières;

Page 11: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

- Les réformes politiques sectorielles sont aussi des opportunités pour mettre en exergue

l’importance de la nutrition dans un secteur donné et demander sa meilleure prise en

compte.

Pour ce qui est du processus d’intégration, il apparaît que sur le plan technique, les facteurs et

conditions de changement suivants étaient essentiels :

- L’existence d’un corps de professionnels bien organisé et établi, ayant les capacités

nécessaires pour faire le travail technique requis pour d’une part diagnostiquer la situation

de la malnutrition et d’autre part faire le suivi permanent du phénomène pour proposer les

solutions qui conviennent ;

- Les aptitudes en plaidoyer des nutritionnistes pour sensibiliser et informer régulièrement

les décideurs politiques sur les tendances du phénomène et donner des conseils pertinents

sur les actions à engager ;

- L’autonomie d’action des spécialistes et leur capacité à être créatifs et imaginer des

solutions de rechange quand les contextes institutionnels ne sont pas favorables.

- L’assurance d’un rôle de veille technique par les nutritionnistes pour signaler les risques

de dilution ou de régression dans les actions entreprises après les remaniements

ministériels qui modifient les mandats des ministères.

L’institutionnalisation qui est l’objectif ultime à même de garantir la pérennité des actions

politiques ne pouvait se faire que dans les conditions suivantes :

- L’existence d’une volonté politique et l’engagement de la haute hiérarchie des ministères

et de l’Etat ;

- La connaissance approfondie de tous les contours du problème de la malnutrition ;

- L’existence d’une expertise motivée appuyée au besoin par des consultants externes dans

une démarche de transfert de compétences

- La planification des activités de nutrition selon les résultats et le genre

- L’allocation de ressources financières suffisantes et sur une base pluriannuelle

- La mise en place d’un dispositif interne de mise en œuvre et d’un mécanisme de suivi-

évaluation des résultats

- L’application d’un système de rapportage périodique et d’une base de données mise à jour

- L’imputabilité des agents et des structures quand à l’atteinte des objectifs visés à travers

les projets et programmes, le CSLP et les OMD.

On retiendra aussi de l’expérience du Burkina que certaines stratégies d’intégration de la nutrition

dans l’agenda politique marchent mieux que d’autres. Parmi les stratégies efficaces, on peut

citer :

- La mise en place d’un organe consultatif intersectoriel (CNCN)

- Le plaidoyer basé sur les évidences et des données objectives (Profiles Burkina)

- La démonstration de l’intérêt politique de la prise en compte de la nutrition

- L’affirmation du leadership institutionnel de la structure nationale de pilotage de la

nutrition

- La concertation et l’harmonisation des approches et actions des partenaires techniques et

financiers

- L’organisation de missions conjointes partenaires et gouvernement sur le terrain

- La communication axée sur le dialogue constructif et la persuasion

Page 12: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

L’expérience montre que certaines stratégies ne sont pas du tout efficaces pour promouvoir

l’engagement politique en faveur de la nutrition.

- Les actions isolées motivées par des besoins de visibilité institutionnelle des différents

intervenants dans le domaine

- Les actions ponctuelles à petite échelle sans continuité.

- L’utilisation de la critique et d’un langage trop direct pour décrire la situation

- Une médiatisation alarmiste du problème sans information préalable des autorités

politiques

- La non utilisation d’une stratégie de communication axée sur les résultats recherchés

- La faible implication des élus de l’Assemblée que des communes.

- La faible implication des ONG nationales.

Le rapport qui suit fournit des informations plus détaillées sur les constats concernant la

trajectoire de la nutrition. Il expose également les multiples facteurs qui ont affecté le processus

d’intégration de la nutrition dans l’agenda du développement national et décrit leur relation de

causalité avec la situation préoccupante actuelle de la malnutrition au Faso.

Page 13: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

1. CONTEXTE ET JUSTIFICATION

A l’instar des autres pays en développement, le Burkina Faso a bénéficié depuis son

indépendance, d’un appui financier et technique de la Banque Mondiale et d’autres partenaires au

développement (OMS, UNICEF, PAM et ONG internationales) pour mettre en œuvre des

programmes et des politiques de nutrition. Actuellement, le constat qui se dégage est que certains

pays ont su mettre à profit les appuis reçus pour bâtir au fil du temps des politiques durables de

prise en charge de la problématique de la malnutrition. Plusieurs facteurs contextuels sont

avancés pour expliquer cette évolution positive. Dans le concept note de la présente étude, des

suppositions fortes existent concernant l’impact de l’engagement politique en faveur de la

nutrition sur l’intégration de la problématique dans les politiques de développement. Sans être

exclusive, cette éventualité serait un des facteurs déterminants à l’origine d’une amélioration

significative des indicateurs de nutrition dans un pays. Parmi les pays francophones d’Afrique, le

Sénégal et Madagascar sont considérés comme de bons exemples pouvant servir à vérifier cette

hypothèse.

L’expérience du Burkina et du Bénin qui connaissent actuellement une dégradation de la situation

nutritionnelle a été retenue aussi à des fins de comparaison. Dans ces deux pays, la malnutrition

est perçue comme un problème endémique parce que les taux de prévalence actuels ont dépassé

les seuils critiques fixés par l’OMS. Ce constat amène à s’interroger sur les facteurs explicatifs

d’une telle situation qui se traduit par une dégradation tendancielle des indicateurs de

malnutrition. Or, cela génère de graves conséquences en terme de santé publique, de mortalité des

groupes vulnérables que sont les femmes et les enfants et partant, une incidence sur les

performances nationales de développement humain.

Il est alors indispensable de trouver urgemment une explication fiable pour faciliter la recherche

de solution. Plusieurs facteurs explicatifs sont avancés sans qu’on ne puisse encore s’accorder sur

une explication consensuelle. La compréhension de l’économie politique de la nutrition aidera la

Banque mondiale, les autres bailleurs de fonds et les réformateurs sensibles aux problèmes de

nutrition à promouvoir des politiques à long terme capables de lutter contre la malnutrition.

Le but principal de la présente étude comparative entre les quatre pays était de promouvoir et

soutenir plus efficacement un plus haut niveau d’engagement des pays concernés en faveur des

politiques et programmes de nutrition. Il s’agit d’atteindre deux objectifs : 1) documenter des cas

souvent laissés de côté par une littérature qui se concentre généralement sur les pays

anglophones ; 2) fournir un cadre de compréhension des facteurs de succès au sein d’une même

tradition culturelle et politique, capable d’apporter des indications plus pertinentes aux autres

pays francophones qui n’ont pas connu ce succès. Dans le cadre du mandat spécifique qui nous

est confié, à savoir, faire l’étude de cas du Burkina Faso, les objectifs visés sont déclinés dans les

lignes qui suivent.

1.1. Objectifs

Objectif général

L’objectif général de l’étude est de générer un savoir basé sur des données concrètes pour

comprendre les facteurs essentiels de l’échec des politiques nutritionnelles au Burkina Faso et

leurs relations afin de permettre de mieux concevoir et mettre en œuvre des stratégies et

Page 14: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

programmes qui induisent la sorte d’engagement politique essentielle pour combattre la

malnutrition à long terme.

Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques de cette étude sont :

a. Identifier et documenter les facteurs associés aux changements progressifs, à la

stagnation ou au déclin i) pour l’inscription de la nutrition dans les programmes

gouvernementaux ; ii) pour la mise en place des conditions institutionnelles de soutien

d’un engagement dans la durée en faveur des politiques de nutrition ; et (iii) pour la

réduction du fardeau humain et économique de la malnutrition.

b. Générer un cadre conceptuel qui identifie les facteurs clés de l’échec de l’intégration de

la nutrition dans les politiques et programmes sectoriels et leurs relations, afin de

mieux soutenir le pays à prendre la sorte de décisions qui mènera à la réussite et à

l’institutionnalisation des moyens de traitement des problèmes de nutrition. Du fait de

la présence ou de l’absence à un moment donné de l’engagement politique, celui-ci est

susceptible de contribuer à la réussite ou à l’échec des efforts nationaux visant

l’intégration de la nutrition de manière transversale dans les programmes sectoriels.

Les observations ont visé d’une part à identifier les indicateurs et les indices permettant

d’appréhender l’engagement politique et les autres facteurs clés à même d’expliquer la

réussite ou non de l’intégration de la nutrition parmi les priorités de développement.

Il s’agissait pour nous de collecter des données pour décrire une situation spécifique, répondre à

des préoccupations théoriques visant à parvenir à des conclusions généralisables et enfin de

dégager des propositions pertinentes, nécessaires pour orienter la prise de décision politique. A

cause de la diversité de ces attentes, le travail a été fort complexe et a comporté un risque quand

au survol de certaines préoccupations par rapport à d’autres. La démarche méthodologique

utilisée visait à garder un certain équilibre pour répondre aux différentes attentes explicites et

implicites.

1.2. Méthodologie

Le mandat qui nous est confié consistait à analyser les causes de l’échec des politiques publiques

portant sur la nutrition sur une période de temps donnée (19960-2008). Cette étude de cas sur

l’économie politique de la nutrition au Burkina Faso s’inscrit dans le cadre d’un travail global

pour lequel une démarche spécifique a été définie. Il s’agit d’une étude chronologique et

comparative qui permet d’apprécier les efforts fournis au plan national selon les époques en

adoptant une perspective historique et évaluative. Etant donné que l’étude couvre toute l’histoire

des politiques nutritionnelles dans notre pays, il s’agit pour nous de faire une collecte

systématique des données disponibles pour ensuite dégager les grandes tendances historiques au

moment du traitement.

Des critères d’appréciation de l’échec ont été fournis dans les termes de référence (TDR) et dans

la littérature consultée. En se référant aux TDR de la mission, on peut dire que l’étude comporte

plusieurs caractéristiques typologiques (appliquée, descriptive, évaluative, comparative,

compréhensive, explicative, qualitative, participative, rétrospective et prospective). Etant donné

les limites de temps imparti, il s’agissait concrètement de combiner les techniques et outils de

Page 15: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

collecte les plus adaptés de chacune des approches choisies pour parvenir rapidement à obtenir

les données requises.

La principale technique privilégiée est celle de l’étude de cas afin de permettre de comparer les

différentes actions politiques au cours de la période considérée pour l’étude. Les données

recueillies serviront ultérieurement pour comparer les expériences pays (entre le Bénin, le

Burkina Faso, Madagascar et le Sénégal), cela en vue de tirer des conclusions généralisables d’un

point de vue conceptuel et au niveau pratique. La revue de littérature a permis d’approfondir les

aspects conceptuels et théoriques du mandat. Cependant, le fait d’avoir postulé d’emblée l’échec

et donné une orientation au travail centrée sur le rôle de l’engagement politique ne laissait pas

assez de marge de manœuvre pour l’ouverture à d’autres interprétations possibles de la réalité.

La revue documentaire a essentiellement consisté à collecter et exploiter les documents sur les

politiques sectorielles en lien avec la nutrition, les rapports des enquêtes nutritionnelles, les

rapports de mise en œuvre des projets et programmes du gouvernement et des différents

partenaires (bailleurs de fonds, organisations de la société civile) portant sur la nutrition. Puisque

l’étude réalisée est essentiellement qualitative, nous nous sommes servi des données quantitatives

secondaires disponibles dans les documents consultés.

Pour les interviews individuelles des personnes-ressources, nous avons utilisé le guide

d’entretien standard conçus pour l’étude. Il a fallu au préalable en assurer la traduction pour

faciliter l’administration du questionnaire en français. Les entretiens se sont déroulés au cours de

la période de mi-janvier à fin février 2008. Des visites de terrain ont faites dans deux districts

sanitaires (Saaba, Ziniaré en zone péri-urbaine et à une antenne régionale de la direction de la

nutrition à Bobo-Dioulasso). Le choix de Saaba visait à permettre d’apprécier le niveau de prise

en compte de la nutrition au niveau d’une formation sanitaire située à proximité de Ouagadougou.

Le CMA de Ziniaré a été visité pour d’une part collecter des informations sur les difficultés de

prise en compte de la nutrition dans les Plans d’action des districts sanitaires et d’autre part,

permettre de se renseigner sur les efforts faits localement pour la prise en charge de la

malnutrition. La visite à l’Antenne régionale de la nutrition à Bobo a été motivée par le fait que

deux anciens nutritionnistes y ont travaillé et que cette unité constituait la seule structure

délocalisée de la Direction de la Nutrition. Il s’agissait pour nous de voir comment une telle

structure fonctionnait et les conditions dans lesquelles la création d’entités similaires pouvait se

faire avec efficacité dans d’autres localités.

Le traitement des données a été fait en tenant compte des objectifs qui orientent la présente étude.

Il s’agissait de faire un tri à plat chronologique pour permettre de dégager les informations sur

l’évolution historique des politiques. L’importance cruciale accordée aux acteurs clés et aux

évènements marquants pendant cette phase a permis de dégager les inter-relations entre les

facteurs déterminants pour l’analyse de la trajectoire des politiques nutritionnelles.

Page 16: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

2. CONTEXTE GENERAL DU DEVELOPPEMENT AU BURKINA FASO

2.1. Les indicateurs sur la situation de la pauvreté

Le Burkina Faso est un pays sahélien qui figure parmi les pays les plus pauvres du monde. Il a été

classé 176e /177 pays au titre du Développement Humain Durable en 2007. En 1998, près de 45%

de la population burkinabé vivait en dessous du seuil absolu national de pauvreté, qui était estimé

en termes monétaires à 72 690 F CFA (104 $ US)/an. Le taux est passé à 46.4% en 2003 sur la

base d’un seuil de pauvreté révisé de 82.672 F CFA. Depuis lors, on observe une baisse

tendancielle du taux de pauvreté, mais il demeure encore supérieur à 43%.

Le niveau de pauvreté connaît une grande variabilité tant au niveau des différents groupes

sociaux que dans les régions. Les populations les plus pauvres sont essentiellement composées

des populations marginalisées des villes, les populations en zones périurbaines et enfin celles en

zones rurales. Mais de façon générale, la pauvreté est un phénomène essentiellement rural avec

plus de la moitié de la population rurale (52.3%) qui vit en dessous du seuil de pauvreté contre

19,9% en milieu urbain. Sur le plan spatial, les régions les plus affectées sont celles du Nord

(68,6%), le Centre Sud (66,1%), la Boucle du Mouhoun (60,4%), le Plateau Central (58,8%), le

Sud Ouest (56,6% et le Centre Est (55,1%).

On s’aperçoit aussi à l’examen des groupes touchés par la pauvreté que les femmes sont les plus

nombreuses à vivre en dessous du seuil absolu identifié. En dehors du seuil monétaire avancé, il

existe plusieurs autres indicateurs qui sont utilisés pour mesurer la pauvreté. Au Burkina, les taux

d’accès à l’éducation et aux services et soins de santé sont parmi les plus bas du monde et le taux

de mortalité maternelle figure parmi les plus élevés avec une moyenne de 484 femmes sur cent

mille qui meurent des suites d’accouchement (EDS 1998). L’autosuffisance alimentaire n’est pas

effective, le pays étant constamment soumis aux aléas climatiques qui provoquent des pénuries

alimentaires et des poches de disette dans certaines provinces du pays.

Depuis 1999, le Burkina a élaboré un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté dont la mise

en oeuvre se poursuit actuellement. Les objectifs quantitatifs majeurs poursuivis par le

Gouvernement au cours des années à venir sont : (i) accroître le produit intérieur brut par habitant

d'au moins 4% par an à partir de 2004 ; (ii) ramener l’incidence actuelle de la pauvreté à moins

de 35% à l’horizon 2015 ; (iii) accroître l'espérance de vie à au moins 60 ans à l’horizon 2015.

Pour ce faire, le Gouvernement vise un taux moyen de croissance du PIB réel de 7% par an, une

inflation inférieure à 3% et une croissance du PIB par habitant d'au moins 4% par an. L’accès des

pauvres aux services sociaux de base et à la protection sociale est aussi une préoccupation

majeure du gouvernement et les domaines prioritaires retenus sont : (i) l’éducation, (ii) la santé,

(iii) la nutrition, (iv) le VIH/SIDA, (v) l’eau potable, l’assainissement (vi) le cadre de

vie (l’habitat) et (vii) la protection sociale. Cela doit se concrétiser dans un pays considéré à juste

raison comme ayant milles priorités, si on se réfère aux données socio-éconmiques et climatiques.

2.1.1. Données économiques

L’économie burkinabè repose sur l’agriculture de subsistance. L’agriculture du Burkina Faso a

connu une croissance remarquable ces dernières années. Cette croissance est due d’une part, à

l’augmentation des superficies emblavées et d’autre part, à l’amélioration des rendements des

cultures. Les statistiques agricoles montrent que le taux de croissance de la production céréalière

(mil, sorgho, maïs, riz et fonio) est passé de 0,32 % entre les campagnes agricoles 2001-2002 et

Page 17: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

2002-2003 à 14,27 % en 2003-2004. Pendant les mêmes périodes, la production des cultures de

rente (coton, arachide, sésame et soja) est passée de 6,7 % à 9,42 % et celles des autres cultures

vivrières (niébé, voandzou, igname et patate) de 18,54 % à 29,66 % (DGPSA/DSA, 2004).

Malgré les potentialités actuelles du secteur agricole, une proportion non négligeable de la

population n’arrive pas à faire face à ses besoins alimentaires. Le Burkina Faso, à l’image des

autres pays du Sahel, est marqué par une instabilité climatique qui affecte la sécurité alimentaire.

Parmi les facteurs conjoncturels, figure le risque climatique qui de l’avis de la DGPSA (2005) est

très variable. En effet, comme le constate cette structure, le coefficient de variation interannuelle

de la pluviométrie est de 20 à 30 % et est croissant du Sud au Nord du pays. Le taux de

couverture céréalier varie de 60 à 120% en fonction des campagnes agricoles et est aussi plus

faible au Nord qu’au Sud.

Les autorités politiques ont opté actuellement pour les cultures irriguées de saison sèche comme

une alternative pour contrer les effets des aléas climatiques sur les disponibilités alimentaires.

Mais, le secteur agricole, malgré sa place de premier secteur de l’économie, n’est pas à mesure de

générer des ressources suffisantes pour accroître les revenus des populations, surtout ceux des

producteurs ruraux pour l’acquisition des vivres en cas de déficits répétés.

2.1.2. Du lien entre pauvreté, insécurité alimentaire et malnutrition

Dans le rapport « Vaincre la pauvreté humaine » du Programme des Nations Unies pour le

Développement (PNUD, 2000), il est dit qu’ « une personne vit dans la pauvreté extrême si elle

ne dispose pas de revenu nécessaire pour satisfaire ses besoins alimentaires essentielles

habituellement définis sur la base des besoins calorifiques minimaux. Une personne vit dans la

pauvreté générale si elle ne dispose pas de revenu suffisant pour satisfaire ses besoins non-

alimentaires (habillement, logement, énergie, etc.). La pauvreté humaine est aussi présentée

comme l’absence de capacités humaines de base (analphabétisme, malnutrition, mauvais état de

santé, etc.).

A cela, il convient d’ajouter la définition de la Banque Mondiale reprise et explicitée par Kaboré

et al. (2005) pour qui distinguent deux types d’insécurité alimentaire, une chronique et l’autre

temporaire. « La première caractérise les individus et les groupes qui souffrent en permanence

d'une alimentation déficiente, c'est-à-dire qui ne peuvent satisfaire de manière permanente leurs

besoins nutritionnels. Ces individus et ces groupes ne peuvent ni produire, ni acheter les denrées

dont ils ont besoin, ni en quantité, ni en qualité suffisante. La deuxième quant à elle, traduit une

impossibilité pour les individus et les groupes de satisfaire momentanément leurs besoins

nutritionnels de manière adéquate. L'instabilité de la production ou des prix en est la cause ».

Les causes structurelles de l’insécurité alimentaire chronique ou structurelle sont : la

pauvreté, la désertification, les modes de production traditionnels. Elles jouent sur la

disponibilité, l’accessibilité ainsi que l’utilisation des produits alimentaires.

L’insécurité alimentaire conjoncturelle est devenue assez fréquente à cause du risque

climatique, de la faible fertilité des sols et les déprédateurs des cultures. Parmi les autres causes

conjoncturelles figurent les aléas climatiques, les invasions acridiennes, les attaques des

déprédateurs, etc. Insécurité alimentaire structurelle et conjoncturelle mettent les populations

dans une situation de vulnérabilité.

Page 18: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

La vulnérabilité est une situation d'exposition à des facteurs de risque mais aussi la difficulté de

faire face à la situation, l'incapacité de se défendre. Un individu peut être considéré comme

vulnérable, s'il est soumis à des risques de manque de nourriture ou s'il subit de fortes

conséquences de ce manque, ou plus encore, s'il subit la combinaison des deux éléments

précédents. La vulnérabilité de manière générale est la probabilité pour un ménage ou un individu

de voir sa situation se dégrader sous l'effet de risque ou chocs auxquels il est exposé. Pour les

paysans, les risques sont entre autres les sécheresses, les attaques acridiennes, les inondations, les

décès, la maladie (hommes et animaux), l'augmentation des prix des intrants, la rareté des

produits de cueillettes etc. La vulnérabilité est intimement liée à la capacité des ménages à réagir

pour atténuer les effets d'éventuels chocs dus aux déficits alimentaires. Ainsi, les facteurs de

vulnérabilité jouent sur les manifestations (périodicité, ampleur, durée, intensité) de l’insécurité

alimentaire.

Le Sommet Mondial de l’alimentation tenu à Rome en octobre 1995 énonce que : « la sécurité

alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont à tout moment, un accès physique et

économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs

besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». FAO

(1996). La sécurité alimentaire des ménages agricoles résulte donc de l’interaction entre les

quatre (4) éléments. Il faut d’abord que les denrées soient disponibles, ensuite qu’elles soient

accessibles à tous et dans le temps et enfin qu’elles puissent répondre aux besoins nutritionnels

des individus.

2.2. Problématique de la malnutrition au Burkina Faso : un problème structurel et

conjoncturel

2.2.1. Evolution des différentes formes de malnutrition chez les enfants et les femmes

Une situation alarmante, critique, préoccupante, grave….. Les qualificatifs ne manquent pas pour

décrire la situation de la malnutrition au Burkina Faso au cours de la décennie. Quelques

exemples tirés de la revue documentaire peuvent servir d’illustration. En effet, des informations

sur la nutrition tirées de différents enquêtes (EDS, EPA, EBCVM, etc.) à envergure nationale et à

vocation périodique, (nutritionnel ou comportant un volet nutritionnel) permettent d’avoir des

données statistiques sur l’évolution de la malnutrition dans le pays. Malgré une discussion sur la

qualité des données de certaines des enquêtes (pour des raisons méthodologiques et un manque

de comparabilité des données) tout le monde s’accorde pour reconnaître une détérioration

tendancielle de la situation nutritionnelle.

Les enquêtes démographiques et de santé (EDS 1993, 1998, et 2003) font en effet état d’une

tendance à la dégradation progressive du statut nutritionnel des enfants. C’est du moins ce

qu’attestent les citations suivantes. « La situation nutritionnelle au Burkina Faso est

préoccupante, avec une prévalence de malnutrition croissante ces quinze dernières années. Il

ressort clairement que la situation nutritionnelle dans le pays est alarmante et nécessite une

réponse plus forte, adaptée et intégrée. Cette situation s’aggrave de façon conjoncturelle à chaque

période de soudure et/ou à la suite d’un choc » . 1

1 Mission Conjointe (Gouvernement/PAM/UNICEF/FAO/OMS), Septembre 2006.

Page 19: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Ces constats datent déjà de près d’une décennie. Depuis 2000, il est indiqué dans le Plan national

d’action pour la nutrition ce qui suit : « les résultats de diverses enquêtes menées dans le pays

montrent que la malnutrition sous toutes ses formes (chroniques, aiguë) et à tous les stades de

gravité (léger, modéré, sévère) est omniprésente au Burkina Faso avec cependant une fréquence

et une gravité particulière au sein de la tranche d’âge préscolaire ».

Au Burkina, on distingue deux principaux types de malnutrition coexistent : la malnutrition

protéino-énergétique et les carences en micro-nutriments. Cela rend plus complexe l’explication

du phénomène et l’identification des facteurs clés qui en déterminent l’évolution et l’aggravation.

Le tableau ci-dessous indique une dégradation de la situation au niveau national et rural, surtout

entre 93 et 98. Les taux de prévalence varient selon le milieu de résidence. Pour un taux moyen

de 38,7% en 2003 soit plus de 900.000 enfants de moins de 5 ans malnutris chronique, on

enregistre 41,6% d’enfants vivant en milieu rural.

Graphique n° 1: La malnutrition chronique: une situation nationale sévère, supérieure au

seuil critique des 30% de l’OMS

Source : Inconnue2

Le tableau ci-dessous sert à mieux illustrer la situation selon les régions. On note d’une part, la

variation de la malnutrition aiguë par région et d’autre part, son évolution au cours d’une

décennie. Le Plateau central affiche le taux de prévalence le plus élevé (31,7%), suivi par les

Cascades qui affichent un taux de 28,6%. Contre toute attente la Boucle du Mouhoun, considéré

comme le grenier du Burkina, affiche le troisième niveau de haute prévalence (25,1%). Avec un

2 Ce tableau est extrait d’un document powerpoint intitulé « Situation nutritionnelle et tendances depuis 1993 au

Burkina Faso ». Le nom de l’auteur n’est précisé.

31.4

38.841.6

19.022.7 20.2

29.4

36.8 38.7

05

101520253035404550

EDS 1993 EDS 1998 EDS 2003

Pré

va

len

ce

(%

)

rural urbain national

Page 20: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

taux de malnutrition de 23,1%, la région du Centre-Est vient en quatrième position pour le niveau

de malnutrition aiguë. L’ensemble des régions affiche un taux de sévérité de la malnutrition qui

dépasse le seuil critique de 10% fixé par l’OMS, confirmant ainsi le caractère général du

problème. On s’aperçoit en regardant le tableau spécifique à la malnutrition aiguë qu’elle a

connue une augmentation significative entre 1998 et 2003. Les facteurs explicatifs d’une telle

situation sont nombreux.

« Entre 1993 et 2003, les taux des enfants burkinabé souffrant de malnutrition aiguë et de

malnutrition chronique sont passés respectivement de 13,3% à 18,3%, et de 29,4% à 38,7%3.

Pour ce qui est de la malnutrition aiguë, l’augmentation est probablement due au fait que les

enquêtes ont été réalisées à différentes époques (après la récolte et en période de soudure), ce qui

n'explique toutefois pas l'augmentation du taux de malnutrition chronique. En même temps, la

production agricole a également augmenté suivant un taux moyen de 6% par an (à un taux deux

fois plus élevé que la croissance démographique »4.

Graphique n°2 : Disparité entres régions

Source : Inconnue

Comme l’indique la politique nationale de nutrition (2007), la situation nutritionnelle au Burkina

Faso se caractérise par une sous-alimentation chronique. Cela se traduit par une malnutrition

protéino-énergétique (MPE) endémique. Cette tendance à la dégradation progressive de la

situation nutritionnelle des enfants, contraste avec l’amélioration de certains indicateurs de santé,

notamment une baisse du taux de mortalité. Les graphiques qui suivent donnent une illustration

de l’évolution des différentes formes de malnutrition. Selon les données de l’EDS 2003, la

malnutrition protéino-énergétique est à l’origine du retard de croissance observé chez 39% des

enfants burkinabés.

3 Enquête démographique et Santé 1993, 1998 et 2003 4 Eléments de clarification sur la situation alimentaire et nutritionnelle au Burkina Faso publiés conjointement par FAO, CILSS, PAM,

PSA/ UE, FEWS NET, DGPSA/MAHRH.

Malnutrition aiguë par région (EDS 2003)

25.1

13.7 12.7

19.2

31.7

23.1

1416.9

12.2

20.5

28.6

13.5

18.7 20.4 19.6

12.4

18.6

05

10152025

3035

Bou

cle du

Mou

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n

Cen

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Cen

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Cen

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Sud

Plateau

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Sud

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st

Rur

al

Urb

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Nationa

l

Pré

vale

nce (

%)

Page 21: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Comparé aux données des EDS antérieurs (1993, 1998), le taux enregistré en 2003 témoigne

d’une dégradation significative de la situation. Dans ces conditions, il est à craindre que si la

tendance se maintient, le Burkina se retrouve dans une situation catastrophique dans un proche

avenir à cause des conséquences de la malnutrition aiguë sur les groupes sociaux les plus touchés.

Peu de données existent sur les carences en micronutriments (fer, iode, vitamine A) à l’échelle

nationale. Cette carence cause pourtant des troubles divers. Les enquêtes ne sont pas toujours

superposables, et ne permettent pas de faire des comparaisons. Ces carences touchent plus les

femmes en âge de procréer et les enfants d’âge préscolaire. Au niveau national, la carence en fer

est considérée comme étant le problème nutritionnel le plus répandu avec une prévalence de 92%

chez les enfants de 6 à 59 mois. La forme sévère de l’anémie nutritionnelle est rapportée dans

13% des cas recensés. L’anémie touche 68, 3% des femmes enceintes, ce qui n’est pas sans

danger pour les futurs bébés (EDS 2003).

Graphique n°3 : Evolution de la malnutrition aiguë entre 1993 et 2003

Source : Ouédraogo H., 2005

024

68

101214

161820

EDS 1993 EDS 1998 EDS 2003

Malnutrition aiguë

pré

vale

nce (

%)

Page 22: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Graphique n°4 : Evolution de la malnutrition chronique entre 1993 et 2003

Source : Ouédraogo, H, 2005.

La carence en vitamine A est à l’origine de l’avitaminose A. son signe visible est la cécité

nocturne, l’ulcération de la cornée. Les données publiées dans le cadre de Profiles Burkina Faso

indique que 34% des enfants sont affectés la carence en vitamine A, considérée comme étant la

cause sous-jacente de 20% de mortalité infanto-juvénile. Chez les femmes enceintes, la cécité

nocturne touche 7% des femmes enceintes, selon les données de l’EDS 2003.

La carence en iode est considérée comme un problème important de santé publique au Burkina.

Le signe clinique révélateur de cette carence est le goitre qui touche aussi bien les enfants que les

adultes. Les régions les plus affectées par la carence en iode sont en même temps celles qui ont

les plus faibles couvertures des ménages en sel adéquatement iodé : Centre Nord (27%), Nord

(26%), Sahel (15%). Elle a donné lieu à l’adoption de la Stratégie d’iodation universelle du sel à

partir de 1996. Malgré cela, la couverture des ménages en sel adéquatement iodé est de 48%.

2.2.2. Données chiffrées sur les conséquences de la malnutrition

Dans sa publication intitulée « Replacer la nutrition au cœur du développement », la Banque

Mondiale (2006) met en exergue les conséquences désastreuses des différentes formes de

malnutrition sur le processus de développement d’un pays. Ce constat confirme les données

présentées dans Profiles Burkina (2000) où les différentes conséquences de la malnutrition ont été

33

34

35

36

37

38

39

40

41

EDS 1993 EDS 1998 EDS 2003

Malnutrition chronique

pré

va

len

ce

(%

)

Page 23: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

recensées et analysées par rapport à leurs incidences sur le développement national. Les

projections font ressortir les estimations de pertes et de gains économiques selon que le problème

est pris en charge ou non dans les politiques de développement.

Des données plus récentes indiquent que : « Chez les enfants de 0-35 mois, la prévalence de

l’émaciation globale et de l’émaciation sévère était de 16,5% (15,4-17,6) et de 2,8% (2,3-3,4)

respectivement. Celle du retard de croissance global et du retard de croissance sévère était de

30,2% (28,8-31,7) et de 11,3% (10,3-12,3) respectivement. Celle de l’insuffisance pondérale

globale et de l’insuffisance pondérale sévère était de 39,1% (37,5-40,7) et de 14,6% (13,4-15,8)

respectivement. L’insuffisance pondérale (indice de masse corporelle < 18,5 kg/m²) affectait

11,8% (10,6-13,0) des mères. Parmi les femmes enceintes, 1,8% (1,1-2,9) étaient considérées en

situation d’insuffisance pondérale sur la base d’un périmètre brachial < 22 cm ».5

Les auteurs indiquent que « La prévalence du retard de croissance parmi les enfants de 0-59 mois

était de 29,4%, 36,8% et 38,7%, respectivement en 1993, 1998 et en 2003. En milieu rural, en

2003, le retard de croissance dépasse le seuil critique de 40% de l’OMS (41,6% dont 21,4% de

forme sévère). La prévalence de l’insuffisance pondérale était de 29,5%, 34,3% et 37,7% en

1993, 1998 et 2003 respectivement. La prévalence de l’émaciation chez les enfants de 0-59 mois

passait de 13% en 1993 à 19% en 2003, dépassant le seuil critique de 15% de l’OMS

caractérisant une situation d’endémie très sévère. Bien que la prévalence de l’émaciation

rapportée en 2003 ne soit pas comparable à celle de 1993 et 1998, pour des raisons de différences

méthodologiques, celle-ci atteignait 19,9% en milieu rural en 2003, dont 5,4% de formes sévères.

L’émaciation touchait principalement les enfants de 6-23 mois, avec une prévalence trois fois

plus élevée que chez les 36-59 mois »

« La malnutrition est un problème structurel au Burkina Faso. Avec un taux de mortalité infantile

de 81 et de mortalité des moins de 5 ans de 184 pour 1000 naissances vivantes6)

, le Burkina Faso

fait partie des pays dont le bien-être des enfants est sérieusement mis en péril. En année

‘normale’, plus de 110,000 enfants de moins de 5 ans meurent de maladies curables et de

malnutrition, y compris de déficiences en micronutriments. Presque deux enfants sur cinq

n’atteindront pas l’age de 5 ans. Les taux de mortalité n’ont pas baisse depuis plus de 10 ans.

Tout choc en terme d’épidémies ou d ‘insécurité alimentaire des ménages causes par des

sécheresses, attaques d’insectes, etc. aggraveraient sérieusement cette situation. La malnutrition

est une cause sous-jacente pour plus de la moitie des décès de ce groupe d’age ».7

3. CONTEXTE GENERAL D’ELABORATION DES POLITIQUES

NUTRITIONNELLES AU BURKINA FASO

Tout le monde s’accorde à reconnaître que la nutrition est un facteur important de santé publique.

Il y a aussi une unanimité concernant le lien existant entre nutrition et alimentation d’une part, et

entre nutrition et sécurité alimentaire d’autre part. Il ressort de la revue de littérature que les

comportements en matière d’hygiène et d’assainissement et les pratiques nutritionnelles sont

influencées par les valeurs socio-culturelles des communautés. Dans ce conditions, les

perceptions de la nutrition sont variables au niveau des techniciens et des profanes.

5 Mission conjointe gouvernement, PAM, UNICEF, FAO, 2006

6 EDS, 2003

7 Mission Conjointe (Gouvernement/PAM/Unicef/FAO), Septembre 2006.

Page 24: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

De quoi parle-on au Burkina quand il est question de la malnutrition ? Est-ce que tout le monde

parle de la même chose ? Y a-t-il une vision consensuelle sur la nature du problème ou plusieurs

visions ? Comment les différentes visions se sont imposées au cours de l’histoire et quel impact

cela a pu avoir sur le contenu et la trajectoire des politiques ainsi que sur les interventions visant

à lutter contre la malnutrition?

3.1. Diversité des perceptions de la nutrition au Burkina Faso

Depuis les années 1960, les perceptions techniques de la nutrition au Burkina semblent avoir été

très marquées par les clivages disciplinaires et sectoriels dans les secteurs de la santé, de

l’agriculture et de l’éducation. La vision politique de la nutrition découlant de ces divergences

conceptuelles est un élément important à considérer dans le cadre d’une initiative de

reconstitution de la trajectoire historique.

3.1.1. Perceptions de la nutrition au niveau du secteur de la santé

Au Burkina Faso, la malnutrition a souvent été considérée comme étant un problème de santé.

Dans le cadre de leur formation, tous les professionnels de santé acquièrent des notions de base

sur la malnutrition et comment assurer la prise en charge des enfants et des femmes affectées qui

se présentent dans les formations sanitaires. A l’issue de la grande sécheresse de 1973, les

professionnels de la santé (sage-femmes, médécins, infirmiers) ont initié des activités de

formation et de prise en charge des cas sévères de malnutrition recensés dans le pays. En

l’absence de compétences et de ressources humaines suffisantes au sein du Ministère pour leur

donner une formation approfondie en nutrition, ils ont développé au fil des années une vision

purement médicalisée des problèmes de malnutrition. Elle se focalise sur le volet curatif de la

prise en en charge des malnutris.

Malgré la création d’une Cellule Nutrition à partir de 1975 au sein du Ministère de la santé, la

vision médicale restrictive subsiste encore aujourd’hui et influence les décisions politiques

concernant la nutrition. C’est ce que confirme l’extrait suivant tiré d’une étude mandatée par la

Banque Mondiale (1982) et qui portait sur la revue du secteur santé et nutrition au Haute-Volta.

On y lit que : « La Cellule de nutrition du Ministère de la santé s’occupe davantage des aspects

médicaux de la nutrition, et notamment de la supervision des centres de récupération

nutritionnelle, de la coordination des services de protection maternelle et infantile et du

lancement sur le terrain d’études de portée limitée ». Dans l’orientation politique du Ministère de

la santé, une importance est accordée à l’amélioration de l’éducation nutritionnelle dispensée

dans les centres de protection maternelle et infantile. Mais ce volet reste très marginal dans le

paquet de soin car le contenu de la formation en nutrition des professionnels de santé aux

différents niveaux est insuffisant et ces derniers pour plusieurs d’entre eux la nutrition est une

activité secondaire.

En plus de l’accent mis sur le volet curatif, on a assisté au fil du temps (de 1990 à 2000) à un

ciblage préférentiel des carences en micronutriments dans les actions proposées pour lutter contre

la malnutrition. La malnutrition de type protéino-énergétique qui était couverte dans les activités

de récupération des malnutris sèvères a été abandonnée progressivement. L’explication d’un tel

ciblage tient à la fois à des raisons techniques et économiques mais personne n’est arrivé a

expliquer pourquoi les centres de réhabilitation nutritionnelle (CREN) des enfants ont été

progressivement abandonnés par les agents de la santé. D’aucuns pensent que cela s’est produit

Page 25: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

quand il n’y avait plus de financement pour les CREN. Pour d’autres, les agents de santé ont

préféré la distribution des micronutiments plutot que de traiter la malnutrition protéino-

énergétique qui demande plus de temps, de patience et de moyens (vivres et ressources

financières).

Paradoxalement, les nutritionnistes qui sont au niveau du Ministère ne partagent pas la vision

dominante de la nutrition qui est proné par leur institution. C’est à la fin des années 1970 que des

nutritionnistes ont été recrutés au sein de ce Ministère. Comme se souvient un des pionniers « à

l’époque, la vision que les gens avaient de la nutrition n’était pas correcte. On assimilait cela à

faire la cuisine. Les gens ne savaient pas ce que c’était ». Les spécialistes en nutrition remettent

en cause la perception restrictive (médicalisée) qu’ils considèrent ne pas englober toutes les

dimensions et la complexité de la question. A leur avis, la nutrition est un concept transversal qui

dépasse les délimitations d’un seul champ disciplinaire. La nutrition n’est pas un problème

exclusif de la santé mais plutot un phénomène transectoriel qui concerne une multitude de

secteurs (santé, éducation, agriculture, élevage, action sociale, eau/assainissement, promotion de

la femme, environnement et cadre de vie, commerce, communication, etc). L’adoption de cette

vision holistique de la problématique de la malnutrition n’a pas à coup sûr les mêmes

implications politiques, économiques et sociales comparée à une approche réductive et

sectorielle. Qu’en-est-il de la vision pronée dans le secteur agricole ? Est-ce qu’elle épouse la

vision holistique des spécialistes de la nutrition ?

3.1.2. Perceptions de la nutrition au niveau du secteur agricole

Les premiers nutritionnistes qui sont retournés au pays au début des années 1970 ont été intégrés

au Ministère de l’agriculture. C’est donc tout à fait logiquement que ce Ministère a assumé le

leadership sur le sujet et entrepris les premières activités nutritionnelles dans le pays. La première

cellule de nutrition a été créée au sein de ce ministère qui a des attributions spécifiques en matière

de production alimentaire. A en croire l’avis qui suit, la perception de la nutrition qui prévaut

dans ce ministère est imposée aux nutritionnistes et ces derniers semblent contraints à observer

une attitude réservée vis-à-vis de la question.

« La nutrition pour nous c’est produire suffisamment et de façon diversifiée pour couvrir

les besoins nutritionnels (glucides, vitamines, protéines, nutriments) des produits. Nous ne

pouvons pas aller au-delà de cette définition compte tenu du fait qu’on nous a retiré le

volet nutritionnel. Nous sensibilisons donc les populations à diversifier leurs productions.

Mais, nous continuons à former les gens en nutrition même si ce n’est plus dans nos

prérogatives. (extrait d’entretien)

La principale tâche du Ministère du développement rural est de promouvoir l’intégration des

objectifs nutritionnels dans la planification agricole. Cette vision « quantitative » et

« alimentaire » de la nutrition reste encore dominante aujourd’hui et retient l’attention des

décideurs politiques en raison de la prédominance de l’agriculture de subsistance dans le pays. La

Cellule nutrition du Ministère de l’agriculture s’occupe de l’évaluation de l’état nutritionnel des

populations et des disponibilités alimentaires. Elle procède à des estimations de la quantité des

céréales disponibles et encourage l’augmentation de la production des oléagineux (acides gras) et

du niébé (riche en protéine).

Page 26: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Une troisième vision peut être attribuée au secteur de l’éducation. Elle combine une vision

alimentaire et médicalisée de la nutrition à cause de la spécificité du groupe ciblé visé pour les

activités qui se compose des enfants de 3 à 12 ans ou plus.

3.1.3. Perception de la nutrition dans le secteur de l’éducation

Du fait de la spécificité de son public cible composé des enfants des écoles primaires et

secondaires, le ministère de l’éducation a une perception de la nutrition qui est à cheval entre

celles des deux premiers ministères mentionnés. Depuis les années 1960 à nos jours, la

distribution des vivres dans les écoles constitue une activité d’apppoint importante visant à

améliorer la qualité de l’éducation. Dans ce secteur, la nutrition consiste à apporter des rations

alimentaires aux élèves pour les amener à bien suivre les cours. Les distributions de rations .

alimentaires et de vivres n’ont pas pour finalité explicite la lutte contre la malnutrition. Elle

visent plutot l’augmentation de la qualité de l’éducation.

C’est ainsi que depuis plusieurs décennies, les écoles primaires et les collèges sont dotées de

cantines scolaires. Pour le fonctionnement des cantines scolaires, les écoles et les collèges

bénéficient des apports en vivres du Secours Catholique Américain (CRS) , du Programme

Alimentaire Mondiale et de l’Etat.

Ces deux dernières decennies, notamment dans le cadre du PDDEB, l’approche se focalise aussi

sur un volet santé scolaire qui consiste à donner de la vitamine A et d’autres micronutriments aux

élèves malnutris. Le secteur de l’éducation combine ainsi une vision alimentaire et médicalisée

de la nutrition avec cependant une plus grande importance accordée à la question de

l’alimentation. Cependant, ces approches techniques de la nutrition coexistent à côté d’une vision

endogène de la nutrition qui est celle des populations. En général, les approches techniques sont

promues pour combattre les perceptions endogènes considérées comme étant inappropiées.

3.1.4. Perceptions de la nutrition par les populations

Dans chaque société, la nutrition est soumise aux normes, valeurs et croyances en vigueur. La

malnutrition et la nutrition sont donc socialement construites et font l’objet des représentations

socio-culturelles. L’exemple le plus souvent évoqué concerne les tabous alimentaires au

détriment des femmes enceintes et des jeunes enfants. C’est en tout cas ce qui ressort des deux

extraits suivants tirés de nos entretiens.

« Dans certaines localités, ce qui est nutritif est considéré comme tabou alimentaire pour

les enfants. Il faut travailler à changer les perceptions. Les enfants ne peuvent pas se

plaindre. De 2 à 5 ans, on se fiche pas mal des enfants. Ils ramassent tout ce qu’il trouve

pour manger, y compris la terre. On dit de le laisser que cela ne va pas le tuer»

« Les parents ont des devoirs concernant l’alimentation des enfants. En voulant les

sensibiliser sur la mauvaise qualité de certains aliments et le manque d’hygiène, ils disent

que c’est ce qu’eux aussi ont mangé pour devenir ce qu’ils sont ». (extrait d’entretien)…

Tout en prônant un certain conservatisme dans les pratiques nutritionnelles, les populations ne

sont moins conscientes des changements qui s’opèrent. Avec la modernisation, elles adoptent de

nouveaux comportements au niveau nutritionnel qu’elles pensent meilleures. Mais c’est souvent

Page 27: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

en ignorant les conséquences négatives que les nouveaux modes de consommation ont sur leur

santé.

« Les populations ne savent pas que c’est un problème, parce qu’ils pensent qu’avant

c’était pire»

Pourtant, on a coutume de penser que les mentalités ne changent pas et qu’elles constituent un

frein à l’amélioration de la situation nutritionnelle. On s’apercoit ainsi qu’il y a une dynamique

des perceptions populaires qui s’explique par les modes de consommation liées à l’urbanisation

et à l’ouverture des marchés locaux aux produits importés. Tout en essayant d’oeuvrer contre les

effets néfastes des tabous et des interdits alimentaires, les approches techniques tendant à prendre

à compte la dualité des comportements alimentaires qui favorise l’émergence de nouveaux

problèmes de santé pour les jeunes, les adultes et les vieux. Pour preuve, la Direction de la lutte

contre la maladie (DLM/ Ministère de la santé) a maintenant en son sein un service des maladies

non transmissibles qui travaille sur les maladies émergentes ayant une incidence sur la santé

publique.

En résumé, on distingue actuellement quatre perceptions distinctes et concomitantes de la

nutrition au Burkina Faso. Il y a d’une part les deux perceptions dominantes des secteurs de la

santé et de l’agriculture qui coexistent depuis les indépendances et qui influencent les décideurs

politiques. A côté de ces deux visions extrêmes, les autres ministères concernés ont des positions

intermédiaires pouvant tendre vers l’une ou l’autre des visions présentées. La quatrième vision

importante qu’on oulie souvent est celle des populations elles-mêmes. Ces différentes visions

n’ont pas encore été intégrées et harmonisées pour donner une vision consensuelle et unique de la

problématique de la nutrition dans le pays.

Ceci constitue un problème fondamental dans la mesure où, les divergences de perceptions du

problème se repercutent au niveau des approches et des stratégies préconisées et utilisées pour

lutter contre la malnutrition dans le pays, parmi lesquelles figurent ce qui suit :

- Approche globale de tous les groupes sociaux ou des femmes et des enfants seulement

- Approche curative et médicalisée ou préventive et communautaire

- Interventions conjoncturelles de courte durée ou structurelles de longue durée

- Approches communautaires/endogènes ou technicistes

- Tranche d’age des enfants à considérer (0-5 ans, 0-2 ans, 6 mois-5 ans, 2-5 ans, 5-12

ans, 0-16 ans)

- Types de malnutrition considérés (insuffisance alimentaire, mauvaise qualité des

aliments, surconsommation, maladies infectieuses (obésité, diabète, hypertension)

- Surveillance nutritionnelle ou dépistage ponctuel des cas

- Types d’alimentation proposés pour la récupération des malnutris (nourritures

importées ou locales)

- Utilisation de Centre de récupération des enfants malnutris ou de méthodes

ambulatoires de prise en charge.

- Approche genre des problèmes nutritionnels ou approche spécifique aux femmes.

Voici autant de questions pertinentes qui doivent être tranchées au niveau d’un pays pour mieux

organiser la lutte contre la malnutrition. Cela n’est pas encore fait au Burkina Faso et rend

difficile une étude visant à dégager une histoire cohérente et unifiée des politiques nutritionnelles.

Page 28: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Et comme rien ne permet de considérer cette diversité de perceptions et des politiques et

programmes comme étant en elle-même le résultat d’un choix intentionnel des autorités

politiques, il faut donc se garder de simplifier les choses à des fins de comparaison théorique. La

réalité actuelle est que la diversité des perceptions en cours au niveau des ministères techniques

donne lieu à une diversité de politiques et programmes. Le constant suivant fait par la Banque

Mondiale, en 1982, soutient cet argument:

« Il est difficile en Haute-Volta de procéder à une planification nutritionnelle efficace du

fait que les programmes et politiques en la matière sont élaborés séparement dans

plusieurs ministères et au sein de diverses organisations non gouvernementales ».

Ce constat nous oblige à ne pas parler d’une histoire de la nutrition mais plutôt à dresser trois

histoires concomitantes décrivant la trajectoire de la nutrition dans les trois secteurs prioritaires

de développement national que sont la santé, l’agriculture et l’éducation. L’environnement

politique global dans lequel les politiques nutritionnelles sectorielles sont développées est

présenté dans le point suivant pour mieux situer le contexte.

3.2. Caractéristiques du contexte politique

Les informations que nous avons pu recueillir dans le cadre de cette étude ne nous permettent pas

de donner une description exhaustive et rétrospective du contexte politique dans lequel les

politiques nutritionnelles ont été développées des indépendances à nos jours. Cela s’explique

d’une part, par l’absence pendant longtemps de politiques globales de développement, et d’autre

part, par l’utilisation de l’approche projet comme modalité de présentation des initiatives de

développement. Mêmes les plans quinquennaux de développement qui ont été élaborés pendant la

période révolutionnaire ne donnent pas des informations précises sur ces questions.

C’est depuis la fin des années 1990 que le gouvernement a adopté une Lettre de politique de

développement de développement humain durable (LPDHD). Sur la base de cette Lettre, un

Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) a été élaboré. En adoptant le CSLP, le

Burkina Faso s’est doté pour la première fois d’une politique globale de développement qui

intègre les préoccupations et les priorités des différents secteurs et domaines de développement

national. L’adoption concomitante de l’approche-programme constitue une innovation importante

permettant de suivre désormais la pertinence et la cohérence des initiatives de développement au

niveau intra et intersectoriel. L’analyse du contenu du CSLP et de ses Plans d’action prioritaires

(2004-2006, 2005-2007, 2006-2008, 2007-2009) donne un aperçu de l’importance accordée à la

nutrition au cours de la dernière décennie. Cette analyse de la place de la nutrition dans l’agenda

politique est proposée dans les lignes qui suivent. Elle prend en compte l’importance accordée à

la nutrition par les techniciens, la question de l’arbitrage des ressources financières entre les

priorités sociales en compétition et l’attention accordée aux malnutris par les leaders politiques.

3.2.1. Prise en compte de la nutrition dans le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté

(CSLP)

Depuis 1999, le Burkina s’est doté d’un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) en

s’appuyant sur la Lettre de Politique de Développement Humain Durable (LPDHD). La

malnutrition figure parmi les problèmes de développement identifiés dans le cadre du diagnostic

de la pauvreté. Les données chiffrées mentionnées dans le CSLP (2000-2003) sont celles de

l’EDS 1993. Au niveau de la réponse politique, la santé infantile occupe une place prépondérante

Page 29: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

à travers des programmes suivants : Nutrition, Paludisme, le Programme Elargie de Vaccination

(PEV), la Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME) et la PTME.

Le CSLP a été révisé en 2003 et conserve son orientation générale en faveur du développement

humain durable et de la santé maternelle et infantile en particulier. A la lecture des documents de

politique, des plans d’action triennaux et des rapports de mise en œuvre de ces plans, on

s’aperçoit qu’il manque des données chiffrées sur le phénomène de la malnutrition. Les taux de

prévalence de la malnutrition (légère, modérée et sévère) ne figure pas de façon explicite dans le

CSLP parmi les indicateurs de réduction de la pauvreté ou de développement. Leur évolution

dans le temps n’est pas documentée.

Au niveau de la planification de la mise en œuvre du CSLP, on constate une variation de la prise

en compte de la nutrition dans les différents documents. Il arrive que la nutrition figure parmi les

priorités de programmation sans qu’il n’y ait des activités suffisantes et une allocation de

ressources financières conséquentes dans le Plan d’investissement prioritaire (PIP) triennal pour

leur mise en œuvre d’activités y relatives.

Dans le plan d’action 2004-2006 du CSLP, on dénote une option claire et précise du

gouvernement pour des actions dans le domaine de la lutte contre la malnutrition. Les actions

prévues dans le CSLP pour la période indiquée sont les suivantes :

la lutte contre les carences en micro-nutriments : soutien à l’offre de soins intégrés de

santé et de nutrition, promotion de l’enrichissement des aliments en vitamine A et fer ;

la réduction de la déficience énergétique : promotion de bonnes pratiques de sevrage et de

l’alimentation de complément, renforcement de la capacité de production d’aliments de

complément de qualité (sevrage) au niveau du ménage, établissement d’un mécanisme de

contrôle de qualité des aliments infantiles, amélioration de la prise en charge sanitaire

(accessibilité et qualité), supplémentation des femmes enceintes en fer, supplémentation

des femmes nouvellement accouchées en vitamine A ;

la promotion des régimes alimentaires et modes de vie sains : campagnes d’IEC pour des

changements de comportement.

Pour concrétiser ces choix, il est prévu dans la planification (point 2.3.6.) de renforcer les

programmes de nutrition dans le cadre de la mise en œuvre du Programme national de

Développement Sanitaire. Dans le PIP couvrant la période indiquée, deux activités correspondant

à des projets en cours ont été mentionnées : le Projet d’assistance aux groupes vulnérables et le

Projet Spiruline Nayalgué. L’insuffisance pondérale est le seul indicateur de suivi retenu dans le

document, ce qui n’est pas suffisant pour rendre compte de l’évolution de la situation

nutritionnelle.

Pour les périodes 2005-2007 et 2006-2008, les mêmes orientations que celles de 2004-2006 sont

proposées en ce qui concerne la nutrition sans aucun bilan indiquant les résultats atteints au cours

de la période antérieure et les justifications éventuelles de la reconduite des mêmes orientations.

De même, le deux activités phares qui sont mentionnées avec des allocations budgétaires sont : le

Projet d’assistance aux groupes vulnérables et le Projet Spiruline Nayalgué.

Dans le Plan d’action 2006-2008, il est également question de l’élaboration et la mise en œuvre

de la politique nationale de nutrition avec un budget de 643 millions/an, prévu pour la période

Page 30: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

couverte. Mais, avant que cette politique ne soit finalisée et adoptée, on constate que lors de la

planification du CSLP pour 2007-2009, aucune orientation spécifique concernant la nutrition n’a

été proposée alors que le titre du programme demeure « Accès aux services de santé et de

nutrition –VIH/Sida ». Dans la planification, on retrouve les mêmes activités que lors des années

précédentes. A cela s’ajoute le Programme de Prise en Charge Intégrée de la Maladie de la Mère

et de l’Enfant (PCIME) qui propose aussi des activités nutritionnelles dont un manuel du

prestataire de santé intitulé « Conseiller la mère ». Quelle analyse peut-on faire de la place de la

nutrition dans l’agenda politique national ? Pour répondre à cette question, nous examinons

d’abord le financement consenti pour les activités nutritionnelles.

3.2.2. Analyse de l’environnement politique

3.2.2.1. Le financement de la nutrition

La nutrition est une thématique transversale et plusieurs secteurs et projets ont des volets

nutrition (éducation, santé, agriculture, action sociale, eau/assainissement, etc.). Mais à cause de

sa transversalité, il faut d’abord faire le point des financements alloués à tous les secteurs,

programmes et projets avant de pouvoir se faire une idée sur le niveau approximatif des

allocations financières. Malheureusement, ceux-ci sont dispersés et certains ne sont pas

mentionnés dans les documents de suivi du CSLP auxquels nous avons pu avoir accès. On voit

par exemple des données financières éparses et irrégulières sur la sécurité alimentaire, les

cantines scolaires, les micronutriments, l’éducation nutritionnelle, etc. Néanmoins quelques

activités de nutrition ont été budgétisées dans le plan d’action 2006-2008 du CSLP. Il est prévu

une allocation budgétaire de 1 545 673 USD/an pour la nutrition pendant la période visée. Ce

budget est destiné à financer l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de

nutrition. Dans le cadre de la Programme de prise en charge intégrée de la Mère et de l’enfant

(PCIME) des activités concernant la nutrition sont menées. Un budget prévisionnel de 9 648 076

USD/an est planifié pour les trois années.

Ces chiffres concernent cependant les prévisions et non les montants décaissés dans la réalité. En

effet, en essayant de confronter les différentes sources d’informations financières (Plan

d’investissement prioritaire (PIP) du CSLP, Loi de finance, rapports financiers des projets) on

s’aperçoit qu’il n’y a pas de concordance entre les chiffres. Par exemple, pour le projet

Assistance aux groupes vulnérables financé par le PAM, les chiffres suivants sont mentionnés

dans le plan d’action du CSLP : 1,282 milliards FCFA (en 2005) ; 1, 154 milliard FCFA (en

2006) et 1,341 milliards FCFA (en 2007). Les données obtenues auprès du projet sont toutes

autres. Grâce à un projet d’appoint dénommé « Projet d’intervention Prolongée de Secours et de

Redressement » (IPSR, 2007-2008) d’un budget de 9 902 056 000 FCFA, le projet dispose

désormais de plus de ressources que prévu. Pour 2006, le budget est de 1 297 177 000 alors que

celui de 2007 atteint le montant de 4 717 884 000 (y inclus IPSR). Depuis 2006, le budget de

l’Etat comporte une proportion de plus en plus grande d’allocations financières destinées aux

cantines scolaires et à l’achat de micronutriments.

Par ailleurs, il y a un problème de prévisibilité des ressources consacrées à la nutrition car les

financements proviennent essentiellement des agences du Système des Nations Unies (PAM,

UNICEF, OMS, FAO, FIDA) qui demandent aussi de donateurs réguliers ou occasionnels. En

général, les informations financières concernant les anciens projets sont inaccessibles par manque

d’archives ou de mémoire institutionnelle du fait de la mobilité du personnel. Il y a aussi chez

Page 31: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

beaucoup d’acteurs un réflexe de dissimilation de l’information financière qui ne permet pas

d’obtenir les données sur les différents projets mis en œuvre des années 1980 à nos jours. Dans

l’ensemble, les ressources financières destinées à la nutrition fluctuent selon les opportunités de

mobilisation des ressources des principaux bailleurs de fonds et des efforts consentis par l’Etat.

Jusque-là, les augmentations de flux et de volume des financements coïncident avec les périodes

de crise. En l’absence de données plus consistantes sur la question, nous nous contentons de faire

une appréciation des données parcellaires obtenues.

3.2.2.2. Analyse de l’importance accordée à la nutrition dans les dépenses publiques

Avec un budget prévisionnel de 643 000 000 FCFA (1 545 673 USD)8 pour l’élaboration et la

mise en œuvre de la politique nationale de nutrition, il ne fait pas de doute que la nutrition n’est

pas encore une priorité. Un de nos interlocuteurs dit qu’il s’agit de « la politique la moins

considérée au sein du ministère de la santé ». Ainsi dit, il n’est nul besoin de comparer

l’allocation réservée à la nutrition avec celles d’autres dépenses sociales pour savoir que le

montant est dérisoire. Sans s’attendre au même niveau de financement que la santé et l’éducation

qui sont des secteurs sociaux phares, force est de reconnaître que le montant annoncé est très

insuffisant pour entreprendre des actions d’envergure nationale pendant des mois.

D’emblée, on peut dire que l’arbitrage pour le financement de la nutrition n’est pas fait par

rapport aux grandes priorités nationales de développement social, mais plutôt au regard des

priorités internes du secteur de la santé. Le montant de l’allocation proposée n’a aucune

commune mesure par rapport aux allocations destinées à des thématiques comme le paludisme, la

transmission mère-enfant du VIH, la santé maternelle et infantile. Le fait que la Direction de la

nutrition soit au sein de ce ministère apparaît alors comme un handicap. L’on réduit la portée de

la politique à la vision médicalisée qui y est défendue et les allocations financières dépendent du

niveau de financement global du secteur qui reste insuffisant par rapport aux besoins existants.

Les besoins de financement pour les activités nutritionnelles dans les autres secteurs

n’apparaissent pas non plus dans la planification budgétaire proposée par le Ministère de la santé.

L’inconvénient d’une telle approche sectorielle de la nutrition est qu’on ignore quels sont les

montants alloués dans les autres secteurs pour les prendre en considération. En l’absence d’une

planification intégrée des activités nutritionnelles des différents secteurs et en raison du

cloisonnement qui existe entre eux, il est difficile de fournir des chiffres globaux reflétant le

niveau réel des investissements faits dans le domaine.

Au demeurant, on peut dire que dans le cadre de la planification budgétaire sectorielle proposée

par le Ministère de la santé, le montant annoncé est insignifiant au regard d’une part de la gravité

de la situation nutritionnelle qui prévaut actuellement, et d’autre part en se référant aux montants

dépensés annuellement pour l’acquisition des micronutriments, les formations, le suivi-contrôle

des activités, etc. Comment peut-on alors expliquer les projections financières qui sont faites au

sein de ce ministère en concernant le volet nutritionnel ? La hiérarchie des priorités sectorielles et

les critères de classification sont à considérer pour comprendre la situation. Cela dépend des

arbitrages internes qui se font au niveau du ministère avant l’inscription des dépenses dans le

CDMT sectoriel et de l’importance politique accordée à l’interne à chaque thématique. L’autre

raison évidente réside dans la faible capacité de la Direction de la nutrition pour faire une

proposition d’activités et de budget qui reflète la situation globale des besoins au niveau national

8 Taux de change de : 1USD= 416 FCA

Page 32: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

et dans tous les secteurs concernés. Le processus de planification budgétaire au niveau sectoriel et

global implique aussi des planificateurs et des macro-économistes qui ne sont pas des spécialistes

de la nutrition. Quelle est l’opinion de ces décideurs concernant l’intégration de la nutrition dans

les politiques et programmes de développement ?

3.2.2.3. La vision des planificateurs sur la nutrition

Au Burkina Faso, les Directeurs des études et de la Planification (DEP) et les Directeurs

administratifs et financiers (DAAF) ont un rôle important dans le choix des orientations

prioritaires des départements ministériels. Mais c’est surtout les techniciens du Ministère de

l’économie et des finances qui influencent le plus les plans de développement des ministères à

cause de leur rôle prépondérant dans l’arbitrage des dépenses publiques. Le Directeur Général de

l’Economie et de la Planification (DGEP/Ministère de l’économie et des finances) joue un rôle

très important dans l’approbation des budgets sectoriels et la production des documents

d’orientation générale des politiques nationales de développement. Nous l’avons interrogé sur

l’importance de la nutrition au niveau du pays et voici un extrait de sa réponse:

« Le volet nutrition est suffisamment développé dans le Cadre stratégique de lutte contre

la pauvreté. On considère la nutrition comme un volet important de la lutte contre la

pauvreté. Elle contribue à la réduction de la mortalité infantile et va permettre l’atteinte de

l’OMD relatif à la mortalité maternelle et infantile ».

Cependant, il reconnaît qu’avant, il y avait peu de ressources consacrées à la nutrition et

considère que maintenant, l’Etat commence à donner un peu plus de ressources. Parmi les autres

leviers importants à actionner pour soutenir la croissance économique, le DGEP mentionne

l’amélioration du capital humain par l’éducation, la santé et la nutrition. Sur l’état actuel de la

réponse politique au problème de malnutrition, son avis est que la nutrition est intégrée dans un

paquet de services offerts, mais qu’elle n’est pas aussi développée par rapport à d’autres services.

Il suggère de mieux cibler le résultat qu’on veut atteindre dans le cadre du CSLP. Le DGEP est

d’avis qu’il faut mettre l’accent sur les cibles des OMD, mais il déplore le manque de données

pour renseigner la situation de la malnutrition dans le pays.

Pour sa part, le Directeur des études et de la planification du Ministère de la santé pense que la

nutrition est prise en compte dans le Plan national de développement sanitaire, mais pas

suffisamment. Pour lui, la principale difficulté concerne les critères de détermination des priorités

pour l’allocation des ressources. Il juge insuffisant le financement de la nutrition par l’état tout en

indiquant que des thématiques comme la lèpre et la tuberculose sont également sous-financés.

Selon le DEP, il s’agirait donc d’un problème structurel touchant plusieurs domaines d’intérêt et

non une situation spécifique à la nutrition. Tout en reconnaissant la pertinence de ce propos, force

est de constater les écarts très importants qui existent quand on compare le financement actuel

d’une question comme le VIH/Sida avec celui de la nutrition. Cette comparaison n’est pas

superflue quant il s’agit d’analyser l’influence de la volonté et de l’engagement politique sur le

choix des priorités de développement.

Sur cette question, le DGEP pense qu’il faut situer la nutrition au cœur du développement car elle

constitue un facteur de développement. Cependant, pour lui, la nutrition est plus un problème de

santé publique que de développement parce qu’elle handicap moins que le Sida. Il avoue avoir un

problème avec la conception actuelle de la malnutrition présentée comme étant une conséquence

Page 33: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

de la pauvreté. La pauvreté dit-il, n’est pas un cercle vicieux ou une fatalité. A son avis, « même

en situation de pauvreté, on peut lutter contre la malnutrition. Il faut utiliser l’approche

communautaire ».

Un répondant conseille de ne pas se faire d’illusion. A son avis, on ne va jamais arriver à un

momentum international pour le financement massif et durable de la nutrition, similaire à celui du

VIH. Ce qui se passe actuellement dans la lutte contre le VIH/SIDA est, selon lui, un fait unique

dans l’histoire moderne qui ne se répétera plus jamais pour aucune autre thématique.

Ce point de vue peut porter à discussion dans la mesure où le problème de fonds quand on aborde

ces deux questions concerne le nombre de victimes et les conséquences éventuelles sur le

développement. Aussi bien le VIH/Sida que la malnutrition a des conséquences graves sur le

développement national à cause de leur impact sur le capital humain. La seule différence est que

la malnutrition ne touche pas toutes les catégories sociales de la même manière et avec les mêmes

incidences. L’attention accordée aux personnes séropositives et aux malnutries constitue un point

clé dans la différence de prise en compte politique de la nutrition.

3.2.2.4. L’attention accordée aux personnes malnutries

La malnutrition touche des enfants de bas âge qui sont dissimilés dans les familles et donc

invisibles. Elle touche aussi les femmes qui constituent un groupe vulnérable et sans voix. Il y a

une indifférence que les répondants expliquent par le fait d’être dans la zone sahélienne. Pour

avoir intériorisé ce cliché, autant la population que les décideurs politiques en sont venus à

considérer l’existence de malnutris comme étant normale. L’image de l’enfant malnutri sévère a

fini par devenir tout simplement celle du Sahel tout entier. Il n’y a que les médias internationaux

qui raffolent de ces images chocs des enfants malnutris sévères et qui les diffusent en boucle et

sans respect d’aucun principe éthique et de droits humains. Certaines ONG internationales se sont

spécialisées dans l’utilisation de ces images pour sensibiliser l’opinion européenne et mobiliser

des ressources financières. C’est le cas particulièrement de Vision Mondiale qui a été critiquée il

y a quelques années pour cette pratique.

Au Burkina Faso, les médias locaux ne font que relayer les images provenant de l’Occident pour

rendre compte d’une réalité qu’ils côtoient eux-mêmes au quotidien sans y prêter attention. Ce

qui leur parait banal d’ordinaire prend un intérêt dans un reportage avec des gros plans d’enfants

émaciés et mourants, couverts de mouches ou accrochés aux seins de leurs mères. Ces images

sont servies avec des commentaires alarmistes et stéréotypés. En dehors des gens qui ont accès

aux médias, la majorité restent insensibles à ces images du quotidien qu’elles jugent normales ou

tout simplement dérangeantes. En tentant une comparaison avec le VIH/Sida, un de nos

interlocuteurs dit ce qui suit :

« Le VIH/Sida est un problème de développement. Tout le monde est concerné. Ce n’est

pas seulement un problème des pays pauvres. Le SIDA n’est pas seulement une maladie

de pauvres mais aussi des riches, sans distinction d’âge ou de sexe ou de milieu de

résidence.

Par contre, la haute classe ne sent pas concernée par les problèmes de nutrition. La

malnutrition touche des enfants de bas âge qui vivent en général en milieu rural. Ces

Page 34: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

victimes sont invisibles et sont cachés. Elles ne protestent pas et ne peuvent pas faire de

pression sur les hommes politiques » (extrait entretien au SP/CLNS). De ce qui précède, nous tirons la conclusion partielle que la nutrition n’occupe pas une place

importante dans l’agenda politique au Burkina Faso et ne constitue pas une priorité à part entière

dans les politiques de développement. Ce problème n’est pas considéré comme étant un problème

de droits humains. La nutrition est juste perçue comme un facteur pouvant influencer la santé

publique ou expliquer la mortalité maternelle et infantile. Il y a un début de prise de conscience

sur l’importance de la nutrition dans le développement du capital humain. Mais, le rôle explicite

de la nutrition dans l’économie n’est pas connu de plusieurs décideurs ni valorisé comme tel dans

le discours politique sur le sujet.

Dans le point suivant nous proposons une description du niveau d’intégration de la nutrition au

niveau des secteurs prioritaires en exposant les actions menées par l’état et menées par les

partenaires (ONG et Partenaires techniques et financiers). Le but est de reconstituer la trajectoire

de la nutrition, d’examiner le processus et le degré d’institutionnalisation de la nutrition et enfin

d’apprécier l’impact des politiques et programmes sur la réduction de la malnutrition.

4. QUELLE EST LA TRAJECTOIRE DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES AU

BURKINA FASO ?

La Conférence internationale sur la nutrition (Rome, 1992) a défini neuf domaines communs

d'action afin de promouvoir et protéger le bien-être nutritionnel des populations:

amélioration de la sécurité alimentaire des ménages;

protection du consommateur par l'amélioration de la qualité et de l'innocuité des aliments;

prévention des carences spécifiques en micronutriments;

promotion de l'allaitement maternel;

promotion de régimes alimentaires et de modes de vie sains;

prévention et traitement des maladies infectieuses;

prise en charge des groupes défavorisés sur le plan économique et vulnérables sur le plan

nutritionnel;

évaluation, analyse et surveillance nutritionnelle;

Peut-on parler actuellement d’une intégration effective de la nutrition dans les politiques et

programmes de développement et la prise en compte des domaines d’action énoncés lors de la

Conférence dans un pays signataire comme le Burkina Faso ? Quels sont les facteurs clés de

l’environnement politique qui ont favorisé ou non l’institutionnalisation de la nutrition au sein

des ministères clés et dans les politiques globales ? Le Burkina a-t-il amorcé le processus

d’intégration de la nutrition dans ces politiques globales et sectorielles de développement ? Pour

répondre à ces questions, une revue du contenu des documents de politiques et projets est

proposée.

4.1. La prise en compte de la nutrition dans les politiques, projets et programmes sectoriels

Puisque de 1970 à 2002 il n’y a pas eu de politique globale sur la nutrition au Burkina Faso, la

revue proposée vise à reconstituer le puzzle des actions entreprises pour situer le niveau de prise

en compte de la nutrition dans les politiques sectorielles, les programmes thématiques et les

projets concus. Nous abordons en premier lieu, l’expérience du Ministère de la santé qui est la

Page 35: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

structure de tutelle officielle de la nutrition. Par la suite, les expériences des ministères de

l’agriculture et de l’éducation seront exposées. L’examen va aussi porter sur les interventions des

donateurs et des ONG et associations. Dans la citation qui suit un principe important est énoncé

concernant les objectifs des politiques nutritionnelles :

« Les objectifs généraux des politiques alimentaires et nutritionnelles devraient être

d'améliorer la quantité, la qualité et l'innocuité des aliments destinés à l'homme, avec le

souci d'assurer une alimentation adéquate à tous, et d'essayer de garantir santé et soins à

chacun.» FAO.

Dans l’extrait qui suit, tiré d’un document de la FAO, on trouve des indications concernant les

éléments à prendre en compte pour faire l’analyse de la prise en compte de la nutrition :

« Il était nécessaire de coordonner les programmes et les politiques de nutrition. Les

principales activités de nutrition sont presque toujours entreprises par des départements et

des ministères parce que la majorité des pays ont un système qui partage ainsi les

fonctions du gouvernement. Par conséquent, à moins de créer un ministère de la nutrition

et de l'alimentation, il est nécessaire d'avoir d'autres mécanismes pour promouvoir le bon

déroulement et la coordination des programmes et politiques alimentaires et

nutritionnelles. Il faut s'assurer que les politiques, au sein des différents ministères sont

compatibles, coordonnées et, si possible, harmonisées. La mise en œuvre des programmes

devrait toutefois rester sous la responsabilité des agences des ministères et des

départements existants ».

4.1.1. Intégration de la nutrition au sein du ministère de la santé

En tant que structure leader sur les questions nutritionnelles au Burkina Faso, il est fondé de se

demander comment la nutrition a été intégrée dans les activités du Ministère de la santé. Peut-on

parler d’un début d’intégration ou d’une institutionnalisation de la nutrition au niveau de ce

secteur ?

Au cours des entretiens, tout le monde s’accorde à reconnaître que la malnutrition a toujours été

un problème de santé publique au Burkina Faso. Les personnes interrogées se félicitent des

efforts faits par les autorités ministérielles au cours des décennies pour donner plus d’importance

à la nutrition. Elles citent en exemple, l’érection d’une Direction nationale de la nutrition et la

création du Conseil National de Concertation sur la Nutrition (CNCN, 2007). La prise en compte

de la nutrition dans les directives de planification des districts sanitaires figurent aussi parmi les

faits cités comme étant des preuves d’une volonté politique en faveur de la promotion de la

nutrition.

Comment la malnutrition est présentée dans les documents de politiques et projets et quelles en

sont les implications sur l’efficacité des actions sur le terrain ? Pour y répondre, nous procédons à

un examen chronologique des différents documents de programmation disponibles en

commençant par le programme de protection maternelle et infantile de 1958.

Page 36: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Programme de Protection Maternelle et Infantile (PMI, 1958)

Le tout premier programme de protection maternelle et infantile de la Haute Volta a été élaboré

en 1958. Comme son nom l’indique, il visait la protection des femmes et des enfants. Mais, des

difficultés multiples ont entravé son application sur le terrain, parmi lesquelles figurent:

- L’incompréhension de certains responsables médicaux qui ne conçoivent pas la SMI

comme une partie intégrante de leurs activités ;

- La médicalisation de la PMI qui a entraîné une valorisation plus grande du volet

curatif au détriment du préventif

- La relégation des activités éducatives au second plan

- Le manque de concertation entre les différents services intervenant dans le domaine

de la PMI .

Le programme PMI a été révisé en 1979 et a pris la dénomination de « Programme national de

santé maternelle et infantile/nutrition. Le concept de PMI est ainsi remplacé par celui de SMI, et

cela conformément à la résolution de la Conférence d’Alma-Ata9 sur les soins de santé primaire

organisé par l’ONU. La spécificité de cette nouvelle approche est mise en exergue dans le point

suivant.

Programme de Santé Maternelle et Infantile/Nutrition (1978)

En 1978, une concertation entre les différentes directions du Ministère de la santé et des secteurs

concernés par la santé de la mère et de l’enfant a permis l’élaboration d’un Programme national

de santé maternelle et infantile. Cette concertation a consisté à l’organisation d’un atelier de

réflexion sur le bilan de la mise en œuvre du programme PMI et l’exposé de l’approche SMI à

l’attention des participants. Après avoir fait le constat général du caractère restrictif de l’approche

Protection Maternelle et Infantile, le Ministère de la santé a opté pour l’approche Santé

Maternelle et Infantile qui se veut plus englobante et à même de couvrir l’aspect physique,

mentale, social de la protection et la participation populaire.

Il consiste à cerner les problèmes de l’individu dans un cadre élargi aux dimensions familiale,

communautaire et individuelle pour responsabiliser les différents groupes dans la prise en charge

de leurs problèmes de santé. La SMI cible exactement les mêmes groupes sociaux que la nutrition

que sont : les femmes âge de procréer (15-49 ans) les femmes enceintes et allaitantes, les enfants

à risque (malnutris, prématurés, orphelins). La nutrition figure parmi les services qu’offre le

programme de SMI. Il s’agit donc d’une nouvelle approche d’intervention qui englobe la

nutrition et bien d’autres services dans une approche intégrée de livraison d’un paquet minimum

de services.

Cela a permis néanmoins la réalisation d’activités de surveillance nutritionnelle dans le cadre des

activités SMI (pesée, mesure de la taille et du périmètre brachial). La principale critique faite

concernant l’application de l’approche SMI porte sur la non maîtrise des activités de surveillance

nutritionnelle par le personnel soignant. Les pesées et les mesures sont faites, mais les données ne

sont pas collectées et centralisées en vue de leur traitement au niveau national. C’est ainsi que les

mesures faites dans les CREN au début des années 1980 n’ont pas été traitées et exploitées pour

donner un aperçu d’ensemble de la situation nutritionnelle de l’époque. De même, certains agents

9 Conférence internationale organisée par l’ONU sur la santé maternelle et infantile.

Page 37: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ne comprennent pas l’évolution des courbes de pesée pour expliquer aux parents la situation

exacte de l’enfant et les mesures à prendre au plan nutritionnel.

Une nouvelle révision du programme a eu lieu en 1985 suite à l’adoption de la planification

familiale comme composante du bien-être familial et son intégration dans les activités SMI.

Plusieurs difficultés ont empêché la mise en œuvre de ce programme. Parmi les insuffisances

identifiées, on peut citer les suivantes :

- Les objectifs de programmes sont mal formulés

- L’insuffisance de collaboration intra et intersectorielle

- L’absence d’objectifs spécifiques en SMI/PF et nutrition

- Le manque de stratégie spécifique en SMI/PF et nutrition

Depuis lors, la SMI et la PF sont deux activités intégrées dans le paquet de services destinés aux

mères dans les formations sanitaires. Mais, le suivi-évaluation de leur impact souffre encore de

nombreuses insuffisances. Les agents de santé (sage-femmes, infirmiers) ont tendance à

privilégier les activités dont ils ont la maîtrise technique au détriment de celles comme la

nutrition pour lesquelles leurs connaissances sont plus limitées.

On constate également une persistance de la mortalité maternelle et suite à de nouvelles

conventions internationales sur la question, le Burkina Faso a adopté des plans stratégiques en

faveur de la maternité à moindre risque.

Plan stratégique pour une maternité à moindre risque (MMR, 1994-1998, 1998-2000, 2004 -

2008)

Le Burkina Faso a adhéré à l’Initiative pour une maternité sans risque (adoptée à Nairobi 1987 et

Niamey 1989). Le Gouvernement a, depuis cette date, continuellement élaboré et mise en oeuvre

des politiques et programmes de réduction de la mortalité maternelle et infantile.

Depuis sa création en 1989, la Direction de la Santé de la Famille (DSF) a reçu pour mission la

conception, la planification, la coordination, le suivi et l’évaluation de la mise en oeuvre des

programmes de santé relatifs à la santé des femmes, des hommes, des enfants, des adolescents et

des jeunes. A ce titre, la DSF a élaboré trois plans stratégiques successifs pour la maternité à

moindre risque (MMR) couvrant les périodes de 1994-1998, 1998-2000 et 2004-2008. Ces

documents ont été conçus à l’intention de tous les acteurs de la Santé de la Reproduction (SR) et

de la lutte contre la Mortalité Maternelle et Néonatale (MMN) aux différents niveaux du système

de santé ainsi qu’aux partenaires et aux autres secteurs ministériels.

En examinant le contenu des différents plans stratégiques, on s’aperçoit qu’il n’est pas fait

mention de la nutrition. La malnutrition est citée une seule fois dans le document dans la liste des

facteurs de mortalité maternelle et infantile. Il n’y a pas d’activités qui soient proposées pour

lutter contre ce phénomène. En matière d’intégration de la nutrition, on constate un recul par

rapport aux programmes précédents, alors que le Centre National de la nutrition est toujours sous

la tutelle de la DSF. Cela pourrait s’expliquer par l’élaboration en cours pendant la période 1991-

1995 du premier plan national d’action sur la nutrition mais tout porte à croire que les

nutritionnistes n’ont pu influencer le contenu des différents programmes de leur structure de

tutelle qu’est la DSF. Il en est de même au niveau du système de santé en général quand on

Page 38: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

considère le contenu des programmes et projets sectoriels. Le premier exemple qui peut illustrer

ce constat est le projet de développement des services de santé (PDSS).

Projet de développement des services de santé (1994-1995)

Ce projet a été financé par la Banque Mondiale. Au départ, l’accord de financement portait sur

un projet de développement des services de santé. Un an après le démarrage des activités, la

Banque Mondiale a demandé une révision du projet pour intégrer une composante nutrition. Cela

était une condition pour l’octroi du financement restant. Tous les avis concordent sur le fait que

les responsables du Ministère de la santé ont dû se plier à cette exigence sous la pression de la

Banque Mondiale. L’introduction de la nutrition n’était pas une priorité de l’état mais est perçue

comme une imposition de la Banque Mondiale. Le Projet initial a changé de nom pour devenir le

Projet de développement de la santé et de Nutrition.

Projet de développement de la santé et nutrition (1995-2001)

Comme son nom l’indique, ce projet financé par la Banque Mondiale visait le développement

global des services de santé. Une composante nutrition, représentant 12% du budget total du

projet a été intégrée au projet. L’objectif visé à travers la composante nutrition est de promouvoir

la supplémentation en micronutriments à travers des programmes sélectionnés. La composante

avait été envisagée pour compléter les activités menées dans un projet antérieur financé par la

Banque Mondiale, à savoir le Programme de sécurité alimentaire et Nutrition exécuté par le

Ministère de l’agriculture. Les activités secondaires envisagées sont : la formation des agents,

l’éducation nutritionnelle par des messages IEC et la surveillance nutritionnelle.

A la fin du projet, la mise en oeuvre de cette composante a été jugée non satisfaisante en raison

de l’impact limité des activités sur les personnes affectées. Ce projet n’avait pas pris en compte

les problèmes de carences en micronutriments de manière satisfaisante tout au long de la durée de

sa mise en œuvre. Bien que certaines activités aient été menées (formation des responsables des

districts sanitaires et des agents de santé communautaires en gestion des micronutriment, la

distribution de vitamine A et de capsules d’iode, l’éducation nutritionnelle), les informations

disponibles ne permettent pas de situer quelle proportion de la population à risque a bénéficié des

prestations. Plus encore, la mission d’évaluation du projet indique qu’aucun progrès notable n’a

été fait par rapport au développement et à la mise en œuvre d’une stratégie à long terme sur la

fortification des aliments et la modification des habitudes alimentaires.

A partir de la revue à mi-parcours en 1998, la décision a été prise de conduire les activités de

manière décentralisée en les intégrant dans les plans d’action des districts sanitaires. Cette option

n’a pas réussie puisqu’à la fin du projet en 2001, car seulement une poignée de districts ont inclus

des activités concernant les carences en micronutriments. Il n’y a pas eu une appropriation de

l’activité par les parties prenantes.

Pourtant, plusieurs personnes interrogées dans le cadre de la présente étude considèrent la période

de la mise en œuvre du PDSN comme étant l’âge d’or de la nutrition au Burkina. Ce fut, disent-

elles, le seul projet de grande envergure qui a permis par le passé, de couvrir la moitié du pays

avec des activités nutritionnelles. Ce projet a permis de mettre à la disposition des acteurs des

ressources suffisantes pour travailler, malgré les résultats peu concluants dus surtout à la non

Page 39: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

appropriation des activités par les formations sanitaires (CSPS)10

. Il n’y a pas eu de durabilité

des résultats. Au moment où prenait fin le PDSN, une politique sanitaire nationale a été élaborée.

Politique Sanitaire Nationale (PSN, 2000)

Cette Politique Sanitaire Nationale, qui date de 2000, avait pour objectif général d'améliorer

l’état de santé des populations. Dans le document de politique sanitaire nationale, la malnutrition

est citée parmi les causes de la mortalité infantile au Burkina Faso. Cependant, le document ne

contient pas de données concernant la prévalence de la malnutrition. Elle n’apparaît pas comme

étant un problème de santé publique mais comme une conséquence de l’insécurité alimentaire. La

nutrition ne figure pas non plus parmi les problèmes prioritaires à résoudre grâce à cette politique

ni dans les objectifs spécifiques visés. Pour opérationnaliser la politique nationale sanitaire, un

programme national de développement sanitaire a été élaboré.

Programme national de développement sanitaire (PNDS, 2001-2010)

Le programme national de développement sanitaire reprend les grandes lignes de la PSN. La

malnutrition y est présentée comme un facteur déterminant de la mortalité infantile et pas comme

un problème de santé à part entière. La lutte contre la malnutrition figure dans l’objectif

intermédiaire 3 du PNDS. Au niveau de l’objectif spécifique 3.1., les femmes et les enfants qui

constituent les principales victimes de la malnutrition sont classés dans une catégorie dénommée

« groupes vulnérables ». Il s’agit d’une formule fourre-tout qui ne cible pas seulement la

nutrition, mais aussi le planning familial, la vaccination, la maternité à moindre risque, les

urgences obstétricales et les soins néonataux.

Parmi les axes d’intervention et les prestations préventives et curatives prévues, rien de

spécifique concernant la nutrition n’a été mentionné. C’est seulement au niveau de l’objectif 3.2

intitulé « Réduire l'incidence et la prévalence des maladies d'intérêt en santé publique », que les

deux axes d’intervention suivants sont proposés : « réduire d'au moins 50% les carences en

micronutriments (iode, vit A, fer) ; et réduire à moins de 5 % la mortalité due à la malnutrition

protéino-calorique ». Il ne s’agit pas cependant d’objectifs ni d’actions précises envisagées. La

mise en oeuvre du PNDS est rendue possible grâce à l’appui financier donné par un consortium

de bailleurs de fonds à travers le Programme d’Appui aux Districts Sanitaires (PADS). L’état

aussi contribue à ce financement.

Programme d’appui aux districts sanitaires (PADS)

Le PADS est financé par un consortium de bailleurs de fonds composé de : l’Agence Française

de Développement (AFD), la Banque Mondiale, les Pays-Bas, l’UNFPA, la Suède. Ce

programme finance les plans d’action annuels des districts, permettant ainsi la mise en œuvre des

activités du Programme National de Développement Sanitaire sur le terrain. L’élaboration des

directives de planification et des sessions de financement est une opportunité qui a permis ces

deux dernières années de favoriser la prise en compte de la nutrition. Celle-ci figure parmi les

activités à gain rapide identifiées par le Ministère de la santé. Grâce aux directives de

planification édictées par le ministère au niveau central, on constate une intégration croissante

des activités concernant dans les plans d’action soumis par les districts.

10

Les CSPS ou les formations sanitaires désignent les niveaux primaires de l’organigramme des services de santé.

Ce sont les unités qui dispensent les soins de santé de base. Ils sont rattachés aux districts sanitaires.

Page 40: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Le financement des plans d’action des districts est basé sur l’analyse situationnelle des problèmes

de santé dans chaque région. Après l’analyse de la situation, certains districts mentionnent des

problèmes de nutrition, mais ils ne proposent pas des activités à budgétiser. Quand des activités

concernant la nutrition sont incluses dans la planification, l’allocation de ressources ou non

dépend de l’arbitrage budgétaire pendant les sessions de financement. Jusqu’à ces derniers temps,

les districts inscrivaient seulement les micro-nutriments. Depuis l’an passé, ils ajoutent des

formations sur la nutrition (mesure et interprétation). Un manuel de prise en charge de la

malnutrition sévère a été conçu et des formations en cascades sont organisées pour renforcer les

connaissances des agents sur le terrain. La Direction de la nutrition a entrepris aussi de faire le

recensement des organisations de la société civile oeuvrant dans le domaine de la nutrition sur le

terrain.

Chaque année, une ligne spéciale pouvant atteindre 200 000 000 FCFA (soit 480 769 USD) est

affectée à l’acquisition de micro-nutriments. Il n’y a cependant pas encore d’information sur la

proportion totale des financements du PADS alloués aux activités nutritionnelles. Les résultats du

PADS sur la prévalence de la malnutrition ne sont pas encore évalués et de nombreuses

contraintes subsistent. Il s’agit cependant d’un début positif. En effet, grâce aux directives de

financement des plans d’actions des districts, la DN commence à jouer son rôle en matière

d’orientation et de collaboration avec les acteurs de terrain. Il s’agit d’un élément important dans

l’amélioration de la prise en compte de la nutrition au niveau du secteur de la santé. Toutefois,

des efforts restent encore à faire au niveau des ressources humaines et du financement pour

renforcer la tendance et la pérenniser. En effet, si le PADS prend fin en 2009 comme annoncé,

cela viendrait interrompre une dynamique positive naissante dans la mise en œuvre d’activités

concrètes à l’échelle nationale. Heureusement, il n’y a pas que le PADS seul qui accorde une

place de choix à la nutrition actuellement. Le Programme de prise en charge intégrée de la

maladie et de l’enfant est un autre exemple.

Programme de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME, 2005-2010).

Cette stratégie associe une meilleure prise en charge des maladies courantes de l’enfant

(pneumonie, diarrhée, paludisme, rougeole, malnutrition) à une alimentation et à une vaccination

appropriées. La démarche d’implantation de la PCIME comporte neuf étapes. Le groupe cible est

composé des enfants de moins de 5 ans. La PCIME est perçue comme ayant le meilleur rapport

coût/efficacité pour la prise en compte simultanée des aspects curatifs, préventifs et

promotionnels des maladies de l’enfant.

La PCIME a commencé au sein du Ministère de la santé en 1997. Une phase initiale de test de la

stratégie a été mise en œuvre avec de nombreuses difficultés. Depuis février 1999, le Ministère a

opté pour l’extension de la stratégie de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant

(PCIME) communautaire en tirant les leçons de la phase initiale. Le Programme PCIME est

piloté par la DSF.

Le programme 2005-2010 est élaboré et piloté par la Direction de la Santé de la Famille en vue

de l’extension de l’utilisation de la stratégie à l’échelle nationale. Il a pour objectif principal de

Réduire de 40% la mortalité infanto-juvenile à travers la mise en oeuvre de la PCIME dans tous

les DS y compris le secteur privé d’ici fin 2010. Les activités prévues portent sur la formation des

prestataires de santé et la communication en vue de l’amélioration de la qualité des soins offerts

dans les formations sanitaires de premier niveau et l’amélioration des pratiques familiales et

Page 41: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

communautaires. La Direction de la Nutrition figure parmi les structures partenaires dans la mise

en œuvre de ce programme. Le budget prévisionnel de ce programme est de 1.461.523.417

FCFA.

Les observations faites au niveau de la ville de Ouaga concernant la mise en œuvre de ce

programme font ressortir la nécessité d’un suivi plus rapproché des personnes formées pour

l’application des connaissances au niveau des formations sanitaires.11

Le programme n’est pas

encore appliqué partout et les personnes formées ne sont pas toujours celles qui donnent les

conseils aux mères lors des consultations de nourrissons sains. Le manuel « Conseiller la mère »

qui est utilisé comme outil d’application de la PCIME comporte également des conseils sur

l’alimentation des mères et de leurs enfants séropositives qui entre dans le cadre du Programme

sur la Transmission mère-enfant du VIH/Sida.

Programme Transmission mère-enfant (PTME/VIH 2001-2005)

Depuis l’élaboration du programme national de PTME/VIH 2001-2005 et sa mise en oeuvre à

partir de mai 2002, l’offre des services s’appuie sur un paquet d’interventions comprenant

l’utilisation de la Névirapine en monothérapie (protocole HIVNET 012), la promotion des bonnes

pratiques obstétricales, la promotion d’une alimentation à moindre risque chez le nouveau-né de

mère séropositive, le soutien psychosocial au couple mère-enfant et la prise en charge du couple

mère-enfant et de la famille. Le programme est appuyé par l’UNICEF, l’OMS, l’ONG JEREMI

de Dijon et la coopération italienne. En fin 2004, plus d’une dizaine de districts sanitaires sont

couverts avec les appuis des projets Fonds Mondial, TAP et ceux d’autres ONG et Associations.

Dans le cadre de la PTME, la prise en charge médicale, nutritionnelle, psychosociale et

communautaire de la mère et de l’enfant figure parmi les problèmes prioritaires à résoudre. Il

n’était pas prévu d’objectif, mais les Conseils et soutien en alimentation à moindre risque pour la

mère et l’enfant sont une composante du programme TME. La prise en charge de la mère

séropositive et de son enfant comporte comme activité relative à la nutrition : les conseils et le

soutien en alimentation pour la mère et le bébé. L’offre de conseils et de soutien en matière

d’alimentation du nourrisson permet de réduire la transmission du VIH par le lait maternel. Parmi

les soins aux familles, le soutien psychosocial et nutritionnel est proposé comme une intervention

à privilégier. Un guide d’entretien nutritionnel à l’intention des PV/VIH a été élaboré. Malgré

l’importance accordée à la nutrition, la Direction de la Nutrition n’est pas mentionnée parmi les

partenaires identifiés pour la mise en œuvre de ce programme, et si elle est impliquée, il n’y a

aucune visibilité de sa participation au programme PTME.

En lien avec la PTME, un programme spécifique à l’allaitement maternel est aussi piloté par la

DSF. Il ressort que 60,2% des mères choisissent l’allaitement maternel exclusif et 33,8%

l’alimentation artificielle exclusive ; tandis que 6% d’entre elles pratiquent une alimentation

mixte. Qui dit allaitement, dit dans une certaine mesure nutrition. Les mécanismes de

coordination au niveau national qui existent sont les réunions semestrielles du Conseil de

11

Nous avons mandaté seize étudiants de l’option « communication pour le développement » de l’UFR/LAC pour

faire une étude de terrain sur l’utilisation du Manuel de la PCIME intitulé « Conseiller la mère ». Ils ont assisté à des

séances de conseil dans les formations sanitaires de la ville de Ouagadougou et rédigé des rapports critiques sur les

pratiques de communication entre le personnel soignant et les femmes qui viennent pour les consultations de

nourrissons sains. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une évaluation globale de la stratégie PCIME, les faits relatés et les

analyses peuvent donner des indications sur les insuffisances actuelles dans l’application de la PCIME.

Page 42: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

concertation impliquant tous les partenaires intervenant dans la PTME. Mais, la concrétisation de

la collaboration intra sectorielle préconisée dans le programme n’a pas connu une exécution

satisfaisante. Dans la planification des activités, la DN n’est pas mentionné clairement parmi les

partenaires. Les agents interrogés disent ne pas chercher à s’imposer quand on ne les associe pas.

Mais comme le dit un des répondants, « Si c’est le même objectif qu’on poursuit on va finir par

s’accorder sur le chemin à suivre ».

Politique nationale d’Information Education et communication en santé (2005).

Les différents programmes et projets du Ministère de la santé comportent un volet

communication. Mais, les lacunes en matière de communication du personnel médical sont

souvent dénoncées par les usagers des services de santé. Aussi, le Ministère s’est doté d’une

politique d’Information, Education et communication en santé pour résoudre les problèmes

soulevés.

Dans cette politique, il est mentionné que « l’insécurité alimentaire dans les ménages favorise la

malnutrition et fragilise ainsi la santé des femmes et des enfants ». Bien qu’il n’ait pas été fait cas

de l’utilisation de l’IEC pour des actions de lutte contre la malnutrition, au niveau de la

présentation du contexte de l’IEC santé au Burkina, il est fait mention de l’existence d’un module

de formation en IEC/nutrition. Pourtant, la Direction de la nutrition ne fait pas partie des

structures identifiées pour la mise en œuvre de cette politique IEC santé. On peut donc se

demander qui assurera l’application de la politique dans ce domaine précis.

Plan d’accélération de réduction de la mortalité maternelle et néonatale (Feuille de route,

2006)

Dans le cadre des Objectifs du Millenium pour le Développement, le Ministère de la santé a

élaboré un plan d’accélération de réduction de la mortalité des mères et des enfants. Ce Plan

d’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale a été élaboré en 2006. Il

s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre du plan stratégique de maternité à moindre risque, du

Plan National de Développement Sanitaire 2001-2010 du Burkina Faso et du Cadre Stratégique

de Lutte contre la Pauvreté. Il vise à accélérer l’atteinte des objectifs du millénaire dans ce

domaine pour passer du taux de 484 décès/ 100 000 naissances relevé en 1998 à un taux de 121

décès en 2015. Selon le Ministre de la santé, il constitue désormais le principal document de

référence pour les actions de lutte contre la mortalité maternelle et néonatale.

Malgré la similitude des groupes-cibles couverts (enfants, femmes) et de la problématique

abordée qu’est la mortalité maternelle et infantile, le Plan d’accélération n’aborde pas la question

de la nutrition. La malnutrition est seulement présentée comme une cause de la mortalité

maternelle, mais aucune activité n’a été proposée dans le plan pour solutionner ce problème. La

Direction de la Nutrition ne figure pas non plus sur la liste des partenaires de mise en œuvre du

Plan.

C’est finalement au début des années 1990 que le Burkina s’est doté pour la première fois d’un

Plan national d’orientation et d’action sur la nutrition. Le point qui suit est consacré à la

présentation de cette initiative.

Page 43: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Plan national d’action pour la nutrition (PNAN 1992-2005)

Dans le cadre de la préparation de sa participation à la conférence internationale de Rome sur la

nutrition, le Burkina a élaboré à partir de 1991, un draft de Plan d’action sur la nutrition après un

processus de consultation au niveau local. L’élaboration de ce document était une

recommandation faite aux pays participants à la Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN).

Avec l’appui de l’UNICEF, le Burkina avait pris les devants pour commencer l’élaboration de

son plan d’action avant la Conférence, ce qui a permis d’en faire la présentation à l’occasion.

L’objectif principal de ce plan d’action était le suivant : « assurer une production et un

approvisionnement alimentaire réguliers, durables et adéquats en vue d’améliorer la sécurité

alimentaire et nutritionnelle au niveau des ménages ». Parmi les stratégies retenues figurent :

- Le renforcement des structures impliquées dans la surveillance de la sécurité alimentaire et

nutritionnelle

- Le renforcement des structures en charge de l’alimentation et de la nutrition.

Le processus d’élaboration du PNAN a été piloté par une Commission Interministérielle qui s’est

dissoute aussitôt après la finalisation du document en 1999. Il n’a pas été adopté par le

gouvernement pour des retards dans le processus de soumission. Cela s’explique par des

problèmes institutionnels et de procédures administratives. En effet, le Ministère de l’agriculture

avait été désignée dans le PNAN pour l’ancrage institutionnel du plan d’action alors que le

Centre National de Nutrition relevait du Ministère de la santé. En principe, la soumission d’un

document en conseil des ministres doit être fait par le Ministre de tutelle. Ce n’était certes pas la

seule raison qui explique la non adoption du PNAN pendant près de dix ans après son

élaboration, mais cette explication semble la plus pertinente.

Le PNAN a dû être révisé en 2000 pour : la prise en compte du VIH/Sida, des OGM et des

maladies émergentes non transmissibles liées à l’alimentation qui sont de nouvelles

préoccupations en matière de santé publique. La version révisée du PNAN (2001-2005) a été

adoptée par le gouvernement après la présentation du Profile Burkina en 2001. Le Profile a été

élaboré par un groupe d’experts nationaux en nutrition et cette activité semble être la seule à

avoir jamais réuni les spécialistes nationaux pour une action collective. Bien que plusieurs

activités proposées soient en lien avec des projets en cours, le PNAN a connu un faible taux

d’exécution pour plusieurs raisons. La première raison tient au fait que les activités de nutrition

ne soient pas suffisamment exécutées dans le cadre de la mise en œuvre du PMA (Paquet

Minimum d’Activités) par les formations sanitaires. La deuxième raison avancée est la faiblesse

du financement octroyé par l’état et les partenaires au développement. L’avis du Directeur de la

nutrition sur la question du faible financement du PNAN est le suivant :

« On estimait que nous avons outrepassé nos prérogatives. On n’a eu aucun financement.

Comment la DN qui est une petite Direction du Ministère de la santé peut-elle aller

contrôler ce que font les autres ministères ? Le PNAN n’a jamais été financé pour cette

raison » (extrait d’entretien).

On constate aussi une faible mise en œuvre des activités préventives en direction des

communautés de base (Education et Surveillance nutritionnelle) et l’abandon des activités de

récupération des enfants malnutris pendant toute la période de la mise en œuvre du PNAN qui

Page 44: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

correspond pourtant à une hausse significative des taux de malnutrition (EDS 2003). Seules les

activités portant sur la supplémentation en vitamines A, en iode, en fer et les formations des

agents de santé ont pu être mises en oeuvre.12

La coordination de la mise en œuvre du PNAN ne semble pas avoir été réalisée de sorte à

permettre le suivi et la capitalisation des actions entreprises par les autres ministères participants.

Il est probable que les autres ministères concernés par le PNAN aient exécuté les activités

nutritionnelles qui relèvent de leurs responsabilités, mais les données s’y rapportant n’ont pas été

collectées et synthétisées pour donner un aperçu du niveau d’exécution.

La faible mise en œuvre du PNAN s’explique aussi par l‘insuffisance du personnel de la

Direction de la nutrition et sa jeunesse suite aux mutations et à la déperdition d’un grand nombre

de spécialistes de haut niveau. Sur dix agents au moment de l’adoption du PNAN, il ne restait

plus que trois en 2005. Certains ont été affectés et d’autres ont préféré quitter le Ministère par

manque de satisfaction professionnelle. La plupart des anciens nutritionnistes disent avoir été

frustrés par la manière dont les ressources humaines dans le domaine de la nutrition ont été

gérées par le Ministère de la santé. La nomination de jeunes n’ayant pas de diplômes élevés et

sans expérience à des postes de responsabilité a créé un conflit intergénérationnel qui perdure et

contribue à la dispersion des ressources humaines. Au lieu de renforcer les ressources humaines

pour la mise en œuvre du PNAN, le Ministère n’a pas bien géré l’existant, encore moins de

l’étoffer qualitativement pour satisfaire aux nouvelles ambitions politiques affichées dans le

PNAN.

Politique nationale pour la nutrition (PNN)

Cette politique a été élaborée en 2006 et a été adoptée en Conseil des ministres en mai 2007.

L’élaboration de la politique nationale de la nutrition a été confiée à un consultant par la

Direction de la Nutrition. Il s’agit d’une démarche courante dans l’élaboration des politiques que

de faire appel à un consultant expert pour proposer un draft de politique à finaliser par les parties

prenantes. A l’atelier de validation du document proposé par le consultant, les participants

(représentants les acteurs intervenant dans le domaine de la nutrition) ont contesté la qualité de la

politique proposée et suggérer des modifications importantes. Le document a été réécrit en tenant

compte de ces modifications. Les autres secteurs ministériels n’ont été associés qu’à l’étape de la

validation du document de politique et certains s’en plaignent.

La PNN reprend les analyses situationnelles contenues dans le PNAN quand à la situation

critique de la malnutrition dans le pays. Les données de l’EDS 2003 et de quelques études à petite

échelle sont utilisées pour décrire cette situation jugée alarmante. Le PNDS et les OMD

constituent les seuls fondements de cette politique.

L’objectif général de cette politique est d’améliorer l’état nutritionnel des populations. Les

objectifs spécifiques de la politique sont les suivants :

- Réduire la morbidité et la mortalité dues à la malnutrition protéino-énergétique et aux

carences en nutriments

- Réduire la prévalence des maladies chroniques non transmissibles liées à la nutrition

- Améliorer l’offre de services en matière de nutrition dans les formations sanitaires

12

CILSS : Profil de sécurité alimentaire, septembre 2007

Page 45: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

- Renforcer la participation communautaire aux activités de nutrition ;

- Assurer la sécurité sanitaire et la qualité nutritionnelle des aliments

- Renforcer la coordination et la collaboration intra et intersectorielles en matière de nutrition.

Contrairement au PNAN qui avait une portée transversale, la politique nationale de nutrition est

perçue par tous les observateurs, y compris le Directeur de la nutrition, comme étant sectorielle et

spécifique au secteur de la santé. Les activités proposées sont en conformité avec la vision

médicalisée du phénomène qui prévaut dans le secteur de la santé. Elle n’intègre pas

suffisamment les autres dimensions du problème telles que perçues dans les secteurs de

l’agriculture, de l’action sociale, de l’éducation et de l’environnement et cadre de vie. Le

recentrage tient compte du positionnement actuel de la DN au sein du Ministère de la santé. Elle

ne peut pas porter une politique trans-sectorielle en étant une petite direction du Ministère de la

santé.

Cela veut dire qu’au lieu de changer le positionnement de la Direction de la Nutrition en la

transformant en une Direction Générale ou une structure spécialisée rattachée directement au

Secrétariat Général du Ministère, on a préféré adapter la portée de la politique nationale à la

limite administrative actuelle de la DN. Or, le fait de réduire la portée de la politique à une

dimension sectorielle ne permet pas de prendre en considération la transversalité de la

problématique de la malnutrition ni de promouvoir la collaboration intersectorielle indispensable

pour des actions concertées et harmonisées entre les ministères. Pire encore, l’orientation

politique est en contradiction avec l’esprit et la lettre du décret de juillet 2007 portant création du

Conseil National de Concertation sur la Nutrition (CNCN).

La nécessite de la prise en compte transversale de la nutrition La création du Conseil National de Concertation sur la Nutrition vient combler un besoin exprimé

depuis 1968. Son utilité tient au fait que la nutrition est une question transversale qui ne peut être

résolue par un seul ministère comme le souligne l’extrait suivant tiré de la Politique nationale du

Rwanda :

« il apparaît clairement qu'un seul ministère ou qu'un seul groupe de professionnels ne

peut à lui seul éliminer la faim et la malnutrition dans la société. Les nutritionnistes et les

spécialistes des sciences des aliments, entre autres, travaillent dans tous ces domaines, et,

dans une stratégie nationale d'alimentation et de nutrition qui fonctionne correctement, ils

collaboreront avec des professionnels de toutes les disciplines concernées. Pour atteindre

l'objectif d'une bonne nutrition, il peut aussi être nécessaire de faire appel à des experts

dans les domaines de l'anthropologie, de la sociologie et du développement

communautaire »

Au Burkina Faso aussi, la nécessité de la transversalité est unanimement reconnue par tous les

acteurs rencontrés. La citation suivante reflète au mieux les avis exprimés sur la transversalité des

problèmes à résoudre.

« L’accomplissement de la sécurité nutritionnelle constitue le troisième pilier de la

sécurité alimentaire : il s’agit en l’occurrence d’un état nutritionnel adéquat composé de

protéines, d’énergie, de micronutriments et de minéraux suffisants pour tous les membres

du ménage. Une disponibilité alimentaire adéquate, à l’échelon du ménage, est nécessaire

pour atteindre la sécurité nutritionnelle, sans toutefois être suffisante. La santé, les soins

infantiles et l’accès à de l’eau saine et à un assainissement de qualité constitue les

Page 46: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

éléments clef contribuant à une bonne nutrition. Garantir la sécurité nutritionnelle du

ménage, en conjuguant des ressources alimentaires et d’autres encore, incombe

presqu’exclusivement aux femmes. La capacité des femmes en matière de gestion de ces

ressources reste particulièrement importante pour les membres les plus vulnérables du

ménage, comme les enfants »13

.

Dans le contexte burkinabé, la faiblesse de la collaboration intersectorielle pour la réalisation

d’activités conjointes dans le domaine de la nutrition a toujours constitué un handicap. Il est très

rare qu’une telle collaboration soit instaurée avec d’autres secteurs pour la mise en œuvre des

volets nutritionnels des projets et programmes de santé relatifs à la nutrition. C’est dans le cadre

de l’élaboration du PNAN et de la validation du PNN que certains ministères et ONG

internationales ont été associés. Les expériences de collaboration entre les autres ministères et

ONG avec la DN se font à la demande des premiers cités. C’est le cas de l’étude sur la qualité des

aliments servis dans les collèges et Lycées, la participation de la DN à l’enquête nutritionnelle

réalisée par le Ministère de l’agriculture (DGPSA). Le Directeur de la nutrition est aussi sollicité

pour donner des enseignements en nutrition à l’Université dans le cadre d’une collaboration avec

l’Institut de Rechercher en Sciences Sociales. En général, ce sont les services techniques des

autres ministères qui initient leurs activités et viennent solliciter l’appui technique de la DN. Si

d’un côté cela a pour avantage de permettre la réalisation des activités en partenariat,

l’inconvénient est que cela n’est pas planifié dans l’année, ce qui finit par surcharger la Direction

à cause de la faiblesse de ses ressources humaines. Elle se retrouve en fin de compte dans une

situation où elle ne peut pas répondre à toutes les sollicitations ponctuelles et non concertées

venant des différents acteurs par manque de temps et de ressources humaines.

Le Conseil National de Concertation est mis en place pour renforcer la coordination entre les

acteurs et les actions entreprises au plan national. Sa création est saluée à l’unanimité comme

étant une avancée significative et la marque incontestée d’une volonté politique. Dans ses

attributions, le CNCN a pour mandat de coordonner l’élaboration des politiques nationales dans

le domaine de la nutrition. Or, il est mis en place juste après l’adoption d’une politique sectorielle

qui est en déphasage avec ses missions. Pour plus de cohérence dans les initiatives positives en

cours, il y a lieu de relever le défi de la transectoralité de la politique en procédant sans tarder à

une révision de la politique avant l’élaboration de son plan d’action. Sans cela, le CNCN qui est

une structure multisectorielle va être contrainte de coordonner l’élaboration de documents

sectoriels en contradiction avec ses missions.

Après ce tour d’horizon des programmes et politiques du secteur de la santé, nous pouvons dire

que des efforts de plus en plus pertinents sont faits pour intégrer la nutrition dans l’agenda

sectoriel. Cela ne traduit pas cependant une démarche organisée et planifiée de prendre en compte

la nutrition de manière transversale au sein du ministère. Bien qu’il existe au sein du ministère un

mécanisme de concertation sur les thèmes transversaux, rien ne permet de dire que cette

concertation intra-sectorielle soit efficace pour l’intégration transversale de la nutrition.

L’inefficacité de la concertation interne est un problème général qui a été reconnue par le

Ministère de la santé. Dans le cas spécifique de la nutrition, il est même question de dispute des

13

QUISUMBING A. R., BROWN L. R., FELDSTEIN H. S., HADDAD L., PEÑA C.: Les femmes ou la clef de la

sécurité alimentaire in IFPRI : rapport de politique alimentaire, Washington, 1995.

Page 47: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

projets ayant un volet nutritionnel par d’autres directions sans expertise technique, qui sous-

traitent ensuite certaines activités avec la DN. D’aucuns parlent même de confiscation des projets

de nutrition au détriment de la Direction de la Nutrition qui est plus utilisée comme un bureau

d’appui technique pour l’élaboration des projets au profit des autres directions. Mais, lorsque ces

projets sont élaborés par les techniciens de la DN, dès que le financement est obtenu, la mise en

œuvre est confiée à d’autres directions sans une bonne explication sur le bien-fondé du transfert,

ni une implication satisfaisante des nutritionnistes, ce qui crée des frustrations. Les exemples de

projets mentionnés sont : le projet allaitement maternel, le projet spiruline Nayalgué, le projet

assistance aux groupes vulnérables.

De l’avis de certains répondants, il y a une compétition entre les services pour s’accaparer des

projets de nutrition, mais la seule motivation est l’accès aux financements. Souvent pour éviter

les conflits, les agents des différentes directions renoncent à insister pour participer à des projets

conjoints. En définitive, on constate un cloisonnement des directions et des projets (à l’exception

du PADS) mis en œuvre qui donne l’impression que les principes de la collaboration entre les

organes internes du ministère ne sont pas bien compris ou sont mal appliqués par les acteurs.

Après l’examen des différents documents de politique et les programmes développés par le

Ministère de la santé depuis les années 1950 à nos jours, on s’aperçoit que la malnutrition n’est

pas présentée comme un problème de développement en soi, mais plutôt comme un facteur

explicatif de la mortalité maternelle et infanto-juvénile. La problématique de la malnutrition n’est

pas prise en compte de manière systématique et transversale comme une préoccupation des

différentes directions centrales et des structures affiliées du Ministère. En effet, elle ne ressort pas

comme étant une composante transversale des différents politiques et programmes conçus par le

Ministère de la santé. La nutrition est intégrée comme un appendice dans le secteur et les efforts

d’ouverture de Direction de la Nutrition vers les autres directions ne semblent produire les

résultats escomptés. Le PNAN et le PNN sont l’affaire de la Direction et non de l’ensemble des

organes du Ministère.

Par ailleurs, la légitimité de la présence de la nutrition au sein du Ministère n’est pas admise et

bien comprise par les médecins qui sont majoritaires au sein du département. La place de

l’expertise en nutrition dans le Ministère reste problématique malgré les efforts réalisés pour

créer un corps de professionnels. Il reste en toile de fond, une contestation de l’expertise ou une

dévalorisation des nutritionnistes par les autres professionnels. A la limite, c’est comme si

n’importe qui peut s’auto-proclamer nutritionnistes après une formation sommaire non

diplômante et prétendre ensuite à assumer des responsabilités dans la mise en œuvre de projets

nutritionnels. Pour ces différentes raisons, l’allocation des ressources financières et humaines

adéquates pour la nutrition n’est pas encore d’actualité. Malgré l’existence de la Direction de la

nutrition, le ministère ne dispose pas des compétences suffisantes et d’une expertise de très haut

niveau dans le domaine. Le renforcement des capacités nationales par la formation de doctorants

en nutrition n’est pas fait alors que les plus anciens vont maintenant à la retraite. Ce sont ces

différents facteurs qui expliquent pourquoi les politiques et programmes sectoriels examinés ne

prennent pas suffisamment la nutrition. La faible implication des nutritionnistes dans leur

formulation et mise en œuvre en est la cause.

Dans le point qui suit nous passons à l’examen des efforts d’intégration de la nutrition au niveau

du ministère de l’agriculture de l’hydraulique et des Ressources halieutiques.

Page 48: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

4.1.2. La nutrition dans le secteur du développement rural

Le ministère de l’agriculture a été le département pionnier en matière de promotion de la nutrition

et de l’alimentation au Burkina Faso, et cela dès les années 1950. Il s’agissait au départ, de

dispenser des formations aux élèves des écoles professionnelles. C’est ainsi que les élèves

techniciens d’agriculture de l’école Matourkou sont formés en nutrition et technologie

alimentaire. Le volet formation concerne également les agents agricoles du Ministère de

l’Agriculture chargés de la question de la nutrition et certaines ONG de développement rural. Ces

agents agricoles sont des anciens élèves de l’école de Matourkou devenus des responsables au

niveau décentralisé du Ministère de l’agriculture. Entre 1982 et 1990, on les appelait des

Coordonnateurs Provinciaux des Activités Féminines (CPAF). Maintenant, on les appelle des

techniciens supérieurs en technologie alimentaire. Les données collectées dans le cadre de la

présente étude indiquent que plusieurs initiatives de prise en compte de la nutrition ont été

entreprises dans le secteur agricole. La première action mentionnée concerne le projet de sécurité

alimentaire et nutrition.

Projet Nutrition dans l’agriculture

Il a été financé à hauteur de 1 201 923 USD et a duré de 1984 à 1990. Il a consisté au

renforcement des capacités d’intervention du Service de Technologie Agro-alimentaire dans le

domaine de la formation et des enquêtes. Des formations ont été dispensées aux agents de terrain

et aux populations auxquelles, le projet fournissait aussi des équipements pour le jardinage. Le

projet a couvert tout le territoire national. Les structures partenaires dans sa mise en œuvre étaient

le ministère de la santé à travers la Direction de la Santé Familiale. Lors des formations, les

agents de santé animaient les thématiques relatives à la santé. Les groupes-cibles concernés

étaient les groupements de femmes uniquement. Mais comme le reconnaît notre interlocuteur :

« Avec le recul, on se rend compte que nous faisions erreur à l’époque en axant les

activités concernant la nutrition sur les femmes uniquement. La raison, quand bien même

une femme est sensibilisée sur des techniques nutritionnelles comme la bouillie enrichie

par exemple, elle ne parvient pas à convaincre son mari pour qu’il lui livre les céréales

nécessaires à la préparation de cet aliment. Les maris intiment l’ordre à leurs épouses

d’allaiter uniquement les enfants argumentant qu’il en a toujours été ainsi. Mais la raison

fondamentale, c’est que les hommes ne veulent pas livrer le secret de leur grenier à leurs

femmes. Car chez les Mossi par exemple, le grenier est symbolique de pouvoir. Si l’on

veut opérer des changements, il est urgent d’impliquer les hommes ».

Malgré le fait que ce projet a été collaboratif, la prise en compte du genre n’a pas été effective, ce

qui a compromis son succès.

Projet augmentation de la production et de la consommation en aliments riches en vitamines A

(1990-1993)

C’était un projet pilote qui a duré 3 ans de 1990 à 1993 et qui a concerné uniquement la province

du Namentenga. Il a consisté à la sensibilisation des populations de la zone pilote à consommer

des légumes afin de lutter contre l’avitaminose A. Le projet a été financé par la FAO à hauteur

environ de 290 000 dollar US. La Direction de la Santé Familiale a été partenaire de ce projet.

C’est elle qui a d’ailleurs mené l’étude situationnelle (diagnostic) sur l’avitaminose dans la zone

avant le démarrage du projet.

Page 49: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Ce projet a permis de produire un guide pratique pour la vulgarisation de la nutrition destiné à

l’usage des agents de terrain, un guide en horticulture, un film court métrage intitulé « C’est bon

pour les enfants » qui portait sur l’impact de la sensibilisation dans le changement de

comportement de la population.

Le projet a été prolongé et incorporé dans un plus vaste projet de développement rural dans le

Namentenga (PAPANAM : Projet d’Appui aux Initiatives paysannes du Namentenga). Le projet

a été financé par le PNUD à hauteur, de 3 605 769 USD. Il a consisté en la construction de

barrages. Selon le coordonnateur de ce projet, la part de ce budget qui était réservée à la nutrition

est estimée à 721 153 USD. Ce deuxième volet du projet a duré huit ans de 1993 inclus à 2000.

Quant au volet nutrition, il a débuté en Mai 1997 pour s’achever à la fin Décembre 2000. Les

publics concernés étaient les femmes en âge de procréer et les enfants à bas âge. Mais cette fois

ci, lors des séances de sensibilisation, les hommes aussi étaient impliqués.

Projet de sécurité alimentaire et nutrition (PSAN, 1990-2000)

Le PSAN, qui a été financé par la Banque Mondiale, figure parmi les projets phares du secteur

agricole en matière de nutrition. Le projet a été conçu dans le cadre des appuis accompagnant les

ajustements structurels, sur financement de la Banque Mondiale. Il s’adresse aux groupes

vulnérables au niveau des ménages et des provinces les plus pauvres.

Des expériences antérieures avaient montré que les politiques gouvernementales visant à

améliorer la sécurité alimentaire et le statut nutritionnel des groupes spécifiques ne donnaient que

des résultants éphémères avec un impact modeste. La raison principale est que, d’une part ces

politiques mettent l’accent sur les questions d’accessibilité et d’approvisionnement en denrées

alimentaires et pas assez sur la dimension ménagère de la sécurité alimentaire. D’autre part, les

actions dans le domaine de la nutrition ciblent les enfants malnutris pour leur récupération au lieu

de privilégier la prévention par le biais de l’éducation nutritionnelle et les approches

communautaires.

En droite ligne des objectifs d’assistance pays de la Banque Mondiale, la composante nutrition

d’une valeur de 1,4 millions $USD était destinée à faire le diagnostic rapide des bénéficiaires, des

besoins de formations des ONG et des agents d’agriculture, le développement de messages

d’éducation nutritionnelle et la mise en oeuvre d’une campagne multimedia sur la nutrition. Il

s’agissait d’une approche holistique des problèmes de sécurité alimentaire et de nutrition.

Ce projet a été piloté par un nutritionniste Alfred SAWADOGO et a couvert 25 provinces. Il ne

se limitait pas seulement à la nutrition mais englobait aussi les questions de sécurité alimentaire,

le renforcement des capacités du Service de Technologie Agro-alimentaire, l’appui à la

production, la fourniture des intrants aux producteurs, les jardins et les champs collectifs, la

construction d’écoles, l’alphabétisation etc. Le projet a duré 10 ans. Les structures partenaires

étaient composées de toutes les Directions Régionales du ministère de la santé, des Directions

Provinciales du ministère de l’agriculture, de consultants internationaux (en nutrition) de la FAO.

Page 50: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

A l’évaluation du projet en 2001, il est apparu que la composante a atteint ses objectifs et a

contribué à améliorer le statut nutritionnel des enfants et les attitudes des femmes, notamment

au niveau des pratiques d’alimentation des enfants. Malheureusement, le programme n’a pas

inclus des indicateurs quantitatifs pour mesurer l’impact des activités sur le plan nutritionnel.

Bien qu’une recommandation ait été faite lors de la revue à mi-parcours du projet en 1998 de

se doter de tels indicateurs, cela n’a pas été suivi.

Le Burkina dispose également d’une stratégie nationale de sécurité alimentaire depuis 2000. Il

est en train de finaliser le deuxième programme quinquennal qui comporte un volet

nutritionnel.

Stratégie nationale de sécurité alimentaire (2003-2015)14

Souvent, on a tendance à croire que le Ministère de l’agriculture n’a qu’une vision

productiviste quand il est question de la nutrition au Burkina Faso. A travers le contenu de la

Stratégie de Sécurité Alimentaire adoptée en 2000, on s’aperçoit non seulement de

l’engagement du ministère en faveur de la nutrition, mais aussi de son ouverture en faveur

d’une approche intégrée et transversale du problème. En témoigne les actions proposées dans

la stratégie que sont.

L’éducation nutritionnelle en tant que stratégie d’amélioration de la nutrition,

La promotion de la communication (IEC) pour le changement de comportement en

nutrition et alimentation

Le renforcement des activités de récupération nutritionnelle

La promotion de la production et la consommation d'aliments riches en vitamines et en

éléments nutritifs

L’amélioration du contrôle de qualité des aliments

L’amélioration du revenu des femmes

L’intégration d’un volet surveillance nutritionnelle dans tous les programmes de sécurité

alimentaire.

Les axes stratégiques suggérés sont :

- élaborer de manière diligente un plan en matière d’éducation nutritionnelle

- intégrer l'éducation nutritionnelle dans les programmes scolaires.

- intégrer à tout programme de sécurité alimentaire une campagne de formation des

populations sur les thèmes: la nutrition, les maladies infectieuses et parasitaires, l’hygiène,

l’eau, la santé de la reproduction et l'alphabétisation.

- élaborer et réaliser pour toutes les régions du pays en mettant l’accent sur les plus

touchées par la malnutrition, des programmes de formation et de sensibilisation des populations

notamment les femmes

- mettre à la disposition du personnel en charge de la sécurité alimentaire sur le terrain des

manuels opérationnels en nutrition et alimentation.

- privilégier en matière d'éducation nutritionnelle l'approche "assise communautaire".

14 Ministère de l’agriculture : Stratégie nationale de sécurité alimentaire, Axes stratégiques, tome 2, mai 2000

Page 51: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Pour élaborer cette stratégie, le Ministère a bénéficié de l’assistance technique d’un spécialiste

en nutrition travaillant à la DN. Ce dernier a aussi appuyé la phase de planification

opérationnelle de la stratégie en un programme quinquennal.

Le programme quinquennal de mise en œuvre de la SNSA (2003-2007), avait entre autres

objectifs spécifiques d’ « améliorer durablement les conditions économiques et nutritionnelles

des populations pauvres et des groupes vulnérables ». L’assurance de l’accès à l’eau potable et

l’amélioration de l’éducation nutritionnelle des populations figurent parmi les résultats attendus

au bout des cinq ans que durait le programme. Les activités prévues concernaient le

développement de l’alphabétisation fonctionnelle et des programmes d’éducation nutritionnelle

et la réalisation d’une étude de la situation nutritionnelle de référence au Burkina Faso.

Au niveau de la planification budgétaire, il était attendu que ces activités puissent être financées

par les trois plans d’action existants que sont : le Plan National pour la Nutrition (PNAN 1995),

le Plan d’Action Triennal de la Santé et le Plan Décennal de Développement de l’enseignement

de base (PDDEB). Mais, cela ne s’est pas concrétisé et l’évaluation en cours du programme

quinquennal permettra de faire ressortir les insuffisances au niveau du mécanisme de

financement proposé.

Programme national de sécurité alimentaire

C’est un nouveau programme national de sécurité alimentaire ambitieux en cours de

finalisation. Il embrasse tous les volets de la production : maîtrise de l’eau, la pêche, la

pisciculture, la foresterie, la nutrition, etc. Le séminaire de validation du programme est prévu

pour bientôt et s’en suivra une rencontre avec les PTF. Le budget prévisionnel global du

projet est estimé à 2 163 461 538 USD. Le volet nutritionnel requiert un dixième du budget

global. Il consistera essentiellement en des activités de formation, à l’acquisition

d’équipements de mesures anthropométriques, à la réhabilitation des CREN, au renforcement

de la production d’aliments (farines infantiles) pour les enfants à bas âge, au renforcement de

la production de la spiruline.

Les enquêtes nutritionnelles de la Direction Générale des Prévisions et des Statistiques Agricoles

(DGPSA).

Au titre des activités menées dans le secteur agricole, il importe aussi de présenter l’initiative

de la Direction Générale des Prévisions et des Statistiques agricoles (DGPSA) portant sur les

enquêtes nutritionnelles. Depuis les indépendances, le manque de données nationales fiables

et approfondies sur la situation nutritionnelle constitue un problème crucial.

L’Enquête Permanente Agricole (EPA) a été instituée en 1994, et s’est déroulée de manière

ininterrompue jusqu’à nos jours. L’objectif est de fournir des estimations de la production

agricole et des bilans consolidés, en particulier céréaliers. Les résultats de l’EPA sont utilisés

dans le cadre du système d’alerte précoce (SAP). Dans le cadre du Suivi et d’Alerte Précoce

(SAP), la Direction des Préventions et d’Alerte Précoce (DPAP), avec l’appui du projet

PAMIR (développement durable et lutte contre la pauvreté en milieu rural – composante

sécurité alimentaire) financé par le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) français, a initié

un recueil de données sanitaires et nutritionnelles intégré au sein de l’Enquête Permanente

Agricole (EPA).

Page 52: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Depuis l’année 2004, dans le cadre de cette enquête, la DGPSA adjoint une fiche de collecte

de données sanito-nutritionnelles. Cette initiative vient combler un vide récurrent qui perdure

depuis les années 1960. Mais, des améliorations sont envisagées au niveau des outils de

collecte pour pouvoir mieux répondre aux questions de fonds que soulèvent les données déjà

collectées.

« L’analyse des données de l’EPA 2004-2005 et 2005-2006 faisait remarquer

l’absence d’un lien significatif entre la prévalence de la malnutrition et la production

agricole et par conséquent il était fait mention combien il était difficile d’utilisé la

production comme déterminant majeur d’alerte précoce » DGPSA, (EPA 2006-2007).

Un partenariat entre la DGPSA et la DN a été amorcé depuis 2005 pour l’organisation de cette

enquête. Il manque cependant des capacités techniques pour aider à la réalisation idoine de ce

travail très technique. Le Ministère de l’agriculture a sollicité auprès de la FAO l’envoi d’un

consultant en vue de soutenir la DGPSA pour l’élaboration de la méthodologie. Longtemps

limité à la mesure du périmètre brachial, à partir de l’année en cours, la DGPSA va

entreprendre la première enquête nationale sur la nutrition. Il rencontre des difficultés pour

mobiliser les fonds auprès de l’état et de ses partenaires mais compte se battre pour

concrétiser cette activité.

En résumé, on s’aperçoit que plusieurs projets ont été mis en œuvre dans le secteur du

développement rural. Le manque de continuité des différentes initiatives est à déplorer ainsi

que l’absence de rapports de suivi évaluation des projets mis en œuvre. On s’aperçoit aussi

que le volet nutritionnel des projets et programmes n’a pas pu être mis en œuvre correctement

par manque de ressource et de participation effective des autres ministères concernés.

Sur le plan technique, ce Ministère a fait preuve d’une certaine constance dans la promotion

de la nutrition, mais il semble avoir été limité par les querelles de leadership institutionnel

avec le secteur de la santé. C’est grâce aux efforts entrepris de ce secteur que le pays a pu

avoir des bourses d’étude pour des formations de diplômés de niveau doctorat. Mais, cette

expertise nationale n’est pas utilisée par ce seul ministère. Jusque-là, l’utilisation ultérieure de

ces ressources humaines dans le secteur de la santé n’a pas adéquate et a contribuée à la fuite

des cerveaux vers les ONG et les institutions multilatérales (UNICEF, Africare, Helen Keller

International, OMS, etc.).

Le développement de la nutrition au Burkina ne pourra pas se faire sans une pleine

participation de ce secteur, ou l’application d’un système de co-gestion de la Direction de la

nutrition avec le Ministère de la santé.

4.1.3. La nutrition dans le secteur de l’éducation

Les projets cantines scolaires (1962-1998)

La restauration à l’école est aussi vieille que l’école elle-même. Les colons ont tout fait pour

que les parents s’organisent pour mettre en place des cantines endogènes pour donner à manger

aux élèves des écoles primaires. Dès 1962, le Secours Catholique Américain ou Catholic Relief

Services (CRS) a mis un programme de distribution de vivres (lait en poudre, farine de maïs)

destinés aux enfants des écoles et aux formations sanitaires. Ce programme appelé « Vivres

pour la paix » ou Food for Peace est financé par l’USAID devait s’étendre sur cinq ans pour un

coût global de 612, 5 millions de francs à raison de 122,5/an.

Page 53: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

A partir de 1962, le CRS a pris en charge la gestion des cantines scolaires. Tout le financement

provenait de l’USAID. CRS gérait seul et rendait compte à l’Etat. Avec l’augmentation des

effectifs, CRS a demandé la contribution de l’Etat en 1988. Cela a donné lieu à des

incompréhensions qui ont été aplanies avec le temps.

Pendant longtemps, le MEBA ne prenait pas à bras le corps le problème de la restauration dans

les écoles primaires. Depuis le transfert de la gestion par le CRS à l’état en 1989, le

gouvernement a augmenté chaque année son budget qui passe de 40 millions à l’époque à 5

milliards en 2008. Le budget augmente progressivement. En 2008, 5 milliards FCFA sont

prévus pour l’achat des vivres contre 4 milliards en 2007, 3,5 milliards en 2006 et 3 milliards en

2005.

Le Plan Décennal de Développement de l’Education de Base.

C’est en 2002 que la Banque Mondiale a mandaté des consultants pour écrire un projet sur la

santé nutritionnelle en milieu scolaire. Dans le cadre du PDDEB, un projet dénommé « Alliance

pour l’alimentation scolaire, la santé et l’éducation de base au sahel » a été élaboré. Cette

initiative est appuyée par les bailleurs de fonds qui financent l’éducation de base et la Banque

Mondiale joue un rôle important. La mise en œuvre du projet a commencé en 2006. Deux types

de cantines scolaires sont promus dans le cadre du PDDEB :

- Cantines endogènes : Non imposé. Créées volontairement par les associations de parents

élèves (AME/APE)

- Cantines assistées : Elles reçoivent l’aide de deux partenaires financiers : CRS (8 provinces) et

PAM (4 provinces). L’Etat s’occupe du reste des provinces 3 à 4 mois (33 provinces) en

associant des cantines endogènes.

Le projet est perçu comme un instrument ou un mécanisme puissant au bénéfice du PDDEB

pour l’atteinte des objectifs en matière de qualité de l’éducation. Le volet santé nutritionnelle du

PDDEB a aussi été élaboré pour harmoniser les actions des ONG et associations au niveau

local. L’idée de base du projet est d’utiliser les enfants comme un moyen pour changer la

situation au niveau des communautés grâce à une action concertée des acteurs dans les

domaines suivants:

- l’alimentation scolaire ;

- les jardins et la production scolaires;

- la santé scolaire : déparasitage et supplémentation en micronutriments, VIH/

SIDA et paludisme

- l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement.

Le Plan national d’activités est relatif aux axes d’intervention suivants :

- Alimentation scolaire ;

- Appui à l'éducation de base ;

- Eau potable et latrines hygiéniques ;

- Santé, nutrition et éducation à l'hygiène ;

- Déparasitage et enrichissement des aliments en micronutriments ;

- Éducation concernant le VIH/SIDA ;

- Prévention du paludisme

Les PTF ont confié la gestion de ce programme à un consortium d’organisations de la société

civile qui ont déjà de l’expérience sur le terrain. Le programme est mis en œuvre par un

consortium d’organisations qui sont : Catholic Relief Service (CRS), La Fondation pour le

développement communautaire (FDC) et Helen Keller International (HKI). Au niveau du

Page 54: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ministère la DAMSE suit ces activités. Le ministère de l’éducation de base transfert les

ressources financières aux organisations mandatées qui mettent en œuvre les activités sur le

terrain. La première tranche du financement a été versée en février 2006 et depuis lors, les

membres du Consortium attendent des ressources pour continuer. La Direction de la Nutrition

est aussi impliquée même si sa participation aux activités est considérée comme étant très

sporadique.

Le bilan des activités fait en 2007 fait ressortir les résultats suivants :

- le déparasitage et supplémentation a eu lieu dans 296 écoles, situées dans 8

provinces localités dans 4 régions. Au total, environ 53.000 élèves ont été

concernés.

- En 2004 – 2005, des écoles de 25 provinces ont été touchées par la distribution de

micro nutriments et de produits de déparasitage

- Enquête de base sur l'état sanitaire et nutritionnel des élèves

- Formation des enseignants, élèves et parents sur la santé/ nutrition/ hygiène.

Dans le cadre du PDDEB, il est aussi prévu de former les enseignants en éducation

nutritionnelle. Il s’agit d’inclure cette thématique dans les modules de formation des élèves

maîtres. L’éducation nutritionnelle est déjà faite dans les écoles. Il reste maintenant à formaliser

et produire les outils afin de permettre l’ancrage institutionnel de cette initiative et sa pérennité.

Les résultats de ces différentes initiatives sur la situation nutritionnelle du groupe cible n’ont

pas encore été évalués.

Les cantines scolaires dans l’enseignement post primaire Les cantines scolaires existent également au niveau des enseignements secondaire, supérieur et

dans les écoles de formation technique relevant de l’Etat. Au niveau des enseignements

secondaires, la situation est différente par rapport au secteur primaire. Depuis la suppression des

internats en 1984, l’Etat fait un effort pour répondre aux besoins alimentaires des scolaires en

créant et en subventionnant des cantines scolaires dans les collèges et lycées publics.

L’exécution est faite par le ministre concerné (MESSRS) à travers la direction des cantines

scolaires. Le montant des allocations financières a stagné à 300 millions pendant un bout de

temps avant de passer de 300 millions à 700 millions maintenant. L’enveloppe est en constante

augmentation. Mais, l’ensemble des besoins n’est pas couvert. Le Ministère arrive à couvrir

10% des élèves qui désirent les repas pour un besoin national estimé à 25%. La situation est

tout de même paradoxale. Dans certains centres, la demande n’est pas suffisante tandis que dans

d’autre et elle n’est pas entièrement couverte.

Les vivres sont acquis localement, (riz, pâte, haricot, huile, tomate, sardine, viande fraîche). Les

rations quotidiennes sont subventionnées et vendues aux tarifs suivants selon le milieu de

résidence:

- A Bobo et Ouaga : 100F/Plat

- Dans les autres régions. 75F/Plat

- Exceptionnellement au Sahel : 50F/Plat

Selon les avis recueillis auprès des acteurs du domaine de l’alimentation scolaire, le dispositif

actuel ne peut pas répondre au problème de malnutrition dans le secteur de l’éducation. La

raison invoquée est que les programmes en cours permettent la distribution des vivres et non

une prise en charge effective de la malnutrition. Ces dernières années, l’initiative engagée

dans le cadre du PDDEB avec le Consortium d’ONG apporte des innovations dans les actions

portant sur la malnutrition au niveau du secteur de l’éducation. Mais, le faible niveau des

Page 55: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

réalisations à cause des non décaissements et le fait que la zone d’intervention soit restreinte

par rapport au territoire national. Il faut que l’orientation politique dans ce secteur la nutrition

ne soit plus seulement adressée comme un moyen d’améliorer la qualité de l’éducation. Parmi

les enfants des écoles primaires figurent des malnutris sévères, modérés. Il faut que les

politiques et les initiatives sectorielles intègrent la malnutrition comme un problème à part

entière sur lequel des actions doivent être entreprises au profit du groupe cible.

Après ce tour d’horizon des politiques, programmes et projets sectoriels, force est de

reconnaître que le problème de la malnutrition n’est pas encore suffisamment bien comprise

et intégrée effectivement dans les secteurs clés. Dans aucun des trois secteurs abordés, la

malnutrition n’est perçue comme étant un problème spécifique de développement à adresser.

La nutrition est considérée comme un moyen pour réduire la mortalité maternelle, pour

accroître la qualité de l’éducation et pour augmenter la force productive de la main-d’oeuvre

agricole. L’absence d’une vision politique claire au niveau sectoriel et global se manifeste par

les tâtonnements observés au cours des décennies et la faible des actions entreprises. L’extrait

suivant, tiré d’une étude mandatée par le CILSS en 2007, conforte notre analyse des

insuffisances du contexte politique et des actions opérationnelles envisagées ou mises en

œuvre au niveau national. Cette analyse s’applique à toutes les politiques, y compris celle

relative à la nutrition.

« Force est de constater que toutes ces initiatives, en raison de leur grand nombre, de

leur diversité, et leur contradiction, sont parfois source de confusion. En effet,

l’accumulation de ces documents produit un ensemble diffus d’information ou de

directives, parfois redondantes et non systématiquement reliées entre elles. En Outre,

les différents ministères ne sont pas contraints de suivre les stratégies élaborées.

Rarement des bilans évaluations ont été réalisés pour appréhender les résultats

réellement atteints par rapport aux objectifs initiaux, parfois trop ambitieux, et les

leçons à tirer »15

Il se trouve que l’Etat burkinabé n’agit pas seul dans le domaine de la nutrition. Depuis les

indépendances, et surtout après la sécheresse de 1973, il bénéficie de l’appui d’une multitude

de partenaires (multilatéraux, bilatéraux et de la société civile) qui interviennent dans le

domaine de la nutrition. Ces interventions sont mises en œuvre directement sur le terrain ou

par l’intermédiaire de structures étatiques ou associatives. Le point suivant est consacré à la

présentation des interventions de quelques acteurs.

4.2 : Les interventions des organisations de la société civile et des PTF Il y a très peu d’associations nationales qui travaillent dans le domaine de la nutrition. Pour

cela, il y a un manque de partenaires de terrain pour les interventions au niveau

communautaire. Les quelques ONG et associations qui existent travaillent à très petites

échelles en se focalisant sur la sensibilisation et non pas sur la récupération qui est pratiquée

seulement par les organisations confessionnelles.

Quelques ONG internationales (Africare, CRS, CFD (ex-Save the Children USAID), Helen

Keller International, Plan International) interviennent dans le domaine de la nutrition. On

assiste aussi à l’arrivée de nouvelles structures (Aide et Action, Croix Rouge Belge, MSF

France) depuis l’an passé. Dans les lignes qui suivent nous présentons les actions menées par

15

CILSS, Profil de sécurité alimentaire, 2007

Page 56: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

les principaux PTF et certains de ces OSC au Burkina pour lutter contre la malnutrition depuis

les indépendances en commençant par l’expérience de l’UNICEF.

UNICEF

Les premières activités de nutrition ont commencé avant 1970, mais c’est en 1973, après la

famine causée par la sécheresse qu’elles vont prendre plus d’ampleur. UNICEF est le

principal partenaire à avoir soutenu les activités nutritionnelles en Haute-Volta depuis les

années 1970. Son appui s’est focalisé sur le secteur de la santé et a été décisif pour la

réalisation des premières activités dans le secteur sanitaire. Selon les témoignages, c’est grâce

à l’appui de l’UNICEF que l’intégration des nutritionnistes dans ce secteur a pu se faire. Il y

avait une sénégalaise du nom de Mariam Ngom qui s’occupait des activités de nutrition à

l’UNICEF. Elle était très dynamique et appuyait Martine Zio (une sage-femme) du Ministère

de la santé et Lingani du Ministère du Plan pour faire des tournées dans les départements pour

la mise en œuvre des activités de PMI.

C’est à cette époque que Dr Bourrier (installé à Yako) a créé les CREN qui ont été ensuite

vulgarisés au Mali et au Niger. La surveillance, l’éducation et la récupération nutritionnelle

constituaient les principales activités des CREN. C’est l’UNICEF qui a vulgarisé les CREN

dans le cadre d’une politique d’urgence pour récupérer les enfants touchés par la famine. Il y

en avait dans les régions de l’Est, du Plateau et du Sahel, mais pas dans l’Ouest. Tout tournait

autour de ces CREN. Il y avait un engouement des agents de la santé à cause des CREN.

Comme se souvient un ancien nutritionniste :

« Tout le financement venait de l’UNICEF. Les premiers camions basés avec l’insigne

de l’UNICEF ont été achetés à cette occasion. C’était les directions départementales

de la santé qui s’occupaient des activités » (extrait d’entretien).

Mais, si pendant cette période, l’accent a été mis sur les CREN, ils vont vite être abandonnés

car c’était des mesures d’urgence. Ces centres avaient été mis en place pour la récupération

nutritionnelle des enfants malnutris sévères. On s’est rendu compte après que dès que les

enfants sortaient des CREN, ils rechutaient et y sont ramenés. Cela a suscité des questions sur

l’efficacité des CREN qui ont été progressivement abandonnés. Actuellement, on constate une

revalorisation des CREN sans que des évaluations préalables ne soin faites pour tirer les

leçons du passé. Il y a des divergences de point de vue entre les professionnels de la santé à ce

sujet. Ces divergences portent aussi sur les méthodes de dépistage précoce des enfants

anémiés et sur le type de bouillie à servir aux nourrissons malades ou sains.

Après le départ de la Conseillère en nutrition de l’UNICEF, les activités ont connu un

ralentissement au début des années 1980 à cause de l’abandon des CREN. Les années 1990

ont été marquées par la préparation de la Conférence de Rome sur l’alimentation. Avec

l’appui de l’UNICEF, le Burkina a entrepris l’élaboration de son premier plan d’action sur la

nutrition. Pour la période 2006-2010, l’UNICEF est le chef de file des Partenaires Techniques

et financiers sur les questions de nutrition. C’est à ce titre qu’il a fait une sortie médiatique en

2006 pour attirer l’attention des autorités politiques sur les « clignotants rouges » concernant

la situation de la malnutrition et mobiliser les acteurs. Il s’agissait d’une démarche de

plaidoyer auprès du 1er

Ministre pour replacer la nutrition dans l’agenda politique. La sortie

médiatique de la représentante de l’UNICEF en 2007 a suscité une vive réaction du

gouvernement concernant les constats faits sur la gravité de la situation de la malnutrition au

Burkina Faso. Cet incident a permis d’amorcer actuellement un dialogue entre le

Page 57: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

gouvernement et les PTF (OMS, UNICEF, PAM, HKI) sur la situation de la malnutrition dans

le pays.

L’UNICEF se charge de l’acquisition des micronutriments pour le Burkina en utilisant son

circuit d’approvisionnement au niveau international. Avec l’appui de l’UNICEF et de l’OMS,

la Direction de la nutrition a élaboré un protocole de prise en charge des enfants malnutris à

l’intention des infirmiers et des sages-femmes travaillant au niveau des formations sanitaires.

Des formations sur l’utilisation de cet outil sont en cours. L’UNICEF a financé l’élaboration

de la politique nationale de nutrition (PNN). Son appui à la lutte contre la malnutrition va se

renforcer au cours des prochaines années avec une forte croissance de son budget consacré à

la nutrition au Burkina Faso qui passe de 2 millions $ en 2007 à 4,5 millions $ en 2008. Cette

augmentation substantielle du budget alloué est expliquée par le fait qu’il y a une plus grande

attention accordée à la question de la nutrition au plan international. Ce momentum

international qui a manqué pendant des décennies est maintenant une réalité. Cela facilite la

mobilisation des ressources pour les pays touchés comme le Burkina Faso.

La FAO est une autre des agences du Système des Nations Unies qui joue un rôle clé mais

discret dans le domaine de la nutrition au Burkina Faso.

FAO

C’est la FAO qui a octroyé les bourses d’études aux premiers nutritionnistes voltaïques qui

ont été formés dans les années 1970, et cela suite un plaidoyer du gouvernement et des

responsables du Ministère de l’agriculture. C’est la raison pour laquelle, les premiers

diplômés travaillaient au niveau du ministère de l’agriculture. L’appui de la FAO s’est

poursuivi depuis lors à travers des appuis techniques ponctuels pour l’élaboration des

politiques sectorielles agricoles et des missions d’assistance technique de courte durée dans le

domaine de la nutrition

Elle continue encore de donner un appui technique au Burkina dans le domaine de la

recherche à travers l’envoi régulier de consultants pour appuyer les services techniques du

Ministère de l’agriculture qui en font la demande. Par exemple, la DGPSA a requis un appui

technique d’un consultant à la FAO pour aider à la préparation de l’enquête nutritionnelle

nationale qu’elle va réaliser au cours de l’année 2008. L’atelier de réflexion sur la

méthodologie à utiliser dans le cadre de cette enquête a eu lieu il y a deux semaines avec la

participation effective du consultant.

La Direction nationale de la nutrition qui est partie prenante de l’initiative de l’enquête

s’oppose à l’envoi de consultants étrangers pour donner des appuis à la DGPSA en indiquant

la disponibilité d’experts au plan national pour donner ce genre d’appui.

PAM

Présent dans le pays depuis les années 1960, le PAM a toujours joué un rôle de premier plan

dans l’aide alimentaire d’urgence aux populations sinistrées en raison de catastrophes

naturelles. Il intervient aussi dans l’appui aux groupes vulnérables par le biais de son projet

dénommé « Projet assistance aux groupes vulnérables »

Le PAM intervient dans cinq régions : le Sahel, le Centre-Nord, l’Est, le Sud-Ouest

Les publics cibles de son principal projet sont les suivants :

- Les enfants de moins de 3 ans ;

- Les femmes allaitantes et modérément malnutries ;

Page 58: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Son activité consiste à donner un appui alimentaire aux structures qui font la réhabilitation.

Plus de 500 Centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) ont été appuyés dans les cinq

régions couvertes par le projet. L’activité porte sur la supplémentation en micronutriments et

en apport alimentaire sous forme de vivres. Le PAM finance le « Projet d’intervention

Prolongée de Secours et de Redressement » (IPSR, 2007-2008) d’un budget de 9 902 056 000

FCFA, ainsi que le Projet d’assistance aux groupes vulnérables en partenariat avec la

Direction de la Nutrition..

Le PAM est l’un des acteurs les plus engagés actuellement dans la promotion de la nutrition

au Burkina Faso. Il figure parmi les chefs de file des PTF dans ce domaine. Depuis 2006, le

PAM participe au dialogue politique mené avec le gouvernement aux côtés de l’UNICEF, de

l’OMS et de HKI. Le dialogue politique porte sur le plaidoyer en faveur d’une plus grande

considération de la nutrition parmi les priorités du développement national et la concertation

entre les différents acteurs avec la partie nationale pour l’harmonisation des actions menées

dans le pays. C’est à ce titre qu’ils ont réalisé l’évaluation conjointe de la situation

nutritionnelle en partenariat ave les partenaires étatiques (DN, DGPSA). Un plan d’action

conjoint des Partenaires Techniques et financiers été élaboré. Sur la base de ce Plan d’Action,

le PAM a élaboré son Plan d’Action actuel sur la prévalence de la malnutrition aiguë (2007-

2008).

BANQUE MONDIALE

La Banque Mondiale est doute le plus grand partenaire financier du Burkina Faso dans

l’histoire de la nutrition dans le pays. Elle accorde de l’intérêt au secteur depuis la fin des

années 1970 en mandatant une étude sur l’état des lieux. Mais, c’est au début des années 1990

que l’intervention de la Banque s’est matérialisée par le financement de deux grands projets

déjà présentés ci-dessus :

- Le Projet de sécurité alimentaire et nutrition (1990-2000) doté d’une composante

nutrition dont le budget était de 1,4 millions USD. Ce projet a été piloté par le

Ministère de l’agriculture.

- Le Projet de développement de la santé et la nutrition a couvert la période de 1995 à

2001. Une portion de 12% du budget du projet était consacrée à la nutrition.

- A travers sa participation au financement du PDDEB, la Banque contribue avec les

autres PTF membres du panier commun au financement des activités nutritionnelles

dans le secteur de l’éducation de base.

Bien que n’ayant pas joué un rôle de premier plan dans le dialogue politique avec le

gouvernement, la Banque a mandaté plusieurs études ces dernières années pour collecter des

informations sur la situations nutritionnelle dans le pays. Ces éléments ont contribué à la

formulation du programme d’appui en cours de discussion avec le gouvernement. L’appui de

la Banque est susceptible de stimuler d’autres partenaires à financer la nutrition au Burkina

Faso.

Helen Keller International (HKI)

HKI est une ONG Internationale d’assistance technique qui intervient dans les domaines de la

nutrition, la lutte contre l’onchocercose et le trachome. Sur le plan institutionnel les

Ministères de la Santé, de l’Enseignement de Base et de l’Action Sociale restent les

principaux partenaires gouvernementaux.

L’ONG collabore aussi avec les agences internationales des nations unies (UNICEF, OMS,

FAO, OCP) et les ONG et associations diverses dont le Catholic Relief Services (CRS),

Page 59: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

l’Association Burkinabé pour la Promotion des aveugles et Malvoyants (ABPAM), les ONG

Save The Children US-FDC, Save The Children Pays-Bas (SCPB), l’Association Burkinabé

de Santé Publique (ABSP).

De 1988 à 1989, HKI a mis en œuvre son premier projet au Burkina Faso, portant sur la

supplémentation en vitamine A. Depuis 1999, HKI est de retour au Burkina et conduit un gros

programme appelé Initiative Micronutriments (enrichissement des huiles) financé par le

Canada. Il mène aussi activités des soins de santé primaire par l’éducation et sensibilisation

des mamans (hygiène, alimentation). Helen Keller International cible les carences en micro-

nutriments. Il apporte un appui financier et technique au ministère de la santé. Dans le cadre

du programme santé scolaire du PDDEB, HKI fait parti des trois ONG choisis pour la mise en

œuvre du programme dans les provinces.

AFRICARE

Africare met en oeuvre trois projets dans le Nord (province du Zandoma) et au Sud (province

du Houet). Dans la région Nord touchée par les problèmes de sécurité alimentaire, Africare

aide à la production d’aliments à haute valeur nutritive (niébé, voandzou, etc). L’accent est

mis sur les femmes et les enfants. Africare accorde également des micro-crédits aux femmes

et mène des activités d’alphabétisation à leur profit. Le deuxième projet est axé sur la santé

(nutrition, récupération et production de produits locaux pour améliorer l’alimentation).

L’ONG mène des actions de sensibilisation à travers l’IEC, notamment par des

démonstrations culinaires.

Après avoir constaté que le ciblage exclusif des femmes pour les interventions ne permettait

d’avancer rapidement, une nouvelle approche est maintenant expérimentée. Elle consiste à

impliquer les élus locaux, les chefs traditionnels et religieux et les dignitaires des villages. La

stratégie consiste à politiser le problème de l’alimentation pour amener les décideurs à se

sentir concernés et interpellés. Il organise différents concours (meilleur bébé, maman modèle,

etc) pour stimuler et sensibiliser les populations. Il vise ainsi à créer une émulation au niveau

villageois en comparant la situation des différentes localités. C’est ainsi que lors des concours

inter-villageois, les données sur l’état de malnutrition sont comparées et les responsables des

villages sont interpellés sur les saisons profondes d’une telle situation.. Année après année, les

taux de prévalence sont ainsi présentés publiquement aux communautés villageoises qui en

font une question de fierté. Les élus locaux sont aussi concernés par l’évolution des taux de

malnutrition qui illustrent l’état de bien-être de la population. Ils sont ensuite responsabilisés

pour trouver des solutions avec les communautés.

NUTRI-FASO

Le projet NUTRI-FASO communautaire est mis en œuvre par le Groupe de Recherche et

d’Echanges Technologiques (GRET) de France en partenariat avec l’Association Burkinabé

pour la Nutrition et la Sécurité Alimentaire (ANSA-B) et l’Institut français de Recherche pour

le Développement (IRD). Ce projet pilote s’adresse aux enfants de 6 mois à 2 ans et aux

femmes anémiées et en âge de procréer. Le projet se focalise sur quatre volets :

1- Dans la Province de la Gnagna (Bogandé), il travaille sur l’éducation nutritionnelle en

développant et en testant des outils d’éducation, des images, du Théâtre et création de

Conseil villageois de nutrition pour des visites à domicile et la vente à proximité des

aliments..

2- Appui à quatre unités de production de farine infantile pour mettre au disposition

d’aliments qui sont produits localement, qui sont moins coûteuses et respectent les

normes internationales (comme phosphatine, blédilac)

Page 60: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

a- Fabrique la tartine énergétique qui est vendue à 250f/400g pour une semaine, pour un

enfant de 6 mois à raison de 35g/repas.

b- Production d’un complément alimentaire composé d’enzymes, de minéraux, de

vitamine et de soja pour enfant. 75f pour 2 semaines

c- Aliments pour femmes enceinte et allaitantes ou en âge de procréer. Pain de singe plus

sucre plus CMV (complément minéral et Vitaminique en test).

3- Le projet travaille avec les services de santé pour le suivi des enfants et produit des

affiches à l’intention des analphabètes. Il fait aussi la confection de dépliants (en cours

d’amélioration) qui vont être traduits en moré et en goulmatchéma.

4- Nutri-Faso, est l’un des rares intervenants à travailler avec les entreprises (SODEPAL,

MUSOLA) urbaines qui fabriquent des farines. Il leur donne l’appui technique

(composition nutritionnelle et fourniture en enzyme et minéraux, mesures d’hygiène) pour

mettre au point de nouveau produit en accompagnant le marketing pour la mise en marché

des produits et le placement dans les supermarchés. Nutri-Faso veille s’occupe de

l’assurance qualité des produits vendus. Il travaille aussi avec les vendeuses de bouillie

au bord des rues (Dapoya et Wemtenga), dans les écoles, CSPS, etc.

CRS/ BF

Le Catholique Relief Services (CRS) est une ONG créée en 1943 par la Conférence

Episcopale des Evêques Catholiques des Etats-Unis. Il a pour mandat, d’aider les plus pauvres

des pauvres, de soutenir des actions pour le développement intégral de l’homme, de

promouvoir la justice, la paix et la solidarité globale. Plus connu sous le nom de Cathwel,

CRS/BF intervient au Burkina Faso depuis 1960, sur invitation des responsables de l’église

catholique. Une convention d’assistance alimentaire lie CRS/BF au gouvernement (cf.

convention du 16 août 1960, entre le Gouvernement de la République de Haute Volta, et le

"Catholique Relief Services of the National Catholique Welfare Conference").

Entre 1962 et 1998, CRS a été le principal pourvoyeur d’aide alimentaire pour les cantines

scolaires sur l’ensemble du territoire burkinabé. Il a du reste géré les interventions menées

dans ce domaine pendant des décennies avant de céder la responsabilité à l’Etat en 1988.

Depuis 1999, CRS effectue un nouveau ciblage de ces activités en réduisant sa zone

d’intervention qui couvrait tout le pays (45 provinces) à 8 provinces pour la période 2004-

2009. La priorité est maintenant mise sur les provinces les plus nécessiteuses.

Dans le domaine de la santé, CRS a conduit un programme d’aide humanitaire dans les

formations sanitaires (paroisses, CREN, hôpitaux) en apportant une aide alimentaire entre

1970 et 1985. Mais le programme n’a pas eu une bonne appréciation au niveau du secteur de

la santé où il est considéré comme un facteur perturbateur dans les fréquentations des

formations sanitaires. Utilisée au départ comme un moyen pour attirer les mères avec leurs

enfants malnutris dans les formations sanitaires, la distribution des vivres a été ensuite

critiquée comme étant à la base de l’échec des activités des CREN. Les mères venaient aux

consultations pour les vivres et n’écoutaient pas les conseils correctement. Une forte

proportion des enfants malnutris sévères rechutaient quelque mois après leur sortie des CREN

et étaient ramenés dans les formations sanitaires pour des soins. A cause des critiques, le CRS

a arrêté son appui au CREN et aucun donateur n’a pris la relève. Depuis lors, les activités de

récupération ont été négligées et abandonnées. .

De 1999-2001, le CRS a mis en œuvre un programme axé sur l’alimentation et la santé

scolaire. Ce programme propose un paquet de services : sensibilisation, santé scolaire,

formation des Association des mères et des pères éducateurs, éducation des filles).

Page 61: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

L’intervention de CRS au niveau de la santé scolaire commence à prendre de l’ampleur ces

dernières années. En plus de la santé scolaire, un volet VIH/sida est mis en œuvre à

Ouahigouya. Il développe actuellement un projet nutritionnel d’urgence pour la région de

Kaya.

MSF France

Après des missions exploratoires en mai 2007 pour évaluer les besoins et confirmer les

constats des autres partenaires, MSF France est installé au Burkina il y a moins d’un an dans

les District de Lorum (5 CSPS) et du Passoré (10 CSPS). Le choix des sites a été fait en

fonction de la disponibilité des besoins et des zones ayant des CMA et sans CREN.

MSF France utilise une approche de recherche et diagnostic simplifié et de la malnutrition

développée au Niger en 2005. Il a développé aussi un système ambulatoire qui permet à la

maman d’emporter les traitements après les soins rapides pour continuer l’administration à

domicile. L’hospitalisation et le soin intensif ne sont utilisés que quand l’enfant est malade.

La malnutrition est traitée à la maison avec un système de soin ambulatoire et un suivi de 5 a

6 mois. Ils bénéficient d’un complément nutritionnel. Il travaille avec les agents de santé

communautaire qui sont dotés de périmètre brachial pour identifier les enfants malnutris et les

référer aux formations. L’ONG fait actuellement face à une forte demande dans ces zones

d’intervention et envisage passer des visites hebdomadaires à une visite annuelle. Il reconnaît

cependant la nécessité d’une approche intégrée.

« On peut et sait soigner, mais c’est une solution partielle au problème. En cas de

sécheresse, on peut reculer. L’évolution du pouvoir d’achat est essentiel, mais on n’a

pas les moyens pour s’attaquer à tous les problèmes. Nous on soigne seulement les

enfants. On a quelques cas de rechute. Le contexte reste le même et les facteurs a la

base du problème agissent continuellement. Nous, on peut soigner et on sait apporter

cette réponse. Mais ce n’est pas définitif. Il faut changer tout l’environnement. Les

échanges des aliments entre pays, et une bonne gestion des stocks alimentaires

s’imposent ».

Que retenir de la contribution des OSC et des PTF dans le domaine de la nutrition ? Pendant

des années ces organisations ont mené des actions éparses et de courtes durées dans diverses

régions du pays. La tendance actuelle est à la coordination des actions entre PTF et OSC,

même si certains nouveaux arrivants n’intègrent pas les mécanismes de coordination. On n’en

est pas encore au panier commun pour les financements de projets conjoints. De même, les

approches et stratégies ne sont pas encore harmonisées en l’absence d’une orientation

nationale qui balise le champ d’action. Pourtant, l’arrivée de plusieurs ONG internationales

avec des méthodes de travail différentes exige que la coordination nationale et le suivi-

contrôle soient exercés effectivement par la DN. Le constat suivant fait dans la politique

nationale sanitaire s’applique parfaitement à ce qui ce passe dans le domaine de la nutrition :

« La principale difficulté inhérente à la coopération avec les partenaires est

l'insuffisance de la coordination des interventions. Chaque partenaire a son

domaine d’intervention et parfois sa zone de prédilection et le territoire se

trouve balkanisé. Certains partenaires sont réticents à suivre les orientations

nationales. Ainsi, le ministère de la santé n'a pas une vue d'ensemble des

différentes interventions à cause des multiples portes d'entrée ; les cadres de

concertation existants ne fonctionnent pas de façon satisfaisante. Il en résulte

une difficulté d'agencement des activités, de capitalisation des acquis, de

Page 62: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

connaissance des ressources extérieures du ministère de la santé, toutes choses

qui diminuent l'impact des interventions » (PNS, 1999).

En conclusion, on assiste actuellement à des actions concertées de la part de quelques

partenaires (UNICEF, PAM, OMS, HKI, CRS, CFD), tandis que plusieurs ONG restent dans

une logique d’action isolée. Par exemple, chaque partenaire qui arrive fait une étude

diagnostique dans sa localité d’intervention alors que des études antérieures et récentes sont

faites par d’autres. L’autre préoccupation concerne l’arrivée massive de nouveaux acteurs

dont on ignore s’ils sont attirés pas les opportunités de financement existant au niveau

international ou si cela procède d’une volonté d’entreprendre des actions à long terme pour

venir à bout de la malnutrition dans le pays. Or, cette multiplicité des acteurs a comme

conséquence implicite l’éparpillement des ressources financières dans des actions de

saupoudrage sans durabilité des résultats. Cela ne garantit pas des actions de grande envergure

comme celles requises dans le cadre de la mise en œuvre de l’approche communautaire. Dans

l’ensemble, on constate une diversité des stratégies en fonction des acteurs, mais aussi des

actions ponctuelles et sans complémentarité et continuité entre les partenaires.

Les efforts de concertation et de dialogue politique unifié entre les partenaires et la

gouvernement ont débuté il y a moins de cinq ans. On peut retenir que malgré les efforts de

concertation faits par quelques partenaires, il reste encore un grand nombre d’ONG et de PTF

qui agissent isolement. C’est pourquoi, pour être efficace, la concertation doit se faire à

plusieurs niveaux : Le premier niveau concerne les partenaires multilatéraux, bilatéraux et des

ONG internationales déjà installées dans le pays. Le deuxième niveau s’applique aux

organismes régionaux (basés à Dakar) dont les initiatives peuvent contribuer à perturber les

actions entreprises au plan local (ex : Programme ECHO de l’Union Européenne). Les

financements alloués par ces organismes régionaux permettent à de nouveaux acteurs de la

société civile internationale d’arriver massivement sur le terrain avec leurs propres approches

et stratégies qui ne respectent pas les mécanismes déjà mis en place par les PTF et le

gouvernement pour canaliser les interventions.

Le troisième niveau de concertation concerne l’interface avec l’Etat représenté par la

Direction de la Nutrition. Tous les partenaires interrogés sont unanimes sur les difficultés de

communication et de collaboration avec la DN sans pour autant pouvoir dire exactement

quelle en est la raison explicative. Etant donné que la DN est incontournable au plan national,

le défi majeur est de trouver des façons de travailler avec elle de manière constructive et sans

préjugés. Cela est d’autant plus indispensable que la Direction doit définir les directives

nationales sur la base desquelles les partenaires doivent travailler, veiller à l’harmonisation

des approches et assurer la coordination et le suivi-contrôle et l’évaluation des actions menées

par tous les intervenants sur le territoire national.

Après avoir dressé ce tour d’horizon des politiques, des acteurs et de leurs interventions, nous

proposons maintenant d’aborder l’exposé des grandes tendances dans la trajectoire historique

de la nutrition au Burkina Faso depuis les indépendances jusqu’à maintenant.

4.3. Les grandes tendances dans la trajectoire de la nutrition au Burkina Faso

Commencée dans les années 1960, l’histoire de la nutrition au Burkina va connaître une

dynamisation progressive avec l’arrivée de spécialistes de haut niveau formés à l’extérieur.

Leur retour au pays a coïncidé avec la période de la crise alimentaire qui suivit la grande

sécheresse de 1974-1974. Ils ont pu entrer rapidement en action à cause de la situation

d’urgence. Le récit suivant donne un aperçu du démarrage.

Page 63: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

« Siri BOMANE était le doyen des nutritionnistes au Burkina. C’est lui qui a sollicité

l’aide de la FAO pour former des cadres nationaux dans ce domaine. Il a pu obtenir

des bourses d’études pour Bougnain Georges à Dijon en France, où à l’institut de

biologie appliquée à la nutrition, il obtint un diplôme d’ingéniorat en 1974. Une année

après Georges, Alfred SAWADOGO rentré au pays nanti d’un doctorat en nutrition.

En 1975, Georges Bougnain est nommé chef de la Cellule de nutrition, de l’économie

familiale et de la jeunesse rurale du Ministère de la santé. En 1977 Moumouni Jean-

Claude OUEDRAOGO et Yacouba COULIBALY ont intégré l’équipe. Après eux, est

venu YAMEOGO Cyrille. On formait une équipe beaucoup plus étoffée que celle du

ministère de la santé qui nous faisait appel et nous collaborions ensemble. Comme

activités, nous donnions sur deux semaines des cours en nutrition aux techniciens

agricoles en formation à Matourkou et dispensions des formations en transformation

des produits alimentaires.

Mais, un évènement majeur va compromettre les efforts entrepris par les nutritionnistes pour

doter le pays de sa première stratégie dans le domaine de la nutrition.

4.3.1. Tournant 1 : Le faux départ

Dans le récit suivant que relate un des anciens nutritionnistes, on détecte le premier tournant

majeur dans l’histoire de la nutrition au Burkina Faso.

« En 1979, il y a eu la mise en place de la commission interministérielle (agriculture

et santé) pour l’élaboration et la mise en marche de la stratégie nationale en matière de

nutrition et d’alimentation. La stratégie avait pour objectif de permettre aux deux

ministères (agriculture et santé) de piloter les activités de nutrition et d’alimentation.

Mais l’initiative n’a pas été loin. Les querelles de clocher, d’écoles, de leadership,

chacun voulant contrôler le projet ont fait échouer l’initiative».

Le fait de n’avoir pas pu élaborer cette première stratégie nationale marque le premier

tournant dans l’histoire de la nutrition au Burkina Faso. Après cette tentative manquée, un

document d’orientation nationale sur la nutrition n’a plus été développé au Burkina Faso

jusqu’en 1993, soit plus de vingt ans après. Or, il ressort des entretiens avec les personnes

ressources que les nutritionnistes des deux ministères étaient d’accord pour créer une structure

nationale unique de la nutrition. Malheureusement, leurs supérieurs hiérarchiques ont refusé.

Cet échec a jeté les bases de la séparation du volet nutrition des deux ministères et compromis

les chances ultérieures de l’intégration transversale de la nutrition dans les politiques

nationales. Les efforts ultérieurs pour une collaboration transsectorielle n’ont pas abouti

jusqu’aujourd’hui. La création de deux cellules de nutrition, l’une au sein du Ministère de

l’agriculture et l’autre au sein du Ministère de la santé, constitue un fait marquant, car elle

consacre la division des ressources humaines entre les deux ministères. Elle crée les

conditions de base de l’émergence de deux visions séparées et dominantes de la nutrition dans

le pays. C’est du moins ce qui ressort des différentes expériences qui ont été tentées par la

suite.

« Pour ne pas rompre totalement notre collaboration avec le ministère de la santé, nous

invitions les agents de ce ministère lors de nos formations pour qu’ils animent des

questions liées aux maladies tels la diarrhée, le paludisme etc. Notre service qui

s’appelait à l’époque Service de Technologie Alimentaire et de Nutrition (STAN) était

le premier à s’occuper de la nutrition au Burkina Faso (anciennement Haute-Volta).

Page 64: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Aujourd’hui le service porte le nom de Service de Technologie Agro-alimentaire

(STA) depuis 2007. On s’est battu mais en vain pour conserver le volet nutrition mais

nos supérieurs hiérarchiques ont maintenu « agro-alimentaire », imputant de notre

ressort les aspects liés aux produits ligneux, laitiers etc.» (extrait d’entretien)

Pourquoi avoir refusé la création d’une structure unifiée ayant un plan stratégique, si c’était

pour supprimer l’année suivante, c’est-à-dire en 1980, la Cellule de la nutrition du ministère

de la santé lors de la création du service de santé maternelle et infantile? La Cellule de

nutrition du ministère de la santé a été transformée et la nutrition noyée dans d’autres

préoccupations suite aux changements de dénominations de la structure en charge de la

nutrition. Le premier pas a été l’adoption de la Santé maternelle et Infantile par le Ministère

de la santé. La SMI cible exactement les mêmes groupes sociaux que la nutrition que sont :

les femmes âge de procréer (15-49 ans) les femmes enceintes et allaitantes, les enfants à

risque (malnutris, prématurés, orphelins). La nutrition figurait parmi les services qu’offre le

programme de SMI. Il s’agissait d’une nouvelle approche d’intervention qui englobait la

nutrition. Cela fait dire que la nutrition a été phagocytée par la SMI.

L’explication donnée pour ce changement est que la SMI a été promue politiquement comme

étant une approche globale de prise en charge intégrée de la santé de la mère et de l’enfant.

Elle était plus attractive pour les spécialistes de la santé qui se retrouvaient ainsi dans des

terrains connus avec la nutrition comme un aspect parmi tant d’autres à adresser.

Ainsi donc, si la création de la Cellule Nutrition en 1975 semblait traduire l’expression une

volonté politique, on s’aperçoit que, le Ministère de la santé a pris le leadership institutionnel

sur le sujet au détriment de l’agriculture, mais il n’a pas mis en place un dispositif adéquat

pour accueillir et aider les jeunes diplômés à s’organiser et s’intégrer professionnellement. Ils

se sont retrouvés dans le feu de l’action à cause de la situation d’urgence consécutive à la

crise alimentaire de la fin des années 1980. Ils n’ont pas eu le temps et le recul nécessaire

pour travailler à la création d’un corps de métier auparavant inexistant et pour valoriser leur

discipline auprès des décideurs politiques et de l’opinion publique. Ils devaient lutter pour la

valorisation de leur expertise au sein du ministère, la création de leur métier, leur insertion

professionnelle et l’amélioration de leurs conditions de travail. Etant sans statut dans la

fonction publique, ils ont dû plus se battre pour la reconnaissance de leur corps de métier.

Avec la suppression de la Cellule de Nutrition en 1980, la suite de la bataille du corps de

métier s’est jouée au détriment des nutritionnistes. Les modifications institutionnelles

ultérieures ont contribué à renforcer la régression de la nutrition au sein du ministère de la

santé et remettre en cause quelque peu la pertinence de l’existence du service qui a été récréé.

Un cadre du Ministère dit qu’il est même arrivé un moment où les responsables se sont

demandés s’il ne fallait pas supprimer purement et simplement la nutrition dans

l’organigramme du Ministère de la santé. La raison principale est que, jusqu’à la fin des

années 1980, le Service de nutrition avait de petits projets financés par l’UNICEF, l’OMS,

HKI et Medicus Mundi. Mais, il n’était qu’un appendice dans l’organigramme du ministère

de la santé. Après l’échec de la tentative d’élaboration d’une stratégie nationale concertée, on

va assister de 1970 à 1990, soit sur une période de deux décennies à l’absence d’autres

initiatives d’élaboration de documents de politiques ou de stratégies nationales en nutrition.

C’est une longue période d’errance et d’improvisation dans les activités, selon les

opportunités de financement qui se présentent du coté des bailleurs de fonds. Mais ces

derniers non plus n’ont pas travaillé à la consolidation de l’engagement politique. Ils se sont

Page 65: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

contenter d’entreprendre de petits projets pilotes ou à petite échelle (Cf. liste de projets en

l’annexe).

On peut dire que la nutrition a survécu à cause des petits projets que les donateurs ont eu à

financer. Mais ce n’était pas suffisant pour changer la situationnelle nutritionnelle dans le

pays. Ces actions ne s’inscrivaient pas dans la durée et on a assisté à une régression

significative des activités nutritionnelles sur le terrain jusqu’au début des années 1990. Cette

phase est donc un échec global dont la responsabilité est partagée par les décideurs au niveau

des deux ministères clés (santé et agriculture), des nutritionnistes et des partenaires techniques

et financiers. Tous ces acteurs se sont focalisés sur les réformes du système de santé et la

revitalisation des structures de santé et pas assez sur les activités de nutrition dont

l’intégration dans les politiques n’a pu se faire...

L’épineuse question des ressources humaines

En 1978, le Burkina comptait cinq (5) nutritionnistes repartis dans deux ministères. Selon les

règles de la Fonction publique, il n’y a pas de statut spécifique pour un corps de moins de 10

personnes. Il a fallu attendre 1990 pour que le corps des nutritionnistes soit créé au sein de la

fonction publique burkinabé. L’inexistence d’un corps constitué, légalement reconnu, a

favorisé des désagréments et des frustrations pour les spécialistes. Tantôt assimilés au

personnel médical, tantôt à celui de l’action sociale, ils ont le sentiment de ne jamais avoir des

conditions de travail fixes. C’est l’avis d’un des interviewés qui dit ce qui suit :

« Nos indemnités sont allouées ou supprimées sans qu’on ne puisse rien faire pour

éviter cela, au gré des humeurs de ceux qui ont le pouvoir de décider. On a passé le

temps à faire la bataille pour la reconnaissance du corps des nutritionnistes. Jusqu’à

maintenant, ça continue. Ce n’est pas du tout motivant. C’est pourquoi on quitte pour

aller où c’est mieux »

On s’aperçoit qu’aux lendemains des indépendances, l’Etat n’a pas investi dans la formation

de nutritionnistes. Il y avait alors un manque de spécialistes pour travailler dans le pays et peu

de nutritionnistes au niveau des régions et des provinces. C’est d’ailleurs sur initiative

personnelle que les premiers diplômés ont été formés en recherchant des bourses d’études à

l’extérieur. Pour remédier à ce problème, l’état a procédé à un recrutement de personnes sous-

qualifiées pendant la révolution. Cela a contribué à dévaloriser d’avantage le métier aux yeux

des médecins, exacerbant les conflits entre les deux corps.

La dévalorisation institutionnelle de la nutrition comme une thématique spécifique et

autonome a servi en même temps d’occasion pour disqualifier les nutritionnistes. Ils avouent

avoir été victimes de l’hostilité et du rejet des médecins qui contestaient la valeur et

l’équivalence de leurs diplômes respectifs. Les médecins contestaient aux nutritionnistes leurs

prétentions salariales car ils considéraient leur diplôme de doctorat comme étant de moindre

valeur. Etant plus nombreux et occupant les postes de décision au sein du Ministère de la

santé, ils ont pu faire prévaloir pendant longtemps leur vision des choses. Face à cette

situation, les spécialistes ont préféré démissionner et aller sous d’autres cieux plus favorables.

On assiste alors au début de la déperdition des ressources humaines. Certains nutritionnistes

ont préféré quitter le Ministère de la santé pour des postes dans les organismes internationaux

ou d’autres sont retournés aux études doctorales pour pouvoir avoir le même niveau que les

médecins a sein de l’institution

Page 66: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays, au Burkina Faso les ONG et

associations n’ont pas constituer une ressource palliative au manque de ressources humaines..

La raison essentielle est que les gens percevaient la nutrition comme une activité très

technique qui ne pouvait être pratiquée que par les spécialistes ou le personnel de santé. Cela

est dû au fait que les actions menées ont pendant longtemps porté sur la récupération des

enfants malnutris et la supplémentation en micronutriments (vitamine A, fer, iode) et pas

assez sur l’éducation nutritionnelle et les activités communautaires. Il semble cependant que

cette situation de léthargie ne soit pas spécifique au cas du Burkina Faso :

« Ce n’est pas lié au pays mais, le contexte du développement a fait que la nutrition a

été oubliée par tout le monde que ce soit les PTF, les OSC, le gouvernement. Avant la

nutrition était oubliée sur 10, 15 à 20 ans. La problématique de la nutrition n’était pas

inscrite dans les politiques nationales et dans les priorités des bailleurs malgré les

enquêtes périodiques depuis l’EDS de 1993 montrant que la situation la situation est

critique et se dégrade pour tous les indicateurs. Il y avait de l’information qui montre

le dépassement des seuils critiques. Malgré cet état des faits, il n’y a pas eu de réaction

de personne » (extrait d’entretien).

Au début des années 1990, on assiste à une nouvelle dynamique de la nutrition au plan

international. Cela a eu une répercussion significative au Burkina Faso.

4.3.2. Tournant 2 : La relance manquée

Dans le cadre de la préparation de sa participation à la Conférence Internationale sur la

Nutrition, le Burkina Faso a mis sur pied une commission interministérielle pour élaborer le

document de diagnostic pays sur la situation de la nutrition qui devait être présenté à

l’occasion. C’est avec l’appui de l’UNICEF, que l’élaboration de ce document a été faite. La

recommandation de la Conférence était la suivante :

« Nous nous engageons à faire en sorte que les politiques et programmes de développement

débouchent sur une amélioration durable du bien-être de l'homme, respectent l'environnement

et permettent d'améliorer la nutrition et la santé des générations présentes et futures. Les rôles

multifonctionnels de l'agriculture, notamment pour ce qui concerne la sécurité alimentaire, la

nutrition, l'agriculture durable et la conservation des ressources naturelles, sont

particulièrement importants à cet égard. Nous devons adopter, aux niveaux des familles, des

ménages, des communautés, des pays et de la communauté internationale, des politiques et

des programmes économiques et sociaux cohérents en matière d'agriculture, d'élevage, de

pêche, d'alimentation, de nutrition, de santé, d'éducation, de démographie, de défense de

l'environnement, qui soient propres à assurer et à maintenir un rapport équilibré entre la

population et les ressources disponibles, et entre les zones rurales et urbaines ». (Article 6,

Déclaration Mondiale sur la Nutrition, 1992).

Le Burkina Faso a ratifié cette Déclaration et après la Conférence, la commission

interministérielle a élaboré le Plan national d’action sur la nutrition (PNAN). L’atelier de

validation du PNAN a eu lieu en 1995 et le Ministère de l’agriculture a été identifié pour

l’ancrage institutionnel du PNAN. La raison essentielle est que la Conférence Internationale

sur la Nutrition a été organisée par la FAO et le Ministère de l’Agriculture qui est son allié

naturel a piloté la démarche au niveau du Burkina. Après la finalisation du document de plan

d’action national, il n’a pas été soumis rapidement pour adoption en Conseil des Ministres en

raison d’un problème de procédures administratives. La Centre National de Nutrition était

intégré au Ministère de la santé et le PNAN dont il a la responsabilité technique est déclaré

Page 67: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

être sous la tutelle du Ministère de l’agriculture. Ce double ancrage n’a pas été résolu par la

mise en place d’une structure conjointe de pilotage, car la Commission interministérielle qui a

travaillé à l’élaboration du PNAN a été dissoute aussitôt après la fin des travaux. Jusqu’en

1999, les deux ministères n’ont pas pu introduire le PNAN en Conseil des ministres pour

adoption.

En 2000-2001, le PNAN a été révisé pour prendre en compte les nouvelles préoccupations en

matière de santé publique qui ont un lien avec la nutrition. Il s’agit du VIH/Sida, des OGM,

des maladies émergentes non transmissibles liées aux habitudes alimentaires, etc. Le

Ministère de l’agriculture a été maintenu comme ancrage institutionnel du PNAN révisé.

C’est a cette époque que sur financement de l’OMS, les spécialistes de la nutrition au Burkina

ont été mobilisés pour l’élaboration du Profiles du pays, calculé sur la période d’ici 2010. Le

Profiles fait ressortir les conséquences de la malnutrition sur la survie, la santé, le

développement intellectuel et la productivité macro-économique. Aussi bien les

nutritionnistes de la santé que de l’agriculture ont été impliqués dans cet exercice. Ils ont

ensuite rédigé un document de plaidoyer et de dialogue politique intitulé « La nutrition, clé

du développement humain durable ».

Cette initiative a impliqué les nutritionnistes du pays et des partenaires d’autres ministères

ainsi que les médias. Le document Profiles Burkina a été présenté au Ministre de la santé

(Pierre Tapsoba) en 2001. Il a été sensibilisé par la présentation et a demandé séance tenante

ce qu’il fallait faire pour répondre au problème. Des propositions ont été faites parmi

lesquelles figurent :

- l’adoption du PNAN en Conseil de ministres

- le recrutement de nouveaux agents pour le Centre National de Nutrition

- la transformation du CNN en Direction de la Nutrition (DN).

Le Ministre a mandaté une équipe pour réfléchir sur la restructuration du Ministère de la

santé. Parmi les options à l’étude figuraient la création de nouvelles directions pour résoudre

des problèmes de visibilité constatés pour un certain nombre de thématiques, dont la nutrition.

A cause de son impact évident sur la décision d’adopter le PNAN et de créer la DN, le

Profiles est considéré comme un tournant dans l’histoire de la nutrition au Burkina Faso. Tous

les participants à l’élaboration du Profiles et du plaidoyer considèrent la création de la

Direction de la Nutrition comme un résultat de la sensibilisation réalisée auprès de la haute

hiérarchie du ministère de la santé. Elle traduirait de l’avis de plusieurs, la volonté politique

du gouvernement pour donner à la nutrition une plus grande importance dans le pays. Selon

eux, cela est confirmé par l’adoption concomitante du PNAN par le gouvernement et la

décision du Ministère d’accéder à la demande de recruter de nouveaux agents. Effectivement,

les récits concordent sur le fait que le plaidoyer mené dans le cadre du Profiles a pu inciter les

responsables du ministère à procéder aux changements institutionnels et à l’adoption du plan

d’action. Ils ont aussi approuvé le renforcement des capacités de la structure par le

recrutement de nouveaux agents.

D’autres facteurs explicatifs du changement institutionnel ont été avancés par les hauts

responsables du Ministère de la santé. Selon eux, il y a eu un remaniement ministériel qui a

vu le départ du Ministre Tapsoba à qui le Profile a été présenté. Dans le cadre de la réforme

de l’organigramme du Ministère intervenu après le remaniement ministériel de 2001, le

Ministre entrant a approuvé l’érection du Centre National de Nutrition en Direction de la

Nutrition. Pour l’inspecteur général des services du Ministère de la santé, il s’agit d’une

Page 68: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

réorganisation interne basée sur le constat de l’invisibilité de la nutrition au sein du Ministère.

A son avis, le positionnement du Centre de Nutrition comme un service de la DSF masquait

complètement ses activités et en freinait le développement. Cette position limitait aussi ses

possibilités de participation à la prise de décision au niveau interne et son pouvoir

d’interaction avec les partenaires externes pour la coordination des activités de nutrition. Il

donne comme exemple le fait que le CNN n’ait pas fait partie du Conseil de suivi de

l’élaboration du PNS et du PNDS. L’absence des nutritionnistes dans ce Comité explique la

faible prise en compte de la nutrition dans ces documents de politique. Seules les directions

étaient représentées dans ce Comité et le Centre de nutrition étant un service ne pouvait pas y

participer. Comme on peut le voir, les récits explicatifs sont concordants quand aux

motivations du changement d’appellation. Au demeurant, tout semblait bien parti pour une

relance des activités nutritionnelles, avec un plan d’action transectoriel (le PNAN) approuvé

par le gouvernement. Il s’agissait cependant d’une relance manquée si on considère les faits

qui suivent.

En effet, des erreurs commises dans le processus de recrutement des ressources humaines

demandées naîtra une crise institutionnelle au sein de la DN aux conséquences encore

perceptibles et désastreuses pour la profession dans son ensemble. Elle s’explique par une

contestation des recrutements opérés après la transformation du Centre National de Nutrition

en Direction. Beaucoup d’anciens nutritionnistes s’attendaient à ce que de nouveaux agents

soient recrutés pour étoffer le personnel exerçant au niveau central au sein du Ministère dans

la perspective de la mise en œuvre du PNAN. Plusieurs des anciens nutritionnistes,

notamment ceux qui ont piloté le Profiles et qui sont en poste depuis une vingtaine d’années

dans le service, espéraient une promotion professionnelle. Ils s’attendaient à une nomination

basée sur le diplôme le plus élevé ou l’ancienneté au sein de la structure. Ils ont été déçus que

le recrutement ne concerne qu’un seul agent et que celui-ci soit promu deux ans après

Directeur de la nutrition. Cette démarche n’a pas respecté le principe cher aux médecins qui

veut que les postes de décision soient occupés par l’agent le plus ancien dans le grade le plus

élevé. Les mécontents y voient une situation de deux poids deux mesures au sein d’un même

ministère.

Il en résulte une crise profonde au sein du corps des nutritionnistes qui se manifeste sous

forme d’un conflit inter-générationnel, d’une suspicion entre les professionnels et d’une

déperdition des spécialistes. D’une dizaine de cadres dans les années 90, les effectifs de

nutritionnistes au sein de la direction sont tombés à trois spécialistes en 2005 dont un seul de

niveau DESS. En plus de la jeunesse de cette nouvelle équipe, il lui est reproché d’être moins

qualifiée et de manquer d’expérience. En effet, l’Etat a recruté de jeunes nutritionnistes

formés localement (niveau maîtrise) pour la DN, mais tous ceux qui ont participé au Profiles

ont soit démissionné ou été affectés à d’autres postes. Par ailleurs le fonctionnement de la

Direction ne s’est pas faite de façon optimale à cause de ce que d’aucuns considèrent comme

étant une centralisation excessive de sa gestion. Près de six ans après la création de la

Direction de la Nutrition, c’est en mars 2008 seulement que la nomination des directeurs de

service au sein de la Direction a été faite. Par ailleurs, les équipements du Laboratoire ont été

transférés au Laboratoire National de Santé Publique, laissant à la Direction de la nutrition

des techniciens sans matériel de travail.

Pendant que perdure cette crise du corps des nutritionnistes du secteur de la santé, la mise en

œuvre du PNAN (2001-2005) n’a pu se faire par manque d’initiatives concertées de

mobilisation des ressources. Le rôle du Ministère de l’agriculture comme structure d’ancrage

institutionnel du PNAN n’a plus été évoqué ouvertement pendant la mise en œuvre. A cause

Page 69: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

de tout ce qui précède, on peut reconnaître avec les partenaires au développement que le

Burkina Faso manque de capacités nationales pour conduire une politique dans le domaine de

la nutrition, même si plusieurs experts nationaux sont dans d’autres pays au compte des

organisations internationales et des ONG.

Dans ce contexte, on ne peut qu’apprécier à juste valeur, l’implication de la Direction de la

nutrition dans l’élaboration des Directives de planification des plans d’action des districts

sanitaires dans le cadre de la mise en œuvre du PADS. Grâce à cette implication active, on

constate le début d’une prise en compte notable de la nutrition dans les activités proposées par

les districts sanitaires. Malgré ces acquis, des problèmes de fonds se posent encore et

constituent des défis à relever la Direction de la Nutrition. Ce sont :

- le manque de données fiables et régulièrement mises à jour sur la situation réelle

de la malnutrition dans le pays.

- l’adoption d’une politique sectorielle de la nutrition focalisée sur le secteur de la

santé

- l’expiration du PNAN (2001-2005) sans qu’aucun document de travail n’ait été

conçu pour le remplacer

- la faiblesse du leadership national dans le pilotage des actions des différents

acteurs, y compris des PTF multilatéraux et bilatéraux.

- l’absence d’interventions stratégiques de longue durée et à visée préventive

- le manque de dispositif de suivi-évaluation des actions entreprises par les

différents intervenants et de système de surveillance nutritionnelle optimal

- les problèmes de communication institutionnelle qui minent les efforts de

coordination des actions entreprises par les acteurs.

Cette tendance est cependant en passe de s’estomper au regard des faits qui se sont produits

depuis 2005 dans le pays, dans la sous-région et au niveau international. Ces évènements sont

les éléments constitutifs de ce qu’on pourrait qualifier de croisée des chemins pour la nutrition

au Burkina Faso.

4.3.3. Tournant 3 : La croisée des chemins

Entre 2005 et 2008, on a assisté à une accélération de la dynamique entourant les

interventions dans le domaine de la nutrition. La crise alimentaire au Niger est perçue comme

un déclencheur de cette dynamique dans la sous-région en général et au Burkina Faso en

particulier. Au moment de la crise, les partenaires techniques et financiers ont fait un

rapprochement entre la situation du Niger et du Burkina Faso en mettant en exergue le fait

que les deux pays soient enclavés au cœur de la zone sahélienne et sujets aux mêmes aléas

climatiques et à leurs conséquences. En tant que chef de file, l’UNICEF a mobilisé les autres

PTF et entrepris d’engager un dialogue avec les autorités politiques sur le sujet. Les décideurs

politiques ont été interpellés par les PTF (UNICEF en tant que chef de file des PTF) sur la

similitude de situation entre le Burkina le Niger voisin. La pression exercée par les PTF et la

communication menée sur le sujet ont fini par « irriter » la partie gouvernementale qui refuse

que le Burkina ne soit victime d’un battage médiatique similaire à celui subit par le Niger.

Depuis 2006, les PTF mènent un plaidoyer pour un engagement politique plus fort dans le

domaine de la nutrition au Burkina Faso. En somme, la crise du Niger a été un événement

important dans la prise de conscience du caractère alarmant de la situation nutritionnelle dans

les pays de la sous-région ouest-africaine, mais l’attention politique accordée à la nutrition est

le résultat de l’interpellation et la pression exercée par les bailleurs. C’est du moins ce qui

ressort de l’extrait suivant :

Page 70: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

« Le travail fait depuis 2006 a abouti à la reconnaissance de la problématique par le

gouvernement en Juillet 2007. C’est après beaucoup d’efforts de plaidoyer du système

des Nations-Unies, que le gouvernement en Juillet 2007 a inscrit la question de la

nutrition à l’ordre du jour des priorités. En 2007, il y a l’élaboration du protocole

national de prise en charge de la malnutrition et formation du personnel de santé ».

(extrait d’entretien)

Les motivations du changement d’attitude au niveau gouvernemental étaient complexes. Dans

un premier temps, il fallait contrer rapidement une médiatisation négative du Burkina Faso

par les chaînes de télévision internationales, advenant la publication des données dont

disposait l’UNICEF. Craignant que l’image du pays ne soit ternie par cette médiatisation

tapageuse et non basée sur des données fiables, les autorités ont réagi promptement en

contestant les données avancées. Dans un second temps, il fallait se faire une opinion propre

en faisant une mission sur le terrain. La mission conjointe gouvernement et PTF (2006) a

confirmé les données existantes. Dès lors, la nutrition est devenue une question très sensible

que les autorités politiques suivent avec attention. L’engagement politique en faveur de la

nutrition tend maintenant à devenir une réalité au Burkina Faso et un exposé périodique de

l’évolution du phénomène a été institué par les autorités politiques.

Dans le cadre du suivi de l’évolution du phénomène un rapport a été présenté en conseil des

ministres en juillet 2007 pour donner au gouvernement la pleine mesure de la situation. Suite

à cet exposé, le gouvernement a adopté des mesures concrètes pour lutter contre la

malnutrition, que le gouvernement considère désormais comme ayant atteint un niveau

préoccupant. Parmi les mesures prises, il convient de signaler la création du Conseil de

Concertation National sur la Nutrition (CNCN) qui se veut un instrument pour favoriser la

prise en compte transversale de la nutrition dans les politiques de développement. Ce qui n’a

pu être mis en place en 1979 et dont l’échec a entravé le développement de la nutrition sur

cinq décennies est devenu ainsi une réalité.

Un plan d’action conjoint du PAM, UNICEF, OMS a été élaboré pour coordonner les actions

des PTF intervenant dans le pays. Le dialogue direct avec les hautes autorités a permis

d’engager des actions conjointes PTF/structures étatiques comme des sorties sur le terrain et

une mission d’évaluation de la situation. Mais on retiendra que l’engagement politique

constaté ces deux dernières années résulte de la pression exercée par les PTF:

« Un engagement politique résolu et cohérent en faveur de la nutrition, qui se traduise

concrètement par un financement et par l'action, est crucial. Cet engagement politique

peut être suscité par la communauté ayant besoin de services de nutrition, ou suite à un

plaidoyer de la communauté technique et scientifique ou encore par des organisations

internationales »

Au Burkina Faso aussi, on constate qu’il y a une sorte de lien de corrélation entre l’intérêt

pour la nutrition au plan international qui se traduit par une plus grande disponibilité des

ressources financières et l’engagement des acteurs au niveau des pays. Ces ressources sont

mobilisées par les organisations multilatérales, les ONG internationales et les états pour des

interventions dans les pays touchés. En Afrique de l’Ouest, les programmes ECHO de

l’Union européenne et ECHUI du Système des Nations Unies sont des exemples. Le Burkina

figure parmi les pays bénéficiaires de ces deux fonds.

Page 71: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Depuis juillet 2007, on assiste à un remue-ménage global sur la nutrition au niveau

international, régional et national. Le lancement de la série d’article du Lancet à Dakar en

mars 2008 et l’arrivée de plusieurs ONG internationales qui souhaitent travailler dans le

domaine de la nutrition sont des révélateurs du momentum international attendu et du regain

d’intérêt pour la nutrition. Au Burkina Faso, il y a plusieurs rencontres de concertation

organisées sur le sujet par les PTF. Les ONG nationales et internationales affichent un intérêt

marqué pour la question. Les autorités nationales ont engagé des pourparlers avec les

partenaires pour le financement de la nutrition. Dans cette perspective, la Cellule a entrepris

de recenser les organisations de la société civile qui œuvrent dans le domaine de la nutrition

dans les différentes régions du pays. Elle s’active également à rendre fonctionnel le CNCN

qui a un rôle déterminant à jouer désormais dans le dispositif institutionnel de la nutrition au

Burkina Faso. Cet optimisme ambiant a beaucoup de chance de durer avec les discussions

engagées entre le gouvernement et la Banque Mondiale pour le financement d’un programme

national sur la nutrition. Mais sa réussite reste conditionnée par le renforcement du dispositif

institutionnel et technique de mise en œuvre et de suivi-évaluation des activités concernant la

nutrition au plan national.

Les chances de succès des différentes initiatives en cours dépendront de la capacité du

ministère de la santé à impliquer effectivement les autres secteurs dans le fonctionnement du

CNCN et de réviser rapidement la politique pour la rendre transectorielle.

Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il y a un déphasage entre le contenu de la politique et

l’esprit du décret de création du CNCN. Les attributions de cette instance l’autorisent à revoir

en profondeur la pertinence de la politique, mais il n’est pas acquis que le Ministère accepte

de s’engager dans la révision de sa politique nutritionnelle déjà adoptée par le gouvernement.

Ne risque-t-on pas ainsi de voir renaître les querelles de clochers qui ont fait échouer la

première tentative d’élaboration d’une stratégie nationale en 1979 et après l’expérience

récente du PNAN ? Les acteurs pourront-ils tirer les leçons des échecs passés pour se

prémunir contre les mêmes erreurs ? Il est aussi indispensable que le Ministère de la santé tire

leçon des insuffisances de sa gestion du dossier pour vraiment s’ouvrir à un partenariat

équitable et une concertation constructive visant la prise en compte transversale de la

nutrition. Le problème de l’ancrage et du leadership institutionnel de la nutrition se trouve

plus que jamais posée, la DNN n’étant pas encore une position convenable au sein du

Ministère pour assumer le rôle qui lui est dévolu dans les textes du CNCN et dans la PNN.

Une décision de haut niveau serait nécessaire pour trancher cette question cruciale.

5. ANALYSE CRITIQUE DES FACTEURS DETERMINANTS DE L’ECHEC DE

L’INSTITUTIONNALISATION DES POLITIQUES NUTRITIONNELLES AU

BURKINA FASO

Après avoir passé en revue les faits, les évènements, les acteurs, nous pouvons dire que le

premier facteur déterminant de l’échec est la divergence conceptuelle entre les ministères qui

ne s’appuyait pas sur la vision technique des spécialistes. Les définitions ont été conçues sur

mesure en fonction des missions et attributions des ministères au plan individuel et non en

fonction d’une vision globale du problème à résoudre. Elle a ouvert la voie aux autres formes

de contradictions qui ont divisé les acteurs et les cantonner dans les délimitations artificielles

des disciplines ou des secteurs. C’est à la faveur des divergences conceptuelles non résolues

que des politiques restrictives et sectorielles sont conçues. Les visions restrictives perdurent

au niveau des ministères qui les portent de sorte que l’existence d’une perception inadéquate

conduit à développer des politiques et projets éparses et sans complémentarité. Ces initiatives

Page 72: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

disparates sont mises en œuvre au gré des opportunités de financement et non de façon

organisée et complémentaire pour générer des résultats durables.

5.1. La faute aux partenaires au développement ?

Les partenaires au développement ont des préférences en matière d’appui qui soutiennent les

clivages conceptuels. L’OMS en tant que structure d’assistance technique de la santé donne

un appui (limité) pour des actions à caractère médical. Le FIDA, la FAO et le PAM

soutiennent la vision du Ministère de l’agriculture.

« Lorsque les pays sollicitent de l’aide en matière de nutrition, les partenaires de

développement doivent répondre d’abord en aidant ces pays à développer une vision

commune et à établir un consensus sur la nature de l’intervention à réaliser, la manière

de s’y prendre, l’entité qui s’en chargera, et ensuite en fournissant de l’assistance

financière et autre » Banque Mondiale (2006).

La même institution poursuit en précisant dans l’extrait qui suit que les PTF doivent améliorer

leurs pratiques et se repositionner autour d’un programme stratégique commun.

« Ils doivent utiliser leurs ressources combinées d’analyse, de sensibilisation et de

renforcement des capacités pour donner à la nutrition une plus grande priorité dans le

programme d’action, dans toute situation où le problème de nutrition freine la

réalisation des OMD. Ce rôle ne peut être rempli que si les partenaires de

développement partagent une vision commune du problème de malnutrition et

adoptent collectivement des stratégies de portée générale pour s’y attaquer, et s’ils

s’expriment d’une seule voix. Il s’ensuit que les partenaires de développement doivent

également se repositionner eux-mêmes. Ils doivent se réunir autour d’un programme

stratégique commun en matière de nutrition, en se concentrant sur de plus efficaces

interventions réalisées à grande échelle en ce qui concerne la dénutrition et les

micronutriments dans les pays prioritaires, et sur la recherche active ou l’apprentissage

par l’action dans le cas de la surcharge pondérale, de l’insuffisance pondérale à la

naissance, de la lutte contre le VIH/SIDA et de la nutrition. Un tel repositionnement

doit porter sur l’examen et la révision des niveaux actuellement insuffisants de

financement en faveur de la nutrition. » (idem.)

Cette approche systématique dans la façon d’appuyer la partie nationale ne s’est pas

concrétisée dans l’histoire des interventions au Burkina Faso. Jusqu’aujourd’hui les

divergences subsistent et les partenaires contribuent par leurs appuis non harmonisés à les

renforcer. Cela tient au fait que la DN n’arrive pas encore à coordonner les actions des

partenaires et des OSC et qu’elle n’assure pas convenablement le rôle de pilotage des

interventions en nutrition.

5.2. La faute de l’Etat et des Ministères impliqués ?

Après analyse, on s’aperçoit que jusque-là, le dispositif institutionnel n’a pas été pensé pour

les responsabilités et les taches portant sur l’intégration de la nutrition dans les politiques

sectorielles et nationales de développement. Il s’agit d’un dispositif aléatoire qui semble être

bâti sans tenir compte des problèmes à résoudre et de ses multiples contours qui font sa

complexité. Nous reprenons à notre compte l’idée suivante exprimée par la FAO qui dit que :

« Vaincre la malnutrition est un tel défi qu'il faut y impliquer différents secteurs,

notamment les gouvernements, les organisations non gouvernementales, le secteur

Page 73: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

privé, les organismes donateurs et financiers internationaux, et les organisations des

Nations Unies telles que la FAO, l'UNICEF et l'OMS. Une bonne coopération et une

bonne coordination parmi les ministères publics et leurs employés, sont

particulièrement importantes. Elles s'appliquent surtout aux ministères de l'agriculture

et de la santé, mais aussi à ceux de l'éducation, du développement communautaire et

des finances. Une coopération aux niveaux local, des districts et des provinces est

également nécessaire ».

Les autres départements ministériels impliqués ont aussi une part de responsabilité qui est

souvent minimisée. Quand le ministère de la santé semblait ne pas piloter de façon optimum

le dossier, il n’y a pas eu de solutions alternatives proposées par les autres secteurs pour

pallier les insuffisances. Les autres secteurs ne se sont pas organisés pour développer les idées

d’action ou engager un dialogue avec le Ministère de la santé pour l’aider à mieux faire. Ils

mènent plusieurs activités, mais ils n’ont pas fait des efforts ou pris des initiatives pour

interpeller le Ministère de la santé ou le soutenir. Il y a une attitude d’attentisme et

d’évitement des conflits entre ministères qui incitent à l’observation du statu quo quand bien

même les plaintes et les critiques ne manquent pas.

L’état burkinabé n’a pas beaucoup investi dans la formation des ressources humaines en

nutrition. La formation de technologues alimentaires à l’Université de Ouaga, ne peut pas

compenser le manque à gagner dans la formation d’une relève de nutritionnistes de haut

niveau, les anciens étant maintenant presque tous à la retraite. Actuellement, l’état est obligé

de recourir à l’expertise internationale et étrangère pour le conseiller, faute d’avoir valoriser et

bien gérer ses propres ressources humaines. Beaucoup d’indices montrent que les querelles de

personnes liées aux conflits inter-générationnels entre les professionnels ont conduit à écarter

et « mettre au garage » des spécialistes nationaux. A écouter certains répondants, on dira que

le système de santé ne se prêtait pas à l’intégration des nutritionnistes et de leurs activités.

« Les véhicules et le matériel de la nutrition étaient utilisés pour les activités SMI. On

était piétiné. On était soulagé quand la DSF a déménagé ».

Mais le gâchis observé dans la gestion de l’expertise nationale en nutrition n’est pas à

reprocher seulement au Ministère de la santé mais aussi aux spécialistes eux-mêmes.

5.3. La faute aux nutritionnistes ? Pourquoi ont-ils pu se laisser faire, être piétinés et utilisés à faire d’autres activités que celles

de la nutrition pour lesquelles ils sont qualifiés et recrutés ? Pour des cadres de haut niveau, la

situation est difficile à expliquer. On peut dire que les choix des stratégies de lutte ont été

inadéquats. Tout en donnant l’impression d’avoir lutter ensemble pour valoriser le métier et

parvenir à sa reconnaissance, les efforts ont surtout été mis dans des stratégies de promotion

professionnelle individuelle. Chacun a essayé de trouver une solution individuelle pour

amélioration sa situation et assurer sa promotion professionnelle en intégrant les organismes

internationaux ou des ONG internationales. D’autres ont baissé les bras et se sont laissés

gagner par l’amertume et la frustration. Or, le rôle des nutritionnistes tel que décrit par la

Fédération des Sociétés Africaines des Nutritionnistes est on ne peut plus claire. Ce rôle n’a

pas été rempli adéquatement par les nutritionnistes au Burkina Faso.

Page 74: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Rôle des Nutritionnistes et des Praticiens de Nutrition (PN)

1. Fournir la preuve scientifique pour toutes les politiques, les stratégies et programmes

destinés à corriger la pauvreté, la faim et la malnutrition.

2. Convaincre les gouvernements africains par le plaidoyer et le lobbying afin de les inciter à

être responsables et à accomplir leurs obligations et responsabilités morales pour s’attaquer à

ces problèmes en développant l'infrastructure et en fournissant les ressources économiques,

humaines et matérielles exigées.

3. Mobiliser tous les dépositaires pour prendre les mesures nécessaires, basées sur une analyse

scientifique des besoins et des cultures locaux, pour combattre la pauvreté, la faim et la

malnutrition dans toutes ses formes et ses conséquences. Ceci nécessitera la formation de

partenariats et d'agenda commun, et inclura l’éducation nutritionnelle, la promotion de

régimes optimaux, la supplémentation, la fortification, la bio fortification, les approches

alimentaires et un ciblage de « groupes vulnérables » d’une manière qui honorera les droits de

l'homme, la dignité et l’équité humaine.

4. contribuer aux renforcements des compétences des individus, des établissements et

d'organismes en Afrique; pour fixer et réaliser les objectifs nécessaires à diminuer la pauvreté,

la faim et la malnutrition dans toutes ses formes et ses conséquences.

Source : FANUS : Déclaration de Ouarzazate sur la Nutrition en Afrique, 9 Mai 2007

Les nutritionnistes n’ont pas su s’auto-valoriser et créer des solutions de rechange pour

survivre professionnellement et se rendre utiles à la hauteur de leurs compétences. Ils ont

manqué d’initiatives et de stratégies pour faire accepter la profession et lui permettre

d’acquérir son autonomie réelle par rapport à la santé. Les spécialistes n’ont pas pensé à

développer le métier en développant hors de l’administration publique des structures privées

et associatives. Ils ont perdu le temps à attendre et ont été pris au piège des querelles

institutionnelles, personnelles et inter-générationnelles. Les nutritionnistes burkinabè, à la

retraite ou insatisfaits de leur situation professionnelle n’ont pas pensé à créer des structures

autonomes pour continuer de valoriser leur expertise et la mettre au service de la nation.

Pendant que les associations hésitent à s’engager parce qu’elles n’ont pas d’expertise, les

nutritionnistes auraient pu créer des structures nationales pour réaliser des activités au niveau

communautaire. Cette analyse doit cependant être nuancée en prenant en compte la

complexité des problèmes rencontrés par les nutritionnistes. Dès le départ, ils étaient

confrontés à des défis multiples que beaucoup n’étaient pas préparés à affronter :

- Faire le diagnostic situationnel de la malnutrition dans le pays

- Lutter pour la création d’un corps de professionnels de la nutrition avec un statut clair

- Réussir l’insertion socioprofessionnelle individuelle

- Maintenir l’unité du corps envers et contre tout

- Sensibiliser les gens à tous les niveaux et dans l’opinion publique sur ce que sont la

nutrition et la malnutrition

- Définir des orientations politiques et stratégiques pour la nutrition dans le pays

- Conseiller et orienter les décideurs politiques et les informer régulièrement

- Produire les outils techniques nécessaires à la formation et aux interventions sur le

terrain

Page 75: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

- Superviser, suivre et évaluer l’évolution de la situation nutritionnelle et du métier dans

le pays.

En réalité, il s’agissait de jeunes diplômés sans expérience professionnelle. Ils ont pu relever

certains défis et d’autres perdurent jusqu’aujourd’hui. Tout cela a une influence sur

l’évolution historique de la nutrition dans le pays. Les contraintes auxquelles, ils étaient

confrontés sont les mêmes:

- La méconnaissance du problème de malnutrition par l’opinion publique

- L’ignorance des conséquences de la malnutrition par les décideurs politiques

- L’hostilité et la domination des médecins dans le secteur de la santé

- Le très faible nombre de diplômés par rapport aux besoins

- La dispersion des ressources humaines qualifiées au niveau des différents secteurs

- Le manque de financement conséquent pour entreprendre des actions appropriées

- L’absence d’un encadrement technique et d’un coaching des jeunes professionnels

- L’ancrage institutionnel inadéquat

- L’échec de l’initiative d’organisation stratégique des nutritionnistes en une structure

unique

- Le manque d’expérience pratique de terrain

- La situation de pauvreté et d’insécurité alimentaire chronique

La manière dont ils ont eu à fait face à ces défis et contraintes détermine en partie ce que la

nutrition est devenue dans le pays aujourd’hui. Ils ne sont pas arrivés à négocier de manière

avantageuse leur présence dans le paysage professionnel. Aujourd’hui encore, la bataille du

corps est loin d’être gagnée. On assiste toujours à :

- La dévalorisation du métier à cause du recrutement de technologues alimentaires à qui

on attribue le titre de nutritionnistes sans qu’ils n’aient suivi la formation requise

- Le maintien de la nutrition comme un service du Ministère de la santé

- L’échec dans la promotion d’une vision harmonisée de la nutrition

- Le conflit inter-générationnel entre les anciens diplômés et les jeunes

- La démission de presque tous les anciens nutritionnistes de haut niveau sans un

transfert de compétences aux nouveaux arrivants.

Depuis les années 1970 jusqu’à date, les nutritionnistes n’ont pas su dépasser les barrières

institutionnelles pour développer leur métier et fixer les balises nécessaires à la préservation

des standards de qualité dans la pratique.

6. STRATEGIES D’INTEGRATION DE LA NUTRITION DANS L’AGENDA

POLITIQUE AU BURKINA FASO

6.1 La démarche d’intégration de la nutrition dans l’agenda politique

Nous retenons de la présente étude qu’il n’y a pas de démarche standard en matière

d’intégration de la nutrition dans les priorités politiques. La démarche adoptée et les

stratégies utilisées semblent être fonction des réalités et contextes propres au pays. D’emblée,

la déduction peut être faite que la combinaison des facteurs de réussite ou de non succès est

déterminée largement par les réalités politiques, économiques, sociales, techniques,

institutionnelles et climatiques de chaque pays.

Sur le plan politique, intégrer la nutrition dans l’agenda politique dépend principalement des

compétences des spécialistes qui font la promotion de l’idée et de leur capacité d’accéder à et

influencer les décideurs politiques. Il faut d’abord s’accorder sur une perception consensuelle

du phénomène et pouvoir ensuite cerner son ampleur et ses manifestations dans le pays. Il

Page 76: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

s’agit ensuite de collecter des données fiables qui vont servir d’arguments dans le dialogue à

établir avec les autorités politiques. Les facteurs clés qui constituent des préalables importants

sont :

- L’ouverture des autorités politiques est une condition de base pour qu’une quelconque

action soit entreprise à l’échelle nationale, même si elles ne s’impliquent pas

activement dans le processus au départ ;

- L’existence d’une cohérence et d’une complémentarité entre les politiques et

programmes de production agricole et alimentaire initiés dans le pays.

- L’existence d’un mécanisme de concertation intersectorielle est utile pour rassembler

tous les acteurs clés pour des actions concertées et harmonisées ;

- L’implication des principaux donateurs intervenants dans le domaine de la nutrition

dans un cadre de concertation globale capable d’engager un dialogue constructif et

régulier avec les autorités politiques du pays ;

- La disponibilité de ressources financières suffisantes pour accompagner les actions

entreprises par l’état suite au plaidoyer des partenaires au développement et des

spécialistes en nutrition et l’utilisation d’un mécanisme approprié de livraison de

l’aide financière;

- L’élaboration d’un document d’orientation politique est indispensable pour préciser la

vision du pays, ses principes directeurs, ses axes prioritaires d’action et les objectifs à

court, moyen et long terme ainsi que les prévisions de ressources humaines et

financières;

- Les réformes politiques sectorielles sont aussi des opportunités pour mettre en exergue

l’importance de la nutrition dans un secteur donné et demander sa meilleure prise en

compte.

En plus des facteurs et agents politiques mentionnés, il faut concomitamment sur le plan

technique, les facteurs et conditions de changement suivants :

- L’existence d’un corps de professionnels bien organisé et établi, ayant les capacités

nécessaires pour faire le travail technique requis pour d’une part diagnostiquer la

situation de la malnutrition et d’autre part faire le suivi permanent du phénomène pour

proposer les solutions qui conviennent ;

- Les aptitudes en plaidoyer des nutritionnistes pour sensibiliser et informer

régulièrement les décideurs politiques sur les tendances du phénomène et donner des

conseils pertinents sur les actions à engager ;

- L’autonomie d’action des spécialistes et leur capacité à être créatifs et imaginer des

solutions de rechange quand les contextes institutionnels ne sont pas favorables.

- Les remaniements ministériels changent continuellement les mandats des ministères,

l’ancrage institutionnel et les spécialistes en nutrition doivent assurer un rôle de veille

technique pour signaler les risques de dilution ou de régression dans les actions

entreprises ;

Le contexte économique du Burkina Faso est un aspect crucial à considérer dans les efforts

d’intégration de la nutrition dans les politiques de développement national. Au Burkina Faso,

pouvoir manger en quantité suffisante est un nécessité reconnue par tous alors que le fait de

vouloir manger équilibré et en qualité est perçu comme un luxe réservé à la classe moyenne et

aux riches. Le pays est très pauvre et cela expose la majeure partie de la population à

l’insécurité alimentaire chronique. A l’instar d’autres pays du Sahel, le Burkina Faso est par

exemple soumis périodiquement aux effets néfastes des aléas climatiques sur les

disponibilités alimentaires (quantité et qualité). La malnutrition y est donc à la fois

conjoncturelle et structurelle et les moyens d’action à engager ne sont pas les mêmes dans

Page 77: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

l’un ou l’autre cas et sont largement insuffisants pour venir à bout des problèmes. Il y a donc

des facteurs imprévisibles contre lesquels le pays doit toujours anticiper les solutions en

créant de stocks de sécurité alimentaire. La prédominance de l’agriculture familiale de

subsistance et la dépendance du pays vis-à-vis des exportations agricoles (culture du coton)

sont des données macro-économiques qui affectent le niveau de la production alimentaire

nationale. Mais les conditions d’un approvisionnement régulier en vivres sur le marché ne pas

réunies et la flambée des prix et la spéculation font que les ressources monétaires de

l’agriculture commerciale ne permettent pas l’acquisition des vivres. Si on ajoute le fait que la

majeure partie de la population vive dans la pauvreté et dispose de peu de ressources

monétaires, on s’aperçoit de la difficulté à promouvoir des politiques nutritionnelles durables

dans un contexte où les facteurs d’instabilité économique sont si nombreux. Ils induisent

souvent des choix macro-économiques d’urgence qui ne facilitent pas l’intégration adéquate

de la nutrition dans l’agenda politique. Dans un tel contexte, il faut pouvoir concilier les

priorités macro-économiques visant la croissance de l’économie nationale et les dépenses

sociales pour prendre en charge les couches de la population touchées par la malnutrition. Le

Burkina Faso vient de s’engager résolument dans cette voie en décidant d’investir dans la

lutte contre la malnutrition. Ceci est le résultat des stratégies mises en œuvre par les différents

acteurs depuis plusieurs années.

6.2. Les stratégies des acteurs

Dans l’expérience burkinabé décrite dans le cadre de la présente étude, on peut déplorer

l’absence de stratégie claire qui a prévalu de 1960 jusqu’à la fin des années 1990 pour intégrer

la nutrition dans l’agenda politique national. Durant cette période, ni l’état, ni les partenaires

techniques et financiers, ni les organisations de la société civile et encore moins les

nutritionnistes n’avaient des stratégies explicites de mainstreaming de la nutrition dans

l’agenda politique. Il y a eu des actions éparses, ponctuelles et sans continuité dans le temps et

dans l’espace, sous forme de projets pilotes mises en œuvre au gré des opportunités de

financement qui se présentaient. Cependant, malgré les querelles de leadership institutionnel

entre le Ministère de la santé et celui de l’agriculture, cette absence de stratégies collectives

en faveur de la prise en compte de la nutrition n’illustre pas les stratégies intentionnelles

concurrentes d’autres acteurs opposés à une telle idée. La nutrition en elle-même ne posait pas

de problème, et personne ne remettait en cause la nécessité de sa prise en compte parmi les

priorités nationales. Le problème se posait plus sur comment assurer l’intégration de la

nutrition et moins sur le pourquoi de la faire. Pour cela, dans la réflexion sur les stratégies

promues et utilisées par les acteurs pour l’intégration de la nutrition dans l’agenda politique,

les questions de fonds suivantes ont servi d’orientation : Qui a décidé de l’intégration de la

nutrition dans les priorités nationales? L’initiative de l’intégration de la nutrition est-elle

autonome ou suscitée par l’extérieur ? Quelles sont les catégories d’acteurs impliqués et leurs

rôles respectifs ? Qui tient le leadership technique dans le processus d’intégration ? Les

acteurs ont-ils des objectifs communs? Qui veille à l’assurance qualité ? Qui a le pouvoir de

décision pouvant influencer la dynamique d’ensemble du processus d’intégration?

L’initiative de l’intégration a été prise par les nutritionnistes, mais ils étaient répartis au sein

de deux ministères. Leur tentative de créer une structure autonome a échoué à cause des

querelles de leadership institutionnel entre les ministères de la santé et celui de l’agriculture.

Le refus de collaborer ou d’imaginer des solutions de cogestion interministérielle a toujours

constitué une première entrave. Au niveau intra-sectoriel, les luttes de pouvoir et d’intérêt

entre les médecins et les nutritionnistes pour le contrôle de ce nouveau domaine professionnel

est la deuxième entrave identifiée. Cette double lutte larvée ou ouverte selon les moments a

fait le malheur de la nutrition au Burkina Faso. Il ne semble pas qu’une solution définitive à

Page 78: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ces problèmes ait encore été trouvée à travers les mesures récentes adoptées par le

gouvernement en vue d’une meilleure intégration de la nutrition parmi les priorités de

développement national. Les autres secteurs se plaignent de n’avoir pas été suffisamment

impliqués dans le processus de prise de décision pour l’élaboration de la politique nationale

de nutrition, la mise en place du Conseil National de Concertation sur la Nutrition.

C’est au début des années 2000 que l’élaboration du PNAN a permis de jeter les premières

bases d’une stratégie nationale d’intervention grâce à la mise sur pied d’une commission

interministérielle pour sa rédaction. Mais, les blocages ultérieurs observés dans l’adoption et

la mise en œuvre du PNAN, en particulier dans la mobilisation des acteurs aux différents

niveaux, traduit une inefficacité de la démarche utilisée. Le PNAN n’a pas suffisamment pris

en compte les acteurs, leurs intérêts et leurs rapports de pouvoir pour lors du choix de

l’ancrage institutionnel et du dispositif technique de mise en œuvre. Par contre, toutes les

personnes-ressources interrogées dans le cadre de cette étude considèrent le processus

d’élaboration et de présentation de Profiles Burkina comme ayant été une initiative

stratégique bien pensée qui a permis d’influencer les décideurs politiques. Réalisé grâce à un

partenariat technique et financier entre l’OMS et l’ensemble des nutritionnistes, le Profiles

avait le mérite d’être pensé pour atteindre des résultats précis avec une démarche bien

structurée. Avec Profiles, la mise en exergue de l’intérêt politique de l’intégration de la

nutrition au triple plan social, économique, politique s’est révélé efficace. Cela amène à dire

qu’il faut parler le langage des interlocuteurs politiques pour se faire comprendre par eux et

les amener à adhérer. En dehors de cette expérience, ces quatre dernières années, on peut

constater l’éclosion de nouvelles stratégies d’action développées par certains acteurs clés.

Par exemple, au niveau de la Direction de la nutrition, la stratégie développée a consisté à

affirmer le leadership institutionnel tout en s’ouvrant à des partenaires d’horizons divers pour

nouer des relations d’échange et de collaboration. L’innovation majeure réside dans une plus

grande implication de la direction dans le processus de prise de décision au sein du Ministère

de la santé, grâce aux actions entreprises dans le cadre du Programme d’appui aux districts

sanitaires. On constate aussi une plus grande proximité du Directeur avec les premiers

responsables du Ministère, ce qui semble faciliter la circulation de l’information et leur

sensibilisation sur les défis auxquels sont confrontés la DN. Au niveau régional, un effort

particulier est développé par la DN pour participer aux rencontres des instances nationales de

nutrition des pays de la sous-région pour s’informer sur l’état des lieux de la nutrition et sur

les expériences en cours.

Pour ce qui est des partenaires au développement, la première stratégie qu’ils ont adoptée a

consisté à promouvoir la concertation et l’harmonisation entre PTF (PAM, UNICEF, OMS,

HKI, etc) intervenant dans le domaine de la nutrition. Depuis début 2000, dans le cadre de

leurs programmes de coopération avec le pays, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF)

ont utilisé les outils classiques de dialogue diplomatique avec les autorités politiques. Le

plaidoyer est fait par les PTF individuellement et collectivement lors des rencontres

informelles (dîners, rencontres) et formelles (tenue des commissions mixtes, bilans des

coopérations) avec les décideurs politiques et lors des revues du CSLP et des politiques,

programmes et projets de santé (missions conjointes sur le terrain). Mais, il ne suffisait pas

seulement de dénoncer unilatéralement l’insuffisance des actions du gouvernement contre la

malnutrition. Il fallait parvenir à une perception commune des PTF et du gouvernement sur la

gravité de la situation qui prévalait sur le terrain en s’appuyant sur des évidences et des faits.

L’idée de sorties conjointes PTF et gouvernement et le fait de mandater ensemble une étude

Page 79: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

évaluative a permis de rapprocher les acteurs des deux camps en plus de les permettre de

décider ensemble sur comment s’attaquer désormais au problème.

La question du financement est un point essentiel dans le plaidoyer fait par les PTF en faveur

de la prise en compte de la nutrition dans l’agenda politique au Burkina Faso. Aussi

longtemps que dans ce plaidoyer il n’y avait pas d’engagements financiers fermes et

suffisants des partenaires pour soutenir l’action gouvernementale dans la lutte contre la

malnutrition, les deux parties en sont restées aux déclarations de bonnes intentions. Dès que

les partenaires ont pu faire des propositions concrètes, cela a débloqué la situation. Comme

quoi, il ne suffit pas seulement d’interpeller pour les changements de politiques. Il faut que les

partenaires appuient financièrement le gouvernement pour qu’il puisse entreprendre les

actions requises. Dans un pays dépendant dont plus de 80% des investissements publics

dépendent de l’aide au développement, aucune stratégie de mainstreaming de la nutrition ne

peut réussir sans un accompagnement financier. Il reste que dans un pays à milles priorités

comme le Burkina Faso et dans le contexte actuel de généralisation des appuis budgétaires, le

type d’aide à apporter compte beaucoup. Une aide ciblée a plus de chance de produire les

résultats escomptés par rapport à un appui budgétaire ou sectoriel. Près de vingt ans après la

création de la Cellule nationale de nutrition, c’est seulement en 1998 que l’état burkinabé a

alloué des ressources financières spécifiques pour le fonctionnement de cette structure

(6 000 000 FCFA/an) soit 14 423 USD. L’augmentation substantielle de la contribution

financière de l’état annoncée dans le Plan d’investissement prioritaire 2006-2008 du CSLP

témoigne d’une plus grande volonté politique. Il est prévu une allocation budgétaire de

1 545 673 USD/an pour la nutrition pendant la période visée. Mais, sans une intégration des

financements de la nutrition provenant des différentes sources et destinées aux différents

secteurs, on ne peut pas concevoir des stratégies cohérentes à envergure nationale. En la

matière, les efforts restent encore à fournir du côté des partenaires pour la mise sur pied d’un

panier commun permettant de connaître la quantité des ressources disponibles au cours d’une

année donnée. Les prévisions du PIP CSLP doivent aussi ressortir dans la loi de finance des

années visées pour devenir une réalité. Malgré les annonces de contribution plus importante

des partenaires multilatéraux, la prévisibilité des financements à long terme n’est pas encore

acquise. Cela est dû est au fait que les ressources proviennent de différentes sources et sont

ponctuelles et imprévisibles. Le problème de la prévisibilité des financements tient aussi au

fait que le pays ne dispose pas encore d’un plan d’action pluriannuel de la nutrition, et par

conséquent, pas des projections des besoins financiers à moyen et long terme. En attendant

ces améliorations dans les mécanismes de financement et de gestion des ressources destinées

à la nutrition, l’engagement de l’état ne peut être ferme et concrétisé par des actes. Au-delà

des déclarations de bonnes intentions, l’état et les différents acteurs de la nutrition doivent

passer à l’action en posant des actes concrets qui sont interdépendants. C’est donc une œuvre

conjointe qui demande des actions visibles de la part de toutes les parties prenantes.

L’expérience étudiée montre aussi que promouvoir la nutrition est une entreprise de relations

publiques qui demandent des aptitudes en communication interpersonnelle et

interinstitutionnelle. La communication a joué un rôle clé dans le dialogue PTF-

gouvernement. Pour parler d’une même voix, ils ont désigné un chef de file ayant un rôle de

porte parole dans le dialogue avec les autorités burkinabés. Cette démarche est conforme à

l’esprit de la Déclaration de Paris qui est mise en œuvre dans le pays. Elle est appréciée par le

gouvernement qui préfère avoir un interlocuteur unique au lieu de plusieurs par thématique.

Le dialogue se fait avec les responsables de la DN, le Directeur Général de la Santé, le

Secrétaire Général du ministère de la santé en vue d’informer et interpeller le gouvernement

sur la situation de la malnutrition. A partir de 2005, les partenaires ont plus usé de la pression

Page 80: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

à travers les différentes actions engagées (les correspondances adressées au Ministre de la

santé et en dernier recours au Premier Ministre, la sortie médiatique du chef de file) pour

dénoncer la faible réaction du gouvernement face à la gravité de la situation nutritionnelle. A

ce niveau, on peut déplorer que les efforts des PTF se soient trop focalisés sur le secteur de la

santé et pas assez au niveau transsectoriel en impliquant systématiquement tous les autres

ministères concernés.

La communication joue aussi un rôle important à cause de la diversité des acteurs et du

changement d’interlocuteurs avec les remaniements ministériels et les nouvelles nominations.

Il s’agissait de ménager les susceptibilités et gérer le déséquilibre des rapports de pouvoir

pour éviter de figer les positions et maintenir le fil du dialogue malgré les moments de

friction. Sans adopter une démarche systématique de négociation ou une stratégie de

communication qui permette de clarifier les enjeux et les intérêts, les PTF se sont adaptés au

contexte pour prendre en considération les contraintes administratives et organisationnelles

dans les échanges avec les différents acteurs. En définitive, le changement de comportement

des décideurs par rapport à la question ne s’est fait pas du jour au lendemain, mais de façon

progressive et lente. Qu’il s’agisse du dialogue ou de la pression politique, il n’était pas

question d’usage de la force mais de l’insistance dans l’argumentaire et dans l’interpellation

pour persuader et inciter le gouvernement à engager des actions concrètes contre la

malnutrition. Il a fallu donc que les PTF suivent le gouvernement et adaptent le contenu de

leurs messages de plaidoyer et lobbying pour accompagner et renforcer les motivations du

changement engagé. Après avoir été persuadés par les techniciens et les PTF à prendre des

mesures en faveur de la nutrition, il y a eu donc par la suite un travail continu de

sensibilisation et d’information pour les amener à acquérir la conviction sur la nécessité

d’engager des actions durables et de grande envergure. Mais c’est le degré

d’institutionnalisation de la thématique qui est à même de garantir la durabilité de

l’intégration de la nutrition parmi les priorités de développement d’un pays.

6.3. Les stratégies qui ne marchent pas

On retiendra aussi de l’expérience burkinabé un certain nombre de stratégies qui ne

permettent pas de réussir l’intégration de la nutrition dans les priorités de développement.

- Les actions isolées des différents intervenants dans le domaine

- Les actions ponctuelles à petite échelle sans continuité.

- L’utilisation de la critique et d’un langage trop franc pour décrire la situation

- Une médiatisation alarmiste du problème

- La non utilisation d’une stratégie de communication bien conçue

- La faible implication des élus au niveau de l’Assemblée que des communes.

- La faible implication des ONG nationales.

C’est surtout l’absence d’un document stratégique d’orientation définissant la vision, les

objectifs, les groupes cibles et les résultats escomptés dans le temps qui constitue une des

lacunes dans l’expérience burkinabé. A cela s’ajoute l’absence d’un plan de développement

des ressources humaines nationales de haut niveau et de renforcement de leurs capacités.

6.4. Le processus d’institutionnalisation de la nutrition

Le dispositif institutionnel et son évolution

Annoncée pour 1968, la Cellule de Nutrition du Ministère de la santé n’a été créée qu’en

1975. Après 1980, il y a eu la transformation de la Cellule de nutrition en service de nutrition

sous la tutelle de la Direction de la santé maternelle et infantile. Tous les trois employés

occupaient un seul bureau. Les infrastructures actuelles de la Direction de la nutrition ont été

Page 81: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

construites grâce au Bureau Etude de Liaison (Conférence Episcopale de Ouaga) qui a financé

la construction des bâtiments. Les équipements du laboratoire ont été acquis avec le soutien

de l’Université Libre de Bruxelles. La Cellule était en partenariat de recherche avec un

chercheur belge dénommé Vulsteke et c’est par son intermédiaire que les équipements de

laboratoire ont été donnés. Vulsteke a contribué à former les nutritionnistes locaux sur les

méthodes de recherche. Une collaboration existait aussi avec l’Organisation pour la

Recherche sur l’Alimentation et la Nutrition en Afrique (ORANA) basée à Dakar.

En 1986, une antenne régionale de la nutrition a été créée par le Ministère de la santé dans

l’Ouest du pays avec son siège à Bobo-Dioulasso. Cette antenne devait rayonner et couvrir

toute la région. Cependant, de 1986 à maintenant, il semble qu’aucun papier officiel n’a

précisé les attributions et les domaines d’action de l’antenne ainsi que sa zone de couverture

exacte. Trois autres antennes ont été créées dans les mêmes conditions à Kaya, Fada et

Ouahigouya. Le nutritionniste affecté à Fada y a déménagé avec sa famille et est revenu à

Ouaga au bout de trois ans parce qu’il ne savait pas ce qu’il devait faire, étant sans mandat

officiel. Les deux autres n’ont jamais rejoint leurs postes et aucune suite n’a été donnée à

l’initiative de déconcentration des services de nutrition. Aux dires des répondants, seule

l’antenne de Bobo existe toujours, mais son fonctionnement dépend seulement de

l’investissement personnel des agents affectés et de l’appui d’autres collègues de la Direction

régionale de la santé, sensibilisés sur la problématique de la nutrition. Tout cela fait que les

agents affectés pensent être « victimes d’affectation sanction ». Mais, cela traduit aussi

l’échec de la déconcentration des services de nutrition au moment même où le dispositif

sanitaire global est en train de se déconcentrer avec succès. La volonté politique pour réaliser

la déconcentration des services de nutrition n’a pas été ferme.

C’est en 2002 que le Centre National de la Nutrition a été érigé en Direction Nationale de la

Nutrition. La Direction de la Nutrition (DN) a les attributions suivantes.

- assurer la planification stratégique dans le cadre de la politique sanitaire nationale

en matière de nutrition ;

- assurer la coordination intra et inter sectorielle en matière de nutrition ;

- assurer l’appui conseil pour le développement des activités de nutrition dans les

services de santé et au niveau communautaire ;

- participer à la gestion du système national de surveillance nutritionnelle et

alimentaire ;

- définir les normes et standards nutritionnels nationaux ;

- participer à l’évaluation des programmes de nutrition et d’alimentation ;

- participer à la recherche opérationnelle.

Le dispositif institutionnel vient d’être enrichi par la création du Conseil National de

Concertation en Nutrition. Il se veut un organe consultatif chargé de coordonner, organiser,

orienter et suivre la politique nationale en matière de nutrition. Le CNCN a pour rôle

d’assurer la liaison et la coordination entre les départements ministériels concernés par la

politique nationale de nutrition. Il est présidé par le Ministre de la santé et la Direction de la

Nutrition joue le rôle de Secrétariat technique. Dans l’état actuel des choses, et à partir des

différentes observations, on peut dire que la nutrition est faiblement institutionnalisée au

Burkina Faso. Le problème se pose à deux niveaux : transectoriel et sectoriel.

Au niveau transectoriel, la création du Conseil National de Concertation sur la Nutrition vient

combler le vide constaté depuis des décennies. Les attributions définies dans le décret de

création en font un organe consultatif ayant un pouvoir étendu pour insuffler une nouvelle

Page 82: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

dynamique dans les actions contre la malnutrition au Burkina Faso. Son succès dépendra

d’une part de la marge de manœuvre qui lui sera donnée pour jouer pleinement son rôle et

d’autre part de la qualité de la représentation des structures membres. L’animation du CNCN

par le Sécretariat technique est un aspect important pour son fonctionnement. Il s’agir de

produire des contenus techniques, organiser la vie du conseil et les différentes rencontres,

faire circuler l’information auprès des structures membres et assurer le rôle de veille sur les

actions entreprises par les différents acteurs dans le domaine de la nutrition. Si cette tache

n’est pas remplie efficacement, le CNCN risque de ne pas satisfaire aux nombreuses attentes

qui sont placées en lui.

« Le mari de plusieurs femmes meurt de faim ». Tel est l’adage d’un spécialiste de la santé

pour parler de la situation de la nutrition au Burkina Faso. En adoptant une approche axée sur

le groupe-cible, on s’aperçoit que les enfants de 0-5 ans concernés principalement par le

problème, se retrouvent en sandwich entre cinq ministères (agriculture, action sociale,

éducation, santé, droits humains, jeunesse) sans faire l’objet d’une attention particulière de

l’un d’entre eux. Ils semblent être ballottés au gré des découpages des attributions des

ministères, sans faire l’objet d’un ciblage intégré de tous leurs problèmes. Faut-il créer une

entité chargée des enfants ? Cela n’est pas envisageable car c’est un groupe transversal. Si on

adopte une approche par problème à résoudre, nous sommes d’avis avec la plupart de nos

répondants sur la nécessité de réunir les nutritionnistes dans une entité plus représentative et

autonome, dotée de moyens suffisants pour remplir les missions techniques. Une mesure

d’accompagnement sera d’intégrer dans le Plan d’action national de la nutrition à venir, une

activité portant sur le développement des capacités nationales en nutrition en y inclus la

formation de nouveaux spécialistes de haut niveau.

Au niveau sectoriel, la question de l’institutionnalisation se pose maintenant plus que jamais

au sein du ministère de la santé. Si l’Etat a approuvé le principe de l’ancrage institutionnel au

sein de ce ministère malgré les résultats mitigés de son pilotage antérieur, il y a désormais une

obligation de résultat à cause de l’impact négatif de la malnutrition sur le développement

national. Or, en analysant l’engagement de la haute hiérarchie du ministère, l’existence et la

pérennité de la volonté politique semblent très fluctuantes et instables au fil du temps.

Actuellement, les premiers responsables du Ministère de la santé se sont engagés pour

promouvoir la nutrition, et cela constitue un atout important favorable aux actions à

entreprendre. Mais, l’existence de la volonté politique à elle seule ne suffit pas. Une bonne

démarche d’institutionnalisation s’appuie sur un diagnostic situationnel approfondi qui

permette de cerner les différents contours du problème en cause. Il y a lieu aussi pour le

Ministère de tirer les leçons de ses performances actuelles dans la gestion du dossier de la

nutrition au Burkina Faso. Ce diagnostic n’est pas encore fait et constitue une priorité de

premier ordre si le Ministère veut vraiment engager des actions porteuses dès à présent.

Le diagnostic et la planification des activités dépendent de l’existence de l’expertise en

nutrition en quantité suffisante au sein du Ministère. Cette question mérite d’être questionnée

car malgré le fait que la Direction de la nutrition sont dans le Ministère, le nombre d’experts

confirmés en nutrition se compte sur le bout des doigts. La faiblesse des ressources humaines

est liée à la forte déperdition constatée il y a quelques années. Aujourd’hui, pour parer au plus

pressé, le Ministère peut faire appel à ces experts qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays

en travaillant pour des institutions internationales. En plus de l’expérience qu’ils apportent,

aucun investissement préalable n’est requis pour les former. Sans cette option, ou même avec

elle, il va falloir recruter de nouveaux employés car les ressources humaines manquent au

niveau central et décentralisés. Ce dispositif technique est indispensable pour la mise en

Page 83: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

œuvre des projets, programmes et plans d’action à venir et pour combler les besoins des

autres secteurs en experts en nutrition. Sans un renforcement des capacités nationales par le

recrutement, la formation et le rappel des anciens diplômés, l’état ne pourra pas concrétiser

ses objectifs actuels dans le domaine de la nutrition. Le recours ponctuel à des experts

internationaux n’est pas une solution durable au problème des ressources humaines en

nutrition au Burkina Faso. Il faut apprendre à valoriser l’expertise nationale et à la mettre à

contribution.

L’institutionnalisation implique aussi l’allocation de ressources financières suffisantes pour la

mise en œuvre de plans d’action axés sur les résultats. Sans des financements ciblés pour la

nutrition, une planification budgétaire globale dans un secteur sous-financé comme celui de la

santé ne garantit pas l’allocation de ressources en quantité suffisante à cette question. Les

arbitrages internes en fonction des priorités multiples du Ministère ont jusque-là conduit à une

marginalisation de la nutrition. C’est pourquoi, il faut un budget propre pour la nutrition qui

intègre les besoins au niveau des différents secteurs. Cela suppose la création d’une structure

intersectorielle, spécialisée en nutrition, rattachée au Ministère de la santé (comme le centre

anti-paludisme, le centre anti-tuberculose, le SP/CNLS, etc) ou au Premier Ministère et non

une petite Direction de la nutrition très peu visible comme c’est le cas actuellement.

La documentation des expériences du Burkina Faso dans le domaine de la nutrition n’a pas

été bien fait par le passé. Le mécanisme de mise en œuvre et de suivi-évaluation des activités

de nutrition a montré des insuffisances. Les rapports d’activités sont très rares et mal

conservés et certains rapports de projets ont été brûlés de sorte qu’il n’y a pas d’archives. Le

dispositif d’évaluation des activités nutritionnelles est inexistant et constitue sans doute la

plus grande lacune relevée lors la présente étude. C’est pourquoi, la documentation

systématique des actions est nécessaire pour permettre de suivre l’évolution du problème dans

le temps. Le rapport de la présente recherche est le premier document rétrospectif produit sur

le sujet. Désormais, il est nécessaire de veiller à l’élaboration et la conservation des rapports

périodiques et d’évaluation des activités mises en œuvre.

L’institutionnalisation de la nutrition implique l’attribution de responsabilités claires à chaque

acteur concerné (à travers les cahiers de charge, les TDR, les mandats des employés, etc.). A

des degrés divers, toute la hiérarchie du Ministère doit être amenée à rendre compte de ses

activités relatives à la nutrition et sa part contributive à l’atteinte des objectifs de l’institution

en nutrition. Nous avons constaté que la responsabilité entièrement à la DN et les autres

acteurs ne sentent pas concernés par rapport aux résultats produits. Cette responsabilité

collective n’est pas encore suffisamment soulignée et ne donne lieu à des sanctions

quelconques en cas de non atteinte des résultats. Il n’y a pas de procédures officielles et

explicites de demande de compte aux différents niveaux de la hiérarchie sectorielle quand à

l’atteinte ou non des objectifs visés en matière de mise en œuvre du PNAN, des projets et

programmes opérationnels relatifs à la nutrition et encore moins de l’atteinte des résultats

visés concernant la réduction du taux de prévalence des différents types de malnutrition au

Burkina Faso.

6.5. Les leçons tirées des analyses Après cet exercice de reconstitution de l’histoire de la nutrition et d’analyse des facteurs de

non réussite, plusieurs leçons peuvent être tirées de cette expérience qui se poursuit :

1) Il n’y a pas de possibilité d’entreprendre des actions conséquentes en vue de réduire la

malnutrition dans un pays sans une étude diagnostique de base qui établisse la

situation de référence. Il est indispensable de se doter ensuite d’un système permanent

Page 84: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

de surveillance nutritionnelle permettant de dégager les tendances dans l’évolution du

phénomène et les moments critiques pour des actions d’urgence. L’évaluation des

projets et programmes mis en œuvre doit être systématique pour contribuer à la

production de données désagrégées par région à cause du coût élevé des enquêtes

nationales.

2) En tant que thématique transversale, l’harmonisation des visions des différents acteurs

intervenant dans le domaine de la nutrition ainsi que la coordination de leurs actions

constituent des préalables importants. C’est à partir de la vision conceptuelle et

théorique consensuelle des acteurs qu’un pays peut dégager ses orientations

stratégiques et identifier ses domaines d’actions prioritaires à planifier dans le temps.

L’identification d’une orientation politique nationale qui soit cohérente et intégrée

dépend d’une définition conceptuelle claire et partagée par tous les acteurs clés.

3) L’engagement politique n’est pas une donnée automatique et systématique quand on

parle de la nutrition. Il émerge progressivement comme le résultat temporaire d’une

conjonction de facteurs favorables. Il n’est pas un acquis de façon permanente et

définitive. Il est fluctuant en fonction d’une conjonction de facteurs politiques,

techniques, économiques et mérite d’être renforcé continuellement par l’information et

le dialogue politique. L’engagement politique est le résultat d’une négociation

permanente entre les acteurs clés, selon leurs intérêts du moment. Il est soumis aux

aléas politiques et conjoncturels du milieu et de son environnement.

4) Il faut que le décideur politique sache exactement ce qu’est la nutrition et qu’ils

connaissent les différentes conséquences qui découlent de la malnutrition et les

avantages politiques de son appui à une telle cause. Pour cela, il faut une combinaison

de stratégies (la sensibilisation, de la stimulation, un dialogue constant et souvent une

pression) pour amener les décideurs politiques à accorder une attention spéciale au

problème de la malnutrition. Il faut ensuite des experts clairvoyants pour les aider à

prendre de bonnes de décisions opérationnelles en vue de l’intégration progressive de

la nutrition dans les priorités de développement national. Cela passe par l’élaboration

de documents de politique et plan d’action adaptés à la vision et aux réalités des

contextes nationaux.

5) Le meilleur positionnement de la nutrition dans l’organigramme d’un ministère est

d’être le plus haut possible dans la hiérarchie (rattachée au secrétariat général ou au

cabinet du ministre comme direction technique prioritaire). Le fait de disposer d’une

direction n’est pas une fin en soi et ne traduit pas obligatoirement l’intérêt d’un

ministère pour la nutrition. Une direction de la nutrition qui ne peut pas assurer le

leadership institutionnel et technique sur la nutrition à l’interne et à l’externe et n’est

pas dotée de compétences et de pouvoir suffisant pour jouer efficacement ce rôle n’a

pas de raison d’être.

6) Dans un corps de métier en création comme celui des nutritionnistes, il est important

d’appliquer des critères adéquats de gestion des ressources humaines pour éviter les

frustrations et l’émergence de conflits d’intérêt qui finalement détournent les

professionnels de leur travail. Cela peut démotiver et entraîner une fuite de cerveaux

dans un domaine où l’expertise est très limitée. Les critères habituels basés sur

l’ancienneté et le diplôme sont assez objectifs pour préserver la cohésion nécessaire et

la bonne entente entre les spécialistes.

Page 85: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

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29. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Directives nationales pour

la mise en oeuvre du programme national de prévention de la transmission mère

enfant du VIH, 2006, 41 pages.

30. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Plan d’Accélération de

Réduction de la Mortalité Maternelle et Néonatale au Burkina Faso (Feuille de Route),

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31. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Plan Stratégique : Pour

une maternité à moindre risque 2004 -2008, 2004, 35 pages.

32. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Prise en Charge Intégrée

des Maladies de l’Enfant (PCIME) : Plan de Couverture 2005-2010, 2005, 42 pages.

33. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille : La nutrition, clé d’un

développement humain durable au Burkina Faso. Ouagadougou, Février 2000.

34. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Prise en Charge Intégrée

des Maladies de l’Enfant (PCIME), Conseiller la Mère, Mai 2007.

35. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Programme National de

Prévention de la Transmission Mère Enfant du VIH (PTME) 2006-2010, 2006, 49

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l’Enfant : Programme National de santé maternelle et infantile (Planning opérationnel

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38. Ministère de la Santé/Direction de la Santé et de la Famille: Directives nationales pour

la mise en œuvre du programme national de prévention de la transmission mère enfant

du VIH, Novembre 2006.

39. Ministère de la Santé/Direction des Etudes et de la Planification (DEP) : Cadre et

directive de planification; Septembre 2007.

40. Ministère de la Santé/Direction Générale de la Santé : Projet BKF 6129 : Assistance

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évaluation à mi-parcours du projet Burkina Faso 4959, «Alimentation complémentaire

des groupes vulnérables».

41. Ministère de la Santé/Direction Générale de la Santé : Projet BKF 6129 : Assistance

aux Groupes vulnérables, Rapport de clôture du projet BKF 4959.00 «Alimentation

complémentaire des groupes vulnérables».

42. Ministère de la Santé/Direction de la Nutrition : Rapport des formations sur la prise en

charge de la malnutrition aigue (2007), décembre 2007.

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54. World Bank : Implementation Completion Report (Ida-24140t; F-23445)

Page 89: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ANNEXES

Page 90: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ANNEXE 1 : INVENTAIRE DE QUELQUES PROJETS ET PROGRAMMES DE NUTRITION

MIS EN ŒUVRE AU BURKINA FASO 16

1960-1970 : OMS : Appui technique au personnel de la Cellule de Nutrition.

1975-1980 : UNICEF : Appui sur le plan technique et logistique au personnel de la Cellule

1980-1985 : OMS a accordé un gros budget pour un appui en matériel de laboratoire et en

1980-1985 : OMS : Projet Surveillance Nutritionnelle

1988-1992 : OMS : Projet Surveillance Nutritionnelle (Houet, Passoré et Soum)

1988-1989 : HKI : Programme Vitamine A (Yatenga, Bam, Passoré et Sanmatenga)

1989 : Direction de l’Education pour: Projet RENAF

1989-1992 : UNICEF : Dotation des quatre provinces HKI en vitamine A. (Yatenga, Bam,

Passoré et Sanmatenga)

1990-1991 : FAO : Programme vitamine A piloté par Ministère de santé et agriculture

1990-2000 : Banque Mondiale : Programme sécurité alimentaire et Nutrition (PSAN)

1990-1994 : USAID : Projet Nutricom (Nutrition et communication) dans 8 provinces

1992-2007 : UNICEF : Projet allaitement maternel, Géré par la DSF (SMI)

1993-1995 : UNICEF/HKI : Phase d’extension du projet vit A dans 8 provinces

1994-1995 : Banque Mondiale : Projet de développement des services de santé (PDSS)

1995-1997 : IRD : Partenariat enquête nutritionnelle

1995-2001 : PDSN Programme de développement sanitaire et

1995-2000 : PAM : Projet Assistance aux groupes vulnérables

1996-2008 : UE : Projet d’alimentation complémentaire des groupes vulnérables. Projet BKF

4951 et 6129

1998-2002 : OMS : Projet de récupération nutritionnelle

1999-2000 : OMS : Elaboration de Profile Burkina

2000-2007 : PAM Poursuite projet assistance aux groupes vulnérables

2000-2007 : UNICEF Poursuite projet

2005-2008 : Projet Spiruline Nayalgué

2000-2008 : HKI : Initiative Micronutriments Canada (Enrichissement des huiles)

2000-2008 : UNICEF : Fortification du sel iodé

2005- 2008 : Projet de supplémentation en Vitamine A pour la survie de l’enfant au Sahel

16

La liste n’est pas exhaustive

Page 91: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES RENCONTREES

NOM DE L’INSTITUTION NOM DE LA PERSONNE

CONTACT

COORDONNEES

AFRICARE Ahmed Moussa NGAM

(Représentant)

Claudia HOUNDJE

50 36 93 70/71

BANQUE MONDIALE Mme Subayi 50 49 30 00

COMMISSION

EUROPEENNE

Mme LAMHANDAZ 50 49 29 00

DEP Dr Romaric SOME 50 32 46 62

DGS Dr Souleymane SANOU 50 32 44 52

DGPSA ZOUNGRANA Mahama (DG) 50 32 45 79

DN Sylvestre TAPSOABA

DSF Dr Maimounata ZAMPALIGRE 50 30 77 78

FDC Mme Maria KERE (Directrice

Exécutive)

Mr CONOMBO Thiérry Ernest

50 37 52 91

70 20 34 33

HKI Jean Célestin SOMDA 78 81 22 22

IGS Dr KANGWE

IRD Yves MARTIN

Yves CAMELLI

50 30 67 37

IRSS Pr. SONDO Plaise 70 20 07 31

50 36 66 04

MASSN Emile GAMBO 50 31 00 55

MEBA M Hamadou OUEDRAOGO

Adama BOLOGO

50 37 37 41

MESSRS Siaka OUATTARA

Fati OUEDRAOGO

Kibsa OUEDRAOGO

Achille YAMEOGO

Boureima SAWADOGO

50 30 54 49

MPF Mme MILLOGO Marie Claire

50 30 01 04

70 24 97 75

MS SOME Romaric (DEP)

Souleymane SANOU (DGS)

MSF (France) Mr COPAN François 50 33 53 68

MSF (Luxembourg) Dr SANNE Salam (Responsable

du volet urgence)

50 34 06 52

70 24 00 50

HKI Anne TARNI

NUTRI-FASO Claire KABORE 50 30 48 73

OMS Dr Léopold OUEDRAOGO

Dr Ghislaine CONOMBO

PADS Zacharie BALIMA

PAM Paola 50 30 60 77

Page 92: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Projet Assistance BKF 6129 Dr Alfred DABIRE

CRS Marguerite SAKA 50 34 25 30

CMA de Ziniaré Dr BORO

IGS MS Dr KANGWE

Conseiller Technique/ MS Dr SOMBIE

NUTRITIONNISTES

Dr André OUEDRAOGO 76 80 93 83

Dr Gameli Kofi SEADZI

Dr BOUGNAIN G. Clément 76 63 77 04

Léon SANOU 70 26 95 55

Dr Cyrille NIAMEOGO 70 65 87 99

Dr Alfred SAWADOGO

Dr Emmanuel ILBOUDO 70 72 75 43

PNGT Mme DAMBRE Blandine 50 31 54 37

SP/CNLS Dr. BIDIGA Joseph 70 26 30 21

UNICEF Mr DIOUF

Ambroise NANEMA

Hervé PERIES (Représentant

Résident)

70 27 15 30

70 24 26 84

50 30 02 35

MEF Mr DOUSSA Souleymane

Mme OUEDRAOGO Edith

Mr BAMBARA Daniel

70 25 03 60

Page 93: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

ANNEXE 3: MAKING NUTRITION POLICY CENTRAL TO DEVELOPMENT

UNDERSTANDING THE INSTITUTIONAL AND POLITICAL FACTORS FOR

POLICY CHANGE

Guiding Questions/Issues for the Country Case Studies

1. The Political Context in which Nutrition Policies Operate

a) Characterize the political environment (and typical policy-making

environment) in which nutrition policies operate.

b) How are nutrition policies placed in the government agenda, in regards to other

pro-poor policies, in particular social expenditures? Provide budget

comparisons of nutrition expenditures with respect to other social expenditures.

Look in particular at its evolution over time. Is Nutrition following the same

trend as other social expenditures? Is there a particular area/topic that is

gaining importance on the government agenda?

c) What has been the traditional role of the State when it comes to social policies

and pro-poor policies? What has been the role of the State for nutrition

policies? Has it experienced any changes? Please, specify.

d) What is the dominant discourse of the policy elites on nutrition in your

country? In particular, what are the views on the role of the State in combating

malnutrition? Do they believe that public policies should be place to combat it,

or that it is problem at the household level?

Are the policy elites in your country convinced by arguments that it is

important to address nutrition as a human right or that is important for

sustained economic development?

What are competing policy narratives (in other policy areas) on human

development issues that seem to be more successful than nutrition in

motivating the commitment of policy elites? Why do they resonate better

with the elite?

How are the malnourished viewed by the policy elite? Are the

malnourished differentiated—some more worthy of public support than

others?

2. Trajectory of Nutrition Policies in the Country: Characterizing the “Outcome”

a) Describe the nutrition policies (programs, projects and actions) that have been

implemented in your country since Independence

Can you divide the trajectory into “periods” based on type of approach to

nutrition (i.e. food access, micronutrients, community-based, etc.);

predominant institutional arrangements (type of Ministry that housed it,

existence and location of coordination body, etc); type of funding

(government, donors, etc.), and other relevant categories?

b) Can you assess the level of government’s commitment to the nutrition policy for

each of the periods identified?

Utilize the definition of “success” for the comparative study to ensure

consistency across cases. The definition of “success” in establishing

Page 94: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

nutrition as a priority in the government’s agenda “when nutrition policies

and programs are accompanied by a budget commitment and consistent and

adequate implementation over time, so as to develop a certain degree of

institutionalization and a sustained reduction of malnutrition”

Evaluate the following:

Government’s discourse (nutrition discourse, relationship to

government’s (development) agenda)

Budget commitment (evolution of budget for nutrition, budget

mechanisms to fund nutrition policies, evolution of social

expenditures in general)

Level of Implementation (level of execution and agencies involved,

involvement of central and local governments)

Government data gathered on nutrition indicators

Outcomes reached in terms of malnutrition and nutrient deficiencies

c) Identify “turning points” in the policy trajectory. These are moments of

inflexion in which the policy went from a “low priority” to a “high priority”

status or vice versa. These “turning points” are particularly important as they

imply change. The study will focus its attention particularly in these turning

points, although maintenance of the accomplished change when positive is also

relevant.

3. The Policy Making Process for Nutrition Policies: Characterizing the Scene, Actors and

Strategies

For each stage in the policy making process for nutrition policies (agenda-setting,

design, adoption, implementation and sustainability) identify:

Main actors (for example, for the agenda-setting it could be the Prime

Minister, donors, NGOs, Parliament, Ministries, a coalition of nutrition-

minded reformists, etc.)

Interests and Power (Identify main interests of actors in regards to nutrition

and their power to influence the decision-making process)

Main Institutions (formal and informal) It is important to note the role of

both formal institutions (Parliament approval, budget approval mechanisms,

elections, party competition, etc) and informal institutions (unwritten rules

for budget approvals, clientelistic networks, etc.)

Main Agencies: Identify government agencies involved in each of the policy-

making stages.

Identify actions and strategies adopted by the actors that are most important

and their influence of the decision-making process.

4. Explaining Change: Factors Associated with Policy Change (or Lack of It)

Identify the factors that seem to put nutrition into the government’s agenda and to

allow for its sustainability over time. Conversely, identify the factors that seem to

get in the way of making nutrition of government’s priority. Below, see a list of

relevant factors usually associated with putting nutrition into the government’s

agenda. Consider them for your country case and add any other factors that seem

to make a difference.

Page 95: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Agenda Setting What seems to determine if nutrition gets into the

government’s agenda in your country?

a) Role of Narratives: The Narrative is a discourse that presents a

clear, simple and pressing argument for government action in

regards to nutrition. Usually this narrative is present to get an issue

in the government’s agenda. Is this narrative present? How was it

articulated? What is its content? What type of information

influences the narrative? Are there competing narratives coming

from different actors? Which are the main ones? What is the

discourse on nutrition that the government has? How does it relate

to other topics in its agenda, and to the main theme in the

government’s agenda? If there is a National Policy on Nutrition,

how does this narrative relate to it?

b) Role of Agents for Policy Change: Policy change typically occurs

through the action of agents. These are individuals or networks

who influence policy through the ways in which they define

problems, link them to solutions, … translate them into simplified

images and understandings…successfully mobilize the attention of

policy makers, and sustain their interest in an issue or program

over the longer run (Porter 1994). Identify the existence of these

agents. The literature distinguishes between:

Champions (usually well-connected public officials,

ministers, who advocate for nutrition within government)

Advocacy Coalitions (this could include public officials,

politicians, donors, NGOs, and beneficiaries. They advocate

for nutrition and followed it through all stages of policy

making)

c) Role of donors: In nutrition policies, in particular in Africa, donors

are known for being influential in shaping the government’s

agenda. Assess their role in influencing the nutrition agenda in

your country. What are the most relevant actors among donors?

How they influenced government? What are the main channels for

influencing government? What has been the specific impact in the

content of the government’s agenda? Do they coordinate their

efforts with other donors? Evaluate the impact of their withdrawal

of funds, or changes in their own agendas.

d) Role of Competing Interests: Sometimes policy changes do not

occur either because there are strong opposing interests to that

change (example: teachers’ unions opposing education reforms) or

because politicians find some policies more politically profitable

than others (they get more votes, more jobs, more rents, etc.), the

interests of politicians in the central government differ from

politicians at the local level, or some bureaucracies are more

Page 96: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

powerful than others in pushing their agendas. Evaluate the role

of:

Opposing interests: Are there interests against nutrition

policies? What is their rationale for opposing nutrition?

Politicians: How are nutrition policies in the interest of

politicians? If they are not, explain why?

Central vs. Local: Do the interests of local

governments/politicians differ from the interests of politicians at

the central level, in regards to nutrition policies? Do the local

politicians influence the agenda-setting process?

Differential power of bureaucracies: Is nutrition advocated by

one of the government’s agencies in particular? How powerful

is this agency with respect to others? How are the nutritionist

seen within these bureaucracies?

e) Role of Strategies: Examine what strategies pursued by the

different actors seemed to be particularly successful in putting

nutrition in the agenda; and which ones were not effective. Actors

can improve their chances of success by making institutions and

circumstances work in their favor. It is important to identify these

strategies.

f) Role of Timing/Context: Identify the role that context could have

had in putting nutrition in the agenda. For example, the role of

other economic/social reforms under way, economic crisis,

elections, food crisis, draughts, international conferences, etcetera.

g) Role of Beneficiaries (bottom up pressures) Are the beneficiaries

(direct and indirect) of nutrition policies having an impact in

shaping the agenda? Which means are they using? Is nutrition a

priority for potential beneficiaries?

Design: The design of a policy can have an impact on its likelihood of

adoption, implementation and sustainability. From a political economy

standpoint, the design reveals who is “in” and who is “out”, so it can be used

strategically to increase its changes of adoption.

In your analysis of this phase, please pay attention to the following aspects:

a) Who gets to participate during this stage? What are their

interests? How that affects the policy design?

b) Are there competing solutions, approaches to the problem of

nutrition, represented by different actors? How do these solutions

relate to the narratives (see agenda-setting)?

c) How do the agents for policy change (see agenda-setting)

participate in this stage?

d) What is the role of donors during this stage?

e) Are actors strategic in the design of this policy? Do they include

or exclude certain actors/agencies to increase chances of success?

Page 97: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

Do they include features that could be more appealing to

politicians? Do they include rewards and sanctions to create

constituencies and/or lower resistance? Explain the strategies

adopted.

Adoption: The adoption of a policy may require the involvement of different

political institutions, and therefore new actors and rules of the game. Some

policies can be obstructed during this stage, as opposition may use

Parliament in their favor. Again, actors can behave strategically to play

institutions in their favor.

In your analysis of this phase, please pay attention to the following aspects:

a) What are the key nodes (Parliament, Executive, etc.) during the

adoption, the key actors, and the main constraints and

opportunities?

b) Are the original proposals modified? What are the main

modifications?

c) What are the roles of agents for policy change (in particular

champions and advocacy coalitions) during this stage? What is

the role of donors? Competing interests?

d) Main strategies adopted. What worked and what didn’t?

Implementation Adoption of a policy does not guarantee implementation, and

policies can be derailed or modified during this stage. Often, new actors, new

agencies, and new rules of the game appear on the scene of the politics of

implementation.

In your analysis of this phase, please pay attention to the following aspects:

a) What are the key public agencies and actors that get involved in

this stage? What is the role of local governments at this stage? To

what extent this relates to the decentralization policy in your

country? To what extent is the Executive able to maneuver at this

point in the policy process?

b) Does the original policy suffer some modifications at this stage?

Which ones? Who made them? Why?

c) How are decisions made on who does what and how? What are

the competing interests at this point? What is the role of donors?

d) If there is a need for a coordinating agency for nutrition, what

are the politics of this decision? What are the advantages and

disadvantages of the location of that agency in your country?

How is the funding of this agency decided? How does it work?

e) Are there competing implementation strategies? Who are the

main actors that present these implementation strategies? How is

the final decision made?

f) What is the role of the agents of policy change during this stage?

Are members of the Advocacy Coalition able to intervene during

this stage? How and in what decisions? What strategies were

successful and which ones did not work?

Page 98: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

g) What are the strategies that seem to work for keeping the

implementation of nutrition policies/programs on the right track?

What strategies did not work?

h) Did the beneficiaries have a role to play in the implementation

strategy adopted, or in keeping the programs/policies alive?

i) How did timing issues or the context affect the politics of

implementation?

j) Are the results of these policies recorded and conveyed to

politicians/public/media?

Sustainability Adopting a policy and implementing it is not enough to sustain

it over time. For malnutrition to be reduced a long term strategy needs to be

adopted and sustained over time. It is important to understand how to keep

nutrition on the government’s agenda. The overall question is how do we

keep the interest of politicians, public officials, and the public in general on

this issue, and adequate policies running?

a) Identify the main factors and strategies that made policies and

programs in nutrition sustainable over time. How did they survive

political changes in the Executive, in specific public agencies

(Ministries of Health, Agriculture, Education, etc.)? How did they

manage to adapt to new environments: political and economic,

and to new ideas in the donor community, nutrition?

b) Identify the main obstacles in making nutrition sustainable over

time? What were the least successful strategies?

c) What was the role of agents of change (Coalition, Nutritionists

Core Group, Champions) in the sustainability of these policies?

What was the role of donors and their specific contribution?

d) What are the characteristics of organizations (administrative

capacity, personnel, leadership, accountability relationships) that

tend to make nutrition policies more sustainable over time?

5. Understanding Sequence (and Inter-Relation). Unpacking Key Factors Identifying and

Strategies

In understanding the factors that seem to make a difference in bringing about

success in putting nutrition in the government agenda and some level of institutionalization

over time, we are not only interested in identifying the factors (presence or absence) but

also in understanding: a) what is the sequence in which they tend to work (for example,

projects in nutrition start to have impacts and get noticed by politicians and then advocacy

coalitions become more effective), their inter-relations (advocacy coalitions work only if

there is also a “champion” in government sponsoring nutrition). So, it is very important

that you pay attention to the order in which these factors tend to appear (the factors

mentioned or the ones we might find relevant in your cases), and the way they interact with

each other.

As the ultimate outcome of the study is to develop a tool that can assist the World

Bank, governments and nutrition-minded reformists to bolster commitment and capacity in

fighting malnutrition, it is very important to unpack how each of the factors identified work

and its characteristics. For example, if an “advocacy coalition” exists in your country

Page 99: Economie politique de la nutrition au Burkina Faso

(either if it has been successful or not), identify its main characteristics: composition (who

are the people that participate in it, mix of skills, networks, and communities of reference),

its origins, how it stays together, how it functions, what it does, etc.

Another important aspect that we need to unravel through this study is the strategies,

as they are mentioned several times throughout this guide. We need to know not just that

we need to have an advocacy coalition in place (and how to form it and make it work), we

also want to know what the strategies that the coalition used to get nutrition in the

government’s agenda and follow up the implementation of policies that were effective (or ineffective).