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  • Dumêmeauteur

    AUXMÊMESÉDITIONS

    LeDegrézérodel’écrituresuivideNouveauxEssaiscritiques

    1953et«PointsEssais»n°35,1972

    Micheletparlui-même

    «Écrivainsdetoujours»,1954rééditionen1995

    Mythologies

    1957et«PointsEssais»n°10,1970

    etéditionillustrée,2010(établieparJacquelineGuittard)

    SurRacine1963

    et«PointsEssais»n°97,1979

    Essaiscritiques1964

    et«PointsEssais»n°127,1981

    Critiqueetvérité1966

    et«PointsEssais»n°396,1999

    Systèmedelamode

  • 1967et«PointsEssais»n°147,1983

    S/Z1970

    et«PointsEssais»n°70,1976

    Sade,Fourier,Loyola1971

    et«PointsEssais»n°116,1980

    LePlaisirdutexte1973

    et«PointsEssais»n°135,1982

    RolandBarthesparRolandBarthes«Écrivainsdetoujours»,1975,1995et«PointsEssais»n°631,2010

    Fragmentsd’undiscoursamoureux

    1977

    Poétiquedurécit(encollab.)

    «PointsEssais»n°78,1977

    Leçon1978

    et«PointsEssais»n°205,1989

    Sollersécrivain1979

    LaChambreclaireGallimard/Seuil,1980

    LeGraindelavoix

    Entretiens(1962-1980)1981

    et«PointsEssais»n°395,1999

  • Littératureetréalité

    (encollab.)«PointsEssais»n°142,1982

    L’Obvieetl’ObtusEssaiscritiquesIII

    1982et«PointsEssais»n°239,1992

    LeBruissementdelalangue

    EssaiscritiquesIV1984

    et«PointsEssais»n°258,1993

    L’Aventuresémiologique1985

    et«PointsEssais»n°219,1991

    Incidents1987

    LaTourEiffel(photographiesd’AndréMartin)CNP/Seuil,1989,1999,2011

    ŒUVRESCOMPLÈTES

    t.1,1942-19651993

    t.2,1966-19731994

    t.3,1974-19801995

    nouvelleéditionrevue,corrigéeetprésentéeparÉricMarty,2002

    LePlaisirdutexte

    PrécédédeVariationssurl’écriture(préfacedeCarloOssola)

  • 2000

    CommentvivreensembleSimulationsromanesquesdequelquesespacesquotidiensCoursetséminairesauCollègedeFrance1976-1977(texteétabli,annotéetprésentéparClaudeCoste,

    sousladirectiond’ÉricMarty)«Tracesécrites»,2002

    LeNeutre

    CoursetséminairesauCollègedeFrance1977-1978(texteétabli,annotéetprésentéparThomasClerc,

    sousladirectiond’ÉricMarty)«Tracesécrites»,2002

    Écritssurlethéâtre

    (textesprésentésetréunisparJean-LoupRivière)«PointsEssais»n°492,2002

    LaPréparationduromanIetII

    CoursetséminairesauCollègedeFrance(1978-1979et1979-1980)«Tracesécrites»,2003

    etnouvelleéditionbaséesurlesenregistrementsaudio,2015

    L’Empiredessignes(1970)«PointsEssais»n°536,2005

    etnouvelleéditionbeau-livre,2015

    LeDiscoursamoureuxSéminaireàl’Écolepratiquedeshautesétudes(1974-1976)

    «Tracesécrites»,2007

    Journaldedeuil(texteétablietannotéparNathalieLéger)

    «Fiction&Cie»/Imec,2009et«PointsEssais»n°678,2011

    LeLexiquedel’auteur

    Séminaireàl’Écolepratiquedeshautesétudes(1973-1974)

  • SuivideFragmentsinéditsdeRolandBarthesparRolandBarthes(avant-proposd’ÉricMarty,

    présentationetéditiond’AnneHerschbergPierrot)«Tracesécrites»,2010

    Barthes

    (texteschoisisetprésentésparClaudeCoste)«PointsEssais»n°649,2010

    SarrasinedeBalzac

    Séminaireàl’Écolepratiquedeshautesétudes(1967-1968,1968-1969)(avant-proposd’ÉricMarty,

    présentationetéditiondeClaudeCosteetAndyStafford)«Tracesécrites»,2012

    Album

    Inédits,correspondancesetvaria(éditionétablieetprésentéeparÉricMarty)

    Seuil,2015

    CHEZD’AUTRESÉDITEURS

    ErtéFranco-MariaRicci,1973

    Arcimboldo

    Franco-MariaRicci,1978

    Surlalittérature(encollab.avecMauriceNadeau)

    PUG,1980

    Allexceptyou(illustréparSaulSteinberg)GalerieMaeght,Repères,1983

    CarnetsduvoyageenChine

    ChristianBourgois/Imec,2009

    Questions

  • AnthologierassembléeparPersidaAsllaniprécédéed’unentretienavecFrancisMarmande

    Manucius,2009

  • ISBN978-2-02-124232-4

    ©ÉditionsduSeuil,1978,etnovembre2002pourlaprésenteéditiontiréedesŒuvrescomplètesV.

    www.seuil.com

    CetouvrageaéténumériséenpartenariatavecleCentreNationalduLivre.

    CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

    http://www.seuil.comhttp://www.nordcompo.fr

  • TABLEDESMATIÈRES

    Dumêmeauteur

    Copyright

    Leçon

    Index

  • Leçon

    Jedevraissansdoutem’interrogerd’abordsurlesraisonsquiontpuinclinerleCollègedeFranceàrecevoirunsujetincertain,danslequelchaqueattributestenquelquesortecombattuparsoncontraire.Car,simacarrièreaétéuniversitaire, jen’aipourtantpasles titresquidonnentordinairementaccèsàcettecarrière.Ets’ilestvraiquej’aivoululongtempsinscriremontravaildanslechampdelascience,littéraire, lexicologiqueet sociologique, ilme fautbien reconnaîtreque jen’aiproduitquedesessais,genreambiguoùl’écritureledisputeàl’analyse.Ets’ilestvraiencorequej’ailiétrèstôtmarechercheà la naissance et au développement de la sémiotique, il est vrai aussi que j’ai peu de droits à lareprésenter, tant j’ai été enclin à en déplacer la définition, à peineme paraissait-elle constituée, et àm’appuyer sur les forces excentriques de la modernité, plus proche de la revue Tel Quel que desnombreusesrevuesqui,danslemonde,attestentlavigueurdelarecherchesémiologique.

    C’estdonc,manifestement,unsujetimpurquiestaccueillidansunemaisonoùrègnentlascience,lesavoir, la rigueuret l’inventiondisciplinée.Aussi, soitparprudence, soitparcettedispositionquimeporte souvent à sortir d’un embarras intellectuel par une interrogation portée à mon plaisir, je medétourneraidesraisonsquiontamenéleCollègedeFranceàm’accueillir–carellessontincertainesàmesyeux–pourdirecellesquifontpourmoi,demonentréedanscelieu,unejoieplusqu’unhonneur;carl’honneurpeutêtreimmérité,lajoienel’estjamais.Lajoie,c’estderetrouvericilesouveniroulaprésenced’auteursquej’aimeetquiontenseignéouenseignentauCollègedeFrance:d’abord,biensûr,Michelet,àquijedoisd’avoirdécouvert,dèsl’originedemavieintellectuelle,laplacesouverainedel’Histoireaumilieudessciencesanthropologiquesetlaforcedel’écriture,dèslorsquelesavoiracceptedes’ycompromettre;puis,plusprèsdenous,JeanBaruzietPaulValéry,dontj’aisuivilescours,danscette sallemême, lorsque j’étais adolescent ; puis, plus près encore,MauriceMerleau-Ponty etEmileBenveniste ; et pour le présent, onme permettra d’excepter de la discrétion où l’amitié doit les tenirinnommés,MichelFoucault,àquimelientl’affection,lasolidaritéintellectuelleetlagratitude,puisquec’estluiquiabienvouluprésenteràl’AssembléedesProfesseurscettechaireetsontitulaire.

    Uneautrejoiemevientaujourd’hui,plusgrave,parcequeplusresponsable:celled’entrerdansunlieuquel’onpeutdirerigoureusement:hors-pouvoir.Cars’ilm’estpermisd’interpréteràmontourle

  • Collège,jediraique,dansl’ordredesinstitutions,ilestcommel’unedesdernièresrusesdel’Histoire;l’honneur est d’ordinaire un déchet du pouvoir ; ici, il en est la soustraction, la part intouchée : leprofesseurn’yad’autreactivitéquedechercheretdeparler–jediraivolontiers:derêvertouthautsarecherche–nondejuger,dechoisir,depromouvoir,des’asserviràunsavoirdirigé:privilègeénorme,presqueinjuste,aumomentoùl’enseignementdeslettresestdéchiréjusqu’àlafatigueentrelespressionsdelademandetechnocratiqueet ledésirrévolutionnairedesesétudiants.Sansdoute,enseigner,parlersimplement,horsdetoutesanctioninstitutionnelle,cen’estpaslàuneactivitéquisoit,dedroit,puredetoutpouvoir:lepouvoir(lalibidodominandi)estlà,tapidanstoutdiscoursquel’ontient,fût-ceàpartird’un lieu hors-pouvoir. Aussi, plus cet enseignement est-il libre, plus encore est-il nécessaire de sedemandersousquellesconditionsetselonquellesopérationslediscourspeutsedégagerdetoutvouloir-saisir.Cette interrogationconstitueàmesyeux leprojetprofondde l’enseignementquiestaujourd’huiinauguré.

    C’esteneffetdepouvoirqu’ils’agiraici,indirectementmaisobstinément.L’«innocence»moderneparledupouvoircommes’ilétaitun :d’uncôtéceuxqui l’ont,de l’autreceuxquine l’ontpas ;nousavons cru que le pouvoir était un objet exemplairement politique ; nous croyonsmaintenant que c’estaussiunobjetidéologique,qu’ilseglisselàoùonnel’entendpasdupremiercoup,danslesinstitutions,lesenseignements,maisensommequ’ilesttoujoursun.Etpourtant,silepouvoirétaitpluriel,commelesdémons ? «Mon nom est Légion », pourrait-il dire : partout, de tous côtés, des chefs, des appareils,massifsouminuscules,desgroupesd’oppressionoudepression ;partoutdesvoix«autorisées»,quis’autorisentàfaireentendrelediscoursdetoutpouvoir:lediscoursdel’arrogance.Nousdevinonsalorsque lepouvoirestprésentdans lesmécanismes lesplus finsde l’échangesocial :nonseulementdansl’État, lesclasses, lesgroupes,maisencoredans lesmodes, lesopinionscourantes, lesspectacles, lesjeux, les sports, les informations, les relations familiales et privées, et jusque dans les pousséeslibératrices qui essayent de le contester : j’appelle discours de pouvoir tout discours qui engendre lafaute,etpartant laculpabilité,deceluiqui lereçoit.Certainsattendentdenous, intellectuels,quenousnousagitionsàtouteoccasioncontrelePouvoir;maisnotrevraieguerreestailleurs;elleestcontrelespouvoirs, et ce n’est pas là un combat facile : car, pluriel dans l’espace social, le pouvoir est,symétriquement, perpétuel dans le temps historique : chassé, exténué ici, il reparaît là ; il ne dépéritjamais :faitesunerévolutionpourledétruire, ilvaaussitôtrevivre,rebourgeonnerdanslenouvelétatdeschoses.La raisondecetteenduranceetdecetteubiquité,c’estque lepouvoirest leparasited’unorganismetrans-social,liéàl’histoireentièredel’homme,etnonpasseulementàsonhistoirepolitique,historique.Cetobjetenquois’inscritlepouvoir,detouteéternitéhumaine,c’est:lelangage–oupourêtreplusprécis,sonexpressionobligée:lalangue.

    Lelangageestunelégislation,lalangueenestlecode.Nousnevoyonspaslepouvoirquiestdansla langue, parce que nous oublions que toute langue est un classement, et que tout classement estoppressif:ordoveutdireàlafoisrépartitionetcommination.Jakobsonl’amontré,unidiomesedéfinit

  • moinsparcequ’ilpermetdedire,queparcequ’ilobligeàdire.Dansnotrelanguefrançaise(cesontlàdesexemplesgrossiers),jesuisastreintàmeposerd’abordensujet,avantd’énoncerl’actionquineseraplusdès lorsquemonattribut :ceque je faisn’estque laconséquenceet laconsécutiondeceque jesuis;delamêmemanière,jesuisobligédetoujourschoisirentrelemasculinetleféminin,leneutreoule complexeme sont interdits ; demême encore, je suis obligé demarquermon rapport à l’autre enrecourantsoitautu,soitauvous:lesuspensaffectifousocialm’estrefusé.Ainsi,parsastructuremême,la langue impliqueunerelationfataled’aliénation.Parler,etàplus forte raisondiscourir,cen’estpascommuniquer, comme on le répète trop souvent, c’est assujettir : toute la langue est une rectiongénéralisée.

    JevaisciterunmotdeRenan:«Lefrançais,MesdamesetMessieurs,disait-ildansuneconférence,neserajamaislalanguedel’absurde;ceneserajamaisnonplusunelangueréactionnaire.Jenepeuxpasimaginer une sérieuse réaction ayant pour organe le français. » Eh bien, à sa manière, Renan étaitperspicace ; ildevinaitque la languen’estpasépuiséepar lemessagequ’elleengendre ;qu’ellepeutsurvivreàcemessageet faireentendreen lui,dansunerésonancesouvent terrible,autrechosequecequ’ildit,surimprimantàlavoixconsciente,raisonnabledusujet,lavoixdominatrice,têtue,implacablede la structure, c’est-à-dire de l’espèce en tant qu’elle parle ; l’erreur deRenan était historique, nonstructurale;ilcroyaitquelalanguefrançaise,formée,pensait-il,parlaraison,obligeaitàl’expressiond’une raison politique qui, dans son esprit, ne pouvait être que démocratique.Mais la langue, commeperformancedetoutlangage,n’estniréactionnaire,niprogressiste;elleesttoutsimplement:fasciste;carlefascisme,cen’estpasd’empêcherdedire,c’estd’obligeràdire.

    Dèsqu’elleestproférée,fût-cedansl’intimitélaplusprofondedusujet,lalangueentreauserviced’un pouvoir. En elle, immanquablement, deux rubriques se dessinent : l’autorité de l’assertion, lagrégaritéde la répétition.D’unepart, la langue est immédiatement assertive : la négation, le doute, lapossibilité, lasuspensionde jugement requièrentdesopérateursparticuliersquisonteux-mêmesreprisdans un jeu de masques langagiers ; ce que les linguistes appellent la modalité n’est jamais que lesupplémentdelalangue,ceparquoi,telleunesupplique,j’essayedefléchirsonpouvoirimplacabledeconstatation.D’autrepart,lessignesdontlalangueestfaite,lessignesn’existentquepourautantqu’ilssontreconnus,c’est-à-direpourautantqu’ilsserépètent;lesigneestsuiviste,grégaire;enchaquesignedortcemonstre:unstéréotype:jenepuisjamaisparlerqu’enramassantcequitraînedanslalangue.Dèslorsquej’énonce,cesdeuxrubriquesserejoignentenmoi,jesuisàlafoismaîtreetesclave:jenemecontentepasderépétercequiaétédit,demelogerconfortablementdanslaservitudedessignes:jedis,j’affirme,j’assènecequejerépète.

    Danslalangue,donc,servilitéetpouvoirseconfondentinéluctablement.Sil’onappelleliberté,nonseulementlapuissancedesesoustraireaupouvoir,maisaussietsurtoutcelledenesoumettrepersonne,il ne peut donc y avoir de liberté que hors du langage.Malheureusement, le langage humain est sansextérieur:c’estunhuisclos.Onnepeutensortirqu’auprixdel’impossible:parlasingularitémystique,telleque ladécritKierkegaard, lorsqu’il définit le sacrificed’Abrahamcommeun acte inouï, videdetouteparole,mêmeintérieure,dressécontrelagénéralité,lagrégarité,lamoralitédulangage;ouencore

  • parl’amennietzschéen,quiestcommeunesecoussejubilatoiredonnéeàlaservilitédelalangue,àcequeDeleuzeappellesonmanteauréactif.Maisànous,quinesommesnideschevaliersdelafoinidessurhommes,ilnereste,sijepuisdire,qu’àtricheraveclalangue,qu’àtricherlalangue.Cettetricheriesalutaire, cette esquive, ce leurre magnifique, qui permet d’entendre la langue hors-pouvoir, dans lasplendeurd’unerévolutionpermanentedulangage,jel’appellepourmapart:littérature.

    J’entendsparlittérature,nonuncorpsouunesuited’œuvres,nimêmeunsecteurdecommerceoud’enseignement,maislegraphecomplexedestracesd’unepratique:lapratiqued’écrire.Jevisedoncenelle,essentiellement,letexte,c’est-à-direletissudessignifiantsquiconstituel’œuvre,parcequeletexteest l’affleurement même de la langue, et que c’est à l’intérieur de la langue que la langue doit êtrecombattue,dévoyée:nonparlemessagedontelleestl’instrument,maisparlejeudesmotsdontelleestlethéâtre.Jepuisdoncdireindifféremment:littérature,écritureoutexte.Lesforcesdelibertéquisontdanslalittératurenedépendentpasdelapersonnecivile,del’engagementpolitiquedel’écrivain,qui,aprèstout,n’estqu’un«monsieur»parmid’autres,nimêmeducontenudoctrinaldesonœuvre,maisdutravaildedéplacementqu’ilexercesurlalangue:decepointdevue,CélineesttoutaussiimportantqueHugo,ChateaubriandqueZola.Cequej’essayedeviserici,c’estuneresponsabilitédelaforme;maiscetteresponsabiliténepeuts’évaluerentermesidéologiques–cepourquoilessciencesdel’idéologieont toujours eu si peu de prise sur elle.Ces forces de la littérature, je veux en indiquer trois, que jerangeraisoustroisconceptsgrecs:Mathésis,Mimésis,Sémiosis.

    Lalittératureprendenchargebeaucoupdesavoirs.DansunromancommeRobinsonCrusoé,ilyaun savoir historique, géographique, social (colonial), technique, botanique, anthropologique (Robinsonpassede lanatureà laculture).Si,par jenesaisquelexcèsdesocialismeoudebarbarie, toutesnosdisciplinesdevaientêtreexpulséesde l’enseignementsaufune,c’est ladiscipline littérairequidevraitêtresauvée,cartouteslessciencessontprésentesdanslemonumentlittéraire.C’estencelaquel’onpeutdireque la littérature,quellesquesoient lesécolesaunomdesquellesellesedéclare,estabsolument,catégoriquement, réaliste : elle est la réalité, c’est-à-dire la lueur même du réel. Cependant, en celavéritablement encyclopédique, la littérature fait tourner les savoirs, elle n’en fixe, elle n’en fétichiseaucun;elleleurdonneuneplaceindirecte,etcetindirectestprécieux.D’unepart,ilpermetdedésignerdes savoirs possibles – insoupçonnés, inaccomplis : la littérature travaille dans les interstices de lascience:elleesttoujoursenretardouenavancesurelle,semblableàlapierredeBologne,quiirradielanuitcequ’elleaemmagasinépendantlajournée,etparcettelueurindirecteilluminelejournouveauquivient.Lascienceestgrossière, lavieestsubtile,etc’estpourcorrigercettedistanceque la littératurenousimporte.D’autrepart,lesavoirqu’ellemobilisen’estjamaisnientiernidernier;lalittératureneditpasqu’ellesaitquelquechose,maisqu’ellesaitdequelquechose ;oumieux :qu’elleensaitquelquechose – qu’elle en sait long sur les hommes.Ce qu’elle connaît des hommes, c’est ce qu’on pourraitappeler le grand gâchis du langage, qu’ils travaillent et qui les travaille, soit qu’elle reproduise ladiversitédessociolectes,soitqu’àpartirdecettediversité,dontelleressentledéchirement,elleimagine

  • etchercheàélaborerunlangage-limitequienseraitledegrézéro.Parcequ’ellemetenscènelelangage,aulieu,simplement,del’utiliser,elleengrènelesavoirdanslerouagedelaréflexivitéinfinie:àtraversl’écriture,lesavoirréfléchitsanscessesurlesavoir,selonundiscoursquin’estplusépistémologique,maisdramatique.

    Ilestdebonton,aujourd’hui,decontesterl’oppositiondessciencesetdeslettres,danslamesureoùdesrapportsdeplusenplusnombreux,soitdemodèle,soitdeméthode,relientcesdeuxrégionseteneffacentsouventlafrontière;etilestpossiblequecetteoppositionapparaisseunjourcommeunmythehistorique.Mais du point de vue du langage, qui est le nôtre ici, cette opposition est pertinente ; cequ’ellemetenregardn’estd’ailleurspasforcémentleréeletlafantaisie,l’objectivitéetlasubjectivité,leVraiet leBeau,maisseulementdes lieuxdifférentsdeparole.Selon lediscoursde lascience–ouselonuncertaindiscoursdelascience–,lesavoirestunénoncé;dansl’écriture,ilestuneénonciation.L’énoncé,objetordinairedelalinguistique,estdonnécommeleproduitd’uneabsencedel’énonciateur.L’énonciation, elle, en exposant la place et l’énergie du sujet, voire son manque (qui n’est pas sonabsence), vise le réel même du langage ; elle reconnaît que le langage est un immense halod’implications,d’effets,deretentissements,detours,deretours,deredans;elleassumedefaireentendreunsujetàlafoisinsistantetirrepérable,inconnuetcependantreconnuselonuneinquiétantefamiliarité:lesmots ne sont plus conçus illusoirement comme de simples instruments, ils sont lancés comme desprojections,desexplosions,desvibrations,desmachineries,dessaveurs : l’écriturefaitdusavoirunefête.

    Leparadigmequejeproposeicinesuitpaslepartagedesfonctions;ilnevisepasàmettred’uncôté les savants, leschercheurs,etde l’autre lesécrivains, lesessayistes ; il suggèreaucontrairequel’écriture se retrouve partout où les mots ont de la saveur (savoir et saveur ont en latin la mêmeétymologie).Curnonskydisaitqu’encuisineilfautque«leschosesaient legoûtdecequ’ellessont».Dansl’ordredusavoir,pourqueleschosesdeviennentcequ’ellessont,cequ’ellesontété,ilyfautcetingrédient,leseldesmots.C’estcegoûtdesmotsquifaitlesavoirprofond,fécond.JesaisparexemplequebeaucoupdespropositionsdeMichelet sont récuséespar la sciencehistorique ; il n’empêchequeMichelet a fondé quelque chose comme l’ethnologie de la France, et que chaque fois qu’un historiendéplacelesavoirhistorique,ausenslepluslargedutermeetquelqu’ensoitl’objet,noustrouvonsenlui,toutsimplement:uneécriture.

    La seconde force de la littérature, c’est sa force de représentation. Depuis les temps anciensjusqu’auxtentativesdel’avant-garde,lalittératures’affaireàreprésenterquelquechose.Quoi?Jediraibrutalement:leréel.Leréeln’estpasreprésentable,etc’estparcequeleshommesveulentsanscesselereprésenterpardesmots,qu’ilyaunehistoiredelalittérature.Queleréelnesoitpasreprésentable–mais seulement démontrable – peut être dit de plusieurs façons : soit qu’avec Lacan on le définissecommel’impossible,cequinepeuts’atteindreetéchappeaudiscours,soitqu’entermestopologiques,onconstatequ’onnepeutfairecoïnciderunordrepluridimensionnel(leréel)etunordreunidimensionnel(le langage).Or, c’est précisément cette impossibilité topologiqueàquoi la littératureneveutpas, neveutjamaisserendre.Decequ’iln’yapointdeparallélismeentreleréeletlelangage,leshommesne

  • prennentpasleurparti,etc’estcerefus,peut-êtreaussivieuxquelelangagelui-même,quiproduit,dansunaffairementincessant,lalittérature.Onpourraitimaginerunehistoiredelalittérature,ou,pourmieuxdire:desproductionsdelangage,quiseraitl’histoiredesexpédientsverbaux,souventtrèsfous,dontleshommesontusépourréduire,apprivoiser,nier,ouaucontraireassumercequiesttoujoursundélire,àsavoirl’inadéquationfondamentaledulangageetduréel.Jedisaisàl’instant,àproposdusavoir,quelalittérature est catégoriquement réaliste, encequ’ellen’a jamaisque le réelpourobjetdedésir ; et jediraimaintenant,sansmecontredireparcequej’emploieicilemotdanssonacceptionfamilière,qu’elleesttoutaussiobstinément:irréaliste;ellecroitsenséledésirdel’impossible.

    Cette fonction, peut-être perverse, donc heureuse, a un nom : c’est la fonction utopique. Nousretrouvonsici l’Histoire.Carc’estdanslasecondemoitiéduXIXesiècle,àl’unedespériodeslesplusdésoléesdumalheurcapitaliste,quelalittératureatrouvé,dumoinspournous,Français,avecMallarmé,sa figure exacte : la modernité – notre modernité, qui commence alors – peut se définir par ce faitnouveau:qu’onyconçoitdesutopiesdelangage.Nulle«histoiredelalittérature»(s’ildoits’enécrireencore)nesauraitêtrejuste,quisecontenteraitcommeparlepasséd’enchaînerdesécolessansmarquerlacoupurequimetalorsànuunnouveauprophétisme:celuide l’écriture.«Changer la langue»,motmallarméen, est concomitant de « Changer lemonde »,motmarxien : il y a une écoute politique deMallarmé,deceuxquil’ontsuivietlesuiventencore.

    Il suit de là une certaine éthique du langage littéraire, qui doit être affirmée, parce qu’elle estcontestée. On reproche souvent à l’écrivain, à l’intellectuel, de ne pas écrire la langue de « tout lemonde».Maisilestbonqueleshommes,àl’intérieurd’unmêmeidiome–pournous,lefrançais–,aientplusieurs langues. Si j’étais législateur – supposition aberrante pour quelqu’un qui, étymologiquementparlant, est « an-archiste » – loin d’imposer une unification du français, qu’elle soit bourgeoise oupopulaire, j’encouragerais au contraire l’apprentissage simultané de plusieurs langues françaises, defonctionsdiverses,promuesàégalité.Dantediscute trèssérieusementpourdéciderenquelle langue ilécriraleConvivio:enlatinouentoscan?Cen’estnullementpourdesraisonspolitiquesoupolémiquesqu’il choisit la langue vulgaire : c’est en considérant l’appropriation de l’une et l’autre langue à sonsujet:lesdeuxlangues–commepournouslefrançaisclassiqueetlefrançaismoderne,lefrançaisécritetlefrançaisparlé–formentainsiuneréservedanslaquelleilsesentlibredepuiser,selonlavéritédudésir.Cettelibertéestunluxequetoutesociétédevraitprocureràsescitoyens:autantdelangagesqu’ily a dedésirs : propositionutopique en ceci qu’aucune société n’est encoreprête à admettre qu’il y aplusieurs désirs.Qu’une langue, quelle qu’elle soit, n’en réprime pas une autre ; que le sujet à venirconnaisse sans remords, sans refoulement, la jouissance d’avoir à sa disposition deux instances delangage,qu’ilparlececioucela,selonlesperversions,nonselonlaLoi.

    L’utopie, bien entendu, ne préserve pas du pouvoir : l’utopie de la langue est récupérée commelanguedel’utopie–quiestungenrecommeunautre.Onpeutdirequ’aucundesécrivainsquisontpartisd’uncombatassezsolitairecontrelepouvoirdelalanguen’apuounepeutéviterd’êtrerécupéréparlui,soitsouslaformeposthumed’uneinscriptiondanslacultureofficielle,soitsouslaformeprésented’une

  • modequiimposesonimageetluiprescritd’êtreconformeàcequ’onattenddelui.Pasd’autreissuepourcetauteurquedesedéplacer–oudes’entêter–oulesdeuxàlafois.

    S’entêter veut dire affirmer l’Irréductible de la littérature : ce qui, en elle, résiste et survit auxdiscourstypésquil’entourent:lesphilosophies,lessciences,lespsychologies;agircommesielleétaitincomparableetimmortelle.Unécrivain–j’entendsparlà,nonletenantd’unefonctionouleservantd’unart,maislesujetd’unepratique–doitavoirl’entêtementduguetteurquiestàlacroiséedetouslesautresdiscours,enpositiontrivialeparrapportàlapuretédesdoctrines(trivialis,c’estl’attributétymologiquedelaprostituéequiattendàl’intersectiondetroisvoies).S’entêterveutdireensommemaintenirenverset contre tout la force d’une dérive et d’une attente. Et c’est précisément parce qu’elle s’entête quel’écriture est entraînée à se déplacer. Car le pouvoir s’empare de la jouissance d’écrire comme ils’emparedetoutejouissance,pourlamanipuleretenfaireunproduitgrégaire,nonpervers,delamêmefaçon qu’il s’empare du produit génétique de la jouissance d’amour pour en faire, à son profit, dessoldatsetdesmilitants.Sedéplacerpeutdoncvouloirdire:seporterlàoùl’onnevousattendpas,ouencoreetplusradicalement,abjurercequ’onaécrit(maisnonforcémentcequ’onapensé),lorsquelepouvoirgrégairel’utiliseetl’asservit.Pasoliniaétéainsiamenéà«abjurer»(lemotestdelui)sestroisfilmsdelaTrilogiedelavie,parcequ’ilaconstatéquelepouvoirlesutilisait–sanscependantregretterde lesavoirécrits :«Jepense,dit-ildansun texteposthume,qu’avant l’action,onnedoit jamais,enaucuncas,craindreuneannexionde lapartdupouvoiretdesaculture. Il fautsecomportercommesicettedangereuseéventualitén’existaitpas...Maisjepenseaussiqu’après,ilfautsavoirserendrecompteàquelpointonaétéutilisé,éventuellement,parlepouvoir.Etalors,sinotresincéritéounotrenécessitéontétéasserviesoumanipulées,jepensequ’ilfautabsolumentavoirlecouraged’abjurer.»

    Toutàlafoiss’entêteretsedéplacerrelèveensommed’uneméthodedejeu.Aussinefaut-ilpass’étonner si, à l’horizon impossible de l’anarchie langagière – là où la langue tente d’échapper à sonproprepouvoir,àsapropreservilité–,ontrouvequelquechosequiarapportauthéâtre.Pourdésignerl’impossibledelalangue,j’aicitédeuxauteurs:KierkegaardetNietzsche.Cependant,l’unetl’autreontécrit;maiscefut,pourl’unetl’autre,aureversmêmedel’identité,danslejeu,danslerisqueéperdudunompropre : l’un par un recours incessant à la pseudonymie, l’autre en se portant, à la fin de sa vied’écriture, comme l’amontréKlossowski, aux limitesde l’histrionisme.Onpeutdireque la troisièmeforcedelalittérature,saforceproprementsémiotique,c’estdejouerlessignesplutôtquedelesdétruire,c’estde lesmettredansunemachineriede langage,dont les cransd’arrêt et lesverrousde sûretéontsauté,brefc’estinstituer,auseinmêmedelalangueservile,unevéritablehétéronymiedeschoses.

    Nousvoicienfacedelasémiologie.Il faut d’abord redire que les sciences (du moins celles dont j’ai quelque lecture) ne sont pas

    éternelles : ce sont des valeurs quimontent et descendent à une Bourse, la Bourse de l’Histoire : ilsuffiraitàcetégardderappelerlesortboursierdelaThéologie,discoursaujourd’huiexiguetcependantautrefoissciencesouveraineaupointqu’onlaplaçaitendehorsetau-dessusduSeptenium.Lafragilité

  • des sciences dites humaines tient peut-être à ceci : ce sont des sciences de l’imprévision (d’où lesdéboiresetlemalaisetaxinomiquedel’Economie)–cequialtèreimmédiatementl’idéedescience:lasciencemêmedudésir, lapsychanalyse,nepeutmanquerdemourirunjour,bienquenous luidevionsbeaucoup,commenousdevonsbeaucoupàlaThéologie:carledésirestplusfortquesoninterprétation.

    Parsesconceptsopératoires,lasémiologie,quel’onpeutdéfinircanoniquementcommelasciencedessignes,detouslessignes,estissuedelalinguistique.Maislalinguistiqueelle-même,unpeucommel’économie (et lacomparaisonn’estpeut-êtrepas insignifiante), est en train,mesemble-t-il,d’éclater,par déchirement : d’une part, elle est attirée vers un pôle formel, et suivant cette pente, commel’économétrie,elleseformalisedeplusenplus;d’autrepart,ellesesaisitdecontenusdeplusenplusnombreux et de plus en plus éloignés de son champoriginel ; demêmeque l’objet de l’économie estaujourd’huipartout,dans lepolitique, lesocial, leculturel,demêmel’objetde la linguistiqueestsanslimites:lalangue,selonuneintuitiondeBenveniste,c’estlesocialmême.Bref,soitexcèsd’ascèse,soitexcès de faim, fluète ou replète, la linguistique se déconstruit. C’est cette déconstruction de lalinguistiquequej’appelle,pourmapart,sémiologie.

    Vousavezpuvoirque,toutaulongdemaprésentation,jesuispassésubrepticementdelalangueaudiscours,pour revenir, parfois, sansprévenir, dudiscours à la langue, commes’il s’agissaitdumêmeobjet. Je crois en effet aujourd’hui que, sous la pertinence qui est ici choisie, langue et discours sontindivis,carilsglissentselonlemêmeaxedepouvoir.Pourtant,àsesdébuts,cettedistinction,d’originesaussurienne(souslesespècesducoupleLangue/Parole),arendudegrandsservices;elleadonnéàlasémiologielecouragedecommencer;parcetteopposition,jepouvaisréduirelediscours,leminiaturiserenexempledegrammaire,etde lasorte jepouvaisespérer tenir toute lacommunicationhumainesousmonfilet,telsWotanetLogearrimantAlberichmétamorphoséenpetitcrapaud.Maisl’exemplen’estpas«lachosemême»,etlachoselangagièrenepeutsetenir,secontenirdansleslimitesdelaphrase.Cenesontpasseulementlesphonèmes,lesmotsetlesarticulationssyntaxiquesquisontsoumisàunrégimedelibertésurveillée,puisqu’onnepeutlescombinern’importecomment;c’esttoutelanappedudiscoursquiestfixéeparunréseauderègles,decontraintes,d’oppressions,derépressions,massivesetflouesauniveaurhétorique,subtilesetaiguësauniveaugrammatical:lalangueaffluedanslediscours,lediscoursrefluedanslalangue,ilspersistentl’unsousl’autre,commeaujeudelamainchaude.Ladistinctionentrelangueetdiscoursn’apparaîtplusalorsquecommeuneopérationtransitoire–quelquechose,ensomme,à«abjurer».Ilestvenuuntempsoù,commeatteintd’unesurditéprogressive,jen’aiplusentenduqu’unseul son, celui de la langue et du discours mêlés. La linguistique m’a paru, alors, travailler sur unimmense leurre, sur un objet qu’elle rendait abusivement propre et pur, en s’essuyant les doigts àl’écheveaududiscours,commeTrimalcionauxcheveuxdesesesclaves.Lasémiologieseraitdèslorscetravail qui recueille l’impur de la langue, le rebut de la linguistique, la corruption immédiate dumessage : rien de moins que les désirs, les craintes, les mines, les intimidations, les avances, lestendresses,lesprotestations,lesexcuses,lesagressions,lesmusiques,dontestfaitelalangueactive.

    Jesaiscequ’unetelledéfinitionadepersonnel.Jesaiscequ’ellem’obligeàtaire:enunsens,etbienparadoxalement,toutelasémiologie,cellequisechercheets’imposedéjàcommesciencepositive

  • dessignes,etquisedéveloppedansdesrevues,desassociations,desuniversitésetdescentresd’études.Ilmesemblecependantquel’institutiond’unechaireauCollègedeFranceentendmoinsconsacrerunedisciplinequepermettreàuncertaintravailindividuel,àl’aventured’uncertainsujet,desepoursuivre.Or, la sémiologie, en ce quime concerne, est partie d’unmouvement proprement passionnel : ilm’asemblé(alentour1954)qu’unesciencedessignespouvaitactiverlacritiquesociale,etqueSartre,BrechtetSaussurepouvaientserejoindredansceprojet;ils’agissaitensommedecomprendre(oudedécrire)comment une société produit des stéréotypes, c’est-à-dire des combles d’artifice, qu’elle consommeensuite comme des sens innés, c’est-à-dire des combles de nature. La sémiologie (ma sémiologie, dumoins)estnéed’uneintoléranceàcemélangedemauvaisefoietdebonneconsciencequicaractériselamoralitégénérale,etqueBrechtaappelé,ens’yattaquant,leGrandUsage.Lalanguetravailléeparlepouvoir:telaétél’objetdecettepremièresémiologie.

    Lasémiologies’estensuitedéplacée,elles’estcoloréedifféremment,toutengardantlemêmeobjet,politique – car il n’y en a pas d’autre.Ce déplacement s’est fait parce que la société intellectuelle achangé,neserait-cequ’àtraverslarupturedemai68.D’unepart,destravauxcontemporainsontmodifiéetmodifient l’imagecritiquedusujetsocialetdusujetparlant.D’autrepart, ilestapparuque,dans lamesure où les appareils de contestation se multipliaient, le pouvoir lui-même, comme catégoriediscursive,sedivisait,s’étendaitcommeuneeauquicourtpartout,chaquegroupeoppositionneldevenantàson touretà samanièreungroupedepressionetentonnantensonproprenomlediscoursmêmedupouvoir,lediscoursuniversel:unesorted’excitationmoraleasaisilescorpspolitiques,et,lorsmêmequel’onrevendiquaitenfaveurdelajouissance,c’étaitsuruntoncomminatoire.Onavuainsilaplupartdeslibérationspostulées,cellesdelasociété,delaculture,del’art,delasexualité,s’énoncersouslesespècesd’undiscoursdepouvoir:onseglorifiaitdefaireapparaîtrecequiavaitétéécrasé,sansvoirceque,parlà,onécrasaitailleurs.

    Si la sémiologie dont je parle est alors revenue au Texte, c’est que, dans ce concert de petitesdominations,leTexteluiestapparucommel’indexmêmedudépouvoir.LeTextecontientenluilaforcedefuirinfinimentlaparolegrégaire(cellequis’agrège),quandbienmêmeellechercheàsereconstituerenlui;ilrepoussetoujoursplusloin–etc’estcemouvementdemiragequej’aiessayédedécrireetdejustifiertoutàl’heure,enparlantdelalittérature–,ilrepousseailleurs,versunlieuinclassé,atopique,sil’onpeutdire,loindestopoidelaculturepolitisée,«cettecontrainteàformerdesconcepts,desespèces,des formes, des fins, des lois... ce monde des cas identiques », dont parle Nietzsche ; il soulèvefaiblement, transitoirement, cette chape de généralité, de moralité, d’in-différence (séparons bien lepréfixeduradical),quipèsesurnotrediscourscollectif.Lalittératureetlasémiologieenviennentainsiàseconjuguerpoursecorrigerl’unel’autre.D’uncôté,leretourincessantautexte,ancienoumoderne,laplongée régulière dans la plus complexe des pratiques signifiantes, à savoir l’écriture (puisqu’elles’opère à partir de signes tout faits), obligent la sémiologie à travailler sur des différences, et laretiennentdedogmatiser,de«prendre»–deseprendrepourlediscoursuniverselqu’ellen’estpas.Etde son côté, le regard sémiotique, posé sur le texte, oblige à refuser le mythe auquel on recourt

  • ordinairementpoursauverlalittératuredelaparolegrégairedontelleestentourée,pressée,etquiestlemythedelacréativitépure:lesignedoitêtrepensé–ourepensé–pourêtremieuxdéçu.

    Lasémiologiedontjeparleestàlafoisnégativeetactive.Quelqu’unenquis’estdébattue,toutesavie,pourlemeilleuretpourlepire,cettediablerie,lelangage,nepeutqu’êtrefascinéparlesformesdesonvide–quiesttoutlecontrairedesoncreux.Lasémiologieproposéeiciestdoncnégative–oumieuxencore,quellequesoit la lourdeurduterme:apophatique :nonencequ’ellenie lesigne,maisencequ’elle nie qu’il soit possible de lui attribuer des caractères positifs, fixes, anhistoriques, acorporels,bref : scientifiques.Cetapophatismeemporteaumoinsdeuxconséquences,qui intéressentdirectementl’enseignementdelasémiologie.

    Lapremièreestquelasémiologie,bienqu’àl’originetoutl’yprédisposât,puisqu’elleestlangagesurleslangages,nepeutêtreelle-mêmeunmétalangage.C’estprécisémentenréfléchissantsurlesignequ’elledécouvrequetouterelationd’extérioritéd’unlangageàunautreest,àlalongue,insoutenable:letempsusemonpouvoirdedistance,lemortifie,faitdecettedistanceunesclérose:jenepuisêtreàviehorsdulangage,letraitantcommeunecible,etdanslelangage,letraitantcommeunearme.S’ilestvraiquelesujetdelascienceestcesujet-làquinesedonnepasàvoir,etquec’estensommecetterétentionduspectaclequenousappelons«métalangage»,alors,cequejesuisamenéàassumer,enparlantdessignesavecdessignes,c’estlespectaclemêmedecettebizarrecoïncidence,decestrabismeétrangequim’apparente aux faiseurs d’ombres chinoises, lorsqu’ilsmontrent à la fois leursmains et le lapin, lecanard,leloup,dontilssimulentlasilhouette.Etsicertainsprofitentdecetteconditionpourdénieràlasémiologieactive,cellequiécrit,toutrapportaveclascience,ilfautleursuggérerquec’estparunabusépistémologique, qui commence précisément à s’effriter, que nous identifions le métalangage et lascience,commesil’unétaitlaconditionobligéedel’autre,alorsqu’iln’enestquelesignehistorique,doncrécusable;ilestpeut-êtretempsdedistinguerlemétalinguistique,quiestunemarquecommeuneautre, du scientifique, dont les critères sont ailleurs (peut-être que, soit dit en passant, ce qui estproprementscientifique,c’estdedétruirelasciencequiprécède).

    La sémiologie a un rapport avec la science, mais ce n’est pas une discipline (c’est la secondeconséquence de son apophatisme). Quel rapport ? Un rapport ancillaire : elle peut aider certainessciences,enêtreuntempslacompagnederoute,leurproposerunprotocoleopératoire,àpartirduquelchaquesciencedoitspécifier ladifférencedesoncorpus.Ainsi, lapartiedelasémiologiequis’est lemieuxdéveloppée,àsavoirl’analysedesrécits,peutrendredesservicesàl’Histoire,àl’ethnologie,àlacritiquedestextes,àl’exégèse,àl’iconologie(touteimageest,d’unecertainefaçon,unrécit).Autrementdit, la sémiologie n’est pas une grille, elle ne permet pas d’appréhender directement le réel, en luiimposantuntransparentgénéralquilerendraitintelligible;leréel,ellechercheplutôtàlesoulever,parendroitsetparmoments,etelleditqueceseffetsdesoulèvementduréelsontpossiblessansgrille:c’estmêmeprécisémentlorsquelasémiologieveutêtreunegrillequ’ellenesoulèveriendutout.Delàvientquelasémiologien’estdansunrôledesubstitutionàl’égardd’aucunediscipline:j’auraissouhaitéque

  • lasémiologieneprîticilaplaced’aucuneautrerecherche,maisaucontrairelesaidâttoutes,qu’elleeûtpoursiègeunesortedechairemobile,jokerdusavoird’aujourd’hui,commelesignelui-mêmel’estdetoutdiscours.

    Cettesémiologienégativeestunesémiologieactive:ellesedéploiehorsdelamort.J’entendsparlàqu’ellenereposepassurune«sémiophysis»,unenaturalitéinertedusigne,etqu’ellen’estpasnonplusune«sémioclastie»,unedestructiondusigne.Elleseraitplutôt,pourcontinuerleparadigmegrec:unesemiotropie : tournéevers le signe, elle enest captivéeet le reçoit, le traite et aubesoin l’imite,commeunspectacleimaginaire.Lesémiologueseraitensommeunartiste(cemotn’esticiniglorieuxnidédaigneux:ilseréfèreseulementàunetypologie):iljouedessignescommed’unleurreconscient,dontilsavoure,veutfairesavoureretcomprendrelafascination.Lesigne–dumoinslesignequ’ilvoit–esttoujours immédiat, réglé par une sorte d’évidence qui lui saute au visage, comme un déclic del’Imaginaire–etc’estpourcelaque la sémiologie (devrais-jepréciserdenouveau : la sémiologiedeceluiquiparleici)n’estpasuneherméneutique:ellepeint,plutôtqu’ellenefouille,viadiporreplutôtqueviadilevare.Sesobjetsdeprédilection,cesontlestextesdel’Imaginaire:lesrécits,lesimages,lesportraits,lesexpressions,lesidiolectes,lespassions,lesstructuresquijouentàlafoisd’uneapparencede vraisemblable et d’une incertitude de vérité. J’appellerais volontiers « sémiologie » le cours desopérationslelongduquelilestpossible–voireescompté–dejouerdusignecommed’unvoilepeint,ouencore:d’unefiction.

    Cette jouissance du signe imaginaire est aujourd’hui concevable en raison de certainesmutationsrécentes,quiaffectentplus lacultureque lasociétéelle-même:unesituationnouvellemodifie l’usagequenouspouvonsfairedesforcesdelalittératuredontj’aiparlé.D’unepartettoutd’abord,depuislaLibération, le mythe du grand écrivain français, dépositaire sacré de toutes les valeurs supérieures,s’effrite,s’exténueetmeurtpeuàpeuavecchacundesdernierssurvivantsdel’entre-deux-guerres;c’estun nouveau type qui entre sur la scène, dont on ne sait plus – ou pas encore – comment l’appeler :écrivain?intellectuel?scripteur?Detoutefaçon,lamaîtriselittérairedisparaît,l’écrivainnepeutplusfaireparade.D’autrepartetensuite,mai68amanifestélacrisedel’enseignement:lesvaleursanciennesne se transmettent plus, ne circulent plus, n’impressionnent plus ; la littérature est désacralisée, lesinstitutions sont impuissantes à la protéger et à l’imposer comme lemodèle implicite de l’humain.Cen’est pas, si l’on veut, que la littérature soit détruite ; c’est qu’elle n’est plus gardée : c’est donc lemomentd’yaller.Lasémiologielittéraireseraitcevoyagequipermetdedébarquerdansunpaysagelibrepardéshérence:niangesnidragonsnesontpluslàpourledéfendre;leregardpeutalorsseporter,nonsansperversité,surdeschosesanciennesetbelles,dontlesignifiéestabstrait,périmé:momentàlafoisdécadentetprophétique,momentd’apocalypsedouce,momenthistoriquedelaplusgrandejouissance.

    Si donc, dans cet enseignement que, par son lieumême, rienn’est appelé à sanctionner, sinon lafidélitédesesauditeurs,sidonclaméthodeintervientàtitrededémarchesystématique,cenepeutêtreuneméthodeheuristique,quiviseraitàproduiredesdéchiffrements,àposerdesrésultats.Laméthodenepeutportericiquesurlelangagelui-même,entantqu’illuttepourdéjouertoutdiscoursquiprend :cepourquoiilestjustededirequecetteméthodeest,elleaussi,uneFiction:propositiondéjàavancéepar

  • Mallarmé lorsqu’il songeait àpréparerune thèsede linguistique : «Touteméthodeestune fiction.Lelangage lui est apparu l’instrument de la fiction : il suivra la méthode du langage : le langage seréfléchissant. » Ce que je souhaiterais pouvoir renouveler, chacune des années qu’il me sera donnéd’enseignerici,c’estlamanièredeprésenterlecoursouleséminaire,brefde«tenir»undiscourssansl’imposer:ceseralàl’enjeuméthodique,laquaestio,lepointàdébattre.Carcequipeutêtreoppressifdansunenseignement,cen’estpasfinalement lesavoiroulaculturequ’ilvéhicule,cesont lesformesdiscursivesàtraverslesquellesonlespropose.Puisquecetenseignementapourobjet,commej’aiessayédelesuggérer,lediscoursprisdanslafatalitédesonpouvoir,laméthodenepeutréellementporterquesurlesmoyenspropresàdéjouer,àdéprendre,outoutaumoinsàallégercepouvoir.Etjemepersuadedeplusenplus, soit enécrivant, soit enenseignant,que l’opération fondamentaledecetteméthodededéprise,c’est,sil’onécrit,lafragmentation,et,sil’onexpose,ladigression,ou,pourledired’unmotprécieusementambigu:l’excursion.J’aimeraisdoncquelaparoleetl’écoutequisetresseronticisoientsemblablesauxalléesetvenuesd’unenfantqui joueautourdesamère,quis’enéloigne,puisretourneversellepourluirapporteruncaillou,unbrindelaine,dessinantdelasorteautourd’uncentrepaisibletouteuneairedejeu,àl’intérieurdelaquellelecaillou,lalaineimportentfinalementmoinsqueledonpleindezèlequienestfait.

    Lorsque l’enfantagit ainsi, ilne fait riend’autrequededérouler lesalléesetvenuesd’undésir,qu’ilprésenteetreprésentesansfin.Jecroissincèrementqu’àl’origined’unenseignementcommecelui-ci,ilfautaccepterdetoujoursplacerunfantasme,quipeutvarierd’annéeenannée.Ceci,jelesens,peutparaître provocant : comment oser parler, dans le cadre d’une institution, si libre soit-elle, d’unenseignementfantasmatique?Cependant,sil’onconsidèreuninstantlaplussûredesscienceshumaines,àsavoirl’Histoire,commentnepasreconnaîtrequ’elleaunrapportcontinuaveclefantasme?C’estceque Michelet avait compris : l’Histoire, c’est en fin de compte l’histoire du lieu fantasmatique parexcellence,àsavoirlecorpshumain;c’estenpartantdecefantasme,liéchezluiàlarésurrectionlyriquedescorpspassés,queMicheletapufairedel’Histoireuneimmenseanthropologie.Lasciencepeutdoncnaîtredu fantasme.C’estàun fantasme,ditounondit,que leprofesseurdoitannuellement revenir,aumomentdedéciderdusensdesonvoyage;delasorteildéviedelaplaceoùonl’attend,quiestlaplaceduPère,toujoursmort,commeonlesait;carseullefilsadesfantasmes,seullefilsestvivant.

    L’autrejour,j’aireluleromandeThomasMann,LaMontagnemagique.Celivremetenscèneunemaladieque j’aibienconnue, la tuberculose ;par la lecture, je tenais rassemblésdansmaconsciencetrois moments de cette maladie : le moment de l’anecdote, qui se passe avant la guerre de 1914, lemoment de ma propre maladie, alentour 1942, et le moment actuel, où ce mal, vaincu par lachimiothérapie,n’aplusdutoutlemêmevisagequ’autrefois.Or,latuberculosequej’aivécueest,àtrèspeu de chose près, la tuberculose de La Montagne magique : les deux moments se confondaient,également éloignés de mon propre présent. Je me suis alors aperçu avec stupéfaction (seules lesévidences peuvent stupéfier) que mon propre corps était historique. En un sens, mon corps est

  • contemporaindeHansCastorp,lehérosdeLaMontagnemagique;moncorps,quin’étaitpasencorené,avaitdéjàvingtansen1907,annéeoùHanspénétraets’installadans«lepaysd’enhaut»,moncorpsestbienplus vieuxquemoi, comme si nousgardions toujours l’âgedes peurs sociales auxquelles, par lehasarddelavie,nousavonstouché.Sidoncjeveuxvivre,jedoisoublierquemoncorpsesthistorique,jedoismejeterdansl’illusionquejesuiscontemporaindesjeunescorpsprésents,etnondemonproprecorps,passé.Bref,périodiquement,jedoisrenaître,mefaireplusjeunequejenesuis.Àcinquanteetunans,Micheletcommençaitsavitanuova:nouvelleœuvre,nouvelamour.Plusâgéquelui(oncomprendqueceparallèleestd’affection),j’entremoiaussidansunevitanuova,marquéeaujourd’huiparcelieunouveau, cette hospitalité nouvelle. J’entreprends donc deme laisser porter par la force de toute vievivante:l’oubli.Ilestunâgeoùl’onenseignecequel’onsait;maisilenvientensuiteunautreoùl’onenseignecequel’onnesaitpas:celas’appellechercher.Vientpeut-êtremaintenant l’âged’uneautreexpérience:cellededésapprendre,delaissertravaillerleremaniementimprévisiblequel’oubliimposeà lasédimentationdessavoirs,descultures,descroyancesque l’ona traversés.Cetteexpériencea, jecrois, un nom illustre et démodé, que j’oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de sonétymologie:Sapientia:nulpouvoir,unpeudesavoir,unpeudesagesse,etleplusdesaveurpossible.

  • IndexAbraham(AncienTestament) 1

    Alberich(dansl’opéradeWagnerL’OrduRhin) 1

    BARUZIJean(historiendesreligions,1881-1953) 1

    BENVENISTEÉmile(linguiste,1902-1976) 1, 2

    BRECHTBertolt(auteurdramatiqueallemand,1898-1956) 1

    CÉLINELouis-Ferdinand(écrivain,1894-1961) 1

    CHATEAUBRIANDFrançois-René,vicomtede(écrivain,1768-1848) 1

    CURNONSKY,MauriceEdmondSailland,dit(journalisteetécrivain,1872-1956) 1

    DANTEALIGHIERI(écrivainitalien,1265-1321)Convivio 1

    DELEUZEGilles(philosophe,1925-1995) 1

    FOUCAULTMichel(philosophe,1926-1984) 1

    HUGOVictor(écrivain,1802-1885) 1

    HUMBLOTAlfred(directeurdesÉditionsOllendorf,quirefusalemanuscritdeProust) 1

    JAKOBSONRoman(linguisteaméricaind’originerusse,1896-1982) 1

    KIERKEGAARDSören(philosophedanois,1813-1855) 1, 2

    KLOSSOWSKIPierre(écrivain,1905-2001) 1

    LACANJacques(psychanalyste,1901-1981) 1

    Loge(dansl’opéradeWagnerL’OrduRhin) 1

    MALLARMÉStéphane(écrivain,1842-1898) 1, 2, 3

    MANNThomas(écrivainallemand,1875-1955),voirLaMontagnemagique 1, 2, 3

    MERLEAU-PONTYMaurice(philosophe,1908-1961) 1

    MICHELETJules(historien,1798-1874) 1, 2, 3, 4, 5, 6

  • NIETZSCHEFrédéric(philosopheallemand,1844-1900) 1, 2

    PASOLINIPierPaolo(cinéasteetécrivainitalien,1922-1975)Trilogiedelavie 1

    RENANErnest(écrivainetphilosophe,1823-1892) 1, 2

    RobinsonCrusoé(romandeDanielDefoe) 1

    SARTREJean-Paul(philosophe,1905-1980) 1

    SAUSSUREFerdinandde(linguistesuisse,1857-1913) 1

    TelQuel(revueaniméeparPhilippeSollers,1960-1982) 1

    Trimalcion(dansleSatiricondePétrone) 1

    VALÉRYPaul(écrivain,1871-1945) 1

    Wotan(dansl’opéradeWagnerL’OrduRhin) 1

    ZOLAÉmile(écrivain,1840-1902) 1

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