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DROIT INTERNATIONAL PUBLIC Premier semestre Travaux dirigés N o 2 : Les organisations intergouvernementales Cours & TD : Monsieur Loïc VATNA Maître de conférences en droit public Année universitaire 2015 – 2016 Licence Droit 3 ème année 1 Faculté de droit et de sciences économiques de la Guadeloupe

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DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Premier semestre

Travaux dirigés No 2 :Les organisations intergouvernementales

Cours & TD :

Monsieur Loïc VATNAMaître de conférences en droit public

Année universitaire2015 – 2016

Licence Droit 3 ème année

1

Faculté de droit et de scienceséconomiques de la Guadeloupe

Thème : Les organisations intergouvernementales

Documents :

1. Cour internationale de Justice, Avis consultatif, 11 avril 1949, Réparations des

dommages subis au services des Nations Unies [extraits]

2. Charte des Nations Unies [extraits]

3. Conseil de sécurité ONU, Résolution 2177 (2014) du 18 septembre 2014 [extraits]

4. Conseil de sécurité ONU, Résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006

5. Le Monde.fr, « Accord historique sur le nucléaire iranien », 14/07/2015

6. J. Duchastel, R. Audet, « Démocratie, société civile et institutionnalisation de la

gouvernance transnationale à l’oit et à l’omc », Études internationales, Vol. 39, n° 4,

décembre 2008, p. 511-536

7. G. Devin, D. Placidi-Frot, « Les évolutions de l’ONU : concurrences et intégration »,

Critique internationale, 2011/4 (n° 53), p. 214

Exercices :

1. En utilisant le document 1, expliquez comment la Cour internationale de Justice consacre la

personnalité juridique des organisations internationales. Quelles sont les conséquences de cet avis

consultatif ?

2. Après étude des documents 2, 3, 4 et 5, que pouvez-vous dire de la relation s'établissant entre

l'ONU et les États membres notamment ?

3. Quel est l'intérêt de la démocratisation de l'ONU, et plus largement des organisations

internationales ?

4. Dissertation : Les organisations internationales, sujets du droit international

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Document 1. CIJ, AC, 11 avril 1949, Réparation des dommages subis au services desNations Unies [extraits]

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Document 2. Charte des Nations Unies [extraits]

Chapitre I : Buts et principes

Art. 1. Les buts des Nations Unies sont les suivants :

1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces envue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de lapaix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droitinternational, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international,susceptibles de mener à une rupture de la paix;

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droitsdes peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consoliderla paix du monde;

3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social,intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et deslibertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion;

4. Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes. [...]

Chapitre VII : Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression

Art. 39. Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'unacte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales [...]

Article 41. Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doiventêtre prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer cesmesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et descommunications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyensde communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

Article 42. Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient inadéquates ou qu'elles sesont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il jugenécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peutcomprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes,navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.

Document 3. Résolution 2177 (2014) du 18 septembre 2014

La résolution 2177 (2014), adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité afin de combattre l’épidémied’Ebola sévissant en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, est historique en raison non seulement du nombrerecord de coauteurs (134) mais aussi et surtout parce que c’est la première fois dans l’histoire du Conseil desécurité qu’une épidémie est qualifiée « de menace à la paix et à la sécurité internationales ».

Le Conseil de sécurité,

Rappelant la résolution 2176 (2014) qu’il a adoptée le 15 septembre 2014 au sujet de la situation au Libéria et sadéclaration à la presse en date du 9 juillet 2014,

Rappelant la responsabilité principale à lui assignée en matière de maintien de la paix et de la sécuritéinternationales,

Se déclarant gravement préoccupé par la survenue d’une épidémie d’infections à virus Ebola et son impact enAfrique de l’Ouest, en particulier au Libéria, en Guinée et en Sierra Leone, ainsi qu’au Nigéria et au-delà,

Considérant que les acquis obtenus par les pays les plus touchés en matière de consolidation de la paix et de

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développement risquent d’être réduits à néant par l’épidémie d’Ebola et soulignant que cette épidémie comprometla stabilité des pays les plus touchés et que, si elle n’est pas jugulée, elle peut provoquer de nouveaux épisodes detroubles civils et de tensions sociales, une détérioration du climat politique et une aggravation de l’insécurité,

Jugeant que l’ampleur extraordinaire de l’épidémie d’Ebola en Afrique constitue une menace pour la paix et lasécurité internationales, [...]

Soulignant que les États Membres ont un rôle central à jouer, notamment dans le cadre du Programme d’actionpour la sécurité sanitaire mondiale, s’il y a lieu, dans la prestation de services de santé publique permettant dedétecter, de prévenir, de contrer et d’atténuer les épidémies de grandes maladies infectieuses par des mécanismes desanté publique viables, efficaces et réactifs,

Rappelant le Règlement sanitaire international de 2005, qui contribue à la sécurité mondiale dans le domaine de lasanté publique en fournissant un cadre pour la coordination de la gestion d’événements susceptibles de constituerune urgence de santé publique de portée internationale, et qui vise à renforcer les moyens dont disposent tous lespays pour détecter, évaluer et notifier les menaces pesant sur la santé publique et y faire face, et soulignant qu’ilimporte que les États membres de l’OMS honorent les engagements pris,

Soulignant que, pour juguler les épidémies de grandes maladies infectieuses, il faut une action et une coopérationaux niveaux national, régional et international et insistant à cet égard sur la nécessité vitale et immédiate d’uneriposte internationale coordonnée face à l’épidémie d’Ebola, […]

Saluant les efforts déployés par l’Union africaine, en collaboration avec des partenaires bilatéraux et desorganisations multilatérales, pour trouver à l’épidémie une solution unifiée, globale et collective au niveau del’Afrique, y compris en déployant du personnel sanitaire dans la région, ainsi que les efforts consentis par laCommunauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest afin de soutenir les mesures prises pour enrayer lapropagation du virus Ebola, notamment avec l’appui des forces de défense de ses États Membres,

Constatant avec inquiétude les conséquences qu’ont les restrictions générales imposées aux déplacements et aucommerce dans la région, notamment sur la sécurité alimentaire, et prenant acte de l’appel lancé par l’Unionafricaine à ses États membres pour qu’ils lèvent les restrictions concernant les déplacements afin de permettre auxpersonnes et aux biens de circuler librement vers les pays touchés,

Soulignant que toutes les entités compétentes des Nations Unies, en particulier l’Assemblée générale, le Conseiléconomique et social et la Commission de consolidation de la paix, sont appelées à contribuer aux efforts déployéssur les plans national, régional et international pour faire face à la flambée du virus Ebola, et prenant acte, à cetégard, du rôle clef que joue l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui a décrété que l’épidémied’Ebola constituait une urgence de santé publique de portée internationale,

Soulignant combien il importe que toutes les entités des Nations Unies compétentes agissent de concert, dans lecadre de leurs mandats respectifs, pour lutter contre l’épidémie d’Ebola et contribuer, autant que possible, auxmesures prises sur les plans national, régional et international à cette fin,

Prenant note de la feuille de route présentée le 28 août 2014 par l’OMS pour lutter contre l’épidémie d’Ebola etélaborée pour enrayer la transmission du virus Ebola dans le monde et aider les pays à faire face aux conséquencesd’une nouvelle propagation internationale, et prenant note également des 12 mesures d’importance critique àprendre – dont le dépistage de l’infection, la mobilisation de la collectivité et le relèvement – pour enrayerl’épidémie,

Prenant note des protocoles adoptés par l’OMS pour prévenir la transmission du virus Ebola entre personnes,organisations et populations, soulignant que l’épidémie peut être endiguée, notamment par l’application deprotocoles établis relatifs à la sécurité et à la santé et d’autres mesures préventives ayant fait leurs preuves,et saluant les efforts déployés par la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) pour faire connaître à lapopulation libérienne, y compris via les ondes de la radio de la MINUL, l’existence de tels protocoles et mesures

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préventives, […]

Saluant l’intention exprimée par le Secrétaire général de convoquer une réunion de haut niveau, en marge de lasoixante-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, afin d’exhorter les pays à prendre desmesures exceptionnelles et énergiques pour enrayer l’épidémie d’Ebola,

1. Encourage les Gouvernements libérien, sierra-léonais et guinéen à accélérer la mise sur pied de mécanismesnationaux qui permettent de diagnostiquer rapidement l’infection et d’isoler les cas suspects, d’offrir un traitement,de fournir des services médicaux efficaces aux secouristes, de mettre sur pied des campagnes d’éducation publiquecrédibles et transparentes, et de renforcer les mesures de prévention et de préparation pour détecter les cas d’Ebola,les atténuer et y faire face, ainsi qu’à coordonner l’apport et l’utilisation rapides de l’aide internationale, y comprisles services du personnel sanitaire et les secours humanitaires, et à se concerter pour prendre en compte ladimension transnationale de l’épidémie, notamment en administrant leurs frontières communes, avec l’appui departenaires bilatéraux, d’organisations multilatérales et du secteur privé;

2. Encourage les Gouvernements libérien, sierra-léonais et guinéen à poursuivre leurs efforts pour maîtriser ouatténuer les effets plus généraux de l’épidémie d’Ebola sur les plans politique, sécuritaire, socioéconomique ethumanitaire, ainsi qu’à mettre sur pied des mécanismes de santé publique viables, efficaces et réactifs, souligne queles mesures prises pour faire face à l’épidémie devraient prendre en compte les besoins particuliers des femmeset insiste sur la nécessité de les associer pleinement et concrètement à l’élaboration de telles mesures;

3. S’inquiète des effets préjudiciables que l’isolement a sur les pays touchés du fait des restrictions en matière decommerce et de déplacements qui leur ont été imposées;

4. Invite les États Membres, y compris de la région, à lever les restrictions aux déplacements et aux frontièresimposées en raison de l’épidémie d’Ebola et qui concourent à isoler davantage les pays touchés et à saper leursefforts visant à y faire face et demande également aux compagnies aériennes et maritimes de maintenir les liens decommerce et de transport avec les pays touchés et la région dans son ensemble;

5. Prie les États Membres, en particulier de la région, de faciliter l’acheminement d’une assistance, y compris d’unpersonnel qualifié, spécialisé et formé et de fournitures, pour permettre aux pays touchés d’enrayerl’épidémie, remercie vivement le Gouvernement ghanéen d’avoir autorisé la reprise des vols de la navette de laMINUL entre Monrovia et Accra, qui permettront de transporter des agents sanitaires internationaux et autresintervenants dans des zones frappées par l’épidémie d’Ebola au Libéria;

6. Exhorte les États Membres, en particulier de la région, et tous les acteurs compétents qui fournissent l’aidedemandée pour faire face à l’épidémie d’Ebola, de redoubler d’efforts en matière de sensibilisation du public etd’appliquer les protocoles de sécurité et de santé ainsi que les mesures préventives nécessaires pour contrer lesinformations erronées véhiculées au sujet du mode de transmission et de l’ampleur de l’épidémie et éviterd’alarmer inutilement les individus et les communautés et, à cet égard, prie le Secrétaire général d’élaborer uncadre de communication stratégique en faisant appel à toutes les ressources et installations du système des NationsUnies dans les pays touchés, selon les besoins de la situation et en fonction des disponibilités, et notamment d’aiderles gouvernements et d’autres partenaires concernés;

7. Engage les États Membres à fournir une assistance et des ressources d’urgence, y compris des moyens médicauxà même d’être déployés, tels que des hôpitaux de campagne dotés de services d’experts, de personnel qualifié et dematériel suffisant, de services de laboratoire, de dispositifs de soutien logistique, de transport et d’aide à laconstruction, pour les ponts aériens et autres formes d’appui aérien, de services aéromédicaux et de servicescliniques attitrés dans les unités de traitement d’Ebola et d’isolement, pour aider les pays touchés à intensifier leursactivités préventives et curatives et à renforcer leurs capacités de lutte contre l’épidémie d’Ebola et à affecter desmoyens suffisants pour éviter que des épidémies ne se déclarent ultérieurement;

8. Encourage vivement les États Membres, ainsi que les partenaires bilatéraux et les organisations multilatérales, ycompris l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Union européenne, à

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se mobiliser sans tarder et à fournir immédiatement aux pays touchés et à ceux qui leur prêtent assistance, descompétences techniques et des moyens médicaux supplémentaires, destinés, entre autres, à assurer un diagnosticrapide et la formation d’agents sanitaires aux niveaux national et international, à continuer de procéder à deséchanges de connaissances, de données d’expérience et de pratiques optimales, ainsi qu’à maximiser les synergiespour faire face de manière efficace et immédiate à l’épidémie d’Ebola, à apporter aux pays touchés et auxpartenaires d’exécution les ressources essentielles, les fournitures et l’assistance coordonnée nécessaires etenjoint àtous les acteurs compétents de coopérer étroitement avec le Secrétaire général dans le cadre des efforts d’assistanceen matière de lutte contre l’épidémie;

9. Invite les États Membres à appliquer les recommandations temporaires pertinentes formulées dans le cadre duRèglement sanitaire international de 2005 à l’épidémie d’Ebola qui s’est déclarée en 2014 en Afrique de l’Ouest età superviser l’organisation, la coordination et la mise en œuvre des activités nationales de planification préalable etde lutte, notamment, le cas échéant, en collaboration avec des partenaires de développement international et del’action humanitaire;

10. Salue la contribution que continue d’apporter et l’engagement dont continue de faire preuve le personnelinternational de santé et de secours humanitaires pour faire face d’urgence à l’épidémie d’Ebola et engage tous lesacteurs compétents à mettre en place les mécanismes de rapatriement et les arrangements financiers nécessaires, ycompris les moyens d’évacuation médicale et les modalités de traitement et de transport requises pour faciliter leurdéploiement immédiat et sans entrave dans les pays touchés;

11. Prie le Secrétaire général de contribuer à faire en sorte que toutes les entités compétentes du système desNations Unies, dont l’OMS et les Services aériens d’aide humanitaire des Nations Unies, compte tenu de leursmandats respectifs, accélèrent leur intervention face à l’épidémie d’Ebola, notamment en aidant à élaborer et àmettre en œuvre des plans de préparation, d’opérations, de liaison et de collaboration avec des gouvernements de larégion et ceux qui prêtent assistance;

12. Encourage l’OMS à continuer de renforcer son rôle d’encadrement technique et de soutien opérationnel auxgouvernements et partenaires, de suivre la transmission du virus Ebola, d’aider à déterminer les besoins actuels enmatière d’intervention et les partenaires pour y pourvoir, de manière à favoriser la disponibilité de donnéesessentielles et à mettre au point et à administrer rapidement des thérapies et des vaccins dans le respect desmeilleures pratiques cliniques et éthiques et encourage également les États Membres à fournir tout le soutiennécessaire à cet égard, notamment par le biais d’un échange de données, conformément à la législation applicable;

13. Décide de rester saisi de la question.

Document 4. Conseil de sécurité ONU, résolution 1737 (2006)

Le Conseil de sécurité,Rappelant la déclaration de son président en date du 29 mars 2006 (S/PRST/2006/15) et sa résolution 1696 (2006)du 31 juillet 2006,Réaffirmant son attachement au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et rappelant le droit quiappartient aux États parties, en conformité avec les articles I et II du Traité, de développer la recherche, laproduction et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination, Se déclarant de nouveau vivement préoccupé par les nombreux rapports du Directeur général de l’Agenceinternationale de l’énergie atomique (AIEA) et résolutions du Conseil des Gouverneurs de l’Agence relatifs auprogramme nucléaire de l’Iran qui lui ont été communiqués par le Directeur général, notamment la résolutionGOV/2006/14 du Conseil des Gouverneurs,Se déclarant également de nouveau vivement préoccupé par le fait que, dans son rapport du 27 février 2006(GOV/2006/15), le Directeur général de l’AIEA donne une liste de questions et problèmes en suspens concernant leprogramme nucléaire de l’Iran, dont certains pourraient avoir une dimension nucléaire militaire, et que l’AIEAn’est pas en mesure de conclure qu’il n’y a pas de matières ou d’activités nucléaires non déclarées en Iran,Se déclarant en outre de nouveau vivement préoccupé par le rapport du Directeur général de l’AIEA en date du 28

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avril 2006 (GOV/2006/27) et les conclusions qu’il renferme, notamment qu’en dépit du travail accompli depuisplus de trois ans par l’AIEA pour élucider tous les aspects du programme nucléaire de l’Iran, les incertitudes quisubsistent quant à ce programme demeurent préoccupantes, et que l’AIEA n’est pas en mesure de progresser dansles efforts qu’elle déploie pour fournir l’assurance qu’il n’y a pas de matières ou d’activités nucléaires nondéclarées en Iran,Notant avec une vive inquiétude que, comme le confirme le Directeur général de l’AIEA dans ses rapports du 8juin 2006 (GOV/2006/38), du 31 août 2006 (GOV/2006/53) et du 14 novembre 2006 (GOV/2006/64), l’Iran n’a nisuspendu intégralement et durablement toutes activités liées à l’enrichissement et au retraitement visées dans larésolution 1696 (2006), ni repris sa coopération avec l’AIEA, au titre du Protocole additionnel, ni pris les autresmesures prescrites par le Conseil des Gouverneurs de l’Agence, ni satisfait aux dispositions de la résolution 1696(2006), toutes mesures qui sont essentielles pour instaurer la confiance, et déplorant le refus de l’Iran de prendreces mesures,Soulignant l’importance des initiatives politiques et diplomatiques visant à trouver une solution négociéegarantissant que le programme nucléaire de l’Iran sert des fins exclusivement pacifiques, notant qu’une tellesolution servirait la cause de la non-prolifération ailleurs dans le monde, et se félicitant que l’Allemagne, la Chine,les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlandedu Nord, avec l’appui du Haut Représentant de l’Union européenne, demeurent déterminés à trouver une solutionnégociée,Résolu à donner effet à ses décisions en adoptant des mesures propres à convaincre l’Iran de se conformer à larésolution 1696 (2006) et aux exigences de l’AIEA, et à faire obstacle à la mise au point par l’Iran de technologiessensibles à l’appui de ses programmes nucléaires et de missiles, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité constate queles objectifs de la présente résolution ont été atteints,Préoccupé par les risques de prolifération que présente le programme nucléaire iranien et, à cet égard, par le faitque l’Iran continue à ne pas se conformer aux exigences du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA et aux dispositionsde la résolution 1696 (2006), et conscient de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécuritéinternationales à lui assignée par la Charte des Nations Unies,

Agissant en vertu de l’Article 41 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Affirme que l’Iran doit prendre sans plus tarder les mesures prescrites par le Conseil des Gouverneurs de l’AIEAdans sa résolution GOV/2006/14, qui sont essentielles pour instaurer la confiance dans les fins exclusivementpacifiques de son programme nucléaire et régler les questions en suspens;2. Décide, dans ce contexte, que l’Iran doit suspendre sans plus tarder ses activités nucléaires posant un risque deprolifération désignées ci-après :a) Toutes activités liées à l’enrichissement et au retraitement, y compris la recherche-développement, sousvérification de l’AIEA; etb) Les travaux sur tous projets liés à l’eau lourde, y compris la construction d’un réacteur modéré à l’eau lourde,également sous vérification de l’AIEA;3. Décide que tous les États prendront les mesures nécessaires pour prévenir la fourniture, la vente ou le transfert,directs ou indirects, à l’Iran, ou pour être utilisés dans ce pays ou à son profit, à partir de leur territoire ou par leursnationaux ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, de tous articles, matières, équipements, bienset technologies, provenant ou non de leur territoire, susceptibles de contribuer aux activités liées à l’enrichissement,au retraitement ou à l’eau lourde, ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, [...];5. Décide que, pour la fourniture, la vente ou le transfert de tous articles, matières, équipements, biens ettechnologies visés dans les documents S/2006/814 et S/2006/815 et dont l’exportation en Iran n’est pas prohibée envertu des alinéas b) ou c) du paragraphe 3 ou a) du paragraphe 4, les États veilleront :a) À ce que les dispositions pertinentes des directives énoncées dans les documents S/2006/814 et S/2006/985soient respectées;b) À s’assurer et à se donner les moyens d’exercer effectivement le droit de vérifier l’utilisation finale de toutarticle fourni et le lieu de cette utilisation;c) À notifier au Comité dans les dix jours la fourniture, la vente ou le transfert; etd) Dans le cas des articles, matières, équipements, biens et technologies visés dans le document S/2006/814, à ennotifier également à l’AIEA, dans les dix jours, la fourniture, la vente ou le transfert;6. Décide que tous les États prendront les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture à l’Iran de touteassistance ou formation techniques, de toute aide financière, de tous investissements, services de courtage ouautres, ainsi que le transfert de ressources ou de services financiers, liés à la fourniture, à la vente, au transfert, à lafabrication ou à l’utilisation des articles, matières, équipements, biens et technologies prohibés visés auxparagraphes 3 et 4 ci-dessus;

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7. Décide que l’Iran ne doit exporter aucun des articles visés dans les documents S/2006/814 et S/2006/815 et quetous les États Membres devront interdire l’acquisition de ces articles auprès de l’Iran par leurs ressortissants, ou aumoyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, que ces articles aient ou non leur origine dans le territoireiranien;8. Décide que l’Iran devra accorder à l’AIEA l’accès et la coopération que celle-ci demande pour pouvoir vérifier lasuspension visée au paragraphe 2 et régler toutes les questions en suspens mentionnées dans ses rapports, et engagel’Iran à ratifier rapidement le Protocole additionnel;9. Décide que les mesures prescrites aux paragraphes 3, 4 et 6 ci-dessus ne s’appliqueront pas lorsque le Comitéaura déterminé à l’avance, et au cas par cas, que l’offre, la vente, le transfert ou la fourniture des articles ou del’assistance concernés ne contribueraient manifestement pas à la mise au point par l’Iran de technologies au servicede ses activités nucléaires posant un risque de prolifération et de la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires,notamment quand ces articles ou cette assistance répondent à des fins alimentaires, agricoles, médicales et autresfins humanitaires, à condition que :a) Les marchés de fourniture des articles ou de l’assistance concernés soient assortis de garanties satisfaisantesd’utilisation finale;b) L’Iran s’engage à ne pas employer ces articles pour mener des activités nucléaires posant un risque deprolifération ou pour mettre au point des vecteurs d’armes nucléaires;10. Engage tous les États à faire preuve de vigilance concernant l’entrée ou le passage en transit sur leur territoirede personnes qui participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iranposant un risque de prolifération ou au développement de vecteurs d’armes nucléaires, et décide à cet égard quetous les États devront notifier au Comité l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes désignéesdans l’annexe de la présente résolution (ci-après dénommée « l’Annexe »), ainsi que des autres personnes que leConseil ou le Comité pourront désigner, comme participant, étant directement associées ou apportant un appui auxactivités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, ycompris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies visés auxparagraphes 3 et 4 ci-dessus, sauf si leur déplacement a pour objet des activités directement liées aux articles visésaux alinéas b i) et ii) du paragraphe 3 ci-dessus;Souligne qu’aucune disposition du paragraphe 10 ci-dessus ne contraint un État à refuser l’entrée sur son territoireà ses propres ressortissants, et que tous les États devront, en appliquant ces dispositions, tenir compte à la fois desconsidérations humanitaires et de la nécessité d’atteindre les objectifs de la présente résolution, y compris lorsquel’article XV du Statut de l’AIEA s’applique;12. Décide que tous les États devront geler les fonds, avoirs financiers et ressources économiques se trouvant surleur territoire à la date de l’adoption de la présente résolution ou à tout moment ultérieur, qui sont la propriété ousous le contrôle des personnes ou entités visées dans l’Annexe, ainsi que ceux des autres personnes ou entités quele Conseil ou le Comité pourront désigner comme participant, étant directement associées ou apportant un appuiaux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armesnucléaires, ou des personnes ou entités agissant en leur nom ou sur leurs instructions, ou des entités qui sont leurpropriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, et que les mesures énoncées dans ceparagraphe cesseront de s’appliquer à ces personnes ou entités si le Conseil de sécurité ou le Comité les retire del’Annexe, et seulement alors, et décide au surplus que tous les États devront veiller à empêcher leurs ressortissantsou toute personne ou entité se trouvant sur leur territoire de mettre à la disposition de ces personnes ou entités desfonds, avoirs financiers ou ressources économiques ou d’en permettre l’utilisation à leur profit;13. Décide que les mesures prescrites au paragraphe 12 ci-dessus ne s’appliquent pas aux fonds, avoirs financiers etressources économiques dont les États concernés ont établi qu’ils étaient :a) Nécessaires pour régler les dépenses ordinaires, y compris les vivres, loyers ou mensualités de prêtshypothécaires, médicaments ou frais médicaux, impôts, primes d’assurance et factures de services publics, ou pourverser des honoraires d’un montant raisonnable et rembourser des dépenses liées à la fourniture de servicesjuridiques, ou pour acquitter des frais ou commissions de garde ou d’administration des fonds, avoirs financiers etressources économiques gelés, dans le respect de leur législation nationale, dès lors que les États concernés ontsignifié au Comité leur intention d’autoriser, selon qu’il conviendrait, l’accès auxdits fonds, avoirs financiers etressources économiques et que celui-ci ne s’y est pas opposé dans les cinq jours ouvrables qui suivent;b) Nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, pour autant que lesdits États en aient avisé le Comité etque celui-ci ait donné son accord; ouc) Visés par un privilège ou une décision judiciaire, administrative ou arbitrale, auquel cas les fonds, avoirsfinanciers et ressources économiques pourront être utilisés à cette fin, pour autant que le privilège ou la décisionsoit antérieur à la présente résolution, qu’il ne soit pas au profit d’une personne ou entité visée aux paragraphes 10et 12 ci-dessus et que les États concernés en aient avisé le Comité;d) Nécessaires aux fins d’activités directement liées aux articles visés aux alinéas b) i) et b) ii) du paragraphe 3 ci-

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dessus et portés à la connaissance du Comité par les États concernés; 14. Décide que les États pourront autoriser le versement aux comptes gelés en vertu des dispositions du paragraphe12 ci-dessus des intérêts et autres rémunérations acquis par ces comptes ou des paiements effectués au titre demarchés, d’accords ou d’obligations souscrits avant la date à laquelle ces comptes ont été assujettis aux dispositionsde la présente résolution, étant entendu que ces intérêts, rémunérations et paiements resteront assujettis auxditesdispositions et resteront gelés;15. Décide que les mesures prévues au paragraphe 12 ci-dessus n’interdisent pas à toute personne ou entitédésignée d’effectuer des paiements au titre d’un contrat passé avant l’inscription de cette personne ou entité sur laliste, dès lors que les États concernés se sont assurés que :a) Le contrat n’intéresse aucun des articles, matières, équipements, biens, technologies, assistance, formation,assistance financière, investissements, services de courtage et autres services visés aux paragraphes 3, 4 et 6 ci-dessus;b) Le paiement n’est pas reçu directement ou indirectement par une personne ou entité visée au paragraphe 12 ci-dessus;et que ces États ont signifié au Comité leur intention de faire ou de recevoir de tels paiements ou d’autoriser, selonqu’il conviendrait, le déblocage à cette fin de fonds, avoirs financiers et ressources économiques, dix joursouvrables avant cette autorisation;16. Décide que la coopération technique offerte à l’Iran par l’AIEA ou sous ses auspices pourra servir uniquement àdes fins alimentaires, agricoles, médicales, de sûreté ou d’autres fins humanitaires, ou être utilisée aux fins deprojets directement liés aux articles visés aux alinéas b) i) et b) ii) du paragraphe 3 ci-dessus, mais qu’il ne pourraêtre fourni aucune coopération technique ayant un lien avec les activités nucléaires posant un risque de proliférationvisées au paragraphe 2 ci-dessus;17. Engage les États à faire preuve de vigilance pour empêcher que des ressortissants iraniens reçoivent unenseignement ou une formation spécialisés dispensés sur leur territoire ou par leurs propres ressortissants, dans desdisciplines qui favoriseraient les activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération et la mise au pointde vecteurs d’armes nucléaires;18. Décide de créer, conformément à l’article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil desécurité composé de tous les membres du Conseil, qui s’acquittera des tâches ci-après :a) Solliciter de tous les États, en particulier les États de la région et ceux qui produisent les articles, matières,matériels, marchandises et technologies visés aux paragraphes 3 et 4 ci-dessus, des informations concernant lesmesures qu’ils ont prises pour appliquer efficacement les mesures imposées par les paragraphes 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10et 12 de la présente résolution et toutes autres informations qu’il jugerait utiles à cet égard;b) Solliciter du secrétariat de l’AIEA des renseignements concernant les mesures prises par l’Agence pourappliquer efficacement les mesures imposées par le paragraphe 16 de la présente résolution et toutes autresinformations qu’il jugerait utiles à cet égard;c) Examiner les informations faisant état de violations des mesures imposées par les paragraphes 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10et 12 de la présente résolution et y donner la suite qui convient;d) Examiner les demandes de dérogation prévues aux paragraphes 9, 13 et 15 ci-dessus et se prononcer à leur sujet;e) Déterminer, s’il y a lieu, les articles, matières, matériels, marchandises et technologies supplémentaires à reteniraux fins du paragraphe 3 ci-dessus;f) Désigner, s’il y a lieu, d’autres personnes et entités passibles des mesures édictées aux paragraphes 10 et 12 ci-dessus;g) Arrêter les directives qui pourraient être nécessaires pour faciliter la mise en œuvre des mesures imposées par laprésente résolution et y prescrire aux États de fournir, dans la mesure du possible, des renseignements sur lesraisons pour lesquelles les personnes et entités répondent aux critères énoncés aux paragraphes 10 et 12 et tousautres éléments d’information qui permettent de les identifier;h) Adresser au moins tous les 90 jours au Conseil de sécurité un rapport sur ses travaux et sur la mise en œuvre dela présente résolution, accompagné de ses observations et recommandations, en particulier sur les moyens derenforcer l’efficacité des mesures imposées par les paragraphes 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10 et 12 ci-dessus;19. Décide que tous les États Membres devront lui rendre compte dans un délai de 60 jours à compter de l’adoptionde la présente résolution des mesures qu’ils auront prises afin de mettre efficacement en application les dispositionsdes paragraphes 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 12 et 17 ci-dessus;20. Exprime sa conviction que la suspension envisagée au paragraphe 2 et le respect intégral par l’Iran, dûmentvérifié, des exigences dictées par le Conseil des Gouverneurs de l’AIEA favoriseraient une solution diplomatiquenégociée garantissant que le programme nucléaire de l’Iran sert des fins exclusivement pacifiques, souligne que lacommunauté internationale est disposée à œuvrer dans le sens d’une telle solution, encourage l’Iran, en seconformant aux dispositions susmentionnées, à renouer ses liens avec la communauté internationale et avec l’AIEAet souligne que de tels liens serviraient les intérêts de l’Iran;

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21. Accueille favorablement l’engagement de l’Allemagne, de la Chine, des États-Unis, de la Fédération de Russie,de la France et du Royaume-Uni, appuyés par le Haut Représentant de l’Union européenne, en faveur d’unesolution négociée et encourage l’Iran à donner suite à leurs propositions de juin 2006 (S/2006/521), auxquelles leConseil avait lui-même souscrit dans sa résolution 1696 (2006), tendant à la mise en place d’un accord global àlong terme qui permettrait d’établir des relations et des liens de coopération avec l’Iran fondés sur le respect mutuelet d’asseoir la confiance internationale dans la nature exclusivement pacifique du programme nucléaire de l’Iran;22. Réaffirme sa volonté de renforcer l’autorité de l’AIEA, soutient fermement le rôle du Conseil des Gouverneursde l’AIEA, adresse ses félicitations et ses encouragements au Directeur général et au secrétariat de l’Agence,appréciant le professionnalisme et l’impartialité dont ils continuent de faire preuve pour tenter de régler lesquestions en suspens concernant l’Iran dans le cadre de l’Agence, souligne qu’il est nécessaire que l’AIEA continuede s’employer à élucider toutes les questions en suspens relatives au programme nucléaire de l’Iran;23. Demande au Directeur général de l’AIEA de présenter dans les 60 jours au Conseil des Gouverneurs de l’AIEAet parallèlement, pour examen, au Conseil de 37 (2006) sécurité un rapport concernant la suspension complète etdurable par l’Iran de toutes les activités mentionnées dans la présente résolution et l’application par ce pays desmesures prescrites par le Conseil des Gouverneurs et des décisions énoncées dans la présente résolution;24. Affirme qu’il examinera les mesures prises par l’Iran au vu du rapport demandé au paragraphe 23 ci-dessus, quidoit être présenté dans un délai de 60 jours, et :a) Qu’il suspendra l’application des mesures susmentionnées si l’Iran suspend, et aussi longtemps qu’il suspendratoutes les activités liées à l’enrichissement et au retraitement, y compris la recherche-développement, sousvérification de l’AIEA, pour ouvrir la voie à des négociations;b) Qu’il mettra fin aux mesures visées aux paragraphes 3, 4, 5, 6, 7, 10 et 12de la présente résolution dès qu’il aura constaté que l’Iran respecte pleinement les obligations que lui imposent sesrésolutions pertinentes et se conforme aux exigences du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA, et que celui-ci l’auraconfirmé; c) Que, au cas où il ressortirait du rapport demandé au paragraphe 23 ci-dessus que l’Iran n’a pas appliqué lesdispositions de la présente résolution, il adoptera, sous l’empire de l’Article 41 du Chapitre VII de la Charte desNations Unies, toutes autres mesures qui pourraient être requises pour persuader l’Iran de se conformer à laprésente résolution et aux exigences de l’AIEA et souligne que de nouvelles décisions devront être prises si detelles mesures additionnelles s’avéraient nécessaires;25. Décide de rester saisi de la question.

Document 5. Accord historique sur le nucléaire iranien

Le Monde.fr | 14/07/2015 | Par Yves-Michel Riols (Vienne, envoyé spécial)

Rarement dans les annales de la diplomatie, une négociation aura été aussi longue et compliquée. Au terme deplusieurs prolongations et d'une ultime journée de tractations fiévreuses, l'Iran et les pays du « P 5+1 » (États-Unis,Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) sont finalement parvenus à un compromis sur le nucléaireiranien, aux premières heures de la journée, mardi 14 juillet à Vienne, ont confirmé des sources diplomatiquesconcordantes au Monde. Une réunion plénière « finale » doit avoir lieu aux alentours de 10 h 30 pour confirmerofficiellement cet accord, fruit de douze ans de négociations.

L’arrangement fait près d’une centaine de pages, composé d’un texte principal et de cinq annexes.

En voici les grandes lignes, selon le résumé présenté, mardi matin, par la délégation française.

Limiter l’enrichissement d’uranium

L’objectif principal est de mettre en place de sévères restrictions pour garantir que le break-out, le temps nécessairepour produire assez d’uranium enrichi permettant de fabriquer une arme atomique, soit d’au moins un an pendantune durée de dix ans.

Limiter la production de plutonium

Le plutonium est, avec l’uranium, l’autre matière fissile qui peut être utilisée en vue de la fabrication d’une bombeatomique. L’accord de Vienne stipule que le réacteur de la centrale à eau lourde d’Arak sera modifié pour ne paspouvoir produire du plutonium à vocation militaire.

Renforcer les inspections

C’était l’un des points les plus délicats de la négociation. Un régime renforcé d’inspections sera appliqué pendant

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toute la durée de l’accord, et même au-delà pour certaines activités. L’Agence internationale de l’énergie atomique(AIEA) pourra ainsi vérifier pendant vingt ans le parc de centrifugeuses et pendant vingt-cinq ans la production deconcentré d’uranium (« yellow cake »). L’Iran s’engage à mettre en œuvre, puis à ratifier, le protocole additionnelde l’AIEA, qui permet des inspections intrusives.

Lever les sanctions

L’objectif majeur des Iraniens était d’obtenir la levée des multiples sanctions (de l’ONU, des Etats-Unis et del’Europe) qui freinent le développement du pays. Les sanctions adoptées par l’UE et les Etats-Unis visant lessecteurs de la finance, de l’énergie et du transport iranien seront levées dès la mise en œuvre par l’Iran de sesengagements, attestée par un rapport de l’AIEA. Cela devrait intervenir début 2016. La même procédure sera suiviepour lever les six résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies contre l’Iran depuis 2006.

Maintenir l’embargo sur les armes

Les sanctions relatives aux missiles balistiques et aux importations d’armes offensives sont maintenues. Letransfert de matériels sensibles pouvant contribuer au programme balistique iranien sera interdit pendant huit ans,sauf autorisation explicite du Conseil de sécurité de l’ONU.

Cela revient, juge un diplomate occidental, « à mettre plus d'yeux sur moins de matériel, dans moins d'endroits » .En revanche, ce texte ne prône pas le démantèlement du programme iranien, comme initialement envisagé lors despremières négociations, conduites par les Européens entre 2003 et 2005. Il encadre, bride et surveille de plus prèsles infrastructures iraniennes dans le but d'empêcher Téhéran de se lancer dans une course clandestine à la bombeatomique. Ce qu'il permet surtout, c'est de gagner du temps.

Levée graduelle des sanctions

Les protagonistes font le pari qu'il sera plus avantageux pour Téhéran de respecter, dans la durée, les clauses de cetaccord, qui s'accompagnera de retombées économiques substantielles avec la levée graduelle des sanctions et ledéblocage, à terme, de près de 150 milliards de dollars (135 milliards d’euros) d'avoirs gelés à l'étranger.

Le dégel de cette manne inquiète au plus haut point Israël et les monarchies sunnites du Golfe, qui redoutent quel'Iran utilise cette trésorerie pour soutenir encore davantage les milices chiites au Proche-Orient et pour renforceraussi ses capacités militaires, à un moment où Téhéran est activement impliqué dans les grandes crises de la région,de la Syrie à l'Irak, en passant par le Liban et le Yémen.

Fondamentalement, les adversaires de l'accord de Vienne redoutent que ce compromis ne fera que retarder, et pasempêcher, l'Iran de devenir une puissance nucléaire. Ce n'est pas faux. A cela, les diplomates présents à Viennerétorquent que cette solution négociée est la seule voie pour désamorcer une crise qui était, de toute façon,imminente puisque l’Iran est déjà sur le seuil de pouvoir se doter d'une arme atomique s'il le souhaite.

De plus, soulignent les partisans de l'accord, ce compromis enraye l'escalade mutuelle de la dernière décenniependant laquelle l'Iran n'a cessé d'augmenter son dispositif nucléaire malgré l'imposition de sanctionsinternationales de plus en plus contraignantes. Celles-ci ont ralenti le développement du programme nucléaireiranien mais ne l'ont pas complètement enrayé.

En 2003, lors des premières négociations, l'Iran ne disposait alors que de 160 centrifugeuses, contre près de 20 000aujourd'hui, qui servent à transformer l'uranium. Enrichi à un niveau élevé, il peut ensuite être utilisé pour fabriquerune bombe atomique. D'où le pari qui sous-tend l'accord de Vienne : mieux vaut négocier un encadrement contrôlédes infrastructures iraniennes, plutôt que de miser sur des sanctions qui n'ont pas empêché l'Iran d'avancer vers lamaîtrise d'une filière nucléaire au cours des dernières années.

Un impact géopolitique

Quant aux retombées diplomatiques de cet accord, elles sont potentiellement nombreuses mais encore incertaines.« Comme tous les accords de désarmement, celui de Vienne se focalise sur un aspect restreint mais qui exacerbetous les autres problèmes entre l'Iran et le reste du monde », note Ali Vaez.

Le compromis de Vienne pourrait constituer le premier pas vers une normalisation des relations entre l'Iran et lesEtats-Unis, rompues en 1980 après la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran. Et par là même, amorcerune coopération plus ouverte entre Washington et Téhéran sur les crises en Syrie et en Irak.

A plus court terme, un accord aura sûrement un impact non négligeable sur les marchés mondiaux de l'énergie, enlevant les restrictions à l'exportation des immenses réserves iraniennes d'hydrocarbures. Pendant les tractations

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dans la capitale autrichienne, M. Zarif a ouvertement fait allusion à ces perspectives en cas d'accord.

« Nous sommes prêts à ouvrir de nouveaux horizons pour affronter les défis importants et communs. Aujourd'hui,la menace commune est le développement de l'extrémisme violent et de la barbarie sans limites », a-t-il dit dans unevidéo publiée sur Youtube, dans une allusion au groupe djihadiste Etat islamique (EI). « Pour affronter ce nouveaudéfi, de nouvelles approches sont absolument nécessaires », a souligné le chef de la diplomatie iranienne, uneallusion voilée à la coalition internationale contre l'EI dirigée par les Etats-Unis en Irak et en Syrie, à laquelle neparticipe pas l'Iran, qui soutient de son côté les régimes irakien et syrien contre le groupe djihadiste.

Avant d'en arriver là, il faudra encore attendre la mise en œuvre de l'accord de Vienne. Ce premier test permettra demesurer la volonté de coopération, ou non, de l'Iran.

Si tout se déroule sans obstacles, le texte de Vienne doit maintenant être approuvé par le Congrès américain et parle Parlement iranien. L'AIEA sera ensuite mandatée pour conduire des premières vérifications pendant l'automne.Et si cette instance de l'ONU certifie que l'Iran joue le jeu, les premières levées de sanctions pourraient intervenirvers la fin de l'année 2015. Pour le moment, les diplomates savourent leur satisfaction d'avoir pu sceller un accordintrouvable depuis plus de douze ans. Mais ces tortueuses négociations ont aussi incité les uns et les autres à laprudence. « Il existe deux thèses sur l'impact d'un accord, relève un négociateur : ou bien il pousse l'Iran à avoirune attitude plus ouverte, ou bien il incite le régime à compenser cette ouverture par une plus grande rigiditéintérieure. »

Document 6. Démocratie, société civile et institutionnalisation de la gouvernancetransnationale à l’oit et à l’omc

Jules Duchastel, René Audet, Études internationales, Vol. 39, numéro 4, déc. 2008, p. 511-536

1. La coopération multilatérale s’est largement accrue dans le contexte de l’après-guerre et dans celui de la

mondialisation[1]. On a vu se développer l’activité d’un grand nombre d’organisations internationales (oi), pour la

plupart issues du système des Nations Unies ou d’accords multilatéraux comme ceux de Bretton Woods, dont la

mission spécialisée vise à assurer la régulation d’un domaine d’activité particulier, de nature économique, politique,

technique ou culturelle. Ces organisations ont eu tendance à étendre leur influence dans le contexte grandissant de

la mondialisation. Après avoir privilégié un mode de fonctionnement qualifié de multilatéralisme exécutif ou de

modèle de club privé, elles se sont ouvertes progressivement à une certaine démocratisation de leur fonctionnement

devant les critiques de plus en plus nombreuses dénonçant leur manque de transparence et d’imputabilité et

l’inégale répartition du pouvoir entre les parties prenantes[2]. De nouveaux acteurs non étatiques ont également pris

davantage de place dans l’espace transnational[3]. Il s’agit, entre autres, des ong, dont le nombre s’est accru

considérablement dans les années récentes. L’ecosoc, organe des Nations Unies chargé d’accréditer ces ong, a vu

croître leur nombre, d’une quarantaine en 1948 à plus de trois mille aujourd’hui[4].

2. Dans le contexte de la réforme de l’onu prônant une plus grande participation démocratique des acteurs non

gouvernementaux dans les instances de gouvernance des organisations internationales, nous nous sommes posé la

question de la nature de cette nouvelle forme de démocratie et de la place qu’y occupe la société civile[ 5]. Notre

recherche nous a conduits à interroger plus particulièrement le projet de réforme de l’onu, déjà annoncé en 1996

par l’ancien secrétaire général Boutros Boutros-Ghali et mis en oeuvre par son successeur Kofi Annan, ainsi que

ses prolongements dans différentes organisations internationales, telles que l’Organisation internationale du travail

(oit), l’Union internationale des télécommunications, l’unesco et l’Organisation mondiale du commerce (omc). Plus

précisément, nous avons étudié les diverses modalités d’intégration des acteurs de la société civile – surtout des

organisations non gouvernementales – dans le fonctionnement interne de ces organisations ainsi que l’évolution du

15

discours officiel sur cette intégration au cours de la dernière décennie.

3. Nous présenterons dans un premier temps la double logique de démocratisation et d’institutionnalisation de

nouvelles régulations dans le contexte de la transnationalisation du système international, de l’importance

croissante des instances de gouvernance et de la renaissance de la société civile. Nous aborderons, par la suite, les

trois formes de légitimation qui caractérisent le processus de démocratisation. Nous verrons ainsi que l’action des

organisations internationales se mesure aux critères de la légitimité normative, de l’efficacité procédurale et de

l’équité. Nous présenterons alors deux analyses des mécanismes de participation du secteur civique de la société

civile dans la gouvernance de l’oit et de l’omc ainsi que du discours qui les justifie. Après avoir livré une synthèse

des résultats, nous reviendrons sur la question de la légitimité démocratique des organisations internationales.

I – Nouvelles régulations politiques

4. Nous nous sommes intéressés à la logique croisée de démocratisation et d’institutionnalisation de nouvelles

formes de régulation dans le contexte des organisations internationales. Le tableau 1 tente de représenter ces deux

logiques. D’un côté, l’institutionnalisation de la régulation politique s’élargit, englobant aussi bien la logique de

gouvernement propre aux institutions politiques modernes et à leurs formes institutionnelles fondées sur la

démocratie représentative et la souveraineté nationale dans le contexte du système international que la logique de

gouvernance qui se déploie dans des espaces infra, para ou supranationaux. De l’autre côté, la démocratie a

tendance à prendre de nouveaux habits autour des valeurs qui la fondent, la légitimité, l’efficacité et l’équité, tant

dans les espaces de la démocratie représentative que dans ceux de la démocratie participative. Après avoir présenté

dans cette première section les transformations majeures de la régulation politique sous-jacentes au déploiement de

ces deux logiques, nous aborderons dans la prochaine section les principales valeurs qui définissent la démocratie

et leur déclinaison selon le lieu et le type de régulation.

[...]

5. Ces deux logiques se déploient donc dans le contexte de trois transformations de la régulation politique, chacune

étant liée au processus plus général de la mondialisation[6]. Il s’agit de l’affaiblissement relatif du dispositif État-

nation/système international au profit des dimensions supranationale et transnationale[7] du système global, de la

substitution progressive d’une logique de gouvernement par une nouvelle logique de gouvernance et, enfin, de la

résurgence d’une société civile dont l’espace d’action s’étend en deçà et au-delà de l’État-nation. Nous faisons

l’hypothèse que ces trois mutations de l’institutionnalisation politique moderne conduisent à une transformation des

logiques de démocratisation et d’institutionnalisation du politique.

6. L’importance accrue de la coopération multilatérale ne peut se comprendre que dans le contexte d’une mutation

significative des prérogatives souveraines de l’État-nation. La mondialisation des flux financiers, médiatiques,

technologiques, migratoires et idéologiques[8] déleste les États-nations d’un ensemble de régulations qui ne sont

plus applicables à un seul territoire national. Se développe en même temps un nouvel espace de coopération

multilatérale qui doit nécessairement excéder les relations entre États pris deux à deux. C’est dans ce contexte que

Zürn parle de dénationalisation sociétale :

La dénationalisation sociétale, pensée comme un processus de transcendance croissante des frontières

16

nationales par les contours des transactions sociales, a mis au défi la capacité des politiques nationales

de réaliser leurs objectifs sociaux[9].

7. Il ne manque pas d’ouvrages[10] aujourd’hui pour décrire cette érosion progressive de la souveraineté nationale.

Ulrich Beck nous convie à abandonner le nationalisme méthodologique qui a enfermé jusqu’ici la sociologie dans

les frontières de la société nationale. Habermas prophétise la sortie de l’État-nation et David Held parle déjà du

passage de l’État moderne à la gouvernance cosmopolite. Sans aller jusque-là et nier toute substance aux États-

nations et au système international, il devient de plus en plus évident que s’érode la souveraineté nationale[11] et

que se complexifient les formes de régimes internationaux[12]. Nous supposons donc qu’il existe, en marge des

États et de leur regroupement dans les institutions intergouvernementales, de tels lieux supranationaux et

transnationaux de plus en plus nombreux où se discutent, se décident et s’exécutent des politiques concernant

l’intérêt général[13].

8. La seconde transformation touche la logique d’institutionnalisation de la gouvernance[14]. Le concept de

gouvernance est certainement l’un des plus employés aujourd’hui, bien que sa définition demeure imprécise. On

peut la concevoir de deux points de vue principalement : celui de l’action de gouverner et celui d’une nouvelle

logique d’institutionnalisation démocratique. La gouvernance renvoie d’abord à l’action de gouverner, c’est-à-dire

à la discussion, à la décision et à l’exécution de politiques affectant les parties prenantes d’une organisation, d’une

institution ou d’une communauté plus ou moins étendue. On peut ainsi affirmer que la gouvernance décrit toute

action de gouverner, quel qu’en soit le lieu d’application, dans la sphère publique ou dans la sphère privée. Il est

possible, sous cet angle, de considérer le gouvernement comme une forme politique particulière de la gouvernance.

On peut comprendre ainsi pourquoi les grandes organisations internationales, comme le Fonds monétaire

international ou la Banque mondiale, ont eu tendance à confondre la prérogative de gouvernement des États avec la

qualité de leur gouvernance.

9. L’usage massif du concept de gouvernance est relativement récent, et cela s’explique probablement par la

complexification grandissante de l’action de gouverner et par la multiplication des lieux d’exercice de cette

gouverne. Par ailleurs, le vocable de gouvernance comporte un fort contenu idéologique, proposant une réponse à

la fois technique et éthique à l’acte de gouverner. La gouvernance est présupposée relever de la bonne gestion,

transparente et imputable, fondée sur l’expertise et la participation des parties prenantes (ligne ombragée,

tableau 1). En somme, la gouvernance est posée comme l’art de bien gouverner.

10. C’est ici que surgit la seconde conception de la gouvernance. Celle-ci n’est plus l’action de gouverner, selon les

meilleures pratiques, mais elle devient une institution politique légitime. Cette conception de la gouvernance la

pose comme voie alternative à la logique du gouvernement fondé sur la légitimation que lui procure la communauté

politique. Il y a déplacement des acteurs, des citoyens aux parties prenantes, et déplacement de la légitimation, de la

représentation à la participation. Dans le contexte d’une multiplication des lieux de régulation, sur les plans infra,

para ou supranationaux, la gouvernance se présente comme l’opportunité de gouverner démocratiquement (colonne

ombragée, tableau 1).

11. La troisième transformation se rapporte à la réémergence de la société civile comme acteur significatif vis-à-vis

des nouvelles formes d’exercice du pouvoir[15]. Si cette résurgence est présente dans un ensemble de contextes

17

nationaux en quête de nouvelles pratiques démocratiques, elle se manifeste fortement dans les nouveaux espaces de

délibération produits autour de la gouvernance supra et transnationale. C’est ainsi que nous nous sommes penchés

sur la participation du secteur civique et du secteur privé de la société civile aux mécanismes de la gouvernance

mondiale. Nous avons ainsi remis en question la compatibilité des nouvelles pratiques démocratiques et des

nouvelles formes institutionnelles de gouvernance au regard du monopole étatique ou interétatique dans

l’établissement des règles. Selon Arts, l’exercice du pouvoir par ces acteurs non étatiques dans la sphère mondiale

peut prendre trois formes[16]. Le pouvoir discursif (parole) se caractérise par la capacité d’infléchir le discours

dominant ou d’inventer de nouveaux discours ; le pouvoir décisionnel (décision) est défini par la capacité

d’influencer la prise de décision ; le pouvoir d’exécution (régulation) est la capacité de produire et d’imposer des

règles. Notre recherche a consisté à mesurer, par l’examen des mécanismes de participation et l’analyse du discours

porté sur la société civile, les transformations institutionnelles des organisations internationales et leur dimension

démocratique.

II – Logique de démocratisation

12. La réforme de l’onu a été entreprise dans la double perspective de démocratiser le système international et de

développer de nouvelles institutions susceptibles d’assurer la bonne gouvernance. L’origine de cette réforme

remonte à 1996 au moment où le secrétaire général de l’onu, Boutros Boutros-Ghali, présente à l’Assemblée

générale le rapport An Agenda for Democratization qui fait suite à deux rapports intitulés respectivement An

Agenda for Peace et An Agenda for Development[17]. L’Agenda pour la démocratisation de Boutros Boutros-Ghali

se voulait une réponse à la triple critique adressée à la gouvernance des organisations internationales, soit leur

inefficacité, leur illégitimité et leur iniquité[18]. Dans la perspective idéale d’un système ouvert, inclusif et

pluraliste, la réforme qu’il proposait se présentait comme une solution démocratique aux insuffisances des

instances de régulation mondiale dans un monde postwestphalien[19]. Mais la question demeure entière de savoir si

les réformes amorcées sous le règne de Kofi Annan ont su apporter une réponse satisfaisante au problème de la

légitimation démocratique des actions de ces organisations.

13. En effet, les trois critiques d’illégitimité, d’inefficacité et d’iniquité touchent au coeur des principes

démocratiques. Elles nous permettent de décomposer les diverses dimensions du processus démocratique mettant

en avant les valeurs d’égalité, de souveraineté, de représentation, de participation, d’imputabilité et de transparence.

Pour mesurer l’importance du processus démocratique dans la gouvernance transnationale, il nous faut d’abord

pouvoir examiner chacune des formes de légitimation à l’oeuvre dans les organisations retenues. Le tableau 1

présente les principes et les valeurs correspondant à chacune des formes de légitimation selon qu’elles se réfèrent

aux plans national, international ou transnational. Il nous suffira par la suite d’apprécier la mise en oeuvre au sein

des deux organisations de ces principes et valeurs.

14. La première forme de légitimation démocratique mobilise la légitimité normative. En démocratie, la norme de

légitimité oscille entre représentation et participation. La démocratie représentative institutionnalise des

mécanismes de représentation équitable, fondés sur l’idée d’un citoyen, un vote. La représentation instaure une

médiation entre les citoyens et l’État à travers l’idée d’une communauté politique, le peuple ou la nation.

L’institutionnalisation de la médiation permet également d’atteindre une certaine efficacité de la gouverne

18

politique. Cette médiation n’est cependant légitime que dans la mesure où il existe une participation des citoyens à

la chose publique. La critique actuelle des institutions représentatives repose essentiellement sur la faiblesse de

cette participation, et les nouvelles formes de démocratie que prétendent mettre en branle les instances de

gouvernance mettent avant tout l’accent sur la participation. À leur tour, ces instances sont confrontées à la critique

de leur absence de représentativité.

15. Dans les organisations du système des Nations Unies, la légitimité des instances décisionnelles est fondée sur

l’égalité des États-nations (un pays, un vote). Il s’agit d’une légitimité représentative universelle fondée sur le

principe de souveraineté de chaque État-nation, qui est le calque au niveau international de la légitimité

représentative fondée sur l’égalité des citoyens (un citoyen, un vote) au niveau national. Cependant, tout comme

l’égalité des citoyens, les souverainetés nationales ne s’équivalent pas et l’on constate de grands écarts dans le

pouvoir réellement exercé par les divers États. Dans le cadre des instances transnationales, apparaît un nouveau

principe de légitimité dans le contexte d’une mobilisation élargie des acteurs non étatiques. Le principe de

représentation à l’œuvre dans ce contexte ne repose plus sur un principe universel d’égalité des citoyens ou des

États, mais plutôt sur l’intérêt des parties prenantes relativement aux questions débattues dans ces instances. La

valeur invoquée est d’abord celle de la participation, au détriment de toute prétention à la représentation des

populations concernées. S’il y a représentation, c’est une représentation de causes à portée universelle, comme celle

des droits de l’homme ou celle de la défense de la nature.

16. La seconde forme de légitimation démocratique vise l’efficacité de la gouverne politique et s’intéresse aux

conditions d’exercice d’une bonne gouvernance. Elle s’appuie ainsi, à la fois, sur des dispositifs institutionnels

susceptibles d’assurer l’équilibre des pouvoirs et sur la mise en oeuvre de procédures capables d’assurer la

transparence et l’imputabilité dans le triple processus de discussion, de décision et de régulation. Le principe

d’efficacité correspond au premier sens donné à la gouvernance, comme action de gouverner (ligne horizontale

ombragée, tableau 1). Les dispositifs organisationnels et institutionnels qui permettent d’optimiser la gouverne

politique s’appuient sur une spécialisation bureaucratique des instances concernées et sur un système de

contrepoids assurant l’équilibre entre les pouvoirs institutionnels. La spécialisation bureaucratique accroît les

chances d’une administration rationnelle, alors que l’équilibre des pouvoirs prévient les abus. Dans l’espace

national, on trouve une administration publique et une distribution des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le

judiciaire. Dans le système des Nations Unies, à côté d’une administration générale, on trouve un partage des

pouvoirs entre Secrétariat général, Conseil de sécurité, Assemblée générale et Cour pénale internationale. De leur

côté, les organisations internationales agissent en tant qu’agences spécialisées vouées à la régulation de domaines

particuliers. Leur logique d’efficacité n’est pas très différente de la logique d’efficacité mobilisée dans les

institutions ayant un caractère gouvernemental, mais, au lieu de s’appuyer sur la seule compétence de ses

bureaucrates, elle compte sur la compétence technique ou juridique des diverses parties prenantes.

17. La troisième forme de légitimation se mesure à la réalisation des principes de représentation et de participation

aussi bien aux niveaux national, international que transnational. On peut ainsi mesurer l’équité ou l’iniquité par

l’observation de la distribution réelle du pouvoir. Au plan national, l’équité pose la question de l’accessibilité des

citoyens et des groupes de citoyens au pouvoir, ce que l’on traduit souvent par la problématique de l’empowerment.

Au plan international, l’équité met en cause la distribution du pouvoir entre pays. Par exemple, la composition du

19

Conseil de sécurité représente, au sein du système onusien, une relation de profonde inégalité entre puissances du

centre et pays de la périphérie. Il en est de même au sein du fmi ou de la Banque mondiale, où la représentation

nationale est proportionnelle à la contribution financière des pays. La mobilisation actuelle des pays du Sud global

témoigne de la volonté de ces pays de rétablir une certaine équité dans le processus de délibération et de décision.

Dans l’espace transnational, la question de l’équité concerne, en plus, la participation équitable des diverses parties

prenantes. Les acteurs de la société civile ou du secteur privé ont-ils le même accès à la parole, à la décision et à la

définition des règles ?

18. La logique de démocratisation, qui s’appuie sur les trois principes de légitimation, d’efficacité et d’équité, doit

être mise en relation avec le déplacement de la logique d’institutionnalisation du gouvernement vers la

gouvernance. On peut affirmer que les États souverains et le système onusien fonctionnent principalement selon la

logique de gouvernement fondée sur la représentation (égalité des citoyens, souveraineté des États-nations), mais

que les organisations et les agences qui gravitent en son sein fonctionnent selon la logique de gouvernance

(participation des parties prenantes). Sur le plan de l’efficacité, les États-nations et le système intergouvernemental

s’appuient sur leur bureaucratie et sur l’équilibre des pouvoirs inscrits dans leur constitution ou dans leur charte,

alors que les organisations et les agences exploitent l’expertise des diverses parties prenantes. L’équité se transige

dans l’accès et dans la distribution du pouvoir dans la logique de gouvernement sur les deux plans national et

international. L’équité se négocie, au plan transnational, dans une structure asymétrique visant une plus ou moins

grande participation aux diverses dimensions de la gouvernance, la discussion, la décision ou la régulation.

19. Dans la suite de ce texte, nous chercherons donc à analyser les transformations discursives et institutionnelles

survenues, selon les trois formes de légitimation démocratique, après l’adoption du paradigme de la gouvernance

par les organisations internationales. L’oit et l’omc constitueront notre échantillon. Nous croyons avec Keohane et

Nye que ces organisations, au-delà de leur origine historique très éloignée, sont différentes à plusieurs égards :

Le régime commercial de l’omc est fort en comparaison d’autres régimes internationaux. Il se

compare favorablement au non-régime des taux d’échange, à la fragmentation du régime international

sur l’environnement et au très faible régime sur les normes internationales du travail. Le succès de

l’omc ne provient pas de sa force organisationnelle, mais du fait que ses procédures de règlement des

différends offrent de l’espace tant pour la résolution diplomatique des disputes que pour les processus

démocratiques nationaux, et ce, tout en protégeant le système du commerce mondial[20].

20. La valeur d’une comparaison entre deux organisations aussi différentes des points de vue de leur pouvoir, de

leur structure et de leur histoire réside dans sa capacité à mettre en lumière la relative diversité et l’asymétrie des

modèles d’intégration de la société civile et des discours qui les soutiennent dans l’institutionnalisation de la

gouvernance transnationale. À cet égard, la comparaison de l’oit, qui a incorporé dès l’origine une certaine

participation de la société civile, avec l’omc, dont les mécanismes démocratiques sont au contraire réputés opaques

et fermés, peut être très significative. Il conviendra évidemment de prendre en compte les paramètres de la

puissance, de la structure et de l’histoire des organisations dans l’évaluation du potentiel démocratique de cette

gouvernance présentée dans les dernières parties de ce texte.

21. Les résultats de recherche qui suivent découlent d’une méthodologie à deux niveaux. Nous avons d’abord

20

effectué une analyse documentaire des publications techniques de ces organisations afin de comprendre les

mécanismes institutionnels mis en place pour accueillir la société civile. Nous avons ensuite procédé à une analyse

du discours des directeurs généraux de l’oit et de l’omc (de 1997 à 2007) dans le but de montrer l’interaction entre

l’évolution institutionnelle et la construction du discours sur la démocratie et la participation de la société civile.

Les deux corpus textuels que nous avons soumis à diverses fonctionnalités du logiciel sato[21] ont été constitués

selon deux critères. Nous avons ainsi inclus toutes les allocutions des directeurs généraux 1) qui mentionnent les

mots-clés « société civile », « ong » ou « gouvernance » et 2) qui ont été prononcées entre 1998 et 2008[22]. Dans

la présentation des résultats, notre analyse est également soutenue par des sources secondaires.

III – L’Organisation internationale du travail

22. Du tripartisme fondateur à la gouvernance mondiale, il est remarquable que l’Organisation internationale du

travail ait toujours réservé un espace à la participation de la société civile dans son fonctionnement et dans sa

structure. De tout temps, cette organisation a prôné la participation effective, au côté des gouvernements, des

groupes non gouvernementaux que sont les syndicats et les associations d’employeurs. Elle est en cela l’héritière

institutionnelle du « compromis fordiste » au niveau international[23]. Or, aujourd’hui, avec la mise à mal du

compromis fordiste par la mondialisation et le néolibéralisme, le tripartisme de l’oit est concurrencé partout ailleurs

dans le système international par les concepts de multistakeholder dialogue, de gouvernance, etc. L’oit doit donc

relever un nouveau défi : adapter sa structure démocratique à une nouvelle génération d’acteurs de la société civile.

1A — Légitimité du tripartisme

23. L’application du tripartisme s’étend à tous les niveaux institutionnels de l’oit, soit au Conseil d’administration,

à la Conférence internationale du travail (cit) et aux Conférences régionales du travail (crt), au Bureau international

du travail (bit) ainsi que dans tous les mécanismes de dialogue social et toutes les initiatives mises en oeuvre par

l’organisation aux différents niveaux locaux, régionaux, nationaux et internationaux. Jean-Michel Bonvin explique

que cette structure vise à concilier les deux principes de la participation tripartite et de la représentation

universelle : « le tripartisme énonce l’objectif de la collaboration entre les classes, tandis que l’universalisme

s’attache à la coopération entre les nations[24] ».

24. En ce qui concerne la participation tripartite, elle confère un pouvoir décisionnel à deux secteurs de la société

civile : le secteur du travail et le secteur privé. Dans le cas du premier, l’organisation syndicale est désignée pour

assurer la liberté des individus et, « de fait, les effets d’organisation sont explicitement encouragés par la structure

de l’oit[25] ». Dans le cas du deuxième, la participation se justifie selon le même principe d’organisation et de

défense des intérêts d’un groupe socioéconomique spécifique, le patronat. Ainsi, ce sont des intérêts collectifs mais

non nécessairement universels que défendent ces deux protagonistes du tripartisme, ce qui distingue ce modèle de

la tendance consistant à amalgamer société civile et défense des intérêts universels. Ici, l’universalité est plutôt

attribuée au principe de représentation des États qui bénéficient à l’oit de leur statut classique d’émanation des

nations.

25. Cet équilibre entre participation et représentation que réussit le tripartisme est donc appelé à se modifier avec

l’institutionnalisation de la gouvernance et les prétentions du secteur civique de la société civile à participer à la

gouvernance. Une société civile que l’oit est de plus en plus encline à reconnaître comme un « mouvement qui sert

21

de conscience collective, qui promeut la responsabilité et qui est responsable. [Un] mouvement ouvert, transparent,

autonome, légitime et pluriel[26] ». Pourtant, la légitimité du tripartisme ne sera jamais remise en question dans le

discours récent de l’oit, et les ajustements institutionnels favorables au secteur civique n’auront lieu qu’en surface

et dans une stricte perspective d’efficacité.

2B — Efficacité du dialogue social

26. Si l’on observe dans le discours de l’oit une certaine évolution à l’égard des ong et du secteur civique en

général, il faut aussi noter l’attitude de retenue qui continue à régler les relations entre l’oit et la société civile non

syndicale. Ainsi, d’une part, le directeur général, Juan Somavia, n’hésite pas à affirmer qu’avec les conséquences

sociales de l’activité économique qui mobilisent le travail de plus en plus de groupes et d’organisations, il convient

que « les constituants tripartites de l’oit [fassent] appel à d’autres acteurs de la société civile, et interagissent avec

eux[27] ». La formule « d’autres acteurs » reste assez large et exige qu’éventuellement soient énoncés des principes

de discrimination. C’est dans cette optique, d’autre part, que le directeur général fait amplement usage des

qualificatifs « appropriés » ou « pertinents » pour désigner les groupes de la société civile qui pourraient prendre

part au dialogue social.

27. L’expression « dialogue social » désigne le tripartisme en action. Pour l’oit, le dialogue social se définit comme

toute forme d’échange d’information, de négociation ou de consultation entre les travailleurs, le patronat et l’État,

bien que la participation de ce dernier soit facultative. Le dialogue social peut donc être bipartite ou tripartite ; il

peut être institutionnalisé, formel ou informel ; il peut se tenir aux niveaux local, régional, sectoriel,

interprofessionnel, au niveau de l’entreprise, etc. :

L’objectif principal du dialogue social est de favoriser le consensus et la participation démocratique au

sein des principales parties prenantes impliquées dans le monde du travail. Le bon fonctionnement des

structures et processus de dialogue social peut permettre de résoudre de graves problèmes

économiques et sociaux, d’encourager la bonne gestion des affaires publiques, de favoriser la paix et la

stabilité sociales, et de stimuler le progrès économique[28].

28. Dans la mesure où le dialogue social doit être déployé dans le but d’aborder efficacement d’importants

problèmes sociaux et économiques, il est tout naturel qu’il soit mis en oeuvre dans la perspective chère à l’oit d’un

« travail décent pour tous ». Ainsi le directeur général suggère-t-il que les valeurs et les principes à la base de cet

ambitieux objectif « doivent se traduire par des politiques et des programmes acceptables et réalisables grâce

auxquels les gouvernements, les entreprises, les travailleurs et les acteurs concernés de la société civile pourront

nouer les liens de partenariat et le dialogue qui leur permettront d’atteindre notre but[29] ». On a alors affaire, selon

le jargon de l’oit, au « tripartisme plus », c’est-à-dire au dialogue social se tenant dans des contextes nationaux

particuliers, dans le cadre de programmes précis, pour lesquels les partenaires traditionnels (tripartites) choisissent

« d’ouvrir le dialogue à d’autres acteurs pertinents de la société dans un effort d’acquérir une perspective plus large,

d’inclure les divers points de vue et de construire un consensus plus large[30] ». L’idée d’« acteurs concernés » ou

encore celle d’« acteurs pertinents » impliquent une certaine forme de discrimination dans le choix des participants

de la société civile.

29. Il faut chercher parmi les documents de la Commission de la coopération technique pour trouver des critères

22

pour la sélection des acteurs de la société civile qui seront invités à participer au dialogue social. Dans un document

de 1995, cette commission décrit l’approche participative en plusieurs points : c’est un moyen de rendre plus

efficace la coopération technique ; c’est un objectif au sens où cette approche permet aux communautés de se

prendre en charge ; c’est aussi un processus de gestion permettant d’intégrer d’autres groupes concernés par les

problématiques abordées par la coopération technique ; et c’est enfin une vision du développement[31]. Mis à part

les partenaires liés au travail (employeurs et travailleurs), les acteurs qui prennent part aux processus de

participation peuvent être classés ainsi :

Les bénéficiaires ciblés sont les individus qui ne se sont pas encore organisés ; les organisations de

membres regroupent les bénéficiaires ciblés au niveau local (celles-ci peuvent être des organisations

bâties sur la base de la proximité géographique comme les (pré-)coopératives, les organisations

communautaires ou de femmes, ou les organisations qui groupent des gens sur la base d’un travail

similaire, comme les (pré-)organisations de travailleurs et d’employeurs; les organisations de service

au niveau local, national et international qui supportent des groupes de population spécifiques[32].

30. En somme, il faut admettre que cette version du dialogue social avec des organisations de la société civile

semble se limiter à la coopération technique et à des enjeux locaux lorsque la structure du travail dans une situation

nationale répond mal au modèle du travail salarié et du fordisme. Sur le plan opératoire, la participation de la

société civile est délimitée par le critère pragmatique de la pertinence des participants pour la résolution de

problème ou l’élaboration de projets locaux. De cette manière, la participation au dialogue social est nettement

conditionnée par un principe d’efficacité plutôt que par un principe plus politique de légitimité ouvrant le processus

démocratique dans le cadre du dialogue social. D’ailleurs, nulle part dans le discours du directeur général sur la

participation de la société civile au dialogue social le tripartisme de l’oit n’est-il remis en cause. La gouvernance

est, en clair, une question d’efficacité plus que de légitimité pour l’oit, et il en découle, comme nous le verrons

maintenant, que l’équité entre secteur privé, secteur du travail et secteur civique de la société civile n’est pas

discutable.

3C — Équité et consultation

31. Il est incontestable que la structure tripartite de l’oit prévoit la participation de la société civile dans son

fonctionnement, mais seulement pour les secteurs du travail et de l’emploi organisés au niveau national.

Contrairement aux syndicats qui, selon Juan Somavia, représentent le « plus grand groupe organisé de la société

civile[33] », le secteur civique, malgré sa capacité à déployer de « nouvelles forces[34] », manquerait de cohésion

et de leadership. Ainsi, dans son effort pour intégrer des organisations non gouvernementales à sa gouvernance,

l’oit s’est donné des critères qui relèvent non plus seulement de la pertinence, mais aussi du niveau d’organisation

et de cohésion des acteurs de la société civile. Cette tentative vise plus à réitérer l’idéal tripartite qu’à conférer un

espace à de nouveaux acteurs. Trois catégories ont été créées afin d’accorder des privilèges consultatifs aux ong :

les groupes consultatifs généraux et régionaux, la liste spéciale et la liste ponctuelle.

32. En ce qui concerne les groupes consultatifs, l’oit reconnaît la pertinence d’entendre à la cit et aux crt certaines

organisations non gouvernementales internationales (ongi) qui s’occupent des questions de travail et d’emploi. On

a donc mis sur pied un groupe consultatif général et cinq groupes consultatifs régionaux qui sont composés des

23

ongi qui « respectent l’esprit de la Déclaration de Philadelphie », ce qui restreint ces groupes aux principales

fédérations syndicales internationales[35] et à leurs corollaires régionaux, les organisations non gouvernementales

régionales du travail (ongrt)[36]. La décision d’accepter ou de refuser une demande d’accession aux groupes

consultatifs appartient au bit et au directeur général. En somme, on peut dire de la participation de ces groupes

qu’elle n’élargit pas le spectre de la participation au secteur civique. La deuxième procédure d’ouverture à la

société civile – celle de la « liste spéciale » – accomplit un peu plus en ce sens. Pour qu’une ongi puisse bénéficier

d’un statut d’observateur à l’oit, ses préoccupations doivent être en lien avec les problématiques qui y sont

abordées (travail des enfants, questions liées au genre, droits humains, pauvreté, sécurité sociale, etc.). La

participation de ces ongi dépend donc de leur intérêt pour les multiples champs d’activité de l’oit, c’est-à-dire de

leur « pertinence » par rapport à sa mission. La procédure pour être admis sur cette liste est plus complexe que pour

les groupes consultatifs, les critères étant que :

Les buts poursuivis par les organisations qui demandent à être admises sur la liste spéciale de l’oit

doivent respecter l’esprit, les buts et les principes de la Constitution de l’oit et de la Déclaration de

Philadelphie. La longévité, le nombre de membres, la couverture géographique de l’organisation, ses

réussites concrètes et la dimension internationale de ses activités constituent les critères principaux

d’admission[37].

33. À la lumière de ces exigences, il est évident que le niveau d’organisation et de cohésion des groupes désirant

être inscrits sur la liste spéciale est un critère prédominant. C’est également le cas des ong de la troisième catégorie,

c’est-à-dire celles qui sont intéressées par une conférence ou une rencontre particulière de l’oit. Ces ongi doivent

adresser une demande écrite de participation au directeur général de l’organisation et fournir les mêmes pièces

justificatives que les ongi de la deuxième catégorie[38]. Elles seront alors accréditées pour une occasion ponctuelle

et devront renouveler leur demande pour chaque conférence ou événement.

34. Ainsi, ces trois mécanismes de consultation sont encadrés par un critère de pertinence que l’on trouvait déjà

avec le souci d’efficacité et par un critère de cohérence organisationnelle. C’est donc une société civile hautement

professionnalisée et spécialisée qui peut bénéficier de privilèges. Et à quoi ces privilèges renvoient-ils ?

Principalement à la consultation. En ce qui concerne les membres de la liste spéciale et de la liste ponctuelle, leurs

privilèges se limitent au statut d’observateur lors de la Conférence internationale du travail et au droit limité « de

faire des déclarations ou d’en communiquer par écrit, pour l’information de la Conférence, sur des questions

examinées par la Conférence, à l’exception de questions d’ordre administratif et budgétaire[39] », et ce,

conditionnellement au consentement du président et des vice-présidents de la cit. La véritable participation, avec

ses pouvoirs de proposition et de décision, reste définitivement limitée aux acteurs traditionnels du tripartisme de

l’oit.

IV – L’Organisation mondiale du commerce

35. Au cours de sa courte histoire, le débat sur la démocratie à l’omc est rapidement devenu hautement controversé,

et l’avènement du paradigme de la gouvernance mondiale n’a fait que rendre la situation plus tendue. Alors que la

société civile s’emploie depuis la fameuse « Bataille de Seattle » à attaquer la légitimité et la transparence du

processus de décision de l’omc, cette dernière réagit en défendant son « ouverture exemplaire » et en contre-

24

attaquant sur le terrain de la légitimité même de cette société civile. Sans remettre en question les principes

fondamentaux de la gouvernance de l’omc, son processus d’ouverture a eu tendance à miser, tant dans sa dimension

discursive qu’institutionnelle, sur les différences entre secteur privé et secteur civique de la société civile et à

surimposer une distinction stratégique au sein même de ce dernier.

4A — Délibération diplomatique et légitimité du consensus

36. L’omc fonctionne selon deux logiques. D’abord, la logique de délibération diplomatique et de pression par les

pairs préside aux négociations et à l’adoption des accords. Lieu chef de la délibération diplomatique, la Conférence

ministérielle est l’autorité suprême de l’omc. Au sein de cette instance, le système de prise de décision par

consensus hérité du gatt reste la règle générale. Cela n’empêche pas le Secrétariat et la Conférence ministérielle de

s’engager dans un « dialogue » avec la société civile, dialogue que Pascal Lamy qualifiait récemment de « vital

pour l’omc[40] ». Ainsi, bien que « le consensus entre tous les membres dans l’adoption des décisions assure la

légitimité [de l’omc] », il importe de faire « des efforts dans le cadre du système actuel » pour aménager une place

à la société civile[41].

37. Ces efforts s’inscrivent dans l’esprit de l’article v de l’Accord de Marrakech instituant l’omc (1994) qui

prévoyait déjà la prise de mesures pour la consultation et la coopération avec les ong et les autres organisations

internationales. Cela se matérialisa avec l’adoption en 1996 des Directives pour les arrangements sur les relations

avec les organisations non gouvernementales[42] visant à rendre le fonctionnement de l’omc plus transparent et à

accroître le dialogue avec la société civile. Ces directives soulignent d’emblée qu’étant donné la nature

intergouvernementale de l’organisation, il sera impossible de faire intervenir directement les ong dans les travaux

de l’omc, leur rôle étant plutôt de faire part à l’organisation des questions d’intérêt public liées aux politiques

commerciales. À l’intérieur de ce barème, « l’ouverture » se matérialise de façon formelle à trois niveaux :

l’organisation de symposiums annuels ou bisannuels où les ong peuvent entretenir un « dialogue » avec les

membres, une intensification des relations entre ong et Secrétariat, notamment par une amélioration de la politique

de transparence, et, surtout, par l’instauration d’une procédure d’accréditation conférant à certaines ong un statut

d’observateur lors des conférences ministérielles[43]. Selon le règlement, les procédures à suivre par une ong pour

obtenir le statut d’observateur lors des conférences ministérielles se fondent sur deux conditions d’admissibilité :

être légalement constituée en organisation non gouvernementale et s’occuper de questions touchant de près les

négociations ayant lieu à l’omc[44]. Bien que cette procédure n’ait pas véritablement entraîné de discorde avant les

événements de Seattle, on pouvait certainement s’attendre à ce qu’il en soit autrement, la Conférence ministérielle

étant – faut-il le rappeler – « l’organe suprême » de l’omc et un lieu miné de sensibilités à l’égard du processus

démocratique.

38. Il faut donc retenir que le dialogue prôné par l’omc n’influe nullement sur l’exclusivité de la délibération

diplomatique et du processus décisionnel. Pourtant, comme nous le verrons bientôt, l’enjeu de l’équité entre les

organisations ayant droit de parole dans ce dialogue est devenu hautement conflictuel à la suite de la fameuse

« Bataille de Seattle » en 1999. Mais enchaînons d’abord avec la deuxième logique de fonctionnement de l’omc.

5B — Logique juridictionnelle et efficacité procédurale

39. Entre les périodes où siège la Conférence, c’est le Conseil général qui mène les activités courantes de l’omc. Le

25

Conseil général, qui compte un membre par pays, agit notamment par l’intermédiaire du Mécanisme de règlement

des différends (mrd) dont le rôle consiste en l’application de règlements formels. C’est ici qu’intervient le

deuxième fondement de l’omc : la logique juridictionnelle[45]. Selon celle-ci, un pays s’estimant lésé par la

politique commerciale d’un autre membre peut déposer une plainte devant l’Organe de règlement des différends

(ord) qui forme alors un panel de trois membres ou plus, sélectionnés parmi les représentants du Conseil général

selon des critères de compétence et d’indépendance. Le rôle du panel est de soumettre des recommandations à l’ord

concernant la politique commerciale en question sur la base de l’interprétation des règles de l’omc et des arguments

des parties en présence. Les jugements des panels de l’ord ont force de loi. Par la suite, il est aussi possible pour les

parties d’avoir recours à l’Organe d’appel, qui est composé de sept spécialistes du droit commercial et dont le

jugement final ne peut être défié dès lors que son rapport est adopté par l’Organe de règlement des différends.

40. Le Mécanisme de règlement des différends, qui vise à accroître l’efficacité de la réglementation de l’omc, a

aménagé une place à la société civile par la participation des amicus curiae. Cette participation représente d’ailleurs

un aspect très polémique de l’institutionnalisation de l’ouverture à la société civile, notamment parce qu’elle met en

scène au coeur même de l’organe juridictionnel par excellence de l’omc un conflit entre les droits des États

membres et les privilèges des groupes de la société civile.

41. La polémique est née d’une cause portée devant un panel de l’Organe de règlement des différends par l’Inde, le

Pakistan et la Thaïlande qui contestaient la légalité de mesures non tarifaires imposées par les États-Unis aux

importations de crevettes dont la méthode de pêche (utilisée par les plaignants) était réputée mettre en danger des

espèces de tortues de mer en voie d’extinction[46]. Au cours des procédures, l’ong World Wildlife Fund (imitée

plus tard par le Center for Marine Conservation et le Center for International Law) envoya un mémoire au panel et

aux parties en demandant d’être considérée en tant qu’ami de la cour (amicus curiae) dans cette cause. Plusieurs

pays – dont certains n’étaient pas concernés directement par la cause – ne firent pas attendre leur réaction : le

Brésil, la Thaïlande, l’Argentine, l’Inde, le Mexique et le Venezuela s’opposèrent à ce que ces mémoires soient

considérés par le panel en arguant leur illégalité dans le Mécanisme de règlement des différends. Seuls les États-

Unis appuyèrent la démarche des ong qui, par ailleurs, défendaient les mesures américaines de protection des

tortues qui étaient en cause. Un document officiel de l’omc décrit les positions qui s’affrontaient alors :

Certains gouvernements estiment que le système de l’omc a un caractère exclusivement

intergouvernemental. À leur avis, si une ong souhaite faire valoir un argument devant un groupe

spécial, elle devrait convaincre un des gouvernements parties au différend de le faire lui-même.

D’autres gouvernements sont d’avis qu’un système plus ouvert gagnerait en crédibilité, et que

l’ouverture ne présenterait pas d’inconvénient majeur[47].

42. À la suite du jugement du panel qui refusait de considérer les amicus curiae, l’Organe d’appel statua finalement

qu’il serait dorénavant admissible que les panels considèrent les mémoires des amicus curiae. Selon des spécialistes

du droit commercial international, cette décision était porteuse d’une intention d’améliorer l’efficacité procédurale

du mrd dans une perspective de gouvernance multistakeholder :

La participation des amicus est clairement souhaitable selon l’application du modèle des parties

prenantes au Mécanisme de règlement des différends de l’omc – cela permet aux parties prenantes

26

dont les valeurs et les intérêts sont visés par une dispute d’avoir la possibilité d’affirmer clairement

leur point de vue, sans que celui-ci soit filtré par un gouvernement national[48].

43. Or, cette affaire cache potentiellement une double iniquité. La première, comme le font valoir les pays en

développement, suppose que ce sont surtout des ong du Nord qui profiteront du statut d’amicus curiae. La

deuxième nous mène à penser que les groupes du secteur privé – constitué de lobbies industriels ayant d’énormes

capacités professionnelles et juridiques de s’impliquer dans les disputes – exercent une influence grandissante dans

le Mécanisme de règlement des différends aux dépens du secteur civique de la société civile, moins apte à investir

des ressources dans ces disputes juridiques complexes[49].

44. Il est donc concevable qu’une réponse institutionnelle à l’enjeu de l’efficacité de l’omc en général et du mrd en

particulier ait fait émerger les enjeux d’équité que nous venons de décrire. Or, comme nous le verrons maintenant,

l’iniquité entre secteur privé et secteur civique de la société civile existe déjà dans le processus d’ouverture que

nous avons commencé à décrire plus haut.

6C — Équité : le dialogue ou la rue

45. Il faut d’abord se rappeler que les manifestations de rue tenues à l’occasion de la Conférence ministérielle de

Seattle de 1999, largement coordonnées par le réseau d’ong Our World Is Not For Sale[50], avaient ébranlé la

crédibilité de l’omc[51]. Par la suite, c’est le directeur général Mike Moore qui fut chargé de rétablir le « dialogue »

avec la société civile. Tout en reconnaissant d’abord le manque de communication qui avait présidé à l’échec de

Seattle, Moore et le secrétariat se sont affairés à répliquer d’un ton fort critique aux acteurs ayant obstrué la

Conférence ministérielle, dénonçant le fait que « l’omc ait été décrite par ses détracteurs comme le moteur de la

mondialisation, elle-même qualifiée de force nuisible, voire de conspiration[52] ». La société civile, affirmait le

directeur général, aurait à se poser des questions sur sa propre légitimité et à montrer qu’elle respecte elle-même les

critères de transparence qu’elle préconise pour l’omc et les firmes transnationales. De plus, bien que certaines ong

représentent bel et bien des intérêts humanistes, d’autres, selon Moore, ne peuvent en aucun cas se revendiquer

d’une telle mission[53].

46. Selon cet argument, il semble que le discours officiel de l’omc ait eu pour effet de scinder la société civile : les

ong avec qui le dialogue est possible, d’une part, et les protestataires irrationnels de la rue, d’autre part. Ainsi le

directeur général affirmera-t-il qu’heureusement « les opposants et les protestataires ne sont pas tous méchants ou

insensés[54] » et qu’il existe des groupes avec qui le dialogue est possible. Aux méchants et aux insensés que l’on a

parfois qualifiés de « radicaux[55] », on peut donc opposer une société civile avec laquelle il est souhaitable

d’engager « une relation plus complète[56] ». Dans un discours récent, l’actuel directeur général, Pascal Lamy,

exprime de manière exemplaire ce que l’omc considère comme les éléments de la société civile dignes de dialoguer

avec l’omc :

divers types d’organisations non gouvernementales – depuis des organismes de protection de

l’environnement jusqu’à des groupes de défense des droits de l’homme et des droits des travailleurs ;

de nombreux parlementaires ; divers établissements universitaires ; des membres des milieux

d’affaires ; des journalistes ; des juristes ; des représentants d’autres organisations internationales ; et

des étudiants. C’est précisément ce large éventail de représentants de la société que l’omc espérait

27

pouvoir consulter[57].

47. Il s’agit donc d’un mélange de groupes des secteurs civique et privé de la société civile, dont une bonne partie

peut sans doute être classée parmi les lobbyistes des industries des services, du secteur de l’investissement ou

encore du secteur de l’agriculture. Ce sont en majeure partie ces organisations fort bien pourvues en ressources

techniques et juridiques que l’on trouve dans les couloirs des conférences ministérielles de l’omc grâce au

mécanisme d’accréditation des ong[58]. La société civile dite « radicale », quant à elle, continue de scander « la

mort de l’omc » dans la rue et de faire le bonheur des médias dans ses affrontements avec les forces de l’ordre,

comme on a pu l’observer une nouvelle fois lors de la Conférence ministérielle de Hong Kong avec la contestation

organisée par un réseau mis sur pied pour l’occasion, le Hong Kong People’s Alliance[59]. Il faut d’ailleurs

préciser qu’en adoptant une position sans appel sur l’illégitimité de l’omc et de l’ordre économique mondial, cette

société civile radicale tend à entériner sa propre exclusion de la gouvernance transnationale.

V – Synthèse

48. Les organisations internationales ont-elles participé au processus de démocratisation en réponse à la triple

critique d’illégitimité, d’inefficacité et d’iniquité ? Comment se dessine cette nouvelle forme de démocratie que

l’on appelle la gouvernance transnationale ? Notre étude montre que des changements apparaissent dans les trois

formes de légitimation démocratique à travers le processus d’institutionnalisation de la gouvernance transnationale,

mais que ces changements ne sont pas toujours importants, ni vertueux (tableau 2). Sur le plan de la légitimation

normative, on constate que c’est la légitimité représentative qui demeure la pierre d’assise du système international.

À l’omc, de légers aménagements pour accueillir les groupes de la société civile à la Conférence ministérielle

laissent intacte la prise de décision par consensus. Les directives adoptées par le secrétariat à cet égard ne

permettent que l’exercice d’un lobbyisme plus direct lors des conférences ministérielles. Du côté de l’oit, la

structure originale de légitimité fondée sur la participation tripartite et sur la représentation universelle des pays

membres conserve une relative imperméabilité face aux groupes de la société civile ne venant pas du secteur privé

ou du secteur du travail. Par ailleurs, les « partenaires sociaux » du tripartisme sont encadrés par le principe de

représentation, chaque pays déléguant ses représentants nationaux du secteur privé et du secteur du travail. Dans le

cas de l’oit comme dans celui de l’omc, l’accès à la décision fondé sur le principe de représentation demeure

inchangé. On trouve en revanche dans les discours officiels des organisations une évidente rhétorique de la

participation mettant l’accent sur l’importance du dialogue, de la transparence, de l’ouverture, de la consultation,

etc. Cette rhétorique se répercute dans de nouvelles pratiques sur les plans de l’efficacité et de l’équité.

[...]

49. Sur le plan de la légitimation procédurale, il existe une certaine forme de dialogue et de participation qui se

matérialise dans l’efficacité institutionnelle des organisations. À l’oit, il s’agit d’une participation limitée aux

programmes locaux et réservée aux acteurs considérés comme pertinents. Au-delà de la rhétorique de la

participation, cette pratique instrumentalise la société civile afin d’augmenter l’efficacité opérationnelle des

programmes de l’oit. On trouve à l’omc une autre déclinaison de cette instrumentalisation de certains groupes de la

société civile. Ici, c’est l’efficacité procédurale qui est mise en avant pour justifier la participation des amicus

curiae au Mécanisme de règlement des différends, organe par excellence de la logique juridictionnelle de cette

28

organisation. En somme, c’est d’abord pour répondre au besoin d’une plus grande efficacité que la société civile est

mobilisée dans la gouvernance transnationale. Dans les deux cas, les groupes ou les secteurs de la société civile qui

ont peu de ressources stratégiques à offrir aux organisations sont discriminés.

50. Sur le plan de la légitimation de résultats, l’équité demeure le maillon faible de l’institutionnalisation de la

gouvernance transnationale à l’oit et à l’omc. À la fois dans le processus d’instrumentalisation de la société civile

qui vise à augmenter l’efficacité des organisations et dans la rhétorique de la participation au travers de laquelle

elles cherchent une plus grande légitimité, la société civile est segmentée de manière asymétrique. À l’oit, le

secteur du travail et le secteur privé continuent d’être considérés comme les segments les mieux organisés de la

société civile, à l’opposé du secteur civique auquel il manquerait la cohésion nécessaire pour mériter des privilèges

aussi restreints que la consultation. La situation est plus complexe à l’omc, où l’on observe une double

segmentation de la société civile. Le premier axe de segmentation sépare le secteur privé du secteur civique en

fonction des ressources juridiques et financières dont ils disposent pour influencer les décisions des organes de

règlement des différends et celles des diplomates présents lors des conférences ministérielles. Le deuxième axe de

segmentation distingue ces groupes qui prennent part (bien que de manière asymétrique) au Mécanisme de

règlement des différends et aux conférences ministérielles, et les groupes plus radicaux qui veulent l’abolition de

l’omc et qui sont considérés comme « irrationnels » ou « méchants » par les autorités.

51. L’amélioration de l’efficacité institutionnelle est donc le principal apport de l’ouverture à la société civile et,

aussi, le principal changement, puisque le principe de représentation demeure le socle de la gouvernance au niveau

transnational. Malgré une évidente inflation rhétorique de la participation, l’efficacité et la légitimité représentative

apparaissent comme les deux impératifs démocratiques de cette gouvernance. Peut-être est-il prévisible, dans ce

cas, qu’une certaine iniquité continue d’exister entre les secteurs de la société civile, favorisant les groupes les plus

organisés et dotés en ressources. Ne faut-il pas alors envisager que la contestation de l’équité démocratique du

système international par les autres secteurs de la société civile ne s’épuisera pas facilement ?

Conclusion

52. Nous nous sommes intéressés au développement du processus démocratique et de la gouvernance dans le

contexte d’une supranationalisation et d’une transnationalisation croissantes du système international. La nouvelle

phase de globalisation, au cours des quarante dernières années, a induit une certaine dénationalisation[60] au profit

d’un rôle accru des organisations internationales. Cependant, le compromis inauguré par les accords de Bretton

Woods, que Ruggie qualifie d’Embedded Liberalism[61], a eu tendance à s’effilocher. Ce compromis favorisait

l’ouverture des frontières et des marchés en contrepartie du développement de politiques nationales visant à

protéger les populations des conséquences délétères du marché mondial. Ce modèle du libéralisme encastré,

prenant la forme du compromis fordiste dans les sociétés nationales, s’est rompu à la suite du développement

débridé de l’économie de marché et du désengagement progressif de l’État. Dans ce contexte, une grave crise de

légitimité a assailli aussi bien les États-nations que le système international. Au plan national, cette crise est à la

fois une crise de souveraineté et une crise de représentation. La première se manifeste par l’incapacité des États à

agir sur un grand nombre de questions non seulement liées à l’économie, mais aux communications, aux

technologies, à la culture et à l’environnement dans son ensemble. La seconde se traduit par la méfiance croissante

29

des citoyens à l’égard des institutions démocratiques. Cette méfiance conduit aussi bien au désengagement qu’à la

revendication d’une participation accrue au processus démocratique. Sur le plan international, la crise de légitimité

se révèle dans l’essoufflement du modèle du multilatéralisme exécutif ou du club privé qui avait prévalu depuis le

compromis de Bretton Woods. Kehoane et Nye[62] expliquent que ce modèle favorisant la négociation

confidentielle entre nations favorisées, à l’écart des bureaucraties non concernées et usant du fait accompli, se

rompt sur les écueils que représentent la sensibilisation accrue du public, la volonté nouvelle des pays non favorisés

de participer, la prolifération des revendications des acteurs non étatiques et la diffusion d’une nouvelle norme

démocratique plus exigeante. La triple critique, adressée aux institutions internationales, d’illégitimité,

d’inefficacité et d’iniquité donne lieu à trois revendications : plus de participation, plus de transparence et plus de

symétrie entre parties prenantes.

53. Notre questionnement s’est concentré sur la place faite au secteur civique de la société civile dans les instances

de gouvernance transnationales, en particulier au sein de l’oit et de l’omc. Nous nous sommes interrogés sur la

portée démocratique de cette implication de la société civile. Nous avons ainsi distingué trois plans de légitimation

dans le processus démocratique. Chaque plan renvoie à un ordre de justification différent. Le premier plan concerne

la valeur normative de la démocratie. Quel est en effet le principe universel fondant l’institution démocratique ?

L’égalité des citoyens se reconnaissant dans une communauté politique et l’égalité des nations se reconnaissant

dans une société des nations. Le plan normatif renvoie également aux dispositifs institutionnels permettant la mise

en oeuvre de ce principe universel, la représentation comme médiation entre citoyens et État et la participation

comme condition d’exercice de la citoyenneté. Sur le plan international, faute d’une communauté universelle déjà

reconnue, la représentation et la participation demeurent grandement fictionnelles. Le second plan procédural

renvoie à l’idée fondatrice de la modernité d’un mode rationnel d’exercice du pouvoir, appuyé sur la prépondérance

du droit. La procédure est ainsi garante de l’exercice démocratique. Elle est légitime dans la mesure où elle est

transparente et que ceux qui la mettent en oeuvre (gouvernants ou bureaucrates) doivent rendre compte de leur

action. Enfin, le troisième plan renvoie à la réalité de l’exercice démocratique et aux résultats que celui-ci génère.

Ici se mesure la participation effective des parties concernées, citoyens, États ou parties prenantes. Se mesurent

également les résultats de l’action en matière de retombées pour ces mêmes parties concernées.

54. Sans reprendre les constats que nous avons relevés dans notre synthèse des résultats, nous reviendrons en

terminant sur trois questions qui concernent chacun des plans de légitimation. Sur le plan normatif, la légitimité des

organisations internationales est déjà problématique dans le sens, souligné plus haut, où le principe de souveraineté

des États ne peut être comparé à celui de l’égalité des citoyens, en raison de l’asymétrie fondamentale des États et

de l’absence d’une communauté politique qui les engloberait. À plus forte raison, la société civile n’a pas a priori la

même légitimité sur les plans national et international. Si, dans l’espace international, les sociétés civiles nationales

sont représentées indirectement par leur gouvernement, la société civile transnationale ne peut prétendre à une

représentation de type universel. Elle est donc confinée à une représentation particulariste, même si la cause qu’elle

représente peut être, elle, de nature universelle. Il n’est donc pas surprenant que la revendication se porte

entièrement du côté de la participation. Mais alors, s’il ne peut être question d’une participation institutionnalisée

(de type universaliste) comme dans le cas de la démocratie représentative, cette participation ne peut prendre que

les contours d’une inclusion dans le processus de la discussion, mais rarement dans ceux de la décision ou de la

30

régulation. C’est pourquoi nous avons constaté le déploiement d’une rhétorique de la participation plutôt qu’une

institutionnalisation plus formelle de cette participation.

55. La remarque qui précède nous conduit donc à rechercher la légitimité de l’action de la société civile davantage

sur le plan procédural. Si, comme nous l’avons dit, les institutions internationales ont progressivement réagi aux

critiques leur étant adressées, c’est d’abord sur le plan de la gouvernance entendue comme art de bien gouverner.

La contribution de la société civile s’est surtout manifestée à ce niveau, car elle a largement contribué à obtenir plus

de transparence et plus d’imputabilité de la part des oi. Cela explique la place faite aux ong et le discours

d’accompagnement axé sur le dialogue social. Cela explique aussi les efforts faits concernant la communication, la

qualité de l’expertise et des normes professionnelles et l’information générale. En contrepartie, nous avons observé

une certaine instrumentalisation de la société civile qui est mise à contribution dans divers programmes d’action. Si

donc les ong participent réellement à la gouvernance des organisations internationales, elles ne peuvent prétendre

avoir instauré le modèle idéal de la démocratie participative, ni dans sa version délibérative, ni dans sa version

directe. Encore une fois, la rhétorique de la participation a tendance à confondre les plans, celui de la normativité et

celui de la procédure.

56. Sur le plan de l’équité et des résultats, la légitimité de la société civile se révèle mitigée. Si l’ouverture à la

société civile a donné lieu à un fonctionnement plus transparent et à des politiques prenant partiellement en compte

leurs revendications, dans l’ensemble les organisations internationales ont continué à produire des résultats

globalement favorables au développement de la globalisation libérale, au détriment des dimensions de justice et de

redistribution. L’équité de la participation pose problème en raison même du caractère purement procédural de cette

dernière. La société civile transnationale ne pouvant se poser en rapport avec une société cosmopolitique, elle est

réduite à se présenter en ordre dispersé dans un espace où sa reconnaissance ne tient qu’à sa pertinence et à son

expertise. Ainsi, l’asymétrie de la participation propre aux divers membres de la communauté internationale se

dédouble en ce qui concerne la société civile. Non seulement n’a-t-elle que peu d’importance dans la dynamique de

la décision et de la régulation, mais elle doit transiger son influence avec d’autres composantes de la société civile,

un secteur privé qui exerce une influence prépondérante et une partie de la société civile qui se situe en marge de la

gouvernance, déployant les moyens de la contestation.

57. Nous n’avons pas abordé ici la question pourtant fondamentale de la légitimité interne des organisations de la

société civile[63]. Nous avons plutôt tenté d’examiner les mécanismes et leur discours de justification qui ont été

développés dans la dernière décennie pour faire place à la participation de diverses ong dans les instances de la

gouvernance. Notre but était de mesurer la portée de ces dispositifs dans le processus d’ouverture démocratique des

organisations internationales. Nous arrivons à la conclusion que la légitimité démocratique apportée par la société

civile se situe avant tout au niveau procédural. La rhétorique de participation entretenue aussi bien dans le discours

des oi que dans celui des ong contribue à obscurcir le débat sur la démocratie participative. La participation de la

société civile aux instances de gouvernance n’appartient en rien au projet plus ou moins utopique d’une démocratie

délibérative ou directe. Elle relève plutôt d’une volonté d’infléchir autant que faire se peut les politiques discutées

dans ce nouvel espace politique mondialisé.

31

Notes

[1]. Robert O. Keohane et Joseph S. Nye Jr., « The Club Model of Multilateral Cooperation and the World Trade Organization. Problems ofDemocratic Legitimacy », dans R.B. Porteret al. (dir.), Efficiency, Equity, and Legitimacy. The Multilateral Trading System at theMillennium, New York, ny, Routledge, 2002, p. 219-244.

[2]. Michael Zürn, « Global Governance and Legitimacy Problems », dans Government and Opposition, vol. 39, no 2, 2004, p. 260-287 ;Robert O. Keohane et Joseph S. Nye Jr., « The Club Model of Multilateral Cooperation and the World Trade Organization. Problems ofDemocratic Legitimacy », op. cit.

[3]. Bas Arts, Math Noortmann et Bob Reinalda, Non-State Actors in International Relations, Aldershot, Ashgate, 2001.

[4]. Exactement 3051 ong bénéficient du statut consultatif en date du 25 juin 2008 ; ecosoc, « ngo Database »,www.un.org/esa/coordination/ngo.

[5]. Ce texte s’appuie sur les résultats d’une recherche intitulée « Gouvernance mondiale. Démocratisation ou privatisation du systèmeinternational ? », pour laquelle le chercheur principal, Jules Duchastel, et le cochercheur, Raphaël Canet, ont obtenu une subvention du crsh(2005-2008).

[6]. Nous présentons ici brièvement ces trois dimensions politiques de la mondialisation que nous avons explorées dans des travauxprécédents : Raphaël Canet et Jules Duchastel (dir.), La régulation néolibérale. Crise ou ajustement ?, Outremont, Athéna Éditions, 2004 ;Jules Duchastel et Raphaël Canet (dir.), Crise de l’État, revanche des sociétés, Outremont, Athéna Éditions, 2006.

[7]. Michael Zürn, « Global Governance and Legitimacy Problems », op. cit.

[8]. Arjun Apparadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 2005 ; Manuel Castells, TheInformation Age. Economy, Society and Culture,The Rise of the Network Society, vol. 1, Malden, ma, Blackwell, 1996.

[9]. Michael Zürn, « Global Governance and Legitimacy Problems », op. cit., p. 265-266.

[10]. Citons, parmi d’autres : David Held, Democracy and the Global Order. From the Modern Sate to Cosmopolitan Governance, Stanford,Stanford University Press, 1995 ; Suzan Strange, The Retreat of the State. The Diffusion of Power in the World Economy, New York, ny,Cambridge University Press, 1996 ; Jürgen Habermas, Après l’État-nation. Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 1998 ; UlrichBeck,Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation, coll. Alto, Paris, Flammarion/Aubier, 2003 ; David Held, Global Covenant, TheSocial Democratic Alternative to the Washington Consensus, Cambridge, Polity Press, 2004.

[11]. Gilles Bourque et Jules Duchastel, « Erosion of the Nation-State and the Transformation of National Identities », dans J.L. Abu-Lughod(dir.), Sociology for the Twenty-first Century, Chicago, il, University of Chicago Press, 1999.

[12]. Robert O. Keohane et Joseph S. Nye Jr., « The Club Model of Multilateral Cooperation and the World Trade Organization. Problems ofDemocratic Legitimacy », op. cit.

[13]. Michael Zürn, « Global Governance and Legitimacy Problems », op. cit., p. 270-271.

[14]. Jules Duchastel, « Du gouvernement à la gouvernance. Crise ou ajustement de la régulation néolibérale ? », dans R. Canet et J.Duchastel (dir.), La régulation néolibérale. Crise ou ajustement ?, Outremont, qc, Athéna Éditions, 2004.

[15]. Jean L. Cohen et Andrew Arato, Civil Society and Political Theory, Cambridge, mit Press, 1992 ; John Ehrenberg, Civil Society. TheCritical History of an Idea, New York, ny, New York University Press, 1999 ; Jan Aart Scolte, « Civil Society and Democracy in Global

Governance », Global Governance, no 8, 2002, p. 281-304.

[16]. Bas Arts, Non-State Actors in Global Governance. Three Faces of Power, Bonn, Max Planck Institute for Research on CollectiveGoods, 2003, www.mpp-rdg.mpg.de/pdf_dat/2003_4.pdf.

[17]. Ces trois rapports ont été publiés par les Nations Unies, respectivement en 1996, 1992 et 1994.

[18]. Michael N. Barnett et Martha Finnemore, « The Politics, Power and Pathologies of International Organizations », International

Organization, vol. 53, no 4, 1999, p. 699-732 ; Jean-Marc Coicaud et Veijo Heiskanen (dir.), The Legitimacy of International Organizations,

Tokyo, United Nations University Press, 2001 ; Stephen Schlessinger, « Can the UN Reform ? », World Policy Journal, vol. 14, no 3, 1997.

[19]. Thomas J. Biersteker et Cynthia Weber (dir.), State Sovereignty as Social Construct, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 ;Stephen D. Krasner, « Rethinking the Sovereign State Model », Review of International Studies, vol. 27, 2001, p. 721-746 ; James Rosenau,Turbulence in World Politics, A Theory of Change and Continuity, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Kimon Valaskakis, « Ledébut d’une ère post-westphalienne ? », Futuribles, novembre 2001, p. 61-64.

[20]. Robert O. Keohane et Joseph S. Nye Jr., op. cit., p. 230.

[21]. Le Système d’analyse de texte par ordinateur est un logiciel développé par le Centre d’analyse de textes par ordinateur, logé àl’Université du Québec à Montréal, www. chaire-mcd.ca/sato.

[22]. Cela représente 37 discours prononcés par quatre directeurs généraux successifs de l’omc (Renato Ruggiero, Mike Moore, SupachaiPanitchpakdi et Pascal Lamy) et 41 discours prononcés par Juan Somavia, directeur général de l’oit.

[23]. Elle en est la principale héritière, mais non la seule. En effet, du Traité de Rome (1957) à celui de Maastricht (1991), c’est sous levocable du « dialogue social » que les textes fondateurs de l’Union européenne ont intégré le tripartisme à l’élaboration de la stratégieeuropéenne sur les politiques sociales ; Wolfgang Streek, « European Social Policy after Maastricht. The “Social dialogue” and

32

“Subsidiarity” », dans Economic and Industrial Democracy, 1994, vol. 15, p. 151-177 ; Michael Gold, Peter Cressey et Évelyne Léonard,« Whatever Happened to Social Dialogue ? From Partnership to Managerialism in the eu Employment Agenda », dans European Journal of

Industrial Relations, 2007, vol. 13, no 1, p. 7-25.

[24]. Jean-Michel Bonvin, L’organisation internationale du travail. Étude sur une agence productrice de normes, Paris, Presses universitairesde France, 1995, p. 74.

[25]. Ibid., p. 69.

[26]. Juan Somavia, bit, discours prononcé lors de l’Assemblée du millénaire des organisations non gouvernementales, New York, 22 mai2000, www.ilo.org/public/french/bureau/dgo/speeches/somavia/2000/nymay.htm.

[27]. Id., « Un travail décent pour tous dans une économie mondialisée. Le point de vue de l’oit », Troisième conférence ministérielle del’omc, Seattle, wa, 30 novembre-3 décembre 1999, www.ilo.org/public/french/bureau/dgo/speeches/somavia/1999/seattle.htm.

[28]. oit, Dialogue social, www.ilo.org/public/french/dialogue/themes/sd.htm, consulté le 10 novembre 2008.

[29]. Juan Somavia, bit, Consultation internationale sur le suivi du Sommet mondial pour le développement social, discours d’ouverture,Genève, 2 novembre 1999, www.ilo.org/public/french/bureau/dgo/speeches/somavia/1999/summit.htm.

[30]. oit, Social dialogue, Labour Law and Labour Administration Department, Social Dialogue,www.ilo.org/public/english/dialogue/ifpdial/sd/index.htm.

[31]. oit, Commission de la coopération technique, Évaluation des éléments des programmes et projets de coopération technique ayant trait àla participation, Genève, novembre 1995, www.ilo.org/public/french/standards/relm/gb/docs/gb264/tc-2.htm.

[32]. Ibid.

[33]. Juan Somavia, bit, Discours prononcé à l’occasion de la conférence Trade Unions in the 21st Century, Helsinki, 16 septembre 1999,www.ilo.org/public/english/bureau/dgo/speeches/somavia/1999/index.htm.

[34]. Juan Somavia, bit, Allocution de M. Juan Somavia à l’occasion de sa prestation de serment, Genève, 22 mars 1999,www.ilo.org/public/french/bureau/dgo/speeches/somavia/1999/index.htm.

[35]. Ce sont l’Alliance coopérative internationale, la Fédération internationale des producteurs agricoles, l’Organisation internationale desemployeurs, la Confédération syndicale internationale, l’Organisation de l’unité syndicale africaine, la Confédération panafricaine desemployeurs et la Fédération syndicale mondiale ; oit, Organisations internationales non gouvernementales ayant le statut consultatif généralauprès de l’oit, www.ilo.org/public/english/comp/civil/ngo/ngogen.htm.

[36]. Ce sont 18 fédérations syndicales réparties dans quatre ensembles géographiques (l’Afrique, les Amériques, l’Asie-Pacifique etl’Europe) ; oit, Non-governmental International Organizations Having Regional Consultative Status with the ilo,www.ilo.org/public/english/comp/civil/ngo/ngoreg.htm.

[37]. Il s’agit, en date du 3 juin 2008, de 152 ong de secteurs divers, notamment des associations de femmes, des organisations denormalisation, des ordres professionnels, des groupes de défense des droits de la personne, des organisations représentant des minorités, desmouvements oecuméniques, etc. ; oit, Liste spéciale des organisations internationales non gouvernementales de l’oit, consulté le 3 juin 2008,www.ilo.org/public/french/bureau/exrel/civil/ngo/index.htm.

[38]. oit, Représentation des organisations internationales non gouvernementales à la Conférence internationale du travail et aux autresréunions de l’oit, consulté le 22 mai 2005, www.ilo.org/public/english/standards/relm/ilc/pdf/note.pdf.

[39]. oit, Règlement de la Conférence internationale du travail, art. 14.10, consulté le 28 mars 2008,www.ilo.org/public/french/standards/relm/ilc/ilc-so.htm

[40]. Pascal Lamy, omc, ngo Roundtable Forum. The wto’s Sixth Ministerial Conference in Hong Kong, Hong Kong, 16 octobre 2005,www.wto.org/english/news_e/sppl_e/sppl09_e.htm, consulté le 23 avril 2008.

[41]. Pascal Lamy, omc, L’omc est « un laboratoire pour maîtriser la mondialisation », Harvard, 1er novembre 2006,www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl47_f.htm, consulté le 23 avril 2008.

[42]. omc, Guidelines for Arrangements on Relations with Non-Governmental Organizations, 23 juillet 1996,www.wto.org/english/forums_e/ngo_e/guide_e.htm, consulté le 5 juillet 2005.

[43]. omc, Relations avec les organisations non gouvernementales/la société civile. www.wto.org/french/forums_f/ngo_f/intro_f.htm.

[44]. omc,Procédures concernant l’inscription et la présence des organisations non gouvernementales à la sixième session de la Conférenceministérielle, 2005, www.wto.org/ngo/PreRegistration/ngohome.aspx?Language=E, consulté le 6 juillet 2005.

[45]. Vilaysoun Loungnarath, « Le mécanisme de règlement des différends », dans C. de Deblock (dir.), L’Organisation mondiale ducommerce. Où s’en va la mondialisation ?, coll. Points chauds, Montréal, Fides/La Presse, 2002, p. 53-71.

[46]. Ce cas, auquel on se réfère par l’appellation « Crevette/Tortue », est analysé dans ses diverses dimensions par Michael J. Trebilcock et

Robert Howse, The Regulation of International Trade, 3e éd., Londres, Routledge, 2005. Les aspects spécifiques liés à la question des amicuscuriae font l’objet de l’étude de James Smith, « Inequality in international trade ? Developing countries and institutional change in the wto

dispute settlement », Review of International Political Economy, vol. 11, no 3, 2004, p. 542-573.

[47]. omc, Réexamen du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends,www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min99_f/french/about_f/19dis_f.htm.

33

[48]. Michael J. Trebilcock et Robert Howse, The Regulation of International Trade, op. cit., p. 126.

[49]. Argument que défend d’ailleurs Smith ; James Smith, « Inequality in International Trade ? Developing Countries and InstitutionalChange in the wto Dispute Settlement », op. cit.

[50]. www.ourworldisnotforsale.org.

[51]. Darren Hoad, « The World Trade Organization. The Events and Impact of Seattle 1999 », Environmental Politics, vol. 9, no 4, 2000,p. 123-128.

[52]. omc, Rapport annuel 2000, www.wto.org/french/res_f/reser_f/annual_report_f.htm, consulté le 20 juillet 2005.

[53]. Mike Moore, omc, The wto. Challenges Ahead, Wellington, 1er juillet 1999, www.wto.org/english/news_e/news_e.htm#speeches.

[54]. Mike Moore, omc, M. Moore dit aux ong que l’omc n’est pas un gouvernement mondial et que personne n’a l’intention de faire en sortequ’elle en soit un, Seattle, 29 novembre 1999, www.wto.org/french/news_f/pres99_f/pr155_f.htm.

[55]. Jan Aart Scholte, Robert O’Brien et Marc Williams, « The wto and Civil Society », Journal of World Trade, vol. 33, no 1, 1999, p. 107-124.

[56]. omc, Rapport annuel 2001, www.wto.org/french/res_f/reser_f/annual_report_f.htm, consulté le 20 juillet 2005.

[57]. Pascal Lamy, omc, La société civile exerce une influence sur le programme de travail de l’omc, Genève, 4 octobre 2007,www.wto.org/french/news_f/sppl_f/sppl73_f.htm.

[58]. Ce phénomène est décrit par Jan Aart Scholte, Robert O’Brien et Marc Williams, « The wto and Civil Society », op. cit.

[59]. www.hkpa-wto.org.

[60]. Michael Zürn, « Global Governance and Legitimacy Problems », op. cit.

[61]. John Gerard Ruggie, « International Regimes, Transactions and Change. Embedded Liberalism in the Postwar Economic Order », dansS.D. Krasner (dir.), International Regimes, Ithaca, ny, Cornell University Press, 1983.

[62]. Robert O. Keohane et Joseph S. Nye Jr., op. cit.

[63]. Cette question a été abondamment traitée par Jan Aart Scholte, « Civil Society and Democratically Accountable Global Governance »,

Government and Opposition, vol. 39, no 2, 2004, p. 211-233.

Document. Les évolutions de l’ONU : concurrences et intégration

Guillaume Devin1 & Delphine Placidi-Frot2, Critique internationale, 2011/4 (n° 53), p. 214

1 Contrairement à une idée reçue, les organisations internationales et notamment intergouvernementales incarnent

moins l’immobilisme ou la continuité que le mouvement. Non seulement celui-ci préside à leur création dans des

périodes de transformations – pacifiques ou conflictuelles – du système international, mais il accompagne aussi

toute leur existence [1]. Il y a là une raison propre aux organisations, quelles qu’elles soient. En tant que réponse à

un problème d’action collective, toute organisation repose sur des arrangements plus ou moins durables, c’est-à-

dire situés en fonction de multiples paramètres (rapports de force entre les acteurs, perception des besoins,

stratégies des acteurs, contraintes de l’environnement, etc.). Pour évoquer les variations de ces paramètres et leurs

conséquences sur les arrangements initiaux, on parlera couramment de « changements ». Aucune organisation n’y

échappe. Or les organisations intergouvernementales sont plus sensibles encore à ce phénomène en raison de leur

architecture complexe, puisqu’elles ne constituent pas seulement un système organisé, mais aussi un système

d’organisations, un construit social international qui introduit un double niveau de jeu au sein des organisations

membres et entre les organisations elles-mêmes. L’ensemble ainsi composé multiplie les occasions de négociations,

1 Professeur de science politique à l’IEP de Paris (Sciences Po) et codirecteur du Master de science politique mention Relations internationales.

2 Professeur de science politique à l’université de Poitiers.

34

de telle sorte que si « la négociation est l’organisation en mouvement » [2], l’organisation est aussi un lieu de

négociations permanentes, c’est-à-dire un espace d’interactions dans lequel les relations ne sont ni totalement ni

définitivement stabilisées. Sous la grande permanence de leurs sigles, les organisations internationales ne sont donc

jamais tout à fait les mêmes dans la durée de leur existence.

2 Tel est le cas de l’Organisation des Nations unies dont la question du « changement » englobe deux types de

mouvement : le changement dans et le changement de l’Organisation. Le premier interroge ce qui fait le

changement – ses dynamiques, son contenu, ses formes –, le second porte sur ses effets, ce qu’il contribue à

construire – une configuration de moins en moins transparente d’acteurs de plus en plus nombreux et qui, pris

isolément, ne maîtrisent pas l’orientation en cours ; configuration dont l’image globale est cependant celle de la

coopération multilatérale qui se construit sous nos yeux. Il y a là un parallèle à dresser avec les « modèles de jeux à

plusieurs personnes et à plusieurs niveaux », proposés par Norbert Elias, dans lesquels les joueurs, de plus en plus

nombreux et interdépendants, perdent la maîtrise de la direction du jeu tout en transformant le groupe qu’ils

constituent en une configuration de plus en plus complexe [3].

3 C’est dire que « le changement dans l’histoire des Nations unies » ne saurait se réduire à une chronologie des

réformes – innombrables et inégalement abouties – de l’Organisation. Dès lors, notre approche sera à la fois moins

historique et plus compréhensive. Nous appréhenderons le changement comme le produit d’un certain nombre de

dynamiques concurrentielles dues à l’augmentation, à l’hétérogénéité et à la compétition des acteurs impliqués dans

les activités onusiennes. L’émergence de nouveaux dispositifs et de nouvelles pratiques ne doit pas se lire comme

un enchaînement linéaire de causes et d’effets, mais plutôt comme l’expression de nouvelles formes relationnelles

entre les acteurs à un niveau d’intégration spécifique. En ce sens, l’ONU a changé. Plus globale, plus inclusive, elle

est devenue pleinement mondiale et multifonctionnelle. Cette nouvelle figure de l’Organisation traduit un processus

de resserrement des interdépendances internationales. Elle révèle aussi ses tensions et ses contradictions qui

constituent le ressort principal de son évolution.

Les Dynamiques Concurrentielles Du Changement

4 Depuis sa création, l’ONU connaît des changements liés à l’augmentation et à la diversification de ses acteurs et

d’autres relatifs aux dynamiques collaboratives et/ou compétitives de ses instances. On retrouve ici deux éléments

susceptibles d’influencer le cours du changement social selon Émile Durkheim : le volume et la densité de

l’ensemble considéré [4].

La pression du nombre

5 L’accroissement spectaculaire et inédit du nombre des États membres de l’ONU, qui a quasiment quadruplé en

soixante ans [5], a modifié en profondeur les conditions de fonctionnement et les domaines d’activité de

l’Organisation. L’admission rapide des anciens pays colonisés ayant obtenu leur indépendance au cours des

années 1960 et 1970 a constitué un acte fort de reconnaissance et de légitimation internationales. Elle a moins

35

déplacé le centre de gravité décisionnel de l’Organisation qu’elle n’a défini de nouvelles priorités d’action,

notamment en faveur du développement.

6 Certes, malgré la guerre froide et l’usage – réel ou présumé – du veto par ses membres permanents (« P5 »), le

Conseil de sécurité est demeuré sous une forme quasi inchangée [6] l’organe de décision central, mais il a été

fortement concurrencé dans les années 1970 et 1980 par l’activisme de l’Assemblée générale et du Conseil

économique et social (ECOSOC), dans lesquels les pays du Sud étaient désormais majoritaires  [7]. Le Conseil

ayant acquis des capacités d’initiative sans précédent à l’issue de la guerre froide, les candidatures aux sièges de

membre non permanent ont attisé des convoitises nouvelles cependant que le club fermé des « P5 » essuyait des

reproches sur son fonctionnement oligarchique et le caractère dépassé de sa représentativité.

7 Parallèlement, les sociétés des États membres ont accru « la pression du nombre » en s’invitant sur la scène

onusienne par le biais d’ONG aux formes multiples [8]. En favorisant une certaine autonomisation de la

bureaucratie onusienne vis-à-vis des États membres et en agitant la question de la représentativité de l’Organisation

au-delà des seuls paramètres interétatiques, celles-ci ont, elles aussi, contribué à modifier les équilibres internes, au

nom de l’aspiration à représenter les peuples – « Nous, peuples des Nations unies (...) » – présente dans le

Préambule de la Charte [9].

8 En 1946, 41 ONG ont obtenu un statut consultatif auprès de l’ECOSOC (article 71 de la Charte) ; en 1992, elles

étaient environ 700 ; aujourd’hui, en 2011, elles sont près de 3 400 [10]. Nombre d’entre elles sont consultées par

les différentes instances onusiennes et accréditées lors des grandes conférences thématiques organisées par

l’Organisation. Depuis les années 1990, certaines sont même occasionnellement invitées à échanger de façon

informelle avec les membres du Conseil de sécurité leurs points de vue et/ou leurs expériences de terrain dans leurs

domaines d’expertise [11].

9 De plus en plus, les ONG veillent et surveillent. Elles participent souvent aux négociations puis au suivi du

respect des conventions multilatérales adoptées sous l’égide onusienne, non seulement dans les domaines des droits

humains, de l’action humanitaire ou de la défense de l’environnement, mais aussi dans des secteurs

traditionnellement moins ouverts aux acteurs non étatiques, tel celui de l’armement. Handicap International, par

exemple, a joué un rôle majeur dans l’adoption de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel en

1997 et de la Convention sur les armes à sous-munitions en 2008. Les ONG jouent également un rôle opérationnel

décisif dans les secteurs de l’humanitaire, du développement, des droits humains et de la protection de

l’environnement, dans lesquels elles agissent en tant que relais, partenaires et/ ou intermédiaires entre les

institutions onusiennes et les populations locales. Un fait massif s’est imposé : compte tenu de l’association plus ou

moins conflictuelle des ONG au travail onusien, il est désormais impossible de comprendre le fonctionnement et

les objectifs de l’ONU si l’on ne prend pas en considération la contribution de ses partenaires non étatiques. Le

constat vaut aussi pour les entreprises.

10 Alors qu’il s’était fortement impliqué dans les processus de coopération politique multilatérale dès la fin du

XIXe siècle et durant l’entre-deux-guerres, le secteur privé marchand n’a développé ses relations avec les

institutions onusiennes qu’à partir du début des années 1970 [12]. Jusque-là, l’ONU – comme d’ailleurs les

institutions de Bretton Woods – avait plus prôné la planification économique que le laissez-faire libre-

36

échangiste [13]. Les premières expériences de collaboration se sont déroulées sous le sceau de la confrontation : les

pays du Sud condamnaient le déséquilibre des échanges et défendaient le projet d’un Nouvel Ordre économique

international. Majoritaires à l’Assemblée générale, ils ont multiplié les créations institutionnelles pour contourner

les grandes organisations économiques et commerciales dominées par les pays riches (GATT, FMI, Banque

mondiale). La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) créée en 1964 a

soulevé beaucoup d’espoirs, mais ses réalisations ont été assez vite neutralisées [14], dans la mesure notamment où

elles n’ont pas réussi à imposer un code de conduite aux firmes transnationales.

11 À la fin des années 1970, l’essoufflement des revendications tiers-mondistes, les divisions du Mouvement des

Non-Alignés ainsi que l’offensive néolibérale conduite par les États-Unis du Président Reagan et la réduction des

ressources budgétaires de l’ONU qu’elle impliquait ont créé un climat nouveau que les entreprises ont jugé plus

favorable à leurs intérêts. Certaines d’entre elles, d’envergure internationale, se sont activement impliquées dans les

négociations environnementales, en particulier dans celles qui ont abouti à l’adoption en 1987 du Protocole de

Montréal relatif aux substances responsables de la réduction de la couche d’ozone. Leur participation a été en

revanche plus réservée à la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement (1992). Elles se sont

néanmoins dotées d’un Conseil mondial des affaires pour le développement durable (World Business Council for

Sustainable Development, WBCSD) afin d’exercer un lobbying efficace lors des futures négociations

environnementales. Avec la notion nouvelle de « développement humain », centrée sur les besoins de l’individu, le

Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), quant à lui, a promu une approche multi-acteurs du

développement incluant ONG et secteur privé.

12 La collaboration entre les Nations unies et le secteur privé s’est intensifiée durant les deux mandats de Kofi

Annan. Dès sa prise de fonctions, le nouveau Secrétaire général a noué des contacts avec des mécènes privés  [15],

dans le but de diversifier les sources de revenus de l’Organisation dans un contexte de restriction budgétaire

drastique. Les institutions onusiennes ont d’ailleurs mis en place un nombre croissant de partenariats publics-privés

visant à remédier à cette pénurie de ressources, au grand dam de nombreuses ONG et de certains pays du Sud qui

ont vu d’un œil méfiant cette collusion accrue entre secteur privé et organisations intergouvernementales. Au

Forum économique de Davos en 1999, Kofi Annan a en outre lancé un Pacte mondial (Global Compact) ayant

vocation à inciter les entreprises à s’engager à respecter les normes fondamentales de l’ONU en matière de travail,

d’environnement, de droits humains et de non-corruption [16].

13 Dans l’ensemble, les entreprises ont été bien plus sollicitées pour leurs capacités financières qu’elles n’ont été

contraintes par l’Organisation et ses institutions spécialisées. Leur pouvoir d’influence demeure variable et

différencié dans les négociations internationales [17], mais il apparaît plus manifeste dans l’exécution de

programmes sectoriels (santé, sécurité alimentaire) pour lesquels le financement est décisif  [18]. En se rapprochant

des entreprises et en devenant plus dépendante d’elles pour la réalisation de nombreuses missions, l’ONU a élargi

encore un peu plus le cercle de ses partenaires et étendu le multilatéralisme jusqu’au marché.

14 Depuis 1945, le monde de l’ONU s’est donc considérablement densifié, et l’on ne mentionne pas ici bien

d’autres interlocuteurs (experts, centres de recherche, think tanks, personnalités diverses, populations locales, etc.).

Si l’auteur collectif n’est qu’une fiction, de même que la « communauté internationale », la division du travail s’est

approfondie, les chaînes de coopération se sont allongées, et les frontières de l’étatique et du non-étatique se sont

37

brouillées : autant de changements qui résultent de la transformation de la morphologie sociale des Nations unies.

La compétition des administrations

15 Du point de vue de son organisation interne, l’ONU évolue également dans le sens d’une extension des missions

confiées à ses structures administratives par les États membres et d’une multiplication consécutive de ces instances.

Ces transformations n’échappent pas aux effets de cloisonnement, de duplication et de rivalité aux différents

niveaux hiérarchiques de l’Organisation. Comme par un effet mécanique, le pouvoir administratif s’étend et se

fragmente tandis que les États tentent avec des succès divers de conserver le contrôle de l’extension des

compétences : très attentifs à ne pas se laisser déborder par le Secrétaire général et à maîtriser la haute fonction

publique onusienne, ils sont toutefois beaucoup moins sensibles à l’empilement des structures institutionnelles.

16 Le Secrétaire général des Nations unies dispose d’une certaine latitude d’action (prévue notamment à

l’article 99 de la Charte). Sa capacité d’entraînement des États et de l’administration onusienne ainsi que les

résultats obtenus dépendent non seulement de ses qualités personnelles de leader, de négociateur et de médiateur,

mais aussi d’un contexte politique international diversement contraignant selon les périodes  [19]. Cependant, les

différentes tentatives volontaristes de Trygve Lie (1946-1953), Dag Hammarskjöld (1953-1961), Boutros Boutros-

Ghali (1992-1996) et Kofi Annan (1997-2006) d’incarner la fonction politique du Secrétaire général et d’en étendre

les prérogatives (diplomatie préventive, rétablissement de la paix, efficacité et indépendance accrues du Secrétariat,

etc.) se sont toutes heurtées à l’hostilité d’une ou de plusieurs grandes puissances. En fait, les critères implicites qui

président au choix d’un nouveau Secrétaire général n’ont guère changé depuis la création des Nations unies : le

candidat doit faire preuve d’une certaine retenue et afficher pour seule ambition d’être « le plus haut fonctionnaire

de l’administration » (article 97) ; en somme, il doit s’apparenter plus à un secrétaire qu’à un général.

17 Quant aux principes fondamentaux d’impartialité, de neutralité et d’indépendance des fonctionnaires

internationaux qui datent de la création de la SDN, ils ont été contestés, bafoués et/ou contournés par la plupart des

États tout au long de l’histoire de la coopération multilatérale. Cette politisation de la fonction publique

internationale fragilise fortement la crédibilité et l’efficacité des administrations multilatérales, mine l’existence de

standards communs de recrutement et de promotion du personnel et contribue à l’émergence de fiefs

majoritairement dominés par de hauts fonctionnaires occidentaux – notamment étatsuniens – au sein des différentes

instances onusiennes. Au cours des années 1990, l’essor de la pratique du détachement temporaire (secondment) de

fonctionnaires nationaux auprès de l’ONU, en particulier du Département des opérations de maintien de la paix

(DOMP), brusquement soumis à des besoins humains importants, a suscité la réprobation des pays en

développement qui ont dénoncé l’omniprésence de fonctionnaires provenant de pays industrialisés et continuant

d’être rémunérés par leurs administrations nationales. Soumises à des politiques de ressources humaines en

restructuration permanente, les administrations onusiennes sont confrontées à une démotivation d’une partie de leur

personnel de plus en plus grande car aggravée par la tendance récente à la multiplication de contrats de courte

durée (inférieure à un ou deux ans) souvent financés sur des fonds extrabudgétaires et par l’adoption de pratiques

managériales (gestion axée sur les résultats, etc.) qui désorientent certains services et renforcent la mise en

concurrence des institutions [20].

18 La croissance des domaines de coopération multilatérale a en effet stimulé la création de nombreuses structures

38

spécialisées au sein de l’ONU. Celles-ci fonctionnent souvent de façon cloisonnée, ce qui multiplie les

chevauchements de compétences et la dispersion de moyens financiers déjà fortement contraints. Les incohérences

de positionnement existant entre certaines institutions onusiennes s’expliquent en partie par l’indépendance

d’agences et de programmes dont les responsables n’ont de comptes à rendre qu’auprès du conseil d’administration

qui les a élus [21]. Toutefois, ces incohérences peuvent être encouragées dans la mesure où elles découlent de choix

stratégiques d’États qui ont leurs propres objectifs et entretiennent à dessein ces doublons institutionnels, par

exemple entre l’ECOSOC et les deuxième et troisième commissions de l’Assemblée générale, ou entre l’ECOSOC

et la CNUCED. Ces dysfonctionnements particulièrement sensibles dans les domaines du développement

économique et social (alimentation, santé, environnement) ont fait l’objet de nombreuses critiques internes et

externes (rapports du Comité du programme et de la coordination, du Corps commun d’inspection, du Comité

consultatif sur les questions administratives et budgétaires, de la Commission de la fonction publique

internationale) [22], mais les tentatives – tout aussi nombreuses – d’y remédier ont créé de nouveaux mécanismes

de coordination se rajoutant aux structures existantes au lieu de rationaliser lesdites structures  [23].

19 Le cas de la gestion par l’ONU des questions environnementales depuis les années 1970 illustre de façon

exemplaire ces dynamiques concurrentielles. Les Nations unies sont dépourvues d’autorité centrale en matière de

gouvernance environnementale à l’échelle mondiale, le Programme des Nations unies pour l’environnement

(PNUE) ayant échoué dans l’exercice de la coordination des initiatives relatives à l’environnement au sein du

système onusien [24]. Les politiques environnementales adoptées y sont ainsi sectorielles, spécialisées et

cloisonnées, les acteurs institutionnels en présence poursuivant des objectifs divergents [25]. Les compétences

relatives aux « questions environnementales » se répartissent schématiquement selon deux logiques jugées souvent

déconnectées et contradictoires par les responsables des organisations concernées : une logique de protection

prioritaire de l’environnement (PNUE et nombreux accords multilatéraux sur l’environnement-AME) et une

logique de lutte contre la pauvreté comme préalable indispensable à la nécessaire promotion du développement

durable (organismes en charge du développement). De plus, les AME sont parfois antinomiques  [26] : ainsi, le

Protocole de Montréal relatif aux substances qui réduisent la couche d’ozone (1987) et le Protocole de Kyoto, dans

le cadre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (1998), prévoient des mesures

contradictoires sur la régulation de l’utilisation de certains gaz à effet de serre [27].

20 Compétition, chevauchement, empilement des instances, opacité des procédures, lourdeur des processus

décisionnels, tous ces dysfonctionnements font les délices des observateurs. On remarque à peine que la croissance

bureaucratique de l’Organisation mondiale témoigne aussi d’une spécialisation de plus en plus poussée qui est

l’indice d’un processus plus vaste d’intégration internationale. Mais surtout, si la fonctionnalité de l’ONU est sans

cesse mise en question, on ne s’interroge guère sur le caractère fonctionnel de ces dysfonctionnements pour les

intéressés (États, fonctionnaires, ONG) [28]. Or les fonctions d’une organisation ne peuvent se comprendre sans

étudier les usages qui en sont faits. Créer de nouvelles agences (ONU Femmes par exemple, en 2010) répond certes

à des besoins bureaucratiques (rationaliser, équilibrer des services, redistribuer des compétences), mais constitue

aussi des réponses politiques attendues par certains acteurs du monde onusien à commencer par les États

membres [29]. Il y a dans la complexité accrue des structures onusiennes un changement qui traduit une logique

politique : celle d’intérêts qui servent et se servent de l’Organisation et en renforcent ainsi l’importance.

39

Les Contradictions D’une Configuration Mondialisée

21 En raison de son caractère universel et de sa vocation politique, l’ONU est confrontée à un double paradoxe.

D’une part, le principe politico-juridique de souveraineté – concrétisé par l’incontournable obligation de non-

ingérence dans les affaires intérieures des États – est constamment contredit par de nouveaux défis transnationaux

qui exigent des approches plus ou moins intrusives. D’autre part, l’Organisation, relayée par un grand nombre

d’organisations extérieures, finit par être fragilisée par une certaine dispersion des soutiens.

L’extension des compétences

22 Malgré l’insuffisance des moyens mis à leur disposition, l’ONU et ses institutions spécialisées couvrent un

champ d’activités de plus en plus vaste, dans les domaines les plus divers (conflits, développement, environnement,

santé, etc.). Ni ces défis ni les tentatives d’y répondre par des actions politiques concertées au niveau international

ne sont nouveaux ; en revanche, la prise de conscience de leur interdépendance et la nécessité d’y faire face en

incluant les multiples acteurs étatiques et non étatiques concernés sont beaucoup plus récentes.

23 L’évolution de la gestion des opérations de paix onusiennes depuis 1945 est symptomatique des difficultés

d’adaptation de l’ONU aux transformations de la conflictualité internationale, de son ingéniosité institutionnelle,

des attentes accrues suscitées par l’Organisation, mais aussi des déceptions provoquées en retour  [30].

24 Le déclenchement de la guerre froide dès les débuts de l’existence de l’ONU a durablement perturbé, et en

profondeur, l’application des dispositifs prévus « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte

d’agression » (chapitre VII de la Charte) en raison de l’usage – réel ou présumé – du veto par l’un des cinq

membres permanents du Conseil de sécurité. Si l’ONU a eu abondamment recours aux mécanismes plus anciens de

règlement pacifique des différends (chapitre VI), elle a surtout conçu et mis en œuvre, sous l’impulsion de ses

différents Secrétaires généraux (en particulier de Dag Hammarskjöld) et de l’ancien Premier ministre canadien

Lester Pearson (1963-1968), des opérations de maintien de la paix dites de « première génération » (peacekeeping),

consistant à s’interposer entre les belligérants avec leur consentement afin d’observer et de garantir le respect du

cessez-le-feu en attendant l’aboutissement des négociations de paix.

25 La fin de l’affrontement bipolaire s’est traduite, outre par un nouvel activisme, déjà mentionné, du Conseil de

sécurité, par une transformation majeure des mandats et de la pratique des opérations de paix, transformation

menée non sans tâtonnements et échecs retentissants (Somalie, Rwanda, Srebrenica). Le Secrétaire général et le

Département des opérations de maintien de la paix ont joué un rôle de premier plan dans cette évolution. En 1992,

Boutros Boutros-Ghali a présenté un Agenda pour la paix, complété et actualisé en 1995 par un Supplément à

l’Agenda pour la paix, dans lequel il s’efforçait de proposer des pistes de réflexion et d’action sur la recomposition

des opérations de paix dans le nouveau contexte géopolitique. Des opérations dites de « deuxième génération » ont

été ensuite conçues sur un mode beaucoup plus ambitieux, afin de répondre à l’essor des conflits infra-étatiques au

sein d’États affaiblis. Si elles reposent toujours sur le consentement des parties, ces opérations comprennent

désormais des initiatives multiples, intégrées et intrusives, afin de rétablir la paix (peacemaking), voire de

40

(re)construire les fondations d’une paix durable (peacebuilding) : démobilisation des combattants et rapatriement

des réfugiés, reconstruction économique, (ré) installation du système judiciaire, surveillance des processus

électoraux, réforme de l’armée et de la police, et soutien à la société civile, entre autres, ont ainsi donné naissance à

la notion de « consolidation de la paix ».

26 Des opérations dites de « troisième génération » ont été également mises en place, qui prévoient l’intervention

des Casques bleus avec ou sans le consentement des belligérants afin d’imposer militairement la paix (peace

enforcement), en particulier dans les zones déchirées par des guerres civiles et où l’assistance humanitaire doit être

sécurisée (par exemple en établissant des corridors humanitaires). Ces opérations correspondent, du point de vue

doctrinal, à l’application effective des mesures coercitives prévues par le chapitre VII et s’apparentent

politiquement à des interventions militaires multinationales classiques dans des zones de conflits mobilisant soit

l’ensemble de la communauté internationale ou du moins les grandes puissances, soit des puissances voisines

soucieuses de circonscrire d’éventuelles menaces à la sécurité régionale. Elles sont d’ailleurs de plus en plus

souvent conduites par une organisation régionale [31] ou une coalition d’États volontaires (coalition of the willings)

auxquelles l’ONU délègue un mandat (en vertu du chapitre VIII pour les organisations régionales) et avec

lesquelles elle entretient des relations généralement ambiguës, alternant entre complémentarité et concurrence,

comme en témoignent les rapports sur les opérations de paix commandés par le Secrétariat général au cours des

années 2000 [32].

27 Alors que les questions ayant trait à la paix et à la sécurité internationales, objectif principal de l’Organisation

lors de sa création, avaient été bloquées en raison des tensions bipolaires, le développement s’affirme comme la

priorité des activités des différentes instances onusiennes, porté par les revendications des États récemment

décolonisés et admis à l’ONU à partir des années 1960 où ils constituent progressivement une majorité

décisionnelle (Conseil de sécurité excepté). L’essor remarquable des thématiques liées au développement se réalise

toutefois sur un mode décentralisé et éclaté, tant sur le plan institutionnel qu’en ce qui concerne la segmentation

des registres de mobilisations et d’actions ou les objectifs défendus, comme l’illustrent les nombreux changements

paradigmatiques dans ce domaine [33]. Dès l’adoption de sa Charte, l’ONU a reconnu la nécessité d’un

développement universel reposant sur le relèvement des niveaux de vie des peuples et sur la promotion du plein

emploi et du progrès social (art. 55). Les projets mis en œuvre durant les premières années de l’Organisation

relevaient pourtant d’une approche exclusivement (macro) économique et mainstream du développement, donc en

retrait par rapport aux objectifs initiaux. Le développement y était assimilé à la promotion et à l’accélération de la

croissance économique, non seulement dans les pays européens en reconstruction après la seconde guerre

mondiale – priorité des institutions de Bretton Woods – mais aussi dans les pays dits « sous-développés » à

l’intention desquels ont été mis en place des programmes d’assistance technique [34] destinés à moderniser des

territoires alors inclus dans les empires coloniaux.

28 Dans le contexte des rivalités Est-Ouest, les pays ayant accédé à l’indépendance et devenus « en voie de

développement » ont été activement courtisés tout au long des années 1960 et 1970 par les États les plus riches.

Ceux-ci ont dû concéder la création d’instances plus spécifiquement consacrées aux préoccupations des pays du

Sud [35] : le Programme alimentaire mondial (PAM) en 1962, la CNUCED en 1964, l’Institut des Nations unies

pour la formation et la recherche (UNITAR) en 1965, le PNUD [36] et l’Organisation des Nations unies pour le

41

développement industriel (ONUDI) en 1966, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) en 1969, le

Fonds international de développement agricole (FIDA) en 1977, l’ONU-Habitat en 1978, etc.. Les projets mis en

place, souvent sans grande coordination institutionnelle, insistaient sur la nécessité de changements structurels et

sectoriels dans les domaines de l’éducation, de l’agriculture et du développement rural, du développement

industriel et de la stabilisation du prix des matières premières.

29 Les tensions entre pays industrialisés (à économie de marché ou à économie planifiée) et pays en

développement se sont accentuées à la fin des années 1960 et au cours des années 1970. Au nom de l’élaboration

d’un Nouvel Ordre économique international (NOEI), les pays du Sud, regroupés au sein du G 77, revendiquaient

désormais l’équité dans le développement, via la satisfaction des besoins essentiels, l’accès au plein emploi et la

redistribution internationale des richesses. S’ils se sont surtout exprimés à l’Assemblée générale, à la CNUCED et à

la Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC [37]), l’ONU dans

son ensemble a reconnu cette volonté de considérer les conditions de vie et le bien-être humain à travers la mise en

place de multiples programmes consacrés à la population, l’alimentation, la santé, l’éducation ou la culture, et

insistant sur le rôle central des services publics sociaux, à rebours des tendances alors en vogue au sein des

institutions de Bretton Woods.

30 Les instances onusiennes se sont également illustrées par la prise en compte croissante du genre  [38], avec

l’adoption en 1979 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

(dite Convention CEDAW pour Committee on the Elimination of Discrimination against Women), et par les

premières mobilisations d’ampleur en faveur de l’environnement, en intégrant ce thème à la question plus générale

du développement. Au lieu d’être considéré comme la cause des dégradations environnementales, le

développement était alors envisagé comme la solution à des défis globaux et intrinsèquement liés à la pauvreté

(santé, eau potable, habitat, catastrophes naturelles, appauvrissement des sols, déforestation, désertification…).

31 Si elle a plongé les pays industrialisés dans la récession, la crise économique de la fin des années 1970 a

également touché durement les pays en développement en accroissant massivement leur endettement tout au long

des années 1980, qualifiées de « décennie perdue » du développement. L’ONU a été marginalisée par la suprématie

néolibérale des institutions financières internationales qui conditionnaient désormais l’octroi de l’aide au respect

par les pays bénéficiaires de plans d’ajustement structurel drastiques. Certaines institutions onusiennes se sont

risquées, en vain, à émettre quelques critiques à l’encontre de ces mesures et de leurs répercussions, notamment

dans le secteur de la santé et de l’éducation. Quant à l’Assemblée générale, elle a poursuivi, dans l’indifférence, sa

promotion d’un « droit au développement » englobant les questions « d’emploi, de réduction de la pauvreté, de

distribution équitable des bénéfices de la croissance, d’égalité homme-femme, de participation politique, de justice

sociale et de soutenabilité environnementale » [39].

32 Ce n’est qu’à l’occasion des transformations radicales du contexte international de la fin des années 1980 que

l’ONU est redevenue audible en matière de développement. Les institutions de Bretton Woods, et principalement la

Banque mondiale, se sont progressivement détournées des orientations néolibérales prônées jusque-là et ont repris

en partie à leur compte la lutte contre la pauvreté initiée lors du Sommet social organisé par les Nations unies à

Copenhague en 1995. Quant aux institutions onusiennes, le PNUD en particulier, elles ont défendu une approche

plus coordonnée et intégrée du développement, notamment à travers la notion de « développement humain »,

42

déclinée à partir de 1990 sous la forme de rapports annuels et d’indices synthétiques [40]. Parallèlement, les

différentes composantes du développement ont fait l’objet de grandes conférences mondiales (droits humains,

femmes, habitat, changement climatique, biodiversité) [41]. Ces avancées ont abouti en 2000 à l’adoption d’une

Déclaration du Millénaire pour le développement lors d’un sommet interétatique qui réunissait l’ensemble des États

membres des Nations unies et 147 chefs d’État et de gouvernement. Cette déclaration a été suivie de la formulation

de huit Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), concrets et chiffrés mais dont la mise en œuvre

demeure aujourd’hui encore largement inachevée : réduire l’extrême pauvreté et la faim ; assurer l’éducation

primaire pour tous ; promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; réduire la mortalité infantile ;

améliorer la santé maternelle ; combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies ; préserver

l’environnement ; mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

33 L’extension des compétences onusiennes en matière de sécurité internationale et de développement, qui se

manifeste à la fois – et non sans difficultés – par son essor institutionnel et par l’adoption de notions et de

programmes de plus en plus englobants, suscite d’ailleurs des interactions croissantes entre ces deux domaines

d’action fondateurs de l’Organisation. À la notion de « développement humain », portée par le PNUD, s’est ainsi

ajoutée à la fin des années 1990 celle de « sécurité humaine », également centrée sur l’individu plutôt que sur

l’État [42]. Bien que controversé, le principe de « responsabilité de protéger », promu depuis le début des

années 2000 par la Commission internationale sur l’intervention et la souveraineté des États [43], repris par le

Groupe de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement [44] et très parcimonieusement évoqué par le

Conseil de sécurité, exprime lui aussi ce dépassement du strict cadre de la défense de la paix et de la sécurité

militaire des États pour inclure la promotion de la paix positive et la sécurité des individus.

34 L’extension et la diversification des compétences onusiennes, dont nous ne donnons ici qu’un bref aperçu  [45],

attestent l’ampleur de changements organisationnels et programmatiques conduits en l’absence de toute révision

fondamentale de la Charte et de ses organes fondamentaux. Rien n’a été véritablement planifié. Les changements se

sont imposés au gré des demandes des États (les plus puissants et/ou les plus nombreux) sans que personne ne se

rende compte que l’Organisation devenait ainsi de plus en plus légitime (puisque tous s’y référaient), et de plus en

plus inefficace (puisque chacun avait toujours de bonnes raisons de ne pas s’y soumettre).

La dispersion des soutiens

35 L’élargissement des activités onusiennes et l’interdépendance accrue des enjeux s’accompagnent

paradoxalement d’une dispersion des soutiens étatiques, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Organisation. Plus

l’ONU est inclusive, moins certains acteurs – en l’occurrence les plus puissants – semblent vouloir s’y investir. Ils

lui préfèrent alors d’autres enceintes plus exclusives et efficaces et adoptent des stratégies d’engagement

différencié selon les instances et les procédures décisionnelles qui fragilisent le système onusien en compromettant

sa cohérence.

36 L’universalisation du multilatéralisme comme principe et comme méthode de négociation internationale a

redonné une certaine vigueur à l’ancienne pratique de la « diplomatie de club » et à sa déclinaison « minilatérale »

au sein des organisations internationales telles l’ONU ou l’OMC ou parallèlement à celles-ci  [46]. Au-delà du jeu

concurrentiel entre doublons institutionnels précédemment évoqué, les États s’adonnent au « forum shopping »,

43

choisissent de s’impliquer conjoncturellement dans certaines enceintes ou négociations plutôt que dans d’autres,

constituent des alliances et des coalitions ad hoc en fonction d’intérêts stratégiques souvent très éloignés des enjeux

posés. La multiplication d’institutions régionales impose de surcroît à ces enchevêtrements fluides et complexes

des niveaux supplémentaires de concertation et de prise de décision [47].

37 Cette volatilité croissante de l’engagement multilatéral déstabilise d’autant plus en profondeur une organisation

comme l’ONU habituée à travailler sur des projets inscrits dans la durée qu’elle est couplée à une mobilité et à une

précarisation croissantes du personnel ainsi qu’à des budgets de plus en plus soumis aux desiderata des principaux

contributeurs financiers.

38 L’évolution de la situation financière des Nations unies illustre en effet crûment le rapport opportuniste

qu’entretiennent les États membres avec l’Organisation et ses différentes composantes. Depuis le début des années

1990, les institutions onusiennes connaissent une crise financière importante, les États n’ayant cessé d’étendre leurs

mandats et leurs compétences mais rechignant à augmenter leurs ressources financières en conséquence. En vertu

de leurs statuts, les Nations unies sont financées par les contributions obligatoires des États membres –destinées au

budget ordinaire de l’Organisation, à celui des opérations de paix et à celui des agences spécialisées  [48] – ainsi que

par des contributions volontaires initialement réservées aux fonds et aux programmes spéciaux [49].

39 Dans la pratique, les agences spécialisées ont été rapidement et principalement financées par des contributions

volontaires (qualifiées d’extra-budgétaires) en raison de la faible croissance des contributions obligatoires  [50].

L’ONU est ainsi majoritairement financée par des contributions volontaires et l’écart entre ces deux types de

financement s’est accru depuis le début des années 2000 en raison de la forte croissance du budget des fonds et

programmes spéciaux, en particulier ceux du PNUD, du PAM, de l’UNICEF et du HCR [51].

40 Ces contributions volontaires permettent davantage de souplesse dans la mise en place et le pilotage des projets,

mais la vulnérabilité et le manque de prévisibilité de ces financements ont pour conséquence d’accroître le poids

décisionnel des principaux contributeurs financiers au sein d’institutions onusiennes responsables du

développement et de l’assistance humanitaire. Sous couvert de mise en place de « programmes de partenariats

stratégiques », ces financements de plus en plus thématiques (earmarked contributions) transfèrent ainsi le poids

décisionnel de l’ONU vers les États « mécènes ».

41 La plupart des innovations institutionnelles et opérationnelles sont désormais majoritairement financées par des

contributions volontaires, y compris au sein du Secrétariat général. En 2009, le Bureau des Nations unies pour la

coordination des affaires humanitaires (OCHA), mis en place en 1991, a été financé à 94 % par des contributions

volontaires, près de 60 % d’entre elles étant assignées (earmarked). Quant au Fonds des Nations unies pour la

démocratie (UNDEF), fonds de placement créé en 2005 sous l’autorité du Secrétaire général afin d’encourager les

processus de démocratisation en soutenant des projets initiés par des organisations locales, il est entièrement

financé par des contributions volontaires.

42 Celles-ci sont en outre de plus en plus financées par divers acteurs non étatiques. Ainsi les contributions

volontaires du budget biennal de l’OMS en 2008-2009 – qui représentent près de 65 % du budget de

l’Organisation – ont-elles été financées pour 55 % par les États, les 45 % restants provenant de fondations privées

(Fondation Bill et Melinda Gates, Rotary International, entre autres), d’institutions internationales (Commission

44

européenne, Banque mondiale, PNUD…), de laboratoires pharmaceutiques, de centres de recherche,

d’universités [52].

43 Les instances onusiennes déplorent ce saupoudrage et cette orientation forcée des financements. Le Conseil

d’administration du PAM soulignait en 2000 l’ampleur des conditions imposées par les donateurs, qui exigeaient

que leur contribution soit affectée à une région, un pays, une province spécifique, voire à des bénéficiaires locaux

choisis par eux, et qu’elle serve à l’achat de produits déterminés ou soit distribuée par leurs propres partenaires

exécutifs, compromettant ainsi la neutralité de l’assistance fournie par le PAM et sa capacité à négocier des tarifs

avantageux d’achats de produits alimentaires [53]. Le Corps commun d’inspection du système des Nations unies,

quant à lui, stigmatise les pratiques des contributeurs volontaires du PNUD, qui choisissent délibérément de

financer le programme d’encouragement à la gouvernance démocratique au détriment des programmes consacrés

aux OMD et à la réduction de la pauvreté humaine. Et les contributeurs volontaires de l’OIT se voient reprocher de

privilégier les programmes de lutte contre le travail infantile plutôt que ceux destinés à la protection sociale et au

dialogue social. Est également critiquée la priorité accordée par l’OMS aux programmes de veille sanitaire et de

vaccination – préoccupation majeure des pays industrialisés face à la résurgence de pandémies bovines et aviaires –

au détriment de la santé des femmes et du suivi des grossesses, qui concernent surtout les « pays les moins

avancés » [54].

44 L’ensemble de ces controverses relatives à la définition des priorités collectives est un défi posé à

l’Organisation. Exprime-t-il une forme de déclassement des Nations unies dans l’action publique internationale ou

constitue-t-il le signe d’une recomposition plus globale du multilatéralisme ?

45 Relire l’histoire des Nations unies en s’interrogeant sur les changements initiés ou subis par l’Organisation

conduit à distinguer différents degrés et formes de changement et à s’interroger sur l’existence d’un changement

global.

46 Les changements vécus par l’ONU sont nombreux, complexes et multiformes, à l’instar de l’approfondissement

erratique de la coopération internationale. Ils concernent les diverses fonctions inhérentes aux organisations

internationales : partage d’informations, de connaissances, et conception d’indicateurs communs [55], adoption

d’agenda d’actions et mise en œuvre de mesures concrètes (action humanitaire, interventions armées), changement

de paradigmes et diffusion de nouvelles normes, socialisation de participants toujours plus nombreux et variés lors

des négociations multilatérales. Ces changements multiples se révèlent toutefois plus progressifs et itératifs que

véritablement révolutionnaires ou de nature à bouleverser les rapports de force internationaux. Si elle constitue un

cadre d’action politique à l’efficacité variable, l’ONU fonctionne surtout comme un forum d’échanges et de débats

qui alimente inévitablement de nombreux discours à vocation performative sur le changement  [56]. On imagine

difficilement qu’il puisse en aller autrement compte tenu des multiples intérêts qui s’investissent dans ce qui fait le

caractère universel, décentralisé et multifonctionnel de l’institution.

47 Les changements partiels, réalisés ou attendus, n’empêchent pourtant pas de dessiner les contours d’un

changement plus global : celui d’un lent processus d’intégration internationale. De manière incertaine et non

planifiée, l’ONU a accompagné et répercuté le resserrement des liens entre les États et entre les sociétés. Elle n’a

plus grand-chose à voir avec ce qu’elle était en 1945, et le « Nous, Peuples des Nations unies » a pris une tout autre

45

ampleur. Si nous avons parfois tendance, bien que de manière encore lointaine et fragile, à nous identifier à ce

« Nous » à l’échelle de l’humanité, c’est en grande partie grâce à l’ONU : cela n’est pas le moindre des

changements. ?

Notes:

[1] Pour des perspectives historiques sur les organisations internationales, voir notamment Akira Iriye, Global Community : The Role ofInternational Organizations in the Making of the Contemporary World, Berkeley, University of California Press, 2002 ; Madeleine Herren,Internationale Organisationen seit 1865. Eine Globalgeschichte der Internationalen Ordnung, Darmstadt, WissenschaftlicheBuchgesellschaft, 2009 ; Bob Reinalda, Routledge History of International Organizations : From 1815 to the Present Day, Londres,Routledge, 2009 ; Michael G. Schechter, Historical Dictionary of International Organizations, Lanham, Scarecrow Press, 2009 (2e édition).Sur l’ONU, voir en particulier Pierre Gerbet, Victor-Yves Ghébali, Marie-René Mouton, Le rêve d’un ordre mondial : de la SDN à l’ONU,Paris, Imprimerie nationale, 1996 ; ainsi que la publication en cours des travaux sur l’histoire intellectuelle de l’ONU (United NationsIntellectual History Project : http://www.unhistory.org).

[2] Ira William Zartman (ed.), International Multilateral Negotiation : Approaches to the Management of Complexity, San Francisco, Jossey-Bass, 1994, p. 129.

[3] Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ?, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1991, p. 97-99.

[4] Émile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique (1895), Paris, PUF, 1983 (21e édition), p. 112.

[5] Aux 51 États fondateurs de 1945 se sont ajoutés les États vaincus de la seconde guerre mondiale et initialement écartés de l’Organisation,puis les pays décolonisés. En 1960, les États membres étaient deux fois plus nombreux que lors de la création de l’Organisation ; à la fin desannées 1970, ils l’étaient trois fois plus. La plupart des nouveaux membres de l’ONU depuis les années 1990 sont les États issus del’effondrement de l’URSS et ceux de l’ex-Yougoslavie.

[6] La seule réforme institutionnelle du Conseil de sécurité a eu lieu en 1963, le nombre de membres non permanents passant de six à dix.

[7] Tous les membres de l’ONU sont représentés à l’Assemblée générale selon le principe « un État, une voix ». L’ECOSOC, quant à lui, aété élargi à deux reprises : en 1965 (18 à 27 membres) et en 1971 (54).

[8] Guillaume Devin, Marie-Claude Smouts, Les organisations internationales, Paris, Armand Colin, 2011, p. 134-141.

[9] Voir notamment Jutta Joachim, Birgit Locher (eds), Transnational Activism in the UN and the EU : A Comparative Study, Londres,Routledge, 2009 ; Peter Willetts, Non-Governmental Organizations in World Politics : The Construction of Global Governance, Londres,Routledge, 2010.

[10 La résolution 1996/31 de l’ECOSOC prévoit trois types de statut consultatif : le statut dit général est accordé aux grandes ONG dont ledomaine de travail couvre la majeure partie des conférences de l’ECOSOC (environ 5 % des ONG) ; le statut spécial est octroyé à des ONGcompétentes dans un domaine particulier d’activité du Conseil (environ 65 %) ; le statut dit « Liste », plus restreint, est accessible à des ONGplus spécialisées (environ 30 %).

[11] Ces réunions informelles sont dites au format « Arria » du nom de leur initiateur, le représentant permanent vénézuélien Diego Arria.

[12] Sauf pour l’élaboration conjointe par la FAO et l’OMS du Codex Alimentarius à partir de 1963, en collaboration avec l’ECOSOC, laCommission économique des Nations unies pour l’Europe et l’OCDE. L’industrie agro-alimentaire a activement participé à la rédaction de cetexte visant à harmoniser les normes de sécurité alimentaire au niveau international.

[13] Tagi Sagafi-Nejad, John H. Dunning, The UN and Transnational Corporations : From Code of Conduct to Global Compact,Bloomington, Indiana University Press (United Nations Intellectual History Project Series), 2008. Voir également Craig N. Murphy,International Organization and Industrial Change : Global Governance since 1850, Cambridge, Polity Press, 1994 ; Kelley Lee, DavidHumphreys, Michael C. Pugh, « “Privatisation” in the United Nations System : Patterns of Influence in Three IntergovernmentalOrganisations », Global Society, 11 (3), 1997, p. 339-357 ; John Toye, Richard Toye, The UN and Global Political Economy : Trade, Finance,and Development, Bloomington, Indiana University Press (United Nations Intellectual History Project Series), 2004 ; Jean-Philippe Thérien,Vincent Pouliot, « The Global Compact : Shifting the Politics of International Development ? », Global Governance, 12 (1), 2006, p. 55-75.

[14] J.-P. Thérien, Une voix pour le Sud : le discours de la CNUCED, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1990 ; G. Devin, M.-C.Smouts, Les organisations internationales, op. cit., p. 126-132.

[15] En 1998, l’entrepreneur de médias Ted Turner a créé la Fondation des Nations unies, qu’il a dotée d’un milliard de dollars destiné àfinancer l’action de l’Organisation. En 2000, c’était au tour du dirigeant de Microsoft de créer la Fondation Bill et Melinda Gates, qui adepuis investi plusieurs milliards de dollars dans les programmes de l’OMS de lutte contre le sida.

[16] Les entreprises signataires du Pacte doivent publier chaque année un rapport sur leurs « bonnes pratiques », celles-ci étant évaluées parun comité d’ONG encadré par l’ONU.

[17] Sur les négociations environnementales, voir notamment Amandine Orsini, Daniel Compagnon, « Lobbying industriel et accordsmultilatéraux d’environnement. Illustration par le changement climatique et la biosécurité », Revue française de science politique, 61 (2),2011, p. 231-248.

[18] Sur la santé, voir Auriane Guilbaud, Le paludisme. La lutte mondiale contre un parasite résistant, Paris, L’Harmattan, 2008.

[19] Leon Gordenker, The UN Secretary-General and Secretariat, Londres, Routledge, 2005.

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[20] Jean-Marc Coicaud, « La fonction publique internationale en question », Les carnets du CAP, n?5, printemps 2007, p. 43-73. Sur leDOMP, voir notamment Ronald Hatto, « L’innovation institutionnelle des Nations unies : l’exemple du Département des opérations demaintien de la paix », dans Jocelyn Coulon (dir.), Guide du maintien de la paix 2010, Montréal, Éditions Athéna, 2010, p. 59-74.

[21] À l’exception des commissions économiques régionales et de la CNUCED, qui dépendent du Secrétaire général.

[22]

Voir notamment les insuffisances de coordination soulignées par Maurice Bertrand, ancien membre du Corps commun d’inspection dusystème des Nations unies. Maurice Bertrand, L’ONU, Paris, La Découverte, 2006 (6e édition).

[23] L’une des initiatives les plus récentes concernant le développement a été la création en 2006 d’un « Groupe de haut niveau du Secrétairegénéral sur la cohérence de l’action du système des Nations unies dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de laprotection de l’environnement », à l’initiative de Kofi Annan, dont le rapport intitulé Unis dans l’action préconisait de renforcer le rôle decoordination du PNUD, tant au niveau central qu’à travers le réseau des résidents permanents.

[24] Le PNUE a été créé au lendemain de la Conférence des Nations unies sur l’environnement qui s’est tenue à Stockholm en 1972.

[25] Tadanori Inomata, Examen de la gouvernance environnementale dans le système des Nations unies , Genève, Corps commund’inspection du système des Nations unies, 2008 (JIU/REP/2008/3). Voir également Philippe Le Prestre, Protection de l’environnement etrelations internationales : les défis de l’écopolitique mondiale, Paris, Armand Colin, 2005, et P. Le Prestre, « La gouvernance internationalede l’environnement : une réforme élusive », Études internationales, 29 (2), 2008, p. 255-275.

[26] Des tentatives de synergie entre l’ONU et les AME ont toutefois eu lieu, comme en témoigne la création en 2004 d’un Groupe de liaisondes conventions relatives à la diversité biologique destiné à renforcer la coopération entre les cinq conventions portant sur la biodiversité.Initialement composé de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction(CITES), de la Convention de Ramsar, de la Convention sur les espèces migratrices et de la Convention sur le patrimoine mondial, le Groupea été rejoint en 2006 par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

[27] Le Protocole de Montréal a ainsi banni l’émission de chlorofluorocarbures (CFC) et d’hydrochlorofluorocarbures (HCFC), mais ces gazont été remplacés par des hydrofluorocarbones (HFC) et des perfluorocarbures (PFC) qui contribuent fortement et durablement à l’effet deserre.

[28] G. Devin, « Le multilatéralisme est-il fonctionnel ? », dans Bertrand Badie, Guillaume Devin (dir.), Le multilatéralisme. Nouvellesformes de l’action internationale, Paris, La Découverte, 2007, p. 147-165.

[29] Sur la gestion de la pandémie de sida, voir Olivier Nay, « What Drives Reforms in International Organizations ? External Pressure andBureaucratic Entrepreneurs in UN Response to AIDS », Governance, 24 (4), 2011, p. 689-712.

[30] G. Devin (dir.), Faire la paix. La part des institutions internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

[31] Au cours de ces dernières années, l’UE et l’OSCE sont intervenues conjointement à l’ONU en Bosnie-Herzégovine, de même que l’UE,l’OSCE et l’OTAN au Kosovo, l’UE en République démocratique du Congo, et l’Union africaine en Somalie et aux Comores, entre autres.

[32] Lakhdar Brahimi, Rapport du panel sur les opérations de construction de la paix des Nations unies , 2000 (http://www.operationspaix.net/Rapport-Brahimi, 7308) ; Département des opérations de maintien de la paix des Nations unies, Un nouveaupartenariat : définir un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix, 2009 (http: //www.un.org/fr/peacekeeping/documents/nh_fr_rev_temp.pdf). Voir également Michael Pugh, « Peace Enforcement », dans Thomas G.Weiss, Sam Daws (eds), The Oxford Handbook on the United Nations, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 370-386.

[33] Richard Jolly, Louis Emmerij, Dharam Ghai, Frédéric Lapeyre, UN Contributions to Development Thinking and Practice, Bloomington,Indiana University Press (United Nations Intellectual History Project Series), 2004 ; Olav Stokke, The UN and Development : From Aid toCooperation, Bloomington, Indiana University Press (United Nations Intellectual History Project Series), 2008.

[34] Le Programme élargi d’assistance technique (PEAT) a été créé en 1949. Après l’échec du projet SUNFED (Fonds spécial des Nationsunies pour le développement économique), un Fonds spécial des Nations unies a été mis en place en 1958. Modeste précurseur onusien del’Association pour le développement international (ADI) – créée l’année suivante et rattachée à la Banque mondiale –, ce Fonds n’étaitdestiné qu’à faciliter le financement des projets de développement.

[35] Une nouvelle catégorie de pays, celle des « pays les moins avancés » (PMA), a vu le jour dès la première session de la CNUCEDen 1964, afin d’attirer l’attention sur les pays en voie de développement les plus pauvres. Des mesures spéciales en faveur des PMA ont étéadoptées par la suite (aide au développement, allègement de la dette, assistance technique, etc.), tandis que les critères d’identificationpermettant l’élaboration de listes de PMA étaient peu à peu affinés par le Comité de la planification du développement et adoptés parl’Assemblée générale.

[36] Le PNUD est issu de la fusion du Programme élargi d’assistance technique et du Fonds spécial des Nations unies.

[37] Sur le rôle des commissions économiques régionales des Nations unies dans le domaine du développement, voir en particulier YvesBerthelot (ed.), Unity and Diversity in Development Ideas, Bloomington, Indiana University Press (United Nations Intellectual HistoryProject Series), 2004.

[38] Delphine Placidi-Frot, « L’ONU et les femmes », dans André Lewin (dir.), Histoire de l’ONU, Paris, Armand Colin, à paraître en 2012.

[39] Selon la Déclaration sur le droit au développement adoptée par l’Assemblée générale en 1986.

[40] Parmi lesquels l’indice de développement humain (IDH) et sa déclinaison genrée (indice sexo-spécifique de développement humain(ISDH), l’indice de pauvreté humaine (IPH), l’indice de participation des femmes à la vie économique et politique (IPF). En 2010, le PNUDa introduit trois nouveaux indicateurs destinés à mieux prendre en compte les multiples dimensions du bien-être : l’indice de développement

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humain ajusté aux inégalités (IDHI), l’indice des inégalités de genre (IIG) et l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM).

[41] Johan Kaufmann, Conference Diplomacy : An Introductory Analysis, Dordrecht, M. Nijhoff/New York, United Nations Institute forTraining and Research, 1988 (2e édition) ; Michael Schechter, United Nations Global Conferences, Londres, Routledge, 2005 ; CharlesTenenbaum, « Une diplomatie globale : conférences et sommets mondiaux », dans B. Badie, G. Devin (dir.), Le multilatéralisme. Nouvellesformes de l’action internationale, op. cit., p. 75-94.

[42] S. Neil MacFarlane, Yuen Foong Khong (eds), Human Security and the UN : A Critical History, Bloomington, Indiana University Press(United Nations Intellectual History Project Series), 2006.

[43] International Commission on Intervention and State Sovereignty, The Responsibility to Protect, Ottawa, ICISS, 2001.

[44] Voir le rapport publié par le groupe en 2004, Un monde plus sûr : notre affaire à tous (réf. A/59/565).

[45] L’évolution des missions de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC), créée en 1997 à partir de la fusion duProgramme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) et du Centre pour la prévention internationale du crimedes Nations unies (CPIC), lointain successeur des premières initiatives de coopération internationale sur la drogue, est tout aussi révélatricede la convergence croissante entre sécurité et développement. L’UNODC gère en effet désormais non seulement des enjeux sécuritaires etrépressifs liés au commerce illégal de stupéfiants, mais également des enjeux sanitaires en matière de prévention et de traitement destoxicomanes ainsi que le développement alternatif des agriculteurs cultivant le pavot ou l’opium, la traite des personnes et les trafics demigrants, la justice pénale et la prévention du crime, la corruption, le blanchiment d’argent, la criminalité organisée, la piraterie ou encore laprévention du terrorisme. Francois-Xavier Dudouet, La politique internationale des drogues : histoire du marché légal des stupéfiants, Paris,Éditions Syllepse, 2009.

[46] Franck Petiteville, « L’“entre-soi” de la diplomatie de club », dans Bertrand Badie, Dominique Vidal (dir.), La fin du monde unique.50 idées-forces pour comprendre : l’état du monde 2011, Paris, La Découverte, 2010, p. 31-34 ; B. Badie, La diplomatie de connivence. Lesdérives oligarchiques du système international, Paris, La Découverte, 2011.

[47] Mélanie Albaret, « Les formes régionales du multilatéralisme : entre incertitudes conceptuelles et pratiques ambiguës », dans B. Badie,G. Devin (dir.), Le multilatéralisme. Nouvelles formes de l’action internationale, op. cit., p. 41-56.

[48] AIEA, FAO, OACI, OIT, OMI, OMM, OMPI, OMS, ONUDI, UIT, UNESCO, UPU. L’AIEA n’est pas formellement une agencespécialisée mais elle est financée par des contributions obligatoires. La Banque mondiale et le FMI, dotés du statut d’agences spécialisées,sont en revanche financés selon des règles différentes. Initialement créée en tant qu’organe subsidiaire en 1966, l’ONUDI est devenue uneagence spécialisée en 1986.

[49] FNUAP, HCR, PAM, PNUD, PNUE, UNICEF, UNITAR, UNRWA, UNU.

[50] Le budget biennal de la FAO pour 2010-2011, fixé à 2,2 milliards de dollars, est financé à 55 % par des contributions volontaires età 45 % par des contributions obligatoires.

[51] En 2009, les dépenses consacrées aux fonds et aux programmes – donc exclusivement financées par des contributions volontaires – ontatteint 16 591 millions de dollars, soit plus que le cumul des dépenses consacrées au budget ordinaire de l’Organisation (2 499 millions dedollars), aux opérations de paix (7 061 millions de dollars) et aux agences spécialisées (2 308 millions de dollars provenant de contributionsobligatoires et 3 189 millions de dollars de contributions volontaires).

[52] Le budget biennal de l’OMS pour 2008-2009 a été fixé à 4 227 millions de dollars, dont 2 745 millions proviennent de contributionsvolontaires.

[53] Conseil d’administration du Programme alimentaire mondial, Une stratégie de mobilisation des ressources pour le Programmealimentaire mondial, Rome, 23-26 octobre 2000 (WFP/EB.3/2000/3-B, annexe III).

[54] Muhammad Yussuf, Juan Luis Larrabure, Cihan Terzi, Les contributions volontaires dans le système des Nations unies. Incidences surl’exécution des programmes et les stratégies de mobilisation de ressources, Genève, Corps commun d’inspection du système des Nationsunies, 2007 (JIU/REP/2007/1).

[55] Michael Ward, Quantifying the World : UN Ideas and Statistics, Bloomington, Indiana University Press (United Nations IntellectualHistory Project Series), 2004.

[56] Gilbert Rist (dir.), Les mots du pouvoir. Sens et non-sens de la rhétorique internationale , Paris, PUF, 2002 ; Roser Cussó, CorinneGobin, « Du discours politique au discours expert : le changement politique mis hors débat ? », Mots. Les langages du politique, 88, 2008,p. 5-11 ; Corinne Gobin, Jean-Claude Deroubaix, « L’analyse du discours des organisations internationales. Un vaste champ encore peuexploré », Mots. Les langages du politique, 94, 2010, p. 107-114.

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