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DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contrats M. A. HAID LICENCE 3 SEMESTRE 5 Le droit des contrats spéciaux étudie les règles propres applicables à chaque contrat. On étudiera d’abord le contrat de vente, puis le contrat de bail (d’abord en général puis de manière plus spécifique pour chaque type de bail). On s’intéressera aussi au contrat d’entreprise (contrat de service). Ces trois contrats sont considérés comme les trois grands modèles de contrat, mais il en existe d’autres, que l’on étudiera également : le contrat de prêt, le contrat de mandat et le contrat de dépôt. Bibliographie : - Code civil - Hypercours Les contrats spéciaux 09/09/2015 Introduction L’étude des contrats spéciaux s’inscrit en droit ligne de celle du droit des obligations contractuelles. En effet, cette théorie générale du contrat pose les règles communes à l’ensemble des contrats. Elle énonce le régime applicable en matière de force obligatoire du contrat (ART. 1134 1 ), de relativité des effets du contrats, de la protection du consentement des parties, d’inexécution (ART. 1147 2 ), d’extinction… La théorie générale du contrat se trouve constamment en toile de fond de l’étude des contrats spéciaux car les règles propres à chaque contrat viennent compléter, adapter ou parfois déroger aux règles applicables en général. La plupart du temps, ces règles propres à chaque contrat s’ajoutent à celles du droit commun. Par exemple : le vendeur est tenu à la fois de ne pas dissimuler des 1 « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » 2 « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. » 1

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Cour de droit civil de la faculté d'aix en provence licence 3

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Page 1: Droit Civil Complet

DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contratsM. A. HAID

LICENCE 3 SEMESTRE 5Le droit des contrats spéciaux étudie les règles propres applicables à chaque

contrat. On étudiera d’abord le contrat de vente, puis le contrat de bail (d’abord en général puis de manière plus spécifique pour chaque type de bail). On s’intéressera aussi au contrat d’entreprise (contrat de service). Ces trois contrats sont considérés comme les trois grands modèles de contrat, mais il en existe d’autres, que l’on étudiera également : le contrat de prêt, le contrat de mandat et le contrat de dépôt.

Bibliographie : - Code civil- Hypercours Les contrats spéciaux

09/09/2015

IntroductionL’étude des contrats spéciaux s’inscrit en droit ligne de celle du droit des

obligations contractuelles. En effet, cette théorie générale du contrat pose les règles communes à l’ensemble des contrats. Elle énonce le régime applicable en matière de force obligatoire du contrat (ART. 11341), de relativité des effets du contrats, de la protection du consentement des parties, d’inexécution (ART. 11472), d’extinction…

La théorie générale du contrat se trouve constamment en toile de fond de l’étude des contrats spéciaux car les règles propres à chaque contrat viennent compléter, adapter ou parfois déroger aux règles applicables en général. La plupart du temps, ces règles propres à chaque contrat s’ajoutent à celles du droit commun. Par exemple : le vendeur est tenu à la fois de ne pas dissimuler des informations essentielles à l’acheteur (sinon il encourt une annulation pour dol, ART. 1116) ET de garantir l’acquéreur contre les défauts cachés de la chose qu’il lui vend (garantie des vices cachés, ART. 1641 ET SUIVANTS). D’autres fois, certaines règles propres à un contrat dérogent au droit commun des contrats. Par exemple : alors que l’erreur sur la valeur d’une chose n’est pas une cause de nullité du contrat, en matière de vente d’immeuble, la rescision pour lésion (remise en question d’une vente pour cause de déséquilibre) est admise (ART. 1660 ET SUIVANTS). C’est l’application du principe « specialia generalibus derogat ».

Par conséquent, pour comprendre le régime juridique d’un contrat donné, signé entre deux ou plusieurs contractants, il faut se référer à plusieurs corps, plusieurs strates de règles, allant du général au particulier. 1 « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

2 « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5L’ARTICLE 1107 DU CODE CIVIL dispose « Les contrats, soit qu’ils aient une

dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des règles générales qui sont l’objet du présent titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les sous-titres relatifs à chacun d’eux ; les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce. ». Un contrat est dit nommé dès lors qu’il est directement visé par la loi, qu’il est soumis à des règles particulières.

11/09/2015

Dans le domaine de l’étude des contrats, la qualification contractuelle est très importante : il existe des contrats nommés pour lesquels des dispositions spécifiques sont prévues, et ainsi par exemple seuls les contrats qualifiés de contrat de vente sont soumis aux règles du contrat de vente. Il faut noter que le juge n’est pas tenu de suivre la qualification donnée par les parties, il doit qualifier lui-même le contrat, le rattacher si possible à une catégorie contractuelle. En fonction de ce rattachement, il identifiera le corps de règles applicables. Le résultat de cette opération de qualification peut aboutir à une qualification unitaire (le contrat dans son ensemble est considéré comme tel contrat) et plus rarement à une qualification mixte ou distributive (certains aspects du contrat seront soumis au régime de tel type de contrat et d’autres aspects au régime de tel autre type de contrat). Le contrat peut également ne pas être rattachable à une catégorie existante : on parle de contrat sui generis, et il ne sera donc soumis qu’au droit commun des obligations et aux stipulations contractuelles.

Plan   : - Partie 1 : Les contrats portant sur les choses- Partie 2 : Les contrats portant sur les services- Partie 3 : Les contrats aléatoires- Partie 4 : Les contrats sur les litiges

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LICENCE 3 SEMESTRE 5

Partie 1 : Les contrats portant sur les chosesCes contrats sont ceux par lesquels le propriétaire d’une chose autorise

une autre personne à en retirer avantage et utilité. Les finalités poursuivies peuvent être différentes. Tout d’abord, il peut s’agir de transférer la propriété de la chose : c’est le cas en matière de vente mais aussi en matière d’échange. Il peut s’agir aussi de permettre l’usage de la chose sans en transférer la propriété : c’est le cas du contrat de prêt et du contrat de bail. Enfin, l’objectif peut être la conservation de la chose. C’est ce que vise le contrat de dépôt.

Titre 1 : Les titres translatifs de propriété

La particularité essentielle des contrats translatifs de propriété, dont le plus important est le contrat de vente, est non seulement de porter sur un bien mais surtout de porter sur un droit réel concernant le bien en question, qu’il s’agisse du type le plus achevé de droit réel (la propriété) ou d’un attribut démembré du droit de propriété.

Sous-titre 1 : La venteLa vente est définie dans le Code civil à L’ARTICLE 1582 de manière assez

approximative : « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer. / Elle peut être faite par un acte authentique ou sous seing privé. ».

Le paiement auquel il est fait référence est celui d’une somme d’argent. Si ce paiement consiste en un autre bien, il s’agit d’un échange. Par conséquent, la vente est par définition liée à la monnaie. C’est donc un contrat synallagmatique à titre onéreux, translatif de propriété, et en principe consensuel (se forme juste avec la rencontre des consentements, sans obligation de forme).

Le principe gouvernant les contrats consensuels est celui de la formation du contrat dès l’échange des consentements. Pour les contrats de vente, le principe de transfert de propriété dès le consentement, c’est le principe du socio-consensus de la propriété : il est posé par L’ARTICLE 1583 DU CODE CIVIL, qui dispose que « Elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la

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LICENCE 3 SEMESTRE 5propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’est pas encore été livrée ni le prix payé. ».

Chapitre 1 : Les éléments fondamentaux de la vente

Deux éléments s’avèrent indispensables à l’existence même d’une vente : la présence ou l’absence de ces éléments permet de distinguer la vente d’autres contrats.

Le premier élément est expressément visé dans les ARTICLES 1582 ET 1583 DU CODE CIVIL : c’est le paiement d’un prix. En l’absence de prix, il n’y a pas de vente : il peut y avoir donation (si aucune contrepartie n’est prévue), échange (si la contrepartie réside dans un autre bien), contrat d’entreprise (si la chose cédée constitue la rémunération d’un service), et même apport en société (si la contrepartie réside dans l’attribution de part sociale.

Le second élément n’est que sous-entendu dans L’ARTICLE 1582. Il s’agit du transfert de la propriété d’une chose. En l’absence de ce transfert, il pourra y avoir bail, ou prêt (si le contrat ne porte que sur l’usage de la chose), un dépôt (si la chose est confiée au co-contractant pour la conserver) ou d’un contrat d’entreprise (si cette chose est confiée au co-contractant pour la réalisation d’un travail).

Section 1 : Le transfert de propriété

Le contrat de vente transfère un droit réel du patrimoine du vendeur à celui de l’acquéreur. C’est l’effet caractéristique de ce contrat, et non pas une obligation à la charge du vendeur.

Contrairement aux apparences, la vente ne porte donc pas directement sur une chose, sur un bien, mais sur un droit qui porte sur le bien concerné.

Paragraphe 1 : La chose vendue

Toutes les choses ne sont pas vendables. Ainsi, pour faire l’objet d’une vente, une chose doit être « dans le commerce » au sens de L’ARTICLE 1598 DU CODE CIVIL. La chose doit en outre être identifiée ou identifiable.

A : Les choses « dans le commerce »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5L’ARTICLE 1598 dispose : « Tout ce qui est dans le commerce peut être

vendu, lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation. ». Par une expression un peu vieille, le Code civil distingue donc les choses dans le commerce et les choses hors commerce.

Le principe est que toute chose est dans le commerce. La vente peut par conséquent porter sur toute sorte de bien : des biens meubles, immeubles, corporels, incorporels, des corps certains ou des choses de genre.

Toutefois, par dérogation au principe, certaines choses ne peuvent faire l’objet d’une vente, à commencer par la personne humaine, en vertu de l’ARTICLE 16-53 DU CODE CIVIL, ou même les produits humains (ex : le sang, les organes), qui peuvent être donnés mais ne peuvent être vendus. Ne peuvent pas non plus être vendus les droits fondamentaux de la personne, tels le droit de vote. En outre, sont interdits à la vente les produits dont la vente est un délit, comme les stupéfiants ou les contrefaçons. LA CHAMBRE COMMERCIALE, LE 24 SEPTEMBRE 2003, a affirmé que « la marchandise contrefaite ne peut faire l’objet d’une vente ». La Cour de cassation a également eu l’occasion d’affirmer que les produits périmés sont hors du commerce, dans une DÉCISION DU 16 MAI 20064.

La question de savoir si on peut céder une clientèle civile a été très débattue par la passé, mais cette cession est désormais admise. La première décision en ce sens ne concernait que la cession d’une clientèle médicale, il s’agit d’un ARRÊT DU 7 NOVEMBRE 20005 RENDU PAR LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DE LA COUR DE CASSATION. Cette décision précise la condition que soit conservée la liberté de choix du patient. L’étape décisive est un arrêt rendu par la CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR DE CASSATION LE 24 SEPTEMBRE 2003, selon laquelle « la cession d’une clientèle libérale n’est pas en principe illicite ».

Il faut noter que la vente de certains biens n’est quant à elle possible que par les personnes bénéficiant des autorisations administratives adéquates (ex : les médicaments).

L’inaliénabilité peut aussi résulter d’une convention. Le plus souvent, cela se fait pour les libéralités. Par exemple, une donation peut contenir une clause d’inaliénabilité. Une telle clause est valable si l’inaliénabilité est temporaire et justifiée par un intérêt sérieux et légitime. C’est ce que prévoit L’ARTICLE 900-16 DU CODE CIVIL.

3 «  Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles. ».

4 « … la vente est dépourvue d'objet lorsqu'elle porte sur des choses hors du commerce tels que des produits périmés … » et « … il serait contraires aux dispositions du Code de la santé publique d’ordonner la vente de produits périmés … »

5 « … si la cession de la clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral d'exercice de la profession, n'est pas illicite, c'est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient… »

6 «  Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5B : La chose identifiée ou identifiable

En vertu de L’ARTICLE 11297 DU CODE CIVIL, qui ne concerne pas que la vente mais tous les contrats, (et dont la substance sera reprise éventuellement dans l’article 1162 du Code civil si la réforme aboutit), une obligation doit avoir pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. Mais la quotité de la chose peut être incertaine pourvu qu’elle puisse être déterminée. Une vente n’est donc valable que si la chose vendue est déterminée, identifiée ou au moins identifiable.

Par conséquent, si la vente porte sur un corps certain, le contrat doit contenir des indications suffisantes pour permettre l’identification du bien concerné. La jurisprudence a par exemple considéré que la vente d’un local non désigné mais appartenant à un bâtiment identifié est trop imprécise, selon un ARRÊT DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE DU 26 NOVEMBRE 1986.

En revanche, si la vente porte sur une chose de genre, les choses se compliquent un peu. La détermination peut s’effectuer de différentes façons selon le type de biens concernés. Parfois, elle résidera dans la précision de la quantité et de l’espèce convenue. D’autres fois, elle passera par l’indication du lieu où se trouve le bien.

Si la chose doit être identifiée ou identifiable, cela ne signifie pas pour autant que cette chose existe au moment de la conclusion du contrat. La vente d’une chose future est en effet valable, autorisée par le PREMIER ALINÉA DE L’ARTICLE 1130 DU CODE CIVIL, qui deviendra également l’article 1162 après la réforme : « Les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation ». Le Code civil prévoit du reste explicitement la vente d’immeuble à construire à L’ARTICLE 1601-1 DU CODE CIVIL : « La vente d’immeuble à construire est celle par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. / Elle peut être conclue à terme ou en l’état futur d’achèvement. ».

Est également concernée par le Code civil la vente de la chose périe. Elle est prévue à L’ARTICLE 1601 DU CODE CIVIL, qui dispose « Si au moment de la vente, la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle. / Si une partie seulement de la chose est périe, il est au choix de l’acquéreur d’abandonner la vente, ou de demander la partie conservée, en faisant déterminer le prix par la ventilation. ».

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Paragraphe 2 : Le droit sur la chose vendue

Trois points méritent d’être soulignés. Le premier est que la cession ne concerne pas nécessairement le droit de propriété dans son intégralité. Le deuxième est que la cession peut concerner un droit indivi. Le troisième est que 7 « Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée ».

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LICENCE 3 SEMESTRE 5cette cession ne peut intervenir qu’à condition que le vendeur soit bien le titulaire du droit cédé.

Sur le premier point, généralement, la vente porte sur le droit de propriété en son entier : c’est ce que l’on appelle la pleine propriété. Mais un simple démembrement du droit de propriété peut également être vendu : les attributs du droit de propriété peuvent en effet être temporairement séparés. La vente peut ainsi porter sur la seule nue-propriété (propriété sans l’usufruit) soit car le vendeur conserve pour lui l’usufruit ou le droit d’usage ou d’habitation (c’est notamment le cas du contrat de viager), soit parce que le vendeur n’est lui-même que nu-propriétaire. Rappelons que tout usufruit est temporaire (ART. 6178 CC). A la fin de cette période, l’usufruit rejoint la nue-propriété. Mais la vente peut également porter sur le seul usufruit de la chose concernée, soit parce que le vendeur a décidé de ne conserver que la nue-propriété (cas rare en pratique), soit car le vendeur n’est que l’usufruitier.

Sur le deuxième point, la pleine propriété, la nue-propriété ou l’usufruit d’un bien peut appartenir à plusieurs copropriétaires indivis. Un co-indivisaire peut céder son droit indivi, c’est-à-dire sa part dans l’indivision. Mais une telle cession ouvre un droit de préemption aux autres indivisaires, qui peuvent s’opposer à une intrusion dans l’indivision en acquérant les droits qu’un étranger à l’indivision entendait acquérir. Les modalités d’exercice de ce droit de préemption sont prévues à L’ARTICLE 815-14 ALINÉA 1ER9 DU CODE CIVIL. Depuis la réforme du 23 juin 2006, le régime de l’indivision est situé aux ARTICLES 815 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL.

Sur le troisième point, une vente n’est valable que si le vendeur est bien titulaire du droit qu’il entend céder, en vertu de L’ARTICLE 159910 DU CODE CIVIL. En pratique, une telle vente de la chose d’autrui est plus fréquente que ce que l’on pourrait croire. Elle ne résulte pas forcément d’une intention malhonnête du vendeur, mais parfois d’un simple concours de circonstances : le vendeur dispose d’un titre au moment de la conclusion de la vente mais ce titre est ultérieurement annulé ou résolu, et les effets rétroactifs de l’annulation ou de la résolution entrainent alors une cascade d’effets puisqu’ils transforment toutes les ventes du bien en vente de la chose d’autrui. Quelle qu’en soit la raison, ces ventes de la chose d’autrui sont nulles. LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DE LA COUR DE CASSATION A PRÉCISÉ LE 17 JUILLET 1958 que la nullité encourue est une nullité relative. L’action en nullité ne peut donc être exercée que par l’acquéreur dont elle protège les intérêts et non pas par le vendeur. L’acheteur peut invoquer 8 « L’usufruit s’éteint :Par la mort de l’usufruitier ;Par l’expiration du temps pour lequel il a été accordé ;Par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de propriétaire ;Par le non-usage du droit pendant 30 ans ;Par la perte totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi. »

9 « L'indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir. »

10 « La vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui. »

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DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contratsM. A. HAID

LICENCE 3 SEMESTRE 5cette nullité soit par voie d’exception (à la demande que lui fait le vendeur de payer le prix, il oppose une exception de nullité pour faire annuler le contrat en raison du fait que le vendeur n’est pas le véritable propriétaire de la chose), soit par voie d’action (s’il a déjà payé le prix et qu’il en sollicite la restitution). Pour que l’action aboutisse, l’acquéreur n’a pas a démontré qu’il ignorait le défaut de propriété du vendeur : l’ignorance de l’acquéreur ne conditionne pas la nullité, mais si cette ignorance est démontrée, elle ouvre à l’acquéreur un droit à réparation. Cette action en nullité pour vente de la chose d’autrui s’éteint par la prescription de droit commun, mais peut aussi s’éteindre du fait de la ratification de la vente par le véritable propriétaire ou de sa consolidation lorsque le vendeur, qui n’était pas propriétaire au moment de la vente, le devient par la suite. Le véritable propriétaire du bien vendu par autrui ne dispose pas de cette action en nullité. En effet, il n’a pas à se préoccuper de cette vente conclue par des tiers à propos de son propre bien. Il dispose uniquement d’une action en revendication, si l’acheteur a reçu possession de son bien. Un problème se situe en matière de meuble car cette action en revendication sera souvent paralysée par la présomption désormais posée à L’ARTICLE 227611 DU CODE CIVIL.

Section 2 : Le paiement du prix

Le prix est une somme d’argent que l’acquéreur doit payer au vendeur en contrepartie de l’aliénation de la chose vendue. Ce prix constitue un élément essentiel de la vente : s’il n’y a pas de prix, il n’y a pas de vente. On peut classer les règles qui régissent le prix en deux catégories : les premières sont relatives à la détermination, à la réalité et au sérieux du prix, les secondes tendent à en assurer la justice.

Paragraphe 1 : La détermination, la réalité et le sérieux du prix

A : La détermination du prix

En ce qui concerne la détermination du prix, le prix doit être déterminé, en vertu de L’ARTICLE 159112 DU CODE CIVIL. Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. En pratique, cette exigence peut être satisfaire de deux façons : soit le prix est immédiatement chiffré, soit il n’est pas chiffré mais fixé par référence à des éléments qui le rendent déterminable au jour où il devra être payé. Une telle référence est parfaitement licite, à deux conditions : d’abord, que les éléments de référence soient suffisamment précis pour permettre de chiffrer le prix exact le jour venu, et ensuite que ce chiffrage soit possible sans nouvel accord des parties. C’est ce qu’a précisé LA CHAMBRE COMMERCIALE LE 14

11 « En fait de meubles, la possession vaut titre. »

12 « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. »

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DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contratsM. A. HAID

LICENCE 3 SEMESTRE 5JUIN 1988. Ainsi, peut servir de référence le cours de la bourse d’une marchandise, le tarif moyen du fournisseur désigné, la côte publiée par une revue spécialisée, etc…

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Peuvent également servir de référence pour déterminer le prix, depuis un important REVIREMENT DE JURISPRUDENCE DU 1ER DÉCEMBRE 1995, suite à quatre arrêts rendus par l’assemblée plénière le même jour, les tarifs généraux du fournisseur lui-même. La Cour affirme notamment, à cette occasion, que « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation ». Il s’agit ici d’un contrat cadre : ce type de contrat organise la conclusion éventuelle de contrats ultérieurs dont il arrête d’ores et déjà les modalités de conclusion et la teneur. C’est donc un contrat sur de futurs contrats.

Avec ces arrêts avait été abandonnée une condition jusque-là exigée par la jurisprudence, selon laquelle les éléments de référence du prix devaient être extérieurs aux parties, et ne devait même pas partiellement dépendre de l’une d’elles. Désormais, le contrôle réalisé par les juges concerne l’éventuel abus commis par le vendeur dans l’utilisation de son pouvoir de détermination du prix, avec les sanctions possibles de résiliation ou encore du versement de dommages et intérêts. Il s’agit du contrôle d’exécution de bonne foi du contrat. Notons toutefois que le droit de la consommation refuse ce principe : le consommateur doit savoir ce qu’il devra payer, et toute clause ouvrant une variation de prix est abusive si elle n’ouvre pas au consommateur le droit de rompre le contrat.

Le prix est considéré comme indéterminé si le contrat renvoie à un accord futur ou s’il renvoie à des éléments trop vagues. Les juges de la Cour de cassation ont également précisé que l’exigence de détermination du prix ne concerne que le prix global entre vendeur et acheteur. Cela signifie que s’il y a plusieurs vendeurs, il n’est pas nécessaire que la ventilation du prix entre eux soit déterminée, selon un ARRÊT RENDU LE 19 MARS 1986 PAR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE. Symétriquement, s’il y a plusieurs acheteurs, la solution est la même, il n’est pas nécessaire que la part de chacun soit fixée.

L’ARTICLE 1592 pose une exception à L’ARTICLE 1591 : « Il [le prix de la vente] peut cependant être laissé à l’arbitrage d’un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation il n’y a point de vente ». L’idée est qu’il est possible de confier à un tiers la fixation du prix. Ce tiers est généralement appelé arbitre ou expert, mais n’a rien à voir avec l’arbitre qui peut être chargé de trancher un litige, ni avec l’expert commis par un juge pour procéder à une expertise utile au procès. Le prix fixé par le tiers s’impose aux parties, sauf si ce tiers a subi un dol ou une violence, ou s’il a commis ce que la Cour de cassation appelle une erreur grossière. Dans ce cas, le juge peut désigner un nouvel expert, mais ne peut lui-même fixer le prix. La Cour de cassation l’a affirmé à plusieurs reprises, par

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DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contratsM. A. HAID

LICENCE 3 SEMESTRE 5exemple dans un ARRÊT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU 25 NOVEMBRE 2003 ou un AUTRE DE LA MÊME CHAMBRE DU 25 JANVIER 2005.

Si le prix n’est ni déterminé ni déterminable, la vente est privée d’une de ces conditions d’existence, et c’est donc une cause de nullité absolue.

B : Le réel et le sérieux du prix

Pour exister, le prix fixé ne doit pas être qu’une simple apparence. Par conséquent, si les parties simulent un prix mais conviennent secrètement qu’il ne sera pas versé, il n’y a pas de vente. Mais l’acte n’est pas nécessairement nul pour autant. En effet, si la simulation a pour but de déguiser une donation que les parties veulent cacher à des proches ou à l’administration fiscale, il y a alors une intention libérale (c’est-à-dire l’intention de procurer un avantage à autrui sans en tirer de contrepartie) de la part du prétendu vendeur, qui devient donateur. En revanche, en l’absence de cette intention libérale, la vente encourt la nullité.

La vente encourt également la nullité si un prix a été convenu et réellement versé, mais que celui-ci est pleinement dérisoire au regard de la chose achetée, qui ne constitue pas une véritable contrepartie. On dit alors que la vente est consentie à « vil prix ». Par exemple, la première Chambre civile a considéré que le prix est dérisoire dès lors qu’il reste inférieur au revenu de la chose achetée (CASS. COMM. 25 AVRIL 1967). Ainsi, le prix de droits sociaux (parts d’une société) cédés pour un montant inférieur au dividende annuel doit être considéré comme dérisoire. La nullité encourue a pour fondement le défaut d’objet du contrat, ou le défaut de cause de l’engagement du vendeur. Selon une jurisprudence (contestée par certains auteurs), la sanction est soit la déclaration de l’inexistence du contrat, soit la nullité absolue. C’est ce que la première chambre civile a précisé dans un ARRÊT DU 4 AOÛT 1952.

Paragraphe 2 : La justice du prix

En principe, la liberté contractuelle permet aux parties de stipuler le prix qui leur convient, et les juges n’ont pas le pouvoir d’exercer un contrôle sur l’équilibre économique du contrat. Toutefois, dans quatre domaines, la lésion, c’est-à-dire l’inégalité originaire des prestations de chaque contractant, est prise en compte :

- La vente d’immeubles- La vente d’engrais (LOI DU 8 JUILLET 1907)- La vente de produits agricoles et de pêche (LOI DU 8 JUILLET 1907)- La cession de droits d’auteurs (CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE,

ART. L131-513)

13 « En cas de cession du droit d'exploitation, lorsque l'auteur aura subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l'œuvre, il pourra provoquer la révision des conditions de prix du contrat. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5En matière de vente d’immeubles, la rescision pour cause de lésion fait

l’objet d’une procédure très particulière prévue aux ARTICLES 1674 À 1685 DU CODE CIVIL. En vertu de ces articles, la rescision pour cause de lésion n’est ouverte que si quatre conditions sont réunies.

- D’abord, elle ne concerne que les ventes d’immeubles mais toutes les ventes d’immeubles, quelle que soit la nature de l’immeuble et le droit cédé sur cet immeuble.

- Ensuite, cette demande de rescision n’est ouverte qu’au vendeur si le prix de vente est beaucoup trop faible par rapport à la valeur du bien immeuble ou du droit cédé sur cet immeuble. L’acquéreur ne peut donc jamais invoquer la lésion (ART. 168314 DU CODE CIVIL).

- En outre, en vertu des ARTICLES 167415 ET 167516, la lésion doit, pour entrainer la rescision, être de plus des sept douzièmes, c’est-à-dire que le prix fixé peut entrainer cette sanction s’il est inférieur au cinq douzièmes de la valeur du bien. L’estimation de cette valeur réelle est réalisée par un collège de trois experts d’après l’état du bien au moment de la vente et sa valeur au jour de la formation de la vente.

- Enfin, le vendeur ne peut obtenir la rescision pour lésion que s’il forme son action dans un délai de deux ans à compter du jour de la vente, selon L’ARTICLE 167617 DU CODE CIVIL.

Le constat d’une lésion des sept douzièmes ouvre une option à l’acquéreur. Soit il accepte de subir la rescision, les effets étant comparables à une annulation (anéantissement rétroactif de la vente avec restitution réciproque de l’immeuble et du prix), soit il peut sauver la vente, en vertu de L’ARTICLE 168118 DU CODE CIVIL. Il faut pour cela qu’il accepte de payer le bien au neuf dixièmes de sa valeur réelle estimée.

14 « La rescision pour lésion n’a pas lieu en faveur de l’acheteur. »

15 « Si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value. »

16 « Pour savoir s’il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l’immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente. »

17 « La demande n’est plus recevable après l’expiration de deux années à compter du jour de la vente. »

18 « Dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Chapitre 2 : La formation du contrat de

venteLa vente obéit pour l’essentiel au droit commun des contrats quant à ses

conditions de formation et de preuve. Par conséquent, à quelques exceptions près, toutes les règles concernant la capacité des parties ou leur consentement ou la forme du contrat sont celles de la théorie générale du contrat. Ces exceptions concernent principalement trois domaines : la liberté de vendre et d’acheter, le processus de conclusion de la vente et la forme du contrat de vente.

Section 1 : La liberté de vendre et d’acheter

En vertu de L’ARTICLE 1594 DU CODE CIVIL, « Tous ceux auxquels la loi ne l’interdit pas peuvent acheter ou vendre ». Le principe est donc clair et découle du principe général de liberté contractuelle. Il rencontre toutefois un certain nombre de limites, d’origine légale ou découlant de la volonté privée, par exemple des clauses d’un contrat ou de dispositions testamentaires.

Ces limites concernent parfois les conditions de la vente. Par exemple, un contrat antérieur à la vente a pu prévoir une clause de prix imposé. Il se peut aussi que le propriétaire du bien ne se soit engagé à le vendre que dans certaines conditions. Ainsi, en matière commerciale, des fabricants exigent parfois que leurs produits soient vendus en respectant certaines conditions pour préserver l’image de marque du produit.

Au-delà de ces conditions de vente, les restrictions concernent surtout d’une part le droit de vendre et d’acheter et d’autre part le choix du co-contractant.

Paragraphe 1 : Les restrictions au droit d’acheter et de vendre

Il y a trois catégories de restrictions : au droit de vendre, au droit d’acheter, au droit de ne pas vendre.

A : Les restrictions au droit de vendre

De multiples restrictions au droit de vendre existent dans des domaines très divers. Une première série de restrictions résulte des règles régissant la capacité des personnes. La vente constitue un acte de disposition : elle nécessite la capacité de disposer, sauf pour ce qui regarde les actes de la vie courante. Les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle ou en curatelle

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LICENCE 3 SEMESTRE 5sont donc soumis à des régimes spécifiques qui impliquent l’assistance d’un curateur ou la représentation par un tuteur. C’est une première restriction au droit de vendre.

Une deuxième restriction est le fait que certains biens soient considérés hors du commerce : les produits humains, stupéfiants, produits périmés, contrefaçons. Une autre catégorie de biens est frappée d’inaliénabilité par nature, sauf autorisation ministérielle : il s’agit des biens classés monuments historiques.

Les époux subissent aussi une restriction notable à leur droit de vendre. Elle concerne le domicile familial, en vertu de L’ARTICLE 215 ALINÉA 319 DU CODE CIVIL.

Dans un autre domaine, on peut considérer que les règles relatives au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire des entreprises en difficultés constituent une restriction au droit de vente lorsque le tribunal décide que les biens indispensables à la continuation de l’entreprise ne peuvent être aliénés sans son autorisation.

Enfin, en matière de libéralités, qu’il s’agisse d’une donation ou d’un legs, le disposant peut inclure une clause d’inaliénabilité à condition que cette clause soit temporaire et justifiée par un « un intérêt sérieux et légitime », en vertu de L’ARTICLE 900-120 DU CODE CIVIL. Une telle clause est par exemple destinée à conserver un objet dans la famille jusqu’à son décès, selon un ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 20 NOVEMBRE 1985.

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B : Les restrictions au droit d’acheter

La principale restriction concerne les incapacités générales : l’achat comme la vente sont des actes de disposition, et le régime général des incapacités constitue une restriction au droit d’acheter.

Au-delà, il existe des incapacités spéciales, généralement destinées à éviter qu’une personne abuse de ses fonctions pour acquérir un bien à moindre prix. Ainsi, en vertu de L’ARTICLE 159621 DU CODE CIVIL, qui relève du chapitre

19 « Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation. »

20 « Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ».

21 « Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées : Les tuteurs, des biens de ceux dont ils ont la tutelleLes mandataires, des biens qu’ils sont chargés de vendreLes administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leur soinLes officiers publics, des biens nationaux dont les ventes se font par leur ministère. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Qui peut acheter ou vendre, un tuteur ne peut acheter les biens de celui qu’il a en tutelle. De la même manière et toujours selon cet article, un mandataire ne peut acquérir les biens qu’il est chargé de vendre. Dans le même esprit et selon L’ARTICLE 1125-122 DU CODE CIVIL, les personnes exerçant une fonction dans un établissement hébergeant des personnes âgées ou dispensant des soins psychiatriques ne peuvent acheter les biens appartenant à une personne admise dans l’établissement, sauf autorisation de justice.

C : Les restrictions au droit de ne pas vendre

La liberté contractuelle a pour conséquence le droit de ne pas vendre un bien. En principe, toute personne a le droit de ne pas vendre son bien, en vertu de L’ARTICLE 545 DU CODE CIVIL, qui dispose « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ».

En même temps qu’il pose le principe, cet article envisage donc une première exception au droit de ne pas vendre, le cas de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Compte tenu des intérêts en jeu en matière d’expropriation et des nombreuses dérives possibles, cette procédure d’expropriation est soigneusement organisée et fait l’objet d’un Code de l’expropriation.

On peut considérer que la loi organise une autre restriction générale au droit de ne pas vendre lorsqu’elle prévoit la saisie des biens d’un débiteur défaillant. Ces saisies sont organisées par le droit des voies d’exécution.

A côté de ces restrictions générales, il convient d’en évoquer une autre qui touche le domaine particulier du droit de la consommation. Il s’agit de la prohibition du refus de vente injustifié à l’égard d’un consommateur. Cette interdiction est posée à L’ARTICLE L122-1 DU CODE DE LA CONSOMMATION : « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service, ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L120-1. ». Le refus de vente injustifié constitue une contravention de cinquième classe.

Paragraphe 2 : Les restrictions au choix du contractant

Que ce soit par le jeu de règles légales ou par celui d’engagements contractuels précédemment accepté, celui qui veut vendre, ou plus rarement 22 « Sauf autorisation de justice, il est interdit, à peine de nullité, à quiconque exerce une fonction ou occupe un emploi dans un établissement hébergeant des personnes âgées ou dispensant des soins psychiatriques de se rendre acquéreur d’un bien ou cessionnaire d’un droit appartenant à une personne admise dans l’établissement, non plus que de prendre à bail le logement occupé par cette personne avant son admission dans l’établissement. »

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DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contratsM. A. HAID

LICENCE 3 SEMESTRE 5celui qui veut acheter, peut se voir imposer son co-contractant. Ces restrictions au choix du co-contractant peuvent prendre deux formes : soit celui qui souhaite vendre ou acheter doit s’adresser à une personne précise, sans pouvoir s’adresser à une autre, et le co-contractant est alors prédéterminé, soit celui qui souhaite vendre ou acheter désigne son co-contractant mais peut subir après cette désignation une substitution de co-contractant.

A : La prédétermination du co-contractant

Les hypothèses dans lesquelles celui qui souhaite vendre ou acheter doit s’adresser à une personne déterminée, que ce soit en priorité ou exclusivement, ces hypothèses sont forcément le fruit de contrats préalables. La première de ces hypothèses est celle de l’existence d’un pacte de préférence, la seconde celle de l’existence d’une clause d’exclusivité.

1 : L’existence d’un pacte de préférence

Le pacte de préférence est l’engagement par lequel une personne s’oblige, pour le cas où elle déciderait de vendre ou d’acheter un bien déterminé, à faire une offre en priorité à une autre personne : celle-ci est le bénéficiaire du pacte. Celui qui s’est engagé (le promettant) doit donc d’abord faire une proposition au bénéficiaire du pacte avant de pouvoir s’adresser ailleurs. Le plus souvent, ce type de pacte concerne une vente : le propriétaire d’un bien s’engage, s’il le vend, à s’adresser en priorité à une autre personne. Mais il est également possible de prévoir dans un contrat une préférence à l’achat. En pratique, cette hypothèse est beaucoup plus rare. Dans les deux cas, le pacte de référence peut faire l’objet d’une convention à lui-seul, mais le plus souvent il n’est que l’accessoire d’un contrat principal. Par exemple, un contrat de bail peut prévoir dans ses clauses un pacte de préférence obligeant le propriétaire à s’adresser en premier lieu au locataire, s’il souhaite vendre le bien qu’il lui loue.

Concrètement, quand un tel pacte existe, et lorsque se produit l’évènement pour lequel le bénéficiaire s’est vu consentir la priorité, le promettant doit lui permettre d’user de cette priorité. Pour cela, il doit l’informer. Ainsi, celui qui a consenti une promesse de vente doit, s’il souhaite vendre son bien, informer le bénéficiaire de la promesse des conditions de la vente qu’il envisage. Ce faisant, il lui fait tout simplement une offre. Si le bénéficiaire accepte cette offre, son acceptation vaut vente immédiate, puisque le consentement du vendeur est déjà acquis. Si le bénéficiaire décline l’offre, le promettant est libéré et peut contracter avec un tiers, même longtemps après mais aux mêmes conditions. En revanche, le promettant ne peut traiter à des conditions plus avantageuses pour le tiers sans reformuler une offre au bénéficiaire.

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LICENCE 3 SEMESTRE 525/09/2015

Pour que joue le pacte de préférence, il faut que ce qu’envisage le promettant soit le même évènement que celui visé par le pacte de préférence. Ainsi une préférence pour une vente ne peut jouer si le promettant a finalement décidé de donner son bien à un tiers.

Le pacte de préférence n’est pas régi par des textes mais est tout de même soumis à des conditions de validité. La première condition est que l’objet du pacte soit suffisamment déterminé. Le bien concerné doit être désigné avec précision, mais doit également être précisée la nature de l’acte envisagé, car le pacte de préférence n’est pas réservé à la vente. La seconde condition est que les modalités prévues par le pacte de préférence doivent permettre au promettant de traiter avec une autre personne si le bénéficiaire du pacte refuse l’offre. Il faut qu’il existe un délai de réponse auquel est soumis le bénéficiaire du pacte, délai qui ne doit pas être déraisonnable.

Mis à part les conditions de validité, se pose la question des sanctions en cas de non-respect d’un pacte de préférence. Que se passe-t-il si le promettant cède son bien à un tiers sans respecter le pacte de préférence ? Jusqu’en 2006, la Cour de cassation admettait la possibilité de faire annuler le contrat passé en violation du pacte de préférence. Cette annulation était soumise à conditions : il fallait que le tiers soit de mauvaise foi, c’est-à-dire que le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence et connaissait l’intention du bénéficiaire du pacte de s’en prévaloir. Si le tiers était de bonne foi, la vente ne pouvait être atteinte, et la sanction ne pouvait consister qu’en des dommages et intérêts. La question qui se posait devant les juges était de savoir si au-delà de l’annulation, la violation du pacte de préférence pouvait être sanctionnée par la substitution dans le contrat contesté du bénéficiaire au tiers. Les juges ont refusé d’admettre cette substitution. La jurisprudence a changé à l’occasion d’un ARRÊT RENDU PAR UNE CHAMBRE MIXTE (CHAMBRES CIVILE, COMMERCIALE ET SOCIALE) LE 26 MAI 2006, « si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers, en méconnaissance de ses droits, et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ». La substitution forcée peut donc désormais être demandée en justice, mais encore faut-il réunir les deux conditions exigées. Cette substitution forcée est donc difficile à obtenir mais pas impossible, comme le montre un ARRÊT DE LA 3ÈME CHAMBRE CIVILE DU 14 FÉVRIER 2007 : en l’espèce, le bénéficiaire du pacte de préférence n’avait cessé « de manifester sa volonté » d’acquérir le bien finalement vendu à un tiers.

NOTE   : le projet de réforme du droit des obligations prévoit de définir le pacte de préférence et d’en encadrer le régime à L’ARTICLE 1125 DU CODE CIVIL .

2 : L’hypothèse des clauses d’exclusivité

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LICENCE 3 SEMESTRE 5En matière commerciale, il est relativement fréquent que dans le cadre de

relations suivies, généralement encadrées par un contrat cadre, des partenaires se consentent une clause d’exclusivité. Il peut s’agit d’une exclusivité d’achat, et on parle alors de clause d’approvisionnement exclusif. C’est une clause par laquelle un distributeur s’engage à se fournir auprès d’un fabricant donné uniquement. Il peut s’agir aussi d’une exclusivité de vente, et il s’agit alors d’une clause de concession exclusive. C’est une clause par laquelle un fabricant s’engage à ne fournir qu’un seul distributeur dans un secteur donné.

Ces clauses mettent en place un véritable contrat cadre organisant la distribution de produits. Ce type de relations contractuelles est strictement encadré.

De telles clauses d’exclusivité paraissent concevables en matière non commerciale. Par analogie avec les clauses de non-concurrence, il semble qu’elle doive respecter une double condition de validité : d’une part être limitée dans le temps et d’autre part être justifiée par un intérêt légitime.

B : La substitution du co-contractant

C’est une hypothèse précise qui vise un certain nombre d’hypothèses diverses. Certains textes ou certaines clauses peuvent organiser une substitution de co-contractant qui s’impose au vendeur. Dans un premier temps le vendeur choisit son acquéreur, mais un tiers peut venir se substituer à ce dernier. L’inverse est par contre impossible : un acquéreur ne peut voir un tiers se substituer à son vendeur.

Cette hypothèse se produit dans les clauses d’agrément, c’est-à-dire les clauses qui subordonnent la réalisation définitive de la vente à l’agrément par un tiers de l’acquéreur. Ce type de clauses se rencontre notamment dans le droit des groupements. Elles permettent alors aux associés d’une société de disposer d’un droit de regard sur la cession de parts sociales.

C’est également le cas dans l’hypothèse du droit de préemption. C’est celui qui permet à son titulaire de prendre la place de l’acquéreur dans le contrat de vente, à charge d’en assumer les obligations. C’est un droit d’origine légale. C’est la différence fondamentale avec le pacte de préférence : le droit de préemption doit être prévu par la loi. Il existe de nombreux droits de préemption, à tel point qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive. Les principaux concernent les ventes d’immeuble. Ainsi la LOI DU 6 JUILLET 1989 RELATIVE AUX BAUX D’HABITATION prévoit dans son article 15 II un droit de préemption au profit du locataire pour les baux d’habitation soumis à cette loi. Les ARTICLES 412-1 ET SUIVANTS DU CODE RURAL prévoient également un droit de préemption au profit de l’exploitant d’un fond de terre ou d’un bien rural. L’Etat et les collectivités territoriales disposent aussi parfois d’un droit de préemption. Plus rarement, les meubles doivent être soumis à un droit de préemption. C’est le cas en matière de vente d’objets d’art lorsque la vente est publique, selon une LOI DU 31 DÉCEMBRE 1921. C’est le cas aussi pour les co-indivisaires d’un bien meuble pour la cession de droits indivis.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Selon le domaine concerné, ce droit peut s’exercer à différents stades et

les sanctions sont différentes. Parfois la substitution pure et simple est possible, d’autrefois la sanction ne peut être que l’annulation de la vente. Elle peut même être différente. Ainsi pour le locataire d’habitation, c’est le congé qu’il reçoit qui encourt la nullité si ce congé ne notifie pas l’offre de vente et la possibilité pour le locataire de préempter.

Section 2 : Le processus de conclusion de la vente

Il s’agit de voir ce qui en matière de vente diffère de la théorie générale des contrats. Le processus de conclusion de la vente est en principe très simple : la vente se forme du fait de la simple rencontre des consentements. Cette dernière résulte de la conjonction d’une offre et de son acceptation. Le principe est donc celui d’une formation instantanée de la vente. Mais certains mécanismes viennent parfois affecter cette formation immédiate. Parfois, la vente est en effet précédée d’une promesse de vente ou d’achat. D’autres fois, la vente ouvre l’exercice d’un droit de repentir.

Comme tout contrat, la vente peut être assortie d’une condition suspensive ou d’une condition résolutoire. En vertu de L’ARTICLE 1181 DU CODE CIVIL, « L’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un évènement futur et incertain ou d’un évènement actuellement arrivé mais encore inconnu des parties ». Par exemple, l’achat d’un terrain peut être subordonné à la délivrance d’un permis de construire ou d’un prêt. Les conditions résolutoires sont quant à elles régies par les ARTICLES 1183 ET 118423 DU CODE CIVIL. A l’inverse des conditions suspensives, elles font disparaître la vente si la condition se réalise. En vertu de L’ARTICLE 1183, « la condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s’accomplit, opère la révocation de l’obligation, et qui remet les choses au même état que si l’obligation n’avait pas existé ».

Paragraphe 1 : La promesse de vente ou d’achat

Le recours à des promesses de vente ou d’achat est fréquent en matière de vente d’immeubles ou de biens importants. Mais sous une dénomination commune, ces contrats préparatoires recouvrent des réalités différentes. Il existe en effet les promesses unilatérales de vente ou d’achat, et elles doivent être distinguées de la promesse synallagmatique par laquelle les deux parties s’engagent, l’une à vendre l’autre à acheter.

23 « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contras synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5A : La promesse unilatérale de vente

Les promesses unilatérales sont celles par lesquelles l’une seule des parties, appelée promettant, s’engage à vendre ou à acheter un bien à une autre. L’autre partie est appelée bénéficiaire. Le choix conféré au bénéficiaire s’appelle une option. Ce n’est pas un acte unilatéral, mais un contrat issu d’un accord de volonté. Ce contrat n’est pas nécessairement unilatéral, ce qui signifie qu’il ne fait pas forcément peser des obligations sur le promettant, puisque le bénéficiaire de la promesse peut lui aussi contracter des obligations, et en particulier celle de payer une indemnité s’il ne lève finalement pas l’option. Cette indemnité est appelée indemnité d’immobilisation, car le bien est immobilisé dans le patrimoine de celui qui promet.

Il existe deux types de promesses unilatérales : la promesse unilatérale d’achat et la promesse unilatérale de vente. Dans la promesse unilatérale d’achat, le promettant s’engage à acquérir le bien si le propriétaire, qui est alors bénéficiaire de la promesse, décide de le vendre. Ce contrat existe rarement à l’état autonome, il est le plus souvent l’accessoire d’un contrat de vente, le vendeur s’engageant à racheter le bien sous certaines conditions. Par exemple, les distributeurs promettent parfois de racheter les emballages (emballages consignés). Ce type de promesse est en principe admis. Il existe toutefois quelques exceptions. Ainsi, pour les biens immobiliers, L’ARTICLE 1589-124 DU CODE CIVIL issu de LA LOI DU 13 DÉCEMBRE 2000 déclare nulles ces promesses lorsqu’est exigé le versement d’une somme d’argent de la part de celui qui s’engage. Si le propriétaire décide de lever l’option, la vente devient parfaite du fait de cette seule décision. C’est la raison pour laquelle la chose et le prix doivent être déterminé dans la promesse.

La promesse unilatérale de vente est celle qui lie le vendeur, et donc offre une option à d’éventuels acheteurs. Elle prévoit souvent en contrepartie de cet engagement le paiement d’une indemnité d’immobilisation versée dès la signature de la promesse, mais qui s’imputera sur le prix si la vente se réalise. Dans cette hypothèse, la levée de l’option marque la conclusion du contrat : la promesse doit donc déterminer la chose et le prix.

B : La promesse synallagmatique de vente

La promesse synallagmatique est celle par laquelle les deux parties promettent l’une de vendre et l’autre d’acheter. C’est ce que l’on appelle couramment un compromis de vente. Ce compromis de vente vaut vente, mais la prise d’effet de la vente est très souvent différée jusqu’à l’accomplissement de diverses formalités, notamment la réitération de la vente par acte authentique. Par conséquent, l’exécution d’une promesse synallagmatique peut donner lieu à des mesures d’exécution forcée. Ainsi, si le vendeur ou l’acquéreur refuse finalement de signer l’acte authentique, le tribunal pourra lui en faire injonction,

24 « Est frappé de nullité tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier pour lequel est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelles qu’en soient la cause et la forme. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5sous astreint, ou décider que le jugement sera publié en lieu et place de l’acte notarié.

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Paragraphe 2 : L’exercice d’un droit de repentir

Il faut d’abord comprendre le principe puis les exceptions. Le principe est qu’une fois que la vente est formée, elle est en principe définitive et irrévocable. C’est le même principe que pour les autres contrats : une partie ne peut se défaire unilatéralement de l’accord conclu. Toutefois, la loi a organisé des possibilités de retour en arrière, notamment dans le cadre du droit de la consommation. Mais il existe également de tels mécanismes dans le droit commun de la vente.

Parfois, c’est le vendeur qui bénéficie de cette faculté de repentir. Ainsi, les ARTICLES 1659 À 1973 DU CODE CIVIL autorisent les parties à prévoir un pacte par lequel le vendeur se réserve une possibilité, celle de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix. Cette faculté est appelée dans le Code civil faculté de rachat. A L’ARTICLE 1660, il est précisé qu’une telle faculté « ne peut être stipulée que pour un terme n’excédant pas cinq années ». En pratique, elle n’est que très peu utilisée. L’ARTICLE 1673 prévoit que le vendeur « doit rembourser non seulement le prix principal mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation ».

Le droit de la consommation utilise quant à lui de manière fréquente la technique du délai de repentir. Il s’agit de protéger le consommateur : l’acquéreur peut ainsi renoncer à la vente dans un délai de quatorze jours sans frais ni pénalité dans les contrats conclus à distance ou suite à un démarchage téléphonique. Il n’a alors ni à motiver sa décision, ni à supporter des coûts supplémentaires. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle. L’ARTICLE L121-21 DU CODE DE LA CONSOMMATION prévoit l’exercice d’un droit de rétractation d’ordre public dans un délai de quatorze jours pour les contrats conclus à distance ou suite à un démarchage téléphonique.

En outre, une clause de dédit peut être insérée dans le contrat au bénéfice de n’importe laquelle des parties, vendeur ou acquéreur. Une telle clause ouvre à cette partie la faculté de se dédire, c’est-à-dire de se délier unilatéralement de son engagement, moyennant l’abandon d’une certaine somme dénommée dédit. Pour être valide, une clause de dédit doit réunir deux conditions : d’une part être enfermée dans un certain délai, d’autre part stipuler le paiement d’une contrepartie à la charge de celui qui se dédit, car sinon elle ouvrirait à son profit une condition résolutoire potestative. Ces conditions potestatives sont prohibées par L’ARTICLE 117425 DU CODE CIVIL. Le bénéficiaire 25 « Toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5de la clause de dédit peut exercer la faculté qui lui est ouverte sans avoir à fournir d’explications. Toutefois, les juges se reconnaissent le pouvoir de déclarer sans valeur l’exerce d’une faculté de dédit lorsque cette exercice est fait de mauvaise foi : ils sanctionnent donc l’abus du droit à se dédier, depuis une DÉCISION ANCIENNE RENDUE PAR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE DE LA COUR DE CASSATION LE 11 MAI 1976.

Enfin, il faut mentionner que le paiement d’arrhes ouvre, en vertu de L’ARTICLE 159026 DU CODE CIVIL, la faculté de se départir de la vente à chacune des parties. L’acquéreur peut se départir de la vente en abandonnant la somme versée au titre des arrhes. Le vendeur peut lui aussi se départir de la vente en restituant le double des arrhes. Par conséquent, il convient de distinguer les arrhes de l’acompte : l’acompte n’est en effet qu’une fraction du prix payé d’avance, mais qui n’ouvre à aucune des parties la faculté de se départir de la vente.

Section 3 : La forme du contrat de vente

Le principe est celui du consensualisme. Cela signifie que la simple rencontre des volontés suffit à la conclusion du contrat. Aucune exigence de forme n’est donc en principe demandé. Ce principe subit néanmoins de nombreuses exceptions, qui sont de degrés variables, selon que les exigences de forme conditionnent ou non la validité du contrat. Pour qu’une exigence de forme conditionne la validité d’un contrat, il faut qu’elle soit prévue par un texte : il n’y a pas de nullité sans texte.

Une telle condition de validité peut être l’exigence d’un écrit : c’est le cas pour la vente de navires, en vertu de la LOI DU 3 JANVIER 1967. C’est également le cas pour la cession de brevets, en vertu de L’ARTICLE 613-8 DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE.

D’autres fois, l’acte doit comporter des mentions obligatoires. C’est le cas pour la cession de fonds de commerce : doivent notamment être indiqués les résultats des trois dernières années du fonds de commerce, le prix de l’acquisition, les privilèges et nantissements (sûretés), le chiffre d’affaires des trois dernières années, ainsi que la date et la durée du bail commercial, en vertu de la LOI DU 29 JUIN 1935.

Certaines ventes exigent un acte notarié. C’est le cas notamment des ventes d’immeubles à construire, en vertu de L’ARTICLE L261-11 DU CODE DE LA CONSTRUCTION, pour lesquelles l’acte notarié doit d’ailleurs comporter des mentions obligatoires. L’acte authentique est également exigé pour les locations-accessions à la propriété, en vertu de la LOI DU 12 JUILLET 1984, ou pour la vente de logements HLM à leurs locataires, en vertu de L’ARTICLE R443-13 DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’HABITATION.

26 « Si la promesse de vente a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir.Celui qui les a données, en les perdant.Et celui qui les a reçues, en restituant le double. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Chapitre 3 : Les effets du contrat de vente

Il existe un effet réel et des obligations. L’effet réel est celui du transfert de la propriété, qui s’accompagne du transfert des risques. La vente produit également des effets personnels, des obligations à la charge des parties.

Section 1 : Le transfert de propriété et les risques

C’est non seulement l’effet principal du contrat de vente, mais également l’un des éléments qui va permettre de qualifier le contrat de vente. C’est ce qui va permettre de le distinguer des autres contrats. Les deux effets du transfert de la propriété et des risques sont complémentaires. Le transfert de la propriété est visé par la vente, le transfert des risques en est la charge logique. Les risques sont ceux de perte ou de détérioration de la chose vendue. En principe, ces deux effets se produisent simultanément, mais ce principe contient de nombreuses exceptions.

Paragraphe 1 : Le transfert de la propriété

Le principe est posé à L’ARTICLE 1583 DU CODE CIVIL, qui dispose que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ». Par conséquent, avant même l’exécution de la vente, l’acheteur compte la chose dans son patrimoine. Néanmoins, ces conséquences sont parfois différées en raison de la nature de la chose vendue ou en raison d’aménagements conventionnels. Ces conséquences sont également atténuées pour les tiers par les règles d’opposabilité.

A : Le transfert différé de la propriété

La loi prévoit que le transfert de propriété peut être différé pour deux raisons majeures. La première est la nature de la chose : c’est notamment le cas pour les choses de genre. Le transfert est en effet impossible avant que le vendeur n’individualise celles qui reviennent à l’acquéreur. Peu importe le procédé d’individualisation, il peut s’agir de la mise de côté d’une chose dans un magasin, de son mesurage (ARTICLE 1585 DU CODE CIVIL : « Lorsque des marchandises ne sont pas vendues en bloc mais au poids, au compte ou à la mesure, la vente n’est point parfaite […] jusqu’à ce qu’elles soient pesées, comptées ou mesurées »), etc… L’individualisation ne se fait donc qu’à l’instant ou les objets destinés à l’acquéreur sont séparés du reste du stock du vendeur. Cette individualisation, qui rend l’acquéreur propriétaire, est un simple fait

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LICENCE 3 SEMESTRE 5juridique, qui peut se prouver par tout moyen traduisant une affectation de la chose à l’acquéreur (ex : une étiquette, l’embarquement de l’objet dans une voiture, etc…).

L’article 1585 réserve aussi le cas de la vente en bloc, c’est-à-dire de la vente qui porte sur un ensemble de marchandises localisées dans un endroit particulier. Par exemple, la vente de tout un stock d’une production ou l’intégralité du vin contenue dans une cuve.

Lorsque la vente porte sur des choses futures, par exemple un objet à fabriquer, le transfert de propriété est reporté à l’achèvement de la chose, sauf s’il s’agit d’une chose de genre. Toutefois, ce n’est pas le cas en matière de ventes d’immeubles à construire : L’ARTICLE 1601-3 dispose que le transfert de propriété s’opère au fur et à mesure de la construction.

Le transfert de propriété peut également être reporté conventionnellement. La première chambre civile l’a annoncé dans un ARRÊT RENDU LE 24 JANVIER 1984 en considérant que « les parties peuvent librement déroger aux dispositions de l’article 1583, qui n’est pas d’ordre public ». Il est surtout possible de différer l’effet translatif, notamment avec l’insertion dans le contrat d’une clause de réserve de propriété. Il s’agit d’une clause par laquelle le vendeur, tout en délivrant la chose, en retient la propriété jusqu’au paiement complet du prix. Cela suppose bien sûr que le paiement du prix soit reporté ou échelonné. Une telle clause est très fréquente, elle a pour but de protéger le vendeur contre un défaut de paiement, en lui permettant de reprendre la chose dont il est toujours propriétaire.

B : L’opposabilité aux tiers du transfert de propriété

La vente d’une chose assure un déplacement du droit de propriété d’une personne à l’autre, ce qui peut avoir une incidence sur les droits des tiers, notamment sur ceux des créanciers du vendeur ou de l’acquéreur. La question est de savoir à partir de quel moment le transfert de propriété est opposable aux tiers. Cette question est complexe parce que selon la nature du tiers, et celle du ou des biens vendus, es régimes juridiques sont différents.

La première situation à envisager est celle de l’opposabilité d’une vente à des tiers ayant déjà acquis des droits réels sur le bien vendu de la part du vendeur. Autrement dit, il s’agit de savoir comment résoudre un conflit de droit concurrent sur un même bien. Par exemple, si la même personne a vendu le même bien à deux acquéreurs différents. Pour les immeubles, le conflit se tranche par le jeu de la publicité foncière. Plus précisément, c’est le DÉCRET DU 4 JANVIER 1955 qui soumet à la publicité foncière la cession de tout droit réel immobilier. L’ARTICLE 30 de ce décret dispose que ces actes de cession « sont, s’ils n’ont pas été publiés, inopposables aux tiers, qui sur le même immeuble, ont acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d’actes soumis à la même obligation de publicité et publiés ». Cela signifie qu’une vente n’est donc opposable aux tiers ayant acquis un droit concurrent qu’à dater de sa publication. La conséquence est que le conflit entre deux acquéreurs du même immeuble ou entre un acquéreur et celui qui s’est fait consentir une hypothèque

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LICENCE 3 SEMESTRE 5sur le bien vendu se règle par la date de la publicité de la vente. En 1974, la jurisprudence a toutefois atténué la rigueur du DÉCRET DE 1955, en considérant que celui qui connaissait l’existence d’une vente déjà conclue mais n’ayant pas encore fait l’objet d’une publicité foncière ne peut se prévaloir du DÉCRET DE 1955 pour faire primer l’acte qu’il a réalisé postérieurement à la conclusion de cette vente : « l’acquisition d’un immeuble en connaissance de sa précédente cession à un tiers est constitutive d’une faute qui ne permet pas au second acquéreur d’invoquer à son profit les règles de publicités foncières » (3ÈME CHAMBRE CIVILE, 30 JANVIER 1974).

Pour les meubles corporels, c’est-à-dire les meubles susceptibles d’une appréhension matérielle, le conflit se règle par la mise en possession du bien. C’est la solution donnée par L’ARTICLE 1141 DU CODE CIVIL : « Si la chose qu’on est obligé de donner ou de livrer à deux personnes successivement est purement mobilière, celle des deux qui en a été mise en possession réelle est préférée, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu toutefois que la possession soit de bonne foi ».

La question des biens incorporels ne sera pas envisagée, compte tenu de la diversité des régimes applicables.

La deuxième question qui peut se poser est celle plus générale de la situation de tous les véritables tiers au contrat, c’est-à-dire ceux qui ne tiennent aucun droit réel sur la chose vendue, ni aucun droit personnel sur l’une ou l’autre des parties de la vente. Pour ces tiers, le principe est que la vente vaut titre de propriété. Le transfert de propriété leur est donc opposable dans les conditions fixées dans l’acte de vente, autrement dit soit au jour de conclusion de la vente, soit à une date différée si c’est ce que le contrat prévoit. Dans ce cas, la publicité de l’acte est donc inutile, sauf dans certains domaines dans lesquels le non-respect des formalités de publicités est sanctionné par l’inopposabilité aux tiers, sans distinction entre les tiers. C’est notamment le cas en matière de cession de droits attachés aux brevets, aux marques et aux dessins.

Paragraphe 2 : Le transfert des risques

Le transfert des risques est en principe lié au transfert de propriété, ce qui signifie que les risques suivent la propriété de la chose. C’est l’application de l’adage « res perit domino ». Dans les textes, cette règle résulte de L’ARTICLE 1138 ALINÉA 2 DU CODE CIVIL : « Elle [l’obligation de délivrer la chose] rend le créancier propriétaire et rend la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer, auquel cas la chose reste au risque de ce dernier ». Par conséquent, en principe, si la chose est perdue après formation de la vente mais avant la délivrance, la perte repose sur les épaules de l’acquéreur, qui devra malgré tout en payer le prix. Cette règle trouve une application directe dans le régime des risques du transport nécessaire à la livraison, elle est contenue à L’ARTICLE L132-727 DU CODE DE COMMERCE. 27 « La marchandise sortie du magasin du vendeur ou de l'expéditeur voyage, s'il n'y a convention contraire, aux risques et périls de celui à qui elle appartient, sauf son recours contre le

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Toutefois, que ce soit L’ARTICLE 1138 ALINÉA 2 DU CODE CIVIL ou L’ARTICLE L132-7 DU CODE DE COMMERCE, les principes posés ne sont que supplétifs de volonté, ils sont susceptibles d’aménagements conventionnels. Ces aménagements peuvent dissocier la propriété et les risques.

Sans dissocier le transfert des risques et le transfert de propriété, les parties peuvent aussi différer le transfert de propriété. Cela a pour conséquence de différer le transfert des risques.

Section 2 : Les obligations des parties

Il faut distinguer les obligations de l’acquéreur des obligations du vendeur.

Paragraphe 1 : Les obligations de l’acheteur

Parmi les obligations de l’acquéreur, une est essentielle et ne peut jamais être écartée par contrat, sans quoi la vente perdrait sa qualification. C’est l’obligation de paiement du prix. Les autres obligations de l’acquéreur sont accessoires, elles dépendent des prévisions du contrat et même de ses silences.

A : Le paiement du prix

Il ne présente pas de particularité majeure. Il obéit aux règles générales de paiement d’une somme d’argent. En principe, le prix devient exigible du fait de la délivrance de la chose et non du seul fait du transfert de la propriété. L’ARTICLE 1651 DU CODE CIVIL le dispose expressément : « S’il n’a rien été réglé à cet égard lors de la vente, l’acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance ». Cela entraine trois conséquences notables. La première est qu’il revient au vendeur qui réclame le paiement de prouver non seulement le montant du prix mais également qu’il a bien satisfait à son obligation de délivrance, puisque cette exécution conditionne l’exigibilité du paiement, sauf stipulation contraire. La deuxième est que l’acquéreur peut refuser de payer le prix tant que la délivrance n’est pas parfaite, toujours sauf stipulation contractuelle contraire. Il fait alors application de l’exception d’inexécution de droit commun. Enfin la troisième est que le prix ne produit pas d’intérêts avant la délivrance.

Toutefois, comme l’indique clairement L’ARTICLE 1651 DU CODE CIVIL, la règle qu’il pose n’est pas d’ordre public : elle admet la dérogation contractuelle. Le paiement peut par conséquent être avancé ou différé si les parties en sont d’accord. Le vendeur peut se préserver du risque d’inexécution de cette obligation par l’acquéreur, par exemple en se réservant le droit de conserver la chose tant qu’il n’a pas été payé : c’est le droit de rétention.

commissionnaire et le voiturier chargés du transport. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5D’autres clauses contractuelles peuvent également faire peser ou au

contraire retirer des épaules de l’acheteur des obligations accessoires.

B : Les obligations accessoires

Une première obligation accessoire reposant sur les épaules de l’acquéreur est envisagée à L’ARTICLE 1593 DU CODE CIVIL, qui met à la charge de l’acquéreur « les frais d’actes et autres accessoires à la vente ». Cela a de l’importance en matière immobilière, puisqu’en principe, les frais d’établissement de l’acte notarié ainsi que les charges fiscales reposent sur l’acquéreur. Néanmoins, ces dispositions ont un caractère supplétif, les parties peuvent donc y déroger par une stipulation contraire. Ainsi, la PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DE LA COUR DE CASSATION A CONSIDÉRÉ DANS UN DÉCISION DU 23 DÉCEMBRE 1931 que les parties peuvent choisir de se partager les frais à 50%.

Une autre obligation est l’obligation de coopération. Elle ne concerne que certaines ventes techniques. Cette obligation est d’origine jurisprudentielle et se fonde sur L’ARTICLE 1134 ALINÉA 3 DU CODE CIVIL, qui dispose que les conventions légalement formées « doivent être exécutées de bonne foi ». Cette obligation s’applique à deux stades. D’une part, lors de la conclusion du contrat, afin de permettre au vendeur de fournir le matériel adapté. D’autre part, lors de l’exécution du contrat, pour aider à la mise en place et à l’adaptation du matériel.

Paragraphe 2 : Les obligations du vendeur

L’ARTICLE 1603 DU CODE CIVIL envisage l’ensemble des obligations du vendeur  en disposant que le vendeur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». Cet article n’est cependant pas tout à fait vrai car L’ARTICLE 1602 envisage une autre obligation du vendeur : « Le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ». En outre, depuis les années 1970, de nouvelles obligations ont vu le jour, développées par la jurisprudence. Elles sont considérées comme les suites naturelles du contrat de L’ARTICLE 113528 DU CODE CIVIL. Il s’en conclut que reposent sur le vendeur à la fois des obligations et des garanties.

A : Les obligations

L’obligation principale du vendeur est la délivrance.

28 « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 51 : L’obligation de délivrance

L’ARTICLE 1604 DU CODE CIVIL dispose que « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de la chose ». Cette définition est assez mauvaise. Son seul avantage est qu’elle met l’accent sur la mise en possession de la chose : cela rappelle que dès la conclusion de la vente, la propriété est déjà transférée, avant que la chose ne soit livrée. En revanche, le vendeur n’est pas tenu de transporter la chose jusqu’à l’acquéreur : il s’agit d’une obligation de délivrance et non pas d’une obligation de livraison. En réalité, le vendeur n’est pas tenu de laisser la chose vendue à disposition de l’acquéreur pour qu’il en prenne livraison.

Ainsi, pour les biens immeubles, la délivrance se fait par la remise des titres de propriété et des clés. Pour les biens meubles, elle s’effectuera par la remise matérielle de la chose ou éventuellement par la fourniture du moyen d’accès au lieu où se trouve le bien vendu. Pour les biens incorporels, la délivrance se fait par remise de titre. Concernant le lieu de la délivrance, sauf stipulation contraire, il s’agit en principe du lieu où se trouve la chose de la vente. En outre, sauf stipulation contraire, la délivrance est en principe immédiatement exigible.

La chose délivrée doit être conforme aux spécifications convenues par les parties. La délivrance d’une chose différence constitue donc un manquement à cette obligation, si minime soit la différence et même si elle n’affecte en rien l’usage de la chose. Le vendeur doit délivrer la chose vendue dans son identité même. Aucune substitution ne peut être effectuée, quand bien même cette substitution ne serait pas préjudiciable. La conformité s’entend de la conformité matérielle. Peut ainsi être regardée la contenance contractuellement prévue, notamment en matière de vente immobilière. Ici, par contenance, il faut entendre superficie. Les ARTICLES 1616 À 1619 DU CODE CIVIL envisagent les possibilités de correction du prix si la surface ne correspond pas à ce qui a été convenu. La conformité s’entend également de l’identité de la chose convenue : l’acquéreur peut ainsi exiger l’exemplaire numéroté qui a été convenu du livre qu’il a acquis. De même, il peut exiger le véhicule de la couleur qui a été convenu. La conformité s’entend enfin de la qualité de la chose, qui peut par exemple être définie par le contrat par référence à un échantillon, ou par une norme technique ou professionnel. L’ARTICLE 1615 DU CODE CIVIL inclut expressément dans la délivrance de la chose vendue « ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ». Cette expression vise en particulier les objets attachés à un bien immobilier, des objets devenus immeubles par destination. Plus généralement, il peut également s’agir des accessoires matériels de la chose, comme par exemple une roue de secours pour un véhicule. Les accessoires peuvent également être de nature administrative, comme par exemple les documents « indispensables à une utilisation normale du véhicule vendu », en vertu d’un arrêt de la PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU 22 JANVIER 1991. Enfin, les accessoires peuvent également être tous les fruits produits depuis la vente, comme par exemple les loyers en cas d’achat d’un immeuble. (Pour tout ce paragraphe, cf. mon commentaire de l’article 1582).

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En pratique, l’exécution de son obligation principale par le vendeur est comparable à un paiement. Dès lors, c’est au vendeur qu’appartient la charge de rapporter la preuve de son exécution. En revanche, une fois la délivrance établie, c’est à l’acquéreur qu’il appartiendra de prouver un défaut de conformité. Toujours en pratique, l’acte qui qui va servir de moyen de preuve est un fait juridique, qui se traduit en un acte juridique, la réception. Cette réception s’effectue par la prise de possession par l’acheteur de la chose. Le principe est que l’acheteur qui réceptionne sans faire de réserves (agréation) accepte la chose livrée comme conforme au contrat. Ceci l’empêchera d’élever par la suite des contestations sur ce qu’il a pu contrôler. Par conséquent, seuls les défauts apparents sont couverts par la réception. C’est la raison pour laquelle les défauts cachés, que l’on nomme généralement vices cachés, donnent lieu à une garantie spéciale, organisée par les ARTICLES 1641 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL. En revanche, l’émission de réserves par l’acquéreur retire quant à elle son effet exonératoire à la réception. L’acquéreur prend livraison, mais le vendeur devra, sauf s’il les conteste, satisfaire ses réserves. Cela suppose que le défaut soit réparable. Dans ce cas par exemple, le vendeur devra procéder aux réparations nécessaires. En revanche, les défauts cachés de la chose sont protégés par la garantie des vices cachés.

En vertu de L’ARTICLE 160929 DU CODE CIVIL, la délivrance doit se faire au lieu où était la chose au moment de la vente, sauf stipulations contraires des parties. Le Code ne prévoit en revanche aucun délai légal de délivrance. Les parties peuvent en prévoir un, mais à défaut de délai convenu, les juges estiment généralement que la délivrance doit être effectuée dans un « délai raisonnable ».

L’inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance peut prendre diverses formes. Il y a le défaut total de délivrance, le retard dans la délivrance, ou encore la délivrance défectueuse. Dans les trois cas, la responsabilité du vendeur peut être engagée, mais il faut distinguer selon l’origine de la défaillance et la personne sur laquelle reposait la charge des risques. Si les risques reposaient déjà sur les épaules de l’acquéreur, et si la perte de la chose vendue ou sa dégradation est due à la force majeure, le vendeur n’encoure aucune responsabilité en tant que tel.

Il faut tout de même remarquer que le vendeur est tenu jusqu’à la délivrance de la chose d’une obligation de conservation. Il doit par conséquent non seulement de pas avoir commis de faute dans cette obligation de conservation, mais également il doit prouver que la perte ou la dégradation de la chose est due à la force majeure.

29 « La délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l'objet, s'il n'en a été autrement convenu. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5S’il est établi que le vendeur n’a pas correctement exécuté son obligation

de délivrance, l’acheteur peut, en vertu des ARTICLES 161030 ET 161131 DU CODE CIVIL, qui sont des applications spécifiques de L’ARTICLE 118432, soit demander l’exécution forcée si elle est encore possible, soit demander la résolution judiciaire du contrat sur le fondement de L’ARTICLE 1610, et éventuellement demander en supplément des dommages et intérêts, soit demander uniquement des dommages et intérêts. Il peut même parfois demander une réduction du prix. Mais une telle demande, si elle est admise pour les ventes commerciales (ex : vente de fonds de commerce), est refusée pour les ventes civiles. La réfaction du prix est en effet interdite en matière civile : la Cour de cassation la refuse (ex : CIV 3, 29 JANVIER 2003). C’est la raison pour laquelle le juge civil viendra fixer une indemnité qui se compensera avec le prix.

2 : Les autres obligations, d’origine jurisprudentielle

Elles ont été consacrées depuis les années 1970. Les juges estiment que le fondement de ces obligations repose dans deux textes, L’ARTICLE 1134 ALINÉA 3 DU CODE CIVIL (obligation d’exécuter les contrats de bonne foi) et L’ARTICLE 113533, qui incorpore au contrat les suites naturelles de l’obligation. A partir de ces articles, les juges ont considéré que repose sur le vendeur une obligation de renseignement, et notamment qu’une telle obligation repose sur le vendeur professionnel. Le vendeur doit ainsi renseigner les acheteurs éventuels sur les caractéristiques essentielles du produit. Même après la conclusion du contrat, le vendeur doit fournir à l’acquéreur toutes les indications nécessaires à l’utilisation de la chose. Il doit également indiquer les précautions d’emploi de la chose, notamment pour les produits dangereux. S’il est professionnel, il doit fournir une notice explicative. Mais cette obligation de renseignement dépend de la qualité des parties : ainsi pour ce qui regarde l’acquéreur, cette obligation est beaucoup plus intense à son égard lorsqu’il est profane. La PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DANS UN ARRÊT RENDU LE 3 JUIN 1998, a considéré que vis-à-vis d’un accord professionnel, « l’obligation de renseignement du vendeur n’existe que dans la

30 « Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur. »

31 « Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu. »

32 « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »33 « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5mesure où la compétence de l’acquéreur ne lui donne pas les moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques ».

En outre, la bonne foi impose au vendeur de dire ce qu’il sait, même s’il vend à un professionnel. La PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, LE 26 NOVEMBRE 1976, a estimé que « celui qui traite avec un professionnel n’est pas dispensé de lui fournir les renseignements qui sont en sa possession et dans l’absence altère le consentement du co-contractant ». En définitive, cette obligation de renseignement n’est pas limitée au vendeur professionnel, mais c’est essentiellement sur lui qu’elle pèse. Le vendeur non-professionnel n’est pas tenu d’apporter toutes les connaissances techniques, mais l’acquéreur reste en droit d’attendre qu’il dise honnêtement ce qu’il sait au sujet de la chose vendue.

Repose aussi sur le vendeur une autre obligation, l’obligation de conseil. Elle repose sur le vendeur professionnel à l’égard de l’acheteur profane ou de l’acheteur moins spécialiste que le vendeur. Elle concerne moins la chose que l’opportunité de son acquisition pour l’acquéreur, eut égard à ce qu’il souhaite faire. Conformément au droit commun de la preuve, la Cour de cassation considère qu’il appartient au débiteur de l’obligation de renseignement/conseil de rapporter la preuve de son exécution, selon un ARRÊT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU 15 MAI 1997. Cette charge de la preuve appartient surtout au vendeur professionnel.

Repose également sur le vendeur, lorsqu’il est producteur ou fournisseur de la chose vendue, une obligation de sécurité : c’est ce que l’on appelle la responsabilité des producteurs ou fournisseurs pour les produits défectueux. Elle est issue d’une LOI DU 19 MAI 1998 qui n’est autre que la transposition en droit français d’une DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE DU 25 JUILLET 1985.

B : Les garanties

L’ARTICLE 1625 DU CODE CIVIL prévoit que la garantie « que le vendeur dit à l’acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second les défauts cachés de cette chose, ou les vices rédhibitoires ».

La possession paisible de la chose est destinée à prémunir l’acquéreur d’un risque d’éviction, c’est-à-dire un risque d’être dépossédé de la chose, ou en tout cas de sa jouissance. C’est la garantie d’éviction.

La garantie des vices cachés protège quant à elle l’acquéreur des troubles qui affectent l’usage de la chose vendue dont il n’a pu se rendre compte au moment de la vente.

1 : La garantie d’éviction

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Il s’agit de protéger l’acquéreur dans la jouissance de la chose achetée. Il

s’agit non seulement de la protéger du fait personnel du vendeur, mais aussi du fait d’un tiers.

Il n’est pas concevable que le vendeur menace la propriété ou la jouissance du bien qu’il a vendu. C’est la raison pour laquelle la garantie d’éviction l’empêche d’invoquer un droit sur la chose, que le vendeur soit ou non titulaire de ce droit. Si le vendeur formule une telle demande en justice (par exemple revendique l’usufruit de la chose), l’acquéreur pourra invoquer l’exception de garantie qui est perpétuelle. Par exemple, le vendeur ne saurait s’appuyer sur la prescription acquisitive pour se faire reconnaître la propriété de la chose vendue mais dont il a conservé la possession. En revanche, le vendeur peut toujours engager une action en nullité contre la vente ou une action en rescision pour lésion (uniquement pour les ventes immobilières) ou une action en résolution de la vente, car dans ce cas il ne prétend pas au droit sur la chose mais s’attaque directement à la vente.

La garantie d’éviction protège également l’acquéreur des troubles de faits qui pourraient provenir du vendeur. Par exemple, le vendeur d’un fonds de commerce doit s’abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé. Cette garantie d’éviction du fait personnel du vendeur est d’ordre public, en vertu de L’ARTICLE 1628 DU CODE CIVIL34.

2 : La garantie du fait des tiers

Elle ne porte que sur les troubles de droit. C’est le cas par exemple lorsqu’un tiers bénéficie d’une servitude ou d’un droit d’usage sur la chose vendue. Le vendeur doit alors garantie car il aurait dû révéler ces charges. Concernant la mise en œuvre de cette garantie d’éviction, deux options sont offertes à l’acquéreur. S’il est assigné en justice par un tiers, il peut appeler le vendeur en garantie. Dans ce cas, le vendeur devient partie au procès, et l’acquéreur peut se retirer. Si le tiers obtient satisfaction, c’est le vendeur qui est condamné à indemniser. L’acquéreur peut aussi actionner cette garantie : on parle alors de garantie principale.

La garantie du fait d’un tiers, contrairement à la garantie du fait personnel du vendeur, peut être écartée par une stipulation contractuelle contraire, en vertu de L’ARTICLE 162735. Si l’acquéreur est évincé en définitive, il pourra obtenir la restitution du prix ainsi que des dommages et intérêts, ou encore le remboursement de toutes les réparations ou améliorations qu’il aura faite sur le bien.

34 « Quoiqu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel : toute convention contraire est nulle. »

35 « Les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l'effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 53 : La garantie des vices cachés

Elle est prévue aux ARTICLES 1641 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL. En vertu de L’ARTICLE 1641, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus ». Cette garantie est appelée garantie des vices cachés. Elle a connu un développement considérable depuis quelques dizaines d’années, d’une part en raison de l’accroissement de la technologie

En pratique, la garantie des vices cachés ne s’applique pas à toutes les ventes. Sont exclues notamment les ventes faites par autorité de justice. De manière générale, les ventes dites aléatoires, c’est-à-dire celles dans lesquelles l’acquéreur achète le bien en l’état, exclues également la garantie des vices cachés. En outre, la garantie des vices cachés peut être écartée par les parties. C’est ce que prévoit L’ARTICLE 1643 DU CODE CIVIL36. Mais en raison de l’évolution des relations entre professionnels et consommateurs, il n’est pas possible d’écarter la garantie des vices cachés pour le vendeur professionnel. Une telle clause serait considérée comme abusive. De la même manière, les ventes d’animaux ne sont pas couvertes par la garantie des vices cachés.

Le vice doit soit rendre la chose inutilisable (vice rédhibitoire), doit en diminuer l’utilité. Il doit être inhérent à la chose et être antérieur au transfert des risques, ce qui ne signifie pas qu’il soit apparu avant ce transfert mais qu’il existait en germe dès la vente. Enfin, le vice doit être caché : il ne doit pas être apparent. Cela soulève une question, celle des vérifications que doit faire l’acquéreur. L’assemblée plénière de la Cour de cassation a eu à envisager cette question dans une DÉCISION RENDUE LE 27 OCTOBRE 2006. Cette décision concernait l’achat d’un bien immobilier dont la charpente et certaines tuiles étaient dégradées, ce qui ne pouvait être constaté qu’à condition de pénétrer dans les combles et de monter sur la toiture alors que l’accès aux combles était difficile, voire périlleux. A l’occasion de cette décision, la Cour de cassation a affirmé que l’acquéreur n’est pas tenu d’effectuer une manœuvre difficile pour effectuer ces vérifications. En outre, il n’est pas tenu non plus de faire faire ces vérifications par un homme de l’art, car cela reviendrait à ajouter à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.

L’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Avant 2005 ce délai n’était pas chiffré : le Code civil disposait que l’action devait être exercée dans un « bref délai ». Si cette action aboutit, L’ARTICLE 164437 DU CODE CIVIL ouvre à l’acquéreur une option entre la résolution de la vente (on parle alors d’action rédhibitoire) ou une simple diminution du prix (action estimatoire).

36 « Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. »

37 « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 514/10/2015

A qui le vendeur doit-il garantie ? Naturellement, à l’acquéreur, mais pas uniquement, puisque le sous-acquéreur d’un produit peut non seulement exercer un recours contre son vendeur mais, en dépit de L’ARTICLE 1165 DU CODE CIVIL38 (effet relatif des conventions), une jurisprudence constante depuis un ARRÊT DE LA CHAMBRE CIVILE DU 25 JANVIER 1820 reconnait au sous-acquéreur une action directe contractuelle contre l’auteur de son vendeur (le premier vendeur ou le fabricant), et plus généralement contre n’importe lequel des vendeurs situés en amont de la chaîne de contrat de vente. Concernant le domaine de cette action directe, il est très large puisqu’il concerne non seulement l’obtention de dommages et intérêts, mais aussi la garantie des vices cachés (CASS, COM, 17 MAI 1982), l’action en non-conformité de la chose livrée, qui répond à l’inexécution de l’obligation de délivrance, la garantie d’éviction, et plus généralement l’ensemble des obligations du vendeur. Cette action directe contractuelle est non seulement admise pour les « chaînes homogènes translatives de propriété » (successions de vente) mais aussi pour les « chaînes hétérogènes » (vente suivant ou précédent un contrat d’entreprise, CASS, PLEN, 7 FÉVRIER 1986). En revanche, l’action directe n’est pas admise dans le cadre d’une chaîne homogène non translative de propriété (cf. étude du contrat d’entreprise plus loin dans le cours).

38 « Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121. »

ARTICLE 1121 : « On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5

Sous-titre 2 : L’échangeIl désigne le transfert réciproque de deux biens d’un patrimoine à un

autre. L’échange n’est traité que par très peu de textes du Code civil, car celui-ci renvoie souvent aux articles sur la vente. L’ARTICLE 1702 présente l’échange comme « le contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre ». Chaque partie à un contrat d’échange est appelé copermutant ou coéchangiste. La caractéristique principale du contrat d’échange est de réaliser le même transfert de droit réel que la vente, mais non plus contre une somme d’argent mais contre un transfert de droit réel. L’opération d’échange peut donc être perçue comme la contraction de deux ventes réciproques. Mais le versement d’une soulte par l’un des copermutants peut également être prévu pour compenser l’excédent de valeur du ou des biens qu’il reçoit par rapport à celle du ou des biens qu’il échange. Il convient de ne pas s’arrêter au terme chose visé par L’ARTICLE 1702 : en effet, le contrat d’échange s’applique exactement aux même objets que la vente (biens corporels, incorporels, démembrement du droit de propriété, etc…). Tout ce qui peut être vendu peut être échangé.

Le contrat d’échange est régi par les articles 1702 à 1707 du Code civil. Le principe posé par ces articles est celui de l’assimilation de l’échange à la vente, aussi bien au regard de la formation du contrat que pour ce qui regarde ses effets. L’ARTICLE 1703 dispose ainsi « L’échange s’opère par le seul consentement, de la même manière que la vente » : c’est un transfert de propriété solo consensu. L’ARTICLE 1707 opère quant à lui un renvoi général aux règles applicables en matière de vente : « Toutes les autres règles prescrites pour le contrat de vente s’appliquent d’ailleurs à l’échange ».

Deux mécanismes de la vente sont toutefois exclus en matière d’échange. D’une part, la rescision pour lésion, par L’ARTICLE 170639 DU CODE CIVIL. D’autre part, le jeu du droit de préemption est également exclu en matière d’échange. La règle est ici d’origine prétorienne, et a été énoncée par un ARRÊT DU 3 JUILLET 1957 PAR LES CHAMBRES RÉUNIES DE LA COUR DE CASSATION. Elle est justifiée par le fait que le préempteur ne pourrait pas fournir la prestation prévue au contrat. Cependant, cette règle est écartée si une vente véritable a été transformée en échange pour faire échec au droit de préemption. En effet, une telle manœuvre constituerait une fraude. Ainsi, LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE DE LA COUR DE CASSATION, DANS UNE DÉCISION DU 9 JANVIER 1991, a confirmé un arrêt qui annulait l’échange d’un bien agricole évalué à 73 980 francs contre une petite parcelle de terrain d’une valeur 8 100 francs et une soulte de 65 880 francs. Elle a considéré que les juges du fond avaient souverainement retenu l’existence d’une fraude destinée à écarter le droit de préemption.

39 « La rescision pour cause de lésion n'a pas lieu dans le contrat d'échange. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5

Sous-titre 3 : La fiducieIl est une transposition en droit français du trust anglo-saxon. En vertu DE

L’ARTICLE 2011 DU CODE CIVIL, il s’agit de « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfère des biens, des droits ou des sûretés, ou d’un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ». Il s’agit donc d’un transfert de propriété finalisé sans paiement de prix, et donc un transfert temporaire de propriété. Le contrat fixe les conditions dans lesquelles le fiduciaire doit rendre compte de sa mission au constituant : c’est L’ARTICLE 202240 DU CODE CIVIL qui le prévoit. Le fiduciaire répond de ses fautes sur son patrimoine propre, en vertu de L’ARTICLE 202641. Ses manquements pourraient justifier son remplacement, en vertu de L’ARTICLE 202742.

40 « Le contrat de fiducie définit les conditions dans lesquelles le fiduciaire rend compte de sa mission au constituant. Toutefois, lorsque pendant l'exécution du contrat le constituant fait l'objet d'une mesure de tutelle, le fiduciaire rend compte de sa mission au tuteur à la demande de ce dernier au moins une fois par an, sans préjudice de la périodicité fixée par le contrat. Lorsque pendant l'exécution du contrat le constituant fait l'objet d'une mesure de curatelle, le fiduciaire rend compte de sa mission, dans les mêmes conditions, au constituant et à son curateur.Le fiduciaire rend compte de sa mission au bénéficiaire et au tiers désigné en application de l'article 2017, à leur demande, selon la périodicité fixée par le contrat. »

41 « Le fiduciaire est responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu'il commet dans l'exercice de sa mission. »

42 « En l'absence de stipulations contractuelles prévoyant les conditions de son remplacement, si le fiduciaire manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le constituant, le bénéficiaire ou le tiers désigné en application de l'article 2017 peut demander en justice la nomination d'un fiduciaire provisoire ou solliciter le remplacement du fiduciaire. La décision judiciaire faisant droit à la demande emporte de plein droit dessaisissement du fiduciaire originaire et transfert du patrimoine fiduciaire en faveur de son remplaçant. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 516/10/2015

Titre 2 : Les contrats de mise à disposition d’une chose

Il ne s’agit plus de transférer la propriété d’un bien mais juste d’en permettre la jouissance. Les contrats de mise à disposition, que l’on appelle aussi contrats de jouissance, repose sur l’exécution d’une obligation caractéristique, sur les épaules du maître de la chose : en attribuer l’usage et la jouissance à autrui (à son créancier) sans pour autant en perdre la propriété. Par conséquent, les contrats que nous allons étudier supposent un retour de la chose dans les mains de son propriétaire au terme du contrat. Il y a donc également une obligation de restitution.

Le Code civil envisage les contrats de mise à disposition dans deux articles principalement. A son ARTICLE 1709, il envisage le bail, et à L’ARTICLE 1875, il envisage le prêt à usage, aussi appelé commodat.

Les contrats de mise à disposition ne portent pas sur des droits réels, c’est-à-dire des droits sur la chose, mais sur un droit personnel, c’est-à-dire le droit d’exiger d’une personne (le débiteur) une prestation.

Sous-titre 1 : Le contrat de bail Celui qui loue une chose en tant que propriétaire est appelé bailleur ou

loueur. De l’autre côté, on trouve le locataire, ou preneur. Le bail est défini par L’ARTICLE 1709 du Code civil : « Le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix, que celle-ci s’oblige à lui payer ». Cet article est précédé de L’ARTICLE 1708, qui prévoit deux sortes de contrat de louage : celui des choses, et celui d’ouvrage. Le contrat de louage d’ouvrage est l’ancêtre du contrat de travail, et a servi de base au contrat d’entreprise.

La lecture de L’ARTICLE 1709 permet de constater que la prestation caractéristique du contrat de bail est la mise à disposition d’une chose à titre temporaire. Cette condition permet une certaine stabilité au preneur. L’ARTICLE 1709 oblige le bailleur à permettre la jouissance du bien par le bailleur. La prestation prévue en contrepartie de cette obligation n’est autre qu’un paiement, appelé loyer, mais il est possible d’imaginer des baux sans contrepartie financière, avec une autre contrepartie.

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DROIT CIVIL – LES CONTRAS SPECIAUX (ou droit spécial des contratsM. A. HAID

LICENCE 3 SEMESTRE 5Le contrat de bail a énormément évolué depuis les dispositions que lui

consacre le Code civil depuis 1804. A l’origine, le Code civil y consacre une soixantaine d’articles : les ARTICLES 1713 À 1778 DU CODE CIVIL. Ce corps de règles est resté très stable. Mais parallèlement ont été créés une multitude de régime spéciaux, notamment depuis le lendemain de la première guerre mondiale et le développement d’une préoccupation du législateur, qui est la stabilité du locataire. Cette recherche de stabilité s’est notamment traduit par de nombreuses dispositions impératives, alors qu’une partie du Code civil est composé de dispositions supplétives, en matière de baux d’habitation, de baux commerciaux, de baux ruraux, de baux professionnels ou de baux mixtes.

Parallèlement, le bail mobilier a connu un essor considérable, mais il dissimule alors un instrument de crédit. Il s’agit là d’un crédit à la consommation, ou en tout cas en vue de la consommation. Ainsi, on a vu naître de nouvelles formes élaborées de baux : la location-vente, le crédit-bail. Ces nouvelles formes de baux montrent la professionnalisation de l’activité de bailleur. Le contrat de bail s’est donc progressivement spécialisé.

Chapitre 1   : Les éléments fondamentaux du bail Chapitre 2   : La formation du contrat de bail Chapitre 3   : Les effets du contrat de bail Chapitre 4   : La transmission du bail Chapitre 5   : L’extinction du bail

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Chapitre 1 : Les éléments fondamentaux du

contrat de bail

Nous envisagerons les trois éléments fondamentaux du contrat de bail : d’abord l’obligation caractéristique du bailleur (section 1), puis la prestation réciproque du preneur (section 2), et enfin la durée du bail (section 3). Dans une section 4, nous verrons la diversité des régimes spéciaux de baux.

Section 1 : La mise à disposition temporaire d’une chose

Le bail prévoit, quel qu’il soit, une mise à disposition temporaire d’une chose au bénéfice du preneur, par l’intermédiaire d’une obligation imposée à titre personnel au bailleur. Le bail doit donc être distingué à la fois des contrats transférant ou constituant des droits réels et des contrats de service.

Concernant la distinction avec les contrats transférant des droits réels, il doit d’abord être distingué de la vente. En effet, la vente opère un transfert instantané de la propriété. Par conséquent, il repose nécessairement sur le locataire une obligation de restitution. Mais parfois, certains baux sont conclus en vue d’une vente : la pratique a en effet fait naître des contrats hybrides, complexes, qui dissimulent des opérations de financement. On trouve par exemple la location-vente ou encore la location-accession. Concernant la location-vente, elle est l’association de la location d’une chose puis de sa vente. Elle peut être prévue selon diverses modalités. Ainsi, une personne peut louer une chose à une autre, celle-ci s’engageant à acquérir la chose à l’issue de la période locative. C’est une location-vente sans faculté d’option. Une personne peut également louer une chose à une autre, qui peut acquérir la chose à l’issue de la période locative. Dans cette forme, le preneur bénéficie d’une option. C’est l’association d’un bail et d’une promesse unilatérale de vente. Ces locations-ventes ont un avantage majeur pour le bailleur, considéré alors en tant que vendeur potentiel. Il lui offre ainsi un mécanisme de sûretés, puisque celui-ci reste propriétaire de la chose pendant toute la période locative. Concernant la location-accession, en matière immobilière, c’est la variante de la location-vente. Elle est régie par une LOI DU 12 JUILLET 1984. Il y a un bail assorti d’une promesse unilatérale de vente. La loi de 1984 poursuit essentiellement comme finalité la protection de l’accédant. Ainsi, le contrat doit être conclu par acte authentique, doit être publié au bureau des Hypothèques, sous peine de nullité absolue (ARTICLE 4 DE LA LOI). Le contrat doit comporter des mentions obligatoires, un état des lieux établi contradictoirement. Depuis la LOI SRU DU 13 DÉCEMBRE 2000, l’accédant dispose d’une faculté de rétractation (ART R271-1 CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’HABITAT).

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LICENCE 3 SEMESTRE 5L’accédant est, dès la conclusion du contrat, considéré comme copropriétaire (ARTICLE 32 DE LA LOI). Le droit commun du bail est écarté au profit des règles spéciales établies par la loi de 1984.

Il faut également distinguer le contrat de bail du contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé, appelé généralement time-share. En effet, depuis les années 1960’, des formules contractuelles permettant des acquisitions « d’un temps de jouissance » d’un bien immobilier ont vues le jour et se sont multipliées. Une LOI DU 8 JUILLET 1998 transposant une DIRECTIVE EUROPÉENNE DU 26 OCTOBRE 1994, a pour but de protéger le consommateur des nombreux abus effectués en ce domaine. Ces contrats sont désormais visés dans le Code de la consommation, qui prévoit certaines règles de protection : formalisme, droit de rétractation, etc…

Il faut enfin distinguer le contrat de bail des contrats de service. Il doit être distinguer d’abord du contrat d’entreprise. L’ARTICLE 1708 DU CODE CIVIL semble relier les deux contrats en envisageant le louage d’ouvrage. Pourtant, ces deux contrats sont radicalement différents. Le contrat de bail concerne une chose préexistante au moment de l’échange des consentements, le contrat d’entreprise porte sur une prestation. Des complications peuvent surgir lorsqu’une obligation contractuelle associe la mise à disposition d’un bien et l’accomplissement de prestations. Par exemple, le contrat d’hôtellerie prévoit la mise à disposition d’une chambre à titre temporaire, mais il prévoit aussi des prestations. Les juges, dans ces cas douteux, vont regarder quelle est la prestation la plus importante du contrat, pour retenir une qualification unique ou une qualification mixte. Le contrat de bail doit également être distingué du dépôt. Le bailleur met une chose à la disposition du preneur pour que ce dernier l’utilise, tandis que le déposant remet une chose au dépositaire afin qu’il la conserve et la lui restitue en fin de contrat. Par conséquent, alors que l’obligation de mise à disposition est caractéristique du bail, c’est l’obligation de garde qui est caractéristique du dépôt, et elle repose sur le débiteur, ici le dépositaire.

Section 2 : La contrepartie financière

A la lecture de L’ARTICLE 1709 DU CODE CIVIL, on comprend que l’existence d’une contrepartie à la mise en disposition et au maintien en jouissance du preneur est indispensable pour que soit retenue la qualification de bail. Le contrat de bail est par nature un contrat à titre onéreux. En l’absence de contrepartie, le contrat sera souvent requalifié en prêt à usage, ou commodat, présenté à L’ARTICLE 187543 DU CODE CIVIL, et pour lequel L’ARTICLE 187644 prévoit qu’il est à titre gratuit. Les difficultés de distinction peuvent naître si le contrat prévoit une contrepartie financière modique : si le prix est dérisoire, une requalification est possible. Toutefois, certains baux peuvent être conclus sans prévoir une contrepartie de nature financière, elle peut être d’une autre nature. C’est notamment le cas du bail à la construction, encadré par les 43 « Le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. »

44 « Ce prêt est essentiellement gratuit. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5ARTICLES L251-1 DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’HABITATION. En vertu de cet article, constitue « un bail à construction le bail par lequel le preneur s’engage, à titre principal, à édifier des constructions, sur le terrain du bailleur, et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail ». En vertu de L’ARTICLE L251-5, « le prix du bail peut consister en toute ou partie dans la remise au bailleur, à des dates et dans des conditions convenues, d’immeubles ou de fractions d’immeubles, ou de titres donnant vocation à la propriété ou à la jouissance de tels immeubles ».

21/10/2015

Section 3 : La durée du bail

La durée de bail renvoie à L’ARTICLE 1709, qui vise l’expression « pendant un certain temps ». Il y a donc une durée nécessaire, et il y a derrière cette expression un souci, celui d’assurer une certaine stabilité au preneur. Toutefois, puisque la liberté contractuelle domine le droit commun du bail, des conventions d’occupation précaire peuvent être admises, à condition cependant qu’elles ne permettent pas de contourner les statuts locatifs spéciaux. Ainsi, la Cour de cassation exige que le caractère provisoire de la mise à disposition soit justifié par « des circonstances exceptionnelles et indépendantes de la volonté des parties », dans une décision de la TROISIÈME CHAMBRE CIVILE DU 19 NOVEMBRE 2003.

Il faut également indiquer que L’ARTICLE 1709 prohibe les baux perpétuels, ou ceux dont la durée ne dépendrait que de la volonté de l’une des parties. Il existe cependant des baux de longue durée : le preneur dispose alors d’une longue durée de mise à disposition. C’est le cas dans le bail emphytéotique45 et pour le bail à construction. Lorsque ces baux d’immeubles sont d’une durée de plus de 12 ans, ils sont soumis au régime des actes translatifs de propriété quant à leur opposabilité. Cela signifie qu’ils doivent faire l’objet d’une publicité foncière, en vertu du DÉCRET DU 4 JANVIER 1955, ARTICLE 28-1.

Section 4 : La diversité des régimes de baux

En principe, tout peut être loué. Plus précisément, tout ce qui peut être vendu peut être loué. Un bien mobilier peut donc faire l’objet d’un contrat de bail, un bien immobilier également.

45 Bail emphytéotique : est le bail par lequel un propriétaire concède un immeuble pour une durée de 18 à 99 ans, moyennant une redevance annuelle modique appelée canon emphytéotique, sous l’obligation d’améliorer de planter ou d’améliorer l’immeuble loué pour le preneur, nommé emphytéote. Celui-ci acquiert un véritable droit réel appelé droit d’emphytéose.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Concernant les baux mobiliers, le bail peut concerner aussi bien les biens

corporels que les biens incorporels. Pour les biens meubles corporels, les contrats sont soumis aux règles supplétives du Code civil, sous réserve, dans les rapports entre professionnels et consommateurs, de la protection assurée par le Code de la consommation. Pour les biens meubles incorporels, la location est soumise à des textes spéciaux. Ainsi le contrat de location-gérance est la convention par laquelle le propriétaire d’un fonds de commerce en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls (CODE DE COMMERCE, ART. L144-1). Le régime de la location-gérance est prévu aux ARTICLES L144-1 ET SUIVANTS DU CODE DE COMMERCE. De manière analogue, les contrats de licence, ceux concernant les brevets d’invention ou encore les droits d’auteurs, relèvent du droit de la propriété intellectuelle. Même s’il s’agit de louage, ce type de louage relève de règles spéciales posées par le Code de la propriété intellectuelle.

Concernant les baux immobiliers, ils peuvent être de quatre catégories, en fonction de la destination de l’immeuble loué. Il existe en effet des baux d’habitation, des baux relatifs à l’exploitation commerciale, des baux visant l’activité agricole (baux ruraux) et des baux professionnels (destinés à permettre l’exercice d’une activité libérale).

A : Les baux d’habitation

Ils sont indéniablement le domaine qui a fait l’objet de plus de discussions politiques et donc du plus d’intervention législative. Le premier texte est la LOI DU 1ER SEPTEMBRE 1948. Le but est de protéger le preneur. Une autre LOI, DU 22 JUIN 1982, DITE LOI QUILLIOT, est venue consacrer l’existence d’un droit à l’habitat (LOL ><’). Quatre ans plus tard, un autre texte, la LOI DU 23 DÉCEMBRE 1986. Trois ans plus tard, un autre texte, la LOI DU 6 JUILLET 1989, LOI MERMAZ. Le problème est que ces textes ne se sont pas abrogés les uns les autres mais ajoutés, ou plus exactement les suivants modifient parfois les précédents. L’objectif est d’assurer une protection et une stabilité de plus en plus forte pour le locataire. Une LOI DU 21 JUILLET 1994 est également venue réformer les baux d’habitation en apportant quelques retouches à la loi Mermaz, suivie par la LOI DITE RSU DU 13 DÉCEMBRE 2000, avec la création de l’obligation pour le bailleur de délivrer un logement décent. Enfin, il faut citer LA LOI ALUR, ACCÈS AU LOGEMENT ET À L’URBANISME RÉNOVÉ, DU 24 MARS 2014.

23/10/2015

La LOI DU 1ER SEPTEMBRE 1948 est toujours en vigueur : elle régit donc les baux d’habitation conclus entre 1948 et 1982. La LOI DU 22 JUIN 1982 a été abrogée par la LOI DU 23 DÉCEMBRE 1990, à l’exception des contrats en cours : elle vaut donc toujours pour les baux conclus entre 1982 et 1986. La LOI DU 23 DÉCEMBRE 1986, plus libérale, vaut pour les contrats conclus entre 1986 et 1989. La LOI DU 6 JUILLET 1989 s’applique aux contrats conclus depuis 1989. La LOI DU

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LICENCE 3 SEMESTRE 524 MARS 2014 est considérée comme partiellement applicable aux contrats en cours. Certains articles sont applicables aux contrats en cours au moment de l’adoption de la loi, et certains articles ne le sont pas.

Tous ces dispositifs ont pour but de protéger le preneur, généralement en règlementant la durée du bail, mais aussi en prévoyant sa tacite reconduction, ainsi qu’un délai de préavis pour mettre fin au contrat. La LOI DE 1948 n’a pas prévu de durée du bail. La loi la plus fréquente est CELLE DU 6 JUILLET 1989, qui prévoit que le bail est conclu en principe pour une durée minimum de trois ans. Elle prévoit également qu’à l’échéance du terme, le bailleur peut mettre fin au contrat en donnant un congé motivé qui doit respecter un délai de six mois, et que le locataire peut mettre fin au contrat en respectant quant à lui un délai de trois mois.

B : Les baux commerciaux

Ils sont consacrés dans le Code de commerce depuis une LOI DU 17 MARS 1909, mais leur existence avait déjà été admise par la Cour de cassation avant cela, avec la théorie du fonds de commerce. On retrouve la vente du fonds de commerce aux ARTICLES L141-5 ET SUIVANTS DU CODE DE COMMERCE.

Le régime du bail commercial se caractérise par la reconnaissance d’un droit au renouvellement, à l’expiration du bail, au profit du locataire. Néanmoins, le bailleur peut y faire échec en acceptant de régler une indemnité d’éviction. En principe, le bail a une durée minimale de neuf ans. Certaines règles viennent plafonner les loyers. D’autres viennent faciliter l’exploitation du fonds en autorisant le locataire à déspécialiser son activité. Enfin, le bail commercial peut être cédé.

C : Les baux ruraux

Il s’agit des baux destinés à l’exploitation agricole. Ils sont d’abord visés par le Code civil, qui prévoit des règles sur d’une part le bail à ferme aux ARTICLES 1764 ET SUIVANTS et d’autre part le bail à cheptel aux ARTICLES 1800 ET SUIVANTS. Toutefois, ce ne sont pas ces textes qui constituent l’essentiel de la règlementation actuelle. Ce sont ceux issus d’un DÉCRET DU 16 MARS 1983, et que l’on peut retrouver aux ARTICLES L411-1 ET SUIVANTS DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME. Ces dispositions concernent « la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter » (ARTICLE L411-1 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME).

Sont prévus : - Un contrôle des loyers - Une durée minimale de bail de neuf ans- Un droit à renouvellement à l’expiration du bail, avec une exception en

cas de reprise par le bailleur en vue d’une exploitation personnelle du bien

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LICENCE 3 SEMESTRE 5- Un droit de préemption pour le preneur en cas de vente

D : Les baux professionnels

Ils peuvent être soit uniquement des baux professionnels ou être des baux mixtes, à la fois d’habitation et professionnel. Ces baux sont envisagés par la LOI DU 23 DÉCEMBRE 1986 depuis la LOI DU 6 JUILLET 1989 (C’EST LOGIQUE). Une durée minimale de six ans est prévue. Le bail doit être établi par écrit. Il est prévu une reconduction tacite du bail. Le congé doit être donné en respectant un délai de préavis de six mois, qu’il s’agisse du bailleur ou du preneur. Pour les baux mixtes, ce sont les règles des baux d’habitation qui s’appliquent car elles sont plus protectrices.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Chapitre 2 : La formation du contrat de bail

Le principe est le même qu’en matière de contrat de vente : c’est le consensualisme. Ainsi en droit commun le bail n’est soumis à aucune condition de forme. En revanche, les statuts spéciaux exigent souvent un écrit, à la précision que le défaut d’écrit n’affecte jamais la validité du contrat. C’est le cas pour les baux ruraux et les baux d’habitation. Cela s’explique par le fait que si le défaut d’écrit était sanctionné, le preneur serait double victime : il n’aurait pas d’écrit et pas de logement. Il faut toutefois remarquer que la LOI ALUR DU 11 MARS 2014 a prévu un nouveau type de sanction en cas de défaut de délivrance d’un contrat complet. C’est la nouvelle rédaction de L’ARTICLE 3 DE LA LOI DE 1989 : la sanction est une possible diminution du loyer.

Pour le reste, le droit commun des contrats s’applique en principe. Sont par exemple applicables pour le droit commun du bail toutes les dispositions relatives aux vices du consentement. La location d’un bien n’est qu’un acte d’administration, et par conséquent seule la capacité d’administrer le bien est exigée, et non la capacité de disposer du bien, sauf pour les baux d’une durée supérieure à neuf ans ou pour les baux soumis à un statut spécial ouvrant droit à renouvellement au bénéfice du preneur. Dans ces dernières hypothèses, le bail exige la capacité de disposer du bien et est soumis aux autorisations prévues dans les règles relatives à la capacité pour les actes de disposition. A défaut de cette autorisation, le bail n’est pas nul mais est ramené au maximum de neuf ans.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Chapitre 3 : Les effets du contrat de bail

Section 1 : Les obligations du bailleur

Elles sont décrites pour le droit commun dans le Code civil, de manière assez minutieuse, aux ARTICLES 1719 À 1727. Ces articles sont complétés par les règles spéciales propres à certains baux. En outre, le bail n’a pas échappé au mouvement jurisprudentiel, qui a posé à certains débiteurs une obligation de conseil.

Les obligations du bailleur sont notamment énoncées à l’article 1719, qui envisage son obligation de délivrance (§1), son obligation d’entretien (§2) et son obligation de garantie de jouissance paisible du preneur (§3).

Paragraphe 1 : L’obligation de délivrance

Elle ressemble très largement à celle du vendeur. Il s’agit de mettre la chose louée à la disposition du preneur. L’obligation de délivrance du bailleur est même plus étendue que celle du vendeur puisqu’il doit délivrer une chose libre de toute occupation, et que cette obligation de délivrance perdure tout au long de la durée du contrat.

En outre, en vertu de L’ARTICLE 1720 ALINÉA 1ER, « le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce ». Toutefois, une clause de location en l’état, c’est-à-dire sans réparation, est valable. Il est même possible de prévoir que certains travaux seront effectués par le locataire : la LOI DU 6 JUILLET 1989 l’autorise légalement pour les baux d’habitation dans son ARTICLE 6-A. Mais une telle clause est strictement encadrée et doit prévoir le dédommagement du locataire. En revanche, la Cour de cassation a affirmé, dans une DÉCISION RENDUE PAR LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE LE 3 FÉVRIER 2010 que les parties ne peuvent valablement convenir que le locataire exécutera, même avec une contrepartie, les travaux de mise aux normes, de confort et d’habitabilité prévues par le DÉCRET DU 6 MARS 1987.

Depuis la LOI SRU DU 13 DÉCEMBRE 2000, si le logement constitue l’habitation principale du preneur, le bailleur doit délivrer un logement décent.

Paragraphe 2 : L’obligation d’entretien

C’est le prolongement de l’obligation de délivrance en matière de bail. C’est pourquoi deux types de réparation sont envisagés. Les grosses réparations sont à la charge du bailleur. Ce sont celles qui touchent à la structure de la chose. Le preneur doit lui assurer les réparations locatives. Pour les baux

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LICENCE 3 SEMESTRE 5d’habitation, ces réparations locatives sont fixées par le DÉCRET DU 26 AOÛT 1987. Toutefois, il est possible pour les parties de prévoir le contraire dans une stipulation. Le bail peut ainsi transférer sur le preneur l’ensemble des travaux d’entretien, mais cela ne concerne que le droit commun. Les baux d’habitation limitent et encadrent cette faculté, À L’ARTICLE 6-C DE LA LOI DU 6 JUILLET 1989. Les sanctions possibles sont l’exécution forcée, la résiliation et l’indemnisation. Néanmoins, la jurisprudence refuse d’admettre dans ce cas l’exception d’inexécution. Celle-ci n’est admise que si la jouissance du bien devient impossible.

Paragraphe 3 : L’obligation de garantie

En vertu de L’ARTICLE 172146 DU CODE CIVIL, le bailleur doit garantie au preneur. Cette obligation de garantie est analogue à celle du vendeur. C’est une garantie des vices cachés. Mais en matière de bail, l’action n’est enfermée dans aucun délai. Par ailleurs, la jouissance du preneur ne doit pas être troublée par un fait personnel du bailleur. On distingue deux cas. D’une part, les troubles de droit émanant de tiers qui revendiquent le bien ouvrent droit à garantie pour le preneur. D’autre part, les troubles de faits émanant de tiers ne donnent en revanche pas lieu à garantie, sauf s’ils émanent d’un autre locataire du bailleur.

Section 2 : Les obligations du preneur

Elles sont visées par L’ARTICLE 172847 DU CODE CIVIL. La première est de payer le prix au terme du délai convenu. Dans le cadre des baux d’habitation, ce paiement est souvent garanti par un dépôt de garantie. L’ARTICLE 1728 envisage une autre obligation pour le preneur, celle d’user de la chose raisonnablement et en suivant la destination qui lui a été donnée. Enfin, le preneur a l’obligation de conserver la chose puis de la restituer à la fin du contrat. Il doit la restituer « telle qu’il la reçue, excepté ce qui a péri par vétusté ou force majeure », en vertu de L’ARTICLE 173048. C’est la raison pour laquelle il est préférable de dresser un état des lieux au moment de la conclusion du contrat. En son absence, le preneur est présumé avoir reçu la chose en bon état,

46 « Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser. »47 « Le preneur est tenu de deux obligations principales :1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;2° De payer le prix du bail aux termes convenus. »

48 « S'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5comme le prévoit L’ARTICLE 173149 DU CODE CIVIL. Cet état des lieux est obligatoire en matière de baux d’habitation.

49 « S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Chapitre 4 : La transmission du bail

Cela vise deux hypothèses : d’une part la sous-location et d’autre part la cession de bail.

Section 1 : La sous-location

Concernant la sous-location, elle n’entraine pas de changement de locataire ou de bailleur, et elle est admise par le Code civil pour le droit commun du bail, sauf interdiction expresse dans les stipulations contractuelles, à L’ARTICLE 171750. Dans les régimes spéciaux, la règle est inversée. Ainsi, la sous-location est en principe interdite, sauf accord du bailleur. Ainsi, dans le bail d’habitation, elle est interdite par L’ARTICLE 8 DE LA LOI DE 1989 ou par L’ARTICLE 78 DE LA LOI DE 1948.

La sous-location ne créé d’effets qu’entre le locataire principal et le sous-locataire. Le sous-locataire n’est pas lié au bailleur.

Section 2 : La cession du bail

Cela vise deux hypothèses, qui chacune vise principalement deux hypothèses.

On peut changer de bailleur soit parce qu’il meurt, soit parce qu’il vend la chose. En cas de décès du bailleur, le contrat est transmis à ces héritiers, ce qui assure la stabilité du preneur, en vertu de L’ARTICLE 1742 DU CODE CIVIL51. En cas de vente de la chose louée, le bail est transmis à l’acquéreur, en vertu de L’ARTICLE 174852. Il s’agit d’une cession forcée du contrat. Pour le droit commun, il est possible de prévoir que la vente met fin au bail. Ce n’est pas possible en matière de baux d’habitation. Cette cession produit ces effets uniquement pour l’avenir.

On peut également changer de preneur. D’abord, parce que le locataire meurt. Dans ce cas, le décès emporte transmission du contrat aux héritiers, en vertu de L’ARTICLE 1742 DU CODE CIVIL. C’est également le cas en matière de

50 « Le preneur a le droit de sous-louer, et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite.Elle peut être interdite pour le tout ou partie.Cette clause est toujours de rigueur. »

51 « Le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur. »

52 « L'acquéreur qui veut user de la faculté réservée par le bail d'expulser le locataire en cas de vente est, en outre, tenu de l'avertir au temps d'avance usité dans le lieu pour les congés. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5baux d’habitation : le bail est alors transféré au conjoint survivant, ou au partenaire survivant (PACS), à ses descendants, à ses ascendants, voire à son concubin notoire. A défaut, si aucun de ces bénéficiaires n’existe, le bail est résilié de plein droit. C’est L’ARTICLE 14 DE LA LOI DU 6 JUILLET 1989. Ensuite, la cession de bail par le locataire à un tiers est également permise en droit commun, sauf convention contraire, en application de L’ARTICLE 1717 DU CODE CIVIL. En revanche, elle est exclue en matière de baux d’habitation, sauf avec l’accord écrit du bailleur, en vertu de L’ARTICLE 8 DE LA LOI DU 6 JUILLET 1989.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5

Chapitre 5 : L’extinction du bail

Elle se produit : - A l’arrivée du terme pour les contrats à durée déterminée- Après qu’un congé ait été régulièrement adressé - En raison de la perte de la chose ou de sa destruction totale (ART.

174153 CC)- En cas de résiliation judiciaire en cas d’inexécution

53 « Le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5

Sous-titre 2 : Le prêt

ON LE FERA PLUS TARD

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LICENCE 3 SEMESTRE 528/10/2015

Partie 2 : Les contrats portant sur les services

Les contrats sur les services ne visent pas que le contrat d’entreprise mais également le mandat. Ils représenteraient économiquement deux tiers du PIB français. Ce qui explique cette importance, c’est que sont des contrats extrêmement différents les uns des autres. Le contrat d’entreprise peut aussi bien concerner la réparation d’une chose qu’un service beaucoup moins matériel, comme par exemple le travail qu’accompli un avocat pour son client dans sa partie non représentative (car dans ce cas-là il s’agit d’un mandat). Ce qui caractérise ces contrats de service est l’obligation de faire qui en est au centre. Cette catégorie de contrat a beaucoup évolué au fil des années grâce à la pratique.

Titre 1 : Le contrat d’entrepriseL’expression de contrat d’entreprise est absente du Code civil. Les textes

qui encadrent cette catégorie de contrats ont beaucoup vieillis, voire mal vieillis. Ainsi par exemple, L’ARTICLE 170854, qui débute la partie sur le louage, distingue deux sortes de contrats de louage : celui des choses et celui d’ouvrage. A l’intérieur de cette deuxième catégorie, L’ARTICLE 177955 distingue lui trois catégories de louage d’ouvrage : le louage de services, celui des voituriers, et celui des architectes entrepreneurs d’ouvrages et techniciens par suite d’études, devis ou marchés. L’alinéa 2 vise un type de contrat de service, le contrat de transport. L’alinéa 3 est ce que visait réellement le contrat d’entreprise à l’origine. Désormais, le premier alinéa a été modifié en 2009 mais vise lui le contrat de travail. C’est le dernier alinéa qui correspond au contrat d’entreprise.

54 « Il y a deux sortes de contrats de louage :Celui des choses,Et celui d'ouvrage. »

55 « Il y a trois espèces principales de louage d'ouvrage et d'industrie :1° Le louage de service ;2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises ;3° Celui des architectes, entrepreneurs d'ouvrages et techniciens par suite d'études, devis ou marchés. »

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Le Code civil préfère l’expression l’ouvrage d’ouvrages, mais il s’agit du contrat d’entreprise.

Le louage d’ouvrages est défini par L’ARTICLE 1710 DU CODE CIVIL : il s’agit d’un « contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ». La doctrine et la jurisprudence préfèrent définir le contrat d’entreprise comme la convention par laquelle une personne charge une autre, moyennant rémunération, d’exécuter en toute indépendance et sans la représenter, un travail. Celui pour qui le travail est exécuté est nommé maître de l’ouvrage, ou client. Celui qui exécute le travail est appelé entrepreneur, ou ouvrier (Code civil). L’entrepreneur peut être maître d’œuvre, mais ce terme désigne l’architecte qui va coordonner les corps de métiers pour réaliser une prestation.

Le contrat d’entreprise a connu un développement incroyable au cours du 20ème siècle avec le passage d’une économie industrielle à une économie de services. Il est le support de l’activité de très nombreux professionnels, qui n’ont rien en commun.

Chapitre 1 : Les éléments principaux du contrat d’entreprise

Le contrat d’entreprise est un contrat synallagmatique à titre onéreux (même si le paiement d’un prix n’est pas une condition de validité). En revanche, certains éléments sont indispensables à la qualification de contrat d’entreprise : l’exécution d’une prestation, l’exécution d’une prestation de manière indépendante, l’exécution d’une prestation sans représentation.

Section 1 : L’exécution d’une prestationL’entrepreneur est tenu de respecter une obligation de faire. C’est ce qui

permet de distinguer le contrat d’entreprise du contrat de vente, mais aussi du contrat de bail.

La distinction entre contrat d’entreprise et vente semble simple à réaliser : le transfert de propriété qui caractérise le contrat de vente semble suffire. Mais lorsque l’on lit L’ARTICLE 1787 DU CODE CIVIL, on comprend qu’un certain nombre de difficultés de qualification peuvent naître : « Lorsqu’on charge quelqu’un de faire un ouvrage, on peut convenir qu’il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu’il fournira aussi la matière ». La question qui peut se poser est de savoir quelle qualification l’emporte lorsque l’entrepreneur fournit à la fois la matière et le travail. La Cour de cassation retient un critère dit de spécificité : si la chose a été fabriquée spécifiquement pour le client, il y

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LICENCE 3 SEMESTRE 5a alors contrat d’entreprise ; si elle est fabriquée en série ou sans spécification du client, alors il s’agit d’une vente. La COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, DANS SA DÉCISION DU 3 JANVIER 1995 considère qu’il y a contrat d’entreprise et non vente si le contrat porte sur une chose qui « ne répond pas à des caractéristiques déterminées à l’avance par le fabricant mais répond à des besoins particuliers exprimés par le donneur d’ordre ». Mais le critère avait déjà été énoncé par la TROISIÈME CHAMBRE CIVILE LE 5 FÉVRIER 1985.

30/10/2015

Le Code civil semble rapprocher le contrat d’entreprise et le contrat de bail : il semble suggérer un régime comparable entre le louage de choses (le bail) et le louage d’ouvrages (le contrat d’entreprise). Mais ces deux contrats sont radicalement différents. D’un côté, la prestation caractéristique est l’exécution d’une prestation et de l’autre elle est la mise à disposition d’un bien. Mais quelque fois, les contrats prévoient à la fois la mise à disposition d’un bien et l’accomplissement d’une prestation (ex : location d’un véhicule avec chauffeur). Il y a alors conflit de qualification, qui peut être résolu de deux manières : soit les juges choisissent une qualification exclusive de l’autre, soit ils choisissent une qualification mixte avec une application distinctive des règles du bail et de celles du contrat d’entreprise. Le critère retenu en jurisprudence est celui de savoir quel est l’élément principal et quel est l’élément accessoire du contrat. Exemple : la location d’un véhicule avec chauffeur comporte certes une prestation accessoire (le chauffeur), mais la maitrise effective du véhicule est bien réalisée par le client, qui donnera les instructions au chauffeur. Ainsi l’élément principal est la location de la voiture.

Concernant la distinction entre le contrat d’entreprise et le dépôt, l’intérêt de la distinction concerne alors la formation du contrat. En effet, le contrat d’entreprise est un contrat consensuel (en principe tout du moins), alors que le dépôt est un contrat réel, c’est-à-dire un contrat dont la formation est reportée à la remise de la chose. Les risques de confusion entre le contrat d’entreprise et le contrat de dépôt n’existent que dans une hypothèse : il faut qu’il y ait une chose que le client doit remettre à l’entrepreneur pour que ce dernier accomplisse sa prestation (ex : la réparation d’un véhicule par un garagiste). Le critère de distinction reste le même, on cherche la prestation principale et la prestation accessoire du contrat. Le plus souvent, le contrat d’entreprise va primer, mais la Cour de cassation simplifie la chose puisqu’elle considère que « l’existence d’un contrat d’entreprise portant sur une chose remise à l’entrepreneur n’exclue pas que celui-ci soit aussi tenu des obligations du dépositaire », dans une DÉCISION DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU JUILLET 1984, décision réitérée plusieurs fois depuis.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5Section 2 : L’exécution de manière

indépendanteCela permet de distinguer le contrat d’entreprise du contrat de travail. Ici

la distinction est essentielle, car choisir l’une ou l’autre des qualifications change tout : si la qualification de contrat de travail est retenue, alors le droit du travail et de la sécurité sociale s’applique. Le problème est que la confusion est parfois volontairement entretenue dans la pratique, puisque beaucoup d’entreprises tente d’attribuer des statuts de faux indépendants. Par conséquent, le contentieux de la requalification est considérable.

La Cour de cassation estime que l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais dépend des conditions de faits dans lesquelles est exercée l’activité, dans un ARRÊT DE LA CHAMBRE SOCIALE DU 17 AVRIL 1991. La distinction repose sur un critère fondamental, celui de la subordination juridique : le salarié exécute son activité sous la subordination de celui qui le paie, alors que l’entrepreneur ne subit pas cette subordination. Dans une DÉCISION TRÈS IMPORTANTE RENDUE LE 13 NOVEMBRE 1996, la chambre sociale de la Cour de cassation a défini la subordination juridique : « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail accompli sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ». Ainsi, les juges vont se livrer à une analyse précise des conditions d’exécution de la prestation. Ils regarderont par exemple si les horaires de travail sont déterminés unilatéralement par le maître d’ouvrages/employeur.

Il existe depuis la LOI DU 1ER AOÛT 2003 une présomption d’absence de contrat de travail (et donc a contrario une présomption de contrat d’entreprise) pour les personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés.

Section 3 : L’absence de représentationLe contrat d’entreprise est un contrat sans représentation. C’est ce qui

permet de le distinguer du contrat de mandat, puisque le mandataire agit au nom et pour le compte du mandant. Toutefois, certains contrats ne peuvent être perçus que comme le cumul d’un contrat d’entreprise et d’un contrat de mandat. Ainsi, le contrat liant l’avocat à son client est un contrat d’entreprise lorsque l’avocat accomplit sa mission de conseil juridique, et est un contrat de mandat lorsque l’avocat réalise les actes de procédure. Autre exemple, un architecte est lié avec son client par un contrat d’entreprise, mais il peut devoir, pour exécuter sa prestation, acheter des fournitures au nom et pour le compte de son client, et être ainsi lié par un contrat de mandat.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5

Chapitre 2 : La formation du contrat d’entreprise

Pour l’essentiel, la formation du contrat d’entreprise est régie par le droit commun des contrats. Seul élément particulier, la détermination du prix, l’accord préalable sur le montant de la prestation, n’est pas en principe un élément essentiel à la formation du contrat d’entreprise. Néanmoins en pratique, le plus souvent, la conclusion du contrat est précédée par la remise d’un devis élaboré par l’entrepreneur. Ce devis est normalement gratuit mais peut devenir payant s’il entraine des frais pour l’entrepreneur. Toutefois, le droit de la consommation prévoit, pour les contrats entre un professionnel et un consommateur, des dispositions protectrices aux ARTICLES L111-2 ET SUIVANTS DU CODE DE LA CONSOMMATION. Parmi elles, on trouve l’obligation de rédiger un écrit et la détermination du prix, ainsi que l’obligation pour le professionnel d’indiquer la date limite à laquelle il s’engage à exécuter la prestation. Au-delà de ces règles du droit de la consommation, la pratique du devis est très courante, et est même exigée par les juges dans certains domaines. Ainsi, ils peuvent considérer que les règles déontologiques d’une profession imposent ce devis préalable. Exemple : pour un chirurgien-dentiste, en cas de soin important, un devis préalable doit être accompli. Autre exemple : le contrat d’architecte doit être conclu par écrit et prévoir un devis.

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Chapitre 3 : Les effets du contrat d’entreprise

Il existe deux types d’obligations : celles de l’entrepreneur et celles du maître de l’ouvrage (le client).

Section 1 : Les obligations de l’entrepreneurL’obligation essentielle de l’entrepreneur consiste à exécuter sa prestation.

Au-delà de cette obligation, l’entrepreneur est également débiteur d’une obligation de conseil et d’information, la Cour de cassation ayant précisé à plusieurs reprises que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ». L’entrepreneur doit également respecter les règles relatives à la sécurité des produits dans la relation entre le professionnel et le consommateur. Ainsi L’ARTICLE L221-1 DU CODE DE LA CONSOMMATION dispose « Les produits et les services doivent, […] présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ».

L’obligation la plus importante reste l’exécution de la prestation : il s’agit pour l’entrepreneur de respecter les modalités convenues avec le maître d’ouvrage. C’est la raison pour laquelle les litiges ne pourront être évités que grâce à une détermination précise de ce qui est attendu dans le contrat. Le délai d’exécution a par exemple tout intérêt à être prévu dans les stipulations contractuelles. Il convient de distinguer deux situations, car l’entrepreneur peut exécuter lui-même la prestation mais peut également faire exécuter la prestation par un tiers au contrat (que l’on appelle sous-traitant). Ces deux situations sont régies par des corps de règles différents.

Paragraphe 1 : L’hypothèse de l’exécution par l’entrepreneur

Lorsque l’exécution est assurée par l’entrepreneur lui-même, l’inexécution ne pose guère de difficultés. Elle est régie par les règles de la responsabilité contractuelle. Le plus souvent, la voie de l’exécution forcée sera choisie par le maître de l’ouvrage. Une telle condamnation est généralement prononcée sous astreinte, sauf lorsque la prestation à accomplir est considérée comme personnelle pour l’entrepreneur. Selon les circonstances, le maître de l’ouvrage peut même demander au juge à faire exécuter le contrat par un tiers aux frais de l’entrepreneur défaillant, en vertu de L’ARTICLE 1144 DU CODE CIVIL.

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LICENCE 3 SEMESTRE 5S’est posée la question de savoir si l’entrepreneur devait au maître de

l’ouvrage la garantie des vices cachés. La jurisprudence considère qu’un défaut d’une chose réalisée par l’entrepreneur n’est pas concernée par la garantie des vices cachés mais par la question de savoir si la prestation a été correctement accomplie. Cette question concerne directement celle de savoir quelle est la nature, l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur. S’agit-il d’une obligation de moyens ou d’une obligation de résultat ? L’obligation est de moyens en présence d’une prestation intellectuelle. C’est en tout cas ce qui semble ressortir de la jurisprudence. Cela signifie que l’entrepreneur doit avoir mis en œuvre tous les moyens nécessaires à l’accomplissement correct de sa prestation. Par exemple, un médecin ne doit répondre que de sa propre faute, il ne peut être considéré comme responsable de l’aléa thérapeutique. En revanche, en présence d’une prestation relative à une chose corporelle, la jurisprudence considère le plus souvent que l’entrepreneur avait une obligation de résultat. Il ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité si la chose ne correspond pas aux prévisions contractuelles que pour force majeure ou cas fortuit. Quelques fois, l’intensité de l’obligation se situe entre ces deux extrêmes, et la jurisprudence autorise l’entrepreneur à se libérer par la preuve de son absence de faute. On parle d’obligation de résultat atténuée, ou d’obligation de moyens renforcée. Ainsi, un garagiste chargé de réparer un véhicule a, d’après la jurisprudence, une obligation de résultat atténuée, c’est-à-dire que la garagiste peut s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute : CHAMBRE COMMERCIALE, 22 JANVIER 2002. Plus généralement, la Cour de cassation considère que « l’ouvrier qui fournit seulement son travail ou son industrie n’encourt aucune responsabilité si la détérioration de la chose ou des matières qu’il a reçue ne provient pas de sa faute, ce qu’il doit établir ».

Les clauses du contrat peuvent envisager l’inexécution. Des clauses pénales peuvent être ainsi prévues, de même que des clauses limitatives voire exonératoires de responsabilité soumises au droit commun, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas porter atteinte à l’obligation essentielle du contrat : CHAMBRE COMMERCIAL, 22 OCTOBRE 1996, CHRONOPOST.

Paragraphe 2 : L’hypothèse de la sous-traitance

Bla.

Section 2 : Les obligations du maître de l’ouvrage

Bla.

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Chapitre 4 : L’extinction du contrat d’entreprise

Bla.

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Titre 2 : Le contrat de mandatBla.

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Titre 3 : Le contrat de dépôtBla.

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Partie 3 : Les contrats aléatoires

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Partie 4 : Les contrats sur les litiges

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