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Du vivant à la simulation Études sur les comportements Maxime Foisseau — mémoire de DNSEP — design graphique 2012

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Du vivant à la simulationÉtudes sur les comportements

Maxime Foisseau — mémoire de DNSEP — design graphique 2012

11 La vie est-elle histoires ?

19 Peut-on formaliser le vivant ?

29 Le monde est-il mathématique ?

37 Programmer la réalité ?

45 Le mouvement seul peut-il simuler le vivant ?

53 Le langage est-il le propre de l’homme ?

63 Une machine peut-elle penser ?

71 Quels sont les enjeux de la simulation du vivant ?

81 Quel est le rôle du designer ?

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Enfant, je me suis souvent surpris à rêver aux phénomènes qui faisaient virevolter un filet de fumée ou encore se déplacer les nuées d’oiseaux avec une si mystérieuse synchronisation. Plus tard, j’ai appris que chaque entité est constituée d’atomes, particules ayant leurs propriétés et interagissant entre elles.

Je me suis alors construis une vision du monde différente essayant de visualiser les forces agissant sur le filet de fumée ou encore les liens de communication pouvant gérer le mouvement de la nuée d’oiseaux.

Mon intérêt pour le vivant réapparaît lors d’une conférence du collectif Biréel à l’ESAD Grenoble-Valence, au cours de laquelle ses membres présentèrent un projet nommé “Electro Vitae”. Il s’agissait d’une interface “vivante” permettant de visualiser en direct les flux de consommation électrique d’une maison. Des formes y évoluent dans un support numérique, l’écran de télévision : plus la consommation électrique est forte, moins il y a d’activité, a contrario lorsque la consommation est faible, des formes apparaissent et évoluent avec le temps.

J’ai perçu en cette interface, l’intérêt de proposer le vivant comme moyen de visualisation de l’immatériel ; le visuel ayant des caractères hypnotiques, je pense que l’on fait beaucoup plus attention à sa consommation électrique afin de ne pas voir dépé-rir les organismes représentés dans l’interface. Je pense en ce sens que cela est beaucoup plus efficace qu’un simple compteur. Par ailleurs, je trouve tout de même assez paradoxal, le fait de pro-poser un visuel de consommation électrique sur un support qui lui-même consomme de l’électricité.

Par la suite lors de mon voyage d’études de quatrième année, j’ai assisté à un séminaire organisé par l’École de Recherche Graphique (ERG) intitulé “Corps/Machine” où étaient présents de nombreux participants : scientifiques, musiciens, artistes, psycho-logues… Trois jours de réflexion autour de la place des machines dans nos vies, d’analyse des enjeux politiques, idéologiques, scien-tifiques, artistiques, engendrés par notre environnement vivant et technologique.

J’ai été fasciné par la pluridisciplinarité qu’engendre les ques-tionnements autour de ce domaine de recherche. Par la même occasion, j’ai trouvé particulièrement intéressant le fait de voir la relation homme/machine contemporaine, comme résultant d’un bagage culturel ancré dans l’Histoire.

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Initié à la programmation lors de mon parcours aux beaux-arts, j’ai compris que tout organisme vivant dans notre monde obéit à des lois. Lois qui, à l’aide de programmes sont représentées par des formules mathématiques et des modèles établis par des scienti-fiques au fil des siècles.

Mais alors, si l’on peut formaliser le vivant, peut-on pour autant le réduire à une simple formule mathématique ? Peut-on tout modé-liser ? Et finalement, comment définir le vivant ?

Affiche du séminaire Corps/Machine, École de Recherche Graphique, Bruxelles, 2011.

La vie est-elle histoires ?

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Bien qu’elle nous touche de très près et que nous en soyons acteurs, il est difficile d’expliquer la notion de vie.

Si l’on tente de définir la vie, la réponse à cette question qui semble au premier abord assez évidente, se révèle bien vite un véritable défi. Là où Saint Augustin écrivait du temps :

“Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus.” 1

1. Confessions, Saint Augustin (354-430). 2. La cosmologie, est la science qui étudie l’univers en tentant d’apporter une réponse aux questionnements des “origines du vivant”.

Ne pourrait-on pas remplacer le terme de “temps” par celui de “vie” ? Plus simplement, je pense que si la question nous met dans l’incapacité de répondre directement et d’une manière affir-mative c’est parce que la définition de la vie n’a pas une seule mais plusieurs histoires. Pour le comprendre, il faut alors décomposer la question initiale en plusieurs parties qui lui sont directement liées : Comment la vie est-elle apparue ? Est-il possible de mimer, voir de créer la vie ?

Depuis les débuts de l’humanité, l’homme a toujours cherché à comprendre quelle était sa place dans l’univers et d’où il pro-venait. Les hommes ont donc élaboré diverses théories visant à percer le mystère de sa conception, de sa création originelle et de son évolution. Comprendre l’apparition de la vie dans l’univers revient à se demander ce que signifie se mettre en quête de trace de vie sur une planète ?

Pour ce qui est des origines, deux thèses fondamentales entrent en confrontation, d’une part la cosmologie 2 “scientifique” d’autre part les “religieuses”.

14 La vie est-elle histoires ?

De la première découle des principes anthropiques 3 selon lesquels l’Univers aurait trouvé sa forme à la suite du Big-Bang et que la prolifération du vivant n’est dûe qu’à un formidable hasard de la nature ; par exemple l’emplacement précis de la Terre à cette dis-tance du soleil, offre une température permettant à l’eau d’exister sous sa forme liquide, ce qui rend le développement du vivant par-ticulièrement favorable.

Ainsi, quelques micro-secondes après le Big-bang, dans ce contexte que les scientifiques ont nommé “soupe primordiale” 4, soit la période pendant laquelle l’univers était un magma extrê-mement dense et chaud, se seraient alors développés les pre-mières particules élémentaires.

Selon une autre théorie, appelée “panspermie” 5, la vie serait apparue sur Terre de manière extraterrestre, par le biais d’un météore s’écrasant sur terre et déposant par la même occasion les premières particules vivantes.

Lors de mes recherches sur les diverses théories scientifiques visant à élucider la création de la vie, un point important m’a frappé ; l’apparition quasi-systématique des termes “aléatoire”, “hasard” ou “chance”. Cela serait-il le signe que la communauté scientifique n’a pas trouvé d’explications acceptables ? Le fait étant probablement dû à ce que les explications “acceptées” sont sans cesse remises en cause par de nouvelles avancées scienti-fiques. J’imagine ainsi, que la non-explication implique l’envie de placer dieu comme synonyme du mot hasard et de se déculpabili-ser de l’incompris.

3. Terme introduit par Brandon Carter en 1974. Le principe anthropique (du grec anthropos, homme) est le nom donné à l’ensemble des considérations qui visent à évaluer les conséquences de l’existence de l’humanité sur la nature des lois de la physique et biologique .

4. Le terme “soupe primordiale”, vient d’une expérience dans le le domaine de la recherche des origines de la vie, menée par Stanley Miller et Harold Clayton Urey à l’Université de Chicago en 1953.5. Le terme “panspermie” a été proposé par Hermann von Helmholtz en 1878.

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Ce qui m’amène à l’étude de la cosmologie religieuse qui se subor-donne, elle, à la conception d’un démiurge ; un créateur. Cette théorie impose que l’intégralité de la création et du développe-ment de la vie serait le fait d’une intelligence divine.

Je trouve particulièrement intéressante la conception de voir le démiurge comme extérieur au monde qu’il régit. On peut faire l’analogie de cette vision en la transposant aux programmeurs vis-à-vis de leur création.

La notion de l’origine du vivant s’est toujours confrontée entre vision sacrée et considérations purement matérialistes. Ces deux visions opposées continuent à coexister.

Si les théories visant à déterminer les origines du vivant sont opposés, il en est de même pour celles qui s'essaient à en expliquer l'évolution. Là encore, comme aucune réponse ne semble satisfai-sante je pense qu’il est important de voir l’enjeu du questionne-ment de la vie. Même si de nos jours, les découvertes scientifiques sont dans l’ensemble acceptées par les communautés religieuses, il n’en a pas toujours été ainsi.

L’extension des procédés de diffusion du savoir, tel que l’impri-merie au XVe siècle a apporté avec elle un nouveau mouvement, “l’obscurantisme” 6. Véritable symbole des enjeux qui règnent sur la dualité entre les découvertes scientifiques et la religion, l’obscurantisme fut la bête noire contre laquelle se soulevèrent les penseurs de la période des Lumières 7.

6. Attitude de négation à la diffusion du savoir.

7. C’est dans cet esprit que Voltaire a écrit De l’horrible danger de la lecture en 1765.

16 La vie est-elle histoires ?

De cette dualité, reste une phrase dans l’Histoire :

8. Ce serait lors de son procès que Galilée aurait murmuré cette phrase.9. Théorie qu’il exprime dans son livre On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured

Races in the Struggle for Life, publié en 1859.10. Plus connu sous le nom de “théorie synthétique de l’évolution”.

“Et pourtant, elle tourne.” 8

Ces mots que l’on attribue à Galilée, véritable symbole des “mar-tyrs” de la science, condamné à réfuter ses propres convictions pourtant fondées, par une église catholique portant des œillères et tentant de préserver sa vision du monde erronée.

La communauté religieuse catholique finit pourtant par apprendre à faire des compromis, car avec le temps, les techno-logies ont permis de nouvelles découvertes scientifiques. Les pro-grès de l’avionique ont notamment permis de pouvoir enfin réali-ser le fantasme de la conquête de l’espace.

En 1961, Youri Gagarine fut ainsi le premier homme à être allez dans l’espace, confirmant de manière irréfutable le fait que la Terre est sphérique. Pourtant, ce n’est qu’en 1992 (pendant le pontificat de Jean-Paul II), soit trois siècles et demi après sa condamnation que Galilée fut réhabilité par l’Eglise.

Charles Darwin pose le principe de sélection naturelle 9 qui déclare entre autres que les organismes évoluent et parfois dis-paraissent, créant ainsi la diversité. Théorie qui de nos jours, trouve un second souffle (le néodarwinisme 10) avec l’implémen-tation de la génétique qui parvient à prouver que des organismes se ressemblent parce qu’ils partagent des caractères hérités d’un ancêtre commun.

Mais si les progrès technologiques ont permis de faire d’im-portantes découvertes, la première guerre mondiale a montré qu’ils n’étaient pas toujours bénéfiques. D’où l’émergence, dans la période d’après-guerre du créationnisme qui se fonde sur la conception que l’intégralité l’évolution de l’humanité n'est due qu’à Dieu. C’est en ce sens qu’en 1925, une loi nommée “Butler Act” est adoptée dans le Tennessee ; elle interdisait d’instruire la théorie de l’évolution de Darwin dans les écoles, seul la théorie créationniste telle qu’elle est enseignée dans la Bible demeure.Après plusieurs procès, la loi sera définitivement abrogée en 1967.

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Dans l’ouvrage La vie expliquée ? 50 ans après la double hélice 11, Michel Morange, donne un point de vue original. Il exprime que la non-définition de la vie, vient d’une dualité entre biologie moléculaire et biologie de l’évolution. Selon lui, si chaque domaine de la bio-logie ne travaille pas en communion mais reste confiné dans ses acquis, sans connaître l’histoire de la biologie en général, aucune définition ne pourra être clairement établit.

Toutes ces recherches me paraissent importantes dans le cadre de mon travail. En cherchant les définitions des origines du vivant j’ai vu la difficulté à le définir clairement. Même si j’adopte à titre personnel les théories scientifiques, j’ai tout de même particu-lièrement apprécié les visions religieuses évoquant le rapport entre le créateur et sa création. Je pense surtout à la sensation que l’on peut éprouver, comme par exemple étant enfant devant une colonie de fourmis ; le fait d’être grand, de pouvoir maîtriser les éléments… Par la même occasion, les recherches sur l’évolution m’ont également indiqué les enjeux qui'engagent la résolution du mystère de la vie.

11. La vie expliquée ? 50 ans après la double-hélice, Michel Morange, Odile Jacob, 2003

Peut-on formaliser le vivant ?

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Au fil des siècles, l’Homme a développé des outils lui permettant de percer le mystère de la vie. De mes recherches ressort une notion fondamentale : le modèle. En effet, pour comprendre le vivant, il faut l’observer, le décrire, interpréter ses comportements… Il faut également comprendre que ceci dépasse le domaine de la vision.

En somme, il faut comprendre que l’observation doit aller plus loin que notre simple champ de vision. Il faut voir le vivant comme une composition d’infiniment petit qui forme un tout.

Un modèle est une tentative théorique de représentation d’une réalité. Le sujet de la modélisation peut relever de différents domaines ; celui du motif, du comportement, de la prédiction… La question devient alors, comment créer un modèle ?

Je pense que le point de départ est une question. Par exemple, comment formaliser un motif naturel comme la coquille d’un Nautilus des mers ?

Par la suite, il faut en comprendre le fonctionnement, on sait par exemple que la coquille d’un Nautilus des mers se développe en spirale et de manière exponentielle en fonction du temps. On tente ensuite de trouver une méthode pour systématiser la façon de procéder, ce que l’on nomme un algorithme 12. Dans notre cas, l’algorithme permettant de représenter mathématiquement une spirale logarithmique est la suite de Fibonacci ; dont les premiers nombres de cette suite 1,1,2,3,5,8,13,21… chaque nombre étant obtenu en faisant la somme des deux nombres précédents.

12. Algorithme est un mot créé en IXe siècle. Le terme a été créé en hommage au mathématicien Al Khawarizmi. Il reprend la phonétique de son nom.

Coupe transversale d'un Naulilus des mers.

Représentation d'une spirale logarithmique grâce à la suite de Fibonacci.

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24 Peut-on formaliser le vivant ?

Cette modélisation apporte donc une possibilité de réponse, néan-moins je pense qu’il est important de comprendre que cela reste une possibilité, pas une réponse absolue. Par ailleurs, ce modèle présenté en exemple sera difficilement perçu comme simulation du vivant par la plupart d’entre nous, car il touche au domaine de la temporalité ; nous voyons dans cet exemple plus un motif qu’un réel comportement de développement.

Prenons donc un autre exemple peut-être plus “vivant”, celui du déplacement des fourmis. Les études ont montré que les fourmis employaient l’environnement comme support de com-munication. L’information échangée possède une portée locale qui prend la forme de phéromones. Ainsi seules des fourmis passant là où des phéromones ont été déposées par d’autres les ayant pré-cédées ont accès à cette information. Ce système porte le nom de “stigmergie 13”, et se retrouve chez plusieurs animaux sociaux.

De la même manière que nous avons procédé pour le coquillage, Marco Dorigo, a su transformer son observation en algorithme qui fut ensuite utilisé pour répondre à des problèmes de la vie courante tels que le problème dit “du voyageur 14”.

13. Terme nommé par Pierre-Paul Grasse en 1959.

14. Le but est de trouver le plus court chemin permettant de relier un ensemble de villes.

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Je trouve important la finalité de la modélisation, car en passant par ce bio-mimétisme 15, Marco Dorigo apporte une réponse à un problème de métaheuristique 16, qui depuis est à la base du pro-gramme gérant nos dispositifs de géolocalisation. La modélisation, au-delà du simple mimétisme peut donc trouver son utilité ail-leurs que dans la simple quête théorique de compréhension de l’objet initial. A l’époque, dans une société de transport, il fallait un jour complet dans la semaine et une équipe de six personnes pour établir les feuilles de route. Aujourd’hui, grâce à cette modélisation mais surtout à l’ordinateur, il ne faut que quelques secondes pour obtenir le meilleur trajet.

Bien que je ne cite que deux exemples, dans mon travail je me suis également intéressé à des modèles tels que le flocking 17 qui tente de montrer le comportement d’une nuée d’oiseaux ou encore le L-System 18 qui consiste à modéliser le développement de végé-taux ou encore la prolifération de bactéries.

Une fois comprise la création d’un modèle, je pense qu’il est important de savoir que les modélisations algorithmiques sont généralement apparus au même moment que l’émergence des premiers ordinateurs. Ceci expliquant cela, c’est évidement par souci de vitesse de calculabilité, mais aussi de visualisation ; c’est ici qu’entre en jeu la notion de simulation, qui n’est autre que la représentation d’un modèle. La croissance d’un coquillage, le déplacement cohérent d’une colonie de fourmis… Tout est-il modélisable ?

15. Le biomimétisme (biomimicry en anglais) consiste à observer les modèles existants dans la nature, à tenter d’en comprendre l’intelligence, et à étudier la possibilité d’en reproduire les formes, les matériaux ou les processus.16. Une métaheuristique est un algo-rithme d’optimisation visant à résoudre

des problèmes d’optimisation difficile pour lesquels on ne connaît pas de méthode classique plus efficace.17. Algorithmique établie par Craig Reynolds en 1986.18. Algorithmique établie par Aristid Lindenmayer en 1968.

Comportement type d’une nuée d’oiseaux., que l'on peut tenter de simuler grâce au flocking.

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Le monde est-il mathématique ?

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Bien que la correspondance entre réalité physique et mathéma-tiques semble établie depuis les toutes premières théories, cette question reste posée. Si ces modèles sont une mathématisation du vivant, l’intégralité du monde en est-il pourtant mathématique ? Cette question a traversé les siècles et a vu, une fois de plus, deux visions s’opposer.

La première, que je trouve particulièrement imagée et qui m’ins-pire est celle du platonisme. Platon 19 affirme, que les mathéma-tiques existent dans le monde. Ainsi, l’homme ne crée pas les mathématiques, il les découvre. Ce ne serait donc pas des outils de compréhension, mais bel est bien l’essence même du réel. L’exemple le plus repris par les mathématiciens de l’Antiquité pour étayer cette thèse est la musique dont les harmonies musi-cales semblent correspondre à des rapports entre les nombres.

Par le même principe, la théorie de l’harmonie des sphères 20, expose la liaison entre les distances régulières des planètes du sys-tème solaire par rapport à la Terre et les harmoniques musicales. Dans cette théorie pythagoricienne l’univers est régi par des rap-ports numériques harmonieux. La doctrine émise par pythagore postule que les nombres sont essentiels à toutes choses du monde.

Si le platonisme semble aujourd’hui dénué de sens pour une grande partie d’entre nous, il a pourtant perduré plusieurs siècles et reste toujours adopté par certains scientifiques actuels. Galilée l’ayant même repris à son époque, considérant le monde comme un grand livre qu’il fallait déchiffrer par le biais des mathématiques 21.

19. cf. l’allégorie de la Caverne exposée par Platon dans le Livre VII de La République qui met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une caverne qui tournent le dos à l’entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d’objets au loin derrière eux. Cette allégorie expose en termes imagés la pénible accession des hommes à la connaissance de la réalité, ainsi que la non moins diffi-cile transmission de cette connaissance, et sa théorie des idées.

20. La théorie de l’harmonie des sphères chez les pythagoriciens est attestée dès Platon et surtout Aristote. Elle date sans doute d’une période postérieure à Pythagore (530 av. J.-C.) et même Philolaos (400 av. J.-C.).21. Galilée aurait énoncé : “La mathématique apparaît comme le langage du monde.”

32 Le monde est-il mathématique ?

C’est là qu’intervient la dualité de paradigmes visant à considérer les mathématiques comme innées et non comme acquises.

“Mais alors comment est-il possible que les mathématiques qui sont pourtant un produit de la pensée indépendamment de l’expérience rendent compte si excellem-ment de la réalité ?” 22

22. Albert Einstein aurait énoncé cette question.

Cette manière de penser se nomme “l’empirisme”. Pour mieux comprendre cette notion, prenons un exemple. Galilée énonce en 1605, la loi de la chute libre dans laquelle il propose que tout corps en chute libre soit un mouvement effectué par une force : la pesanteur. Or cette théorie, ne se base que sur des constatations, dérivant ainsi en une loi descriptive.

Soixante années plus tard, Isaac Newton apporte le même type de réponse avec la loi de la gravitation universelle. La différence entre ces deux théories réside dans l’expérience ; là où Galilée ne faisait qu’émettre une théorie, Isaac Newton en fait une synthèse vérifiée par une série d’expériences.

C’est de cette manière que se fonde la méthode scientifique moderne, bien que dans cet exemple l’harmonie du monde et des nombres n’ait jamais été aussi parfaite. Il faut savoir admettre que ce que je vois n’est qu’une apparence. Il est possible que je me trompe, d’où la nécessité de mettre en place des expériences visant à prouver la véracité d’un théorème.

Finalement, la raison pour laquelle le monde est mathéma-tique n’est ni un miracle, ni une sorte d’harmonie entre ces deux termes séparés qui pour une raison mystérieuse se retrouvent en adéquation l’un l’autre, mais résulte bien du travail scientifique lui-même qui parvient à produire cette mathématisation du réel.

33

L’essor de l’informatique a permis d’unifier la notation mathéma-tique 23 ; auparavant les chercheurs écrivaient les mathématiques chacun à leur façon. Par la même occasion, afin de systématiser la notion de calcul, il a fallu développer l’algorithmique ; ce qui en soit, rejoint la volonté de définir le calculable.

Le monde est donc mathématique et sa simulation numérique est effectuée par conjugaison de la notion de logique et d’algorith-mique ; soit une formalisation de la notion de démonstration et une systématisation de la notion de calcul.

Étant plutôt en accord avec la vision moderne qui considère les mathématiques comme outil pour définir le monde, j’ai tout de même particulièrement été touché par la théorie platoni-cienne, qui apporte une autre vision du monde. Si pour simuler le vivant, il faut le comprendre et le métamorphoser en modèle, nous en déduisons qu’il faut passer de la transposition du réel aux mathématiques.

Ce qui me semble important de comprendre c’est le fait qu’un langage commun comme les mathématiques est “négocié” par les membres d’une population et non pas imposé par un indivi-du en particulier de cette population. L’émergence d’un langage est essentiellement dûe à un aspect collectif, basé sur un bagage culturel forgé par le temps.

23. Principia Mathematica (en trois volumes), Bertrand Russell et Alfred N. Whitehead, publié entre 1910 et 1913.

Modèle héliocentrique, extrait de De revolutionibus orbium coelestium,

Nicolas Copernic, Nuremberg, 1543.

Programmer la réalité ?

39

L’informatique a vu la naissance d’un nouveau langage ; la programmation. Le langage de programmation aide le programmeur qui a ainsi plus de facilité à déchiffrer une suite d’opérations en langage machine. cette formulation est ensuite réinterprétée à son tour par un compilateur pour le rendre utili-sable par la machine. Mais tout comme un langage parlé, le lan-gage informatique est lui aussi basé sur des codes construits du temps des systèmes dont certains aujourd’hui ne sont plus acces-sibles. Force est de constater, que nos vies sont rythmées par les médias numériques, je pense qu’il est important de considérer notre monde comme façonné par des algorithmes.

Lors de sa conférence TED, Kévin Slavin (le fondateur de Area/Code) illustre ce propos en montrant comment les programmes informatiques complexes ont déterminé la tactique d’espionnage, les scénarios de films, l’architecture…

Douglas Rushkoff, grand théoricien des médias notamment connu pour son attachement au mouvement cyberpunk et de sa ferveur envers les solutions apportées par l’open-source à des pro-blèmes sociaux, ira même plus loin, affirmant lors de la conférence SXSW 24 :

“[…] Au début étaient des gens qui vivaient dans un monde dont ils ne connaissaient pas les règles et qui essayaient de faire de vagues prédictions… Vinrent l’écriture, un alphabet et des textes, on ne dépendait donc plus de prêtres qui lisaient pour nous, nous avons pu fabriquer nos propres mots. Puis, arriva l’imprimerie, qui en théorie nous permettait de ne plus dépendre que de quelques scribes, et donnait à tous la possibilité d’écrire. Et enfin, nous avons aujourd’hui l’ordinateur qui bien sûr ouvre à tous la possibilité de programmer la réalité.”

24. En 2010, conférence dans laquelle il expose son livre Program or be program-med, OR Books, 2010.

40 Programmer la réalité ?

Sans aller aussi loin, je vois l’apprentissage de la programmation comme un outil permettant à tout un chacun de mieux com-prendre le monde qui nous entoure. J’aime particulièrement pen-ser que derrière ce langage il y a une histoire, mais également qu’il résulte d’une coopération. Cela fait notamment penser à l’open-source aujourd’hui. La définition du langage, ainsi que la naissance d’une langue sont deux choses assez passionnantes qui m’ont particulièrement intrigué, et sur lesquelles je reviendrais plus tard lors du questionnement sur la simulation du vivant à travers la voix.

Dans les premières parties de ce mémoire, j’ai exposé diffé-rents outils nécessaires à la compréhension et à la simulation du vivant. Par la suite, je me suis intéressé au regard que nous portons sur lui. Alors qu’est-ce qui nous permet de déterminer ce qui est du domaine du vivant.

Donc selon lui :

“Si vous n’êtes pas un programmeur, vous êtes programmé. C’est aussi simple que cela […]”

Les High Frequency trading sont des robots capables de passer 18000 ordres de bourse par

seconde. Ils seraient notamment la cause du crash boursier nommé "Flash Cash" de 2010.

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Michael Najjar, High altitude, 2009. En s'accaparant des formes dessinées

par les crêtes montagneuses, Michael Najjar s'évertue à représenter les cours de la bourse

depuis les années 80. Ici, la courbe représente les actions "Lehman Brothers", de 1992 à 2008.

Le mouvement seul peut-il simuler le vivant ?

47

Afin de comprendre la simulation d’aujourd’hui, je me suis inté-ressé aux procédures envisagées dans la simulation du vivant au cours de l’histoire. Mais également au regard que nous portons sur cette simulation afin de déterminer si oui ou non l’objet présenté nous paraît vivant.

Si l’on remonte aux origines, la création du vivant repose sur des mythes ; le mythe de Prométhée 25, ou encore le mythe de Pygmalion et Galatée26. Ces premiers mythes définissaient alors la création comme simple vivant. Bien plus tardivement dans l’his-toire avec l’Iliade d’Homère 27, la considération vis-à-vis de la créa-tion prit une tournure différente, puisqu’elle passa au statut de serviteur que la culture hébraïque nomma “golem” 28.

Le premier automate humanoïde (composé d’argile) aurait été conçu à cette période. Selon certaines légendes le mot Emet (la Vérité ou sceau de Dieu) était inscrit sur le golem et lorsque la lettre E s’effaça, donnant le mot Met (mort) alors le golem s’effon-dra et perdit la vie. Dans la tradition populaire hassidisme ashké-naze du XVe, le golem devient une créature réelle capable de servir ces maîtres et de remplir des tâches 29.

Cette idée d’assimiler le langage à la création de la vie m’a par-ticulièrement intéressé, elle nous rapproche une nouvelle fois des propriétés qu’offre la programmation.

Finalement tout ces premiers récits ne sont que des mythes, qui se réfèrent particulièrement aux faits religieux/mystiques dont il ne reste qu’une trace écrite.

25. Dieu grec issu de la race des Titans, qui créa l’Homme de terre et d’argile (le mythe de Prométhée reste néanmoins formé de traditions confuses, contradic-toires et de diverses époques).26. Sculpteur Chypriote, Pygmalion tomba amoureux d’une statue d’ivoire et pria Aphrodite de lui donner en épouse une femme ayant les traits de sa statue. Requête que la divinité exhauça en don-nant vie à la statue.

27. “Le Dieu du feu Héphaïstos avait construit des tables à trois pieds pour le servir (chant XVIII).”28. Livre des psaumes,“ Je n’étais qu’un golem et tes yeux m’ont vus” (139, 16).29. Rabbi Loeb de Prague en aurait fabriqué un et l’aurait détruit lorsqu’il aurait commencé à semer le trouble dans la ville.

48 Le mouvement seul peut-il simuler le vivant ?

Il faudra attendre les avancées mécaniques pour que le premier type de “machine vivante” apparaisse. Au XVIIIe ,Vaucanson, le célèbre créateur d’automate, rêvant de réaliser “un homme artificiel”, s’évertua à créer des êtres mécaniques. Son premier automate fut un canard, capable d’avaler du grain, puis, après un délai raisonnable de se soulager de la nourriture absor-bée quelque temps avant. Celui que Voltaire nomma “le rival de Prométhée” connut un succès retentissant avec ce canard dont la prouesse, au-delà de pouvoir simuler le vol, bouger ses plumes, sa queue et son cou était réellement le phénomène de digestion. Malheureusement, en 1783, un observateur attentif créa la décep-tion : l’entrée et la sortie n’étaient aucunement reliées. Le canard qui avait initié la simulation en physiologie était, en tout cas pour la fonction qui l’avait rendu célèbre, une supercherie.

D’autres s’y essaient également, comme Kempelen en 1789 et son automate joueur d’échecs. Automate qui finalement se révé-la une supercherie qui fit le tour du monde : l’automate était en réalité une simple boîte contenant une personne de petite taille qui déplaçait les pièces par-dessous. Ces supercheries mettent le doigt sur le problème de la simulation du vivant, car si l’observa-tion précise permet d’établir des modèles de mouvements particu-lièrement réalistes, il est beaucoup plus complexe de recréer des phénomènes comportementaux.

La simulation d’un mouvement arrive à duper notre vision en tentant de nous faire croire que l’objet simulé appartient au domaine du vivant. Nous sommes affectés par nos expériences habituelles et nous faisons une comparaison entre ce que nous voyons et ce que nous connaissons.

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Prenons Asimo, le petit robot conçu par la firme Honda. Il est capable de marcher, de modifier sa trajectoire tout en marchant, de détecter les mouvements des objets, ainsi que leur trajectoire, mais aussi de monter et descendre des escaliers, reconnaître des visages, comprendre la parole humaine, analyser son environne-ment, garder son équilibre sur des surfaces mouvantes, sauter à cloche-pied, courir… Par son comportement, Asimo reprend bon nombre de mouvements humains. Néanmoins, pour être son égal, il lui manque plusieurs facteurs dont la voix et bien évidemment une conscience.

Ces recherches m’ont fait prendre conscience de l’intérêt que j’éprouve vis-à-vis de la sensation que nous apporte la vue du vivant. Je pense aux sentiments que l’on peut développer pour une simulation dont le tamagotchi 30 est la parfaite illustration. Par la même occasion, je pense que l’on voit aussi se dégager cette appréhension à la création ; le fait de la considérer comme un ser-viteur est un mot que je trouve fort et qui je pense est la source historique de notre rapport à la machine d’aujourd’hui.

30. Sur une mini console de la taille d’un porte-clé, le tamagotchi était un jeu simulant l'adoption et l'élevage d'un animal virtuel. Créer par Bandai et commercialisé en 1997.

Le Turc mécanique, 1789, Freiherr Joseph Friedrich zu Racknitz, gravure.

Le langage est-il le propre de l’homme ?

55

Si la représentation du mouvement est importante dans la simula-tion, c’est qu’elle touche un des sens que nous utilisons le plus, la vue. Néanmoins, dans la quête de création du vivant, l’homme est confronté à un véritable fantasme utopique : celui de la simulation de la voix. Dans le domaine du vivant, le langage, selon Descartes, différencie l’Homme de l’animal.

Pourtant il faut bien concevoir que la capacité de communi-quer grâce à un code n’est pas propre à l’espèce humaine. Tout être vivant communique avec son milieu ; une plante par exemple échange en permanence avec l’air qui l’entoure. Donc, si le langage est définit par tout moyen de communication, alors le langage n’est pas spécifiquement humain. Il a été démontré depuis que les ani-maux détiennent également un langage nommé zoosémiotique 31.

À ces premiers balbutiements, la simulation de la voix ne corres-pond qu’à une palette limitée des capacité du langage. Le premier à s’y atteler fut Kratzenstein qui a construit un orgue composé d’une série de résonateurs capables de prononcer les cinq voyelles en 1780.

Trois années plus tard, on retrouve Kempelen, le créateur du joueur d’échec, qui cette fois-ci propose la première “machine par-lante”. D’elle, un certain Charles Goettlib de Windisch envoya une lettre à l’Académie Impériale et Royale de Vienne 32.

31. La zoosémiotique comporte tout les codes d’expression corporelle chez les mammifères. Tels que: la danse des abeilles, les chants des oiseaux ou encore les ultrasons des mammifères marins…

32. Lettres de M. Charles Gottlieb de Windisch Sur Le Joueur D'Echecs de M. de Kempelen (1783), Karl Gottlieb Von Windisch et Christian Von Mechel, Kessinger Publishing (septembre 2010)

56 Le langage est-il le propre de l'Homme ?

“La machine répond clairement et distinc-tement aux questions qu’on lui pose ; la voix en est agréable et douce, il n’y a que le R qu’elle prononce en grasseyant et avec un certain ronflement. Lorsqu’on n’a pas bien compris sa réponse, elle la répète plus lentement ; et si on l’exige encore une fois, elle la répète de nouveau, avec un ton de l’humeur et de l’impa-tience. Je lui ai ouï prononcer bien et fort distinctement en différentes langues les mots et les phrases, que voici : papa, maman, Roma, ma femme, la reine, mon mari, le roi, Marianna, allons, à Paris, ma femme est mon amie, maman aime-moi. […] Ce parleur n’a pas encore la forme d’un corps humain. […] L’auteur se propose de lui donner les apparences d’un enfant de cinq à six ans, parce qu’elle a une voix analogue à cet âge, proportionné à l’état actuel de cette Machine bien éloigné encore du point de perfection.”

Bien entendu, tout ceci n’était qu’un leurre : un soufflet faisait vibrer une anche qui excitait un résonateur unique dont on fai-sait varier la forme pour les différentes voyelles avec une main. Les consonnes, y compris les nasales étaient produites par quatre passages d’air. Le tout étant contrôlé manuellement. Il y avait donc une nouvelle fois quelqu’un qui actionnait le mécanisme dans la boîte (cette supercherie fut dénoncée par Edgar Allan Poe 33). Néanmoins il est important de voir à quel point cet automate a nourri le fantasme des machines parlantes.

33. Histoires grotesques et merveilleuses, Edgar Allan Poe, 1840.

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Un des exemples le plus parlant serait celui d’Alexander Graham Bell. Jeune garçon qui, affecté par la surdité empirique de sa mère, développa une réelle dévotion à la quête de la reproduction de la voix. C’est notamment en s’inspirant de projets tels que ceux de Kempelen que Graham Bell réussit en 1876, à convertir les ondes sonores en impulsions électriques. L’aboutissement certes d’une machine parlante (téléphone), mais pas autonome puisque l’onde sonore proviennent d’un individu vivant et non de la machine elle-même.

Ce rêve se réalise aujourd’hui avec l’assistant digital personnel de Apple : SIRI. En regardant cela du point de vue du programmeur, il semble que SIRI se compose de trois couches : un analyseur de la parole/texte, un analyseur de grammaire et un ensemble de liens vers des prestataires de services.

Un analyseur de parole/texte est un logiciel qui transcrit la parole en texte.

L’analyse grammaticale elle, revient à la recherche d’une chaîne de certaines phrases clés utilisant ces phrases pour construire un modèle simple de ce que l’utilisateur voulait dire. Ce qui rend l’analyse grammaticale SIRI impressionnant est son intégration avec d’autres aspects du téléphone. Une des parties les plus excitantes de la démonstration apparaît lorsque Scott Forstall34 dit à SIRI, “Rappelez-moi d’appeler ma femme quand je quitte le travail.” SIRI détermine alors que la femme de Scott est Louise. SIRI utilise donc un principe de synonymes ; Scott ayant sa femme dans ces contacts en tant qu’épouse.

Et puis il y a le troisième volet, qui est l’ensemble des services que SIRI peut envoyer vers des prestataires de services. Ceci est la partie la plus modeste et familière du système. Vous avez déjà une application de calendrier et vous pouvez appuyer sur les boutons pour afficher et créer des rendez-vous. SIRI va pousser ces boutons pour vous.

34. Vice-président des logiciels iPhone d’Apple.

58 Le langage est-il le propre de l'Homme ?

En conclusion, SIRI, bien qu’il soit impressionnant n’est fina-lement qu’un subterfuge. Même si l’on a la capacité de se faire “comprendre” par la machine et d’avoir une réponse vocale créant ainsi un échange, elle ne compte pour autant aucune intelligence artificielle. Du moins je pense que cette intelligence artificielle se trouve ailleurs : en compilant en continu les requêtes qui lui sont faites Siri apprend à mieux les gérer, notamment dans de nou-veaux langages.

Finalement, la quête de la conversation avec une machine n’a inté-ressé seulement que de riches souverains et linguistes. Certains ingénieurs, mathématiciens et autres inventeurs ont eux aussi au fil des siècles développé parfois une véritable passion pour le langage. Si la reconstitution de la voix au sens sonore atteint son paroxysme, la compréhension du langage par la machine en est encore à ses balbutiements. Bien que certains modèles de discus-sions soient performants, il n’en reste pas moins que les machines évoluent dans un monde qui n’est pas le nôtre et n’ont pas une vision de notre réalité. La solution aux problèmes de la subtilité du langage humain passe donc par le développement d’une intel-ligence artificielle.

Schéma représentant les différents formes des résonnateurs , d'après les ébauches

de Christian Gottlieb Kratzenstein.

Schéma du synthétiseur de parole pneumatique tel que l'aurait développé von Kempelen en 1791.

Les réponses de SIRI sur iPhone 4S sortie en octobre 2011.

Une machine peut-elle penser ?

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L’ordinateur utilise un langage binaire. Pour qu’il puisse réelle-ment penser il faudrait traduire tout le langage naturel en lan-gage logique. En somme réussir à transcrire en langage logique, le jugement esthétique, la valeur morale, les appréciations subjec-tives des sentiments, les rêveries, les métaphores…

Quelque chose de totalement utopique…La cognition et les cultures façonnent les structures des lan-

gues et expliquent la diversité linguistique. Néanmoins il faut admettre que finalement un ordinateur n’est rien de plus qu’une machine électronique sachant lire une suite d’instruction prééta-blies créé par l’homme. En somme il ne pourra jamais développer son propre langage, sachant que pour l’instant, s’il y parvenait cela serait par le biais d’un programme pré-inscrit par l’homme, même si des ordinateurs élaborés comme des apprenants et tentant de dépasser cette limite sont en cours de développement comme nous le verrons plus tard avec Synapse Project.

L’intelligence artificielle n’existe pas (tout au moins pour le moment), on devrait y préférer le terme “d’intelligible artificiel”. Par ailleurs l’imitation de l’intelligence existe. Pour prendre à nou-veau un exemple revenons sur le texte de Alan Turing. En 1950, Alan Turing posa la cruciale :

“Can a machine think ?” 35

Qui s’explicite ainsi : lorsque les ordinateurs seront assez sophis-tiqués pour exprimer et comprendre les sentiments, comment pourra-t-on différencier l’homme de la machine ?

Alan Turing a donc créé un test qui porte son nom, afin de déce-ler le degré d’humanité d’une machine. À l’époque, son test consis-ta à mettre en confrontation un humain avec un autre humain et un ordinateur, en ignorant qui, de l’homme ou de la machine, répond aux questions posées. Quand on ne pourra plus distinguer avec certitude la personne de l’ordinateur, on pourra dire que ce dernier a atteint l’intelligence humaine. Pour paraître plus “réel”, Alan Turing a tout de même ajouté une “âme” à l’ordinateur, lui implémentant la mémoire d’un jeune étudiant, afin de donner des réponses qui paraissent ancrées dans une réalité vécue. Le dia-logue suivant est la retranscription d’un véritable test de Turing.

35. Computing Machinery and Intelligence, Alan Turing, 1950.

66 Une machine peut-elle penser ?

Examinateur : Aimez-vous le printemps ?Entité : Ça dépend de mon humeur.

Examinateur : Combien font 11 et 11 ?Entité : 22

Examinateur : Et 512+512 ?Entité : Je n’ai jamais été doué en calcul mental.

Examinateur : Ce n’est pas grave, essayez.Entité : Voyons, 1000 quelque chose. 1024 je pense.

Examinateur :Récitez-moi un poème.Entité :La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse. Et qui dort son som-meil sous une humble pelouse…

Examinateur : Pourquoi ne remplacez-vous pas “au grand cœur” par “au grand air” ? A mon avis ce serait plus joli.

Entité : Je l’aime mieux tel quel.

Examinateur : Pourquoi ?Entité : Vous n’êtes pas sérieux. “Au grand air” et “au grand coeur” ce n’est pas pareil.

Examinateur : Alors remplacez “Et qui dort son sommeil” par “qui tristement som-meille”.

Entité : Vraiment, je l’aime mieux tel quel.

Examinateur : Pourquoi ?Entité : Le rythme du poème est meilleur.

Essayez de deviner si “l’entité” est un être humain ou une machine.

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Examinateur Ce n’est pas mon avisEntité : Vous aimez Baudelaire ?

Examinateur : OuiEntité : Moi aussi.

Examinateur : PourquoiEntité : Je trouve qu’il exprime des sentiments profonds qui correspondent souvent à ce que je peux éprouver. Et puis peut-être aussi que ça me rappelle la période où je l’ai lu pour la première fois quand j’étais ado.

Examinateur : Vous aimez l’art ?Entité : Oui

Examinateur : Vous peignez ? Entité : Comme un pied. Je suis plus attiré par la musique.

Examinateur : Vous jouez d’un instrument ? Entité : Oui, du piano

Examinateur : Jouez-nous un morceau.Entité : Je n’ai pas d’instrument.

D’après vous quelle entité répond, un humain ou un ordinateur ?

L’examinateur, qui a trouvé la bonne réponse, a donné la justifi-cation suivante. L’entité ne fait jamais appel à une espèce de ‘bon sens’ ni à la vie quotidienne. Les réponses qu’elle donne ne néces-sitent pas une vraie compréhension des questions. Elle repère les questions (elles se terminent par un point d’interrogation) et les ordres (le mode impératif). Enfin, dans l’interrogation sur le poème, elle refuse les substitutions proposées par l’examinateur avec des réponses passe-partout qui ne supposent pas une vraie compréhension du sens.

68 Une machine peut-elle penser ?

L’application de ce test se base sur une analyse sémantique par l’analyse syntaxique d’une phrase. Le plus difficile étant de répondre de son sens. Par exemple un programme informatique aura du mal à répondre à la question “de quelle couleur sont les panneaux de parking ?”

Pour y parvenir il faudrait que l’analyse sémantique automa-tisée extraie le sujet de la question (panneau de parking) afin de faire de son propre chef une recherche d’images, suivie d’une ana-lyse de couleur et enfin d’un recoupement. Ce qui est certes du domaine du fonctionnalisable, mais qui serait extrêment difficile à réaliser. Il est également important de comprendre que la formu-lation de la question joue réellement un grand rôle. Par exemple si la question posée est “combien font onze et onze ?”, la réponse informatique sera beaucoup plus difficile que si la question avait été “combien font 11 et 11 ?”. Du fait qu’un programme décryp-tera beaucoup plus facilement la deuxième question en passant par la suppression des caractères alphabétiques suivie par l’éva-luation du calcul standard… Ainsi, pour qu’un ordinateur et un être humain communiquent, ils doivent disposer d’une couche de langage commune. Mais les choses se compliquent, car le langage humain est en réalité un empilement des couches qui constituent le sens et le contexte. Or cet empilement est fini il est donc possi-blement “algorithmisable”.

Dans mes recherches sur Alan Turing une chose me semble éga-lement assez intéressante à explorer : Alan Turing était homo-sexuel 36. D’où peut être cette sorte de jeu visant à ne pas connaître le sexe de la personne qui parle lors du test de Turing. Chose importante à constater car à l’époque être homosexuel était inconvenant. Car à la base de ce test l’examinateur devait trouver si l’entité lui répondant était une femme ou un homme, l’entrée en scène de l’ordinateur en tant qu’entité arriva plus tardivement.

36. Certaines rumeurs laissent notam-ment entendre qu’Alan Turing se serait suicidé pour cette raison, seule sa mère entend que sa mort était accidentelle.

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Si Alan Turing a créé un leurre performant visant à nous tromper dans notre distinction de l’Homme/Machine, d’autres projets ont vu le jour. Notamment un projet récent, celui de Synapse déve-loppé par la firme IBM. Synapse est une puce, intelligente qui imite l’intelligence du cerveau d’un primate (qui se rapproche assez de celui de l’humain) grâce à une information cognitive.

En soit, le cerveau humain est une “machine” capable d’effectuer un grand nombre de tâches complexes avec précision tout en uti-lisant une quantité d’énergie d’environ 20 watts. L’intérêt de ce projet étant de reproduire ces mêmes conditions, soit d’utiliser non pas une énorme puissance pour créer une machine pensante, mais bel et bien reproduire un cerveau. Dans ce cadre, les tech-niciens d’IBM, ont reproduit l’architecture/structure du cerveau d’un primate à la façon dont ses éléments reçoivent les entrées sensorielles, puis se connectent les uns aux autres, adaptent leurs connexions… La puce ainsi créée émule l’efficacité informatique du cerveau, sans avoir recouru à la programmation, permettant ainsi à la puce de pouvoir apprendre de ses propres expériences, penser, ou encore se souvenir.

Bien que cela soit un considérable pas, qui parait irréel pour bon nombre de personnes, ce projet soulève tout de même bon nombre de questions. Notamment du point de vue philosophique, car si cette machine développe réellement une capacité d’apprendre, de se souvenir… on parle bien de la reproduction des fonctions d’entendement et de raison, proprement humaines. Les animaux peuvent ressentir de la colère, de la haine, de la jalousie, etc. Il n’y a là rien de particulièrement humain. Les émotions ne sont abso-lument pas le propre de l’homme. L’entendement et la conscience d’un raisonnement si. Je suis particulièrement intrigué par la réac-tion que nous aurons lorsqu’un tel type de machine pourra exister physiquement.

Quels sont les enjeux de la simulation du vivant ?

73

De nos jours, la création de la vie, notamment dans la robotique, suscite un emballement important et soulève bon nombre d’en-jeux. Influencé par le cinéma, mais aussi la science-fiction, ces enjeux remettent en cause de nombreux stéréotypes établis par nos sociétés au cours du temps. Ils posent de réelles interrogations sur l’identification postmoderne et la mise en péril des frontières identitaires élaborées par le patriarcat : on est soit homosexuel soit hétérosexuel, soit un homme soit une femme. Tout n’est qu’une structure de dualité, dans un cadre social déjà établi en pratique et profondément ancré dans des environnements économiques, politiques et culturels.

C’est cette réflexion qui a permis l’essor de divers mouvements dont le cyberféminisme ou encore le cyberpunk. Ces mouvements remettent à jour le fantasme décrit par la création, en y voyant un moyen de pouvoir changer les choses. Cette idée visant à dépas-ser les représentations fictionnelles et même les constructions de l’esprit. Donna Haraway, grande figure du cyberféminisme 37 qui a notamment écrit Le manifeste du cyborg considère les personnes qui portent des lunettes comme des cyborgs. En d’autres termes elle conçoit comme cyborg l’extension du corps à travers une techno-logie. Elle crée ainsi cet ancrage dans la réalité, puisque chacun d’entre nous peut être prolongé physiquement par des machines (ordinateurs, écrans…) et peut avoir aussi intégré des technologies (pacemaker…).

On trouve depuis longtemps des cyborgs dans la science-fiction, mi-naturels et mi-artificiels, mais on en trouve de plus en plus souvent dans la médecine qui associe corps et machines.

37. Faith Wilding souligne qu’on “peut considérer comme un geste radical le fait d’insérer le mot féminisme dans le cyberespace, d’interrompre le flot de codes masculins en affichant

énergiquement l’intention de délégitimer, hybrider, provoquer et infecter l’ordre masculin des choses en politisant l’environnement du Net.”

74 Quels sont les enjeux de la simulation du vivant ?

Par exemple, les universités japonaises de Showa, Waseda, et Kogakuin, ont mis au point avec la société Tmsuk, un nouveau type de robot destiné aux étudiants. Il s’agit d’un robot/patient ser-vant de cobaye aux étudiants. Ce robot particulièrement humain dans sa morphologie est sensible à la douleur et sa bouche est la partie la plus travaillée. Elle offre dix degrés de liberté lui permet-tant ainsi de reproduire les mouvements qu’un patient pourrait effectuer. Là où les occidentaux modélisent leur robot avec une apparence métallique, les orientaux eux, n’hésitent pas à tenter de pousser le réalisme humain au plus près ; ce qui inclut de définir la sexualité du robot.

Tout ceci relève de l’idée de démiurge. Oui, l’homme souhaite comme Dieu créer une intelligence à son image, mais sa peur de voir la machine prendre le dessus l’obsède également. Ainsi, ne pas coller une perception visuelle de l’homme sur sa création bien qu’il soit son modèle.

Si la création robotique envahit nos écrans et nos livres il n’en reste pas moins que la majeure partie des robots est associée à un contexte dystopique 38.

Prenons le film I.Robot 39. Il comporte de nombreuses références à des préoccupations contemporaines proches de l’intelligence artificielle. Premièrement concernant la terreur que nous ins-pirent les machines. La grande crainte de l’homme de voir un jour sa “création” prendre le dessus. Par la même occasion et pour en revenir aux lois de la robotique, certains films ont eux-mêmes ima-giné ce futur désastreux en allant plus loin, comme 2001 l’Odyssée de l’espace 40, où HAL : le robot contrôlant le vaisseau décide d’élimi-ner les humains qui tentaient de lui nuire. Pourtant, il est de nos jours déjà établi des lois sur la robotique. Le plus étrange à mon sens étant que ces lois proviennent d’un roman de science fiction d’Isaac Asimov 41.

38. Un futur apocalyptique.39. I.Robot, Alex Proyas, 2004.40. 2001: A Space Odyssey, Stanley Kubrick, 1968.

41. Les Robots, Isaac Asimov, éditions J'ai lu, traduction de C.L.A., 1967

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L’auteur met donc en garde l’humanité sur le fait qu’au fur et à mesure du progrès les relations homme/machine pourraient se détériorer. Ce fait aussi abordé dans Blade Runner 42, dans lequel les robots développent des sentiments et ont une âme, ce qui les pousse à prendre conscience qu’ils sont des esclaves. De même, la science-fiction va encore plus loin. Dans I.Robot par exemple, les robots suivent à la lettre les lois de la robotique mais en dévelop-pant leur esprit ils finissent par déterminer que le plus grand tort de l’humanité est l’homme lui-même.

Art.1.- Un robot ne doit pas faire de tort à l’humanité, ou par son inaction causer indirectement du tort à celle-ci .

Art.2.- Un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger.

Art.3.- Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand les ordres sont incompatibles avec la Première Loi.

Art.4.- Un robot doit protéger sa propre existence tant que cette protection n’est pas incompatible avec la Première ou la Deuxième Loi.

42. Blade runner, Ridley Scoot, Philip K. Dick, 1982

76 Quels sont les enjeux de la simulation du vivant ?

Les films et autres romans de fiction sont les lieux de nombreuses mises en garde face au développement de l’intelligence artificielle et bien que tout cela reste des fictions et fantasmagories, l’idée de créer une machine à l’intelligence réelle et pas seulement artifi-cielle perdure.

L’anthropomorphisme est donc au cœur des recherches scien-tifiques aujourd’hui. Prenons l’exemple de Kismet, un robot créé par le MIT. Kismet peut exprimer la colère, la surprise. Il réagit à la voix, aux gestes et peut apprendre à ne plus reproduire une erreur. Il est capable de réagir en tête à tête avec un interlocuteur humain. Mais cela ne reste qu’une tête dont on voit totalement l’aspect mécanique. Bien qu’ayant quelque trait de visuel anthropomor-phique il n’en reste pas moins une machine et non un humain.

Finalement, ces recherches m’ont appris l’importance de la repré-sentation du vivant sur la société. L’impact de sa représentation est fort, et s’il est utilisé dans le cinéma en tant que science-fiction, je pense qu’il faut en tirer parti pour les créations à venir.

Hanako Showa, robot imaginé par le professeur Kotaro Maki de l'Université de Showa à Tokyo

et conçue en collaboration avec l'Université de Waseda et l'entreprise de robotique Tmsuk en 2011.

Quel est le rôle du designer ?

83

De John Conway et son jeu de la vie 43 à Yugo Nakamura et son pro-jet Ecotonoha (interface dans laquelle un arbre grandit en fonction du nombre de messages postés), les représentations du vivant ont toujours été pluridisciplinaires et ont chacune engendrées des réactions différentes. Dans le monde de l’art, bon nombre d’ar-tistes se sont depuis longtemps penchés sur la représentation du vivant. De nos jours, avec les technologies numériques, la confron-tation entre le réel et le virtuel est mise en lumière.

Je pense que l’intégralité de mes recherches m’ont ouvert les yeux sur notre regard envers le vivant. Notamment que nous appliquons notre expérience personnelle pour justifier notre choix. Ainsi, je pense que si un mouvement, un comportement, un aspect ou une forme d’intelligence se rapprochent d’une notion que nous connaissons, alors nous sommes enclins à le considérer comme vivant. Pour ce qui est du domaine de la simulation numé-rique, nous sommes donc floués par nos acquis.

Edmond Couchot par exemple avec son installation Je sème à tous vents 44 permet de faire valser les aigrettes d’un pissenlit d’un simple souffle. En résulte une sensation étrange d’interaction entre le réel et un objet virtuel. Le fait de pouvoir interagir avec un objet virtuel et de jouer avec un comportement commun nous amène a constater l’objet comme vivant. Car nous connaissons cette forme et les comportements repris sont ceux qui appar-tiennent aux mondes dans lequel nous vivons.

Le pixel blanc d’Antoine Schmitt, lui, nous présente le mouvement d’un pixel blanc qui déambule sans fin dans un rectangle. Nous sommes face à une modélisation numérique qui nous évoque un comportement de vivant par le mouvement et son assimila-tion à un comportement vivant. À l’instar de Communion 45 de Matt Pyke, où des formes géométriques, véritables petites enti-tés qui dansent indépendamment sur de la musique house/tri-bale. Alimentées par le son dans la pièce, ces formes créent une ambiance enivrante.

43. Le jeu de la vie, automate cellulaire imaginé par John Horton Conway en 1970. 44. Le dispositif intitulé Je sème à tout vent (réalisé en collaboration avec Michel Bret) en est une illustration : c’est avec son souffle que le spectateur agit en temps

réel sur l’image et la fait vivre indéfiniment (une plume qui vole ou un pissenlit dont les akènes se dispersent dans l’espace).45. Communion, exposé à la Gaîté Lyrique de Paris du 21 avril – 27 mai 2011

84 Quel est le rôle du designer ?

Je pense que les points clés imposent d’assimiler le monde dans lequel nous vivons, de tirer de cette analyse les fonctionnements qui le régissent afin de pouvoir le simuler correctement. Il s’agit ce faisant, d’être conscient que cette simulation sera basée sur des codes établis par l’humain dans sa quête de connaissance.

J’envisage donc la simulation comme un outil visant à générer une sensation chez le lecteur, voire à modifier son rapport avec le numérique, puisque la simulation peut affecter réellement le développement de sentiments de l’homme envers le numérique comme le montre l’attachement par exemple avec le tamagotchi.

Je sème à tout vent, Edmond Couchot, Marie-Hélène Tramus & Michel Bret, 1990.

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Communion, Matt Pyke, exposé à la Gaité Lyrique de Paris du 21 avril – 27 mai 2011.

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Par le biais du questionnement sur la simulation du vivant, j’ai découvert de nombreuses autres questions se rapportant à ma pratique du design, notamment celle du rapport au langage de programmation quand à son impact sur la société. Au fil de mes recherches, je pense également avoir développé une véritable pas-sion pour le sujet, venant probablement de mes propres fantasmes vis-à-vis des progrès que j’imagine dans ce domaine (celui de l’I.A). Par la même occasion, me rendre compte que ce domaine était rattaché à tant d’autres m’ouvre des perspectives. Les questions émises par le cyberféminisme m’interrogent réellement sur le gra-phisme visuel que pourrait adopter mes futures créations. Par la même occasion, je m’interroge sur l’aspect pédagogique autour duquel pourrait graviter mon projet : le vivant comme nous l’avons vu est une notion très complexe.

La représentation des systèmes de communication développés par les animaux, tels que la zoosémantique, me semble également des sujets plutôt passionnants à aborder en termes de simula-tion, sachant que les abeilles utilisent des mouvements comme le nombre de rotations et le battements de leurs ailes, pouvant ainsi exprimer une alerte, une distance, un endroit intéressant…

Par ailleurs le rapport au spectateur me touche particulière-ment. L’implication affective d’une chose qui nous paraît vivante et qui ne devrait pas l’être provoque un réel sentiment d’étran-geté. Prouvant une fois de plus, que notre vision du vivant n’est pas clairement définie. Les capacités qu’apportent la simulation semblent immense, notamment le fait de pouvoir visualiser l’invi-sible, comme des flux.

Par la même occasion, les avancées technologiques dans le domaine du numérique permettent un nouveau type de relation avec la machine ; celui du toucher (avec le tactile) et de l’inte-raction dans l’espace avec son corps (avec des outils comme la kinect). Je compte, lors de la création de mon projet, tirer partie de ses diverses interactions pour amplifier les relations qui se tissent entre homme et machine.

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Gérard Wajcman, L’œil absolu, 2011. http://vimeo.com/20678137La majeure partie des définitions employées dans les notes sont issues du Grand Larousse, de la Wikipédia ou du Grand Robert.

Mes remerciements les plus sincères à toutes les personnes qui auront contribué à l'élaboration de ce mémoire.

Les enseignants de l'École supérieure d'art et design Grenoble-Valence :

Alexis ChazardLuc Dall'ArmellinaAnnick Lantenois

David PoullardGilles RouffineauSamuel Vermeil

Toute ma promotion :Adeline GiveletJeanne Gangloff

Marie Frignet des PréauxClotilde Marnez

Charlotte GauvinCécile Galicher

Gwendoline DulatFlorent Vicente

Ainsi qu'à :Hélène Bastide

Laura Guet

Je remercie particulièrement Adeline Givelet

qui m'a toujours soutenu et supporté.

Je souhaiterais également remercier mon frère et ma sœur

et tout particulièrement mes parents

pour leur infatigable soutien lors de mes études.