L'autre Tiers Monde
Les femmes rurales face à l'analphabétisme
L'autre Tiers Monde Les femmes rurales face à l'analphabétisme
par Krystyna Chlebowska
Unesco
Les idées et les opinions exprimées dans cet ouvrage sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de l'Unesco. Les appellations employées et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part de l'Organisation aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites.
Toutes photos : Krystyna Chlebowska, sauf mention contraire
Illustration de couverture : Ivette Fabbri Maïnero
Publié en 1990 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris Photocomposition : Les Presses de l'Unesco Imprimerie Duculot, Gembloux (Belgique)
ISBN 92-3-202710-0 Version anglaise I S B N 92-3-102710-7
© Unesco 1990
Préface
Aujourd'hui, plus d'un demi-milliard de femmes analphabètes vivent
dans les zones rurales des pays du Tiers M o n d e . Alors que leur rôle dans
la production agricole, l'éducation des enfants et la sauvegarde de
l'identité culturelle de la c o m m u n a u t é est primordial, elles n'accèdent
qu'occasionnellement à la parole et exercent rarement des droits qui
leur ont été difficilement accordés et qu'elles méconnaissent souvent, le
droit à l'éducation notamment. Cet ouvrage leur est consacré.
Trop souvent et trop longtemps ignorées des pouvoirs publics,
généralement absentes des statistiques, ces femmes représentent un for
midable « levier » de développement dans leur pays.
Avec la ténacité et la patience qui les caractérisent, elles mènent
chaque jour une lutte éprouvante pour assurer le mieux-être - quand ce
n'est pas la survie - de leurs proches. D e u x fois défavorisées, parce
qu'elles sont femmes et qu'elles vivent dans des régions généralement
pauvres, elles font face à des obligations multiples qui ne leur laissent
guère de temps ni de moyens pour des loisirs éventuels, et encore moins
pour des activités éducatives. D u temps et des moyens qu'il faudra pour
tant trouver, car c'est précisément l'éducation qui leur fournira l'outil le
plus sûr pour améliorer leur difficile condition. U n e éducation solide
ment enracinée dans leurs réalités et leur culture, et qui répondrait à des
aspirations et des besoins qu'elles auraient elles-mêmes exprimés.
Publié à l'occasion de l'Année internationale de l'alphabétisation,
ce livre ouvre la voie à l'action. Celle-ci devra nécessairement être d'en
vergure et de longue haleine pour mettre en œuvre une alphabétisation
6 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
fonctionnelle, participative, libératrice, qui soit à la portée de toutes
les femmes rurales du Tiers M o n d e et qui réponde à l'appel unanimedes
participants à la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous :
« Priorité à l'éducation des jeunes filles et des femmes ! »
Le 29 juin 1990
Federico Mayor
Directeur général de ¡'Unesco
Table des matières
Introduction 9
Qui est l'analphabète ? 13
Quand les chiffres parlent 17
Qui est la f emme rurale ? 21
L'alphabétisation des femmes rurales :
pour quoi faire ? 51
U n e alphabétisation de quel genre ? 59
La scolarisation 69
Les obstacles à l'alphabétisation 81
L'action 87
Autres ouvrages 775
Appendices 779
Introduction
Alphabétiser les femmes a longtemps été considéré par les pays du Tiers
M o n d e c o m m e une tâche marginale par rapport aux autres priorités
de leur développement. Comprendre et concevoir l'alphabétisation
c o m m e une action spécifique qui tienne compte des particularités et des
besoins des femmes est aussi une tendance relativement récente.
Il aura fallu une prise de conscience de la communauté inter
nationale, la vague de féminisme des deux dernières décennies et l'inté
rêt croissant porté par les femmes lettrées du Tiers M o n d e à leurs
consoeurs des zones rurales - les plus directement touchées - pour que
l'analphabétisme féminin soit perçu c o m m e u n vrai problème et l'alpha
bétisation estimée vitale pour les femmes elles-mêmes et pour l'essor de
la nation. La création et la reconnaissance d'associations et de groupes
féminins à caractère gouvernemental ou non gouvernemental a beau
coup contribué à sensibiliser l'opinion publique, féminine et masculine,
à la nécessité d'assurer aux femmes, au m ê m e titre qu'aux h o m m e s ,
l'accès aux connaissances de base, à commencer par la lecture, l'écriture
et le calcul.
Avec le temps, des femmes du Tiers M o n d e ont réussi à trouver
place dans la hiérarchie du pouvoir et y occuper des postes de responsa
bilité et de décision, tout d'abord dans le secteur de l'éducation, secteur
« féminisé » par excellence. Dans les premiers temps, l'accession d'une
femme à la fonction de ministre, de secrétaire d'État, de m e m b r e du par
lement ou à d'autres fonctions de la sphère gouvernementale ou poli
tique, pouvait avoir l'apparence d'un alibi permettant de donner bonne
10 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
conscience aux décideurs. Bien souvent, toutefois, la « f e m m e alibi »
s'est révélée être « la f e m m e de la situation » et m ê m e , dans certain cas,
la f e m m e indispensable. Lorsqu'une telle f e m m e a de surcroît l'avan
tage d'être solidement enracinée dans les réalités de son pays par ses ori
gines ou une volonté de les connaître, elle se trouve en mesure de faire
réellement avancer la cause des femmes du Tiers M o n d e . Il est intéres
sant à cet égard de constater qu'en Afrique les femmes qui ont « réussi »
et qui occupent des postes clés dans les institutions centrales du pays
sont pour la plupart originaires de régions rurales, d'un milieu villageois
dont elles ont partagé la vie à leurs débuts. L e continent africain étant
essentiellement rural, cette connaissance intime de ses réalités est un
atout majeur dans la lutte pour l'amélioration de la condition féminine.
Plus le nombre de femmes qui accèdent à la prise de décision à
tous les niveaux augmente, plus les populations féminines ont de
chances d'acquérir des droits et de les exercer, en particulier celui d'être
alphabétisées. Ainsi une f e m m e qui occupe un poste important dans le
secteur de l'éducation sera particulièrement sensible à la nécessité de
promouvoir l'éducation des jeunes filles et des femmes de son pays.
C'est dans les années 70 que la communauté internationale a pris
vraiment conscience de la nécessité de reconsidérer le rôle et le statut
des femmes dans le développement. Plus sensible aux revendications
des femmes, mesurant mieux leur contribution effective et possible à la
production, elle a compris qu'il fallait les intégrer au processus de déve
loppement non seulement c o m m e bénéficiaires mais c o m m e partici
pantes actives. L'éducation occupe une place privilégiée dans ce nou
veau regard sur le développement. Le principe de l'égalité des sexes
dans la généralisation de l'accès à l'éducation en est le corollaire.
Alors que l'enseignement primaire dans les pays en développe
ment enregistrait une augmentation considérable de ses effectifs entre
1970 et 1985, y compris pour les jeunes filles, et que des progrès notables
étaient réalisés en matière de scolarisation, il n'en allait pas de m ê m e
pour l'éducation non formelle et, en particulier, pour l'alphabétisation
des femmes.
Si les projets et les programmes d'alphabétisation des femmes font
encore exception et ne sont que trop rarement prévus dans les plans de
développement, c'est que les décideurs - presque toujours des
h o m m e s - hésitent à se lancer dans cette voie nouvelle, semée de diffi-
Introduction 11
cultes et qui peut peser lourd sur le budget national. Il est vrai aussi que
les stratégies et les méthodologies d'alphabétisation des femmes sont
encore incertaines aussi bien au niveau national qu'international, et que
les projets couronnés de succès restent, dans ce domaine, encore peu
nombreux, surtout si la nécessité d'apprendre à lire, à écrire et à
compter n'a pas été clairement énoncée et suffisamment justifiée. Il ne
suffit pas, en effet, que les femmes comprennent que l'acquisition de ces
connaissances est un droit qu'elles peuvent exercer ; il faut encore
qu'elles soient convaincues que ce savoir représentera pour elles et pour
leur famille un bienfait manifeste qui les aidera concrètement à mieux
vivre.
Alphabétiser les femmes est une tâche ardue et les obstacles à sur
monter auraient de quoi décourager aussi bien les responsables, à quel
que niveau qu'ils soient, que les femmes elles-mêmes. Mais, devant
l'ampleur des chiffres, qui montrent qu'en 1985, dans le m o n d e , sur
965 millions de personnes adultes analphabètes âgées de plus de quinze
ans, 561 millions étaient des femmes, dont 548,5 millions dans les pays
en développement, principalement dans les régions rurales, la c o m m u
nauté internationale prend de plus en plus conscience qu'il s'agit, pour
elle, d'une des tâches majeures des décennies à venir.
Qui est l'analphabète ?
Les dictionnaires classiques définissent l'analphabète c o m m e celui ou
celle qui ne sait ni lire ni écrire, qui est « illettré ». L'Unesco propose de
considérer c o m m e alphabétisée toute « personne capable de lire et
écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport
avec sa vie quotidienne »l. Est « fonctionnellement » alphabétisée une
« personne capable d'exercer toutes les activités pour lesquelles l'alpha
bétisation est nécessaire dans l'intérêt du bon fonctionnement de son
groupe et de sa communauté et aussi pour lui permettre de continuer à
lire, écrire et calculer en vue de son propre développement et de celui de
la communauté »2.
L a définition de l'alphabétisé(e) qui tient compte de la relation
intrinsèque existant entre le degré de connaissance de l'individu et son
environnement immédiat est certes la plus appropriée, surtout pour les
pays du Tiers M o n d e . Toutefois, quand il s'agit des femmes rurales,
cette définition demande à être aménagée en fonction des réalités du
milieu et adaptée aux aspirations et besoins spécifiques de la population
féminine en matière d'alphabétisation. La f e m m e rurale alphabétisée
serait donc la personne qui posséderait une connaissance de la lecture,
1. Unesco, Compendium of statistics on illiteracy/Compendium des statistiques relatives à l'analphabétisme/Compendio de estadísticas relativas al analfabetismo, p. 20, Paris, Unesco, Office des statistiques, 1988.1 (Rapports et études statistiques, 30.)
2. Ibid.
14 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Classe d'alphabétisation de femmes dans la zone de Beira (Mozambique)
de l'écriture et du calcul qui lui garantirait une amélioration de la qua
lité de sa propre vie et de celle de sa famille et faciliterait sa participation
à part entière au développement du groupe et de la communauté .
Si l'on excepte les campagnes de masse plus ou moins contrai
gnantes, voire obligatoires, l'expérience montre que l'alphabétisation au
sens étroit du terme, c'est-à-dire réduite à un simple apprentissage de la
lecture et de l'écriture, ne mobilise les femmes du Tiers M o n d e que si
cet apprentissage s'accompagne de l'acquisition de connaissances et de
compétences de base supplémentaires véritablement adaptées à leur
vécu quotidien et à leurs besoins. C e qui importe avant tout, pour elles,
Qui est l'analphabète ? 15
c'est de pouvoir améliorer leur propre existence et celle de leur famille,
mieux gérer leur développement personnel et, par voie de conséquence,
celui du groupe et de la communauté . Si les programmes d'alphabétisa
tion ne sont pas adaptés à des exigences de vie ou de survie, les femmes
seront réticentes à y participer ou elles abandonneront en cours de
route.
Il ne faut pas oublier que dans les pays en développement et en
particulier dans les zones rurales où l'organisation économique et
sociale est traditionnelle, et où l'individu ne se trouve pas confronté en
permanence au mot écrit, la connaissance de l'alphabet n'est pas tou
jours d'une urgente nécessité. D e s générations entières ont grandi dans
le respect des traditions orales. C'est pourquoi l'apprentissage d'apti
tudes techniques de base liées à la vie quotidienne des femmes peut se
faire sans alphabétisation, tout au moins à un premier stade. E n ce qui
concerne les femmes rurales, pour lesquelles la vente au marché de pro
duits agricoles ou artisanaux représente une source importante du
revenu familial, savoir calculer est essentiel, parfois plus important que
lire et écrire. L a tâche des alphabétiseurs(euses) consistera pour beau
coup à répondre aux aspirations et aux motivations des femmes, à y
adapter les méthodes et les moyens et, si les motivations sont absentes, à
les créer.
Q u a n d les chiffres parlent
E n 1985, les femmes des zones rurales représentaient environ 60 % de
l'ensemble de la population féminine du monde , 70 % dans les pays en
développement et, pour ce qui est de l'agriculture, les deux cinquièmes
de la population active.
Aujourd'hui une femme sur trois est analphabète. La quasi-totalité
des femmes analphabètes vivent dans les pays du Tiers M o n d e .
Hommes
Femmes
1960 1985
Pays développés
1960 1985
Pays en développement
F I G . 1 . T a u x d'analphabétisme h o m m e s - f e m m e s , 1960-1985. Source : Office des statistiques de l'Unesco.
Si l'on analyse la situation par régions et sous-régions, on constate que le
taux d'analphabétisme des femmes de plus de quinze ans est de 64,5 %
en Afrique, 47,4 % en Asie, 19,2 % en Amérique latine et aux Caraïbes,
18 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
10,2 % en Océanie (dont 64,5 % en Mélanésie) et 70,4 % dans les États
arabes. Les pays les moins avancés ( P M A ) , quant à eux, enregistrent un
taux d'analphabétisme féminin de 78,4 %.
T A B L E A U 1. Pourcentage des femmes analphabètes de plus de quinze ans des zones
urbaines et rurales de quelques pays choisis parmi quatre régions du monde*.
Région/pays
Afrique
Bénin Togo
Amérique latine
Brésil Equateur
République dominicaine
Asie
Chine
Inde Népal Pakistan Sri Lanka
Europe
Espagne Grèce
Yougoslavie
Année
1979
1981
1980 1982
1981
1982
1981
1981 1981 1981
1981
1981 1981
Pourcentage de femmes
Zone urbaine
80,0
60,1
19,2
8,0 21,6
26,4
48,1 67,0
65,3 8,9
9,3
10,0
7,5
analphabètes
Zone rurale
97,2
89,0
48,0
33,1 42,4
53,2 82,4 92,4
92,7
20,5
12,2
25,6 23,9
* Les statistiques relatives, dans ce domaine, aux pays arabes et aux pays du Pacifique dont dispose actuelle
ment l'Unesco ne sont pas assez récentes (là où elles existent) pour pouvoir figurer ici.
Les estimations relatives à l'analphabétisme, et en particulier à celui des
femmes, dans les différents pays, sont difficiles à obtenir et souvent peu
fiables. Il est encore plus difficile de définir des taux d'analphabétisme
nationaux par régions géographiques ou par groupes de populations
urbaines et rurales. Les statistiques recueillies par l'Unesco à partir
d'enquêtes et sur la base de recensements nationaux indiquent néan
moins très clairement que le pourcentage de femmes analphabètes est
systématiquement et considérablement plus élevé dans les campagnes
Quand les chiffres parlent 19
que dans les villes, et ce dans la quasi-totalité des pays du m o n d e ,
Europe comprise.
E n Afrique, sur les 55 pays mentionnés dans le Compendium des
statistiques relatives à l'analphabétisme1 publié en 1988 par l'Unesco, 28
affichent un pourcentage de femmes analphabètes de plus de 90 %. E n
Asie, sur les 45 pays considérés dans le compendium, ce pourcentage
est rencontré dans 17 pays !
E n examinant l'analphabétisme par tranches d'âge, il est clair
- aussi bien dans le cas des h o m m e s que des femmes - que son taux
augmente avec l'âge. Dans le groupe des femmes rurales âgées de plus
de quarante cinq ans, l'analphabétisme est quasi total. Cet état de fait a
des conséquences particulières dans le Tiers M o n d e , où les grand-mères
et les grand-tantes jouent dans l'éducation des jeunes enfants le rôle
inestimable de gardiennes de la tradition orale. Et pourtant ces
femmes-là ne sont presque jamais sollicitées par les alphabétiseurs et les
formateurs.
E n tenant compte du fait que, pour alphabétiser un groupe de
vingt à trente personnes et s'assurer par la postalphabétisation que les
acquis sont durables, une période d'au moins deux ans est nécessaire et
que le coût de cette opération est d'environ 100 dollars des Etats-Unis
par personne, trouver le temps et les moyens financiers pour alphabéti
ser les 550 millions de femmes analphabètes du Tiers M o n d e représente
une tâche titanesque.
A cela il faut ajouter que, sur les 135 millions d'enfants âgés de six
à onze ans qui, en 1985, n'avaient pas la possibilité d'accéder à l'école
primaire, 60 % étaient des filles. Demain , elles viendront à leur tour
grossir les rangs des femmes analphabètes...
1. Unesco, Compendium of statistics on illiteracy/Compendium des statistiques relatives à l'analphabétisme/Compendio de estadísticas relativas al analfabetismo, op. cit.
Qui est la femme rurale ?
Lors d'une réunion sur l'accès des femmes rurales à l'éducation organi
sée par l'Unesco au Zimbabwe en juillet 1989, u n professeur de l'univer
sité de Harare spécialisé en éducation des adultes esquissait le « portrait-
robot » d'une f e m m e rurale de son pays de la manière suivante :
C'est une personne de couleur
. entourée de marmots,
• souvent enceinte,
• transportant des jarres d'eau de la rivière ou du puits,
• portant un bébé sur le dos et u n fagot de bois ou de branchages sur la
tête,
• parlant sa langue vernaculaire mais pas la langue officielle,
• ne sachant ni lire ni écrire,
• très peu au fait de la vie moderne et du progrès,
• ne disposant que de peu d'argent, ou d'aucun argent, pour les besoins
élémentaires de la famille,
• n'ayant qu'un accès limité aux services sociaux et médicaux,
• dont l'époux a un emploi marginal en ville et n'apparaît que rare
ment à la maison,
• ou dont l'époux traîne dans le village à boire de la bière.
Cette représentation saisissante de la f e m m e rurale du Zimbabwe vue
par un h o m m e pourrait être celle des femmes rurales de la plupart des
pays du Tiers M o n d e . Elle n'est cependant que partielle et la réalité est
22 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
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Le marché à Cochabamba (Bolivie)
encore plus dramatique. Il faudrait en effet ajouter à ce tableau que la
f e m m e rurale vit dans une pauvreté souvent extrême, qu'elle travaille
sans répit au service de ses enfants et de son mari et qu'elle est en m ê m e
temps une source de main-d'œuvre pour le secteur agricole tradition
nel, dont elle constitue un élément majeur.
L a division du travail
Dans les zones rurales, la condition et le statut de la f e m m e , qui
demeure étroitement dépendante de l ' h o m m e , ainsi que les relations de
pouvoir établies entre les sexes au détriment des femmes n'ont pas suivi
l'évolution socio-économique et le progrès en général. Il est vrai que les
normes et les valeurs en vigueur dans les sociétés rurales ont tendance à
Qui est la femme rurale ? 23
E n Afrique, les femmes font jusqu'aux trois quarts des travaux agricoles, en plus de leurs tâches domestiques.
Labourage: 30%
[Plantation: 50%;
]Élevage: 50%'
Récolte: 60%
iDésherbage: 70 %|
Transformation et conservation des produits alimentaires : 85 % teffllt
Travaux domestiques : 95 %;
Femmes Hommes
F I G . 2. Division du travail.
Source : Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique. Reproduit dans Joint United Nations/Non-governmental Organization Group on W o m e n and Development, Women and the world economic crisis, p. 22, Genève, United Nations Non-Governmental Liaison Service, 1989. (Women and development, kit n° 6.)
changer lentement, en particulier celles qui régissent la condition fémi
nine. Il est vrai aussi que les institutions qui ont pour mission de favori
ser le développement rural n'ont pas toujours encouragé ces change
ments ; parfois m ê m e , elles ont contribué au maintien du statu quo,
voire à son renforcement. Les spécialistes, animateurs et agents de la
vulgarisation rurale sont, pour la plupart, des h o m m e s qui transmettent
leurs connaissances à d'autres h o m m e s reconnus c o m m e chefs de
famille. Les responsables chargés d'actions de type social sont pour la
plupart des femmes qui travaillent avec des femmes, mais principale
ment dans le secteur domestique. C'est ainsi que se perpétue la division
sexuelle des rôles et que s'accentue la dichotomie entre 1'« h o m m e -
24 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
producteur » et la « f e m m e domestique », alors que, dans la réalité, les
femmes rurales assument des fonctions qui vont bien au-delà du rôle de
f e m m e au foyer dans lequel les décideurs voudraient les enfermer.
La production
Parmi les multiples rôles que joue la f e m m e rurale en tant que mère,
épouse et m e m b r e de la communauté , celui de productrice agricole
mérite une attention spéciale. Des chiffres fournis par l'Organisation
des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ( F A O ) sur le rôle
des femmes dans l'agriculture indiquent qu'en 1985 elles constituaient
42,3 % de la population économiquement active en Afrique, 11,9 % en
Amérique latine, 46 % en Asie et 37,7 % dans la totalité des pays en
développement.
Il faut cependant admettre que ces chiffres ne reflètent pas pleine
ment la situation réelle et qu'entre celle-ci et les statistiques officielles,
la différence est parfois considérable. Des études plus poussées ont mis
en évidence des taux beaucoup plus élevés de femmes exerçant une acti
vité productive et démontré que, dans beaucoup de pays en développe
ment, les femmes comptent pour plus de la moitié dans la production
alimentaire (en Afrique par exemple, de 60 % à 80 %) . Certains écono
mistes affirment que la meilleure façon de résoudre les difficultés ali
mentaires de l'Afrique serait précisément de porter une plus grande
attention au rôle des femmes dans la production agricole ainsi qu'aux
principaux problèmes auxquels elles doivent faire face.
La raison essentielle de ces différences d'appréciation du rôle pro
ductif des femmes doit être recherchée dans la définition inappropriée
de la notion de travail et de travailleur telle que l'appliquent les recense
ments. Les activités domestiques des femmes, l'élevage du petit bétail,
l'artisanat, les travaux agricoles, la transformation des produits alimen
taires ne sont pas comptabilisés c o m m e tels. L e produit de ce travail
étant traditionnellement lié à la consommation familiale, il est consi
déré c o m m e un simple apport au revenu familial et, par conséquent,
déclaré c o m m e le résultat des activités d'une f e m m e au foyer et de ce
fait non rétribué. D e cette façon, le travail féminin en milieu rural est
confondu avec l'exercice de tâches domestiques qui, elles, ne sont pas
Qui est la femme rurale ? 25
Préparation locale du savon à Gapé (Togo)
reconnues c o m m e des activités recensables. Si le travail de la f e m m e au
foyer était correctement reflété dans les statistiques officielles et calculé
c o m m e l'équivalent des services rétribués, il représenterait la valeur de
la moitié du produit national brut de bien des pays.
L e travail féminin en milieu rural non seulement n'est pas
reconnu c o m m e productif, mais tend également à voir son champ
d'intervention limité par la modernisation des campagnes. Alors que le
phénomène de la migration des h o m m e s vers les villes intensifie la par
ticipation et le rôle des femmes dans la production agricole, la moderni
sation des techniques de production diminue le nombre d'emplois
rémunérés des femmes dans ce secteur et provoque leur exclusion d'ac
tivités qui leur étaient traditionnellement dévolues. Avçc le développe
ment des poulaillers industriels, par exemple, l'élevage de la volaille
26 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
- activité traditionnellement féminine - est de moins en moins assuré
par les femmes.
Dans le processus de développement rural, les femmes jouent un
rôle différent de celui des h o m m e s . Si cette différence n'est pas prise en
compte dans la planification du développement, le succès de celui-ci
peut être compromis. Les réformes agraires qui ont exagérément avan
tagé les h o m m e s en sont un exemple. Afin d'éviter d'accentuer le pro
blème de la pauvreté et de l'exploitation auquel les femmes rurales font
face, la reconnaissance de leur travail et une redéfinition par les gouver
nements de leur rôle dans le processus de développement sont essen
tiels.
L'exode de la population rurale masculine vers les villes exige que
les femmes restent économiquement actives pour assurer la survie de
leur famille (à moins que les fonds remis par leur mari n'y suffisent, ce
qui est plutôt rare). Dans cette situation, les femmes sont très tentées par
l'idée de posséder une source propre de revenus et de créer de petites
entreprises familiales - tissage, préparation du savon, couture, poterie,
maraîchage, transformation et conservation des produits alimentaires,
etc. Cette tentation bute malheureusement sur les difficultés qu'elles
rencontrent pour accéder à la propriété de la terre et au crédit.
L a terre
E n dépit de l'importance des responsabilités qu'assume la f e m m e au
sein de la famille et dans la production, c'est dans la législation relative à
la famille que des changements favorisant les droits des femmes sont les
plus lents à venir et que se maintiennent les discriminations à leur
égard : parmi les plus flagrantes sont celles qui concernent la propriété
et la gestion des terres qu'elles cultivent.
L'accès de la f e m m e à la terre dépend en grande partie de la posi
tion de la famille à laquelle elle appartient dans la structure socio-
économique environnante et des relations d'autorité et de subordination
à l'intérieur de cette famille. La division du travail et des responsabilités
selon le sexe dans les ménages, ainsi que l'attribution du titre de « chef
de famille » aux h o m m e s qui prévaut dans la plupart des législations,
interdit le plus souvent aux femmes la jouissance des terres.
Qui est .la femme rurale ? 27
L'accès des femmes à la propriété de la terre est loin d'être pris en
compte d'une manière adéquate dans les politiques de développement.
Les réformes agraires ou les programmes de développement c o m m u
nautaire passent souvent cette question sous silence et, dans plusieurs
cas, ont aggravé la situation préexistante au détriment des femmes qui
ont perdu leurs droits traditionnels à la propriété foncière ou à l'usufruit.
E n Amérique latine, les changements apparus pendant les deux
dernières décennies dans la distribution des revenus ont provoqué un
phénomène d'appauvrissement considérable des campagnes et une
diminution de la population économiquement active dans l'agriculture
(de 50 % à 30 % pendant la période 1950-1980). L'urbanisation inten
sive a non seulement entraîné une réduction de la force de travail rural
et une évolution des habitudes et des structures familiales, mais a égale
ment provoqué une augmentation de la charge de travail des femmes
dans la cellule familiale.
A une ou deux exceptions près, les réformes agraires dans les pays
d'Amérique latine n'ont pas pris en considération les femmes c o m m e
bénéficiaires directes. La raison de cette « omission » est que, du point
de vue légal, seul un chef de famille reconnu c o m m e tel peut avoir accès
aux bénéfices de la réforme. La contribution fluctuante des femmes
rurales à la production agricole et la résistance « machiste » qui s'oppose
à ce que les femmes soient considérées c o m m e travailleurs de la terre au
m ê m e titre que les h o m m e s (en sus de leur rôle d'épouse, de mère et de
ménagère) ont également empêché la participation directe des femmes
à la réforme agraire.
E n Afrique, les conséquences des réformes pour les femmes, en
particulier de celles qui touchent à la propriété de la terre, sont diverses.
Dans certains pays, la loi a prévu d'octroyer aux femmes les m ê m e s
droits d'accès à la terre que les h o m m e s . Cependant, en dépit de la légis
lation en vigueur, la f emme africaine ne jouit pas pleinement de ce
droit, loin s'en faut. Les attitudes, les coutumes et les traditions sont éga
lement là pour l'en empêcher. La méconnaissance des réformes et de
leurs mécanismes est aussi la cause du maintien de cet état de fait.
L'analphabétisme quasi généralisé des femmes rurales en est une autre.
E n Asie, la terre demeure la ressource productive la plus impor
tante des zones rurales, alors que s'accentuent la pénurie de sols arables
28 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
et la pression démographique. Face à cette pénurie, les femmes repré
sentent une des catégories de la population les plus vulnérables aux
plans social et économique. Leurs droits formels et réels relatifs à la pro
priété de la terre et à l'emploi agricole sont tributaires des codes civils,
de l'histoire, des coutumes et des préceptes religieux. Dans la pratique,
l'exercice de ces droits est généralement discriminatoire au profit des
h o m m e s . Élaborés par des h o m m e s et destinés aux h o m m e s , les pro
grammes de développement rural, tant dans leur conception que dans
leur mise en œuvre, sont généralement défavorables aux femmes. Lors
des réformes agraires, les titres de propriété sont enregistrés au n o m des
chefs de famille masculins, sans considération pour la contribution
importante des femmes à la survie économique de la famille, pour le
nombre des ménages gérés par une f e m m e , ni m ê m e pour les droits que
la coutume leur reconnaissait. Dans les cas où la réforme agraire visait à
améliorer la situation des femmes par rapport aux titres de propriété
ainsi qu'au droit de disposer des bénéfices de la production, les valeurs,
les pratiques traditionnelles et les structures patriarcales les ont e m p ê
chées d'en jouir pleinement en perpétuant une situation de subordina
tion et en les excluant du processus de décision. C'est pourquoi les
femmes abandonnent l'agriculture chaque fois qu'elles découvrent
d'autres moyens d'existence, et viennent grossir le flot de l'exode rural.
Le combustible
Compte tenu du rôle essentiel que jouent les femmes dans l'utilisation
du combustible pour la transformation des aliments et pour le chauf
fage, la dégradation de l'environnement et la crise naissante de l'énergie
dans les campagnes les affectent tout particulièrement. Traditionnelle
ment, les femmes s'approvisionnent en branchages et en bois sur les
terres communales et les friches. E n raison de la surexploitation des
pâturages, de la désertification, de la pression démographique et de la
privatisation, qui limite également la disponibilité des terres, le combus
tible se fait plus rare et les femmes ont de plus en plus de mal à en trou
ver sur des espaces en continuelle régression. Les produits qu'elles col
lectent, c o m m e le bois et les branchages, le fourrage, divers aliments,
des matières fibreuses et de l'argile, constituent par ailleurs des élé-
Qui est la femme rurale ? 29
Paysage sahélien (Tchad)
ments indispensables à leurs activités artisanales ou aux petites indus
tries familiales qu'elles gèrent et qu'elles exploitent.
L'eau
L'eau est un facteur essentiel de la santé et de l'hygiène dans les régions
rurales. La majorité des maladies et des infections parasitaires, si
c o m m u n e s dans les pays du Tiers M o n d e , sont liées directement ou
indirectement à la consommation ou au manque d'eau. O r les zones les
moins bien pourvues, tant en quantité suffisante d'eau courante qu'en
eau potable, sont les campagnes.
Les femmes rurales sont au contact permanent de l'eau. L'appro
visionnement en eau et son utilisation sont des tâches qui leur
reviennent traditionnellement. C'est à elles qu'incombent la prépara
tion des aliments, les corvées de nettoyage et de lavage, le transport de
l'eau. L'eau étant souvent rare et sa source éloignée de la maisonnée, les
30 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Canaux d'irrigation à Tillabéry (Niger)
femmes doivent marcher longtemps pour aller la chercher. L e transport
sur la tête et sur les épaules de lourds récipients, s'il donne aux pay
sannes des allures de reine, est en réalité une pénible corvée qui nuit à
leur santé. A cette charge vient s'ajouter celle de l'enfant qu'elles trans
portent sur leur dos ou qu'elles portent dans leur ventre.
L e m a n q u e d'eau potable a de sérieuses incidences sur la santé de
la famille. Il entraîne également une charge supplémentaire de travail
pour les femmes, qui doivent consacrer plus de temps à l'approvisionne
ment. L'eau a par ailleurs une incidence directe sur les revenus que les
femmes tirent de la culture de leur jardin ou de l'élevage de la volaille et
du petit bétail.
E n dépit de tout cela, les multiples tâches féminines en relation
avec l'eau ne sont pas appréciées à leur juste valeur. Les autorités
publiques se soucient peu de concéder, de préserver ou de renforcer le
Qui est la femme rurale ? 31
droit des femmes à l'utilisation de l'eau. Elles sont également peu
consultées sur l'emplacement de nouvelles installations d'eau et rare
ment invitées aux réunions de préparation de projets communautaires
d'assainissement de l'eau.
L e crédit
La propriété de la terre est une garantie essentielle pour l'obtention de
prêts par les paysans. Les femmes rurales, qui exercent rarement ce
droit, accèdent difficilement au crédit, pourtant indispensable à la mise
en route d'une entreprise génératrice de revenus supplémentaires.
Les femmes ne possèdent pas de terres, mais elles sont défavori
sées aussi par leur méconnaissance des règles des systèmes bancaires, du
marché et de la commercialisation. Pour bénéficier pleinement des
prêts, il leur faudrait un m i n i m u m d'information sur les finances, les
affaires, la gestion et la comptabilité et surtout la capacité de lire et
d'écrire que la plupart d'entre elles ne possèdent pas.
Il existe pourtant des expériences d'acquisition et d'utilisation de
crédit par des femmes des régions rurales. Grâce à des actions et un
effort collectif, à l'assistance d'organisations, d'associations ou de
banques spécialisées, certaines ont réussi à s'organiser et à recueillir les
fonds initiaux nécessaires à l'octroi de prêts. Tel est le cas du projet de la
Grameen Bank1 au Bangladesh, où un système de prêt aux plus pauvres
a été mis en œuvre avec succès. Parmi les 490 363 membres des
501 filiales opérationnelles en 1988 dans 10 552 villages, 86 % étaient
des femmes rurales. Tel est également le cas de l'action du Fonds de
développement des Nations Unies pour la f e m m e ( U N I F E M ) , qui four
nit aux femmes villageoises du Swaziland les moyens de créer de petites
industries locales et familiales.
Dans certains pays, les femmes s'organisent pour fonder leur
propre système d'épargne collective, c o m m e par exemple la « tontine »
au Niger. Chaque mois, dans un groupe d'une dizaine de femmes, la
1. International seminar on women and development : programmes and projects, Vienna, 1989. Women in development at IFAD; Grameen Bank Project in the People's Republic of Bangladesh: Phase II and III. Mai 1989. (Document IS/WRD/1989/CS.26.)
32 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
totalité des cotisations est remise à l'une d'entre elles pour qu'elle puisse
effectuer un achat important. Le système fonctionne par rotation
et permet à chacun des membres du groupe de profiter de l'épargne
collective.
Les coopératives
Les coopératives et les réformes agraires comptent parmi les facteurs les
plus efficaces de développement rural. E n multipliant les activités
économiques et sociales, en facilitant la commercialisation des produits,
en équilibrant les prix, en rapprochant les productrices des c o n s o m m a
teurs, en renforçant l'artisanat, en organisant des services de santé,
d'éducation, de nutrition et de soins aux enfants, les coopératives repré
sentent pour les femmes rurales un moyen d'améliorer leur niveau de
vie et leur condition.
Les femmes ont été associées au mouvement coopératif depuis
plus d'un siècle. A u début, les objectifs égalitaires et les principes non
discriminatoires des coopératives n'excluaient pas a priori et explicite
ment les femmes. Cependant, dans la réalité, elles y ont été reléguées au
second plan. Cette situation désavantageuse pour elles persiste et actuel
lement les femmes sont toujours minoritaires dans les coopératives.
Quant à leur participation à la gestion, elle est réduite au m i n i m u m .
Les données statistiques concernant le degré d'association des
femmes aux coopératives sont rares, mais celles qui existent confirment
- à quelques exceptions près - une disparité très marquée à l'avantage
des h o m m e s . M ê m e lorsqu'elles constituent la majorité des membres
dans les coopératives établies, le pouvoir de décision reste l'apanage des
h o m m e s . E n outre, il est fréquent que les femmes ne soient pas admises
parce qu'elles ne sont pas propriétaires des terres. Cette situation porte
un grand préjudice aux femmes du fait que les coopératives offrent des
avantages économiques et sociaux (un emploi, des revenus, des crédits,
des débouchés commerciaux) dont elles ne peuvent pas bénéficier.
Faute de pouvoir le faire dans des coopératives, les femmes s'organisent
dans des groupes d'entraide informels ou créent des structures qui leur
sont propres et qui leur permettent de concilier à la fois leurs activités
productrices et leur rôle au sein de la famille.
Qui est la femme rurale ? 33
Dans les pays en développement, l'émigration est la cause principale de l'augmentation du nombre des femmes chefs de foyer.
Afrique Soudan 22% Kenya 30% Ghana 27% Malawi 29%
Amérique latine et Caraïbes Jamaïque 34 % Pérou 23% Honduras 22% Venezuela 20 %
Pourcentage de foyers dirigés par des femmes
FiG. 3. Émigration. Source : U S Bureau of the Census. Reproduit dans Joint United Nations/Non-governmental Organization Group on W o m e n and Development, Women and the world economic crisis, op. cit., p. 25.
Dans la plupart des pays, l'entraide des femmes rurales est une tra
dition. Dans certaines civilisations africaines et à l'époque précolom
bienne en Amérique latine, par exemple, les groupements constitués de
femmes s'organisaient selon des principes de solidarité, faisaient partie
intégrante de la vie communautaire et exprimaient une identité cultu
relle spécifiquement féminine. Ces traditions de modes de vie et de tra
vail collectifs des femmes les ont aidées à mieux s'adapter aux nouvelles
formes de groupements coopératifs.
U n e des difficultés qui s'oppose à la participation des femmes
rurales aux coopératives réside dans leur manque de formation aux
modes et aux principes de fonctionnement de celles-ci. Leur
méconnaissance des règles élémentaires de l'administration, de la
gestion et de la commercialisation est un handicap sérieux, auquel
s'ajoute celui de l'analphabétisme.
L'exode
L'immigration des h o m m e s , qui quittent les campagnes et leurs familles
pour la semaine, une saison ou des années et qui ne rentrent chez eux
que pour retourner à nouveau en ville, est un phénomène de plus en
34 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
cultiver les terres, s'occuper des enfants et des vieux parents. Garante du
retour de l ' h o m m e qu'elle ne cesse d'attendre, Pénélope de notre temps,
la f e m m e rurale doit dorénavant affronter la redoutable responsabilité
de chef de famille. Actuellement, dans le m o n d e , la proportion de
ménages dirigés par des femmes ou pour lesquels les femmes font office
de chefs est d'environ 35 %.
L'exode, pour des raisons d'ordre économique, des h o m m e s vers
les villes provoque en premier lieu une augmentation de la proportion
des femmes dans les zones rurales. Outre leurs occupations habituelles,
elles doivent prendre en charge la part des activités traditionnellement
réservée aux h o m m e s . Quand ce cumul de tâches se fait avec le
concours d'autres membres de la famille, elles deviennent dépendantes
des frères, du père ou de la belle-famille et sont à nouveau dépossédées
de leur autonomie. Pour économiser l'argent que leur envoie leur mari,
elles sont souvent obligées de chercher des sources de revenus supplé
mentaires et se font employer c o m m e salariées dans des exploitations
agricoles. Pour quelques-unes d'entre elles cependant, l'absence de
l ' h o m m e est le début d'une prise de conscience de leur propre valeur et
de leur potentiel personnel - la découverte de ce dont elles ont été
jusque alors exclues. Elles s'aperçoivent, par exemple, qu'elles aussi
sont capables de manier des outils et d'utiliser divers matériels, qu'elles
peuvent gérer leur foyer seules et réagir correctement face à des situa
tions difficiles.
L'Unesco a analysé les répercussions et les conséquences de la
migration masculine sur la famille patriarcale traditionnelle et étudié les
fonctions et le rôle nouveaux de la f emme chef de famille. U n e étude
publiée en 1984 sous le titre Women in the villages, men in the towns [Les
femmes dans les villages, les h o m m e s à la ville]2 a démontré que la
migration des h o m m e s peut affecter les femmes de différentes manières.
2. Women in the villages, men in the towns, Paris, Unesco, 1984. (Coll. « Les femmes dans une perspective mondiale ».)
Qui est la femme rurale ? 35
Quelques exemples
E n l'absence de l ' h o m m e , les responsabilités liées à la maison conti
nuent à être celles de l'épouse, parfois aidée par la belle-mère, les
enfants plus âgés, les membres de la famille ou les voisins.
U n des proches du migrant prend la responsabilité de l'absent et la
f e m m e est maintenue à sa place de subordination.
Les décisions familiales importantes sont prises par correspondance par
le mari migrant ou à l'occasion de sa visite à la maison.
Bien que la f e m m e souffre de solitude, elle s'y résigne, sachant que
l'absence du mari est une source importante de revenus.
C'est le mari qui rend visite à la famille et rarement l'épouse qui va le
voir en ville.
E n dépit de la source supplémentaire de revenus que représente le tra
vail du mari en ville, la famille continue à vivre dans la pénurie.
Les relations familiales traditionnelles sont renforcées en raison de
l'absence du mari et du père ou, au contraire, se compliquent.
L'absence du père a un impact négatif sur le processus de socialisation
des enfants.
Les revenus supplémentaires fournis par l ' h o m m e permettent l'intro
duction de technologies qui facilitent les tâches domestiques et
permettent aux femmes d'économiser du temps.
La charge de travail supplémentaire occasionnée par l'absence du mari
laisse peu de temps à la f e m m e pour les relations sociales, les loi
sirs, la formation et la participation aux affaires de la communauté.
U n e autre étude de l'Unesco sur le m ê m e sujet intitulée Les femmes
chefs de ménage dans les Caraïbes : structures familiales et condition de la
femme* conclut que la pauvreté constitue le problème majeur des
femmes chefs de ménage et qu'elles ont toutes à faire face aux m ê m e s
problèmes, dont le plus critique est de trouver les moyens de subvenir
aux besoins de leur famille.
3. Joycelin Massiah, Les femmes chefs de ménage dans les Caraïbes : structures familiales et condition de la femme, Paris, Unesco, 1983. (Coll. « Les femmes dans une perspective mondiale ».)
36 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Paysanne dans la capitale (Bolivie)
Qui est la femme rurale ? 37
L a prostitution
L a prostitution est directement liée au phénomène de l'exode rural. Les
femmes qui sont amenées à quitter leurs villages pour aller travailler
dans les villes, en espérant y gagner plus facilement leur vie, se
retrouvent souvent à la rue. Ces femmes, jeunes pour la plupart, n'ont ni
l'instruction ni les qualifications nécessaires pour exercer dans les villes
une activité licite. Pour survivre et faire vivre les proches restés au vil
lage dont elles ont la charge, elles sont amenées à se prostituer.
D'autre part, les femmes qui restent à la campagne et qui subissent
le contrecoup de l'exode des h o m m e s en ville se débattent seules avec
des problèmes quotidiens. L a crise économique et la pénurie alimen
taire aggravent encore leur situation. Pour augmenter les maigres res
sources qu'elles tirent de l'agriculture ou d'autres travaux lucratifs, pour
survivre tant bien que mal avec leur famille, pour financer l'éducation
des frères et sœurs ou des enfants, pour avoir le droit de cultiver un ter
rain ou de conserver leurs propres terres, ces femmes aussi sont parfois
obligées de se livrer à la prostitution. Les femmes divorcées ou abandon
nées par leurs maris peuvent y avoir également recours pour subvenir
aux besoins des enfants dont elles ont la charge. Des familles rurales
entières subsistent grâce aux revenus qu'une des filles tire de la prosti
tution.
Renforçant l'exode rural, accentuant la marginalisation des
ruraux, la crise économique qui frappe la plupart des pays du Tiers
M o n d e obligera de plus en plus les femmes à pratiquer des activités illi
cites de ce type.
L'habitat
L a f e m m e est la principale utilisatrice de l'espace vital. L a maison, pour
elle, n'est pas seulement le domicile, le lieu de séjour, de repos et de
sécurité de la famille. Elle est surtout son lieu de travail. C'est dans la
maison que les femmes remplissent leurs principales fonctions domes
tiques et s'occupent de leurs enfants. Pour beaucoup d'entre elles, c'est
également le lieu de travaux générateurs de revenus supplémentaires.
38 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Villageoise de Sanyati décorant sa maison (Zimbabwe)
Dans ces conditions, la qualité de l'habitat revêt une importance
toute particulière. Or, dans la plupart des pays en développement, les
conditions de logement des populations rurales sont plus que précaires.
Les habitations protègent peu de la chaleur, du froid, du vent, de la
pluie. Il est difficile d'y entrer debout, il y fait trop sombre pour que les
enfants préparent leurs devoirs scolaires. L a pièce principale, souvent
unique, peut être constamment enfumée par les feux de cuisson. Les
animaux domestiques cotoyent souvent la famille. La surface habitable
est parfois si restreinte pour la nombreuse progéniture que le m i n i m u m
de 3,5 m 2 par personne recommandé par l'Organisation mondiale de la
santé dans des cas d'urgence apparaît c o m m e un luxe dérisoire. Les ins
tallations sanitaires n'existent généralement pas ou se trouvent dans un
état d'hygiène catastrophique, d'autant plus qu'il y a souvent pénurie
d'eau.
Qui est la femme rurale ? 39
Alors que les statistiques officielles l'ignorent, il est clair que la
contribution des femmes aux activités de construction est considérable.
Dans beaucoup de pays africains, les femmes construisent elles-mêmes
leurs cases, les décorent et les entretiennent. A u Kenya par exemple, la
première tâche de la jeune épouse consiste à se procurer le matériel de
construction, à le transporter dans sa nouvelle famille et y construire
une habitation avec l'aide des autres femmes. C'est encore la f e m m e
qui, chaque année, assurera les réparations des murs en y enduisant le
plâtre et en renouvelant les peintures décoratives ; c'est également elle
qui remettra à neuf le sol de la case. Il est donc faux de penser que la
construction d'un logement est uniquement une affaire d ' h o m m e s ,
m ê m e si dans les statistiques officielles les activités de construction
effectuées par les femmes n'apparaissent pas et sont considérées c o m m e
un travail non rémunéré : celui d'une f e m m e au foyer. D e la m ê m e
façon, quand il s'agit de la propriété de la maison, c'est encore de
l ' h o m m e qu'il est question et non de la f e m m e , que l'on considère tradi
tionnellement c o m m e faisant partie intégrante de la maison.
La malnutrition
Si étroitement liées à la terre et à la production agricole, les femmes
rurales n'en sont pas pour autant mieux nourries, tant s'en faut. Elles le
sont moins bien que les h o m m e s , ce que prouvent des études récentes
sur la répartition de la nourriture dans la famille.
Il en est de m ê m e pour les petites filles qui souffrent beaucoup
plus de la malnutrition que les garçons. Des études effectuées au Ban
gladesh, par exemple, ont démontré que les petits garçons de moins de
cinq ans reçoivent 10 % de nourriture de plus que les petites filles qui,
par conséquent, subissent plus durement les effets de ¡a famine.
Parmi les populations les plus pauvres, le taux de mortalité infan
tile est plus élevé chez les filles que chez les garçons. Sachant que la
sécurité de leur vieillesse dépendra de la position économique de leurs
fils, les parents réservent de préférence une meilleure nourriture aux
garçons. Les femmes enceintes et les femmes qui allaitent sont égale
ment mal nourries. Quand la nourriture se fait rare, ce qui est le cas juste
40 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
avant les moissons, les femmes enceintes ne disposent pas de la nourri
ture supplémentaire nécessaire et prennent insuffisamment de poids
pendant leur grossesse. L'enfant à la naissance est plus faible et ses
chances de survie et de croissance normale sont moindres.
Les femmes rurales font face à deux obligations principales qui les
obligent à dépenser beaucoup d'énergie : la production (les travaux
agricoles, les obligations familiales, le transport de l'eau et du combus
tible, etc.) et la reproduction. Pour remplir ces deux fonctions, la f e m m e
rurale devrait pouvoir se nourrir correctement, ce qui la plupart du
temps n'est pas le cas. « Tant que l'alimentation des filles ne passera
qu'après celle des garçons, tant que les femmes seront les dernières à se
nourrir et qu'elles mangeront moins tout en étant celles qui travaillent le
plus durement et le plus longtemps, la grossesse présentera plus de
risques qu'elle ne devrait normalement en comporter4. »
Dans les pays en développement, l'anémie est très répandue chez
les femmes rurales en âge de procréer. Elle représente un problème
grave, en particulier chez les femmes qui ont eu des grossesses n o m
breuses et trop rapprochées. L'état nutritionnel a une incidence sur les
chances d'une f e m m e d'accoucher normalement, d'avoir un enfant de
poids normal et de le nourrir au sein sans dégâts pour la santé de la
mère. O n estime que près des deux tiers des femmes rurales enceintes et
la moitié de celles qui ne le sont pas sont anémiques. Cette forte prédo
minance de l'anémie parmi les femmes rurales est d'autant plus préoc
cupante qu'elles ont à assumer une lourde charge de travail aussi bien à
la maison que dans les champs.
L a santé et la maternité
Dans les sociétés où la belle-mère et les grand-parents dirigent le
ménage, l'épouse est tributaire des pratiques médicales traditionnelles.
Ces pratiques sont souvent bénéfiques, mais elles peuvent également
avoir des effets nuisibles sur la santé des femmes, des enfants et de la
famille en général. Étant illettrée, la femme n'est pas en mesure de
4. Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), La situation des enfants dans le monde, 1989, p. 40, N e w York/Genève, U N I C E F , 1988.
Qui est la femme rurale ? 41
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Affiche murale : « Évitez les grossesses pendant l'adolescence. Elles compromettent votre avenir » (Gambie)
suivre les conseils prescrits par les services de santé et ce d'autant moins
qu'elle est soumise à la volonté et la décision du mari. Choisir de prati
quer la planification familiale ou de participer à des projets d'améliora
tion de la nutrition ou de la santé revient, dans certains cas pour la
f e m m e , à violer des tabous culturels et des coutumes ancestrales. A u
42 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
FlG 4. Taux de natalité et de mortalité dans diverses régions du monde , 1987-1988. Source : Organisation mondiale de la santé, Safe motherhood ; an information kit, Genève, O M S . ( W H O 861663.)
lieu de s'adresser au centre médical le plus proche, elle fera appel au
guérisseur. Tout c o m m e sa mère, sa grand-mère et ses ancêtres, elle
continuera à croire que la lèpre est provoquée par la sorcellerie et non
par un germe, ou qu'enjamber certains arbrisseaux peut la protéger
d'une grossesse.
Dans la plupart des sociétés rurales, l'allaitement au sein est géné
ralement pratiqué pendant une longue période. E n Afrique les mères
allaitent leurs bébés pendant dix-huit mois et parfois jusqu'à deux ans
ou plus. L e bébé étant en contact physique permanent avec la mère,
l'allaitement se fait jusqu'à dix fois par jour.
Bien que l'âge du mariage et de la première grossesse aille en s'éle-
vant, dans bien des pays du Tiers M o n d e plus de 50 % des premières
naissances surviennent chez les femmes de moins de dix-neuf ans. Chez
une f e m m e n'ayant pas encore atteint la maturité, un accouchement
peut être fatal. Le taux de mortalité maternelle chez les femmes de
Qui est la femme rurale ? 43
moins de dix-neuf ans est souvent le triple de ce qu'il est parmi les
femmes de vingt à vingt-quatre ans.
L e plus grand nombre de décès chez les femmes en âge de pro
créer surviennent parmi les populations rurales. Dans les pays où le
problème est particulièrement aigu, les taux de mortalité maternelle
peuvent être de 50 à 200 fois plus élevés que les taux les plus faibles dans
les pays industrialisés. C o m m e la cause de ces décès n'est pas toujours
précisée, l'ampleur du phénomène est reflétée dans les statistiques
d'une manière inadéquate.
L e risque pour une f e m m e africaine de mourir des suites d'un
accouchement est de 1 sur 14. E n Asie, il est de 1 sur 18 alors que, dans
les pays industrialisés, la proportion est de 1 sur 4 000 ou 7 000. Selon le
rapport annuel de l ' U N I C E F sur la situation des enfants dans le monde
en 1989, les naissances trop nombreuses et trop rapprochées chez des
mères trop jeunes ou trop âgées sont la cause de près d'un quart de tous
les décès de mères et d'enfants dans le m o n d e . Chaque année, près de
500 000 mères meurent de causes liées à la grossesse et à l'accouche
ment, décès qui auraient pu être évités.
L'excision féminine - pratique qui remonte loin dans le temps -
est liée à des facteurs religieux et culturels. Les mutilations qui s'en
suivent sont la cause directe de graves problèmes de santé, en particulier
lorsqu'il s'agit de la forme d'excision la plus radicale, qui provoque des
infections, des hémorragies et un choc psychique. S'y ajoutent les diffi
cultés ultérieures rencontrées au début de la vie sexuelle de la femme et
pendant l'accouchement.
Le SIDA
L'Organisation mondiale de la santé estime qu'en 1988 quelque 1,5 mil
lion de femmes étaient porteuses du virus qui provoque le S I D A . Bien
que la majorité de ces femmes se trouvent dans les villes, les zones
rurales sont à leur tour de plus en plus touchées, en particulier en
Afrique, dans les Caraïbes et certaines parties de l'Amérique latine.
L e S I D A , qui jusqu'alors était considéré c o m m e un fléau urbain,
c o m m e n c e à devenir également celui du m o n d e rural.
44 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
La contagion vient principalement des villes et plus précisément
des membres des familles rurales partis à la recherche de travail et qui,
se sachant séropositifs, reviennent dans leur village où ils sont pris en
charge par les femmes. Celles-ci, trop souvent mal informées, sont plus
vulnérables et le risque qu'elles encourent de contracter la maladie est
par conséquent plus grand. A mesure que le phénomène de contagion
des femmes par le virus du S I D A se développe, les risques de transmis
sion périnatale augmentent ainsi que le taux de mortalité infantile, déjà
si élevé dans le m o n d e rural. L ' O M S et l ' U N I C E F soulignent cepen
dant que l'allaitement maternel ne constitue pas un m o d e de transmis
sion majeur du S I D A et le recommandent vivement, m ê m e dans les
régions où le S I D A est endémique. Les avantages de l'allaitement pour
le nourrisson sont en effet sans c o m m u n e mesure avec le risque de
transmission du S I D A par le lait maternel5.
Il est à prévoir que, d'ici l'an 2000, à la double charge de travail
que les femmes rurales assument déjà en tant qu'épouses et mères et en
tant que productrices agricoles s'ajoutera celle de la prise en charge des
membres de la famille malades du S I D A . Les revenus supplémentaires
fournis à la f e m m e par le mari qui travaille en ville diminueront
si celui-ci est atteint, ou disparaîtront s'il est réduit au chômage pour
la m ê m e raison. La situation économique des femmes ne fera alors
qu'empirer.
Les femmes rurales sous-alimentées, souffrant d'anémie et trop
souvent enceintes, seront des cibles particulièrement exposées à la
maladie. Elles le seront d'autant plus que les conditions d'hygiène dans
les centres médicaux, les infirmeries et les centres de protection mater
nelle et infantile dans les zones rurales sont généralement déplorables.
Mal équipé, le personnel des services de santé peut difficilement obser
ver les règles élémentaires d'hygiène, c o m m e par exemple la stérilisa
tion des seringues qui, d'ailleurs, font la plupart du temps cruellement
défaut dans les dispensaires villageois. L ' O M S et l ' U N I C E F ont cepen
dant conclu que le risque de propagation de l'infection à V I H (virus de
l'immunodéficience humaine) lors des séances de vaccination d'enfants
est faible, m ê m e lorsque les méthodes de stérilisation laissent à désirer6.
5. Fonds des Nations Unies pour l'enfance ( U N I C E F ) , La situation des enfants dans le monde, 1989, op. cit., p. 70.
6. Ibid., p. 70.
Qui est la femme rurale ? 45
c-^^r-:--
Centre de protection maternelle et infantile à Banibangou (Niger)
46 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Bien que le phénomène soit moins répandu dans les campagnes
que dans les villes, il arrive que les femmes rurales pratiquent la prosti
tution et prennent des drogues, s'exposant ainsi à la contagion. Les
risques de contamination sont d'autre part accrus par les pratiques tradi
tionnelles de mutilation sexuelle des femmes et les cérémonies coutu-
mières d'initiation des enfants.
L a planification familiale
D'après l ' U N I C E F , plus d'un tiers des 140 millions de femmes qui
étaient enceintes au cours de l'année 1988 ne souhaitaient plus avoir
d'enfants. 200 000 d'entre elles sont décédées en essayant de mettre un
terme à leur grossesse, souvent en recourant à des méthodes d'avorte-
ment illégales.
Toujours d'après l ' U N I C E F , la pratique de l'espacement des nais
sances permettrait d'épargner chaque année la vie de quelque trois mil
lions d'enfants. Cependant, si dans certains pays en développement 30 à
40 % des femmes en âge de procréer utilisent les méthodes de planifica
tion familiale, dans d'autres la proportion n'est encore que de 5 à 7 %.
Or l ' O M S déclare que, si les femmes du m o n d e entier pouvaient n'avoir
que le nombre d'enfants qu'elles disent souhaiter, le taux de natalité
brut se situerait entre 16 et 28 %o, au lieu de 28 à 40 %o c o m m e c'est le
cas actuellement. Il existe une contradiction manifeste entre le désir
explicite des femmes de pratiquer la planification familiale et leur réti
cence à le faire ou leur méconnaissance du sujet. Cette réticence relève
principalement d'attitudes culturelles et de facteurs sociaux. Dans cer
tains pays le nombre d'enfants valorise l'épouse aux yeux de son mari et
de la communauté . N e pas donner naissance à quatre ou cinq enfants au
moins est perçu c o m m e une anomalie qui peut marginaliser la mère. La
f e m m e rurale aura donc généralement beaucoup d'enfants, d'abord
pour bénéficier d'un meilleur statut dans la communauté , mais égale
ment pour assurer ses vieux jours. Elle accordera une nette préférence
au garçon. Le désir et le besoin d'avoir ce fils entraîneront une fécondité
accrue et des naissances trop rapprochées.
Qui est la femme rurale ? 47
L'ajustement structurel
Alors que dans les pays industrialisés la dernière décennie a été une
période prospère, l'économie des pays en développement n'a cessé de
décliner. La crise qui en a résulté a provoqué un endettement drama
tique de ces pays et l'appauvrissement des populations.
L a solution proposée au problème de la crise économique et de la
dette extérieure est ce qu'on a appelé 1'« ajustement structurel », appli
qué dans les pays de leur propre initiative ou négocié avec des agences
internationales de financement. L e but de cet ajustement est d'« ali
gner » l'économie et les aspirations nationales sur les exigences inter
nationales, en comblant ou en réduisant les déficits par des excédents
commerciaux. L'application des politiques d'ajustement a exigé l'impo
sition de mesures d'austérité économique dont les répercussions sont
cruellement ressenties par les secteurs les plus pauvres de la population
et en particulier par les femmes.
Les mesures préconisées pour parvenir à l'ajustement structurel
sont supposé être appliquées sans différenciation de sexe. Cependant les
inégalités qui préexistaient à l'adoption de ces mesures font que les
femmes, plus vulnérables, sont plus gravement touchées par la crise et
les ajustements que les h o m m e s . C'est dire que la politique économique
d'ajustement menace de perpétuer et d'aggraver les inégalités. Les
répercussions de la crise, de la dette et des ajustements structurels
pèsent le plus lourdement sur les femmes les plus pauvres, celles qui
gagnent, possèdent et contrôlent le moins.
Les conséquences de l'ajustement structurel dans les zones rurales
ne sont pas tout à fait les m ê m e s que dans les villes. Les prix plus élevés
que les paysans doivent payer pour les produits importés sont compensés
par l'augmentation des prix des produits agricoles. Cependant les
femmes rurales ne disposent généralement que de peu de revenus ; la
plupart du temps, elles ne sont pas rémunérées du tout. Toute aug
mentation de prix signifie pour elles une augmentation correspondante
de leur temps de travail dans la production, mais non pas nécessaire
ment une augmentation de leurs revenus. D e toute évidence, les aides
accordées par de nombreux gouvernements à la production agricole
destinée à compenser les importations ont profité aux grands exploitants
48 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
plutôt qu'aux petits, et les paysannes appartiennent à cette dernière
catégorie.
L'assistance financière fournie par les maris migrants, ou par
d'autres membres de la famille qui résident en ville, représente une part
importante du revenu des familles rurales. C o m m e les ajustements
structurels provoquent un chômage généralisé et une diminution du
salaire, ils peuvent avoir des incidences graves sur le maigre budget dont
les femmes disposent pour les besoins domestiques. D'autre part, la
hausse du prix des produits alimentaires de première nécessité rend dif
ficile l'achat de produits essentiels au bien-être du ménage et aggrave la
malnutrition. Celle-ci affecte spécialement les femmes, dont les gros
sesses exigeraient au contraire un régime alimentaire équilibré. L'orien
tation de l'économie vers l'exportation a également contribué à dévaluer
le travail des femmes dans des domaines traditionnels, c o m m e par
exemple celui de la production agricole de subsistance, et ont accentué
leur marginalisation dans le processus de développement économique.
L e rééquilibrage des prix imposé par l'ajustement structurel oblige
les paysans à abandonner les cultures agricoles traditionnelles pour
d'autres plus rentables. Il n'est pas toujours facile pour les femmes de
s'adapter à des changements qui ne sont pas nécessairement compa
tibles avec leurs attributions et leurs responsabilités familiales. L 'aug
mentation de la production agricole exige aussi des femmes des efforts
et du temps supplémentaire ; ce temps qu'elles devront consacrer à la
production sera pris sur celui qu'elles réservent d'ordinaire aux enfants.
Ces obligations nouvelles ont ainsi une influence négative sur la famille
et en particulier sur la santé et la nutrition des enfants, ainsi que sur leur
scolarité, tout spécialement celle des filles et des enfants de parents les
plus pauvres. D ' o ù également une augmentation de la mortalité infan
tile et des grossesses à risque, une baisse du niveau d'éducation et une
remontée du taux d'analphabétisme.
Pendant la période 1979-1983, dans près de 60 % des pays d ' A m é
rique latine, les dépenses d'éducation par habitant ont constamment
diminué. Il en va de m ê m e des dépenses de santé dans la moitié d'entre
eux. Les budgets de la santé ont baissé dans 47 % des pays africains et
les dépenses d'éducation dans 33 %. E n Asie, la réduction des budgets
de santé et d'éducation touche un tiers des pays. Dans les sociétés qui
privilégient les garçons, les limitations de l'accès à l'éducation ou les
Qui est la femme rurale ? 49
restrictions qui affectent la santé touchent plus gravement les filles. U n e
étude de l'Organisation des Nations Unies7 portant sur un échantillon
de 17 pays (Argentine, Bangladesh, Brésil, Chili, Colombie, Côte
d'Ivoire, Egypte, Indonésie, Jamaïque, Mexique, Nigéria, Pérou, Phi
lippines, République-Unie de Tanzanie, Soudan, Thaïlande, Yougosla
vie) a démontré que la mise en œuvre des politiques d'ajustement struc
turel a provoqué une détérioration notable dans le rapport garçons/filles
à tous les niveaux de l'enseignement, et particulièrement dans le
secondaire, au détriment de ces dernières. L'imposition de frais de sco
larité souvent pratiquée dans les pays qui mettent en œuvre l'ajustement
structurel frappe durement les familles rurales pauvres et oblige les
parents à retirer leurs enfants de l'école, et en premier lieu les filles.
Dans certains pays les frais d'éducation sont tels qu'il a fallu fermer des
écoles, ce qui a encore restreint les possibilités d'accès des filles à l'édu
cation, surtout dans les zones rurales.
7. Organisation des Nations Unies, Étude mondiale sur le rôle des femmes dans le développement, 1989, p. 34, N e w York, Organisation des Nations Unies, 1989. (ST/ C S D H A / 6 ; n de vente : F.89.IV.2.)
L'alphabétisation des femmes
rurales : pour quoi faire ?
« Dans un village perdu de la campagne nigérienne, des femmes assises
sous l'ombre clairsemée d'un arbre délibèrent avec entrain, s'interpel-
lant à qui mieux mieux dans leur langue zarma, tout en mâchonnant
chacune un bâtonnet cure-dents. La cause de ces palabres animées,
accompagnées de larges gesticulations, de hochements de tête, d'éclats
de rire ou de colère est que chèvres, moutons, bovins et chameaux s'in
troduisent dans le jardin maraîcher collectif des femmes et détruisent les
récoltes.
» C e jardin, que les femmes regroupées dans l'Association des
femmes du Niger de leur village cultivent en c o m m u n , leur a été cédé
par la municipalité. Après un long travail de défrichement, le terrain fut
divisé en parcelles et équitablement partagé entre la vingtaine de
femmes du groupe. Dans les moments de loisir que leur laissent leurs
multiples obligations familiales, ménagères et agricoles, elles cultivent
chacune un lopin de terre à l'aide d'outils et d'équipements très rudi-
mentaires, tout en s'efforçant de suivre les conseils techniques d'une
jeune animatrice rurale.
» L a proximité des canaux aménagés pour les besoins des rizières
qui font la richesse de la région permet d'y cultiver de beaux légumes,
des tomates, des oignons, de la salade, des choux, des haricots et m ê m e
des melons destinés à la consommation familiale ou à être vendus au
marché. Malheureusement, le jardin n'étant pas clôturé, les animaux
mal gardés ou laissés en liberté y provoquent de sérieux dégâts. A m é
nager des haies de branchages ou de buissons secs pour le protéger n'est
52 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Réunion de l'Association des femmes du Niger de Tillabéry (Niger)
pas possible, ce genre de clôture étant, pour des raisons écologiques,
interdit. Quant au grillage ou aux fils barbelés, leur coût exorbitant n'est
pas à la portée des moyens financiers dérisoires dont dispose la c o m m u
nauté.
» Quelque peu déroutée par l'ardeur si expressive de ces femmes
en polémique, je décidai finalement de ramener la discussion à l'objet
de m a visite, que j'effectuais dans le cadre d'une mission de l'Unesco, et
m e hasardai prudemment à les questionner sur l'organisation éventuelle
d'activités d'alphabétisation... L a réponse fut plus qu'évasive et le pro
blème de la clôture revint de plus belle sur le tapis, clôture que, m e sug
géraient-elles, l'Unesco pourrait peut-être les aider à acquérir parce que,
m'expliquait-on, une clôture coûte très cher, payer un gardien égale
ment et que, poursuivaient-elles, on peut difficilement tenir les chèvres
L'alphabétisation des femmes rurales : pour quoi faire ? 53
en laisse... E n un mot , protéger à tout prix leur jardin était le souci
majeur de ces femmes. D'alphabétisation, il n'était pas question1. »
Les situations de ce type, si fréquentes sur le terrain, obligent à
poser d'emblée le problème : l'alphabétisation est-elle une priorité ? Si
oui, quel en est le degré ?
Certes, il ne fait aucun doute que l'analphabétisme des femmes
rurales est à combattre, et à combattre sans répit. C'est une tâche d'au
tant plus impérieuse que le Tiers M o n d e est essentiellement rural, que
les femmes y représentent plus de 50 % de la population et que la majo
rité d'entre elles sont analphabètes.
C o m m e n t cette nécessité est-elle ressentie sur le plan local, ou
m ê m e au niveau individuel ? C o m m e n t la f e m m e rurale perçoit-elle,
reçoit-elle, ce message en apparence si évident : pour vivre mieux, sois
alphabétisée !
Pour les femmes adultes qui n'ont pas pu bénéficier de la scolarité,
l'alphabétisation est une seconde chance d'acquérir des connaissances.
Nu l ne peut nier que l'alphabétisation est également un facteur d'épa
nouissement personnel et - de toute façon - un droit fondamental qui
ne peut être dénié à personne.
Tout cela est juste et vrai. Mais quand il s'agit de l'analphabétisme
et des femmes rurales, ces énoncés peuvent rester lettre morte face à la
question à la fois simple et ardue que posent ces femmes : à quoi cela
nous servira-t-il d'apprendre à lire, écrire et compter alors que nos
mères, nos grand-mères et nos aïeules ne l'ont jamais fait et ne s'en por
taient pas plus mal ? Difficile question, à laquelle il est indispensable
d'apporter une réponse si l'on veut que la lutte massivement déclarée
contre l'analphabétisme soit autre chose qu'un slogan et l'Année inter
nationale pour l'alphabétisation plus qu'une simple célébration.
Alors que les femmes rurales constituent non seulement la popu
lation la plus défavorisée mais également la plus nombreuse, les
recherches, les enquêtes et les études sur l'alphabétisation des femmes
adultes sont rares. Les documents de référence sur la question ne font
pas pléthore. Cela est d'autant plus regrettable, en ce qui concerne les
femmes rurales, que les expériences pratiques de plus en plus variées
1. Krystyna Chlebowska, Un temps pour apprendre, 1989. (Inédit.)
54 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
d'alphabétisation des femmes qui sont conduites à travers le m o n d e per
mettraient d'amorcer l'analyse du problème.
D e u x constatations valables pour tous les pays et toutes les régions
du m o n d e peuvent néanmoins être faites en relation avec les expé
riences d'alphabétisation des femmes rurales. L a première est que la
contrainte, m ê m e appliquée avec de bonnes intentions, réussit rare
ment, surtout au vu des résultats à long terme. L a seconde, que l'alpha
bétisation stricto sensu, c'est-à-dire conçue c o m m e une fin en soi qui ne
garantit pas l'acquisition de connaissances et de capacités techniques de
base permettant de satisfaire des besoins fondamentaux et d'améliorer la
qualité de vie, m è n e également à l'échec.
D e ces expériences, deux options en quelque sorte philosophiques
se dégagent à leur tour. L 'une est la vision « féministe » du problème,
qui souligne le rôle libérateur de l'alphabétisation c o m m e instrument
du mieux être, qui voit en elle le premier pas vers la justice, vers la maî
trise de sa propre existence, vers une participation plus large et plus
équitable à la vie de la société, et le m o y e n pour la f e m m e de se libérer
de l'exploitation économique et de l'oppression patriarcale. L'autre est
l'approche « fonctionnelle », pratique, qui préconise l'alphabétisation
c o m m e instrument du mieux vivre ou - plus immédiatement - de la
survie des femmes et de leur famille.
Il est difficile de n'adhérer qu'à l'une de ces deux visions - qui
souvent se complètent - de ce que doit être l'alphabétisation, m ê m e si la
seconde semble être plus proche des exigences et des besoins actuels des
femmes rurales. L'alphabétisation devrait contribuer à l'augmentation
de leurs revenus et à l'amélioration de leurs conditions de vie en les
aidant à sortir de la misère et de leur état de marginalisation, d'infério
rité. Elle devrait aussi pouvoir favoriser leur épanouissement personnel,
renforcer leur confiance en elles-mêmes, leur faire prendre conscience
de leur propre valeur en tant que femmes et de leurs capacités de créa
tion, et les convaincre que les limitations qui leur sont imposées ne sont
pas immuables.
Les femmes rurales ne refusent pas l'alphabétisation a priori.
Quand elles sont disposées à en bénéficier, elles invoquent des raisons
très précises qui ont toujours un lien direct avec leur vie de tous les
jours : se retrouver dans un groupe avec d'autres femmes, partager des
expériences, se concerter, s'entraider, passer de bons moment s
L'alphabétisation des femmes rurales : pour quoi faire ? 55
ensemble ; s'occuper mieux des enfants et de leur santé ; être moins
dépendante des autres ; pouvoir signer son n o m , écrire une lettre, gérer
ses comptes ; comprendre les prescriptions du médecin, les étiquettes
des médicaments ; lire les textes sacrés et les prières ; ne pas être trom
pée au marché ou dans les magasins ; améliorer la production du jardin,
de la parcelle, du c h a m p ; pouvoir exprimer par écrit des idées, un vécu.
E n termes plus généraux, l'alphabétisation est acceptée si elle per
met aux femmes d'améliorer les conditions de vie de la famille (santé,
alimentation) ; d'augmenter la production et les revenus ; d'assurer le
mieux-être des enfants ; de maîtriser les nouvelles technologies ; d'ac
céder plus facilement aux coopératives et à leur gestion, ainsi qu'à l'uti
lisation du crédit.
D e nombreuses recherches ont permis de confirmer l'impact
négatif de l'analphabétisme sur presque tous les aspects de la santé.
L'incapacité de lire et d'écrire empêche de suivre les prescriptions
médicales, de comprendre les informations sur la santé, m ê m e orales ;
elle peut provoquer un mauvais usage des médicaments. Les analpha
bètes sont plus nombreux à avoir des habitudes de vie qui nuisent à la
santé. Ils ne savent pas toujours où s'adresser pour obtenir l'aide médi
cale dont ils ont besoin. C o m m e ils sont gênés pour la demander, ils
négligent la prévention et ne s'adressent aux services de santé que lors
qu'il est trop tard.
Certaines études ont démontré que la santé des enfants dépend lar
gement du degré d'éducation de la mère. La conduite des programmes
de protection des enfants est facilitée quand la mère est capable de lire
les instructions médicales qui peuvent sauver la vie de son enfant. U n e
f e m m e alphabétisée fait plus aisément face à une situation critique due,
par exemple, à la diarrhée, l'une des six principales maladies mortelles
des enfants du Tiers M o n d e . L a vie de l'enfant peut alors dépendre de la
capacité de sa mère à préparer la solution de réhydratation orale selon
les proportions indiquées sur l'étiquette.
Les mères alphabétisées sont plus aptes à rompre avec les cou
tumes et les pratiques traditionnelles qui ont des répercussions négatives
sur la santé. Elles ont une attitude moins fataliste face aux maladies.
Plus sensibles à l'application des traitements médicaux modernes, elles
augmentent leurs propres chances de survie et celles des membres de la
56 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
famille. Les femmes qui ont acquis un certain degré d'éducation aban
donnent plus facilement la pratique d'un allaitement trop prolongé de
l'enfant. Elles sont également mieux préparées à revendiquer l'accès
aux services de santé. Elles seront plus à l'aise face à un médecin et une
infirmière que les femmes analphabètes, qui considèrent l'accès aux
soins médicaux c o m m e une faveur et non c o m m e un droit. Elles auront
également moins de difficultés face à la bureaucratie et aux tracasseries
administratives imposées par les services de santé publique.
Il existe également une corrélation entre l'éducation et le taux de
mortalité infantile, qui peut considérablement baisser quand la mère sait
lire et écrire. A u Pakistan et en Indonésie par exemple, il a été constaté
que le taux de mortalité infantile a baissé dans des proportions pouvant
atteindre jusqu'à 50 % dans le cas de mères ayant quatre années d'en
seignement primaire. U n e étude réalisée au Bangladesh va jusqu'à
conclure que l'éducation de la mère peut avoir un impact plus grand
pour la survie des enfants que la santé de la famille et les médicaments.
Les mères alphabétisées ont généralement moins d'enfants que
celles qui ne le sont pas. A u Brésil, par exemple, une f e m m e illettrée a
en moyenne 6,5 enfants ; une femme ayant une éducation de niveau
secondaire en aura 2,5. A u Libéria, les femmes qui ont accédé à l'en
seignement secondaire ont dix fois plus de chances de pratiquer la
contraception que les femmes qui ne sont jamais allées à l'école. U n e
étude menée en Amérique latine a démontré que, grâce à l'éducation, le
taux des naissances a décru de 60 à 40 % pendant la dernière décennie.
L'éducation a également une incidence sur l'âge auquel les
femmes se marient et une influence positive sur la diminution des
mariages précoces.
U n e f e m m e éduquée aura plus de chance de modifier les rapports
familiaux traditionnels et de rompre le déséquilibre qui la met dans une
position désavantageuse et discriminatoire. E n tant que principale édu-
catrice de ses enfants, elle aura une attitude différente dans ses rapports
avec eux et en particulier avec ses filles, qu'elle valorisera davantage.
Elle sera plus ouverte à leur égard, mieux disposée à les laisser fréquen
ter l'école, et reconnaîtra plus facilement l'importance de l'éducation
pour leur avenir. Elle pourra également, grâce aux cours d'alphabétisa
tion liés à l'enseignement civique, mieux connaître ses droits et les
L'alphabétisation des femmes rurales : pour quoi faire ? 57
L e marché de Tillakaina (Niger)
défendre, ce qui consolidera son statut personnel et son rôle écono
mique et politique dans la société.
L a motivation des femmes pour l'alphabétisation est directement
liée au phénomène grandissant de l'exode rural vers les villes. Seules
face à leurs nouvelles responsabilités de chef de famille, les femmes res
sentent de plus en plus le besoin d'être mieux préparées et outillées pour
ce nouveau rôle. Les connaissances en agriculture nécessaires pour
mener à bien le travail productif dont elles ont dorénavant la charge leur
manquent. Elles voudraient également pouvoir lire les lettres que leur
envoie leur mari et lui répondre sans intermédiaire.
Si elle est génératrice de revenus, l'alphabétisation permettra aux
femmes d'augmenter la productivité agricole et le profit qu'elles
peuvent en tirer et, par conséquent, d'améliorer le bien-être de la
58 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
famille. Elles pourront à cet effet mieux connaître et utiliser les tech
nologies nouvelles adaptées à leurs besoins et leurs possibilités. Elles
auront plus facilement accès au crédit, aux coopératives et participeront
à leur gestion.
L'alphabétisation des femmes peut enclencher une dynamique
qui produit des effets multiplicateurs liés les uns aux autres et qui se ren
forcent mutuellement. Par exemple, l'alphabétisation influe sur le
rythme des naissances et l'espacement des grossesses qui en résulte est
bénéfique à la santé maternelle et infantile. U n e meilleure santé des
enfants favorise à son tour la fréquentation scolaire et le succès scolaire
contribue, à plus long terme, à accroître la productivité agricole. D ' o ù
des revenus accrus pour la famille, qui entraînent une amélioration de
son alimentation et de la santé de ses membres . Et ainsi de suite...
U n e alphabétisation de quel genre ?
Nous sommes pauvres, très pauvres,
mais nous ne sommes pas stupides.
C'est pour ça que, malgré notre analphabétisme,
nous arrivons à survivre.
Nous devons comprendre
pourquoi nous devrions être alphabétisées.
Nous avons déjà suivi des cours d'alphabétisation
mais après quelque temps, nous avons compris,
nous nous sommes sentis trompées - alors nous
avons cessé les cours. [...]
Ce qu 'ils nous ont appris a été inutile.
Savoir signer son nom ne veut rien dire.
Savoir lire quelques mots ne veut rien dire.
Nous acceptons de venir aux cours
si vous pouvez nous apprendre
comment ne plus dépendre des autres.
Nous devrions pouvoir lire des livres simples,
faire nos comptes, écrire une lettre,
lire et comprendre les journaux. [...]
Pourquoi nos maîtres se sentent-ils si supérieurs ?
Ils se comportent comme si nous étions
des ignorants stupides.
Comme si nous étions des enfants.
Comprenez-bien, s'il vous plaît, que
60 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Classe d'éducation des adultes dans la région de Seti (Népal)
le maître sait peut-être des choses
que nous ne savons pas.
Mais nous connaissons beaucoup de choses
qui le dépassent. [...]
Nous avons assez
de soucis et de souffrances.
Pourquoi les empirer
en suivant des cours d'alphabétisation ?
Nous ne mangeons pas à notre faim.
Nous n 'avons pas assez de vêtements,
pas de logement convenable.
Et pour comble, les inondations arrivent
et emportent tout,
puis vient une longue période de sécheresse
Une alphabétisation de quel genre ? 61
qui dessèche tout.
Cela nous aiderait d'être alphabétisés ? [...]
L'alphabétisation devrait nous permettre
de vivre mieux. [...]
Nous aidera-t-elle à savoir comment
accroître nos récoltes et augmenter notre revenu ?
A savoir où nous pourrions emprunter
de l'argent plus facilement et quels avantages
nous offrent les coopératives ? [...]
Nous sommes affaiblies et très souvent malades.
Ils disent qu'il y a des lois pour nous protéger
et prendre soin de nous.
L'alphabétisation nous aidera-t-elle
à connaître ces lois P...1
C e questionnement en forme de p o è m e en prose, qui traduit les expé
riences personnelles d 'un groupe de ruraux pauvres et illettrés du
continent asiatique, reflète bien la réalité quotidienne des f emmes anal
phabètes du Tiers M o n d e . Il est l'illustration du concret face aux
concepts c o m m u n é m e n t utilisés dans la littérature internationale sur
« l'alphabétisation et le développement ».
Pour les f emmes rurales, en effet, l'alphabétisation n'aura de sens
que si elle est en mesure de donner une réponse satisfaisante à ces ques
tions vitales et à toutes celles qu'elles posent au n o m d'une vie meil
leure. Sans cette réponse, l'alphabétisation sera u n échec et les femmes
s'en iront des classes pour n'y jamais revenir.
L'éducation, et en particulier l'alphabétisation, sont les piliers du
développement, affirme-t-on à juste titre. Encore faut-il préciser le
c o m m e n t et le pourquoi de ce développement. Les disparités flagrantes
et les structures discriminatoires qui séparent les riches et les pauvres,
l'urbain et le rural, les h o m m e s et les f emmes , créent ou aggravent les
conflits et les injustices, accentuent les inhibitions. 11 est donc vital,
s'agissant de l'analphabétisme et en particulier de celui des femmes
1. Extraits d'un texte publié dans : Margaret Gayfer (dir. publ.), L'alphabétisation dans les pays industrialisés ; point de mire sur la pratique, p. 19-20, Toronto, Conseil international d'éducation des adultes (CIEA), 1987. (Convergence ; Revue internationale d'éducation des adultes [Toronto, C I E A ] , vol. 20, n 3-4, 1987.)
62 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
rurales, de prendre l'ensemble de cette problématique en considération,
et notamment ces données essentielles que sont la pauvreté et les iné
galités.
U n e des originalités de l'œuvre du pédagogue brésilien Paolo
Freire a précisément été d'établir, dans sa manière d'aborder l'alpha
bétisation, un lien entre l'éducation et la pauvreté. Dans le processus
éducatif, Freire a privilégié la dimension de la prise de conscience et
préconisé l'alphabétisation c o m m e un outil de lutte contre l'oppression,
qui stimule l'initiative et conduit à la libération du sujet. Dans cette nou
velle approche éducative « militante » où l'apprentissage de la lecture et
de l'écriture est intrinsèquement lié à une vision critique du m o n d e ,
l'alphabétisation représente u n acte de résistance et d'émancipation
sociale et politique.
S'il importe, dans le processus d'alphabétisation, d'être à l'écoute
des personnes en leur donnant le droit de parler et de penser juste, alors,
dans ce m ê m e processus, il serait nécessaire d'être également à l'écoute
des femmes.
Or il faut bien le reconnaître, dans sa pédagogie nouvelle Paolo
Freire ne s'attache pas beaucoup au problème de l'oppression des
femmes et préfère aborder la question de la « conscientisation » princi
palement sous l'angle de l'analyse des faits et des classes, non des sexes.
U n regard plus attentif porté sur la condition des femmes permet
trait pourtant de réajuster les grands principes afin qu'ils tiennent
compte de cette réalité. U n e vision pédagogique au féminin est pré
cieuse dans le travail d'alphabétisation des femmes rurales, où les pro
blèmes concrets de vie et de survie rendent caduques les théories et les
pratiques d'apprentissage qui les méconnaissent.
Les femmes rurales ont des besoins et des aspirations spécifiques.
Elles ont aussi leur propre expérience de la vie, une manière à elles
d'acquérir des connaissances. Elles ont donc aussi des besoins spéci
fiques en tant qu'élèves.
Les paysannes détiennent un savoir qui leur permet de lire la
nature, les plantes, les arbres, le ciel, le soleil, les nuages, la pluie. Elles
sont capables de gérer leur maisonnée avec des moyens dérisoires et
d'alimenter jour après jour leur famille, aussi pauvres soient-elles. Elles
respectent le rythme des saisons, les rites et les rituels. Elles dialoguent
avec les esprits, savent apaiser les vivants et pacifier les morts, et cela
Une alphabétisation de quel genre ? 63
Wéshke se* tö nimg ktèkg.
Nmng diö dör chkö buò.
Ye* ami tö ù diö mèke ye' a.
Stsaw'ó we, p. 26. San José, Costa Rica, Ministerio de Educación Pública, 1986.
(Illustrations de Luis A . Vasquez M . ) [Manuel pour l'enseignement de la lecture et de l'écriture de la langue bribri.]
64 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
depuis des siècles. Il n'est pas étonnant que, fortes de tout ce savoir
ancestral qu'elles enrichissent et transmettent de génération en généra
tion, les paysannes attendent de l'alphabétisation qu'elle tienne compte
de cette science de la vie, qu'elles aimeraient retrouver dans les pro
grammes qui leur sont proposés.
Les programmes d'éducation non formelle sont en effet générale
ment conçus sans considération pour ce qui est particulier à la condition
des femmes rurales. Quand cette spécificité est prise en compte, il s'agit
principalement de sujets liés à leurs fonctions domestiques, à la cuisine,
la couture, la broderie, à l'enseignement ménager en s o m m e . Les pro
grammes qui reflètent la dualité caractéristique de la f e m m e rurale, à la
fois productrice et reproductrice, sont rares. Les stéréotypes reflétés
dans les contenus éducatifs les plus usuels la représentent c o m m e un
individu voué essentiellement au service des autres et confiné au m o n d e
clos du cercle familial, le support obligé et naturel qui fournit des ser
vices efficaces et gratuits à l ' h o m m e , le chef de famille. Quant aux pro
grammes d'éducation non formelle qui tiennent compte du vécu quoti
dien des femmes rurales, ils négligent le plus souvent de reconnaître
leurs activités du dehors, celles qui sont génératrices de produits et de
revenus.
La plupart des critiques formulées par les femmes à l'égard de
l'alphabétisation concernent précisément les contenus des matériels,
dans lesquels elles ne se retrouvent que partiellement ou pas du tout.
Quand elles y sont visibles, l'image qu'on y donne d'elles est déformée
et reflète essentiellement leurs fonctions de mère, d'épouse, de f e m m e
au foyer, en un mot , celle des charges et des corvées domestiques,
occultant leur rôle de productrices. Il y est également peu question de
leurs droits non plus que de leur rôle dans le développement de la
communauté et de la société.
Les besoins des femmes étant généralement identifiés par des
h o m m e s , il n'est pas étonnant qu'elles apparaissent peu dans le matériel
pédagogique et que, lorsqu'elles s'y trouvent, ce soit sous les traits clas
siques de la ménagère.
Pourquoi ne pas donner aux femmes la possibilité de définir elles-
m ê m e s leurs propres besoins, de faire part de leurs expériences per
sonnelles, d'exprimer leur propre vision du m o n d e , leurs propres
valeurs ? Des programmes d'alphabétisation dans lesquels les femmes
Une alphabétisation de quel genre ? 65
trouveraient matière à explorer leurs expériences de la vie quotidienne
dans une perspective de partage, pour les convertir en termes d'action
pédagogique et d'enrichissement, mèneraient vers une alphabétisation
véritablement participative et transformatrice pour celles auxquelles
elle s'adresse.
U n e telle approche exige une analyse attentive des conditions
sociales, économiques, culturelles et politiques dans lesquelles se
meuvent les femmes rurales. Il est important, par exemple, de savoir que
les femmes ne deviendront pas de meilleures mères uniquement par le
biais de l'acquisition de connaissances en matière de protection infan
tile. Pour ce faire, il est nécessaire de tenir compte du contexte social
dans lequel s'exerce cet apprentissage. A quoi en effet servirait-il à la
f e m m e d'apprendre les principes d'une nutrition saine et de savoir quels
changements il convient d'apporter aux habitudes alimentaires de la
famille, si c'est le mari qui en dernier lieu en décidera ?
Reconnaître l'alphabétisation c o m m e un droit au lieu de n'y voir
qu'une « corvée » supplémentaire est également une condition impor
tante de son succès. Les classes d'alphabétisation devraient être pour les
femmes le lieu et l'occasion de se rencontrer, d'apprendre à mieux se
connaître, de parler, de s'exprimer.
Tout c o m m e celui du temps, le manque de motivation est un obs
tacle considérable à l'alphabétisation des femmes. L e besoin et l'envie
de lire, écrire et compter ne se manifestent pas automatiquement dans la
vie quotidienne des femmes. L'initiation à l'agriculture, à la santé, à la
nutrition nécessaires dans leur lutte quotidienne pour la survie peut très
bien être réalisée sans l'aide de l'écrit. U n certain nombre de projets de
développement communautaire le prouvent. L e besoin et l'envie
doivent souvent être créés. Par conséquent, la « fonctionnalité » ne peut
plus être considérée c o m m e une simple composante de l'alphabétisa
tion, c o m m e un des éléments du processus d'apprentissage, mais
c o m m e u n point de départ. Par exemple, les accoucheuses tradition
nelles africaines, tout en étant analphabètes, n'en sont pas moins très
demandées dans tous les villages, surtout là où les centres de protection
maternelle et infantile ou les maternités villageoises font défaut. Quand
ces institutions existent, elles utilisent volontiers les services de ces
matrones moyennant compensation, à la condition que celles-ci
acceptent une formation et un recyclage adéquats. Dans ce contexte, il
66 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Classe d'alphabétisation de femmes à Legbassito (Togo)
est difficile aux accoucheuses de demeurer analphabètes alors qu'elles
doivent tenir la comptabilité, la liste des médicaments ou le carnet de
présence. A partir de cette nécessité fonctionnelle se manifesteront chez
elles le besoin et l'intérêt d'apprendre. L'alphabétisation conçue et
acceptée c o m m e partie intégrante d 'un processus qui permettra de satis
faire les besoins vitaux des bénéficiaires suppose une approche inter
sectorielle et multidisciplinaire dans la conception des projets et des
programmes d'alphabétisation des femmes rurales.
L'agriculture, l'environnement, l'écologie, la santé, l'alimenta
tion, la nutrition, l'hygiène, la planification familiale, l'économie
domestique, la protection infantile, la gestion de coopératives, la tech
nologie devraient y figurer en bonne place. Cette nouvelle approche
implique une coopération plus étroite entre les différentes agences, les
services, les institutions et les organisations compétentes en la matière,
Une alphabétisation de quel genre ? 67
ainsi que l'utilisation maximale de toutes les ressources humaines
œuvrant dans les domaines concernés.
L a formation d'agents de vulgarisation de niveau intermédiaire et
de cadres féminins ruraux revêt à cet égard une importance particulière.
Les services d'animatrices rurales polyvalentes, par exemple, qui joue
raient le rôle de conception, de promotion et de coordination des
diverses activités intéressant les femmes rurales, dont celles de forma
tion et d'alphabétisation, répondent à une nécessité aujourd'hui ressen
tie par les populations féminines et de plus en plus préconisée par les
associations féminines et les gouvernements.
L a réflexion sur les genres d'alphabétisation des femmes rurales
demande à être élargie et approfondie. Il ne s'agit pas à proprement par
ler de disserter sur la nécessité d'une alphabétisation ou d'une pédago
gie féminine ou masculine. Il n'est pas question non plus de se can
tonner dans des principes rigides c o m m e , par exemple, celui de
l'enseignement mixte à tout prix. L a mixité des classes d'alphabétisa
tion ne devrait pas être tributaire d'un concept mais dépendre surtout du
milieu concerné, de la volonté des femmes et des h o m m e s qui décide
ront e u x - m ê m e s s'ils veulent ou non apprendre à lire, écrire et compter
ensemble. Les facteurs dominants qui devraient prévaloir dans le choix
de la composition du groupe sont sa stabilité et l'efficacité des résultats.
Par contre, que ce soit l'alphabétisation traditionnelle ou fonc
tionnelle, qu'il s'agisse de l'approche inductive « conscientisante »,
« auto-informative » ou autre, il est nécessaire de faire apparaître la
f e m m e rurale là où elle est absente et de faire une place à sa demande, à
ses intérêts et à ses vrais problèmes.
L a scolarisation
« Si d'aventure vous êtes à la recherche de l'école, ne vous attendez pas à
la trouver dans le village, vous ferez fausse route. Il vous faudra aller loin
des agglomérations, dans un endroit désertique où vous la découvrirez
tout en haut d'une montagne. Arrivé au sommet , après avoir grimpé des
heures durant, traversé des ponts dont la stabilité approximative vous
fera chavirer, essouflé et le cœur battant, vous y trouverez, sur un fond
grandiose d'Himalaya, une charmante petite école en terre battue au
magnifique toit d'ardoises du pays.
» Dans la cour, assis à m ê m e le sol en demi-cercle autour d'un
tableau noir, des enfants vous accueilleront les yeux tout ronds d'éton-
nement, car ici l'étranger est rare. U n e ardoise sur les genoux, ils
écoutent avec un respect mêlé de crainte le maître leur apprendre à
répéter en chœur des textes qui ne leur rappellent en rien leur vie quoti
dienne, celle de leur famille ou de leur village. Vous verrez des enfants,
accroupis en tailleur sur des nattes dans une minuscule salle de classe en
terre battue, se lever avec empressement à votre vue et vous saluer en
chœur d'un « ñamaste » amical accompagné du traditionnel geste de
bienvenue des deux mains jointes c o m m e pour la prière.
» Dans la classe, accroupie dans un coin, seule parmi les garçons,
un châle de coton blanc gentiment posé sur ses cheveux, toute menue
dans sa robe fleurie, une petite fille vous lancera un regard timide ...1 »
1. Krystyna Chlebowska, « Cheli Beti Story », Les actes de lecture (Paris, Association française pour la lecture), n ' 27, septembre 1989, p. 89.
70 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
École rurale dans le district de Bajhang (Népal)
Les filles et l'école primaire
L a longue expérience des institutions internationales qui participent à
la lutte contre l'analphabétisme dans le m o n d e , faite aussi bien de suc
cès que d'échecs, a démontré qu'il est préférable, pour plus d'efficacité,
d'aborder le problème simultanément sous deux angles : celui de
l'alphabétisation des adultes et d'une scolarisation appropriée des
enfants, l'école pouvant en effet être le lieu qui - de manière directe ou
indirecte - engendre paradoxalement l'analphabétisme.
Pendant les deux dernières décennies, l'enseignement primaire a
connu dans le m o n d e un développement notable. Aujourd'hui, il accuse
un recul manifeste. Il y avait en 1985, dans les pays en développement,
environ 130 millions d'enfants d'âge scolaire qui ne fréquentaient pas
La scolarisation 71
Écolières du village Kasaï (Gambie)
l'école. Parmi eux, plus de 80 millions de filles issues, en grande majo
rité, de familles pauvres en provenance des régions rurales.
Sous-scolarisation, déperditions scolaires, absentéisme sont des
phénomènes qui caractérisent l'éducation des filles. Il a été démontré
que l'éloignement de l'école est un des principaux obstacles à la fré
quentation scolaire. Dans les zones rurales où les facilités de transport
sont limitées, les parents hésitent à envoyer leurs filles à l'école trop
éloignée d u village ou de la maison. Q u a n d les moyens de transport
existent, ils sont rarement gratuits. Les parents trop pauvres sont obligés
soit de renoncer à la scolarisation de leurs enfants, soit de faire un choix
entre leurs enfants. C e choix se fait malheureusement presque toujours
au détriment des filles, qui restent à la maison.
72 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
École primaire à Cotopaxi (Equateur)
U n e récente étude de l'United States Agency for International
Development ( U S A I D ) effectuée en Egypte a démontré que le pourcen
tage des effectifs des élèves était de 94 % pour les garçons et de 72 %
pour les filles quand l'école se trouvait à une distance de 1 k m et qu'il
descendait à 90 % pour les garçons et 64 % pour les filles quand l'école
se trouvait à une distance de 2 k m .
E n ce qui concerne les abandons scolaires, si fréquents parmi les
filles, les fiançailles, le mariage et les maternités précoces à l'âge scolaire
figurent parmi les causes principales de l'interruption des études des
filles en milieu rural.
A l'exception de l'Amérique latine, le pourcentage d'effectifs
féminins dans les écoles primaires de la plupart des pays en développe
ment est moins important que celui des garçons. E n Afrique, en 1987, le
taux d'inscription des garçons âgés de six à onze ans était de 69 % et
La scolarisation 73
celui des filles de 56,5 % pour le m ê m e groupe d'âge. E n Asie, les dispa
rités sont encore plus grandes : 77,4 % pour les garçons et 59,3 % pour
les filles2.
N o n seulement les filles sont moins nombreuses à fréquenter
l'école que les garçons mais, quand elles s'y trouvent, elles ont à faire
face à des difficultés que ne rencontrent pas leurs camarades masculins.
Il est fréquent de constater que, dans les écoles mixtes, les maîtres n'ont
pas les m ê m e s comportements vis-à-vis des filles que des garçons. Relé
guées au fond de la classe, les petites filles sont souvent ignorées par
l'enseignant qui ne leur pose que rarement des questions, persuadé
qu'elles sont moins douées et moins capables. Minoritaires dans la
classe, face à des garçons favorisés par un maître plus ou moins miso
gyne, les filles ont beaucoup de mal à s'imposer.
L e déroulement de la scolarité diffère selon les sexes, en parti
culier dans les régions rurales. Si les données manquent pour analyser
ce problème d'une manière totalement satisfaisante, on constate cepen
dant que la chute des effectifs est souvent très importante entre la pre
mière et la deuxième année d'enseignement primaire et que, mis a part
quelques pays d'Amérique latine, la déperdition des effectifs, qui peut
atteindre des proportions alarmantes, est plus accentuée chez les filles
que chez les garçons.
Les causes de la sous-scolarisation des filles dans les pays du Tiers
M o n d e ont leurs racines dans la condition de la f e m m e rurale, en géné
ral pauvre, et dans son rôle dévalorisé au sein de la famille, de la
communauté et de la société. Pour les parents, la scolarisation des filles
ne s'impose pas, contrairement à celle des garçons qui auront plus tard à
assumer le rôle de chef de famille. Envoyer une fille à l'école est rare
ment une nécessité, surtout quand elle doit accomplir des tâches domes
tiques qui, aux yeux des parents et surtout de la mère, sont plus impor
tantes que l'éducation. Pour aider la mère surchargée de travail dans
une maisonnée souvent très nombreuse, la fille reste à la maison, pré
pare ou aide à préparer les repas, prend soin des petits frères et sœurs
alors que la mère est aux champs. Elle s'occupe de la corvée d'eau, pile
le mil, ramasse et transporte le bois sec pour les repas. La petite fille
2. Marlaine E . Lockheed et Adriaan Verspoor, Improving primary education in developing countries : a review of policy options, p. 167-168, Washington, D . C . , Banque mondiale, 1989.
74 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
•- T*
~*sM: Dans un village au Népal [Photo : U N I C E F ]
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• * ~ ^ C "'
peut également être appelée à aider la mère dans la production agricole
ou les travaux d'artisanat.
Les contraintes
L e parcours des filles vers l'instruction est semé de multiples embûches
qui les empêchent de fréquenter l'école ou entravent le déroulement de
leur scolarité. Les difficultés qu'elles rencontrent varient selon les pays,
les continents et les cultures, mais, d'étape en étape, s'articulent tou
jours autour de ces pôles que sont la maison et l'école, quand elles ne
sont pas inhérentes au fonctionnement des institutions et de la société
La scolarisation 75
tout entière. Pour donner une idée de l'ampleur du problème, il suffit de
passer en revue, sans autre commentaire, certaines des raisons invo
quées, à travers le m o n d e , pour expliquer les insuffisances de la scolari
sation féminine, notamment par les intéressées elles-mêmes.
A u foyer familial : les conditions pour faire les devoirs scolaires
sont mauvaises ; les mères fatiguées ou malades se déchargent sur leur
fille des tâches domestiques ; les naissances sont rapprochées ; la fillette
surchargée de travail est trop fatiguée pour aller à l'école ; elle manque
d'encouragement de la part des parents pour apprendre ; les parents
sont trop pauvres pour envoyer leurs enfants à l'école ; ils ne com
prennent pas l'importance de l'éducation de leurs filles ; l'instruction
est jugée incompatible avec les qualités et les valeurs féminines par les
parents ; la mixité n'est pas acceptée ; la fillette manque de temps pour
ses devoirs scolaires ; les parents sont illettrés ; les mères veulent surtout
apprendre à leur fille à devenir une épouse modèle ; les maladies se pro
longent faute de soins et de services médicaux ; les frais de scolarité sont
trop élevés pour les parents de familles nombreuses, qui choisissent
d'envoyer à l'école les garçons plutôt que les filles ; le coût des manuels,
des repas scolaires, des uniformes est trop élevé ; les parents tirent béné
fice du mariage précoce et coutumier de leur fille ; la garde des animaux
au pâturage et l'obligation de protéger les récoltes des oiseaux et des ani
m a u x prédateurs incombent aux filles.
Dans la communauté locale : l'éducation des filles est considérée
c o m m e une affaire de la famille et de la communauté ; les chefs reli
gieux s'opposent à la scolarisation des filles ; la participation aux céré
monies religieuses, aux mariages et autres célébrations est obligatoire ;
la crainte existe que la fille soit plus instruite que le futur mari.
Sur le chemin de l'école : l'école est trop éloignée de la maison ;
les classes finissent trop tard pour la sécurité des fillettes ; les moyens de
transport font défaut ou leur coût est trop élevé ; la famille craint que la
fillette ne subisse des violences sexuelles sur le chemin de l'école.
A l'école : les maîtres ne sont pas assez qualifiés ; la communica
tion entre le maître et les parents, et particulièrement les mères, est
insuffisante ; il n'y a pas d'internat pour les filles ; il est difficile d'adap
ter le programme et les horaires d'étude aux calendriers saisonniers et
aux tâches spécifiques des filles.
76 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
E n classe : le maître est un h o m m e ; il ne s'occupe pas des filles
pendant le cours ; son langage est trop rude ; les parents redoutent une
inconduite sexuelle de la part de l'enseignant ; les garçons c o m m u
niquent peu avec les fillettes.
Chez les décideurs : à ce niveau, les manquements sont qu'il n'y a
pas assez d'écoles en général ; peu d'écoles pour filles, pas d'école
secondaire à proximité pour poursuivre les études ; qu'il n'est pas facile
de garantir aux enseignantes des conditions de travail appropriées dans
les régions rurales reculées ; on invoque aussi le manque de matériel
scolaire, son inadaptation ; le manque de perspectives et de modèles
d'emploi pour les filles.
Dans les esprits : m a n q u e d'intérêt des filles - qui attendent d'être
mariées au plus vite - pour l'école ; m a n q u e de confiance des filles en
elles-mêmes ; existence d'inégalités et de barrières culturelles entre les
h o m m e s et les femmes ; crainte chez les parents et les h o m m e s que la
fille ne soit mieux éduquée que le futur mari ; mauvaise compréhension
ou interprétation erronnée de certains préceptes religieux ; idée que la
fille a, par nature, des capacités moindres que le garçon pour apprendre.
Dans les lois : le principe de l'enseignement obligatoire n'est pas
inscrit dans la législation du pays ou, s'il l'est, reste lettre morte ; il
n'existe pas de dispositions spécifiques en faveur de l'éducation des
filles et de l'égalité des sexes en matière d'éducation ; l'enseignement
du premier degré n'est pas gratuit.
Les stéréotypes
Les manuels scolaires véhiculent dans les textes et les illustrations des
stéréotypes préjudiciables à l'image des filles et contribuent de la sorte à
perpétuer diverses formes de discrimination fondées sur le sexe. Si les
données manquent pour démontrer l'impact de ces stéréotypes sur les
résultats scolaires des filles, il est certain qu'en tant que vecteurs de
transmission de normes, de valeurs et d'une idéologie sexistes, ils ont
une influence négative non négligeable sur le développement des atti
tudes et des comportements. Les manuels scolaires étant des instru
ments d'éducation de première importance et un outil du progrès et des
changements, il est inadmissible que les filles y soient si souvent repré-
La scolarisation 11
sentées c o m m e des personnes passives, effacées, faisant preuve d'une
affectivité excessive alors que les garçons, à l'inverse - mais tout aussi
abusivement - sont censés être agressifs, bagarreurs et insensibles. Les
récits qui n'utilisent que le genre masculin, les exemples d'héroïsme qui
ne représentent que des h o m m e s , les scènes où les filles n'exécutent que
des tâches dites « féminines », ne contribuent pas à susciter chez ces
dernières un sentiment d'estime et de confiance envers leurs propres
capacités et la conviction de pouvoir faire aussi bien que les garçons. Ils
renforcent au contraire, chez les jeunes des deux sexes, l'idée c o m m u
nément admise de la supériorité de l ' h o m m e et de l'infériorité de la
f e m m e - « sexe fort » et « sexe faible ».
Les manifestations de la discrimination à l'égard des filles dans les
manuels scolaires prennent des formes diverses : par rapport aux gar
çons, elles sont moins souvent mentionnées et moins présentes dans les
textes et les illustrations, on les décrit c o m m e obéissantes, dévouées,
silencieuses, maladroites, faibles, gentilles, dépendantes, parfois fri
voles, alimentant ainsi le mythe de la « femme-objet ». Elles aiment les
fleurs, la poésie, les animaux, sont compatissantes et tendres, alors que
les garçons sont rebelles, bavards, actifs, forts, agressifs, courageux,
intelligents. A u foyer les femmes sont occupées à laver, à cuisiner, à soi
gner les enfants alors que les h o m m e s se reposent.
U n e étude portant sur le Pérou3 a fait l'inventaire des images et des
textes sexistes relevés dans vingt-neuf manuels de six classes de l'en
seignement primaire. Dans les textes, 78 % de références sont mas
culines et 22 % féminines ; dans les illustrations, ce pourcentage est res
pectivement de 75 % et de 25 %. L a prépondérance des références
masculines augmente avec le niveau d'enseignement, passant de 65 %
dans les illustrations des manuels de la première année à 82 % dans les
manuels de la sixième année de l'enseignement primaire. La m ê m e
étude a montré que, sur 100 textes décrivant un foyer, 70 % représentent
des femmes et 30 % des h o m m e s . E n revanche, dans les illustrations se
rapportant à l'école, 80 % des personnages sont masculins contre 20 %
féminins. Quant au m o n d e du travail décrit dans ces manuels, il est
essentiellement le royaume de l ' h o m m e : sur 104 professions recensées,
3. Andrée Michel, Non aux stéréotypes ! Vaincre le sexisme dans les livres pour enfants et les manuels scolaires, p. 32-33. Paris, Unesco, 1986.
78 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Mashi Achic, lre éd. expérimentale, p. 23, Quito, Equateur, Ministerio de Educación y Cultura, 1987. (Illustrations de Humberto Cachiguango L e m a . ) [Livre de lecture de première année, Projet interculturel d'éducation bilingue, Convenio Ecuatoriano-Alemán.]
La scolarisation 79
8 sont attribuées exclusivement aux femmes, 79 aux seuls h o m m e s et 17
seulement sont mixtes. Les professions qui exigent des études supé
rieures sont presque exclusivement réservées aux h o m m e s . Les profes
sions dites féminines sont le prolongement du rôle domestique des
femmes (blanchisseuses, couturières, cuisinières, etc.). Les jeux sont
majoritairement le domaine des garçons : 31 jeux leur sont réservés dans
les illustrations contre 7 pour les filles. Les activités des garçons sont
plus variées et prônent l'esprit d'aventure, la rapidité, le goût du risque.
E n revanche les filles jouent surtout avec des poupées ou des dînettes.
Les obstacles à l'alphabétisation
« ... Les terres cultivables de cette région montagneuse du Népal étant
rares et la production agricole trop faible, les paysans s'en vont chercher
ailleurs les ressources supplémentaires nécessaires à la survie de leur
famille. E n hiver, ils s'exilent c o m m e travailleurs saisonniers, soit dans
une autre région, généralement dans la plaine, soit en Inde où ils
émigrent pour des périodes plus longues.
» E n l'absence de leurs maris, les femmes prennent la relève. A u x
tâches déjà lourdes qui sont habituellement les leurs viennent s'ajouter
celles des h o m m e s . Sur leurs épaules pèse la responsabilité de la maison,
des enfants, des travaux dans les champs.
» O n dit que, si les h o m m e s sont occupés du lever au coucher du
soleil, le travail des femmes n'a pas de fin. Levées à 4 ou 5 heures du
matin, elles pilent le riz ou le mil, puisent l'eau à la source ou à la
rivière, nettoient le four, préparent le repas du matin et le servent à la
famille, lavent la vaisselle, donnent à manger aux animaux domestiques,
s'occupent des enfants. E n fin de matinée et en début d'après-midi, elles
coupent l'herbe pour le bétail, ramassent le bois sec, emmènen t paître
les animaux, transportent le terreau ou le fumier dans les champs, pré
parent la nourriture pour les animaux, s'en vont aider le mari dans les
travaux saisonniers aux champs, font la lessive et finalement prennent
un bain. E n fin d'après-midi et le soir, elles font le ménage dans la mai
son, ramènent le bétail dans l'étable, traient les vaches, nettoient
l'étable, pilent ou broient le grain, puisent l'eau, préparent le repas du
soir et le servent à la famille, mangent elles-mêmes, nettoient l'endroit
82 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Paysannes népalaises
où la nourriture a été préparée et font la vaisselle. La nuit tombée, les
paysannes de la région de Seti pilent à nouveau le grain pour le lende
main, préparent la nourriture pour les animaux et, le lendemain, tout
recommence à nouveau1 . . .»
Le calendrier journalier des occupations féminines en milieu rural
varie, certes, selon les continents, les pays, les climats, les ethnies, les
castes, les classes, les traditions, le rythme des saisons, le nombre de co-
épouses et d'enfants dans chaque foyer. Dans l'ensemble toutefois, la
f e m m e rurale commence sa journée dès l'aube à 5 heures du matin et la
termine entre 20 heures et 22 heures, ce qui représente une journée de
travail de quinze heures au moins. A u x travaux agricoles qu'elle effec
tue soit dans le champ du mari, soit sur son propre lopin de terre ou sur
1. Krystyna Chlebowska, « Cheli Beti Story », art. cit., p. 90-91.
Les obstacles à l'alphabétisation 83
Préparation traditionnelle d u repas (Tchad)
des parcelles collectives, s'ajoutent les multiples obligations familiales.
L a f e m m e aide son époux à cultiver, récolter, transporter, stocker les
produits agricoles. Elle en assure généralement la vente et la trans
formation. Elle prépare les repas journaliers, s'occupe de la lessive, du
ménage , des enfants qui vont - ou ne vont pas - à l'école. Parfois elle se
consacre à des activités artisanales c o m m e la poterie, les travaux du cuir,
le tissage, la couture ou la broderie, qui lui procurent des bénéfices sup
plémentaires. Souvent elle doit parcourir de longues distances pour
transporter le bois, l'eau, les produits de la ferme, pour aller au marché
ou accompagner l'enfant malade au centre médical.
L'introduction et l'expansion des cultures de vente ont transformé
la division du travail, presque toujours au détriment des femmes. Dans
certains pays, l'adoption de variétés de cultures à haut rendement les a
dépouillées des activités lucratives qui traditionnellement leur étaient
84 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
réservées. L a mécanisation des travaux agricoles les a privées d'une par
tie de leurs revenus.
Pour compenser ce déficit, les femmes doivent consacrer plus de
temps à travailler dans les champs en tant que main-d'œuvre de la
famille. L'exode des h o m m e s , temporaire ou permanent, vers d'autres
zones rurales plus rentables, vers les villes ou l'étranger, contraint les
femmes à assumer des tâches supplémentaires. L a concurrence des pro
duits manufacturés les condamne à multiplier, accélérer et améliorer la
production locale et provoque également une charge additionnelle de
travail.
A titre d'exemple, voici le calendrier journalier type de la f e m m e
rurale au Mali et au Bangladesh (il est similaire à celui de la plupart des
femmes rurales, à quelques variations près) :
Mali
4 h 30 Réveil
4 h 30 - 6 h Corvée d'eau
Préparation du petit déjeuner
Toilette des enfants
6 h - 10 h Vaisselle
Pilage du mil
Collecte de légumes ou de feuilles pour le repas
Lessive
Trajet au marché
10 h - 15 h Transport du repas aux champs
Travaux agricoles sur son lopin ou aider l ' homme à labourer,
sarcler, désherber, planter ou guider la charrue
15 h - 18 h Ramassage du bois de chauffe pour le dîner
Cueillette de fruits sauvages ou d'amandes de karité
18 h - 20 h Corvée d'eau
Pilage du mil
Nettoyage de la cour
Préparation du dîner
20 h - 21 h Cardage et filage du coton2
2. Malick Sene, « U n projet d'allégement du travail des femmes au Mali », Les carnets l'enfance (Genève, U N I C E F ) , vol. 36, octobre-décembre 1976, p. 69-70.
Les obstacles à l'alphabétisation 85
Bangladesh
5 h Se lever, nettoyer la maison et la cour
6 h - 7 h Préparer le premier repas des travailleurs de la famille avant
qu'ils aillent aux champs
7 h - 8 h Traire, chercher le combustible, préparer le fumier à base de
bouse, entretenir le potager, nettoyer l'étable et son enclos,
mettre la paille à sécher pour la brûler
8 h - 9 h Préparer la nourriture du repas de midi, moudre les
ingrédients, éplucher les légumes
9 h - 11 h Décortiquer le riz, le trier et le tamiser, préparer des produits à
base de riz
11 h - 12 h Cuire les aliments
12 h - 13 h Laver les vêtements, se baigner, aller chercher l'eau, nourrir
les bêtes et la volaille
13 h - 14 h Sécher le jute et le paddy (riz non décortiqué), sortir d'autres
provisions au soleil pour les sécher
14 h - 15 h Donner à manger au mari et aux enfants et ensuite se nourrir
15 h - 16 h Fabriquer des articles tels que paniers et couvertures piquées
pour la maison ou pour les vendre
16 h - 17 h Préparer et cuire le repas du soir
17 h - 18 h Aller prier, ramener les enfants à la maison, enfermer la
volaille et les bêtes
18 h - 19 h Manger le repas du soir et nettoyer
19 h - 20 h Heure du repos passée à causer et à fumer avant le coucher3
Il est clair que l'emploi du temps très chargé des femmes rurales permet
difficilement d'y réserver une plage aux loisirs ou à des activités de for
mation qui exigeraient d'elles une absence régulière et prolongée de
leurs occupations domestiques et agricoles. L e manque de temps pour
apprendre est un des obstacles à l'alphabétisation des femmes rurales
parmi les plus difficiles à surmonter.
E n dehors du temps limité dont la f e m m e rurale dispose pour par
ticiper à des cours d'alphabétisation, d'autres contraintes s'imposent à
elle quotidiennement. Elle peut craindre que son mari ne la voie d'un
mauvais œil sortir de la routine quotidienne et partir le soir pour suivre
des classes d'alphabétisation. Souvent, l'enseignant n'est pas une
3. Elizabeth O'Kelly, Simple technologies for rural women in Bangladesh, 2e éd., p. 7, Dacca (Bangladesh), U N I C E F , 1978. [Women's Development Programme.]
86 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
f e m m e . A la maison l'attendent les enfants ou petits-enfants dont il faut
s'occuper. Et la fatigue est grande au terme d'une journée harassante.
A toutes ces difficultés s'ajoutent en outre celles que rencontrent
les décideurs, les organisateurs et les meneurs d'actions d'alphabé
tisation destinées aux femmes. L'éventail en est large : manque de
ressources financières ; manque de personnel qualifié, en particulier
féminin ; problèmes liés au recrutement de volontaires c o m m e alphabé-
tiseurs ; m a n q u e de locaux appropriés ; difficultés de transport ; inadap
tation des programmes, méthodes et contenus aux réalités des femmes
rurales en général ; rareté des matériels d'alphabétisation et de postal
phabétisation ; dilemme quant au choix de la langue d'alphabétisation.
L'action
Améliorer la condition des femmes
La condition des femmes rurales du Tiers M o n d e varie selon les pays,
les régions, les zones où elles vivent, mais la majorité d'entre elles ont en
c o m m u n la pauvreté. C'est pourquoi toute action entreprise en faveur
des femmes , y compris et surtout l'alphabétisation, suppose également
la lutte contre la misère et les injustices. Si, dans cette lutte, la f e m m e est
négligée, c'est le développement m ê m e de la nation qui en fera les frais.
Pour favoriser l'accès des femmes rurales à la formation, il faut
donc aussi améliorer leur existence quotidienne, la sécurité matérielle
de leur famille et l'avenir de leurs enfants.
U n rapport des Nations Unies sur la condition de la f e m m e dans
les zones rurales publié en octobre 19891 propose à cette fin u n ensemble
de mesures, et en priorité : la planification familiale ; l'accès aux ser
vices de santé ; l'éducation des adultes, l'alphabétisation ; la vulgarisa
tion agricole ; la limitation des abandons scolaires des jeunes filles ; la
création de garderies, crèches et maternités ; l'accès plus facile à l'eau, à
l'électricité et aux sources d'énergie nouvelles ; l'initiation aux nou
velles techniques ; la valorisation des activités productives féminines ;
l'accès au crédit, aux coopératives, à la terre ; l'amélioration de l'habitat.
1. Organisation des Nations Unies, Assemblée générale, Stratégies prospectives d'action pour la promotion de la femme d'ici l'an 2000 : expérience nationale en matière d'amélioration de la condition de la femme dans les zones rurales. Rapport du Secrétaire général, p. 16-19,13 octobre 1989, 34 p. (A/44/516, Assemblée générale, quarante-quatrième session.)
88 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Dans cette perspective, il conviendrait de réexaminer les modèles
et les modalités de mise en œuvre des stratégies de développement
rural, en prévoyant la participation des femmes et en tenant compte de
leurs besoins et du rôle qu'elles peuvent jouer dans la communauté .
L'échec des programmes et des projets en faveur des femmes est sou
vent dû à l'indifférence des responsables nationaux et internationaux
pour les préoccupations des femmes et à leur méconnaissance du rôle
des femmes dans le développement. Les décideurs sont plus sensibles à
la contribution des femmes rurales à la production et à leurs revendica
tions s'il existe des mécanismes nationaux pour formuler des politiques
et des programmes de promotion de la condition des femmes. Les per
sonnes responsables de ces mécanismes devraient recevoir une forma
tion qui les aide à accomplir les tâches nouvelles de réorientation des
politiques et de l'action en faveur des femmes.
Il conviendrait également de fournir un soutien aux organisations
féminines qui protègent les acquis des femmes et les aident à progresser.
Encourager et aider les associations et groupements de femmes rurales
est à cet égard d'une importance capitale.
La formation de formateurs en matière d'éducation non formelle
devrait bénéficier d'une plus grande attention, les questions intéressant
les femmes rurales y trouver une plus large place et les moyens, les
méthodes et le matériel pédagogiques être adaptés en conséquence.
L'information sur les projets « modèles » d'alphabétisation des femmes
rurales qui ont été couronnés de succès est également un excellent outil
pédagogique.
Il faudrait faire des recherches sur la conception des programmes
et des projets d'alphabétisation des femmes rurales au niveau national
c o m m e au niveau international afin d'élaborer des méthodologies de
mise en œuvre souples et peu coûteuses. Il faudrait aussi rationaliser les
méthodes utilisées pour établir les statistiques, et ventiler systématique
ment les résultats des recensements non seulement par sexe mais égale
ment par type de population : rurale et urbaine. Des données relatives
aux femmes qui vivent dans les régions éloignées des centres et dans
celles où la population est clairsemée devraient également être dispo
nibles.
Dans les pays où des actions d'alphabétisation sont entreprises à
l'initiative de plusieurs organisations, il serait utile de constituer une
L'action 89
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Sur la parcelle collective (Niger)
90 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
équipe nationale ou un comité d'alphabétisation à vocation pluridisci
plinaire, qui se chargerait de trouver les voies et moyens de promouvoir
l'éducation des adultes et d'élaborer des méthodes et des contenus cohé
rents, en particulier pour l'alphabétisation des femmes rurales. U n e
bonne représentation féminine au sein d'une telle équipe ou d 'un tel
comité est indispensable.
L'opinion publique est également importante et les moyens de dif
fusion et d'information devraient s'attacher à mieux la sensibiliser aux
préoccupations des femmes rurales, à leurs besoins, à leurs droits. Des
campagnes d'information sur la nécessité de l'alphabétisation des
femmes en général, et des femmes rurales en particulier, devraient être
menées à l'aide de tous les médias.
Trouver du temps
La surcharge de travail et l'absence de temps libre sont, pour les femmes
rurales, les obstacles les plus difficiles à franchir vers l'aménagement
d 'un espace de loisir qu'elles utiliseraient à leur guise. C e n'est qu'à l'in
térieur d'un tel espace, cependant, que pourra s'inscrire toute action
d'alphabétisation.
L'allégement du travail des villageoises et le dégagement du temps
nécessaire aux activités de formation passent, en premier lieu, par
l'amélioration des conditions de vie des populations rurales en général
avec tous les problèmes pratiques liés à la santé, à l'hygiène, à l'habitat, à
l'eau, à la construction de routes et au tracé de pistes rurales. La proxi
mité de centres médicaux et de protection maternelle et infantile, par
exemple, épargnerait aux femmes de longs trajets vers la ville pour y
faire soigner leurs enfants.
L a solution est également à rechercher dans l'introduction de
technologies appropriées, dites petites, simples, intermédiaires ou villa
geoises. Il s'agit de techniques qui se situent à mi-chemin de la tech
nologie moderne, fondée sur des normes et des modèles généralement
originaires des pays développés, et des techniques traditionnelles, par
fois ancestrales. Les techniques de pointe n'atteignent que rarement les
régions rurales et encore moins leurs populations féminines. Quant aux
techniques traditionnelles, elles sont pour la plupart d'un rendement
L 'action 91
trop faible pour produire des revenus ou un surplus, m ê m e si leur coût
direct est peu élevé. Les techniques traditionnelles exigent des utilisa
teurs beaucoup d'efforts, d'énergie et de temps et se révèlent, en fin de
compte, peu rentables. Les techniques intermédiaires, quant à elles,
permettent de mieux rationaliser et rentabiliser leur usage, de mieux
exploiter les matières premières, les matériaux locaux et le savoir-faire
des populations. Elles sont en outre mieux accordées aux capacités phy
siques et au niveau de connaissance technique des femmes.
Les technologies intermédiaires adaptées aux femmes rurales sont
utilisées principalement dans la production agricole, l'approvisionne
ment en eau, la transformation des récoltes et leur emmagasinage, la
conservation des aliments, l'habillement, l'habitat et son équipement,
l'artisanat, les services sociaux, dont la santé et l'éducation. C e n'est que
récemment que les chercheurs, les économistes et les statisticiens ont
reconnu le rôle capital que jouent les femmes dans le développement
rural et leur importance c o m m e productrices à part entière. Auparavant,
les machines et les équipements agricoles étaient avant tout destinés aux
agriculteurs. A partir des années 1970, les technologies adaptées aux
besoins et aux capacités des femmes font timidement leur apparition.
Des projets et des programmes sont alors formulés spécialement à leur
intention.
L'allégement du travail manuel, l'amélioration des conditions de
travail et l'agencement d'un temps libre pour les femmes rurales
peuvent être obtenus par des moyens simples et constituent u n premier
pas vers l'utilisation d'autres techniques plus performantes. Les houes,
par exemple, que la plupart des femmes africaines utilisent pour labou
rer, sont pourvues, pour des raisons coutumières inexpliquées, de
manches très courts. Des houes dotées de manches plus longs soulage
raient leur peine et donneraient de meilleurs résultats, à condition tou
tefois que les champs où travaillent les femmes soient correctement
défrichés. Pourquoi aussi les paysannes ne placeraient-elles pas sur leurs
épaules meurtries et couvertes de bleus un coussinet destiné à les proté
ger du bâton auquel elles suspendent les fardeaux qu'elles transportent ?
Et l'utilisation de canaris enterrés, aux parois poreuses qui laissent suin
ter l'eau, est un m o y e n d'irrigation simple, peu onéreux et efficace, qui
peut considérablement aider les cultivatrices pendant la saison sèche.
92 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Irrigation au m o y e n de canaris (Chili)
Plus de deux heures sont généralement nécessaires aux femmes
rurales pour piler la farine de maïs, de mil, de sorgho, de riz ou de toute
nourriture de base pour le repas qu'elles préparent. Si cette longue et
pénible corvée pouvait être réduite de moitié, un temps précieux serait
économisé chaque jour, que la f emme pourrait consacrer à ses enfants, à
ses loisirs ou - pourquoi pas ? - à l'alphabétisation. Il suffirait de rem
placer le pilon et le mortier par de petits moulins à manivelle, à pédale
ou à traction animale, solution d'autant plus satisfaisante que, de toutes
les tâches ménagères, le pilage est celle dont elles sont les plus promptes
à se débarrasser.
L e problème du transport des fardeaux est plus complexe. La cor
vée d'eau, à laquelle les femmes consacrent de nombreuses heures et qui
s'effectue sur de longues distances, représente un problème encore non
résolu dans bien des pays du Tiers M o n d e . Cette besogne harassante,
L 'action 93
Panneau-réclame pour un modèle de foyer amélioré (Gambie)
qui oblige les femmes à marcher des kilomètres pour aller chercher
l'eau, les empêche de se consacrer à d'autres activités plus profitables, y
compris leur formation. E n dehors du fait que les points d'eau sont trop
éloignés parce que généralement choisis par des h o m m e s pour qui l'eau
nécessaire aux besoins domestiques n'est pas une priorité, le transport
de l'eau ne peut toujours se faire à l'aide d'un équipement sur roues. Les
chemins ruraux sont trop accidentés et, dans certaines régions m o n
tagneuses, si étroits que m ê m e les chevaux ou les mules ne peuvent y
passer. L'utilisation de véhicules à traction animale pour remplacer
l'énergie humaine n'est pas toujours bien acceptée, ni par les h o m m e s
ni par les femmes elles-mêmes. Dans ce domaine c o m m e dans d'autres,
les vieilles habitudes pèsent lourd ...
94 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
L e transport de l'eau peut également être facilité par la création de
réserves plus proches des habitations, en recueillant l'eau dans des réser
voirs, en multipliant le nombre de puits ou en installant des pompes.
Dans plusieurs pays cependant, on a pu constater que ces pompes
tombent facilement en panne parce que leurs leviers ont été conçus pour
être maniés par des h o m m e s alors qu'en fait les principaux utilisateurs
en sont les femmes et les enfants, qui n'arrivent pas à les manœuvrer
correctement.
Il importe d'associer les femmes à la planification et à l'exploita
tion des nouvelles sources d'approvisionnement en eau. Dans l'implan
tation des puits et des aménagements, il conviendrait de tenir compte de
l'importance que représente le point d'eau c o m m e lieu où les femmes
peuvent se rencontrer, discuter, laver leur linge, où les animaux
viennent se désaltérer et les enfants barboter.
L e bois de chauffage que les femmes transportent chaque jour se
fait de plus en plus rare et difficile à trouver. Dans le cas où les moyens
de transport font défaut, la solution la plus simple pour alléger la corvée
de ramassage serait de rationaliser l'usage du combustible. L'utilisation
de foyers améliorés, réduisant la quantité de combustible nécessaire à la
cuisson, est à recommander non seulement pour le bénéfice direct des
femmes mais également pour des raisons de protection de l'environne
ment. L e reboisement des abords des villages avec des essences à crois
sance rapide est, à cet égard, particulièrement important.
Les femmes rurales sont généralement mal informées de l'exis
tence de nouvelles techniques qui peuvent améliorer leur condition de
vie et celle de leur famille, faciliter leur travail et augmenter le revenu
familial. Analphabètes pour la plupart, elles ne peuvent s'informer par
l'intermédiaire des imprimés. L a radio est généralement le seul moyen
de les atteindre, surtout dans des régions reculées. Elle représente dans
bien des régions rurales la source d'information la plus importante,
sinon la seule. Alors que les femmes pauvres des zones rurales ont le
plus grand besoin de ces techniques, c'est elles que les services de vulga
risation négligent le plus souvent. Ceux qui desservent les c o m m u n a u
tés rurales proposent des programmes qui s'adressent surtout aux
h o m m e s . Les rares agents ruraux qui travaillent avec les femmes
manquent de formation et n'ont pas la connaissance nécessaire des tech-
L'action 95
Le pilage du mil (Mozambique)
96 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
nologies en général et de celles qui intéressent plus particulièrement les
femmes rurales.
L'introduction de technologies améliorées est généralement faite
par des h o m m e s , qui ne tiennent que rarement compte des besoins des
femmes rurales ou des retombées provoquées par ces innovations, et qui
oublient que ce sont les femmes qui accomplissent la plupart des tra
vaux agricoles. Toute action en faveur de l'utilisation de technologies
villageoises nécessite une bonne connaissance de la spécificité de
chaque classe ou groupement social et de son milieu. L'introduction de
ces technologies génératrices de temps libre devrait être précédée d'une
analyse approfondie de la répartition des tâches par sexe, des normes
socioculturelles et du potentiel humain capable d'utiliser ces nouvelles
techniques. 11 faut s'assurer que celles-ci ne détruiront pas l'équilibre
existant dans la distribution des tâches entre h o m m e s et femmes au
détriment de ces dernières. Avant de mettre en œuvre les nouvelles
technologies destinées aux femmes, il est nécessaire de bien connaître
leurs habitudes, leurs croyances et leur système de valeurs, et de
comprendre pourquoi elles y sont attachées, sans perdre de vue que les
changements introduits n'auront un impact positif que si les valeurs
changent.
Les méthodes d'apprentissage devraient encourager la participa
tion des femmes et leur permettre de prendre une part active aux débats
concernant les technologies nouvelles. L a formation pourrait être réa
justée afin qu'elles apprennent à les utiliser et à assurer elles-mêmes
l'entretien et la réparation du matériel utilisé.
L'introduction de technologies nouvelles dans un projet de déve
loppement exige que les femmes concernées participent à la sélection et
à la mise en œuvre de ces techniques, pour pouvoir faire valoir leur
point de vue et assumer leur part de la responsabilité des changements
attendus. Les femmes rurales sont généralement prudentes et réalistes.
Elles savent distinguer la bonne décision quand il s'agit de leur survie et
celle de leur famille. C'est seulement lorsqu'elles seront elles-mêmes
convaincues que telle ou telle technologie leur rendra la vie plus facile
qu'elles l'adopteront. Leur bon sens paysan et leur esprit pratique les
guideront dans le choix des formules qui leur conviennent.
L'introduction de nouvelles technologies dans un projet doit non
seulement tenir compte du choix des femmes mais se faire dans des
L 'action 97
conditions propices, afin que la nouvelle technique apporte les résultats
escomptés. Il est important qu'elle soit préalablement testée et que la
preuve soit faite de son efficacité. U n échec éventuel pourrait être fatal
et entraîner la perte de confiance des femmes à l'égard de toute innova
tion et du progrès technologique en général.
Enfin, il ne faut pas oublier que les ruraux n'ont pas toujours les
moyens d'acheter les outils et le matériel dont ils ont besoin et que l'ou
tillage qu'ils fabriqueront eux-mêmes , ne fût-ce qu'en partie, avec des
matériaux locaux est plus à la portée de leur bourse.
Adapter les projets
Il est plus difficile et moins spectaculaire de mettre en œuvre des opéra
tions d'alphabétisation que de construire des routes ou des écoles. La
tâche est encore plus ardue quand il s'agit de projets concernant les
zones rurales du Tiers M o n d e , et surtout ceux qui touchent les femmes
villageoises.
E n règle générale, les projets d'alphabétisation financés par des
donateurs sont moins nombreux que ceux qui ont trait à l'enseignement
primaire. Pour ce qui est des projets d'alphabétisation des femmes, et
notamment des femmes rurales, ils sont encore plus rares ; pour la plu
part des projets à petite échelle, ils sont mis en œuvre en coopération
avec des associations non gouvernementales ou des organismes locaux
aux ressources financières modestes.
Moins nombreux que ceux qui se rapportent à la scolarisation, les
projets d'alphabétisation sont aussi, en règle générale, moins bien dotés
financièrement. Quant aux femmes rurales, elles échappent souvent aux
programmes de développement et les projets d'alphabétisation qui les
concernent ont le plus faible degré de priorité aux yeux des sources de
financement. Il est vrai que les projets de scolarisation sont plus faciles à
mettre en œuvre. Tout d'abord, le système scolaire dispose générale
ment de personnel enseignant, m ê m e s'il n'est pas toujours qualifié ni
assez nombreux. L e personnel d'éducation des adultes, en revanche,
n'existe qu'accessoirement ou demande à être formé, ce qui pour un
projet représente une contrainte supplémentaire. Le secteur de l'éduca
tion formelle dispose également d'infrastructures, de matériel et de
98 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
structures, ce qui est loin d'être le cas pour l'éducation des adultes, sur
tout dans les pays en développement. Enfin, pour ce qui est de l'alpha
bétisation des femmes, les gouvernements n'ont jusqu'à présent
exprimé que rarement u n intérêt réel et soutenu pour ce type de forma
tion où tout reste à faire, de la formation du personnel à la fourniture
d'un matériel d'enseignement approprié.
Les différents programmes ou projets d'alphabétisation des
femmes peuvent être classés en trois catégories. Premièrement, les pro
grammes à l'échelle nationale qui se présentent soit sous la forme de
campagnes d'alphabétisation, dans lesquelles les femmes sont automa
tiquement incluses, soit sous celle de programmes d'alphabétisation
spécifiquement destinés aux femmes, soit encore de programmes inter
sectoriels et interdisciplinaires de développement liés à l'amélioration
de la condition des femmes. Tel est le cas, par exemple, du programme
intitulé « Les femmes et le développement » ( W o m e n in development)
que les grandes agences des Nations Unies, dont le Programme des
Nations Unies pour le développement ( P N U D ) et les banques, ont de
plus en plus tendance à financer.
Deuxièmement , les projets de grande envergure qui bénéficient
pour la plupart d'un financement externe relativement important. Ces
projets de type « classique » ont jusqu'à maintenant été plus volontiers
financé par le P N U D , par des organisations d'aide bilatérale ou par des
fonds créés auprès d'organisations internationales des Nations Unies.
Mais ils ont des difficultés à se développer de façon autonome, en parti
culier quand ils sont conçus à l'intention des femmes. Il arrive souvent
que les activités prévues dans le cadre de ces projets cessent lorsque les
fonds d'origine extérieure sont épuisés.
Troisièmement, les projets restreints, à dimension plus humaine,
participatifs et adaptés aux populations cibles, qui sont généralement
soutenus par des organismes locaux, des organisations non gouverne
mentales, des groupements féminins et des associations bénévoles.
Les expériences de coopération internationale des dernières
années ont démontré que, pour obtenir des résultats plus satisfaisants et
durables, la meilleure stratégie d'alphabétisation des femmes est celle
de l'intersectorialité, par le biais de projets restreints. D e tels projets
tiennent compte du contexte local, mobilisent les énergies et encou
ragent la participation et les initiatives de la communauté ; ils
L 'action 99
conviennent mieux aux femmes rurales. Toutefois, comparés aux activi
tés de développement déployées à l'échelle nationale, les projets res
treints ont tendance à n'avoir qu'un effet marginal et reçoivent un appui
politique et financier limité.
Beaucoup de projets qui bénéficient d'une assistance technique et
financière extérieure, et qui s'adressent à une clientèle féminine, sont
onéreux, rigides et trop complexes. Tributaires d'une longue chaîne
d'intermédiaires, ils ne donnent pas aux bénéficiaires les moyens de pro
fiter pleinement des résultats, ne reflètent pas toujours les réalités et les
vrais besoins des femmes, leur manière d'être et leurs coutumes, et ne
prennent pas en compte leurs capacités et leur volonté croissante de se
prendre en charge.
L'identification des projets devrait être une affaire locale, la collec
tivité et les principales bénéficiaires étant consultées au sujet de la défi
nition des priorités et des besoins. Les techniques de formulation et de
préparation des projets devraient être connues des « partenaires natu
rels » - les populations - et des autorités locales concernées. E n Equa
teur, par exemple, l'Association latino-américaine d'éducation radio-
phonique a élaboré un guide pratique de préparation des projets de
développement communautaire, sous forme d'une bande dessinée. A u
Niger, l'Institut pratique de développement rural a inclus dans son pro
g r a m m e officiel d'études sur l'animation rurale la méthodologie de la
conception et de la mise en œuvre des projets locaux de développement.
L'expérience prouve qu'il est nécessaire, avant de concevoir un
projet d'alphabétisation des femmes rurales, d'effectuer une étude de
faisabilité et des enquêtes socioéconomiques sur la population cible, et
ce d'autant plus que les statistiques nationales sont généralement inexis
tantes. Les données porteront notamment sur les conditions de vie des
femmes et de leurs familles, les tâches quotidiennes et leur répartition,
l'emploi du temps et les possibilités de l'aménager, les sources et le
montant des revenus, l'accès aux ressources, les langues, les coutumes
et traditions de la communau té , les possibilités d'accès des femmes aux
services sociaux, les besoins en matière de formation, etc. Pour bâtir des
projets durables, il faut connaître le climat social et politique, respecter
les démarches et les initiatives qui se font dans le pays et consulter les
interlocuteurs les plus écoutés. Il est préférable que les personnes char
gées de la collecte des données soient des spécialistes du pays, et plus
100 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
particulièrement des femmes ayant vécu dans la région ou ayant une
bonne connaissance du milieu rural.
Les organisations et les groupes féminins nationaux et locaux
devraient être consultés, tout c o m m e les autorités locales concernées,
les organisations non gouvernementales, les organisations religieuses,
les coopératives, les enseignants, les agents de vulgarisation, les anima
trices, les chefs de villages, les médias et toutes les institutions et per
sonnes ayant une relation directe ou indirecte avec le futur projet. Les
bénéficiaires devraient pouvoir être associés à l'exécution du projet et le
personnel sensibilisé aux problèmes de l'alphabétisation des femmes.
Dans le cas de projets mixtes, il importe que les femmes soient égale
ment incluses parmi les responsables chargés de la mise en œuvre du
projet.
Les activités du projet devraient être planifiées de manière à per
mettre des réajustements en cas de nécessité. Pour les mener à bien, une
marge de temps suffisante est indispensable. Les donateurs doivent
octroyer ce temps aux exécutants et aux bénéficiaires et accepter d'en
financer le coût. Il faut laisser aux femmes rurales, submergées de tra
vail, le loisir et l'envie de participer à un programme qui s'adapterait à
leur m o d e de vie et à leur disponibilité.
Exemples de projets
Projets de grande envergure
Option : Éducation civique
Projet : Alphabétisation et éducation civique des femmes rurales
Pays : Inde
C e projet fait partie d'un programme de l'Unesco destiné à former des
animatrices qui, à travers l'alphabétisation, fournissent aux femmes
rurales des éléments de connaissance de base en matière de civisme.
Quatre pays ont été choisis pour mener à bien cette expérience
pilote : l'Inde, le Pérou, la République arabe syrienne et le Cap-Vert.
E n Inde, le projet se déroule au nord du pays dans l'État d'Uttar
Pradesh. Dans cette région à prédominance rurale, le manque d'en
seignants et le fort taux d'analphabétisme parmi les femmes sont des
L 'action 101
problèmes majeurs auxquels le projet avait à faire face. C'est pourquoi,
après une étude de faisabilité effectuée en 1985, 300 centres d'éducation
destinés aux femmes adultes et aux jeunes filles ont été ouverts.
L'objet du projet est de fournir simultanément aux femmes adultes
de quinze à quarante-cinq ans et aux jeunes filles de six à quatorze ans
une éducation de base tout en leur facilitant une prise de conscience
sociale et civique.
Les principales bénéficiaires du projet sont des femmes rurales,
pauvres, généralement issues de castes inférieures et analphabètes, ainsi
que des fillettes qui ont prématurément abandonné l'école avant la troi
sième année du primaire. Les 300 animatrices des 300 centres sont des
jeunes femmes entre dix-huit et trente-cinq ans. Les classes s'organisent
en groupes de 25 à 35 personnes.
Avant que ne commencent les activités des centres, une campagne
de sensibilisation a été menée parmi les membres des communautés par
l'intermédiaire des chefs de villages, par le contact direct de porte à
porte avec les villageois ou à l'aide de slogans et d'affiches. L e projet a
également bénéficié d'une bonne campagne publicitaire à la radio et à la
télévision, et dans les journaux locaux et régionaux. Des programmes
culturels ont été organisés, ainsi que des conférences et des expositions à
l'occasion de festivals locaux et de marchés.
L a population locale, motivée par ces campagnes, a adhéré en
nombre au programme et certains ont m ê m e cédé des locaux pour per
mettre l'organisation des centres. Les comités villageois d'alphabétisa
tion créés à cet effet, composés de huit membres et d 'un chef de village,
ont joué un rôle prépondérant dans la campagne de sensibilisation, dans
la mise en place des centres et dans la coordination avec les différentes
agences de développement communautaire concernées. Les éléments
de base de l'éducation civique, dont les principaux thèmes ont été choi
sis par les participantes, ont été intégrés dans les manuels d'alphabétisa
tion. L e livre de lecture pour la postalphabétisation inclut également le
sujet.
Les efforts entrepris dans le cadre de ce projet ont donné des résul
tats positifs. Des chansons et des poèmes ont été écrits sur les consé
quences négatives de la dot pour les filles ; la population rurale a pris
conscience de la nécessité d'une planification familiale ; les femmes
connaissent mieux leurs droits ; des foyers sans fumée (les chulhas) ont
102 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
été aménagés ; des milliers d'arbres fruitiers plantés. Les habitudes ali
mentaires ont changé. Les enfants sont vaccinés plus sytématiquement.
Les femmes s'expriment plus facilement en public sur des sujets impor
tants pour elles. L e pourcentage de femmes analphabètes a baissé.
L e problème du manque d'enseignantes dans les zones rurales a
été en partie résolu par une approche permettant à une seule animatrice
de former aussi bien des femmes adultes que des jeunes filles. Ainsi le
projet a-t-il contribué à faire baisser le taux d'analphabétisme des filles
et des femmes dans la tranche d'âge de six à quarante-cinq ans, à déve
lopper la conscience civique des participantes et à améliorer la qualité
de leur vie.
Les résultats du projet se sont révélé suffisamment probants pour
que l'approche consistant à former des animatrices qui enseigneraient
aussi bien à des filles d'âge scolaire qu'à des femmes adultes, selon un
programme d'études intégrant l'alphabétisation, l'éducation civique et
la formation professionnelle, soit adoptée par les autorités de l'Uttar Pra
desh en vue d'en généraliser la mise en application.
Option : Éducation en matière de population
Projet : Intégration de l'éducation en matière de population aux
programmes de postalphabétisation
Pays : Maroc
C e projet, financé par le Fonds des Nations Unies pour la population
( F N U A P ) et mis en oeuvre par l'Unesco en 1987, a pour objectif majeur
de renforcer les capacités des cadres du Ministère de l'artisanat et des
affaires sociales en vue de planifier et de gérer des activités d'éducation
en matière de population dans les programmes d'alphabétisation.
A ce jour, le projet a produit et distribué un manuel de lecture en
60 000 exemplaires et un guide du maître en 1 200 exemplaires, où
figurent des sujets tels que la structure et la dynamique de la population,
la responsabilité des parents, la santé de la mère et de l'enfant, la planifi
cation familiale, les rôles sociaux, le développement, l'environnement,
l'état civil, le recensement. Trois affiches ont également été produites
en 3 000 exemplaires sur la planification familiale, sur l'environnement
et sur l'intégration de la f e m m e au développement.
L 'action 103
Grâce au projet, 15 professeurs de l'Institut national de l'action
sociale ainsi que 47 délégués régionaux, 73 cadres et 280 instituteurs
chargés de l'éducation des adultes ont reçu une formation en matière de
population et de démographie. 60 000 adultes et 240 étudiants y ont été
initiés.
Option : Éducation en situation de conflit armé
Projet : Éducation de populations déplacées
Pays : Mozambique
C e projet, qui bénéficie de l'assistance de l'Unesco, est implanté dans le
district de D o n d o , province de Sofala, une des zones les plus touchées
par la guerre.
Son objectif principal est de faciliter l'accès à l'éducation des per
sonnes réfugiées. L e camp de Cheringoma compte actuellement plus de
7 000 personnes en provenance de différents villages du pays, dont
90 % sont analphabètes - en majorité des femmes, parmi lesquelles un
nombre grandissant de veuves.
Il s'agit dans ce projet de dispenser au plus grand nombre possible
d'adultes les connaissances de base qui les aideront à mieux faire face
aux difficultés du m o m e n t et qui leur seront utiles au retour dans leurs
villages, qu'ils réintégreront à la fin de la guerre. Il s'agit également de
donner aux 850 enfants d'âge scolaire les moyens de fréquenter l'école
dans les meilleures conditions possibles. Pour ce faire, les maîtres ont
reçu u n complément de formation en pédagogie active et une nouvelle
école est en cours de construction.
L'instabilité caractérise la vie des réfugiés de Cheringoma. Elle se
manifeste par l'afflux constant de nouveaux réfugiés, l'augmentation de
la population du camp, la détérioration des infrastructures existantes et
le manque de matériel nécessaire pour en construire de nouvelles.
Cette situation de secours et de transition a inévitablement un
impact négatif sur les relations humaines, la santé, l'alimentation, l'hy
giène, la production agricole des populations et exige une approche
éducative adaptée.
L e travail éducatif avec les adultes se fera en intégrant l'école à la
communauté et en collaboration avec les instituteurs. Dans un premier
104 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
stade, il sera orienté vers l'organisation, la sensibilisation et la mobilisa
tion de la population dans une perspective intégrée dont l'objet princi
pal est l'amélioration de ses conditions de vie. A ce stade, il ne pourra
être question d'alphabétisation qui, dans le contexte de Cheringoma, ne
s'avérera pas prioritaire, mais de construction de puits, de distribution
de semences, d'outils agricoles, de matériel et d'équipement destinés au
centre médical.
Trois animateurs ont été sélectionnés pour travailler avec la popu
lation adulte du camp : deux pour l'éducation des adultes, un pour la
vulgarisation agricole. Chacun d'entre eux a bénéficié d'une formation
adéquate préalable.
U n e étude de milieu basée sur des entretiens avec la population a
permis de mieux cerner ses problèmes. Les propositions de plan de tra
vail qui faisaient suite à l'étude ont été discutées et approuvées lors
d'une grande assemblée des membres de la communauté de Cherin
g o m a .
Les principales activités menées en faveur des adultes en fonction
de ce plan ont été : la construction de latrines, de puits, de dépôt
d'ordures ; l'attribution de terres aux familles, la distribution de
semences, d'outils agricoles ; la rationalisation de la distribution de la
nourriture ; l'aménagement de l'ancienne école ; la participation à la
construction de la nouvelle école. Des sessions ont été organisées sur
des sujets concernant l'hygiène, la santé, l'agriculture, l'information
étant donnée dans la langue maternelle des réfugiés de Cheringoma,
avec du matériel d'appui visuel.
L'impact de ces activités pour adultes réalisées par les animateurs
en collaboration avec les maîtres de l'école a été positif. Les conditions
de vie dans le camp se sont améliorées, ce qui a laissé une plus grande
marge d'action pour satisfaire les besoins de base des populations.
Après un an d'activités de ce type, la demande pour une formation
plus poussée et plus structurée s'est fait sentir, notamment en faveur de
l'alphabétisation. C e projet a démontré que, dans des situations d'excep
tion et d'urgence, l'amélioration des besoins élémentaires de survie des
personnes doit précéder l'action éducative. L'alphabétisation est à cet
égard à considérer c o m m e une composante des programmes d'éduca
tion des femmes adultes et non c o m m e un point de départ.
L'action 105
Option : Formation de cadres féminins
Projet : Formation d'animatrices rurales polyvalentes
Pays : Niger
A u Niger, sur une population de plus de 7 millions d'habitants, dont
plus de la moitié sont des femmes, 90 % des personnes actives vivent
dans les zones rurales. L'activité économique du pays est basée essen
tiellement sur l'agriculture, l'élevage et la pêche. L a place et le rôle des
femmes dans ces activités sont considérables. E n dépit de cela, elles sont
défavorisées à bien des égards. Pour la plupart analphabètes, elles n'ont
pratiquement pas accès à la formation. Elles ne sont pas suffisamment
intégrées aux coopératives qui constituent un élément important du
développement rural au Niger. Les cours d'agriculture, d'hygiène, de
santé, de gestion, d'alphabétisation, ainsi que d'autres types de forma
tion ou d'information qui leur seraient utiles, font défaut par manque
d'infrastructures, de moyens techniques, d 'un encadrement adéquat ou
de programmes adaptés aux besoins et possibilités réels.
L'amélioration de la condition des femmes rurales du Niger exige,
en premier lieu, l'acquisition de connaissances de base « de survie »,
principalement dans les secteurs de l'agriculture, de la santé, de l'hy
giène, de l'économie domestique, de la nutrition, de la protection infan
tile, de la planification familiale, de la gestion coopérative et dans tous
les autres domaines qui les intéressent directement. L a transmission de
ces connaissances devrait se faire par le biais de techniques et de
méthodes adaptées aux besoins spécifiques de ces femmes et par l'inter
médiaire de personnel spécialement formé à cet effet.
Il n'existe pas actuellement au Niger d'institutions qui offrent des
possibilités de formation multidisciplinaire spécifiquement destinées
aux femmes dans des domaines correspondant aux réalités de leur vie
quotidienne en milieu rural. Les services de cadres féminins ruraux
polyvalents sont préconisés au Niger à la fois c o m m e une solution à la
demande de formation des femmes rurales et c o m m e u n palliatif à la
carence d'interlocutrices spécialisées dans les domaines d'intérêt de ces
femmes.
L e projet se propose de former des animatrices rurales qui seraient
intégrées à la fonction publique sous la tutelle du Secrétariat d'État à la
santé publique chargé des affaires sociales et de la condition féminine.
106 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Elles seraient affectées progressivement dans tous les départements et
arrondissements du pays pour y représenter la Direction de la condition
féminine. Elles seraient chargées de concevoir, de promouvoir et de
coordonner les diverses activités destinées aux femmes rurales, en
m ê m e temps que de mobiliser les ressources humaines disponibles pour
soutenir l'action en faveur de la f e m m e en milieu rural.
Les animatrices rurales polyvalentes agissant au niveau des dépar
tements auraient pour principales tâches : de participer à la préparation
des plans et des programmes régionaux de développement ; de conce
voir et d'élaborer des actions de développement intéressant les femmes ;
de mener des études de milieu ; d'encourager les femmes à participer à
des actions visant à améliorer leur condition de femmes et de produc
trices ; de coordonner et d'animer les activités des associations fémi
nines agissant dans le département ; de collaborer avec les divers ser
vices techniques de l'agriculture, des ressources animales, de la santé,
de l'hygiène, de la nutrition, de l'économie et de la planification fami
liale, de l'alphabétisation ainsi qu'avec les organisations non gouverne
mentales, les organisations internationales et les organismes bilatéraux
concernés afin de mettre à profit toutes les ressources humaines dispo
nibles pour les besoins du développement et des femmes rurales ; de
participer à la conception et à la mise en œuvre de projets de développe
ment concernant les femmes ; de coordonner et de superviser le travail
des animatrices rurales dans les arrondissements ; d'organiser le recy
clage périodique des animatrices des arrondissements et de dispenser la
formation selon les besoins.
A u niveau des arrondissements, les animatrices auraient essen
tiellement les m ê m e s tâches que celles qui sont affectées dans les dépar
tements. Elles devraient toutefois également former des animatrices
locales dans les villages, organiser leur recyclage, superviser et coordon
ner leurs activités auprès des femmes villageoises. Elles auraient en
outre à aider directement les femmes rurales dans toute action relevant
de leur compétence, selon leur disponibilité et les besoins exprimés.
L 'action 107
Option : Alphabétisation par les moyens audiovisuels
Projet : Alphabétisation et postalphabétisation avec l'aide de la vidéo
Pays : Pérou
Mis en œuvre au Pérou, le projet a bénéficié du soutien de l'Unesco par
l'intermédiaire du Bureau régional d'éducation pour l'Amérique latine
et les Caraïbes ( O R E A L C ) ainsi que de contributions du Programme
des Nations Unies pour le développement ( P N U D ) et du Programme
du Golfe arabe pour les organisations de développement des Nations
Unies ( A G F U N D ) . Il représente une expérience originale d'alphabéti
sation et de postalphabétisation de la population des régions andines, à
laquelle les femmes participent largement.
L'objectif principal du projet est d'améliorer les méthodes d'acqui
sition de la lecture, de l'écriture et du calcul, et de toutes les connais
sances de base utiles au développement local. U n e attention particulière
a été portée aux besoins des femmes en milieu rural.
L a population de la région andine à prédominance rurale vit diffi
cilement de l'agriculture de subsistance, dont l'unité de production est
la famille. L'analphabétisme, tout c o m m e la pauvreté, est omniprésent
et atteint des pourcentages allant de 33,8 à 51,2 % selon les zones. Parmi
la population analphabète de plus de quinze ans, 73,1 % sont des
femmes dont la quasi-totalité parlent le quechua.
L'école dans ces régions reste assez étrangère aux besoins et aux
préoccupations des populations. Elle ne prépare pas les enfants à un
quelconque avenir rural, mais au contraire les en éloigne. L'application
de modèles éducatifs urbains étrangers à la vie rurale andine est une des
causes essentielles de son échec. Les abandons y sont nombreux, les
absences également et le succès scolaire peu satisfaisant. Il faut ajouter à
cela que l'école rurale fonctionne dans des conditions précaires, les
enseignants n'ont pas la formation nécessaire et les classes ont des effec
tifs beaucoup trop importants par rapport au nombre de maîtres.
L'échec du système scolaire tel qu'il fonctionne dans les régions
rurales a largement contribué au développement de l'analphabétisme. A
partir de ce constat, les efforts du Gouvernement péruvien vont s'orien
ter vers une action simultanée d'alphabétisation des adultes et de scola
risation des enfants. C'est pourquoi, dans les années 80, le Ministère de
l'éducation a décidé d'une action d'alphabétisation dirigée vers les
108 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
adultes en établissant des unités mobiles dotées de technologies éduca
tives audiovisuelles auxquelles auraient accès les populations des
régions les plus reculées des Andes. Ainsi fut conçu le projet d'alphabé
tisation et de postalphabétisation avec l'aide de la vidéo qui fait partie
intégrante du Plan national multisectoriel d'alphabétisation.
L e choix des programmes d'alphabétisation en vidéo a été fait en
raison de la valeur mobilisatrice de ce m o y e n audiovisuel et de son rap
port coût-bénéfice plus satisfaisant. L'utilisation de la vidéo a exigé
l'adaptation de la méthodologie de production et d'utilisation du maté
riel éducatif et une modification, du point de vue de la substance, de la
formation du personnel enseignant. L'équipement a été organisé en
modules interchangeables, d 'un maniement et d 'un entretien aisés.
Dans la sélection du personnel enseignant, la priorité a été donnée aux
éducateurs d'adultes qui ont reçu une formation en matière de tech
nologie et de méthodologie audiovisuelles.
L a préparation des programmes vidéo a été m e n é e de manière dif
férente de celle des programmes conventionnels d'alphabétisation. U n e
part importante de cette préparation a été consacrée à l'étude du milieu
et des réalités dans lesquelles vivent les paysans. A partir d'observations,
de témoignages, d'entretiens individuels et collectifs, les participants
ont exprimé leurs vrais problèmes et les moyens d'y remédier. Les
apports des futurs bénéficiaires ont été par la suite transformés en conte
nus pédagogiques.
Les thèmes principaux du curriculum sont basés sur la vie quoti
dienne des populations et le développement communautaire. Chacun
des thèmes est divisé en trois sous-thèmes : les ressources naturelles, les
activités productives et la vie familiale. Les groupes d'alphabétisation
sont en principe mixtes. Dans certains cas, la majorité des participants
sont des femmes auxquelles se joignent les enfants attirés par les images
et les sujets familiers.
L'expérience d'alphabétisation avec l'aide de la vidéo au Pérou a
non seulement confirmé le potentiel éducatif des moyens audiovisuels
mais permis d'en réorienter l'utilisation. Dans le projet, la vidéo devient
l'instrument qui non seulement informe, mais permet également aux
bénéficiaires une lecture de leurs réalités et une meilleure pratique de
leur savoir-faire.
L'action 109
Utilisée de cette façon, la vidéo n'est plus une technique exposée à
la manipulation. Elle n'engendre ni aliénation ni agression culturelle.
A u contraire, elle a servi aux populations andines à s'identifier davan
tage à leur vécu et leur culture propres.
Option : Activités génératrices de revenus
Projet : Alphabétisation et postalphabétisation des jeunes filles et des
femmes
Pays : Togo
L e Togo , où le taux d'analphabétisme des femmes est d'environ 70 %,
est un des rares pays africains à avoir entrepris, au niveau de la nation,
une action programmée et soutenue destinée à alphabétiser les femmes.
Jusqu'en 1976, le programme national d'alphabétisation s'adressait aussi
bien aux femmes qu'aux h o m m e s . E n 1977 démarre un projet destiné
spécifiquement aux femmes des régions rurales avec, pour objectif prin
cipal, l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul allié à des
activités génératrices de revenus. A cette tâche difficile et de longue
haleine, l'Unesco a apporté u n soutien technique, l'Agence norvé
gienne pour le développement international ( N O R A D ) et le Pro
g r a m m e du Golfe arabe pour les organisations de développement des
Nations Unies ( A G F U N D ) , un appui financier.
La particularité de ce projet, m e n é avec beaucoup de conviction
par les autorités togolaises, tient au fait qu'il s'adresse aux femmes
rurales dans tout le pays et qu'il utilise les quatre principales langues du
T o g o : l'ewe, le kabiye, le tem et le ben. E n outre les cours théoriques
s'accompagnent d'activités pratiques et productives telles que la fabrica
tion de savon local, d'huile de palme, l'élevage, l'agriculture, le tissage,
la couture, la poterie, la vannerie. Les femmes s'organisent en groupe
ments productifs qui assurent leur participation active aux classes
d'alphabétisation et leur permettent également de tirer un profit i m m é
diat et concret de leurs connaissances. Ces activités ne sont pas nou
velles pour les femmes togolaises, mais sachant lire, écrire et compter,
elles peuvent les mener avec plus d'efficacité. Dorénavant elles sauront
tenir les comptes et les registres, on les trompera moins facilement au
marché où elles vendent leurs produits. Elles pourront comprendre les
110 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
prescriptions médicales, les panneaux d'information, elles s'intéresse
ront davantage au travail scolaire de leurs enfants, elles liront les
ouvrages qu'elles trouvent dans la bibliothèque rurale ou les brochures
et journaux locaux qui paraissent dans les langues locales.
Les classes d'alphabétisation sont menées avec le concours de
volontaires qui reçoivent une formation pédagogique préalable de
quinze jours et suivent des cours de recyclage tous les six mois. Les
cours sont organisés en fonction du calendrier agricole, de préférence
avant la tombée de la nuit, aussi bien pour économiser le pétrole des
lampes que pour satisfaire les maris mécontents de voir leurs femmes
rentrer tard le soir.
Aujourd'hui le projet enregistre des résultats marquants, puisque
12 000 femmes et jeunes filles ont suivi les cours, 521 centres d'alphabé
tisation ont été ouverts et équipés, 1 030 alphabétiseurs, 600 animateurs
ruraux, 80 bibliothécaires ruraux, 60 « écrivains locaux » qui servent de
correspondants pour la presse rurale ont été formés et plus de 54 000
exemplaires de matériel didactique divers ont été élaborés et distribués à
travers le pays. E n outre les femmes ont réussi à augmenter leur revenu
familial grâce aux activités de production des groupements féminins.
Les femmes togolaises qui participent aux activités d'alphabétisa
tion du projet ont acquis des connaissances nouvelles. Elles manifestent
un intérêt accru pour la vie communautaire, à laquelle elles participent
plus volontiers. Elles comprennent mieux les tenants et les aboutissants
des problèmes qui les concernent et sont mieux équipées pour affronter
les difficultés inhérentes à leur condition doublement défavorisée, en
tant que femmes et qu'habitantes de régions rurales.
Projets restreints
Option : Éducation et santé
Projet : Éducation à la santé
Pays : Brésil
Mis en place par un organisme non gouvernemental, l'Institut d'action
culturelle ( I D A C ) , le projet se déroule dans le village de Paraty, dans
l'État de Rio de Janeiro.
L'action 111
Cette expérience d'éducation à la santé constitue un trait d'union
entre le mouvement féministe et les couches populaires du Brésil et
constitue un exemple de la tendance du mouvement des femmes à
mener, de façon professionnelle, des activités dans le cadre du mouve
ment féministe.
Issues du mouvement féministe et de l'Institut d'action culturelle,
les animatrices du projet ont une expérience confirmée en matière
d'éducation populaire.
L e projet se déroule à Paraty, dans un village situé à 240 kilo
mètres de la capitale, où vit une population extrêmement pauvre dont
les principales activités productives sont l'agriculture et la pêche. Désor
ganisée et démunie, la population de Paraty n'a guère les moyens de
satisfaire les besoins les plus élémentaires, notamment en matière
d'éducation et de santé. Les femmes de Paraty sont marquées par des
problèmes de santé d'ordre somatique et de nature psychique, c o m m e la
nervosité quotidienne liée à la difficulté de vivre et à une sexualité mal
vécue.
C'est dans l'un des quartiers les plus pauvres du village que
l ' IDAC a mis au point un projet éducatif dont les objectifs sont les sui
vants : développer à l'intérieur de la communauté un programme d'in
formation et de formation des femmes qui leur donnerait les moyens de
prévenir les maladies, de préserver leur santé physique et psychique
ainsi que celle de leur famille ; donner aux femmes les moyens de
revendiquer leur droit aux services publics de santé, auxquels elles ont
difficilement accès ; permettre aux femmes d'approfondir la connais
sance de leur propre corps ; leur apprendre à mieux saisir les problèmes
de la communauté ; mettre à l'essai, à partir d'une intervention d'éduca
tion communautaire reliant éducation et santé, une méthodologie de
formation des femmes fondée sur les notions d'autonomie et d'indépen
dance.
La première étape du projet a consisté à étudier sur le terrain les
difficultés que peuvent créer, pour les femmes, certains aspects de leur
vie physiologique : les règles, la grossesse, l'accouchement, la période
post-puerpérale, l'allaitement, la ménopause. C e travail initial a permis
de sensibiliser l'ensemble de la communauté aux objectifs du projet et
d'identifier les femmes qui, localement, détiennent un savoir populaire
sur la santé. 100 familles ont été visitées, 96 femmes ont accepté de
112 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
parler. L'enregistrement de leurs témoignages a servi à produire un
matériel audiovisuel d'appui et à amorcer la réflexion. L'histoire collec
tive racontée par les femmes a été reconstituée à l'aide de diapositives.
L a synthèse des récits individuels a abouti à la définition d'un pro
g r a m m e de travail.
La deuxième étape a consisté en une série de séances de travail en
petits groupes, visant à informer et à former les participantes ; les anima
trices se sont employées à susciter une réflexion sur le pourquoi des pro
blèmes rencontrés et à encourager la recherche en c o m m u n de solu
tions et la construction collective d'une identité sociale chez les
femmes.
Pendant la deuxième année, le projet s'est poursuivi par des activi
tés de recherche sur l'environnement. Les participantes ont formulé
elles-mêmes le besoin de réfléchir sur la situation d'insalubrité dans leur
communauté , ses causes et conséquences et les moyens d'y faire face.
Cette prise de conscience de l'interrelation de la santé et de l'environne
ment a ouvert la voie à des initiatives locales visant à améliorer les
conditions de vie, surtout en ce qui concerne l'hygiène et l'habitation,
l'accès à l'eau potable et le régime alimentaire.
Bien que représentant une expérience très limitée (60 partici
pantes en deux ans), le projet de Paraty a laissé des acquis intéressants.
D u point de vue pédagogique, il a fourni un modèle d'intervention qui
peut servir de point de repère et d'inspiration dans la mise en place de
politiques d'éducation des femmes adultes.
Programme d'entraide
Les projets qui suivent font partie d'un programme de l'Unesco qui,
depuis plus de trente ans, apporte un appui concret et durable à des acti
vités conçues et mises en œuvre par les populations locales des pays en
développement. Ces projets sont soumis au Programme d'entraide (Co-
Action Programme) par l'intermédiaire soit des commissions nationales
pour l'Unesco, soit des organisations internationales non gouvernemen
tales. Par principe, ils doivent contribuer, m ê m e modestement, à l'amé
lioration des conditions de vie de la communauté à laquelle ils
s'adressent. L a priorité est accordée à ceux qui sont situés dans les pays
les moins avancés et aux groupes les plus vulnérables : les femmes, les
L'action 113
personnes handicapées, les réfugiés. Les possibilités d'assistance
offertes par le Programme d'entraide doivent être un point de départ
pour la poursuite des activités et le développement du champ d'action
du projet.
Projet : Club des mères
Pays : Bolivie
Jadis la Bolivie faisait partie de l'Empire inca. Aujourd'hui, 60 % de sa
population est indienne (Quechua et Aymora). Alors qu'au xviesiècle
elle était le foyer mondial de l'argent, la Bolivie est aujourd'hui un des
pays les plus pauvres d'Amérique latine. Les femmes y représentent plus
des deux tiers des analphabètes. Bien que l'activité des femmes des
zones rurales représente la principale source des revenus de la famille,
grâce à la production agricole et à la vente de produits maraîchers et
d'objets artisanaux, seulement 20 % des Boliviennes sont officiellement
recensées en tant que femmes actives.
Il existe une contradiction flagrante entre le rôle économique et
productif que jouent les femmes en Bolivie et leur statut social. L a frus
tration croissante due à leur situation défavorisée et la nécessité pres
sante de nourrir leur famille ont incité les femmes rurales à s'organiser
en associations d'auto-assistance appelées « clubs des mères ». Ces
clubs,plus ou moins importants, ont tous le m ê m e but : promouvoir la
production alimentaire, l'artisanat et les autres moyens d'existence et
sources de revenus. Actuellement ils sont plus de 1 250, groupés en
fédérations départementales, et réunissent plus de 100 000 Boliviennes.
L e projet devrait permettre de fournir aux clubs des outils et du
matériel pour les unités de production dans lesquelles les femmes
cultivent leur terre et élèvent les animaux. Il facilitera également l'achat
du papier, de l'encre, du matériel photographique et des photocopieuses
nécessaires au travail de formation et d'information.
114 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Projet : Construction d'un centre communautaire pour les classes
d'alphabétisation
Pays : Kenya
Les groupements de femmes constituent au Kenya une force puissante
du développement rural. Ils sont très actifs dans la production agricole
et les petites entreprises. Grâce à l'assistance du Programme d'entraide,
le groupe des femmes de M o k a n , situé près du lac Victoria, a déjà ins
tallé un réservoir souterrain d'eau, une adduction d'eau et fait l'acquisi
tion d 'un moulin à moudre les grains de millet. Actuellement, le groupe
a décidé de construire un centre communautaire qui sera utilisé pour
des classes d'alphabétisation pour adultes, de planification familiale et
de formation professionnelle de m ê m e que c o m m e lieu de rencontre de
toute la communauté .
Projet : Construction d'une bibliothèque scolaire
Pays : Inde
L e lycée de filles Saint-Justin a été construit il y a une dizaine d'années
par u n ordre de religieuses catholiques à Sivaganga, ville située au sud
du district de Tamil N a d u . L a majorité des élèves viennent de familles
pauvres qui vivent à Sivaganga et dans les villages avoisinants, où le taux
d'analphabétisme est le plus élevé. Afin que les élèves ne perdent pas les
connaissances nouvellement acquises, la directrice de l'école voudrait
faire construire une bibliothèque scolaire et la doter de livres. Les plans
pour la construction de cette bibliothèque sont dus à un ingénieur local.
Autres ouvrages
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Appendices
Appendices 121
I. Modèle classique pour la présentation d'un projet à un donateur éventuel1
Descriptif du projet
Titre :
Durée :
Lieu :
Organisme d'exécution (national) :
Organisme d'exécution (extérieur) :
Date approximative de lancement du projet :
Apports locaux ou gouvernementaux :
Contribution extérieure demandée :
Description succincte du projet :
La structure fondamentale d'un projet « classique » correspond à la hiérarchie
suivante des éléments de base du projet : objectifs de développement, objectifs
immédiats, résultats attendus, activités, apports.
U n projet formulé selon cette structure se développe selon la logique sui
vante : les apports doivent être transformés par les activités pour obtenir des
résultats spécifiques, lesquels contribueront ensemble à la réalisation des objec
tifs immédiats. Ceux-ci une fois réalisés contribueront, au moins pour une part,
à l'objectif de développement global.
1. Basé sur les instructions concernant la formulation des projets du Programme des Nations Unies pour le développement ( P N U D ) .
122 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
A . Contexte
Rendre compte succinctement des principales caractéristiques de la situation
d'ensemble dans laquelle s'insère le projet : le secteur de développement visé et
ses principaux aspects ; le plan ou la stratégie du pays le concernant.
B . Justification du projet
Fournir les raisons pour lesquelles le projet est entrepris et en expliquer la
conception.
Indiquer : le problème que le projet cherche à régler ; la situation
escomptée au terme du projet ; c o m m e n t et par qui les résultats du projet seront
exploités ; la stratégie et les modalités d'exécution propres au projet et les rai
sons justifiant l'assistance extérieure demandée ; les dispositions prises en vue
de relier le projet aux autres efforts menés dans le m ê m e secteur ; les moyens et
les efforts prévus en vue de fournir les éléments et le soutien nécessaires au suc
cès du projet et à la durabilité de ses résultats.
C . Objectif de développement
Présenter l'objectif au niveau du secteur tel que défini dans les plans arrêtés par
le pays dans une perspective à long terme.
L'objectif de développement se situe à un niveau supérieur et le projet
n'est qu 'un des moyens pour y parvenir.
D . Objectif(s) immédiat(s), résultats, activités
OBJECTIFS
Il est indispensable que les objectifs immédiats du projet soient correctement
définis car les autres éléments et la structure du projet en découlent.
U n objectif immédiat définit le but escompté du projet et doit être défini
sous l'angle des changements spécifiques que le projet doit entraîner sur les
plans du comportement, du statut ou de la situation considérée.
Les objectifs du projet doivent être réalistes et tenir compte des
contraintes temporelles, financières et humaines du projet. Ils doivent être défi
nis autant que possible d'une façon quantifiable ou tout au moins probante pen-
Appendices 123
dant le déroulement ou à l'issue du projet. Les objectifs définis par des termes
tels que « renforcer », « soutenir », « conseiller », etc., sont difficiles à mesurer,
de sorte qu'il vaut mieux les éviter.
L e nombre d'objectifs immédiats de chaque projet devrait être limité,
certains projets n'auront qu 'un seul objectif.
RÉSULTATS
Les résultats sont les « produits » tangibles auxquels le projet devrait aboutir
pour atteindre tel ou tel objectif immédiat. L a description de ces résultats doit
être aussi concrète et verifiable que possible, chaque objectif immédiat devant
être illustré par au moins un résultat. Il faut veiller à décrire tous les résultats
nécessaires à la réalisation d 'un objectif, sinon l'objectif risque d'être irréali
sable. Il est possible également q u ' u n résultat corresponde à plusieurs objectifs
immédiats.
A C T I V I T É S
Les activités du projet découlent naturellement des résultats. Il s'agit des tâches
concrètes que le projet suppose. Chaque résultat doit être en rapport avec au
moins une activité. Il ne faut indiquer que les tâches que le projet doit mener à
bien en veillant à distinguer les activités du projet et celles, plus générales, qui
sont déjà menées par l'institution ou le pays hôte. Chaque produit va générale
m e n t requérir plus d'une activité et certaines activités peuvent être utiles à plus
d ' u n produit.
E . Apports
Les apports sont les « matières premières » du projet, qu'il s'agisse de matériel,
de fourniture, de bourses, de personnel, etc. Il faut énumérer tous les apports
requis pour mener les activités du projet ou pour réaliser les résultats recher
chés, identifier les apports que le gouvernement ou l'institution hôte peut rai-
sonnablememt fournir et les énumérer, puis ensuite énumérer les apports qui
peuvent être fournis par une autre source que le pays hôte.
124 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
F . Suivi, rapports et évaluation
L e suivi mesure les progrès accomplis. Il devrait être suffisamment souple pour
permettre une évaluation permanente afin de déterminer si l'exécution pro
gresse de façon satisfaisante et d'effectuer d'éventuelles modifications en cas de
défaillance.
D e toutes façons, prévoir des évaluations intermédiaires et une évalua
tion finale. Prévoir également des rapports techniques sur les activités du projet
et un rapport final.
G. Budgets
Indiquer la contribution nationale ou locale et la participation financière exté
rieure demandée.
H . Annexes
Les annexes peuvent inclure un plan de travail, les programmes de formation,
les caractéristiques du matériel technique, les descriptions d'emploi pour le
recrutement du personnel nécessaire, etc.
Appendices 125
IL Exemple de document de projet, Programme des Nations Unies pour le développement
Numéro et titre : Alphabétisation intégrée aux précoopératives de production
Durée : 45 mois
Secteur et sous-secteur : éducation, éducation n o n formelle
Organisme d'exécution du gouvernement : Ministère de la santé publique, des
affaires sociales et de la condition féminine
Agence d'exécution : Unesco
Date prévue de démarrage : avril 1988
Apport du gouvernement (en monnaie locale) :
Apport du P N U D (en dollars des États-Unis) :
Brève description du projet : L e projet se propose d'alphabétiser 10 000
m e m b r e s de groupements précoopératifs et de leur fournir, dans u n pro
cessus de formation continue, les aptitudes nécessaires pour accroître
leur production agropastorale et contribuer au développement autogéré
des c o m m u n a u t é s villageoises. U n e attention particulière sera accordée
aux f e m m e s et aux jeunes filles eu égard à leurs motivations, leurs inté
rêts et besoins spécifiques ainsi qu'à leur rôle déterminant dans la famille
et la c o m m u n a u t é rurale.
A u n o m de : Signatures : Date : Nom/titre (dactylographié) :
L e Gouvernement
L'agence d'exécution
Le PNUD
126 L 'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
A . Contexte
L'évaluation de tous les plans successifs de développement socioéconomique
de ... a fait apparaître que l'analphabétisme des populations constitue un obs
tacle considérable au développement. C'est pourquoi l'orientation de la poli
tique éducative actuelle du pays tend à promouvoir l'éducation c o m m e un fac
teur important du développement. L ' u n des objectifs à long terme fixé par le
Gouvernement est l'élimination de l'analphabétisme d'ici à l'an 2000 au
m o y e n d'une approche intégrée de généralisation de l'enseignement primaire
rénové et de l'intensification de l'alphabétisation fonctionnelle des jeunes et
des adultes.
Depuis 1971, l'alphabétisation est retenue c o m m e une priorité dans tous
les plans successifs de développement de ... . Dès lors, le budget national enre
gistre d'année en année un accroissement des allocations financières en vue de
l'extension des actions entreprises en ce domaine. Les programmes d'alphabé
tisation touchent les populations des deux sexes sur toute l'étendue du terri
toire national et plus spécifiquement les zones rurales. Leurs axes principaux
ont trait au développement de l'agriculture, à l'amélioration de l'élevage, à l'or
ganisation des soins de santé, à la commercialisation et à l'organisation sociale
des villages.
B . Justification du projet
Les évaluations faites des expériences de développement rural en Afrique ont
démontré que toute action dans ce domaine n'est viable que si elle est prise en
charge par les populations concernées, permettant la solution des problèmes
que pose le développement en vue d'une plus grande maîtrise de l'environ
nement.
Les microréalisations adaptées aux besoins réels et aux conditions locales
constituent un m o y e n efficace pour atteindre cet objectif, à condition toutefois
d'être accompagnées d 'un programme de formation adéquat à l'intention des
intéressés, permettant l'épanouissement individuel et collectif des villageois
tout en mobilisant la communauté en vue d'un développement autogéré.
L e projet s'adresse principalement aux habitants des régions rurales des
deux sexes sur toute l'étendue du territoire national, dont les occupations prin
cipalement agricoles, pastorales et artisanales sont menées dans le cadre de
groupements précoopératifs.
Appendices 111
Ces groupements de dimension restreinte, créés au niveau des villages,
cherchent à améliorer leur m o d e de fonctionnement et de rendement tout en
respectant les types d'organisation traditionnelle. L'alphabétisation et la forma
tion constituent un moteur important de ces changements.
L'alphabétisation fonctionnelle, qui combine à la fois l'accès au savoir et
au savoir-faire avec les exigences locales du travail et du développement endo
gène et vise à l'acquisition des mécanismes de lecture, d'écriture et de calcul,
au perfectionnement professionnel et à l'application des nouvelles technolo
gies en vue de l'accroissement et de l'amélioration de la production, sera l'ins
trument de formation utilisé dans le projet.
L'assistance du P N U D est sollicitée pour compléter les apports du G o u
vernement et les potentialités locales, renforcer et élargir davantage l'effort
national d'alphabétisation et de postalphabétisation.
Bien que le projet s'adresse à une population mixte, il est à prévoir qu'il
touchera plus particulièrement les femmes et tiendra compte de leurs besoins
spécifiques et de leur impact sur la vie et le progrès des habitants de la c o m m u
nauté, ainsi que de leurs motivations et leurs prédispositions à s'organiser,
notamment dans les groupements de production.
C . Objectif de développement
Familiariser les populations avec les projets locaux de développement en leur
donnant le complément de formation nécessaire à leur participation plus active
et plus efficace au programme de développement économique et social de la
nation et permettre aux communautés rurales d'utiliser les nouvelles tech
niques agricoles en vue d'une autosuffisance alimentaire.
D . Objectifs immédiats, résultats attendus et activités
1. OBJECTIF I
Installer progressivement des centres d'alphabétisation dans le cadre des grou
pements précoopératifs de production agropastorale et artisanale sur toute
l'étendue du territoire du pays.
1.1. Résultats attendus 1
300 centres d'alphabétisation créés à raison de 50 centres la première année, 70
centres la deuxième année, 80 centres la troisième année et 100 centres la qua
trième année, tenant compte des critères suivants : existence dans le village
128 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
d 'un comité d'alphabétisation, existence ou nécessité de la construction d 'un
local abritant la classe d'alphabétisation, disponibilité de deux volontaires
alphabétiseurs.
Activités
1.1.1. Étude de faisabilité dans 400 villages pour déterminer les villages cibles.
1.1.2. Choix des groupements viables réunissant les conditions favorables de
l'action projetée.
1.1.3. Sensibilisation des groupements choisis.
1.1.4. Étude socioéconomique pour déterminer les besoins pour la préparation
des programmes.
1.1.5. Installation des centres d'alphabétisation dans les groupements.
1.1.6. Équipement des centres en matériel didactique et en matériel de
démonstration.
2. O B J E C T I F 2
Fournir les connaissances de base que sont la lecture, l'écriture et le calcul aux
populations organisées au sein des groupements précoopératifs pour leur per
mettre de mieux gérer leurs activités et améliorer leur niveau de vie, tant sur le
plan individuel que collectif.
2.1. Résultats attendus 1
10 000 personnes initiées à la lecture, à l'écriture et au calcul et capables de
tenir par écrit la comptabilité de base des groupements, de lire et d'écrire u n
texte en rapport avec leurs activités de production et leur vie quotidienne (ali
mentaire, familiale, sanitaire).
Activités
2.1.1. Conception et élaboration du programme de formation des m e m b r e s de
groupements.
2.1.2. Conception et élaboration du matériel didactique en langues nationales.
2.1.3. Recrutement des alphabétiseurs.
2.1.4. Formation et recyclage des alphabétiseurs et des animateurs des centres
de postalphabétisation.
2.1.5. Diffusion du matériel didactique et du matériel de suivi au niveau des
centres d'alphabétisation.
2.1.6. Ouverture des centres.
2.1.7. Fonctionnement et suivi des centres.
2.1.8. Évaluation des connaissances et aptitudes des auditeurs.
Appendices 129
2.2. Résultats attendus 2
600 alphabétiseurs formés pour les centres d'alphabétisation.
Activités
2.2.1. Recrutement des alphabétiseurs. (Réf. 2.1.3.) Formation et recyclage des
alphabétiseurs et des animateurs des centres de postalphabétisation. (Réf.
2.1.4.) Ouverture des centres. (Réf. 2.5.6.) Fonctionnement et suivi des
centres. (Réf. 2.1.7.)
2.2.2. Recyclage des alphabétiseurs.
2.3. Résultats attendus 3
100 encadreurs des activités d'alphabétisation et de postalphabétisation formés
pour le soutien pédagogique des centres (10 superviseurs, 45 chargés d'alpha
bétisation, 25 rédacteurs de textes et 20 producteurs de textes).
Activités
2.3.1. Identification des encadreurs.
2.3.2. Détermination des besoins en formation des encadreurs.
2.3.3. Organisation des sessions de formation de recyclage (séminaires, ateliers,
voyages d'études).
3. OBJECTIF 3
Promouvoir l'éducation permanente des nouveaux alphabétisés afin d'amélio
rer leur niveau professionnel, socioéconomique et culturel.
3.1. Résultats attendus 1
Mise en place de 50 centres expérimentaux de postalphabétisation dans les cinq
régions économiques du pays, destinés à environ 2 000 personnes.
Activités
3.1.1. Évaluation des connaissances et aptitudes des auditeurs. (Réf. 2.1.8.)
3.1.2. Sélection des centres expérimentaux de postalphabétisation.
3.1.3. Détermination des besoins en matière de postalphabétisation des nou
veaux alphabétisés.
130 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
3.2. Résultats attendus 2
Conception, élaboration et diffusion du matériel de postalphabétisation pour
50 centres expérimentaux de postalphabétisation.
Activités
3.2.1. Organisation des sessions de formation de recyclage (séminaires, ate
liers, voyages d'études). (Réf. 2.3.3.)
3.2.2. Formation et recyclage des alphabétiseurs et des animateurs des centres
de postalphabétisation. (Réf. 2.1.4.)
3.2.3. Inventaire des services techniques et institutions chargés de l'éducation
des adultes.
3.2.4. Établissement d ' u n répertoire d'institutions chargées de l'éducation des
adultes.
3.2.5. Analyse des programmes de formation de ces institutions en vue de
déterminer les données et les thèmes les plus pertinents à vulgariser.
3.2.6. Constitution de banques de données et de groupes de « personnes de
ressource ».
3.2.7. L a n c e m e n t d 'un concours littéraire.
3.2.8. Dépouillement des résultats du concours.
3.2.9. Production des documents.
3.2.10. Diffusion des documents au m o y e n de la création de bibliothèques
rurales.
3.2.11. Évaluation de l'expérience de postalphabétisation.
E . Apports
ï. APPORTS DU GOUVERNEMENT
L'apport d u Gouvernement et des populations locales, estimé à 300 millions de
francs C F A , couvrira les dépenses relatives à :
la construction par la population locale, avec des matériaux locaux, de 300
centres d'alphabétisation ;
l'imprimerie pour la production des documents ;
la participation volontaire de 700 animateurs alphabétiseurs pour la durée d u
projet ;
l'équipement en mobilier des centres d'alphabétisation et des centres de post
alphabétisation (5 tables, 5 bancs, 1 bureau, 1 escabeau, 1 tableau et
1 lampe pour chaque centre) ;
la mise à disposition de locaux équipés pour le personnel d u projet ;
Appendices 131
bureaux équipés dans les régions ; bureaux équipés dans les secteurs sociaux ; prise en charge des frais d'eau, d'électricité, de téléphone et d'entretien.
L e projet s'appuiera sur le personnel suivant existant : au niveau central : le Directeur général des Affaires sociales, le Directeur de la
Division de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes (également Directeur national du Projet), 5 chefs de sections, 30 techniciens d'imprimerie et rédacteurs de textes ;
au niveau régional : 5 directeurs régionaux des Affaires sociales, 5 coordina-trices des activités féminines, 5 superviseurs régionaux d'alphabétisation, 47 chargés d'alphabétisation, 5 rédacteurs de textes, 25 chefs de secteurs sociaux.
2. APPORTS DU PNUD
2.1. Personnel
International : 1 volontaire des Nations Unies spécialiste en alphabétisation (24 m / h ) , 1 consultant en évaluation (0,5 m / h ) , 1 consultant en gestion coopérative (0,5 m / h ) .
National : 5 conseillers d'alphabétisation (220 m / h ) , 1 consultant spécialiste de l'enseignement du calcul (1 m / h ) , 1 graphiste (2 m / h ) , 1 consultant en agriculture (1 m / h ) , 1 consultant en nutrition (1 m / h ) .
Appui administratif : 1 assistant administratif (45 m / h ) , 1 secrétaire-dactylographe (45 m / h ) , 1 chauffeur (45 m / h ) , 1 m a n œ u v r e (45 m / h ) .
2.2. Formation
20 sessions de formation de 600 animateurs alphabétiseurs ; 60 sessions de recyclage des 600 animateurs alphabétiseurs ; 5 sessions de formation de 100 animateurs des centres d'alphabétisation ; 10 sessions de recyclage des animateurs des centres de postalphabétisation ; 5 ateliers de conception et d'élaboration du matériel d'alphabétisation destiné
aux rédacteurs, aux conseillers et aux superviseurs d'alphabétisation ; 5 sessions de formation à l'intention des nouveaux alphabétisés ; 2 séminaires de formation technique des agents encadreurs du projet dans le
domaine de la supervision, de l'évaluation et de la gestion coopérative ; formation continue de 2 000 nouveaux alphabétisés dans 50 centres expéri
mentaux de postalphabétisation ;
132 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
2 voyages d'études des cadres nationaux dans la région d'Afrique ;
2 bourses de courte durée (1 régionale, 1 internationale).
2.3. Équipement
Matériel non consommable :
1 voiture Peugeot 504 « familiale » de liaison ;
1 camion 7 tonnes ;
45 scooters Vespa et Suzuki D a m e ;
2 machines à écrire (en langues nationales) ;
2 machines à ronéotyper ;
2 projecteurs ;
1 machine à calculer ;
équipement de démonstration.
Matériel consommable :
fournitures de bureau et d'impression de matériel d'aide pédagogique aux
niveaux central et régional ;
matières premières pour les démonstrations.
F . Suivi, rapports d'activités et évaluation du projet
L e projet fera l'objet d'une revue tripartite (avec la participation conjointe du
Gouvernement, de l'agence d'exécution et du P N U D ) au moins une fois par an
à partir du début de sa mise en œuvre.
L e Directeur national du projet et/ou le responsable international de
l'agence d'exécution prépareront et soumettront, à chaque réunion de la revue
tripartite, un rapport d'évaluation de l'exécution du projet. Si nécessaire,
d'autres rapports peuvent être requis pendant la durée du projet.
A la fin du projet, le (lés) responsable(s) du projet prépareront un projet
de rapport pour analyse et commentaires techniques de l'agence d'exécution
quatre mois avant la réunion finale de la revue tripartite.
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III. LISTE D'ÉQUIPEMENT
1. Équipement non consommable
1 véhicule Peugeot 504 « Familial »
1 camion 7 tonnes Toyota
35 scooters Vespa 10 Suzuki « D a m e »
2 machines à ronéotyper
2 machines à écrire (en langue nationale)
1 machine à calculer
2 projecteurs cinéma 16 m m
2. Matériel
Groupements de fabrication de savon et d'huile
Table de coupe, moule
Fût en plastique
Fût vide galvanisé
Fût de 25 1
Seau galvanisé
Seau en plastique
Cuvette en aluminium
Cuvette émaillée
Gants en caoutchouc
Truelle
Fût d'huile (200 1)
Soude caustique
Marmite en fonte
Couteau
Bassine galvanisée
Entonnoir
144 L'autre Tiers Monde. Les femmes rurales face à l'analphabétisme
Groupements agricoles
Coupe-coupe
Houe
Daba
Sac de jute
Hache
Pioche
Râteau
Brouette
Arrosoir
Grillage
Fil de fer galvanisé
Provende poussins
Groupements d'artisanat
Fil teint
Rouleau de ficelle
Anneau en plastique
Anneau en fer
Anneau en bois
Cadre en fer
Pelote de laine
Aiguilles à tricoter
Ciseaux
Appendices 145
IV. DESCRIPTION DE POSTE TYPE
Titre du poste : expert national en alphabétisation et postalphabétisation
Lieu d'affectation : chef-lieu, avec de nombreux déplacements dans la région
Description des fonctions :
L'expert fera partie de l'équipe du projet. Il travaillera sous la direction du
directeur national du projet, en étroite collaboration avec les autres membres
de l'équipe du projet ainsi qu'avec le personnel de la Direction régionale des
affaires sociales et de la condition féminine.
L'expert aura pour fonction principale de conseiller les superviseurs et
chargés d'alphabétisation de la région dans toutes les activités d'alphabétisation
et de postalphabétisation. Il assumera la responsabilité des activités suivantes :
• identification des besoins en formation et planification des activités du projet
dans la région ;
• conception et élaboration des programmes d'alphabétisation et de postalpha
bétisation ;
• conception et élaboration du matériel didactique ;
• conception et élaboration des instruments de suivi et d'évaluation ;
• formation du personnel d'encadrement d'alphabétisation et de postalphabéti
sation ;
• formation des auditeurs des centres ;
• supervision du suivi et de l'évaluation des activités des centres ;
• préparation des rapports semestriels d'activités pour soumission au directeur
national du projet.
Qualifications requises :
• formation de niveau supérieur en sciences de l'éducation ou en linguistique ;
• de préférence, spécialisation en alphabétisation et éducation des adultes ;
• expérience pratique en matière d'alphabétisation.
Durée : poste ouvert pour une durée de quatre ans avec contrat d 'un an renou
velable.
Langues : connaissance du français avec maîtrise écrite et parlée d'au moins
une des langues nationales d'alphabétisation.