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Page 2. DÉCEMBRE 1953 LE COURRlfþ

"TOUT EST ASTRONOMIQUE

DANS L'INFINIMENT PETIT"

DEPUIS que l'homme est apparu sur la terre, il l'a exploréeet en a étendu les limites connues. Pendant des siècles,c'est à la surface de cette terre que s'est droulée l'aventure

humaine ; la géographie en a tracé les conquêtes sur les cartes etainsi a rendu possible leur exploitation.

Maintenant que la surface entière de la terre nous est fami-lière, les explorateurs se sont tournés vers les profondeurs des merset les immensités du ciel. C'est en 1905 que vola le premier avionet en 1950 les fusées grimpaient à 400 kilomètres, hauteur qui

représente la distance de Paris à Londres. Aujourd'hui, les garçonsrêvent d'atteindre les planètes voisines. Entre temps, d'énormes

télescopes ont mis les étoiles clignotantes à la portée de notremain et detrtère les astres on peut désormais dénombrer et situerles lointaines constellations. Notre imagination dépasse même leciel, comme jadis elle se passionnait pour les terres inconnues au-delà des mers.

Tout ceci nous est familier. Mais peu de personnes sont cons-cientes du fait que l'exploration s'est déjà fortement engagée dansune direction diamétralement opposée : vers l'intérieur. Ce voyageest plus difficile à traduire par l'image parce que les éléments quinous entourent---bois, pierre, métal-paraissent solides. Cepen-dant, à l'intérieur de ces éléments, on trouve les molécules qui,elles-mêmes, renferment des atomes et à l'intérieur des atomesapparaissent des particules plus petites encore : les protons, lesélectrons et nombre d'autres. Il semble qu'il n'y ait pas de limites

pour l'infiniment petit et les recherches pénètrent toujours plusavant dans ce domaine comme elles le font, à l'extérieur, dans le

grand univers.Telle est la scène sur laquelle se déroulent les aventures et les

explorations de notre époque, aussi passionnantes que n'importequelle expédition terrestre ou aérienne, aussi importantes pourl'avenir de l'homme. Il est grand temps que cette épopée soit miseà la portée de tous et que l'on fasse connaissance avec ce monde

étrange où la matière solide apparaît comme étant presque vide,où les particules se déplacent à des vitesses incroyables, et peuventmême disparaître pour se transformer en énergie, où l'énergie elle-même est composée de particules et où le temps se mesure enmillionièmes de seconde. Une fois acceptées ces nouvelles concep-tions, une fois appris quelques termes nouveaux, il n'y a rien dansce monde qui soit trop compliqué à comprendre, à moins, natu-rellement, que l'on veuille connaître l'atome à fond, ce qui exigedes études mathématiques approfondies.

Il existe une raison importante pour laquelle le monde del'atome doit être mieux connu : l'ignorance populaire lui a donnéun faux nom. Pour la vaste majorité de l'opinion publique, l'éner-

gie atomique évoque l'Idée d'horribles explosions et d'armeseffrayantes qui pourraient annihiler notre civilisation. Le dramede cette science nouvelle est qu'elle ait mûri én 1939, au momentoù éclata la guerre, et qu'elle ait été presque immédiatement uti-lisée à l'accroissement de la puissance militaire. Lors de l'explosionde la première bombe atomique, la science de l'atome était incon-nue de la plupart des hommes. Pour ceux-ci, la révélation fut unchoc Inoubliable.

Pourtant, cette utilisation-ou utilisation abusive-de la

nouvelle science à des fins militaires ne constitue qu'un aspect

particulier, grossi par la guerre. Ignorer les autres aspects, ettoutes les perspectives favorables qu'ils offrent à l'humanité, estaussi absurde que se détourner de l'aviation et de tous les usages

pacifiques de l'aéroplane parce que, pendant la guerre, il y eutdes avions de bombardement.

De même, l'utilisation médicale, industrielle et agricole des

rayons atomiques est extrêmement prometteuse. On peut déjà enattendre des révélations sur la nature de la matière et la structurede l'univers. Des sciences nouvelles s'en inspirent qui font espérer

pour nos enfants, sinon pour nous-mêmes, une vie meilleure.Il est aujourd'hui aussi indispensable d'être au courant des

particules contenues dans l'atome qu'il était important, il y a quel-ques siècles, de s'intéresser à la mystérieuse et nouvelle Amérique,ou, il y a deux générations, à la découverte de Pasteur sur lesbactéries ou encore, il y a cinquante ans, au premier aéroplane ;Désormais, l'atome est entré dans le domaine du savoir humain.

La série d'articles que nous publions dans ce numéro a pour

objectif d'amener à la portée de chacun le monde de l'atome etde répondre aux questions que les enfants d'aujourd'hui posent àleurs maîtres et à leurs parents.

Elle a pour but d'expliquer pourquoi l'Unesco a réuni les

experts en science atomique des pays européens pour coopéreraux recherches sur la structure de l'atome et sur les particules dehaute énergie, les frais entraînés par ces recherches étant, dans la

plupart des cas, trop élevés pour être supportés par une seulenation. Les étudiants et les savants européens disposeront bientôtdes possibilités de recherches les plus favorables à la suite del'accord intervenu entre douze nations dans le but de créer leConseil Européen pour la Recherche Nucléaire, accord prévoyantl'installation à Genève, cité de la paix, d'un grand laboratoire.

Elle a aussi pour but de montrer comment s'est établie la

coopération internationale pour mener à bien les explorations surles frontières de la connaissance humaine. Elle contribuera àrendre les nouveau termes-tels que rayons cosmiques, protonset mesons-familiers à tous et dans toutes les langues. Elle aideraà faire du monde de l'atome un des fondements de la culturehumaine.

Mais il ne sera pas question dans ces articles de bombes, de

plutonium, de réacteurs atomiques ou de piles. Il s'agit là d'appli-cations militaires de la connaissance nouvelle, qui représentent

uniquement un aspect partiel et très spécialisé de cette science,aspect d'un caractère en grande partie secret et peut-être d'ailleurstemporaire. Les atomes y sont détruits par fission et leur matièreviolemment convertie en énergie explosive.

Tout autre est le domaine des rayons cosmiques qui, venantde l'espace extérieur à l'atmosphère terrestre, atteignent le globe ;tout autre est le domaine des merveilleuses applications du radiumdans le traitement des maladies ; de la passionnante et nouvelle

conception de l'atome en tant qu'univers proprement dit, aussicomplexe qu'une constellation d'étoiles, rempli de radiationsinconnues et en pleine activité, de particules qui font elles-mêmes

partie d'autres particules, pleins d'énigmes, enveloppées de mys-tère, un univers que le Professeur Perrin a défini dans une for-mule saisissante : « Tout est astronomique dans l'infiniment

petit. >>...',Nous sommes loin de la fission explosive utilisée à des fins

militaires, qui n'est qu'un emploi abusif né de l'incapacité deshommes à résoudre les problèmes sociaux et internationaux.

Les faits scientifiques et les principes exposés dans ce numérone sont pas seulement le fruit de recherches effectuées par denombreuses nations mais constituent en fait un singulier élargis-sement de l'univers humain. Tout comme les grands explorateursont dressé la carte du globe et les astronomes celle du ciel, lessavants atomiques, fouillant la matière et l'énergie, ont découvertun monde inconnu qui est pour les philosophes une révélationet pour les générations futures un immense champ d'action.Aucune personne instruire ne peut l'ignorer.

RÉDACTION-ADMINISTRATION.MAISON DE L'UNESCO

19, avenue Kléber, PARIS-16'Directeur-Rédacteur en chef :

S. M. KOFFLER.Secrétaires de rédaction :

Edition française : ALEXANDRE LEVENTISEdition anglaise : R. S. FENTON

Edition espagnole : JOSÉ DE BENITOLes articles poraissant dans"Le Courrier"expriment

l'opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celles de"Unesco ou de la rédaction.Imp. GEORGES LANG, 11, rue Curial, Paris.

MC. 53. 1. 77. F.

ABONNEMENTSLe prix de l'abonnement est de 500 fr.

français, de 8 2 ou 10 s. 6 d.Ecrivez å notre agent de vente dans votre

pays ou, à défaut, directement à l'UNESCO,19, avenue Kléber, Paris.Afrique-Occidentale-Française : Librairie"Tous tes Livres"30, rue de Thiong, Dakar.Allemagne : Unesco Vertrieb fûr Deutschland,R. Oldenbourg, Munich. (D M 6)Belgique : Librairie Encyclopédique, 7, rue du

Luxembourg, Bruxelles IV. (Frs. B 90)Cambodge : (voir Viet-Nam).Canada : Centre de Publications Internatio-

nales, 5112, avenue Papineau, Montréal 34.(C S 2).

Chypre : M. E. Constantinides, P. O. B. 473,Nicosia.Egypte : La Renaissance d'Egypte, 9, rue Adly-

Pasha, Le Caire. (Mills. 500)France : Vente en gros : Division des Ventes,

Unesco, 19, Av. Kléber, Paris 16', Vente audétail : C. C. P. Paris 21-27-90 S"Générafe. 45

Av. Ktéber, en indiquant"Compte LibrairieUnesco".

Grèce : Elefthéroudakis, Librairie Internationale,Athènes.

Haiti : Librairie « A la Caravelle e)), 36, rueRoux,Port-au-Prince.

Hongrie : « Kuitura'), P. O. Box 149, Budapest 62.(Ft 17)

Irak : McKenzie's Bookshop, Bagdad.Israél : Blumstein's Bookstores Ltd., 35, Allenby

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Casella postale 552, Florence. (lire 1, 000)Laos : (Voir Vietnam)Liban : Librairie Universelle, Avenue des Fran-

çais, Beyrouth. (i 5)Luxembourg : Librairie Paul Bruck, 50 Grand-

Rue, Luxembourg.Madagascar : Librairie de Madagascar, Tana-nariveportugal : Publicaçoes Europa-América, Ltda,4 Rua da Barroca, Lisbonne.

Suisse alémanique : Europa Verlag, 5 Ramai-strasse, Zurich.-Suisse romande : Librairiede l'Université, Case Postale 72, Fribourg.(Fr. S 6. 50)

Syrie : Librairie Universelle, Damas. (S i : 5)Tanger : Centre International, 20, rue Molière.Tchécoslovaquie : Artia, Ltd., 30 Ve Smeckach,

Prague IlTunisie : Agence Aghlébite, 20, Grand-Rue,

B. P. 2, Kairouan.Turquie : Librairie Hachette, 469, Istiklal Cad-

des, Beyoglu, Istanbul. (T i 4)Viet-Nam : Librairie nouvelle A. Portail, B. P.

283, Saigon. Sous-dépot : K. Chantarith, 38,Rue Van Vollenhoven, Phnom-Penh.Yougoslavie : JlIgos ! ovenska Knjiga, Terazije

27/) i. Belgrade. (Dinars 430).

S, !- !, f mention spécial, les articles peu-blies dans ce numéro peuvent etrereproduits sans autorisation préalable,å condition d'zen mentionner l'origine :

(c Le Courrier de l'Unesco.))

! R. RltÞE l'UNESCO DÉCEMBRE 1953. Page 3

Les éléments radioactifs, tels que le radium, émettent naturellement des particules extrêmement rapides, mais en quantité limitée. Pour l'exploration de la structuredu noyau de l'atome, point d'une densité presque inconcevable pour son volume microscopique, l'énergie fantastique nécessaire pour briser ce noyau est obtenueau moyen d'une machine appropriée qui accélère des projectiles électroniques ou nucléaires à une vitesse prodigieuse. Cette photographie montre un accélérateur(générateur Van de Graaff) détaché de sa coque, grâce auquel ces particules deviennent des projectiles extrêment puissants pour le bombardement des atomes.

L'ACTIVITé humaine consiste en grande. partie à décomposer les objets existantdans la nature et à en recombiner leséléments de façon nouvelle. De vastes

forêts disparaissent sous la hache des bûche-rons pour réapparaître sous la forme d'hebdo-madaires et de bas de rayonne ; le produit desgisements de minerai de fer se combine aveccelui des plantations de caoutchouc et despuits de pétrole pour aboutir aux embouteil-lages qui, dans nos villes, paralysent la circu-lation aux environs de midi ; les pierres detaille se transforment en maisons. L'hommeapprend vite que, plus l'objet à décomposer estpetit, plus le travail de décomposition est diffi-cile.

Dès les premiers temps de l'humanité, il aété possible de distinguer deux plans très diffé-rents sur lesquels peuvent s'effectuer les opé-rations de séparation et de reconstitution. Surle plan le plus proche de nous, les objets, quivont de la pyramide au grain de poussière, ontdes dimensions que l'on peut rapporter àl'échelle humaine. On utilise à leur égard desprocédés mécaniques, et l'outil-est ici la mainhumaine, complétée par ses multiples prolon-gements, depuis le silex taillé jusqu'à la per-ceuse de précision. La quantité d'énergie quel'on peut dépenser pour traiter un kilogrammede matière est encore à l'échelle des forceshumaines.

Les opérations que nous appelons aujour-

par L. KowarskiDirecteur du groupe"Laboratoire..

(Conseil Européen pour la recherche nucléaire)

d'hui c : chimiques ; mais qui remontent àl'invention du feu et aux débuts de l'agricul-ture, se déroulent sur un plan tout différent.Nous savons aujourd'hui que toute opérationchimique consiste à séparer et à recombinerdes particules matérielles si petites que lemoindre grain de poussière, la moindre gouttede liquide en contiennent encore des milliardsde milliards. Pour séparer l'une de l'autre cesparticules-que nous appelons atomes etmolécules-il faut déployer une énergie beau-coup plus grande que sur le plan précédent, etlorsque nous les recomposons de façon nou-velle, nous pouvons récupérer des quantitésd'énergie du même ordre. La dépense d'énergienécessaire pour extraire d'une mine un kilo-gramme de charbon (opération mécanique) nereprésente qu'un chiffre assez bas lorsqu'elleest exprimée en quelque unité courante commele kilogrammètre ; mais la combustion de cemême kilogramme de charbon (opération chi-mique) produit trois millions de kilogram-mètres.

L'empire de l'homme sur les forces chimi-ques, tel qu'il apparaît dans la technologie descombustibles, des alliages et des matières syn-

thétiques par exemple, n'est devenu assezcomplet que depuis deux siècles environ ; mais,lorsque l'art de séparer et de recombiner lesatomes se perfectionna, l'idée apparut, il y aune soixantaine d'années, que les atomesétaient eux-mêmes omposés d'unités structu-relles encore plus petites. Cette idée, quand elles'est imposée, a soulevé un problème nouveau- celui de savoir comment briser l'atome-et a fait naître une nouvelle espérance, celled'accéder, sur ce nouveau plan de recombi-naison des éléments, à d'immenses réservesd'énergie inexploitée.

On a commencé par briser l'atome. Commeaucun outil humain n'est assez fin pour concen-trer suffisamment d'énergie sur un seul atome,il a fallu recourir-c'était le seul moyenconcevable-au choc de projectiles extrême-ment petits se déplaçant à une très grandevitesse. Lorsqu'un atome fortement accéléréentre en collision avec un autre, l'effet obtenuest analogue à celui d'un lourd marteau ; et sile marteau possède un élan suffisant, il peutbriser l'enclume. La première opération de cegenre a été réalisée en 1919. Comme l'hommene fabriquait pas encore, à cette époque,d'outils atomiques, il a tiré parti du fait quecertaines substances, qui se trouvent dans lanature et que l'on appelle radioactives, ont lapropriété d'émettre un flux d'atomes animésd'un mouvement très rapide.En 1932, ce mode de propul- (suite au verso.)

Page 4. DÉCEMBRE 1953

LE SAVANT TAPE SUR LES

PARTICULES INFIMES

(Suite de la page 3.) sion naturel fut abandonné, l'homme ayant in-vente des machines permettant de soumettre les

atomes d'hydrogène, d'hélium, etc., à des forces électriques etmagnétiques considérables. A l'aide de ces machines-cyclotrons.générateurs Van de GraafI et autres-les recherches sur les forcessubatomiques ou <&lt; nucléaires :) sont devenues rapides et efficaces.

On a vite reconnu que tous les atomes se composent de deux sortesd'éléments, les protons et les neutrons, et que des forces énormesentrent en jeu lors de la combinaison de ces éléments. En fait, au-delàdes domaines mécanique et chimique où s'exerce l'action humaine,on a découveI't un troisième domaine où se déploient des énergiesplusieurs millions de fois supérieures à celles de la chimie.

Ces énergies sont souvent exprimées au moyen d'une unité spé-ciale, l'électron-volt (eV), qui demande quelques mots d'explication.Un chimiste aime à connaître la quantité d'énergie fournie par unseul atome au cours d'une opération chimique telle que la combus-tion. Cette quantité est très faible, et une unité très petite suffit àl'exprimer ; dans la combustion du charbon, un atome fournit 4 eV.

Pour intervenir efficacement dans les phénomènes nucléaires, unseul atome doit être porteur de quelques millions d'électrons-volts(MeV). Les forces qui, sur le plan humain normal, sont répartiesentre des millions d'atomes doivent être concentrées sur un seuld'entre eux pour lui permettre de porter à l'objectif un coup assezviolent (à l'échelle nucléaire). Cela exige des machines puissantes.

Boules de naphtaline contre insectes atomiques.

P EDANT les dix premières années de leurs recherches dans cedomaine, les spécialistes de la physique nucléaire ont dû secontenter de soumettre leurs cibles à un bombardement d'atomes

et d'observer les collisions peu nombreuses qui se produisaient. ainsi.Cette méthode rappelle un peu la vieille plaisanterie selon laquelle

les boules de naphtaline sont très efficaces contre les mites, à condi-tion d'être lancées assez adroitement pour frapper les insectes enplein vol. Il n'y avait aucune commune mesure entre les énormesmachines utilisées pour les recherches nucléaires et le poids globalnégligeable des atomes-cibles effectivement atteints ; mais les quel-ques coups au but obtenus de cette façon'n'en fournirent pas moinsquantité de renseignements sur les forces nucléaires en jeu, et per-mirent aux savants atomistes de poursuivre avec joie des recherchesqui semblaient dénuées d'intérêt pratique.

La situation changea pendant la guerre, lorsqu'on trouva le moyende produire dans l'uranium un nouveau genre de réaction capablede se transmettre de proche en proche aux autres atomes du mêmeélément. C'était comme si l'on avait inventé des boules de naphtalinecapables de donner aux mites une maladie extrêmement contagieuse.Lorsqu'on découvrit le moyen de libérer, dans un kilogramme dematière, des énergies plusieurs millions de fois supérieures à cellesque l'on pouvait obtenir par des procédés chimiques, un nouveauchapitre s'ouvrit, pour le meilleur ou pour le pire, dans l'histoirede l'empire humain sur les forces naturelles.

Pour le spécialiste de la recherche nucléaire se dessinait déjàun nouveau but ; un nouvel ordre de petitesse devenait conce-vable puisque les protons et neutrons eux-mêmes semblaient disposésà se laisser briser ! Des nuées de mites encore plus minuscules queles précédentes se mirent à hanter l'imagination du savant atomisteet à stimuler sa recherche de'projectiles plus rapides et plus efficaces.

En 1945, on trouva le moyen d'accélérer les projectiles atomiques- toujours constitués par les mêmes atomes gazeux, de préférencedes atomes d'hydrogène-jusqu'à des centaines (et en 1952 à desmilliers) de MeV, ce qui permit d'aller bien plus loin qu'on ne l'avaitfait en découvrant les propriétés particulières de l'uranium.

Aujourd'hui, la fission de l'uranium, les piles atomiques à usagepacifique et les stocks moins pacifiques d'armes atomiques n'offrentplus grand intérêt professionnel pour le spécialiste de la recherchenucléaire, qui les abandonnerait volontiers à ses collègues chimistes,métallurgistes et ingénieurs. Les recherches nucléaires d'avant-gardt-portent aujourd'hui sur des concentrations d'énergie encore plusfortes sous des volumes encore plus réduits, et de ce fait, ne fontplus peser sur nous, heureusement, la menace d'applications prati-ques immédiates, qu'elles soient mortelles ou non.

Bientôt, deux puissants accélérateurs européens.

ON ne peut pas dire que sur ce plan <&lt; métatomique Þ (au-delà del'atome) tous les phénomènes soient nouveaux. Depuis une qua-rantaine d'années, les spécialistes de la recherche nucléaire sa-

vent qu'une influence mystérieuse, provenant apparemment des pro-fondeurs de l'éther, agit sur les instruments de mesure très sensiblesqu'ils emploient. Ils ont constaté que ces c rayons cosmiques Þ sontporteurs d'une énergie concentrée, parfois comparable à celle obte-nue à l'aide de machines accélératrices, radioacitves ou construitespar l'homme, et parfois très supérieure à tout ce qu'il est concevableque les humains arrivent jamais à produire.

Pendant une génération, il a été impossible de provoquer en labo-ratoire un phénomène mettant en jeu plus de quelques MeV ; il fallaitgravIr des montagnes ou monter en ballon pour recueillir quelquesmaigres observations sur les effets des rayons cosmiques. Aujour-d'hui, on arrive à faire des expériences portant sur des milliers deMeV. Demain la limite des phénomènes dus à l'homme sera repous-sée plus loin encore, et pénétrera plus profondément dans le domainedes effets dus aux rayons cosmiques.

Dans ces recherches ambitieuses et désintéressées, nos collèguesaméricains avaient, jusqu'ici, l'avantage de disposer de tous les accé-lérateurs de particules les plus puissants et les plus modernes. Grâceà la création du Conseil européen pour la recherche nucléaire, quienvisage de construire, d'ici quelques années, deux puissantes sourcesd'atomes puissamment accélérés, les savants européens espèrent pou-voir reprendre bientôt leur place à l'avant-garde de la science.

On fera de nouvelles découvertes, dont certaines conduiront peut-être, plus tard, à de nouvelles applications, aussi différentes de ceque nous appelons aujourd'hui la c technologie atomique :. que celle-ci est différente de la chimie. La science porte des fruits, mais c'esten poursuivant la connaissance pour elle-même que le savant apprendà asséner sur le noyau de l'atome, des coups toujours plus précis.

LE COURRAI'T

IDE L'UNESCODÉCEMBRE t953. Page 5

A L'ASSAUT DES SECRETS DE LA NATURE

0 Alpha, beta, gamma, ABC de la physique nucléaire

L'UNIVERS offre à celui qui étudie sa structure un grandsujet d'étonnement : il est composé entièrement departicules distinctes. Si quelqdun pouvait se placer en

dehors de lui, l'immense univers apparaîtrait grosso modocomme une traînée de brume ou une bouffée de fumée, lesétoiles et les constellations remplaçant les gouttelettes d'eaudu brouillard.

Les étoiles, comme le soleil et la terre, sont composées dematières solides, liquides ou gazeuses, celles-ci étant elles-mêmes formées de très petites particules connues sous le nomde molécules. La pierre et le métat, les océans et t atmosphèrequi nous entoure ne constituent pas une masse continue, bienqu'ils apparaissent comme tels à nos yeux, mais sont desamas de molécules individuelles.

Dans les solides, elles sont maintenues fermement en contactles unes avec les autres ; dans les liquides, elles sont liées d'unefaçon beaucoup plus souple de façon à pouvoir glisser les unessur les autres, c'est-à-dire flotter ; dans les gaz, elles sontentièrement séparées les unes des autres par des espacesvides. L'élévation de la température diminue l'attraction res-pective des molécules de sorte que de la glace chauffée fondd'abord en eau, puis se transforme en vapeur, les molécules seséparant de plus en plus les unes des autres.

Les molécules sont toutes semblables dans chacune desmilliers de substances qUI compo-sent la terre : sucre et sel, soufre etfer, cellulose et protéine, sabote etcotcaire. Elles sont fondamentalesdans ce sens qu'on ne peut pas lesdiviser mécaniquement en particulesplus petites.

Cependant, le chimiste peut les bri-ser en mettant en présence différen-tes substances, provoquant ainsi desréactions donnant naissance à denouvelles substances. Par exemple,en chauffant de l'huile ou de la cel-lulose dans l'air on amorce unecombustion qui donne det'eauetdu bioxyde de carbone. Ceci, ainsique d'autres expériences similaires,montre qdà l'intérieur des moléculesd'huile et de cellulose se trouvent ducarbone et de l'hydrogène dont lacombinaison avec l'oxygène de l'airdonne les oxydes-l'eau étant prin-cipalement un oxyde d'hydrogène.

De telles réactions-il y en a desmyriades d'autres bien plus compli-quées-ont démontré que les molé-cules sont composées de particulesplus petites encores : les atomes deséléments chimiques, Il existe quatre-vingt-douze éléments différents, doncquatre-vingt-douze différents typesd'atomes qui, combinés de façons di-verses, forment une infinie variété demolécules et, en conséquence, toutela rangée des matériaux qui compo-sent la terre et l'univers-y comprisles matériaux qui constituent tout cequi vit, les corps des animaux et deshommes. Tout comme la physiqueétudie les molécules et leur mouve-ment, la chimie se penche sur lesatomes et leurs combinaisons mu-tuelles dont sortent les molécules.

Pendant les cent années qui suivi-rent la découverte des atomes par lessavants, on les considéra comme laclef de voûte de toute la matière.Personne ne soupçonnait qdà l'inté-rieur de ces atomes existait unmonde, cette hypothèse étant absolu-ment impensable pour la philosophiedu, XIX'siècle. l'existence de cemonde ne fut révélée qu'à ta fin dece siècle.

En 1896, le savant français Henri

Becqueret, constata presque par ha-sard que l'uranium brouille une plaque photographique dansj'obscurité même quand la plaque est soigneusement envelop-pée dans du papier noir. Cette constatation mit Pierre et MarieCurie sur la voie qui les mena à la découverte d'un nouvelélément, le radium, dont les propriétés étaient semblablesmais bien plus puissantes,

Le radium : une horloge

naturelle parfaite

CETTE découverte fut la plus sensotionnelle des tempsmodernes. il s'agissait non seulement de la première révé-lation de ce que nous appe) l'énergie atomique, mais

aussi du premier indice de l'existence, à l'intérieur d'un atome,d'une partie qui restait à explorer. Elle indiquait la route versun monde qui fit passer le XXe siècle de surprise en surprise.

Cinq ans après, il devint évident que les atomes de radiumsont instables. Les uns à la suite des autres ils explosent et,en explosant, donnent naissance à trois différents types derayons appelés a) pha, bêta et gamma-les trois premièreslettres de l'alphabet grec-qui, à leur tour, produisent de lalumière et de la chaleur.

Les atomes de radium sont tous identiques mais, toutes lessecondes, une très petite proportion d'entre eux se brise sou-dainement, libérant des particules de matière, les rayons alpha,qui apparurent comme étant des atomes d'hélium. Mais leradium émet également de l'électricité comme les rayons bêta,et des vibrations atomiques, les rayons gamma, qui sont pluspénétrants encore que les rayons X.

Il n'existe aucun moyen connu d'augmenter ou de diminuerla fraction qui se désintègre de cette façon par seconde oupar an. Quelle que soit la quantité de radium dont on dis-pose, elle se désintègre à un rythme régulier, si régulier qu'on

- par Gérald Wendt

pourrait l'employer comme une parfaite horloge naturelle, cartous les 1600 ans la moitié des atomes disparaissent.

Plus tard, on découvrit de nombreux autres éléments radio-actifs de ce genre, chacun présentant une * demi-vie * carac-téristique mais quelques-uns se mesurant en milliards d'années,certains en millionièmes de secondes, d'autres en heures, joursou années. Personne ne sait pourquoi certains atomes de radiumsont destinés à exploser aujourd'hui, et pourquoi d'autres, iden-tiques aux premiers en apparence, dureront des siècles. Ques-tion de pure chance comme à la loterie.

C'est l'étude de la radioactivité naturelle qui a mis leschercheurs sur la piste de la radioactivité artificielle, c'est-à-dire qui a permis de forcer les atomes à se désintégrer et àlibérer leur énergie, Il a fallu presque cinquante ans pour yarriver.

Au cours de ces expériences on a beaucoup appris sur lesparticules ultimes (fondamentales) qui constituent la matièreet l'énergie associées à ces particules. La piste de la radio-activité mène aujourd'hui au cyclotron géant qui crée cesparticules. Mais pour saisir le problème dans son ensemble ilest nécessaire d'en examiner d'abord d'autres aspects, et

siècle. Depuis longtemps on utilisait l'électricité : batteries,moteurs, éclairage électriques, et même le téléphone étaientchose commune. On savait donc comment fonctionnait l'élec-tricité, mais on ignorait ce qu'est l'électricité.

C'est le professeur R. A. Millikan, de l'Université de Chicago,aux U. S. A., qui trouva, en 1909, la solution définitive du pro-blème. Il chercha à isoler la plus petite quantité d'électricité.Pour cela, il utilisa non pas le courant électrique usuel maisla forme statique,) la charge qui fait qu'une petite particule dematière est attirée ou repoussée par d'autres particules égaIe-ment chargées d'électricité.

Pour son expérience finale, il utilisa une gouttelette d'huilemicroscopique qui, d'elle-même, descendit lentement à traversl'air de son instrument expérimenta !. Puis il l'électrifia auplus petit degré possible et la maintint suspendue-sansqu'telle tombât-par une force électrique opposée. Il constataqdil existait une charge minimum et que toutes les chargesplus fortes communiquées ò la gouttelette d'huile étaient desmultiples exacts de ce minimum. Ainsi était démontré le faitque l'électricité n'est pas un * fjuide continu <-mais est ! ui-même composé de très petits éléments, tous identiques. Ceséléments sont maintenant appelés électron, Tout comme lamatière est composée d'atomes, l'électricité est faite d'élec-trons.

La méthode la plus simple pour accélérer les particules électroniques ou nucléaires consiste à les faire passer à travers une sériede plaques électrostatiques successives, chacune ajoutant plusieurs centaines de volts à l'énergie des particules, augmentantainsi leur vitesse. Cette photographie montre l'intérieur d'un tel <&lt; accélérateur linéaire)) installé à l'Université de Californie(Radiation Laboratory). Les particules passent successivement à travers la série de tubes que l'on voit suspendus à gauche du cliché.

notamment la nature de t électricité et de la lumière, quiinterviennent à mesure que la trame de la question se précise.

C'est en 1895, exactement un an avant que Becquerel, àParis, ne découvre la radioactivité, que le professeur Roentgen,de l'Université de Wurzbourg, constata, par hasard, que lors-qu'un courant électrique passe à travers un tube dans lequela été fait le vide, l'une des extrémités du tube émet desrayons qui sortent suivant des lignes droites, comme une lu-mière brillante, mais qui sont entièrement invisibles. Contrai-rement à la lumière, ces rayons traversent non seulement lepapier noir, mais n'importe que) objet solides,

Ce phénomène sembla si mystérieux qu'on donna à cesrayons le nom de. rayons X.. Il fut prouvé par la suite qu'itssont exoctement du même type que les rayons lumineux-mais d'une longueur d'onde bien plus courte. Les ondes de lalumière visible sont d'une longueur approximative de 0, 4 mil-lièmes de millimètre contre 0, 1 millionième de millimètre pourles rayons X.

Bien plus tard, on découvrit que les rayons gamma duradium sont du même type, mais d'une longueur d'onde pluscourte encore-0, 01 millionième de millimètre. C'est la lon-gueur extrêmement réduite de ces ondes qui leur permet depénétrer à travers les objets solides, tout comme de petitesvagues ou ondulations qui pénètrent dans un port passent àtravers des barrières que les grosses vagues ne peuvent vaincre.Leur utilisation en médecine est maintenant bien connue ets'explique par le fait qu'eues pénètrent plus facilement à tra-vers les tissus tendres qu'à travers les os, de sorte qu'ils fontressortir, les ombres des os et des autres corps solides rencon-trés sur leur route.

Toutefois, ni l'origine des rayons X ni la façon dont ils sontformés dans le tube à décharge électrique n'ont pu être expli-qués pendant des années. Ce qui n'est pas étonnant car unepareille explication suppose une connaissance de la nature del'électricité que l'on ne possédait pas encore au début du

10. 000. 000. 000. 000. 000. 000 d'électrons

LES électrons sont de véritobles particules, ce qui a étéprouvé en mesurant la force nécessaire pour les dévier deleur trajectoire quand ils passent-sous forme de cou-

rant et à grande vitesse-à travers un tube à vide. Il a étéégalement prouvé que leur masse est uniforme ; elle est égaleà environ la moitié d'un millième de la masse du plus légeratome connu, celui de l'hydrogène. L'électron a été la pre-mière particule découverte qui soit plus petite et plus légèrequ'un atome. En fait, il est incroyablement petit, puisque lecourant électrique qui passe à travers une ampoule électriquede cent watts en une seule seconde est composé de dix mil-lions de millions de millions d'électrons, nombre obtenu enfaisant suivre le chiffre 10 par dix-huit zéros.

Dix ans après la découverte du radium, la révélation del'électron venait ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde en-core ténébreux des infiniments petits, fournissant une explica-tion parfaite de tous les phénomènes électriques. Ces électronsmicroscopiques sont bien plus petits que les atomes et peuventfacilement passer parmi et à travers eux dans un fil, parexemple, et ainsi former un courant. Une batterie d'un typequelconque ne fait que pomper des électrons dans la, partie dela batterie appelée négative, et une dynamo est une machinequi exécute le même travail.

On comprit alors comment un courant électrique peut tra-verser un tube à vide-comme une lompe fluorescente mo-derne. En effet, une fois l'air pompé, rien ne peut empêcherles électrons de sauter à travers te vide jusqu'à t'étectrodeopposé. Et si la tension électrique, appelée voltage, est assezélevée, comme c'est le cas dans les éclairs, les électrons peu-vent même franchir de grandes distances à traversl'air, quoiqu'ils réchauffent cet air en produisant (Suite auune étincelle visible ou un arc lumineux. y vers 0)

Page 6. DÉCEMBRE 1953 LE COURRIEj

* ATOME : L'unité, de composition chimi-que ; la plus petite particule d'élément chi-mique capable d'une existence indépendanteLes atomes sont chimiquement combinés dedifférentes manières afin de former les molé-cules de composants chimiques.* CYCLOTRON : Appareil dans lequel desparticules nucléaires électriquement chargées,telles que des protons, sont obligées de semouvoir selon une trajectoire horizontale enspirale, entre les pôles d'un puissant électro-aimant, et de recevoir une impulsion électri-que supplémentaire à chaque passage circu-laire, de sorte qu'elles acquièrent progressive-ment une grande vitesse Et deviennent, ensortant de l'appareil, des projectiles nucléairesde grande énergie.* DEMI-VIE : Période de temps nécessairepour que n'importe quelle quantité d'un élé-mpnt radioactif se réduise de moitié Pflrvite de la désintégration progressive de sesa tomes.* DEUTERON : Particule nucléaire compo-sée d'un proton et d'un neutron formant lenoyau de l'atome de deuterium ou <&lt; hydro-gène lourd x.* ELECTRON : Particule fondamentale del'électricité.* ELECTRON-VOLT : Unité d'énergie ser-vant pour les mesures de mouvement et detransformation des électrons, des photons etdes particules nucléaires. C'est l'énergieacquise par un électron quand il est accélérépar une différence de potentiel d'un volt.* ISOTOPES : Différentes variétés d'atomesd'un élément chimique unique ; à leur sur-face ils ont le même nombre d'électrons, cequi leur donne des propriétés chimiques iden-tiques, mais la composition de leurs noyauxdiffère par le nombre de neutrons, de sorteque différents isotopes du même élément sedistinguent par le poids de leurs atomes.Exemples : l'hydrogène et le deuterium.* MESON : Particule à courte vie, électri-quement positive ou négative, dont la masseest intermédiaire entre un électron et unproton. Elle a été découverte dans les rayonscosmiques et est actuellement produite dansles proton-synchrotrons.* MOLECULE : La plus petite particule detoute substance ou de tout composant chimi-que capable d'une existence indépendante. Lesmolécules sont rangées côte à côte dans lescristaux, réparties au hasard dans les liqui-des et complètement séparées l'une de l'autredans les gaz.* NEUTRINO : Particule hypothétique, quin'a pas encore pu être observée, mais qui seforme-croit-on-quand un neutron sedésintègre en un proton et un électron, ouà la suite de certaines collisions des rayonscosmiques dans lesquelles elle absorbe unepartie de l'énergie.* NEUTRON : Un des composants fonda-mentaux de tous les noyaux atomiques(excepté celui de l'hydrogène). II a pratique-ment le même poids que le proton mais necomporte aucune charge électrique.'* NOYAU : Point extrêmement dense for-mant le centre de tous les atomes, dont lediamètre représente moins du dix-millièmede celui de l'atome, mais qui contient toutesa masse sous la forme d'un ou de plusieursprotons et neutrons étroitement liés.* PARTICULE V : La plus récente des par-ticules fondamentales découvertes dans lesrayons cosmiques. Est produite dans les accé-lérateurs de haute énergie. Sa nature exacteest encore inconnue.* PHOTON : Unité quantitative de l'éner-gie de la lumière et des ondes vibratoiressimilaires ; présente certains aspects d'uneparticule d'énergie, avec une masse presqueinexistante, mais est susceptible, à la suited'une collision avec un atome, de donner deuxélectrons : l'un positif et l'autre négatif.* POSITRON : Semblable à l'électron maischargé positivement au lieu de négativement.* PROTON : Un des composants fondamen-taux de tous les noyaux atomiques ; porte uneseule charge positive ; d'autre part, est lenoyau de l'atome d'hydrogène.* RADIUM : Un des éléments chimiques-découvert en 1898-qui possède la propriéteunique d'émettre des rayons alpha, bêta etgamma du noyau de ses atomes ; il se trans-forme ainsi en une série d'autres éléments et,finalement, en plomb.* RAYONS ALPHA : Un des trois types derayons émis par les éléments radioactifs. Cesont les noyaux d'atomes d'hélium. Ils sontcomposés de deux protons et de deux neu-trons et portent une charge électrique posi-tive de deux unités.* RAYONS BETA : Rayons pénétrants,composés d'électrons, émis par les atomesradioactifs, à des vitesses approchant cellede la lumière.* RAYONS GAMMA : Rayons extrêmementpénétrants, émis par des atomes radioactifset composés essentiellement d'ondes sembla-bles aux rayons X mais dont la longueur estplus de mille fois plus petite que celle desrayons X.* RAYONS X : Ondes électromagnétiquesobtenues dans un tube à vide quand des élec-trons sont projetés, par une force électriaueintense, contre une cathode métallique. Cesrayons sont du même type que les ondeS dela lumière ordinaire, mais leurs ondes ont unelongueur qui est seulement un millième decelle des ondes lumineuses visibles. Ils sontinvisibles mais peuvent pénétrer à traversplusieurs centimètres de matière, le degré depénétration dépendant du voltage utilisé pourleur production.* SYNCHROTRON : Machine construite detelle sorte qu'elle donne aux électrons uneaccélération suffisante pour leur communi-quer une vitesse voisine de celle de la lumièreet une énergie qui accroît leur masse (selonle principe d'Einstein), de sorte que la fré-quence de l'oscillation électrique accéléra-trice doit être modulée.

SI LE NOYAU éTAIT GROS COMME UNE NOISETTE,

LA LARGEUR DE L'ATOME SERAIT D'UN KILOMETRE

(suite de la La découverte de l'électron fournit égalementpage 5). l'explication de l'origine des mystérieux et péné-

trants rayons X. Quand un flot d'électrons-un courant électrique-passe à travers un fil, il cède unepartie de son énergie pour chauffer ce fil. Les appareilsd'éclairage ou de chauffage électrique, tout comme les fers àrepasser, sont tributaires de ce phénomène. Mais lorsque lesélectrons passent à travers un tube de verre dans lequel unvide partiel a été fait, ils entrent en collision avec les molé-cules de l'air restant, ce qui rend le gaz incandescent. Si levide est assez parfait pour que les électrons puissent traverserle tube à grande vitesse, ils se heurtent à la paroi solide oppo-sée. Et quand, à cet endroit, se trouve une plaque de métalqui offre aux électrons une cible qu'ils peuvent frapper, leurscollisions violentes donnent naissance à des vibrations à trèshaute fréquence-les rayons X-un peu comme le fait defrapper une enclume avec un marteau engendre des ondessonores.

Maintenant toutes les nouvelles découvertes se situent mieuxles unes par rapport aux autres ; nous commençons à com-prendre.

Revenons aux trois types de rayons qui sont automatique-ment engendrés par les atomes de radium. Grâce à la décou-verte et à l'identification de l'électron, on a pu expliquer laraison d'être des rayons bêta et gamma. En effet, on trouvarapidement que les rayons bêta ne sont autres que des élec-trons rayonnant notureflement dans toutes les directions à

L'atome d'hy-drogène lourdse trouve dansl'hydrogène etl'eau naturels.Du fait de sastructure diffé-rente, il pèsedeux fois plusque l'atome

normal.

partir de chaque parcelle de radium. Quant aux rayons gamma,connus comme étant similaires aux rayons X, ils proviennentpartiellement de sous-produits au moment où les ultra-rapidesélectrons des rayons bêta bombardent le radium lui-même.

Cette explication dissipait en partie le mystère du radium,mais, provoquoit une nouvelle surprise car elle impliquait l'exis-tence, à l'intérieur de t'atome de radium, d'une multituded'éteetrons. L'atome ne pouvait donc plus être considérécomme une ultime particule solide, mais comme une structureplus compliquée comportant en partie des électrons et possé-dant assez d'énergie emmagasinée à l'intérieur pour rejeterles électrons au dehors, à une vitesse voisine de celle de lalumière sous la forme de rayons bêta.

C'est l'étude des rayons alpha du radium qui a finalementrévélé la structure de l'atome. Les rayons alpha ne sont ni desélectrons ni des vibrations, Ils sont composés de particulesrelativement lourdes. La mesure de leur masse par la méthodeemployée pour les électrons-c'est-à-dire en mesurant laforce nécessaire pour dévier leur trajectoire-montra qu'ilssont d'une taille atomique, des milliers de fois plus lourdsqu'un électron.

En fait, on découvrit qu'its étaient des atomes d'un gaznommé hélium. Toutefois il, ne s'agissait pas d'atomes normaux,car chacun d'eux possédait deux charges d'électricité posi-tive. En d'autres termes, il leur manquait deux électrons (puis-qu'un électron est la charge standard d'électricité et n'estappelé <-négatif * que par une erreur d'appellation faite à uneépoque où l'on ne savait rien sur la charge électrique). Quandles particules alpha frappent la matière, elles ramassent aupassage deux électrons égarés et deviennent de vrais atomesd'hélium.'

L'or solide n'est pas du tout solide

VOTAIT donné que l'atome de radium doit, pour cette rai-son, contenir aussi bien des électrons que des atomesd'hélium, et rejette à très grande vitesse les uns comme

les autres, il apparut que l'atome de radium était vraimentcompliqué. L'étape suivante fut constituée par la série derecherches entreprises en Angleterre par Sir Ernest Rutherfordet ses assistants. Au cours de ces expériences, Sir Ernest bom-barda un mince feuillet d'or avec un faisceau très étroit departicules alpha du radium. Quelques-unes de ces particulestraversèrent facilement le métal ; nombre d'entre elles eurent

Sur la photo de gauche, on voit des particules radio-actives alpha passer à travers une chambre spécialeappelée ( (chambre à brouillard >&gt;. L'une d'elles aheurté le noyau d'un atome d'hydrogène, dont lamasse est quatre fois plus petite que celle de la parti-cule alpha. La trajectoire de celle-ci n'est doncpratiquement pas affectée ; par contre, le léger noyaud'hydrogène est projeté vers la gauche. Sur la photode droite, une particule alpha entre en collision avecun noyau d'hélium, dont la masse est identique à lasienne. On voit ici t'influence du choc sur les deuxtrajectoires, qui sont déviées d'une façon égale.

leur trajectoire déviée par une force révulsive. Certaines furentrenvoyées dans la direction même d'où elles venaient.

Quand Rutherford mesura le nombre d'atomes d'hélium réflé-chis dans diverses directions, il fut forcé de conclure, à songrand étonnement, que la plupart des atomes d'hélium avaienttraversé la feuille de métal avec une facilité extraordinaire,mais qu'un tout petit nombre avaient heurté un obstacle solideet s'étaient trouvés repoussés.

La seule explication plausible est que le feuillet d'or soliden'est pas du tout solide si on le considère du point de vued'un très petit projectile comme la particule alpha. Les atomesd'or sont presque vides et c'est dans ces espaces vides quepénètrent facilement les particules alpha, Mais en certainsendroits, les atomes d'or présentent des points d'une soliditéimpénétrable.

Cette conception de l'atome d'or était nouvelle mais desfaits ne pouvaient plus être expliqués du tout si l'on considéraitle feuillet d'or comme étant formé d'atomes solides et com-pacts. La question suivante se posait alors : quel étaitl'obstacle auquel se heurtaient les particules alpha ? Ruther-ford l'appela le noyau, un point très petit et très dur où toutela matière est concentrée et d'où bondissent les particules

La collisiond'un électron etd'un positronneutralise leurscharges res-pectives, dé-truit leur masseet la transformeen un puissantjet de rayons-

gamma.

alpha. De toute la masse de f'otome d'or, seul le noyau consti-tue pour ces particules un obstacle infranchissable.

L'atome se présente maintenant sous son véritable jour :En son centre est un petit noyau. A une distance considérabledu noyau sont des électrons, répartis en orbites un peu commeles planètes autour du soleil. En fait l'analogie avec le systèmesolaire est frappante, avec le noyau de l'atome au centre, à laplace du soleil, et les électrons circulant au loin. Plus diffi-cile à concevoir est l'incroyable petitesse du noyau. Son dia-mètre est 10. 000 fois plus réduit que celui de l'atome, Si lenoyau était aussi gros qu'une noisette, la largeur de l'atomeserait d'un kilomètre. Et cependant, ce minuscule noyau centralcontient toute ! a * matière *.

C'est du noyau de l'atome de radium que les particulesalpha sont éjectées, ainsi que les rayons bêta. tt apparut vitecomme évident que dans le noyau est concentrée non seule-ment la matière mais l'énergie. Et comme il arrive si souventdans la recherche scientifique, l'exploration de l'atome n'a faitqu'épaissir le mystère."s'agit maintenant d'explorer le noyau,

Les trois isotopes d'hydrogène possèdent un proton et un électron. Ils diffèrent uniquement par le nombredes neutrons dans le noyau. Le protium (hydrogène normal) n'en possède aucun ; le deuterium (hydrogènelourd) en a un ; le tritium (hydrogène très lourd) en a deux. Sur ces schémas, l'orbite de J'éiectron est bienplus près du noyau qu'elle ne le serait en réalité. Elle devrait être au moins à 100 mètres de la page.

RIEDE L'UNESCODÉCEMBRE 1953. Page 7

Traitement au « cocktail atomique M : L'utilisation du radium dans les traitement médicaux-notamment pour le cancer-est bien connue, mais limitée et oné-reuse. Grâce au cyclotron, on a pu obtenir des isotopes radioactifs artificiels à partir de nombreux éléments chimiques. Cette photo montre une malade soignée auBrookhaven National Laboratory, Upton (Etat de New York), qui possède le premier hôpital exclusivement consacré à l'utilisation médicale des rayons atomiques.Un compteur Geiger est employé pour mesurer la quanti. 3 d'iode radioactif qui demeure dans la glande thyroïde après l'absorption par la malade d'un « cocktailatomique M (qui peut éviter une opération chirurgicale). La croix marquée sur la gorge indique l'emplacement de la glande et facilite le travail du médecin.

c'es pourquoi les savants n'aiment pas le terme de * énergieatomique". tes préfèrent se référer l'énergie nucléaire.

Considérant la structure du noyau, il faut noter tout d'abordque-pour parler le langage électrique-il est « chargépositivement". Ceci veut seulement dire-évidemment-que les électrons manquent. Mais l'atome, pris dans sonensemble, est électriquement neutre. Aussi, la charge positivedu noyau est compensée par les électrons négatifs qui formentles couches extérieures de t'atome.

Il a été mentionné plus haut que la particule alpha est unatome d'hélium comportant deux charges positives. On peutmaintenant l'exprimer plus clairement : la particule alpha estsimplement le noyau de l'atome d'hélium, sans les deux élec-trons extérieurs qui caractérisent l'atome d'hélium. C'est pour-quoi le noyau de radium éjecte un noyau d'hélium au cours deson explosion automatique.

On peut donc supposer en toute logique que le noyau del'hélium fait partie inhérente des noyaux des autres atomes.Mais la vérité est un peu différente car le noyau de l'héliumest lui-même complexe. Le peu de place dont nous disposonsici ne nous permet pas d'entrer dans le détail de toutes lesrecherches qui ont mené à la conception actuelle du noyauatomique, Il faut se borner à la conclusion : un des compo-sants fondamentaux de tous les noyaux atomiques est le noyaude l'hydrogène et non celui de l'hélium,

L'hydrogène est le plus léger et le plus simple des atomes ;il comporte seulement un électron à sa surface et une chargepositive sur son noyau. Son poids constitue par ailleurs uneunité, car les poids de tous les plus gros atomes sont de sim-ples multiples de celui de t atome d'hydrogène. C'est le noyaude l'hydrogène, le plus petit et le plus simple de tous, quiconstitue la clef de voûte de l'édifice. Tous les noyaux ato-miques de plus forte taille sont bâtis-en partie au moins-à partir de cette unité. C'est pourquoi il mérite un nom spé-cial : on l'appelle le proton.

Le proton est une pierre de l'édifice, mais non la seule. Ilfaut parler d'une autre particule, le neutron, avant, de pouvoirclore la liste des principaux composants nucléaires. C'est ledernier que l'on a découvert car-chose étrange-il n'estpas chargé électriquement, d'ou Jo difficulté de le détecter.Son poids est le même que celui du proton mais il n'est paschargé positivement. Il faut donc qu'en lui-même il contiennede quelque manière un électron pour le rendre neutre. Cetélectron constitue la seule différence qui existe entre unproton et un neutron.

Ici, la formule'a t'intérieur de'prend toute son impor-tance. Un proton positif peut être compensé par un électronnégatif décrivant une orbite autour de lui, comme une planèteautour du soleil. C'est le cas pour l'atome d'hydrogène. Maissi, d'une manière quelconque, l'électron pénètre dans le proton,comme si le soleil avait avalé la planète, il en résulte un neu-tron. Réciproquement, si l'on chasse un électron d'un neutronil en résulte un proton. Mais pareille intervention dans la struc-ture des protons et des neutrons est ardue. Pratiquement ilssont intouchables, sauf si l'on dispose des puissants cyclotron,

Il existe trois sortes d'hydrogène

'EST seulement en 1934 que le professeur Chadwick, enAgleterre, décourit le. nutron. Cette découverte four-nit la clef de trois des énigmes. Elle expliqua immédia-

tement la nature de la particule alpha, de l'eau lourde et miten lumière les propriétés des isotopes-comme il sera expliquédans l'article suivant. En outre, elle rendit possible la transfor-mation d'un type d'atome en un autre, ouvrant ainsi la voie nonseulement a ta transmutation mais aussi à la création de nou-veaux éléments chimiques, telle qu'telle s'effectue actuellement.Enfin, c'est après avoir compris ce qu'est le neutron qu'il aété possible d'élaborer les méthodes permettant la fission ato-

mique et la libération, à partir de l'atome, de grandes quan-tités d'énergie.

Il est aisé, maintenant, de comprendre ce qu'est l'eaulourde, dont on parle beaucoup, depuis quelques années, dansl'actualité scientifique. L'eau, cela va de soi, est l'oxyde d'hy-drogène. Quant à l'eau lourde, elle est constituée par l'oxyded'hydrogène lourd.

L'atome d'hydrogène, comme nous l'avons dit, est formé parun proton avec un électron circulant dans une orbite. Le poidsde cet atome est essentiellement celui d'un proton. Toutefois,le professeur Urey, aux Etats-Unis, a découvert une formed'hydrogène dont l'atome pèse deux fois plus mais dont lespropriétés chimiques sont identiques à celles de l'hydrogèneordinaire. En fait, il existe une faible proportion de cet hydro-gène lourd dans tout gaz naturel d'hydrogène et dans touteeau naturelle,

C'est le neutron qui fournit l'explication désirée car le noyaude ce type d'hydrogène est une particule composée d'un protonet d'un neutron intimement et solidement liés. De ce fait, ilpèse deux fois son poids normal mais possède seulement unecharge positive sur le noyau et un électron à la surface del'atome. En langage scientifique, on l'appelle deutérium et sonnoyau un deutéron. Plus tard, un troisième type d'hydrogène aété découvert, dans lequel le noyau est composé d'un protonet de deux neutrons. C'est un gaz nommé tritium ; son noyauest un triton.

Les trois formes d'hydrogène, chimiquement semblables maisdifférentes dans leur structure nucléaire, sont connues sous lenom d'isotopes. Au cours des dix dernières années, à mesureque progressait la recherche nucléaire, il devint possible nonseulement de découvrir de nombreux isotopes naturels des élé-ments chimiques mais aussi d'en créer plusieurs centainesd'autres qui n'existant pas dans la nature.

La particule alpha, qui est éjectée lorsque se produit l'explo-sion automatique du radium, est également expliquée par le

neutron. Elle possède deux charges positives et quand il s'yajoute deux électrons, elle forme un atome d'hélium. Mais lepoids de cet atome, et par conséquent de son noyau, estquatre fois supérieur à celui d'un proton. L'explication estévidemment que la particule alpha est composée de deuxprotons et de deux neutrons. Ce qui lui donne un poids dequatre unités et de deux charges positives.

Avec cette explication de la mystérieuse particule alpha estcomplétée la liste des particules fondamentales bien connuesde ! a matière. A l'intérieur de l'atome, mais en surface, sontles électrons, à qui il doit ses propriétés chimiques. Profondé-ment enfoui se trouve le noyau, des milliers de fois plus petitque l'atome lui-même mais contenant toute sa * matière >&gt;.Il est composé de protons et de neutrons et doit, en quelquefaçon, contenir également des électrons. Combinées de diffé-rentes manières, les protons, neutrons et électrons forment lesnoyaux de tous les atomes. Dans les atomes radioactifs telsque le radium, le noyau est instable, et, à l'occasion, éjectel'un ou l'autre de ses composants, se transformant en un isotopedifférent ou en fait, en un tout autre élément chimique.

Ils viennent d'on ne sait où...

A tNSt, tes faits nouveaux et les conceptions originalesont contribué à brosser un tableau unique qui auraitété inconcevable il y a cinquante ans, mais qui révèle

aussi l'existence, à l'intérieur de l'atome, d'un monde nouveau.Cependant, d'importants problèmes demeurent à résoudre. Onn'aurait pu : s'y attaquer sans les grands cyclotrons (décritsdans le troisième chapitre de cette série), et si des suggestionsne nous étaient pas littéralement tombées du ciel. Les rayonscosmiques nous ont fourni la clef de ces mystères et ontdéblayé la route aux cyclotrons. C'est pourquoi l'article sui-vant examine ces particules extrêmement rapides qui bombar-dent la terre de très loin et viennent d'on ne sait où.

Les deux extrêmes du monde atomique : Voici le plus léger (hydrogène) et le plus lourd (uranium) desatomes. L'atome d'hydrogène ne possède qu'un proton dans son noyau et un électron décrivant une orbiteextérieure. L'uranium comporte 92 protons et 146 neutrons massés dans le noyau, outre les 92 électrons exté-rieurs qui décrivent des orbites complexes. Dans les deux schémas, le noyau est énormément grossi ; enréalité, son diamètre est dix mille fois plus petit que celui de l'atome et ne représente qu'un point invisible.

Page8. DÉCEMBRE) 953

e LA CLEF DU MYSTERE NOUS EST

TOMBÉE DU CIEL : RAYONS COSMIQUES

LE COURRII\E

Une même balle, inoffensive lors-qu'elle repose inerte sur unetable, peut, lorsqu'elle frappe

quelqu'un, lui faire du mal. Toute ladifférence est dans l'énergie de la balleen mouvement et la question qui sepose est la suivante : la douleur pro-voquée par le choc est-elle due à laballe elle-même ou à son énergie ? End'autres termes, que se passerait-il sion lançait une charge d'énergie puresans le concours d'aucune balle ? Dansla vie courante, l'expérience est impos-sible à réaliser, l'énergie étant norma-lement emmagasinée dans des frag-ments, ou particules, de « matière >&gt;,D'ordinaire, dans le cas des moléculeset des atomes, il s'agit d'une énergiecinétique, alors même qu'elle se ma-nifeste sous forme de chaleur ; maiselle peut apparaître sous forme d'éner-gie électrique dans le cas des protonset des électrons.

L'énergie constitue cependant lapropriété essentielle des particules pluspetites que le noyau atomique, qu'ellessoient placées à l'intérieur de ce noyauou qu'elles sillonnent librement l'es-pace. Seul, le mouvement ou quelquemanifestation d'énergie peuvent per-mettre de déceler et d'étudier lesparticules de dimensions nucléaires :aussi, c'est sous forme de rayons queces particules infiniment petites atti-rent l'attention des hommes. Touterecherche nucléaire a pour objet unecombinaison de matière et d'énergiedont les deux éléments sont si étroi-tement liés que l'un peut se transfor-mer en l'autre.

Sur terre, la particule de plus hauteénergie spontanément produite est laparticule alpha du radium, qui n'estautre qu'un noyau d'hélium projeté àune vitesse que l'on peut évaluer à undixième de celle de la lumière. Com-ment, partant de l'espace limité dunoyau de radium, elle peut acquérirsemblable vitesse et pareille énergieest un mystère qui n'a pas encore étépercé. Toutefois, si une telle concen-tration d'énergie est rare sur la terre,les exemples abondent dans l'espaceextérieur, dans cet espace « vide >&gt; si-tué au-delà de l'atmosphère terrestre.L'étude de ces « rayons cosmiques >&gt;constitue l'une des plus délicates etdes plus audacieuses de toutes lesrecherches de la science moderne.

Elle a com-mencé à l'au-rore de notresiècle quand,ayant observéune dépressionprogressive d'é-lectricité stati-que dans sonappareil de la-boratoire pourtant parfaitement isolé,un Anglais, le professeur C. T. R. Wilson,en attribua le premier la cause à lapénétration de quelque radiation in-connue, analogue peut-être aux rayonsX et d'origine extra-terrestre. Pourvérifier cette théorie, le savant suisseA. Gockel fit, en 1909, des expériencesà bord d'un ballon et découvrit, eneffet, que le phénomène en question sefaisait sentir avec plus d'intensité àune altitude de 4. 500 mètres. L'annéesuivante, montant plus haut encore,jusqu'à 5. 200 mètres, l'Autrichien V. F.Hess confirmait cette découverte etdonnait à ces radiations le nom de<&lt; rayons cosmiques , qui leur est resté.En 1913, l'Allemand Kolhorster s'élevaà 9. 000 mètres et constata que l'inten-sité des rayons est trente fois plusforte à cette altitude qu'au niveau dela mer.

D'où viennent ces rayons ? De primeabord, on serait tenté de croire qu'ilsont pour source le soleil, mais il fautrenoncer à cette idée car leur intensitén'est pas moindre la nuit que le jour,bien qu'ils trouvent alors sur leur che-min la masse immense de la terre.

Viendraient-sils donc des étoiles denotre propre galaxie, de notre voielactée ? L'hypothèse est plausible,voire probable, mais il se pourrait aussi

Proviennent-ils des étoiles,

de collisions inter-

stellaires ? Nul ne le sait

qu'ils résultent de collisions ou d'ex-plosions de particules élémentaireslibérées dans le vide interstellaire.

Une chose est cependant certaine :l'énergie qui parvient à la terre souscette forme est au moins aussi grandeque celle de la totalité de la lumièrereçue des astres, exception faite de lalumière solaire. Nous vivons sous unegrêle incessante de rayons cosmiquesqui traversent le corps de chaquehomme plus de vingt fois par seconde.

Ce qu'ils ont d'étonnant est leurextraordinaire énergie. Ce sont certai-nement des particules, protons pour laplupart, noyauxplus complexesd'atomes d'hé-lium dans cer-tains cas et,pour une faibleproportion

noyaux plus im-portants d'ato-mes lourds ; ilsatteignent cependant la terre à desvitesses très proches de celle de lalumière, avec une énergie qui se chif-fre par centaines, voire par millions demilliards d'électron-volts.

L'électron-volt, unité d'énergie em-ployée pour les particules isolées de cegenre, est scientifiquement définicomme l'énergie qu'acquiert un élec-tron accéléré par une différence depotentiel d'un volt. Il faut environtrente électron-volts pour libérer l'undes électrons d'un atome d'oxygène del'air. Les rayons alpha du radiumtransportent de quatre à dix millionsd'électron-volts. Mais un rayon cos-mique a besoin d'une énergie d'aumoins vingt milliards d'électron-voltspour vaincre le magnétisme terrestreet pénétrer l'atmosphère au voisinagede l'équateur. Or, il ne s'agit là que desplus faibles de ces rayons, l'énergie desplus pénétrants qui aient été détectésjusqu'ici étant de cent milliards defois un million d'électron-volts. Detelles énergies dépassent de loin toutescelles réalisées au cours d'expériencesterrestres.

Nous ignorons totalement la façondont le rayon acquiert cette énergiedans l'immensité de l'espace. Même si,par exemple, un atome d'hélium étaitcomplètement détruit et transformé enénergie, conformément à la théorie

d'Einstein, cetteénergie se chif-frerait au maxi-mum par quatremilliards d'élec-tron-volts. Leprofesseur ita-lien Fermi aémis une autrehypothèse, se-

Ion laquelle la particule acquerraitpeu à peu son énergie en traversantles nuages magnétiques de matièreinterstellaire qui lui donneraient uneaccélération comparable à celle qu'im-prime une raquette de tennis à uneballe frappée en plein vol.

Aucune théorie sur la source d'éner-gie de ces particules n'est pourtantsatisfaisante et c'est des chercheurs del'avenir qu'il faut en attendre l'expli-cation.

Mais il est une histoire plus passion-nante encore, celle de ce qui se passequand ces rayons heurtent l'atmos-phère terrestre et chutent à une allurevertigineuse. Vingt années de recher-ches menées à l'aide des appareils dephysique nucléaire moderne ont per-mis de photographier le sillage qu'ilslaissent en fendant l'air et en traver-sant les obstacles interposés. Cesrayons ont été mesurés sur la cimedes montagnes, dans les profondeursdes mines, dans les abîmes des océanset, à l'aide de ballons et même defusées, dans les couches supérieures dela stratosphère. Ils ont révélé, sur lanature de la matière et de l'énergie,plus qu'il n'aurait été possible d'ima-giner voici seulement dix ans.

Peut-être existe-t-il dans l'espacedes rayons d'énergie relativement fai-

Pour les étudier sur

terre, il faut les doter d'une

énergie supra-terrestre

bles, mais ceux qui sont dotés d'uneénergie inférieure à un milliard d'élec-tron-volts sont déviés par le champmagnétique solaire et ne parviennentjamais à proximité de la terre. Ceuxqui arrivent dans le voisinage de laterre avec moins de soixante milliardsd'électron-volts sont déviés par lechamp magnétique terrestre.

Les particules de très haute énergiequi foncent vers la surface de la terremalgré le champ magnétique entrenten collision avec les atomes dans lescouches supérieures de la stratosphère.Ces collisions leur font perdre une

partie de leurénergie et pro-voguent de véri-tables gerbesd'électrons qui,à leur tour, seprécipitent versla terre. L'exis-tence de tellesgerbes, cou-

vrant plusieurs kilomètres carrés desurface terrestre, a été révélée grâceà de nombreuses mesures faites enhaute montagne par un physicienfrançais, le professeur Auger. On ytrouve également des photons, c'est-à-dire des unités d'énergie rayonnantenon chargées ou, en quelque sorte, desparticules de lumière qui peuvent, ense désintégrant, donner naissance àdeux électrons, l'un positif et l'autrenégatif. Nous faisons ainsi connaissan-ce avec deux particules nouvelles : lephoton et l'électron positif, ce dernierentièrement semblable à l'électronnégatif ordinaire, mais de charge in-verse. C'est un Américain, le Dr CarlD. Anderson, qui découvrit cet élec-tron, en 1932, dans les rayons cosmi-ques.

D'autres particules nouvelles y fu-rent détectées par la suite et reçurentle nom de mésons. Semblables auxélectrons quant à la charges, positivechez les uns, négative chez les autres,ils se situent, quant à la masse, entrel'électron et le proton. Cette masse est,dans l'une des variétés, de 276 foiscelle d'un électron, et dans une autrede 210 fois seulement. Leur existence.simple hypothèse théorique faite en1935 par le mathématicien japonais H.Yukawa, fut constatée peu après-en1938-dans les rayons cosmiques,

Mais une autre surprise nous est iciréservée : le méson n'est qu'une par-ticule fantôme en ce sens que son exis-tence dure à peine quelques millioniè-mes de seconde. Si, malgré leur duréeéphémère, les mésons peuvent êtredécelés, c'est que leur haute énergieleur permet de couvrir des distancesconsidérables. Ils semblent alors semuer en électrons de grande vélocitéet, ce faisant, donnent naissance à unenouvelle particule, le neutrino.

Les variétés connues de particulesque les rayons cosmiques renfermentou produisent sont déjà trop nom-breuses pour qu'un profane puisseen comprendre la description. Quandnous nous y serons retrouvés dans lelabyrinthe des particules, il faudraencore découvrir comment est assuréeleur cohésion au sein du noyau ato-mique, lequel nous apparaît mainte-nant comme une particule extrême-ment complexe. On discute beaucoupà l'heure actuelle une hypothèseselon laquelle les mésons constitue-raient la force qui lie entre elles lesautres particules, et joueraient ainsi,au sein du noyau, un rôle d'aggluti-nant. Mais. une telle question relèvenaturellement de la mathématiquetrès spéciale dont la théorie de larelativité n'est qu'un élément. Pourétudier des particules d'aussi hauteénergie sur terre et en laboratoire, ilfaut les recréer artificiellement, doncreproduire les rayons cosmiques et, àcet effet, les doter d'une énergie attei-gnant des milliards d'électron-volts,donc infiniment supérieure à celle quepossèdent normalement les particulesterrestres. Tel est le rôle des cyclo-trons géants.

Les collisions entre parti-cules atomiques de hauteénergie et noyaux sont ré-vélées par les minceslignes blanches reprodui-tes dans ce film, exécutéau Nevis Laboratory del'Université Columbia, auxEtats-Unis. La trajectoiredes particules (qui se tra-duit par ces lignes blan-ches) est photographiéeautomatiquement toutesles dix secondes. L'exa-men de ce film faciliteaux savants l'étude desparticules et la compréhen-sion des liens qui lesunissent les unes auxautres dans le noyau del'atome. La couverture dece numéro représente unephoto similaire, très agran-die (Document copyright« Scientific American >&gt;).

, 1E L'UNESCO DÉCEMBRE 1953. Page 9

Le cosmotron du Brookhaven National Laboratory (U. S. A.) est à l'heure actuelle la plus grande des machines construites pour permettre le bombardement desnoyaux atomiques par les particules de haute énergie. Dans cet immense électro-aimant de 25 mètres de diamètre, les particules décrivent une trajectoire circulaireau cours de laquelle elles acquièrent une très grande vitesse sous l'effet d'une série d'impulsions électriques. Elles atteignent une telle vitesse qu'elles parcourenten moins d'une seconde trois millions de fois le tour de l'électro-aimant, soit une distance de deux cent mille kilomètres (cinq fois le tour du monde).

,

LE CYCLOTRON GEANT FOURNIT

AU SAVANT UN"SIXIÈME SENS"

LE monde interne de l'atome, tel qu'il est révélé parles rayons naturels dn radium et par les rayons cos-miques, a été brièvement esquissé dans les deux

articles précédents. Pour c : l'homme de la rue e il està peine concevable, non seulement à cause de sa com-plexité, mais aussi parce que les particules fondamentalessemblent ne présenter aucune commune mesure avec lamatière et l'énergie telles que nous nous les représentonscommunément. C'est pourquoi la curiosité d'en savoirdavantage et le désir d'aller toujours plus avant dansl'exploration, sont presque irrésistibles.

Le noyau de l'atome contient toute la <&lt; matière >&gt;

cependant, il est si petit qu'il occupe seulement un mil-lième de millionième de millionième de l'espace intérieurde l'atome. Sa densité (c'est-à-dire son poids par centi-mètre cube) doit donc représenter un millier de millionsde millions de fois celle d'éléments ordinaires. En fait,les recherches effectuées à l'aide d'un cyclotron, commeil est expliqué plus loin, indiquent que le noyau lui-même n'est pas du tout une masse solide, mais possèdeen son centre un point encore plus dense que lui. Quelleque soit la matière dont il est composé, ce point est sidense que gros comme une goutte d'eau il pèserait deuxmillions de tonnes.

Voici l'image d'une explosion nucléaire enregistrée par elle-même. En effet, c'est la collision d'une particulede haute énergie avec le noyau d'un atome d'émulsion photographique qui a été enregistrée sur ce cliché.La particule, qui avait été accélérée à l'intérieur d'un cosmotron géant, a explosé en dix-sept éclats différents.

Nous ne sommes pas an bout de notre étonnement. Ilse renouvelle en examinant la question énergie : quoiqueinfiniment petit en volume, le noyau atomique renfermedes forces qui maintiennent la cohésion de la masse. Laforce qui maintient le globe est la gravité mais celle quiest renfermée à l'intérieur du noyau est d'une enverguretellement plus considérable qu'aucun mot ne peut l'ex-primer. Pour la représenter visuellement il faudrait mul-tiplier la force de gravité par un nombre composé duchiffre 1 suivi par trente-sept zéros !

10, 000, 000, 000, 000, 000, 000, 000, 000, 000, 000, 000, 000.La gravité, qui pourtant maintient les planètes dans

leur trajectoire et les étoiles dans le ciel ne joue aucunrôle dans le noyau.

La cohésion de l'atome tout entier est due, à des forcesélectriques. Ce sont les protons positifs placés en soncentre, qui attirent et maintiennent à la surface les élec-trons négatifs. Mais l'intérieur du noyau est formé deprotons et de neutrons qui ne peuvent être maintenusensemble électriquement parce que la force électrique

repousserait les protons au lieu de les attirer.Aussi, la force qui lie les différents composants de

l'atome est d'une espèce nouvelle et inconnue. Sa naturecompliquée dépend non seulement de la vitesse des par-ticules nucléaires mais aussi de leur mouvement de rota-tion. D'autre part, cette force, quelle qu'elle soit, nedépend pas des forces électriques, car un neutron et unproton semblent s'attirer exactement de même qu'une deces particules attire une particule semblable.

En cela consiste le mystère actuel du noyau et parconséquent de l'atome, de la matière et de l'énergie engénéral. Nous touchons ici au mystère essentiel de Puni-vers, que la science doit tenter de percer. Mais pourrésoudre ce problème il faudrait disposer de méthodeset d'instruments encore jamais conçus. Il faudrait possé-der une sorte de microscope nucléaire qui permettrait decontempler de près la foule infinitésimale des protons etdes neutrons tout comme l'astronome étudie l'espaceinfini à travers son télescope géant.

La taille des particules nucléaires étant des millions defois plus réduite que la longueur des ondes de lumière,il faudrait, pour isoler le noyau et jeter un regard curieuxà l'intérieur, disposer de concentrations d'énergie aussiconsidérables que celles contenues dans le noyau, etmême supérieures. Pour y arriver, on projette des élec-trons et des protons sur le noyau à une vitesse très prochede celle de la lumière, ce qui leur communique uneénergie de l'ordre de milliards d'électron-volts. C'est pourquoi les dispositifs servant (Suite aude microscopes atomiques, ou nucléaires, verto.

Page 10. DÉCEMBRE 1953 LE COURRI'bE L'I

,

COMMENT

FONCTIONNE

LE

, COSMOTRON

Le générateur électrostatique, indiqué sur le schémaen (B) projette les protons (A) dans l'intérieur vidéd'air de la coque métallique du cosmotron, à uneénergie de 3, 6 millions d'électron-volts.

Le champ magnétique d'intensité croissante obligeles protons à décrire une trajectoire en forme despirale autour du cosmotron (lignes pointillées),effectuant ainsi 350. 000 tours par seconde.

Un amplificateur (C) augmente le voltage d'un côtéet le diminue de l'autre. De ce fait, la moitié desprotons est accélérée, l'autre moitié freinée. Ceuxqui sont accélérés (D) se groupent en un essaimde la forme d'une saucisse qui poursuit une rotationde plus en plus rapide. Ceux qui sont freinés (E)heurtent la paroi de la coque et disparaissent.

L'essaim de protons tourne maintenant au rythmede quatre millions de tours par seconde (ce quicorrespond à une vitesse de 270. 000 km par seconde,90 % de la vitesse de la lumière). Après environtrois millions de tours (8/10''de seconde, quatrefois le tour du monde) tes protons acquièrent uneénergie de 2 milliards 300 millions d'électron-volts.

Ayant acquis cette énergie, les protons heurtent unecible (F). A la suite de ce choc, des fragments nu-cléaires sortent de l'électro-aimant. Des instrumentsde détection (G) tels qu'un compteur Geiger ouune « chambre à brouillard)) sont utilisés par lessavants pour étudier les effets de la collision de cesparticules avec les différents éléments chimiques.

(suite de sont souvent appelés <&lt; briseurs d'atomes >&gt;.la page 9.) En les lançant à une grande vitesse, il est

aisé de communiquer de l'énergie à cesprojectiles microscopiques-électrons et protons-carleur charge électrique permet de les accélérer par unchamp électrique. On a réalisé pour la première foiscette expérience dans des tubes en produisant desrayons X très pénétrants. Plus le voltage est élevé entreles extrémités du tube, plus grande est la vitesse desélectrons et plus les rayons X produits sont péné-trants. On a aussi pu concevoir des tubes àrayons X fonctionnant sous un million de volts. Mais afind'obtenir pareil voltage, il a fallu procéder par échelons.Comme l'électron parcourait le long tube il passait à tra-vers une série d'électrodes dont chacune ajoutait quelquesmilliers de volts supplémentaires au voltage et, par lemême coup, augmentait la vitesse de l'électron.

Toutefois, un million de volts ne représentent pas uneénergie suffisante pour pénétrer profondément dans lenoyau et il est peu pratique d'opérer avec un tube dece genre à partir de quelques millions de volts. On cher-cha alors à obtenir un tube en forme de spirale à l'aided'un champ magnétique. Il ne s'y trouvait-en fait-que deux électrodes, formées par une sorte de boîte videcirculaire fendue le long du diamètre. Les deux élec-trodes, chacune ayant la forme d'un D majuscule, étaientplacées dos à dos, séparées l'une de l'autre par un espaceétroit. La boîte formée par les deux D ayant été placéeentre les pôles d'un puissant aimant, un électron futinjecté en son centre. Normalement cet électron aurait dûtourner en rond. Mais quand on branche le voltage surla boîte, l'électron reçoit une poussée chaque fois qu'ilpasse à travers le demi-cercle. Il va donc plus vite etdécrit un cercle plus large parce que l'aimant est moinscapable d'influencer sa trajectoire. Il continue son che-min, passant et repassant à travers chaque D, allant deplus en plus vite et décrivant des cercles de plus enplus larges. Sa trajectoire prend alors la forme d'unespirale. Finalement, quand son énergie atteint plusieursmillions d'électron-volts, il arrive jusqu'au bord extérieuret passe à pleine vitesse à travers une fente aménagéedans la paroi latérale. Il peut alors être utilisé pourengendrer de puissants rayons X, ou à d'autres expé-riences.

3, 6 millions d'électron-volts :

un injecteur

MAIS l'électron est un projectile relativement léger.Quand on imprime au proton-plus lourd-une vitesse similaire, l'énergie qu'il emmagasine

doit devenir suffisante pour contrebalancer les forcesd'attraction de n'importe quel noyau rencontré par lasuite. C'est sur ce principe qu'était basé le premiercyclotron construit par le Dr. Ernest O. Lawrence, del'université de Californie, qui en fut récompensé, en

1940, par le prix Nobel de physique. Depuis, de nom-breuses améliorations ont été apportées au cyclotron età son stade actuel, il porte le nom de synchrotron à pro-tons (ou proton-synchrotron).

Le plus grand proton-synchrotron actuellement en ser-vice se trouve au Laboratoire national de Brookhaven. Ilfonctionne sous le contrôle de la <&lt; Associated Univer-sities, Inc. >&gt; et de la Commission d'Energie Atomiquedes Etats-Unis. Les protons y sont injectés par un géné-rateur auxiliaire qui atteint 3, 6 millions d'électron-volts.

Les protons pénètrent par rafales dans le grand pro-ton-synchrotron à intervalles de cinq secondes. En moinsd'une seconde ils font environ trois millions de fois letour de l'énorme aimant circulaire, atteignant alors uneénergie de deux milliards trois cents millions d'électron-volts.

Quand ils ont atteint cette énergie maximum, on peutles utiliser. Un obstacle, constitué par une feuille demétal extrêmement mince, est placé à travers leur trajec-toire. Dans la violente collision qui se produit entre cesprotons de haute énergie et les noyaux du métal, lenoyau atomique est brisé. Les fragments qui en résultentsortent du cyclotron et peuvent être photographiés dansce qu'on appelle <&lt; une chambre à brouillard >&gt;. Le clichéobtenu est du genre de celui reproduit sur la couverturedu présent numéro.

On croirait qu'il s'agit de l'image d'une catastrophe oud'une tempête d'étoiles. En fait, chacune des striesblanches trace la route suivie par un des nombreux typesde rayons ou de fragments nucléaires. On peut les identi-fier comme un des composants du noyau atomique. Uneétude approfondie de la photographie montre que les tra-jectoires sont brisées par endroits, et qu'en certains pointsil semble qu'une nouvelle explosion se soit produite à lasuite de la rencontre de deux, trois ou quatre particulessuivant différentes trajectoires. Il s'agit en effet d'une autreexplosion, semblable à celle qui se produit dans lesrayons cosmiques. Dans un sens, cette photographiemontre une pluie de rayons cosmiques artificiels.

La photographie du bas de la page précédente repré-sente une pareille collision obtenue, cette fois, en plaçantune plaque photographique directement sur la trajectoiresuivie par les rayons. Une des particules de haute énergiedu protron-synchrotron frappe le noyau d'fun atome del'émulsion photographique de telle sorte qu'il explose,ses éclats formant dix-sept particules différentes (que l'onpeut compter sur le cliché).

L'étude approfondie des photographies telles que lesdeux citées plus haut, rend évidente l'existence de parti.cules à courte vie comme les mésons et les c : particules-V >&gt; récemment découvertes. Pour chacune des trajectoiresenregistrées par le cliché, il faut analyser la courbure, lalongueur, l'intensité, et la production de rayons secon-daires. Aucun sens humain ne peut déceler ces particulesmais la combinaison du grand proton-synchrotron et de laplaque photographique constitue le c sixième sens >&gt;, ou

le microscope nucléaire, qui pénètre au plus profond dela nature secrète.

Toutefois, il est important de noter que la destructiondes noyaux n'est pas le seul résultat obtenu à l'aide deces particules de haute énergie. Dans un grand nombrede cas les particules très rapides-qu'elles soient unélectron, un proton, un deuteron ou une particule alpha- se combinent avec le noyau dans lequel elles pénètrentet le transforment en un autre noyau appartenant à unatome d'un élément différent. Dans d'autres cas, la combi-naison donne naissance à deux noyaux plus petits. Ainsiles particules de haute énergie du cyclotron et du proton-synchrotron ont été utilisées pour créer non seulement denouveaux isotopes d'éléments chimiques mais des élé-ments qui n'existent pas dans la nature. Le rêve des alchi-mistes médiévaux-transformer le mercure, ou d'autresmétaux communs en or-est devenu une réalité.

Trois milliards d'électron-volts :

une amorce

Un exemple courant est la création d'isotopes tirésd'éléments dont les noyaux sont seulement partielle-ment stables et qui se désintègrent progressivement'

à mesure qu'ils émettent des rayons tels que ceux duradium. On a pu ainsi dresser une longue liste d'élé-ments radio-actifs artificiels, dont quelques-uns, commele cobalt, peuvent constituer pour la médecine unesource de rayons. Dans ce domaine, le cobalt radioactifa maintenant remplacé en grande partie le radium, surlequel il présente l'avantage de coûter bien moins cher.

Le proton. synchrotron de Brookhaven ne fonctionneque depuis un an et ses performances n'ont pas encoreété étudiées suffisamment à fond pour qu on puisse enpublier un compte rendu. Cependant, on espère qu'aprèsy avoir apporté quelques modifications il sera à même dedonner aux protons une énergie de l'ordre de trois mil-liards d'électron-volts.

Cette énergie-si considérable qu'elle paraisse-n'est que l'amorce de la puissance nécessaire pour l'étudedes mésons, des neutrinos et des nouvelles particules V,dont le mystère reste entier. Afin de produire un fluxsuffisant de mésons artificiels, il faut disposer d'une éner-gie plus considérable encore. Un proton-synchrotron pou-vant atteindre six milliards d'électron-volts a été installéà l'université de Californie. C'est un colosse dont l'ai-mant, qui utilise un circuit de 6. 000 kilowatts, pèse 10. 000tonnes. D'autre part, on a demandé à la Commissiond'énergie atomique des Etats-Unis de faire construireune machine plus puissante encore, qui donnera à sesprojectiles-protons une impulsion de quinze milliardsd'électron-volts.

La plus puissante de toutes ces machines sera celle quele Conseil européen pour la recherche nucléaire se pro-pose d'édifier à Genève, qui fournira trente milliardsd'électron-volts. Les détails de cette machine sont expo-sés dans l'article suivant de cette série.

IEDE L'UNESCO DÉCEMBRE 1953, Page i 1

SYMBOLE EUROPÉEN

DE LA COLLABORATION

DES SAVANTS NUCLÉAIRES

EN l'espace d'une génération, la concep-tion que les hommes se font de l'atomes'est complètement transformée. Lorsque

Roentgen, Becquerel et les Curie découvrirentles rayons X (1895), la radioactivité (1896) etle radium (1898), personne ne pensait que l'onpût trouver quelque chose à l'intérieur del'atome. Moins de soixante ans plus tard, leshommes de science fouillent le noyau del'atome et y découvrent cet enchevêtrementde particules fondamentales de matière etd'énergie dont il a été question dans les pré-cédents articles : électrons et positrons, pro-tons et neutrons, mésons et neutrinos. Cesparticules composent l'atome tout comme lesatomes constituent la terre et les étoiles.

Toutes ces connaissances nouvelles ontaccru le prestige et le mystère de l'univers.Elles ont eu des applications terriblement des-tructrices d'une part, extrêmement profitablesde l'autre. Mais il ne s'agit que d'un com-mencement. Les cinquante années qui viennentnous apprendront certainement beaucoup plusque les cinquante dernières.

L'échette et le rythme des recherches sesont également transformés. Roentgen et Bec-querel ont fait leurs découvertes de façonpresque fortuite, en remarquant que des pla-ques photographiques protégées de la lumièrepar un papier noir avaient été voilées par desradiations dont on ne soupçonnait pas l'exis-tence et qui provenaient, dans l'un des cas,d'un tube à vide et, dans l'autre, d'un petitpaquet de sels d'uranium.

Certes, ce n'est pas par hasard qu'ils ontrecherché la cause de ces mystérieux phéno-mènes, et qu'ils ont abouti à leurs grandesdécouvertes. C'est à leur remarquable ingénio-sité et à leur inépuisable patience que Pierreet Marie Curie durent de pouvoir dépister les. rayons de Becquerel f, et trouver leur ori-

gine dans le radium. Mais ces recherches, quidevaient faire date dans l'histoire de lascience, furent menées dans des laboratoiresuniversitaires étroits et mal chauffés à Wurz-burg et à la Sorbonne de Paris, avec descuvettes ordinaires et quelques instrumentssimples mais précis, conçus et construits parles chercheurs eux-mêmes ; elles exigèrentaussi de longues heures de travail acharné,bien souvent la nuit, après que les savantsse furent acquittés de leur devoir de pro-fesseurs.

Les temps ont changé. Les frontières de lascience atomique sont maintenant si éloignéesde notre univers quotidien qu'on ne peut lesatteindre qu'en organisant de grandes expédi-tions, fort coûteuses et soigneusement mon-tées. Pour pénétrer dans le noyau de l'atome,il faut un cyclotron qui coûte des milliardsde francs fronçais. Pour faire fonctionner cecyclotron à une puissance de plusieurs milliersde chevaux-vapeurs, il faut dépenser quoti-diennement des millions de francs français, etfaire appel aux efforts conjugués de nombreux

physiciens, chimistes, mathématiciens, ingé-nieurs, électriciens, biologistes et médecins.

Rien que pour se mettre au courant desdécouvertes déjà faites et ainsi être à mêmed'entrer dans une des équipes de recherche, ilfaut des années de formation spécialisée, cequi exige des moyens financiers qui dépassentde loin ceux de la plupart des jeunes étu-diants. Vue dans son ensemble, l'entrepriseconstitue une charge si lourde qu'aucune uni-versité, en quelque pays que ce soit, ne peutfonder un laboratoire moderne de recherchenucléaire sans une aide financière de son gou-vernement ; et à notre époque de difficultésfinancières, il y a bien peu de gouvernementsqui puissent se permettre d'entreprendre unvaste programme de recherches de ce genre.Dans ces conditions, la plupart des étudiantset des hommes de science n'ont guère dechances de participer à la plus grande aven-ture scientifique du XX'siècle."est doncétonnant de constater que, dans ce domaine,les pionniers furent des Européens.

Réunie à Lausanne en 1949, la Conférenceeuropéenne de la Culture a été la première àrecommander la création d'instituts européensspécialisés dans les domaines où les gouver-nements sont incapables, isolément, de finan-cer les recherches et s'est expressément pro-noncée en faveur de la fondation d'un institutpour la physique nucléaire répondant à cespréoccupations. Lors de la Conférence géné-rale de l'Unesco, à Florence, en 1950, M. Isi-dor Rabi, professeur à l'Université Columbia deNew York, proposa que l'Unesco prît l'initia-tive de réunir des hommes de science et desreprésentants des gouvernements européens,en vue de créer un Centre européen de recher-ches nucléaires, grâce à la mise en communde leurs ressources scientifiques et financières.Trois ans plus tard, en juillet 1953, la Conven-tien pour l'établissement d'une Organisationeuropéenne pour la recherche nucléaire, rédi-gée sous les auspices de l'Unesco, était signéeà Paris, au ministère des Affaires étrangères.Elle entrera en vigueur lorsque sept pays l'au-ront officiellement ratifiée.

Derrière un

gros mur de béton...

LA résolution adoptée à Florence par laConférence générale de l'Unesco avaitune portée plus étendue. Elle autorisait

le Directeur général de t'Organisation <-à fa-ciliter et encourager la création et l'organisa-tion de laboratoires et de centres de recher-ches régionaux, afin qu'une collaboration plusétroite et plus fructueuse s'établisse entre leshommes de science des différents pays quis'efforcent d'accroître la somme des connais-sances humaines dans des domaines où lesefforts déployés isolément par l'un quelconquedes Etats de la région intéressée ne sauraientpermettre d'y parvenir...

C'est ainsi que l'Unesco a patronné la créa-tion d'un centre international de calcul méca-nique, qui sera probablement installé à Romeet où des machines à calculer électroniquesmodernes seront à la disposition des hommesde science des pays membres. L'Unesco étudieégalement la possibilité de fonder un centreinternational de recherches océanographiquesde l'autre côté du monde, dans la région indo-pacifique.

Douze pays européens ont participé aux dis-cussions et à l'élaboration des plans, et de-viendront sans doute membres de l'Organisa-tion européenne pour la recherche nucléaire.Ce sont : la BelJique, le Danemark, la France,la République fédérale d'Allemagne, la Grèce,l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, leRoyaume-Uni et la Yougoslavie. D'autres Etatspourront y être admis ultérieurement, à lasuite d'un vote unanime des Etats membres.Le coût de t'entreprise, y compris les dépen-ses de construction et de fonctionnement, estévalué à 120 millions de francs suisses (soit10 milliards de francs français) pour les septpremières années ; les fonds seront fournis parles Etats membres, approximativement au pro-rata de leur revenu national moyen.

La nouvelle organisation encourage la coo-pération entre les différents centres nationauxde recherche, particulièrement en ce quiconcerne la théorie nucléaire. Elle disposerad'un laboratoire central construit dans un do-maine de 36 hectares offert pal le canton deGenève et situé à 5 km au nord-ouest de cetteville, le long de la frontière fraçaise.

Un personnel d'une cinquantaine d'experts,généralement employés comme consultants,travaille depuis un an et demi aux plans dé-taillés des bâtiments et des puissantes machi-nes. Le secrétaire général est M. EdoardoAmaldi, professeur de physique expérimentaleà l'Université de Rome. Le groupe chargéd'établir les plans du laboratoire proprementdit est dirigé par M. LewKowarski, directeurscientifique au Commissariat français à larecherche atomique, tandis que le groupechargé des études théoriques est placé sous ladirection de M. Niels Bohr, directeur de l'Ins-titut de physique théorique de Copenhague.Deux groupes d'études spéciaux ont égalementété constitués pour élaborer les plans des deuxprincipaux accélérateurs de haute énergie. Legroupe responsable du synchro-cyclotron de600 millions d'électrons-volts est dirigé parM. J. C. Bokker, professeur de physique àl'université d'Amsterdam, et celui qui s'occupedu synchrotron à protons de 25 milliardsd'électrons-volts est dirigé par M. Odd Dahl,chef de la Section de physique appliquée àl'Institut Michelsen de Bergen (Norvège).

La plus petite des deux machines sera assezpuissante pour produire des mésons permettantdes études détaillées. Elle aura un électro-aimant de 5 mètres de diamètre, pesant2, 500 tonnes et muni de deux bobines d'exci-tation d'un poids total de 180 tonnes. Ellesera entourée d'un gros mur et recouverte d'un

toit, tous deux en béton. Elle coûtera environ17 millions de francs suisses (soit près d'unmilliard et demi de francs). Sa constructiondemandera quatre ans environ, de telle sortequ'elle devrait être prête à fonctionner en1957 ou 1958,

Le synchrotron à protons aura des dimen-sions beaucoup plus importantes et coûterabeaucoup plus cher. Il produira des particulespossédant dix fois plus d'énergie que les parti-cules fournies par l'une quelconque des machi-nes actuelles, et dont le système de com-mande a été découvert récemment. Ce serala première machine qui produira des parti-cules possédant autant d'énergie que lesrayons cosmiques venus des profondeurs del'espace. Nul ne peut prédire ce qu'elle révé-lera, mais les experts espèrent vivement qu'telleleur permettra de découvrir les secrets les plusintimes de la matière et de l'énergie.

La particule

la plus chargée d'énergie...

SON grand aimant aura une section relati-vement faible, mais formera un cercle de100 mètres de diamètre, enterré dans une

profonde tranchée, sous une couche debéton. Chaque fois qu'une particule à grandevitesse parcourra cet anneau, elle accompliraun trajet de près d'un tiers de kilomètre. Aubout d'un million de circuits-ce qui nedemandera qu'un peu plus d'une seconde-elle aura couvert une distance égale à cellequi sépare la terre de la lune à une vitessepresque égale à celle de la lumière. A lasortie de la machine, ce sera le projectile leplus chargé d'énergie que l'homme ait jamaisproduit.

Le synchrotron à protons coûtera 55 millionsde francs suisses (soit quatre milliards et demide francs français, et sa construction deman-dera probablement sept ans, si bien qu'il nesera prêt qu'en 1960.

Il importe de signaler qu'aux termes de laConvention pour l'établissement d'une Orga-nisation européenne pour la recherche nu-cléaire, * l'Organisation assure la collabora-tion entre Etats européens pour les recherchesnucléaires de caractère purement scientifiqueet fondamental Elle Ette * s'abstient de touteactivité à fins militaires et les résultats de sestravaux expérimentaux et théoriques sont pu-bliés ou, de toute autre façon, rendus géné-ralement accessibles". Ces dispositions signi-fient que l'activité de l'Organisation ne serapas orientée vers la guerre, que les résultatsobtenus ne resteronf en aucun cas secretsmais enrichiront le patrimoine de l'humanité.Ce sera, en fait, pour la science, le débutd'une ère nouvelle qui sera marquée par unecoopération extrêmement poussée entre leshommes de science par-delà les frontièresnationales et linguistiques, et par un effortpacifique commun pour percer les secrets dela nature et accroître ainsi les ressources del'humanité.

Voici la maquette du futur Centre d'études nucléaire européen (C. E. R. N.) de Meyrin (Canton de Genève). En « A >&gt; se trouvera le synchrotron à protons, qui sera leplus grand accélérateur du monde. Le synchro-cyclotron occupera l'emplacement « B >&gt;. Il permettra des mesures très précises sur les particules des noyaux.En « C)) seront construits les laboratoires et ateliers. Depuis plus d'un an et demi, cinquante experts travaillent aux plans du Centre européen de recherches.

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DÉCEMBRE 95. Page 13

OU'ISOTOPE

OEIL MAGIQUE DE L'INDUSTRIE, DE

L'AGRICULTURE ET DE LA MÉDECINE...

LORS de la découverte de l'Amérique, en1492, la première réaction du mondecivilisé fut de s'étonner qu'un continent

aussi vaste, habité par de nombreuses peu-plades étranges et pourvu d'abondantes res-sources ait pu rester aussi longtemps inconnudes Européens. Le monde se révélait soudainbien plus grand qu'on ne le pensait et le pé-riple de Magellan ne tarda pas à démontrerque la terre était ronde et non plate commeon l'avait cru jusque-là. Puis ce fut l'époquedes grandes aventures et des explorations quise succédèrent pendant un siècle. Ensuite, despionniers commencèrent à s'établir sur lesnouveaux territoires, des colonies se formèrent,et enfin on vit apparaître les grandes nationsdont la population constitue actuellement undixième de l'espèce humaine.

Il en fut de même pour la plupart desdécouvertes faites dans le domaine de lascience pure. L'intérêt qu'elles'éveillent estd'abord philosophique : elles mettent mieuxen lumière la complexité et la splendeur de lanature. Puis vient la lutte menée par leschercheurs pour explorer å fond leur nouveaudomaine ; enfin on commence à tirer partisur le plan pratique des connaisances ac-quises. La science nucléaire n'a pas faitexception à cette règle.

Dans les articles antérieurs de la présentesérie, nous avons exposé les notions fonda-mentales que l'on possède aujourd'hui sur lemonde des atomes. Il nous reste à étudier tesapplications de cette science qui sont déjàaussi importantes que diverses. Bien qu'tellesn'en soient encore qu'à leur début, elles suf-fisent à prouver qu'il s'agit là de l'une desplus grandes découvertes de tous les temps,comparable, quant aux avantages que peuventen retirer la science et l'humanité, à l'inven-tion du microscope et de la machine à vapeur.

On ne saurait, bien entendu, passer soussilence l'usage de l'énergie atomique à desfins militaires car c'est évidemment là sonapplication la plus impressionnante. Chacun ypense en premier lieu en raison de la terriblemenace qu'elle fait peser sur l'humanité mais,si l'on regarde les choses de haut, il apparaîtque ce n'est là qu'une des utilisations possiblesde notre nouveau savoir, mise au point sousl'influence des besoins militaires. C'est parsuite d'un simple hasard que la possibilité detirer de l'énergie d'un type particulier d'atomea été découvert au moment précis où com-mençait la plus grande guerre de l'histoire.Et malgré tout, l'année 1939 sera considéréedans les siècles à venir comme étant cellede la découverte de l'énergie atomique bienplutôt que celle du début de la deuxièmeguerre mondiale.

Le charbon et le pétrole

conserveront leur rôle

TOUS les travaux sur la structure nucléairefont entrer en jeu la formidable éner-gie contenue dans les particules à

haute vélocité, en vue de former un très petitnombre de minuscules fragments nucléaires. Ily a donc une immense dépense d'énergie sansprofit ; mais quand on se sert d'uranium ou dethorium-métaux relativement peu connus- les atomes ainsi désintégrés par collisionavec les neutrons fournissent plus d'énergiequ'ils n'en reçoivent, et l'énergie supplémen-taire ainsi produite peut être utilisée à desfins de destruction. Que cette énergie soit ounon de nouveau utilisée à cet effet, il est horsde doute qu'elle sera largement exploitée àdes fins pacifiques. Une ère de l'énergie ato-mique va s'ouvrir pour l'industrie, du moinsdans les pays dépourvus de charbon et depétrole.

Il est désormais bien connu qu'un kilod'uranium peut fournir autant d'énergie oude chaleur que 3. 000 tonnes de charbon ; maisil ne s'ensuit pas que l'énergie atomique soitmoins coûteuse que celle qu'on tire du char-bon. Bien au contraire, alors même que t'ura-nium ne coûterait absolument rien, le prix derevient de cette énergie serait élevé en raisonde l'importance et du coût des appareilsnécessaires à sa production. Le charbon et lepétrole resteront donc la principale sourced'énergie industrielle partout où l'on peut seles procurer à peu de frais, c'est-à-dire par-tout où ils se trouvent à proximité. En revan-che, le combustible atomique peut dès main-tenant être considéré comme économique par-tout où la nécessité d'un long transport rendle charbon onéreux. Les moteurs atomiquesactuellement construits et mis à l'essai-etqui sont surtout destinés pour le moment àéviter aux navires le transport de combustiblelourd et volumineux-permettront sans douteà bien des pays de parvenir à s'industrialiser.

M. Herbert V. Evatt, qui fut délégué del'Australie à l'Organisation des Nations Unies,a dit un jour : « t) est des pays dont les

industries risquent de décliner par suite del'absence d'un produit pouvant remplacer lecharbon. Ces pays peuvent redouter le déclinde leur économie ou l'abaissement de leurstandard de vie plus que le danger plus loin-tain des terreurs d'une guerre atomique.)) estd'autres pays où des sources d'énergie indus-trielle n'impliquant pas le transport de gran-

Au centre de recherches atomiques deHarwell (Grande-Bretagne) un murde briques protège les opérateurscontre les radiations nocives dégagéesau cours de munipu ! ations d'élé-ments chimiques radioactifs. Pourplacer des objets dans le creuset àisotopes (à droite) ou les retirer, onse sert par prudence de longues pinces.

(Photo Crown Copyright reserved.)

La plupart des isotopes sont conser-vés dans des solutions liquides.Des techniciens, protégés par un murépais, opèrent au moyen d'un miroir(les rayons radioactifs frappent laté-ralement et non verticalement). Lesbocaux sont remplis et enlevés grâceà un ingénieux système qui exécute...

.. parfaitement le travail de la main del'homme. Les bocaux dans lesquels lesradio-isotopes sontex'pédiés sont proté-gés par des coupes d'acier, du papierabsorbant, du plomb ou du ciment, sui-vant le genre de radiations dont il s'agit.

(Photos Oak Ridge Nat. Lab.)

des quantités de charbon ou Ja constructionde longues lignes de transport d'énergie élec-trique seraient susceptibles d'ouvrir de nou-velles régions à l'agriculture ou à J'exploita-tion minière. D'abondantes quantités d'énergieà des prix raisonnables sont indispensablesà l'industrie moderne. La force dérivée del'énergie atomique pourrait permettre de nosjours à des groupements humains de prospérerdans des régions éloignées des sources d'éner-gie existant actuellement, De tels pays, pourlesquels les applications pacifiques de l'énergieatomique sont d'une importance plus immé-diate, exigeront probablement qu'il leur soitpermis d'accéder le plus tôt possible aux ma-tières et aux données scientifiques dont ilspourront avoir besoin pour utiliser l'énergieatomique à des fins pacifiques *.

Les radiations vérifient

l'épaisseur des feuilles

BIEN que l'énergie atomique ne puisseencore être employée directement, lesradiations et les substances qdil est

possible de produire en abondance grâce auxprogrès de la physique nucléaire peuvent déjàservir à des milliers de fins. C'est ainsi quel'industrie, l'agriculture, la médecine et lesIciences emploient des <&lt; isotopes>&gt; radioactifs,variétés d'éléments chimiques communs quine se trouvent pas dans la nature, mais sontproduites soit par des collisions nucléaires àl'intérieur d'un cyclotron, soit par les neu-trons qu'émet l'uranium dans des piles atomi-ques. La Commission de l'énergie atomique desEtats-Unis d'Amérique a fait plus de 32. 000expéditions d'isotopes radioactifs, plus de2, 000 expéditions d'isotopes non radioactifs(ou stables) à plus d'un millier d'institutionsnord-américaines et plus de 1. 600 envois deradio-isotopes à quelque 350 institutions dans33 autres pays. De nombreuses firmes indus-trielles, ainsi que des milliers de médecins dumonde entier en font quotidiennement usage.

Une forme typique d'utilisation industrielledes rayons émis par ces matières radioactivesest la suivante : pour contrôler automatique-ment la production de minces feuilles depapier, de matière plastique ou de métal ser-vant à fabriquer des boîtes de conserves, onplace, au sortir des rouleaux qui, par com-pression, donnent à ces feuilles l'épaisseurvoulue, un appareil où elles passent sur unepetite quantité de matière radio-active etsous un détecteur tel qu'un compteur Geiger.Une partie des radiations est absorbée par lafeuille, tandis que le reste la traverse pouratteindre le détecteur. Si, pour une raisonquelconque, la feuille devient plus au moinsmince qu'il ne le faudrait, l'intensité desradiations reçues par le détecteur augmenteou décroît instantanément en conséquence. Cetappareil vérifie donc constamment et automa-tiquement l'épaisseur et il est facile de s'enservir pour assurer tant le réglage des rou-leaux que la rectification des erreurs, defaçon à fabriquer des feuilles d'épaisseur uni-forme.

Économie : 1. 000. 000 de

doHars et 56 années

LE contrôle'de l'écoulement du pétrole àtravers les longs pipelines est un autreexemple d'utilisation directe. tt est rare

qu'une telle canalisation puisse servir long-temps à débiter une même qualité ou un mêmetype de pétrole ; les pompes y font coulersuccessivement des pétroles différents. Or, ilest important de signaler, à l'arrivée, quandune qualité ou une livraison va commencer àen remplacer une autre dans la canalisation.A cet effet, on introduit aujourd'hui une petitequantité de pétrole radioactif entre chaque lotà l'rntrée du pipe-line. Quand ce pétroleradioactif parvient au poste de réception,lequel peut être situé à des centaines dekilomètres, les compteurs de radiations ledétectent aussitôt ; il ne reste plus alors qu'àrégler les valves pour que le liquide se déversedans une autre citerne.

Un autre exemple fourni par l'industriepétrolière illustre l'utilisation des isotopes auprofit de la recherche-scientifique. En Angle-terre,. ta * Shett Petroteum Company. mesuremaintenant le frottement et l'usure des piècesen soumettant un segment de piston à unbombardement de neutrons jusqu'à ce qu'unepetite partie de l'acier se transforme en iso-tope radioactif. Ce segment est alors montésur un moteur. A mesure que celui-ci s'use parfrottement, ses débris tombent dans l'huiledu carter qui est alors refoulée à travers un

(soulte page 14)

Page 14. DÉCEMBRE 1953 LE COURRIER

,,

... GUIDE L INGENIEUR,

TRAITE LES MALADES,

AUSCULTE LES PLANTES

(Suite des þages 12-13)

détecteur de radiation de grande sensibilité.Cette infime quantité d'acier faiblement radio-actif peut être mesurée, ce qui indique immé-diatement le degré d'usure du moteur. Grâceà une telle méthode on évite d'avoir à sou-mettre le moteur à de longues observations età effectuer de délicates analyses de J'hilepour évaluer la quantité d'acier qu'ellecontient, car ce système permet de détermineren quelques minutes les effets des divers lu-brifiants. La <&lt; California Research Corpora-tion >&gt; signale qu'à la suite de recherches decet ordre un projet d'étude des frottementsqui aurait exigé soixante années de travailet coûté un million de dollars a pu être menéà bien en quatre ans ou prix de 35, 000 dol-lars. D'autres ont adopté ce procédé pourprouver que le moteur d'une automobileconduite à grande vitesse sur les routes s'usetrois fois moins que celui d'une voiture utiliséeen ville. Toutefois, l'ultime objectif de cesrecherches est de réduire les frottements etde perfectionner la lubrification.

Un moteur qui

marche à l'isotope

LES radiations d'isotopes radioactifs ser-vent encore à rendre luminiscentes lesmatières cristallines dont on enduit cer-

taines parties des cadrans de montres et desenseignes : Les isotopes à bon marché ontmaintenant remplacé le coûteux, radium. Ilssont également employés dans les tubes àfluorescence ordinaires ; en effet, lorsqu'oules mélange aux matières lumineuses, ils aug-mentent la conductivité de t'air à l'intérieurdu tube, si bien que l'allumage de la lampese produit beaucoup plus rapidement et sousl'effet d'un courant bien plus faible.

De même, ces matières faiblement radio-actives sont utilisées dans les tubes lumineuxlorsque l'électricité statique risque d'y provo-quer des étincelles, car leurs faibles radiationsrendent l'air suffisamment conducteur d'élec-tricité pour que l'occumulation d'électricitéstatique soit évitée.

L'une des applications qui pourraient serévéler le plus intéressantes à l'avenir est 10construction d'un générateur électrique semi-permanent de basse puissance. Quand onapplique sur une électrode de lampe à videune couche de l'un des isotopes du strontiumcette substance émet des électrons, c'est-à-dire de l'électricité négative, et acquiert elle-même une charge positive ; au cours de cer-taines expériences, il a été possible d'attein-dre un potentiel de 365. 000 volts. On s'efforceactuellement de faire marcher par ce systèmeun petit moteur à courant continu qui n'auraitbesoin d'aucune autre source d'énergie.

Pour étudier la structure des pièces métal-liques d'autres entreprises industrielles utili-sent aujourd'hui des radiations pénétrantesd'isotopes de préférence aux rayons X, dontJ'emploie soulevait des difficultés. Ailleursencore, on mesure la hauteur des liquidesdans les réservoirs en plaçant un isotope dansun flotteur à la surface du liquide et en repé-rant la position de ce flotteur grâce auxradiations qui sont émises à travers les paroisdu réservoir. On peut même avoir recours àcette méthode pour mesurer la hauteur dumétal en fusion dans la cuve d'un four defonderie.

Dans tous les exemples précédents, les iso-topes employés ne sont que faiblement radioactifs : suffisamment pour pouvoir être déce-lés à l'aide d'un instrument adéquat, mais troppeu pour constituer un danger à l'égard desêtre vivants. Mais il existe également des iso-topes émettant un rayonnement extrêmementpuissant. Dans le cas du cobalt métallique, parexemple, il est possible d'obtenir un isotopedes milliers de fois plus puissant que le radiumlui-même, de telle sorte qu'un petit fragmentde cette substance peut donner un rayonne-ment aussi actif que celui d'un kilogramme deradium. Des rayons d'une telle intensité peu-vent être utilisés pour la destruction de bac-téries, et même de formes de vie plus évo-luées.

Une autre application des plus intéressantesest la stérilisation des médicaments, des ins-truments et appareils médicaux, des aliments,cette opération pouvant être réalisée toutsimplement en les exposant pendant quelquessecondes ou quelques minutes aux radiationsémises par cette forme de cobalt. De cettemanière, une stérilisation complète peut êtreobtenue sans l'emploi de la chaleur, point trèsimportant dans le cas de médicaments quisont décomposés par le moindre échauffement,ou pour de nombreux aliments dont la compo-sition et le goût sont modifiés par les procédéshabituels de stérilisation par cuisson.

L'utilisation la plus immédiate de ce pro-cédé se trouvera peut-être dans la fabricationde la pénicilline, ce médicament maintenant silargement employé pour le traitement et laprévention des maladies infectieuses provo-quées par des bactéries. L'ensemble de la pro-duction mondiale de pénicilline représentemaintenant une valeur bien supérieure àtrente-cinq milliards de francs français. Etantdonné que le médicament est employé dansle corps humain, il doit être complètementdébarrassé d'organismes vivants ; cette stéri-lisation est délicate, car la pénicilline ne peutpas être exposée à l'action de la chaleur sanssubir une décomposition partielle. Dès que leprix de revient du cobalt radioactif sera unpeu moins élevé qu'actuellement, il en sera

CE « P) STOLET a EST UN INSTRUMENT PACIFIQUE utilisé dans leslaboratoires où l'on manipule des substances radioactives. Il sert à mesurerl'intensité des rayons beta ou gamma (et ainsi, à s'en préserver en cas d'excès).

L'EXTRAORDINAIRE UTILISATION DES ISOTOPES radioactifs s'étendmaintenant à l'industrie, à la médecine, à l'agriculture et aux sciences biologiques.Ici, un opérateur les emploie pour éliminer la nicotine du tabac. (photons Usus. l

L'OUVERTURE D'UN « COUS H DISOTOPES demande certaines pré-cautions. Une clef spéciale, incluse dans l'envoi, permet de dévisser et de revis-ser le haut du bocal métallique sans avoir besoin de le toucher avec les mains.

employé de nombreux kilogrammes pour la sté-rilisation de la pénicilline.

Mais pour qu'un procédé analogue puisseêtre mis en oeuvre dans la stérilisation desaliments, il faudra que le cobalt radioactifsoit produit en plus grandes quantités et àmeilleur marché. Une source de rayons trèspénétrants serait alors utilisée, car le rayon-nement doit être capable de stériliser complè-tement l'intérieur d'une tranche de viande,d'un légume ou d'un fruit assez gros. Actuel-lement, les jambons en conserve ne satisfontpas le consommateur à cause de leur goût etde leur incomplète stabilité. Ils pourront êtrestérilisés à froid par emploi des isotopes radio-actifs sans que leur goût soit affecté, et ilsdemeureront stériles si leur surface est conve-nablement protégée..

Une application possible plus importanteencore est la stérilisation de fruits ou de légu-mes frais. A l'heure actuelle, ces produits nerestent frais que pendant une période trèscourte. S'iis étaient stérilisés à froid par desradiations, ils garderaient leur goût et, s'silsétaient ensuite convenablement empaquetés,pourraient être conservés très longtemps sanssubir de décomposition.

Un tel procédé pourrait s'appliquer à unegrande variété de produits frais : tomates,pommes, pêches, melons, noix, oeufs, concom-bres, raisins et oranges. Etant donné que lasurface seule en serait stérilisée, ils ne demeu-reraient pas frais pendant des mois maispourraient être gardés pendant plusieurs se-maines avant d'être vendus ou mangés. Lamême méthode s'appliquerait aux alimentsempaquetés, tels que ces produits de bou-! angeriequi, maintenant, sont courammentvendus dans quelques pays sous emballagesen papier ou en matière plastique. Un trai-tement superficiel au moyen de radiations lespréserverait de l'altération.

La production d'isotopes radioactifs d'unetelle puissance n'est pas dès à présent suffi-sante pour satisfaire de tels débouchés ; deplus, leur prix de revient est encore trop élevé,mais les avantages que possède la stérilisationà froid aux yeux de l'industrie alimentairesont tels qu'ils peuvent conduire à entrepren-dre la production de grandes quantités de cesisotopes en vue de cette application, ce quipeut abaisser les prix de revient actuels.

Lorsque l'industrie emploiera les combus-tibles atomiques pour la production de grandesquantités d'énergie, on disposera en abon-

dance de ces isotopes radioactifs qui devien-dront disponibles comme sous-produits.

Il n'existe pas d'application directe de cespuissantes radiations en agriculture, en biolo-gie ou en médecine sauf dans les cas où l'ondésire opérer une destruction : par exemple,le traitement d'un cancer. Mais l'emploi desisotopes radioactifs dans ces sciences estnéanmoins extrêmement répandu : on pro-cède par une technique tout à fait différente,consistant à employer les éléments chimiquesqui se trouvent dans les animaux, dans lesplantes et dans leurs substances nutritives,avec une très faible adjonction de la formeradioactive du même élément.

Le mouton noir isolé

au milieu des blancs

PAR exempte, tes phosphates constituentune substance nutritive nécessaire à lavie végétale et rentrent dans la compo-

sition des engrais. Il est facile de produire unisotope faiblement radioactif du phosphore etde l'introduire dans le phosphate normal quise trouve dans l'engrais. Etant donné qu'ilengendre constamment un rayonnement faibleet sans danger qui peut être décelé à l'aided'instruments convenables, il est très simplede suivre la trace du phosphore dans le solet dans la plante. Dans ce type d'applications,le phosphore radioactif sera en conséquenceappelé un < traceur «.

C'est ainsi que l'on a pu acquérir desconnaissances très importantes en agriculture.Des chercheurs suédois ont trouvé que le phos-phate contenu dans un engrais est assimiléà peu près immédiatement par les racines dela plante quand il est répandu à la surfacedu sol. Des chercheurs américains ont cons-taté que les plantes des pâturages peuventassimiler le phosphate qui est étalé sur leursfeuilles et leurs racines, de telle sorte qued'anciens pâturages peuvent être * rajeunis *par du phosphate sans qu'il soit nécessaire delabourer.

Un fait encore plus intéressant est que lemaïs, ! a betterave sucrière, le tabac et lecoton n'assimilent le phosphate d'un engraisqu'au cours des premiers stades de leur crois-sance. L'engrais répandu sur le sol plus tarddans la saison ne sert à rien pour ce genre derécoltes. Par contre, les pommes de terre assi-milent le phosphate en grande quantité pen-

t DEL'UNESCODÉCEMBRE 1953. Page 15

VUE AÉRIENNE GÉNÉRALE D'UN CHAMP dépendant du Laboratoire National de Brookhaven (Etat de New York) où sont poursuivies des expériences d'utili-sation de radiations nucléaires en agriculture. Des céréales telles que le mais sont semées dans des sillons circulaires disposés autour d'une source centrale deradiations (cobalt radioactif). On a constaté que la structure des cellules des plantes est modifiée par les rayons gamma émis par le cobalt radioactif.

dant tout le temps de leur croissance. Enfin,il a été montré que l'acide phosphoriqueajouté à l'eau d'irrigation est tout aussi effi-cace que l'engrais répandu à sec sur le sol.

Tous ces résultats furent obtenus en mesu-ranttaquantitédephosphoreradioactifdéce-lée dans la plante vivante. Bien que cettequantité soit faible, l'atome radioactif pouvantêtre comparé au mouton noir isolé don untroupeau de moutons blancs, elle permet dedéterminer avec certitude le sort de la tota-lité du phosphore.

De nombreux autres éléments traceurs uti-lisés de cette manière ont donné des rensei-gnements de grande valeur pour l'agriculteur.On a trouvé que du potassium radioactifintroduit dans une sorte de peinture dont onbadigeonnait la branche d'un prunier endormipour l'hiver pénétrait dans la sève par tempsde gel et se déplaçait de plusieurs pieds au-dessus et au-dessous de la branche, en dépitdu fait admis jusque-là que la sève restaitimmobile en hiver. D'autre part, en été, lephosphore parcourt dans l'arbre un circuitcomplet qui le ramène aux racines toutes lesvingt-quatre heures.

Une autre application agricole de cettetechnique des traceurs à l'aide d'isotopesradioactifs est l'étude des insectes et deschampignons. Le radio-iode a été employépour étudier le mode de propagation du cham-pignon qui provoque la flétrissure du chêne àpartir des racines, et des racines d'un chêne àcelles d'un autre. Les insecticides égalementpeuvent être additionnés de radio-isotopes.C'est ainsi que l'on a pu montrer que lesfeuilles des plantes absorbent les insecticidesprincipalement par leur face inférieure, etseulement pendant le jour.

Un tel travail a également mis en évidencela différence de comportement entre lesplantes à larges feuilles et les herbes à feuillesétroites vis-à-vis des désherbants tels que le2-4-D. Une plante à larges feuilles absorbetacilement un désherbant appliqué par pulvé-risation, et en l'espace de deux heures laplante tout entière s'en trouve imprégnée. Parcontre, les gazons absorbent très peu deproduit, et celui qui est absorbé reste surplace sans affecter l'ensemble de la plante.

Même les moustiques peuvent être'tracés.au moyen des radio-isotopes. Les larves demoustiques qui nagent dans une solution trèsdiluée de radio-phosphore demeurent radio-actives pendant toute la durée de leur exis-

tence, et leur présence peut être décelée àl'aide de compteurs de Geiger. Le comporte-ment des moustiques est maintenant étudié àl'aide de cette méthode, qui permet de déter-miner la durée de leur vie, la distance qu'ilspeuvent parcourir en volant, et la nature deleur alimentation. On pense pouvoir employerdes techniques analogues sur les oiseaux pourrecueillir des renseignements dignes de foi surleurs moeurs, et plus spécialement sur leursmigrations.

On a"reconstruit"

le corps de t'homme

y'EMPLOI des puissants rayons du radium,destructeurs de tissus, a été introduitdans le traitement du cancer. Leur effet

est le même que celui des rayons X de puis-sance égale, mais un cancer peut souvent êtreatteint avec une petite pastille ou un tube deradium alors qu'il n'est pas facilement acces-sible avec n tube à rayons X. Les nouveauxradio-isotopes peuvent être employés exacte-ment de la même façon que le radium, maisavec l'avantage que les doses de radiationsréalisables sont bien plus importantes et queleur prix est bien moins élevé.

Le produit de substitution le plus courantdu radium est le ralijøactif cobalt. Un petitcylindre de cobalt métallique de l'ordre ducentimètre de hauteur et de diamètre égaldonne la même intensité de rayons gammaqu'une dose de radium valant plusieurs cen-taines de millions de francs. Un tel fragmentde cobalt pesant un peu plus de trente gram-mes est enfermé dans une enveloppe en métallourd comportant une petite fenêtre à traverslaquelle l'intense faisceau de rayons est dirigévers le tissu cancéreux à traiter.

Dans certains cas, le phosphore et l'or radio-actifs conviennent très bien pour des traite-ments de ce type. Pour des cancers de lapeau, on imprègne un papier buvard ordinaireavec une solution de phosphate radioactif et,quand il est sec, on le découpe selon ladimension et la forme de la tumeur sur la-quelle il est alors fixé à l'aide d'un adhésif.Le radiocobalt peut être étiré sous forme d'unfil fin ou découpé en perles minuscules quipeuvent être introduites dans la proliférationcancéreuse. Le radio-or peut être produit sousforme de tout petits grains qui peuvent êtreprojetés directement dans le cancer au moyend'un petit * canon". Dons tes deux cas, la

substance radioactive reste dans le cancer jus-qu'à ce qu'Usait détruit.

Le radio-isotope peut aussi être injecté dansle corps ou être tout simplement avalé pourfinalement se retrouver dans le torrent san-guin. Il est absorbé à partir du sang par lestissus cancéreux. C'est en effet là une carac-téristique particulière des tissus cancéreux quiles différencie des tissus ordinaires : ils absor-bent le radio-isotope. C'est ainsi qu'une mala-die dans laquelle les globules rouges du sangse multiplient avec une telle abondance qu'ilsobstruent les vaisseaux sanguins, peut êtretraitée par le radio-phosphore : la productiondes globules rouges est alors fortement dimi-nuée pendant une période d'environ une année.

L'iode est librement absorbé par la glandethyroïde qui J'utiliser pour élaborer l'hormonedénommée thyroxine. Chez les patients où laglande thyroïde est trop active, c'est-à-direqu'telle produit de la thyroxine en trop grandeabondance, on opérait autrefois chirurgicale-ment en procédant à t'abtation d'une partiede la glande. Maintenant, un plein verre d'unesolution de radio-iode remplit le même officepuisque la glande absorbe l'iode qui y émetses rayons, détruit l'excès de tissus thyroï-diens et ramène l'activité de la thyroïde àla valeur normale. Toutefois, il ne s'agit pasici d'un état cancéreux, et le véritable cancerde la thyroïde n'est en fait pas facilementtraité par le radio-iode.

Dans quelques applications de cette sorte,les radio-isotopes se sont révélés extrêmementintéressants. Toutefois, en médecine, ils sontpeut-être encore plus précieux pour la recher-che que pour les traitements proprement dits :ils permettent de suivre les processus chimi-ques et physiologiques dans le corps. Les iso-topes employés sont ceux qui donnent desrayons faibles et sans danger, mais qui peu-vent être facilement décelés au moyen d'ins-truments convenables suffisamment sensibles.Dans certains cas, on a recours à des isotopes,tels que l'eau lourde, qui ne sont pas radio-actifs et doivent être décelés au moyen deméthodes plus compliquées.

Un des premiers résultats de l'utilisationdes isotopes"traceurs"fut une découvertesurprenante : tous les tissus du corps sont lesiège d'un processus constant de renouvelle-ment. Il était naturel de penser que le corpsest une sorte d'édifice stable qui n'utilise lesaliments que pour entretenir sa chaleur etremplacer tes * pièces usées". Tette n'est pasla vérité. Lorsqu'on mange des graisses dans

lesquelles certains des atomes d'hydrogèneont été chimiquement remplacés par det' « hydrogène lourd", ta nouvelle graisse estdéposée dans les couches grasses du corpstandis que les graisses plus anciennes, déjàemmagasinées dans les tissus, sont brûléespour produire de la chaleur.

De même, l'absorption de protéines conte-nant de t'* azote lourd"permet de cons-tater t existence de processus analogues : lesprotéines fraîches sont employées à la consti-tution de tissus, de muscles et de globulessanguins, tandis que les protéines déjà présen-tes sont oxydées et excrétées. Chaque partiedu corps est donc constamment en reconstruc-tion grâce à un échange continuel de nou-veaux matériaux provenant des aliments et quiviennent remplacer les matériaux existants.En un temps relativement court, de l'ordre dequelques semaines ou de quelques mois, lecorps de chaque homme, de chaque animalest ainsi complètement <&lt; reconstruit *. Mêmeles os sont reconstitués, et la seule excep-tion est le fer, principalement dans les glo-bules du sang, qui n'est pas rapidement rem-placé par les nouveaux atomes de fer appor-tés par les aliments. Il s'agit là d'un proces-sus fondamental de la vie, mais qui n'auraitprobablement jamais été découvert sans l'em-ploi des isotopes traceurs.

600 isotopes à

notre disposition

LES animaux et les plantes peuvent rare-ment distinguer entre les atomes ordi-naires et les isotopes non naturels. Le

fait que nous ayons à notre disposition plus desix cents isotopes, dont quelques-uns en gran-des quantités, a rendu possible l'étude d'untrès grand nombre de réactions biologiques,de telle sorte que la technique des traceursa fourni à peu près autant de renseignementssur les êtres vivants et sur le processus vitallui-même que l'avait fait le microscope aucours des quelques premiers siècles qui suivi-rent son invention. Cela est en partie dû aufait qu'un atome d'isotope peut être suivi àtravers une longue succession de transforma-tions.

La fonction réelle des vitamines et leurmode d'action au cours de la nutrition res-taient fort mystérieux : les traceurs ont récem-ment permis d'élucider ce mystère, bien quece soit là une trop longue histoire pour qu'elle

(Suite page 16)

Page 16. DÉCEMBRE 1953 LE COURRIER

TR01S CENTS SIÈCLES D'ÉTAT CIVIL DU GLOBE

GRACE A L'HORLOGE A MESURER LE PASSÉ

(Suite des pages 14-15)

puisse être racontée ici. Donnons cependant unexemple : des biologistes introduisirent duradio-phosphore et du radio-cobalt dans lemilieu de culture sur lequel se développe lamoisissure Streptomyces grises. La moisissureassimile les isotopes et les emploie pour éla-borer la vitamine B-12, et ils peuvent êtredécelés par leurs rayons aussi bien dans lamoisissure que dans la vitamine qui en estultérieurement extraite. Par conséquent, unevitamine radio-actives peut être ajoutée auxaliments d'êtres humains, et l'on pourra sui-vre son acheminement au cours des divers pro-cessus chimiques dont le corps est le siège.

La recherche de ce type la plus riche depromesses est l'étude du processus grâceauquel les plantes vertes opèrent la synthèsede leur substance à partir de l'eau et du gazcarbonique de l'air. Cette réaction est à labase de toute vie puisque sans elle il ne pour-rait pas y avoir de plantes vertes, et puisquetoutes les autres plantes et tous les animauxdépendent de l'existence desplantes vertes. Il s'agit làd'une réaction apparemmentsimple au cours de laquellela molécule d'eau et celle degaz carbonique sont combi-nées, perdent une certainequantité d'oxygène, et for-ment des sucres, des ami-dons, de la cellulose et ulté-rieurement des espèces chimi-ques plus compliquées.

Néanmoins, personne nesait comment s'y prend laplante. et l'homme est inca-pable de reproduire la réac-tion. Mais l'existence d'unisotope faiblement radio-actifdu carbone a déjà donnébeaucoup de renseignementset permettra peut-être, d'iciun an ou deux, d'expliquercomplètement ce mystère.L'homme ne pourra probable-ment pas pour autant se pas-ser des plantes pour se pro-curer sa nourriture, mais laproduction des aliments parles plantes pourra fort bienêtre grandement améliorée.Un des plus grands besoins dej'humanité est t'accroissenu'ntdes ressources en produits ali-mentaires et l'étude de cetteréaction constitue le meilleurespoir d'un accroissement desdisponibilités en aliments, quipourront peut-être être dou-blées.

La méthode consiste à for-mer du gaz carbonique conte-nant une faible proportiond'un isotope radio-actif ducarbone. On obtient ainsi du"gazcarbonique lourd* quiest employé par les plantesen présence de la lumièresolaire exactement comme sil'on était parti de carboneordinaire, Il en résulte que lecarbone radio-actif entre dansles tissus des végétaux et quesa présence et son emplace-ment dans la plante peuventêtre immédiatement décelées.Lorsque les feuilles vertes decertaines plantes sont ainsiexposées au gaz carboniqueradio-actif pendant seulementune minute, on trouve ensuitedans la feuille au moins cin-quante composés chimiquesdifférents, en quelque sorte"étiquetes* par te carbone radio-actif,

Lorsque le temps d'exposition à la lumièresolaire est réduit à deux secondes, la feuillea déjà eu le temps d'élaborer deux ou troiscomposés à partir du gaz carbonique de t'air.

Il apparaît que les premières substances éla-borées par la plante sont des dérivés det'ocidephosphogtyeérique, produits intermé-diaires dans le processus aboutissant à laformation du sucre de fruits ou de grains.Après deux minutes d'exposition, les essais decoractérisation du radio-carbone montrent queles protéines et les graisses elles-mêmescontinennent déjà le nouveau carbone quivient d'être tiré de l'atmosphère. Les étudesdétaillées de ces réactions sont actuellementen cours et le mécanisme complet de cettesynthèse végétale fondamentale sera connudans un très proche avenir.

L'étude du processus dans différentes plan-tes a démontré que les premiers stades dela réaction sont les mêmes dans toutes lesplantes. Ce n'est qu'ultérieurement qu'il prenddes directions différentes pour aboutir à laproduction de composés qui sont caractéris-tiques de chaque plante, tels que les par-fums, les colorants et les substances médica-menteuses.

Des expériences analogues portant sur lesanimaux ont révélé un grand nombre de faitsinconnus n ce qui concerne leur métabo-

lisme, c'est-à-dire les processus chimiquesqui se produisent au cours de la digestion etde t'édificotion des tissus du corps. Elles sepoursuivent simultanément à l'Université deCalifornie aux Etats-Unis et à l'Institut Natio-nal de Recherches Laitières à Shinfield (An-gleterre) pour l'étude de la production du laitpar les vaches. La vache est en quelque sorteune machine de très haut rendement pour latransformation de produits végétaux en pré-cieuses denrées alimentaires à l'usage del'homme et sa chimie pourra vraisemblable-ment être améliorée grâce aux résultats detelles recherches.Un chapitre de plus est à porter à l'actifdes réalisations des radio-isotopes : ils ontfourni une nouvelle méthode de mesure dutemps historique.)) Ils ont apporté des réponsesaux questions concernant l'âge d'arbres etd'animaux enterrés depuis longtemps, de sque-lettes humains et de constructions humainesdes siècles passées, Ils ont permis de dater laPériode Glaciaire et sont capables de fixeravec précision les dates de nombreux événe-

parer avec le carbone total et par consé-quent d'estimer la date à laquelle la planteou l'animal sont morts. Par cette méthode,il est maintenant possible de fixer la dateexacte à laquelle vivaient les êtres dont nousretrouvons les squelettes enterrés, le boisretrouvé dans les anciennes constructions, lesrestes calcinés des foyers préhistoriques etmême les matériaux organiques de la boue.

C'est ainsi que des savants de l'Universitéde Chicago ont pu montrer que le charbon debois provenant de l'ancien site de Shaheinabprès de Khartoum (Soudan) constituait lesrestes d'arbres qui poussaient il y a 5. 060 ans,tandis que les coquilles de bivalves trouvéesau même lieu furent tirées de la mer il y a5. 446 ans. A Jarmo, en Irak, subsiste l'em-placement d'un ancien village où t'en retrouveles vestiges les plus reculés d'entrepôts degrains et d'industrie alimentaire. On a mon-tré que leur âge était de 6. 695 ans. Un lin-teau maya fut sculpté il y a 1. 470 ans, tandisque les fameux alignements mégalithiquessitués près de Salisbury, en Angleterre et

UN RÉCIPIENT CONTENANT DU COBALT RADIOACTIF et placé dans une cuve remplie d'eau apu être photographié grâce à la seule luminositt\ de i'eau"édatrée"par tes puissants rayons gamma émispar le cobalt. (L'ombre noire est une partie de la corde qui sert à tenir la cuve), (photo Brookhaven Nat. Lab.)

ments qui se sont produits ou cours des trentederniers millénaires.

La méthode est basée sur le fait qu'il existeune proportion très faible moins définie d'iso-tope radioactif du carbone dans tout le gazcarbonique de l'atmosphère. Etant donné quetoutes les plantes édifient leurs tissus à par-tir de ce gaz carbonique et que tous lesanimaux le respirent, la proportion du car-bone radioactif ou carbone ordinaire danstous les êtres vivants est la même et estbien connue. Aussitôt qu'un animât ou uneplante meurt, l'échange du carbone avec lemilieu environnant cesse. Un grand nombrede ces organismes est enterré et est partiel-lement conservé.

Dès tors, une lente variation dans la pro-portion des deux isotopes se produit. L'iso-tope radioactif émet son rayonnement etdevient inerte, de telle manière qu'it cessed'être décelable. Mois il s'agit là d'un proces-sus lent. Une quantité quelconque de car-bone radioactif est réduite de moitié en5. 568 ans, puis la moitié subsistante est elle-même réduite de moitié-pour donner parconséquent le quart de la quantité primi-tive-à la fin d'une nouvelle période de5. 568 ans. Toutefois, après environ 30. 000 ans,la quantité restante est trop petite pour pou-voir être mesurée. Mais pendant ces trentemillénaires, il est possible de mesurer laradioactivité du carbone présent, de la com-

connus sous le nom de Stonehenge sont vieuxde 3. 800 ans et remontent par conséquentà l'an 2000 avant Jésus-Christ. Une paire desandales de corde, en si bon état de conser-vation qu'elle paraît avoir été jetée seulementhier, fut trouvée dans une caverne de l'Oré-gon, aux Etats-Unis. Les mesures montrèrentqu'telle était vieille de 9. 000 ans.

Une autre question qui se posa récemmentfut celle de l'âge d'un rouleau manuscrit duLivre d'Isaïe, constituant une partie du Vieux-Testament. Avait-il été écrit à l'époque duVieux-Testament, ou s'agissait-il d'une copieou d'une contrefaçon remontant seulementau moyen âge ? L'analyse prouva qu'il futécrit il y a environ 2. 000 ans, mais il futimpossible de décider s'il avait été écrit avantou après la vie du Christ.

La date la plus ancienne ainsi fixée pourl'histoire de l'humanité est jusqu'à présentcelle des vestiges de la caverne de Lascaux,dans le Sud-Ouest de la France, site de lafameuse peinture du mammouth, espèce main-tenant complètement éteinte. Les analysesmontrèrent que cette caverne était habitée etutilisée par l'homme il y a environ 15. 500 ans.Par ailleurs, il subsiste des restes de chair etde poils de l'ancien super-bison d'Alaska quiremontent à plus de 28, 000 ans et pourtantla chair est en état de conservation suffi-sant pour que les chiens arctiques puissents'en nourrir.

que en face de Terre-Neuvemontrèrent que les matièresorganiques contenues danscette eau étaient vieillesd'environ 1. 500 ans. 1 fautdonc plusieurs milliers d'an-nées pour que les lents cou-rants océaniques ramènentvers le fond les eaux de lasurface et portent à la sur-face les eaux abyssales.

Une autre date intéres-sante est celle à laquelle ilfaut remonter pour la der-nière Période Glaciaire, oùune épaisse carapace de glacerecouvrait le nord de l'Eu-rope, de l'Asie et de l'Amé-rique. Elle a pu être détermi-née en mesurant l'âge desarbres et des débris de boisqui reposent sous les graviersdéposés par les glaciers. Cesrestes remontent à 11. 000ans. Ceci a été confirmé parune étude des boues déposéesle long des côtes et plus par-ticulièrement dans les deltasdes grands fleuves. Au coursde la Période Glaciaire, il yavait tant d'eau solidifiéedans les glaciers que le ni-veau de l'océan était beau-coup plus bas qu'aujourd'hui.C'est ainsi que, à son point leplus bas, le niveau de la merétait à 27 m. au-dessous duniveau actuel ; il y a 9. 000ans, il était à 23 m. au-dessous ; il y a 7. 000 ans, à17 m. et il y a 3, 000 ans,à 8 m. au-dessous. Le niveaude la mer est encore en trainde monter, car les glaces arc-tiques et antarctiques fondent.

Un problème qui fut posé ily a longtemps est celui del'âge de la Terre. Au coursdu siècle dernier, les estima-tions ont varié de quelquesmillénaires, conformément auxindications des documents bi-bliques, à de nombreux mil-lions d'années. La mesure laplus digne de confiance et quiest maintenant à peu près; : : éralement acceptée, estbasée sur la radio-activité del'uranium et sa lente trans-formation en plomb. La pé-riode de l'uranium, au coursde laquelle son activité dé-

croît de moitié, est de 700 millions d'années.C'est parce qdelle est si longue qu'il y a en-core de l'uranium sur la terre en dépit de saconstante décomposition en plomb. En mesu-rant la quantité d'uranium maintenant pré-sente, et la quantité de plomb qui s'est trxo-vée formée à partir de la quantité primitived'uranium et en comparant les chiffres obte-nus avec l'allure connue de transformation del'uranium, on peut en déduire l'âge de laTerre et l'on trouve qdil est aproximativementde trois milliards d'années.

Les radio-isotopes ont donc ouvert un nou-veau chapitre de la science en fournissant unehorloge digne de confiance pour la mesure dutemps depuis les origines. L'universalité desapplications des radio-isotopes en science, enmédecine, dans l'industrie et dans l'agricultureest impressionnante. Pourtant, jusqu'à présent,on n'a pu disposer que de faibles quantitésde radio-isotopes. Si un jour l'énergie atomi-que-et par conséquent les piles atomiques-est couramment employée dans le monde, laproduction des radio-isotopes, précieux résidusdu fonctitlnnement des piles, s'accroîtra coni-dérablement. On peut donc affirmer que lesemplois directs des isotopes et les découvertesscientifiques qu'ils permettront de réaliserconcourront à accroftregrondementetomut-tiplier à la fois les connaissances de l'hommeet sa puissance.

Un problème perpétuellement posé estcelui de l'origine du pétrole. La plupart desspécialistes faisant autorité en la matière esti-maient que le pétrole qui se trouve sous lesroches anciennes doit s'être formé il y a envi-

ron un million d'années, mais les essais ontmontré qu'il était de formation relativementrécente et qu'il s'accumule sous terre en despoints favorables et non toujours aux empla-cements où vécurent les animaux et ! es ptan-tes à partir des restes desquels il fut produit.

La découverte la plus surprenante est peut-être celle qui concerne la circulation de l'eaudans les océans. A la surface, l'eau de l'océancontient la proportion normale de radio-car-bone et de carbone ordinaire mais, dans lesrégions arctiques, l'eau superficielle gagneles profondeurs et J'zon sait qu'elle se meutlentement en suivant le fond de l'océan pourse diriger vers les tropiques, de telle sortequ'telle est en constante circulation.

Des mesures effectuées sur des échantillonsd'eau prélevés en profondeur dans l'Atlanti-

DE L'UNESCO DÉCEMBRE 1953. Page 17

DANS le monde entier, les ensei-gnants sont toujours à la re-cherche de nouvelles métho-

des leur permettant de secouer laroutine de l'enseignement, de mé-thodes vivantes, de moyens de cap-tiver l'imagination et de susciterl'enthousiasme des jeunes. En cemoment, se déroule au Japon uneexpérience particulièrement inté-ressante dans ce domaine. Les en-seignants viennent d'unir leurs ef-forts à ceux de la radio et de la té-lévision nationales. Ensemble, ilss'efforcent de déterminer le meil-leur moyen de mettre le pouvoirmagique de la télévision au servicedes jeunes générations japonaises.

Il s'agit essentiellement, aumoyen de cette nouvelle expé-rience, de déterminer dans quellemesure le pouvoir évocateur del'image animée peut aider l'enfantà assimiler de notions qui, jusqu'àmaintenant, quel que soit le talentdu maître, étaient trop abstraitespour qu'il puisse les comprendrefacilement. Déjà, des photogra-phies et des films fixes, le cinémaet la radio ont été employés à cettefin. Aujourd'hui les maîtres japo-nais vont plus loin encore danscette voie. De même que des ensei-gnants français, américains et dequelques autres pays, ils mettent àl'épreuve les vertus éducatives de

A côté des programmes réguliers, que les Japonais contemplent, comme leveut la tradition, assis par terre sur des nattes, les postes émetteurs diffusentdes programmes de TV scolaire qui ajoutent à l'enseignement primaire etsecondaire un élément utile et attrayant. Photos Radiodiffusion Japonaise (N. H. K.)

la télévision. Voici comment :Tous les jours, à une heure del'après-midi, la chaîne nationaletransmet un programme de quinzeminutes, destiné aux écoles, sur lesémetteurs de télévision mis en ex-ploitation depuis le début de 1953à Tokio, à Osaka et à Nagoya.

Quelques écoles de l'enseigne-ment élémentaire et de l'enseigne-ment secondaire du premier cycleont été choisies aux environs de lacapitale pour servir de classes-té-moins. C'est probablement l'aspectessentiel de cette expérience. Eneffet, la télévision éducative est unmoyen nouveau, dont les techni-ques n'ont pas encore été mises àl'épreuve. Avant d'apprendre auxenfants à tirer parti de la télévi-sion, il faut que les réalisateurs desprogrammes fassent eux-mêmesleur apprentissage.

Cet apprentissage ne va pas tou-jours sans difficultés, ainsi qu'entémoigne l'exemple suivant : undes producteurs de la radio scolaireavait réalisé une série de pro-grammes intitulés <&lt;, Les Voyagesde la Télévision qui avaient pourbut de montrer aux enfants lessites les plus connus du pays sousl'angle de la géographie descrip-tive. Le procédé de présentationétait le suivant : deux enfants, ungarçon appelé Terebi et une fille,Tereko, voyagent à travers le Japonet conversent avec les habitants desvilles qu'ils visitent, ce qui permetde présenter aux élèves les monu-ments et les lieux caractéristiquesavec des commentaires appropriés.Pour donner un tour original àl'émission, les rôles n'étaient pastenus par des acteurs, mais par desmarionnettes.

Des problèmes de présentationdu même odre ont surgi avec[élaboration d'a u t r e s program-mes expérimentaux, <&lt; Fables duMonde , basés sur des fables dumonde entier. Mais le manque demoyens n'a pas permis de donnernu côté visuel du programme uncaractère assez séduisant pourrendre l'histoire vivante.

A'ussi, contrairement à ce quel'on avait pu imaginer, les résul-tats de cette série de programmesne furent pas très bons ; il ressortde rapports envoyés par les maî-tres d'école que l'attention des en-fants était entièrement absorbéepar le jeu des marionnettes et quele message même que l'on désirait

transmettre, c'est-à-dire l'image etl'explication géographique, n'attei-gnait pas le jeune public.

D'autres programmes, par contre,ont été un plein succès. Ainsi <&lt; lacompréhension des arts classi-ques , émission à l'intention desélèves des écoles secondaires, réa-lisée avec la collaboration de spé-cialistes attachés à des musées oud'un critique d'art, a remporté ungrand succès auprès des jeunes dequatorze et quinze ans. Au coursde cette série, les meilleures peu-vires classiques sont présentées ; lacaméra attire l'oeil sur leurs aspectsles plus remarquables, elle aide àétablir des comparaisons tandisqu'un commentateur donne les ex-plications nécessaires et que l'onentend un fond musical classique.

Mentionnons encore une émis-sion destinée aux enfants de six etsept ans : <&lt; Jouons avec les ryth-mes , véritable cours de rythmi-que et de danse, particulièrementbien adapté aux possibilités de latélévision. Signalons également desprogrammes de sciences et d'ana-tomie au cours desquels la télévi-sion apporte aux élèves des riches-ses de laboratoires dont la plupartdes petites écoles du monde n'au-raient jamais osé rêver.

Dans un autre programme àsuccès, <&lt; Qu'est-ce que la na-ture ? », on donna aux enfantsl'explication de nombreux phéno-mènes, et notamment : com-ment se forment les volcans,comment les vagues prennentnaissance et disparaissent. Outreles photographies, films et ma-quettes, les producteurs de ce pro-gramme firent largement appel àdes objets réels, au besoin grossispar un microscope. De bon srésultats furent obtenus, malgréle nombre limité de studios dis-ponibles.

Toutes les semaines, le <&lt; Clubdu Samedi Þ proposait aux jeunesauditoires des ballets, des drames,de la musique instrumentale, deschoeurs, de la gymnastique et despoèmes, présentés par des troupessemi-professionnelles d'enfants oupar des élèves des écoles.

La télévision se prête'parfaite-ment à ce travail éducatif. Elle est

pratique et attrayante. Pour les jeu-nes générations japonaises, c'est unmoyen vivant et moderne, quicomplète utilement l'oeuvre desmaîtres et des livres.

Page 18. DÉCEMBRE 1953 LE COURRIER

"NOUS AVONS SACRIFIÉ

L'HUMANISME A LA TECHNIQUE"

LE progrès technique est-il une arme à double tran-) chant ? Telle est la question à laquelle le numéro de

juillet dernier du Courrier tentait de répondre en fai-sant apparaître les dangers qu'un bouleversement

technologique peut provoquer dans les pays dits c sous-développés . C'est à l'aspect spirituel du problème : c les

besoins esthétiques d'une société civilisée Þ que s'intéresse

plus particulièrement l'ancien membre du Parlement bri-tannique David Hardman, dans une lettre adressée à larédaction du COll/'/'ier et que nous reproduisons presquein l'J'ln1so ci-dessous car eHe apporte, sur la question deassistance technique, d'intéressants développements.

Monsieur le Rédacteur en Chef,

EN Occident, une dure expérience nous a ap-pris qu'une révolution industrielle peutapporter à l'humanité de grands bienfaits

et, en même temps, la priver d'éléments spirituels.L'un des besoins les plus criants de notre époqueest la culture originale que l'industrialisationdevrait créer tout en préservant jalousementl'héritage culturel du passé. Les civilisations duMoyen-Orient, de l'Orient et de l'Afrique, quiadaptent les méthodes scientifiques et techniquesà leurs propres conditions économiques, devraientse garder de tomber dans les erreurs et les lacunesde l'Occident.

Personne ne saurait ou ne voudrait s'opposeraux transformations qui s'effectuent en ce mo-ment. Le seul moyen par lequel les populations dumonde peuvent se libérer de la misère, améliorerleur alimentation, leur santé et leurs conditionsde vie, est l'application des méthodes scientifiqueset techniques révélées par le progrès, mais lebesoin fondamental de l'esprit humain est l'exis-tence d'une industrialisation humaine.

D'après le poète anglais Robert Bridges <&lt; lalumière électrique vient de l'Occident s-. Que l'hu-manité profite de son rayonnement et explorel'ombre qu'elle projette.

En effet, l'homme n'a pas pour seulës préoccu-pations la technologie et la science. Il se nourritd'art, il a soif de religion. Alfred Whitehead, legrand philosophe, mathématicien et éducateur,dit que ces quatre soucis « sont interdépendants,que leur origine se trouve dans la mentalité del'homme vue dans son ensemble .

Si le bien-être matériel de l'humanité est le butde l'assistance technique, il est impossible de l'at-teindre sans le secours de la science appliquée.Mais tout aussi nécessaires apparaissent l'esthé-tique et les humanités sans lesquelles le profondmalaise spirituel et psychologique des grandescités industrielles de l'Occident ne pourra êtredissipé.

La science a donné trop d'importance auxchoses et pas assez aux valeurs. Nous, Anglais,devrions être fiers de ce que la civilisation del'ouest ait commencé par la révolution industriellede l'Angleterre, mais celle-ci a laissé derrière elleune traînée de maux dont les Anglais tentent,depuis cinquante ans, de se débarrasser. Ces maux

proviennent des erreursesthétiques du matéria-lisme scientifique commede l'avidité grandissantedes hommes.

Comme le dit White-. head dans <&lt; La Science etle Monde moderne : Þ enparlant du système indus-triel primitif en Angle-terre, en Europe ou enAmérique : <&lt;Le fait queje voudrais souligner estl'aveuglement avec lequell'homme le plus éclairé decette époque considéraitl'importance de l'esthéti-que dans la vie d'une na-tion. Même aujourd'hui jecrois que nous ne l'esti-mons pas à sa justevaleur. >

Parlant à Londres, en1946, sur ce thème (com-menté en 1948 par T. S.Eliot dans ses (< Notes surune définition de la Cul-ture ») je disais que l'âgede l'industrialisation et dela démocratie avait misfin à la plupart des gran-des traditions culturellesde l'Europe, dont la moin-dre n'était pas celle ducadre visuel, et que la for-tune et le pouvoir avaientété conquis en exploitantl'ignorance et les appétits.En conséquence, la plu-part des habitants dumonde contemporainétaient-pour le mieux-à moitié instruits, et il se produisit un effondre-ment culturel qui, parti de l'Amérique, gagnal'Europe, puis l'Orient.

M. Eliot définit <&lt; la mi-éducation z comme unphénomène moderne : « Dans les temps anciens,on ne pouvait pas dire de la majorité des hommesqu'ils étaient <&lt; mi-éduqués ou moins éduquésencore. Car ils avaient acquis l'instruction néces-saire aux fonctions qu'ils étaient appelés à rem-plir. Il serait incorrect de qualifier un membre de

L'homme n'a pas pour seules préoccupations la technologie et la science. Il se nourrit d'art, il a soif de religion.Ces quatre soucis ne peuvent être dissociés les uns des autres. (Photo copyright U. S. Library of Congress.)

Seuls les progrès techniques et scientifiques révélés par le progrèspermettront aux populations du monde d'améliorer leurs conditions de vie ;encore faut-il pour cela que l'industrialisation soit humaine. (Photo U. N.)

la société primitive, ou un travailleur agricole den'importe quelle époque, de <&lt; mi-éduqué >&gt;, ou de<&lt; quart-éduqué >&gt;. Le danger suprême d'une indus-trialisation non humanisée est qu'elle menace dedétruire la variété des communautés humaines,et les cultures millénaires, privant ainsi la culturecontemporaine des racines qui la rattachent aupassé.

Dans l'éditorial du numéro du (< Courrier>&gt; sur leprogrès technique, M. Alfred Métraux souligne ledanger provoqué par l'impatience extrème des re-présentants les plus cultivés des races de couleur<&lt; qui protestent véhémentement quand les Blancsleur conseillent de maintenir leurs coutumes tradi-tionnelles >&gt;. Cet avertissement vient à son heure.Le bien-être matériel de l'humanité peut être pro-curé par la science et la technologie, mais le bon-heur-comme le prouvent des siècles d'erreurscommises par les différentes civilisations dumonde-est une fleur plus délicate et plus fan-tasque, qui se nourrit d'art et de religion.

Là où l'on introduit la technologie il faut accor-der une attention égale aux problèmes de l'urba-nisme, à l'architecture, aux produits d'usage cou-rant (surtout s'ils sont fabriqués en masse), sil'on veut éviter la laideur physique et morale descentres industriels occidentaux.

Les plans de la communauté doivent être inspi-rés par des considérations culturelles autant quetechniques. Non seulement l'église mais aussil'école et le collège des adultes devraient consti-tuer le point de départ d'une vie esthétique etspirituelle, et quand je parle d'école ou de collège,je ne pense pas seulement à l'éducation verbale(une des grandes faiblesses de l'éducation publi-que occidentale) mais à l'éducation active, àl'expérience acquise par l'observation directe,déjà si étroitement identifiée avec l'Assistancetechnique, comme le montre le numéro de juilletdernier du ( Courrier >&gt;.

L'éducation active, c'est-à-dire l'art de donneraux enfants et aux adultes le plus d'occasions defaire les choses par eux-mêmes, est vitale. Maisl'activité s'applique également à l'esthétique et àla poursuite d'objectifs d'ordre intellectuel. Ceuxqui travaillent dans le domaine de l'Assistancetechnique devraient toujours avoir à l'esprit nonseulement l'influente de la technologie sur lescommunautés primitives mais le danger des amu-sements occidentaux : cinéma, radio et mainte-nant télévision. Ceux-ci peuvent jouer, et jouentun rôle constructif des plus bienfaisants dansl'éducation esthétique et spirituelle, mais sontaussi susceptibles d'avoir des effets mortels enuniformisant la culture, en détruisant l'initiativedes individus et des groupes, en imposant leur loisur le royaume de l'esthétique.

David Hardman

DE L'UNESCO DÉCEMBRE 1953. Page) 9

Si les enfants suédois, dont beaucoup sont depetits citadins, savent se diriger à traversles champs et les bois, loin des grandesroutes et des poteaux-indicateurs, c'est que

la plupart d'entre eux suivent les cours d'orien-tation qui figurent au programme de toutes lesécoles suédoises et dont la pratique constitueen quelque sorte un sport national. Avec leurc Silva Þ (boussole ordinaire, munie d'un rap-porteur), que tant de petits Suédois reçoi-vent pour leur anniversaire, ils apprennentà lire les cartes, à reconnaître les pointsde repère, les accidents de terrain et àsuivre des itinéraires fixes.

L'extension extraordinaire prisepar ces cours d'orientation-<&lt; Orientering en suédois-montre comment une idée trèssimple, exploitée intelligemment,peut apporter une contributionimportanteà l'enseignement.<&lt; L'Orientering !-est essentielle-ment l'art de se diriger à t'aided'autre boussole et d'une carte.Cependant, la valeur pédagogiquerie cette formation, qui trouve sonapplication dans toutes les bran-ches de l'enseignement primaireet secondaire, est aujourd'huireconnue et les cours d'orienta-tion sont obligatoires dans lesécoles suédoises.

On retient mieux ce que l'onpratique de bonne heure, aussi lesprofesseurs suédois commencent.dès le début de l'école primaire,à enseigner les premières notion-d'orientation à leurs élèves. Ils lefont nu moyen de jeux éducatifdont le but est de développer chezl'enfant le sens de la directibnet de l'observation.

Ainsi, dès l'âge de sept ans, onexplique au petit Niels et à lapetite Ingrid que les schémas etles plans sont en réalité des car-tes très simplifiées. On leur faitdessiner le schéma de leur sallede classe, le plan de l'école et dupréau, puis une <s vraie carteavec des routes et quelques pointsde repère. Les promenades qu'ilsfont en semaine et les sorties col-lectives du dimanche viennentbientôt compléter l'enseignement.

Au cours des deux ou troisannées suivantes, les enfants sefamiliarisent avec le langage dela cartographie. Puis le coursd'orientation se transforme enleçon de géographie avec desincursions fréquentes dans lesdomaines de la topographie, ducalcul, de la géométrie, du dessin,de la rédaction et de l'histoirenaturelle.

géographie en les intéressant à des cartes repré-sentant l'ensemble de la Suède ou d'autrespays du monde. >

L'n autre instituteur souligne la valeur de cetenseignement pour le cours de morale civique :<&lt; Grâce aux leçons d'orientation >, écrit-il,c l'enfant apprend à mieux connaître la vie desa communauté et du pays dans son ensemble ;il s'intéresse aux moeurs et aux coutumes d'au-tres nations et d'autres peuples. >

Dans un rapport adressé au Ministère de l'Ins-truction Publique à Stockholm, un troisièmeprofesseur déclare : c Les cours d'orientation

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tout s'il leur a fallu trouver leur chemin toutseuls. Ils s'intéressent à l'histoire des sites etdes monuments visités en cours de route et sepassionnent pour l'histoire naturelle et la bota-nique. Þ

Au Canada, comme en Suède, les nouvellesméthodes pédagogiques s'inspirent largementdu système de <&lt; l'orientation >, Les enfantsapprennent à se servir d'une boussole dèsl'école primaire, mais on évite au début lesexplications compliquées relatives à ses appli-cations en géométrie. (Un professeur a constatéque ses élèves, parlant de leurs promenades, ne

citaient jamais les points cardi-naux, mais se référaient auxdegrés de la boussole ; ils di-saient : <&lt; Je suis allé vers 90.(Est) , ou : <&lt; j'ai pris la route au180. (Sud) , etc. Dans les clas-ses plus avancées, la géométrietrouve son application pratiquedans les activités d'orientation :les écoliers apprennent alors àrepérer, à mesurer les altitudes etles distances. Cette formationpermet également d'aborder sousun angle pratique l'étude de l'his-toire naturelle et de la botanique

Insjön veut dire en suédois « le lac >&gt;. C'est là que cet écolier d'Enskede, près deStockholm, s'est promené un dimanche. En classe, grâce à des indications carto-graphiques très simples, il retrace au tableau noir les différentes phases de sonexcursion, qui sont restées gravées dans sa mémoire. (Photos Unesco et U. N.)

T 5S témoignages des profes-seurs apportent d'intéressan-tes indications sur la valeur

pédagogique de cette méthode :<&lt; Le tracé de cartes très simples >&gt;,écrit un instituteur rural du cen-tre de la Suède, <&lt; constitue, à monsens, la meilleure introduction àl'étude de la géographie. Les enfants aimenttout ce qui se rapporte au dessin, et notammentles cartes, les graphiques, etc. Lorsqu'ils aurontappris à dresser le plan de leur classe, de l'écoleet du préau, ils s'habitueront vite à regarderen <&lt; cartographes la campagne avoisinante.Dès lors, il sera facile d'aborder l'étude de la

... OU LA GÉOGRAPHIE EN PLEINS CHAMPS

constituent une excellente préparation à d'au-tres branches du programme. Habitués dès leurspremières années d'école à observer les phéno-mènes de la nature, les enfants ont plus defacilités pour décrire le monde qui les entoure.Au retour d'une promenade, mes élèves sonttout joyeux de rédiger leurs impressions, sur-

C OXf. : C ! : ; à l'origine comme unesorte de jeu scout, les exer-cices d'orientation ont fait

leurs preuves et leur valeur estaujourd'hui reconnue en Suèdepar tous les membres du corpsenseignent. La naissance du mou-lement remonte à trente ans. Acelte époque, un chef scout, leMajor Ernst Killander, s'inquié-tait de voir les jeunes garçonsconfiés à sa garde consacrer leplus clair de leurs loisirs à assis-ter à des matches sportifs sans yparticiper. Un dimanche matin, illeur proposa un nouveau jeu : ilfixa un objectif pour chaquemembre de sa troupe, distribuades boussoles et des cartes, etlaissa aux garçons le choix d'em-prunter la grande route ou de

'partir à l'aventure, par monts etpar vaux. Cette initiative connutun grand succès et l'idée futbientôt adoptée dans tout le pays.Aujourd'hui, <&lt; l'Orientering >&gt; est,en quelque sorte, le sport natio-nal suédois.

En Suède, plus de 330. 000enthousiastes (dont 133. 000 adul-tes) participent chaque année auconcours <&lt; d'Orientering x, tandisqu'au Canada, l'enseignement decette nouvelle <&lt; matière scolaire >&gt;est obligatoire dans toutes les éco-les dë la province d'Ontario. Desbrochures sur ce sport éducatifont paru dans plusieurs pays,notamment en Suisse alémani-que, et le manuel <&lt;d'Oriente-ring>&gt; suédois, publié en'1J43,s'est vendu à 150. 000 exemplaires.

L'importance du mouvementdépasse cependant le cadre dusport et des jeux. Sa valeur péda-gogique est aujourd'hui reconnuedans de nombreux pays. C'est une

forme d'enseignement grâce à laquelle les vo-cations les plus diverses se sont révélées : fores-tiers, explorateurs, savants, ingénieurs, bota-nistes, etc. C'est, en tout cas, pour les enfants,un jeu passionnant.

Yves du Guerny

Nul ne s'étonne, en Suède, de rencontrer en pleine campagne, seuls ou engroupes, des enfants qui partent à l'aventure, munis d'une boussole et d'unecarte. Ils s'amusent, bien sûr, mais en même temps ils s'instruisent, car « Orien-

tering)), mot suédois qui signifie l'art de s'orienter, est un cours qui figure auprogramme de toutes les écoles de Suède et dont la préparation se fait dans laclasse même. C'est aussi un véritable sport national. (Photos Unesco.)

Page 20. DÉCEMBRE 1953LE COURR

LATITUDES ET LONGITUDES

L'ART porR Tors : Une asso-

ciation norvégienne, « L'art à l'usine >&gt;.vient de préparer une cinquantaine d'ex-

positions itinérantes à l'intention desouvriers des entreprises industrielles.D'autre part. des reproductions d'oeuvrp-d'artistes contemporains ornent toutes lescabines du nouveau cargo mixte norvé-

ien, le « Buenos-Aires>&gt; : tandis que desaquarelles et des eaux-fortes sont expo-sées dans le mess de l'équipage du « :'\[0-ria x. autre grand navire de commerce

norvégien.

* ETt'DE'= A L'ÉTRAXGER : P/'Ì', <fe M ! <' Kf. ; m<'r ; ca) n. < po : <r-de mWe jeunes Amé/'icains pou/'-l'ont poursu1 !-re leurs études àl'étranger durant l'année 195 : ;-55, grâce aux bou/'ses octroyéespal'le gouvernement des Etats-Unis, au, x termes rlu programmed'échange Fulbril} ht et de la con-rention de Buenos-Aires,

1 XSTRT : CTIOX : D'après un rap-

port établi à l'occasion du quatrièmeanniversaire de la loi mexicaine organi-sant une campagne obligatoire contre

l'analphabl"tisme, plus de T\000 rentresd'instruction collective ont été crrrs dansdes communautés mexicaines ne dispo-sant pas, auparavant, d'écoles en nombresuffisant. 3. 000 autres centres ont étécréés pour faciliter le travail des rcoles

régulières. Ainsi, au cours de ces quatreannées, plus de trois millions d'adulteson : appris à lire et à écrire.

musique : Fnc école pl'ofl'8-sionnelle, mi 8el'Ont fOl'lné8 11'8maître8itinérants attachés a1l. rCentres Jfu8icau, r R1I1'01U, a étéinaugurée récemment dan8 la l'l'-Ilion pari8'ienne, Cette in8titutiona été créée SOU8 le, ç auspice8 dela Fédération des Centres Musi-cau : 1 : R1Irau : r rie France, dont lebut est d'éreiller che : ; les je1lne8campallnard8 le yoM et l'appré-ciation de la mU8ique, Le pro-gramme du nou !'eau centre com-pl'end notamment rie8 coursd'harmonie, d'histoire de la mu-sique, de < : ull11l'e t'ocale, de chantet de diction, 1'voire de danse,ainsi que des 1'isite. ç cultul'elles- théàtre8, concerts, etc,-et

des conférences sur l'éducationpopulaire dans les régions HI-raies.

M. A T Ë n 1 E L n'EXSEIGXEEXT :

L'Association « pour la diffusion du ma-tériel d'enseignement des mathémati-

ques >&gt; dont ! e siège est à Leicester (An-gieterre), vient de commencer la publi-cation d'un bulletin destiné à renseignerles professeurs sur les derniers perfec-tionnements réalisés dans ce domaine.Cette publication décrit les méthodes etles appareils utilisés ou essayés dans lesécoles primaires et secondaires, les col-

lèges techniques et les universités en An-gleterre et à l'étranger. Le premier nu-méro contient des articles sur <&lt; la pensée

mathématique et l'utilisation des sens)).et <&lt; l'enseignement des propriétés ducercle >&gt; ; il donne aussi une liste desauxiliaires pédagogiques utilisés dans di-verses écoles ainsi que des films et filmes-fixes réalisés à l'intention des classes de

mathématiques.

* FE> ; TI\'. \L : Grr1ce à des enre-. qistrements sur mirrositlons, lesmeilleures interprétations m. usi-cales européennes serollt prochai-nement mises à la portée du pu-blic américains, Déjà, parmi lesorganisateurs des principau : r fes-tivals de musique de l'Europe,seize ont accepté l'idée de cetarrangement, patronné par leCentre culturel européen de Ge-nève. Les enregistrements se7'Ont

pris au cours des festivals et dis-tribués aux Etats-rnis suivant 1111système comparable à celui desclubs littéraire,

SPORT : L'L'nesco vient de de-

mander à ses soixante-neuf Etats mem-bres de lui faire connaître) leurs sugges-tions sur les meilleurs moyens d'utiliserles sports à des fins éducatives. L'Organi-sation leur demande également qu'on l'in-forme de ce qui se fait déjà dans cedomaine dans les différents pays. L'Unes-co soumet aux Etats membres quelquesidées sur les mesures qu'elle pourrait

prendre : par exemple, l'organisationd'études comparatives sur le rôle du

sport dans les différents systèmes édu-catifs. Les Etats membres sont appelés àse prononcer également sur la possibilité

qu'une initiative de i'Unesco soit prisedans le cadre d'un événement sportifinternational tel que les Jeux Olympi-

ques de 1956,

* SCOLARITÉ GRATJ ; ITE : Le GOH-t'ernement dll Cachemire rkntd'annonce/'qll'à partir de cetteannée tOlites les écoles dll paysseront gratllites « dll jardind'enfants aH doctorat >&gt;, Oncompte actllellement aIl Cache-mire fui. r écoles secondaires ettrM : e cent qllarlmte-nellf écolesprimaires arec tm total de centdi. l' mille élères,

CLASSES AÉRlE :'i :'iES : La Fa-

cuité des Sciences de l'Université de Pa-ris compte désormais un certain nombrede cours qui se donnent régulièrement àbord d'avions. Cette initiative remonte

déjà à quelques années. On s'était aperçuque l'étude, faite en avion, des conditionsatmosphériques et des rayons cosmiques.offrait de grands avantages. Il s'est avéré

que les étudiants apprennent beaucoupplus en un seul vol qu'après de nom-breuses heures consacrées à l'étude decartes géographiques. Jusqu'ici ces volsd'études ne se faisaient qu'au-dessus dela France, mais les autorités universitai-res françaises ont déjà été invitées à

organiser des excursions aériennes au-dessus de la Suisse et de la :"uède. Des

enquètes du même genre seront menéesau-dessus de la Hollande et de la Belgi-

que.

* I : XSTHliCTIOX SVPÉRIEVIIE : ]) u5 au 12 octobre demie/'a eulieu à J/adrid et à Salamanqueune assemblée des unil'el'sités delan. Que espagnole. L'ordre dujoUI'de celle réunion, à laquelle

nales, d'intensifier les échange. <d'étudiants et autres échangescultu/'els, les/'eche/'ches dans cedomaine, ainsi que l'éducationdes adultes. Selon le Dr IlOIL'a/'dF ;, Hïlson, qui dirige l'exécutiondu p/'ojet qui lui a été confié pal'la Fondation Carnegie pour laPaix, il existe déjà plus de 600clubs de relations intemationaleset 200 à 300 clubs en fa'eur desSations ['nies ou d'un gourerne-ment mondial, arec une effectiftotal dépassant 100. 000 étudiantes.Ces clubs entretiennent des rela-tions arec les collèges et uni l'et-sifc. amér-icains, ce qui consti-tue une première base de tI'GraU,

ESPETIAXTO : L'Université popu-laire de Zurich a institué cet hiver des

leçons d'espéranto. Il s'agit plus que d'unsimple cours, mais d'une entreprise in-ternationale qui permettra à ses partici-

pants, pendant la durée du cours, d'en-trer en relations avec les étudiants d'au-tres pays. En effet, en même temps qu'à

Zurich, des cours analogues ont été or-

ganisés dans les universités populaires ouautres institutions éducatives des villesde Copenhague, Bruxeiies. Strasbourg.

Paris, Londres, Manchester, Stuttgart,Florence, Parme et Salzbourg. Pour faci-liter les échanges de correspondance. le

programme de ces divers cours a étéunifié.

* LE THEATRE, SALLE DE CLASSE :Afin de compléter l'æuvre pour-wirie dlll1s la Vallée du Jle ; ; qui-

LES MUEZZINS APPELLENT

LES FIDÈLES A LA VACCINATION

LES Muezzins des minarets de l'Irakont ajouté une nouvelle psalmodie

à leur appel millénaire à la prière.

Il s'agit d'une invitation à se faire

vacciner au BCG, diffusée par des

haut-parleurs installés sur leurs mina-

rets et adressée aux fidèles entrant

dons les mosquées. C'est la première

fois que les Muezzins de Kut, Kufa et

Nedjef mélangent au micro les soucis

terrestres aux sujets divins. Ce fait

souligne l'importance qu'attache J'krak

à la prévention contre la tuberculose.

Il met également en valeur les moyens

de propagande sans précédent em-

ployés pour mettre la population tout

entière au courant de la campagne

entreprise avec l'aide de Unicef

(Fonds International de Secours à l'En-

fance des Nations Unies). L'Irak est

un des six pays du Moyen-Orient et un

des trente-deux pays du monde aux-

quels l'Unicef fournit régulièrement des

approvisionnements médicaux. De son

côté l'Organisation Mondiale de la

Santé lui fournit une aide technique

dans la lutte contre la tuberculose.

(Photo copyright Editions Arthaud, Paris.)

assistaient des repré. yentantsd'une centaine d'unÎ !'ersités his-pano-américaines, comportait no-tamment : l'équivalence desdiplðmes et grades MniL'ersKat-res ; la formation humaniste dl'étudiant universitaire ; la nées-sité d'une coordination entre larecherche scientifique et la re-cherclle universitaire,

E TL'DES OUTRE-MER : D'après

une enqut'Ie-de ITnesco, 83, 000 étu-diants au moins ont quitté leur pays l'andernier pour fréquenter des universitésou laboratoires étrangers. En 1951-1952,

l'Europe et l'Amérique du tord ont reçule même nombre d'étudiants étrangers,

soit, de part et d'autre. 38 % du chiffre

globat.

* CO[PRÉHE"JO ITERATIO-XAt. E : l'allfe-quin : : e institu-tions d'enseignement supérieurdes Etats-Unis e. raminent en cemoment comment utiliser plus

effÏcacement les moyens mis àleur disposition pour promouvoirune meilleure compréhension in-ternationale. Elles s'efforcent enparticulier d'adapter les cours delangues, de géographie et desciences politiques aux conditionsmonrliales actuelles et, dans le(romaine des relations internatio-

tal par la émission de l'InstitutIndigéniste interaméricain, avecl'aire de l'Unesco, un grand théâ-tre en plein air sera prochaine-ment édifié à Tasquillo, dansl'Etat d'llildago, au lIIexique. Lesspectacles feront revivre les an-ciennes tiaditions des indiensotomi, tout en introduisant unenseignement nouveau de natureà am. éliorer la santé et les condi-tions de rie des populationslocales.

Ij'AGRICULTURE A L'ÉCOLE : Afin

de promouvoir l'enseignement agricoledans les écoles du premier degré, le mi-nistère espagnol de l'agriculture vientd'annoncer l'octroi de neuf prix aux maî-tres qui auront le mieux réussi à in-

culquer à leurs élèves l'amour de iaculture de la terre.

EXSEIGXEMEXT TECHMQUE : Z. a

première « ecotesMix. sedM&ois »a été inaugurée à Bienne. Cette

école, à laquelle une scierie, uneentreprise de charpente et un ate-lier de menuiserie sont attachés,servira au perfectionnement des

groupes professionnels intéressésainsi çu'a la préparation de lamaltrise professionnelle.

* LE MANQUE D'tXSTITUTEURS :L'année 19 ;) 2 a vu l'introduction

en C6te de l'Or de l'éducationprimaire gratuite, entreprise par-ticulièrement allIlarieuse dans unpays dont l'administration auto-nome en est encore à ses pre-miers pas. Le problhne centralcontinue d'l'trI'posé par le man-que d'institutew's en nombre su {-fixant. Le goul'emem-ent a l'inten-tion de créer dix nOIll'ellesécoles normales et de doubler lacapacité des six écoles {onctifJn-nant actuellement. On calcule

que, dès que ce 7) lan aul'a prisson plein essor, il sera po. ssiblade former prs·s de deux millenMKt'es par an.

E CHANGES scoLAinES : Selon ta

communiqué, lu minislère de l'éducationde la Basse-Saxe (Répuhl ique fédt'rale

d'Aílernagne), 5, 602 écoliers et écolièresdu pays ont participé l'an dernier il des

échanges de correspondance avec desécoliers d'autres pays. Pendant la même

période, les échanges de maîtres et d'ë) e-ves des écoles secondaires se sont forte-ment intensifiés. C'est ainsi que 3, 94Gélèves (contre 1. 92\) en 1951) et M4 maî-tres (contre 2S* ? en 1951) ont pu faireun séjour il l'étranger.

* : \L\ :"l : ELS DE LECTURE : A lasuite d'xne période expérimentalede trois une, le <&lt; Commonwealth'Offire of 1' : ducation >&gt; d'Austl'a/ie2ient d'éditer les trois premierslivres d'une série de six manuel,de lecture destinés anr en-

fants aborigènes du Territoiredu Nord. Ces manuels illus-trés en couleurs, utilisent un 1'0-rabulaire et des expressionsgrammaticales soi gn eusementgradués. Ils sont accompagné. du matériel didactique nécessaireet d'une no/ire e, rplicatil'e pourle maître.

IIS DE PLDIE : Afin de favo-

riser l'échange de lettres entre écoliers dedivers navs.) e gouvernement autrichienvient d'émettre un nouveau timbre postaldestiné exclusivement à la correspondancescolaire international.

* PAPIER DE PRESSE : C'est lachaleur dégagée par les entraillesde la terre qui procurera la puis-sance motrice nécessaire au fonc-tionnement des premières gran-des usines nés-zélandaises de

fabrication du papier de presse,actuellement en constructions àTe Teko (lie du Nord) et dont la

produrtion commencera en octo-bre 1955. Ces usines créeront unprécédent par le {ait que dessources naturelles d'eau chaudefourniront un appro ! : 1sionn/'mentinépuisable de vapeur à hautepression, tant pour le chauffageque pour la mise en route desturbines électriques. Le nouveausystème se traduira par une éco-nomie annuelle, rien que pour lecharbon, de plusieurs centainesde milliers de dollars. Le boissera amené d'une {orêt située à

cinquante kilomètres de là et unenouvelle riffe sera bâtie près desMsines. La production prévue estde 75. 000 tonnes de papier de

presse et 35. 000 tonnes de pulpeà papier par an, su/yisante poMrcouvrir les besoins de ta. zou-velle-Zélande et permettre unecertaine exportation vers les au-tres pays du Pacifique.

L IVRES BRAiLi. E : Une nou-

velle méthode d'impression en braille qui

permet un travail trois fois plus rapideque le présent système en relief etrevient trois fois moins cher est expéri-mentée en Angleterre par l'Institut Natio-nal pour les Aveugles. Cette méthoderend possible U"l rythme d'impression de

cinq mille feuilles à l'heure et peut'fina-lement abaisser considérablement lestarifs d'imprimerie pour les livres braille.D'autre part. ceux-ci seront moins en-combrants grâce à l'utilisation d'un pa-

pier plus mince, imprimé recto-verso.

J EUES SAVANTS : Ion grouped'élèves du lycée de \\'atford, près de

Londres, a participé cette année à une

expédition dans la mer du nord. afin derecueillir des informations scientifiquessur les vents, les vagues et les marées,et des spécimens, de ta fiore et de lafaune sous-marines. I) s'agissait de dé-montrer que les enfants peuvent utiliser

pratiquement ce qu'ils apprennent enclasse et réaliser des recherches d'uneréelle utilité. Les. enfants se sont embar-

qués à Grimsby. port du nord de t'An-gleterre, à bord de six chalutiers dontchacun avait pris à son bord un biolo-

giste, avec un élève comme assistant. inprofesseur de géographie accompagnaitl'expédition.

t DEL'UNESCO DÉCEMBRE 1953. Page 21

CONTACT DES CIVILISATIONS

« LA CÈNE". manuscrit du British Museum de Londres, date du XII"siècle. L'image est tirée d'une série qui illustre toute la vie du Christ. De tous les manus-crits syriaques à peintures qui nous sont parvenus, c'est le plus étrange par la maladresse et la naiveté du dessin. Il fait songer à certaines fresques émouvantesde l'Egypte chrétienne mais en même temps il a un parfum de modernité qui le rapproche de bien des recherches contemporaines. (Cliché British Museum.)

moyen âge, a dit Victor Hugo, le; enre humain n'a rien pensé d'impor-; ant qu'il ne l'ait écrit dans la pierre .

Dans cette parole, l'auteur de. Notre-Dame de Paris : Þ n'II : pas-sell-

iement donne la. raison a être ae la. munnuae aepersonnages et de scènes qui ornent les portails denos cathédrales ou animent les verres multicoloresdes vitraux, il a aussi, avec l'intuition du génie,découvert la valeur éducative de l'image jusqu'àl'invention de l'imprimerie.

En ce sens le moyen âge a eu une étendue bienplus longue que celle qu'on lui attribue d'ordinaire.

par Monsieur l'Abbé Jules Leroy

n s'étend depuis les premières manifestations dela <&lt; culture : Þ de l'homme préhistorique qui a peintles fresques d'Altamirra ou de Lascaux jusqu'àl'apparition d'une nouvelle forme de l'expressionde la pensée. Jusqu'alors l'écriture était l'apanagedes doctes. Elle supposait, chez ceux qui la connais-saient, une science qui faisait d'eux les person-nages les plus actifs de l'Etat et c'est pourquoi ona pu dire sans se tromper que les civilisationsanciennes étaient des civilisations de scribes et de

prêtres, détenteurs les uns et les autres, de lascience de l'écriture. Le peuple, pour accéder à laconnaissance, n'avait d'autre moyen que d'écouterl'enseignement oral ou de lire dans les bas-reliefset les fresques les leçons historiques ou moralesque distribuaient les détenteurs patentés de lascience.

Les images peintes ou sculptées n'étaient quel'expression visuelle, adaptée à des esprits encoreincultes, de vérités auxquelles tout le monde peutaujourd'hui avoir accès grâce à la multiplication

(suinte au verto)

<&lt; LA RÉSURRECTION DE LAZARE" (A. D. 1216/1220). Le thème estemprunté à l'iconographie byzantine, mais l'influence orientale appara ! t dans lestraits des visages et le costume des personnages. Le mouvement réaliste contrasteavec le hiératisme des peintures de Constantinopte. (Cliché British Museum.)

<&lt;CANONS D'EUSI : BE)) ou ( (CONCORDANCES DES ÉVANGILES')(A D. 1177), Les dessins des marges, inspirés des mosaïques de pavement, sontd'un style hellénistique plein d poésie et n ont pas ! e caractère re) ! gieux deslivres liturgiques, Ce manuscrit est conservé à Dublin. (Cliché L. Jalabert.)

<&lt; LA NATIVITé ». Cette image est l'une des plus belles d'un manuscrit sur lequel le peintre, selon le canon byzan-tin, a groupé tous les événements qui se'rattachent à la naissance du Christ : Annonce aux bergers, Adoration desMages, Bain de l'enfant nouveau-né. C'est l'un des exemples les plus significatifs du contact de l'art byzantin etde l'part arabe pré-mongol, dont on voit la trace dans les, visages, surtout ceux des trois rois. (Cliché British Museum.)

Traduit par

l'images sainte :

Page 22. DCEMBRE 1953

LES FIGURES SE CHEVAUCHENT

AU LIEU DE FINIR

EN PERSPECTIVE

(Suite de la page 21)

LE COURRIER

« L'ENTREE DU CHRIST A JÉRUSALEM)). Ce manuscritsyriaque de la Bibliothèque du Vatican, qui date de 1546, est lacopie stylisée d'une miniature du XIII"siècle, (Cliché Bib. Vat.)

des livres imprimés. Elles tenaient la place quetend à, prendre de nos jours dans l'instruction lefilm cinématographique ou télévisé qui pourraitbien, un jour ou l'autre, détrôner le livre et sub-stituer à la civilisation de la chose imprimée cellede la chose vue. Etrange retour des choses qui metl'homme moderne dans la condition de ses ancê-tres et lui permet de comprendre, mieux que nele faisaient les contemporains de Victor Hugo,la parole du génial poète !

Il a fallu des siècles pour que l'homme selibère, quoique incomplètement, de cette emprisede l'image. Celle-ci a été universelle et elle éclatedans toutes les civilisations du Proche-Orient oudu monde méditerranéen. Tous les empires qui sesont succédés en Egypte, en Mésopotamie, en GrèceOu à Rome y ont fait appel, de même que toutesles religions. Quand le christianisme est apparudans ce qu'on appelait l'æcumene, c'est-à-dire laterre habitée par le monde civilisé, par oppositionà l'autre, il entra dans le système d'enseignementpartout répandu et créa un monde d'images em-pruntées à l'histoire biblique qui, à ses yeux,résume toute l'histoire du salut apporté au monde,d'abord par le peuple juif, puis par Jésus. Il encouvrit les murs de ses églises, les sema à profu-sion dans les pages de ses manuscrits. Ainsi,comme dira au V. siècle un Père de l'Eglise grec-que, <&lt; l'image muette parla sur le mur>&gt; ou dansles marges des livres avec autant d'autorité quele texte même.

C'est à ce monde d'images sacrées que sontempruntées toutes celles qui sont mises ici sous

<&lt;MOISE PARLEMENTANT AVEC PHARAON si, manuscrit syriaque de la BibliothèqueNationale, à Paris, qui date probablement du Vie siècle, est un des plus anciens du genre. L'imageest tirée d'une Bible de l'Ancien et du Nouveau Testament. L'intensité de vie que respirent les visages,le mouvement passionné des personnages, ! es vêtements antiques qu'ils portent, tout cela fait de cepetit tableau comme un des derniers témoins de la peinture hellénistique, (Cliché Bibliothèque Nat.)

<&lt; LES QUATRE ËVANGËDSTES". fragment de manuscrit appartenant à M. Kevorkian, de New York. La forme des visages, quirappelle certaines figures des fresques du Turfan, en Asie Centrale, le plissé des vêtements, le mobilier, qu'on retrouve dans la minia-ture arabe, font de ce manuscrit un autre témoin du contact de plusieurs civilisations en Proche-Orient.)) doit dater des Xlle-XIIIe siècles. Ce.. grand blessé"de l'Histoire n'en est que plus émouvant. (Photo Copyright John D. Schiff, New York.)

les yeux du lecteur. Elles proviennent toutes deschrétientés de Mésopotamie, où la religion duChrist fit son apparition de très bonne heure. Sonpremier point de diffusion fut le petit royaumed'Edesse, aujourd'hui Urfa, qui devint officielle-ment chrétien à la fin du ir siècle. De ce vieuxcentre de culture sémitique, peu touché parl'hellénisme dont le préservait sa langue, le syria-

que apparenté à l'ara-méen et l'hébreu, il serépandit dans tous lespays arrosés par le Ti-gre et l'Euphrate. AuV° siècle, lors des que-relles théologiques rela-tives à la nature duChrist, s'opéra une scis-sion entre les différen-tes Eglises qui n'eurentplus que leur languecommune comme signed'unité disparue. Tan-dis que les églises deMésopotamie supérieureadoptèrent pour la plu-part le monophysismejacobite, celles de Persepassèrent au nestoria-nisme (représenté au-jourd'hui par quelque100. 000 fidèles rassem-blés autour des lacs deVan et d'Urmiah).Cette Eglise perse nes-torienne connut aumoyen âge une desti-née brillante. Ses mis-sionnaires peuplèrentl'Asie centrale, laChine, et même le Ti-bet, de communautéschrétiennes que l'inva-sion'mongole du XIII"siècle devait faire dis-paraître, laissant unsol vierge aux mission-naires européens duXVH'et du XVIII"siècles.

Cette expansion nes-torienne d'expressionsyriaque en Extrême-Orient est pleine d'in-térêt, parce quelle nousfait assister à uncontact de civilisationsqui a laissé des traceset explique dans la

pensée extrême-orientale la présence d'idées donton peut reconnaître la source dans le christiannis-me perse. C'est la leçon qu'on peut également tirerdes manuscrits syriaques ornés de miniatures qui,en l'absence de peintures murales aujourd'hui dis-parues, permettent d'écrire, ou du moins d'esquis-ser (car ces manuscrits sont rares, la plupart ayantété détruits par les guerres ou d'autres calamités)les différents mouvements culturels de la Mésopo-tamie. L'histoire de ces vénérables fragments estun résumé de l'histoire de la Mésopotamie depuisl'introduction du christianisme : chacune descivilisations étrangères avec lesquelles cette régions'est trouvée en contact, de gré ou de force, y alaissé sa marque.

C'est sans doute par là que cette miniature desmanuscrits syriaques nous intéresse, beaucoupplus que par son esthétique, régie par les lois dela décoration du livre telles qu'on les entendaitdans le haut moyen âge et qui, après un longabandon, retrouvent faveur auprès de certainsartistes contemporains. L'art du livre est un artde surface. L'unité est rompue si l'on sème dansle texte des corps à trois dimensions. De là vientque les figures se chevauchent au lieu de fuir enperspective ; de là aussi la faible différenciationdans les dimensions des figures et l'absence dèmodelé et d'ombre. Ces lois, suivies par tous lespeintres avant l'apparition de la peinture renais-sante, nos artistes mésopotamiens ont su les appli-quer à leur manière, soit quand, dans les manus-crits les plus anciens, du VIe siècle, ils animent lesfigure hiératiques et froides de Byzance en lesdotant de gestes expressifs ou que, au XIIIe siècle,ils traitent les thèmes traditionnels à la manièrearabe en y introduisant des décors, des traits devisage ou d'habillement empruntés au milieuethnique, soit même quand ils créent eux-mêmesdes images dont le <&lt; primitivisme>&gt; trouve unerésonancé dans certaines tendances de l'artmoderne.

Pour toutes ces raisons, cette imagerie saintemérite d'être mieux connue. Elle retrouvera ainsiquelque chose de son rôle premier, qui est d'ins-truire. Seul le caractère de son enseignementaura changé. Autrefois théologique ou religieux,il est aujourd'hui historique et culturel.

n va même bien au-delà, si l'on veut recon-naître la leçon de morale internationale qui s'ytrouve, car ces images, témoins de civilisationstrop souvent en lutte au cours des siècles, mani-festent aussi le libéralisme des esprits ouverts àtoutes les formes d'art. Au-dessus des dissensionsde toutes sortes il existe une zone sereine où peu-vent se rejoindre et se comprendre tous leshommes de bonne volonté.

h) E L'UNESCO

WARDHA : FOYER DE LA PENSEE GANDHIENNE

DÉCEMBRE 1953. Page 23

par le Dr J. D. N. VersluysReprésentant de l'Unesco pour les Sciences Sociales en Asie méridionale

une centaine de kilomètres ausud de Nagpour, capitale du[advah Pradesh, se trouve la

petite ville de Wardha. Iadyah Pra-desh signifie <&lt; province centrale >, et\Vardah est effectivement le centregéographique de l'Inde. C'est, enoutre, le grand foyer de la penséegandhienne, car là est installé le Cen-tre de la <&lt; AII-India Village Indus-tries Association >.

Les veux du visiteur qui en fran-chit l'enceinte sont aussitôt attiréspar une Pieta sculptée dans le granit,svmbole chrétien dont la présence aucæur de l'Inde est pour le moinsinattendue. Le guide qui lui fait visi-ter le Centre lui explique toutefoisque les idées de Gandhi ne se ratta-chent à aucune religion déterminée,si ; bien que les hindous, les boud-dhistes, les musulmans et les chré-tiens sont également bienvenus dansce Centre, que dirige depuis de lon-gues années le Dr J. C. Kumarappa, leplus éminent représentant de la doc-trine économique de Gandhi.

« La non-violence) >, pièce mali-tresse de l'idéologie gandhienne, nedoit pas s'entendre seulement au senshabituel du terme ; elle signifie éga-.lement, dans un sens plus profond etplus général, que loin d'assujettirbrutalement la nature au gré de soncaprice, l'homme doit s'adapter à ellepn vue de faire régner une réelleharmonie. D'où la répugnance deGandhi pour tout ce qu'il y a d'arti-fìeiel dans la vie des grandes villes.

D'une part, la famille-de préfé-rence la communauté familiale ausein de laquelle frères et soeursvivent ensemble, avec femmes etenfants-et d'autre part le village,sont considérés comme le cadre natu-rel de la vie humaine. De toutenécessité, pour créer des conditionsqui permettent à la longue le main-tien d'une telle structure sociale, il

faut que famille et village soientéconomiquement indépendants ; aussiles viHageois doivent-i) s fabriquereux-mêmes, dans la mesure du pos-sible, tout ce dont la communauté abesoin, et d'abord, des tissus. Onenseignera donc le filage et le tis-sage.

Mais on encouragera aussi l'exer-cice d'autres métiers manuels ; et t'undes principaux objectifs du Centrede \Wardha est de former du per-sonnel pour l'action sociale et l'en-seignement artisanal. L'intérêt port.aux métiers manuels s'expliqueencore d'une autre façon, par la dif-ficulté évidente de remédier au chezmage total ou partiel qui sévit danles régions rurales.

Le déséquilibre entre le nombredes cultivateurs et la superficie desterres arables va s'aggravant et lapression démographique devient cha-que année plus forte. L'industriali-sation ne saurait résoudre ce pro-blème, car la grande industrie, outrequ'elle ne pourrait absorber qu'unassez petit nombre de travailleurs,exigerait de gros investissements. Or,les capitaux sont rares dans l'Inde, etles chercher à l'extérieur serait met-tre la vie nationale du pays à lamerci d'influences étrangères qui nesont pas souhaitables.

Le filage est',devenu un symbole

LE Dr Kumarappa estime d'ail-leurs : <Iue la grande industrien'est guère compatible avec la

civilisation indienne, longtemps flo-rissante dans le domaine artisanaljusqu'au jour où la concurrence desproduits fabriqués en série et bonmarché par l'industrie occidentalese révéla trop forte. Gandhi et sesdisciples avaient donc des raisons àla fois économiques, culturelles et

Le respect des traditions est de règle au Centre de Wardha. L'heure des repas neconstitue pas une exception, loin de là, comme le montre cette photographie.

nationales d'encourager la renais-sance de l'artisanat au vitiage.

Depuis un quart. de siècle, le filageà la main est étroitement associé.dans l'esprit du public, à la doctrinegandhienne ; et le Musée de Wardhaexpose divers types de rouets ainsiqu'un grand, choix de magnifiquesarticles tissés à la main et bien d'au-tres productions artisanales. Le filageà la main a pris peu à peu uneimportance très supérieure à sonintérêt économique, qui est contes-table ; il est devenu une sorte desymbole nationaliste, et a revêtu unesignification quasiment religieuse.

Cela n'empêche pas le Centre deWardha de s'attacher à perfection-ner le simple outillage des artisansde village pour leur permettre d'ob-tenir de meilleurs résultats et defaire un travail plus rentable. Un deses principaux objectifs est, en effet

En Inde, et notamment au Centre de Wardha, qui est le grand foyer de la pensée gandhienne, le filage à la main est devenule symbole tangible de la fidélité aux enseignements millénaires. Il a ainsi revêtu une signification quasi religieuse.

à l'heure actuelle, d'expérimenterdivers outils, de comparer les instru-ments de travail en usage dans lesdifférentes parties du pays, et de lesmoditier ou de les combiner, afin dedonner aux industries de village deschances accrues de pouvoir faireconcurrence aux produits industriels.

J'ai vu un pressoir à huile actionnépar des boeufs, que l'on avait amé-lioré en modilìant sa structure et eny ajoutant deux roulements à billes ;pour une dépense minime, on avaitainsi augmenté de 60 % le rende-ment de la machine. Comme jedemandais au Dr Kumarappa s'il neréprouvait pas ces roulements à hillesqui sont, après tout, des articlesindustriels, il me répondit que lesgrandes usines avaient indéniable-ment leur futilité pour certaines unsdéterminées, mais qu'on devrait yrecourir uniquement pour fabriquerles objets dont la production ma-nuelle est impossible. Le Centreadopte des méthodes scientifiquespour perfectionner t'outittage rusti-que, mais il ne perd jamais de vueque les outils perfectionnés doiventrester à la portée de l'artisan rural.

La vie du village : un tout

0"renseigne également, au Centrede Wardha, la fabrication dupapier. Bien qu'un dispositif

ingénieux porte au maximum le ren-dement du moulin à papier actionnépar des boeuf, l'article ainsi obtenurevient à environ 50 % plus cherque le papier fabriqués en usine.Si l'on encourage néanmoins la fabri-cation artisanale du papier, c'estqu'ette permet d'utiliser toutes sor-tes de déchets (vieux chiffrons, paille,etc.) qui, sans cela, seraient perdus,et qu'telle évite de faire sortir l'ar-gent du village.Le principe générai est qu'il faut

adapter la consommation aux moyensde production dont dispose le village ;en d'autres termes. mieux vaut satis-faire partiellement la demande grâceaux articles fabriqués sur place quede la satisfaire plus complètement àl'aide de produits manufacturés enville.

La propagation des techniquesartisanales présente encore un autreaspect : nous voulons parler de sesavants ; es éducatifs. Le système gan-dhien d'éducation, connu sous le nomd'<&lt;Education nouvelle >&gt;, reposeessentiellement sur la méthode pra-tique. L'enfant doit d'abord être ini-tié à ce qui constitue le cadre de

'l'existence au village, et le maîtredoit prendre, comme point de départde son enseignement, l'entourageimmédiat de ses élèves. Le filage, parexemple, peut l'amener à expliquer.outre la culture du coton et tout cetui s'y rattache, le principe mécani-que du rouet et les problèmes écono-miques que posent l'achat du coton.la vente du fil, etc. Sans doute, unetelle méthode exige-t-elle beaucoupdu maître ; mais elle offre cet avan-.tage indéniable qu'telle permet d'abor-der les questions de façon beaucoupplus directe.

Le Centre de \Wardha a rendu degrands services, non seulement endéveloppant l'artisanat au village,mais encore en faisant mieuxcomprendre au personnel des servi-ces sociaux la nécessité de considérerla vie du village comme un tout.

Copyright Roger Wood. London

tions et des particuliers. Vous aussi, lecteurs du <&lt; Courrier", pouvez participerà cette grande oeuvre en achetant la boîte de cartes de Noël que l'Unicef meten vente, comme chaque année à pareille époque. En achetant une seuleboîte de dix cartes, vous permettrez à l'Unicef de fournir suffisamment de laitpour aider à nourrir 9 enfants pendant une semaine, suffisamment devaccin pour protéger 33 enfants de la diphtérie, suffisamment d'huile de foie demorue pour immuniser 24 enfants contre la tuberculose, suffisamment de pénicil-line pour guérir 8 enfants du pian, ou suffisamment de DDT pour protéger 13 per-sonnes contre le paludisme pendant un an. Deux dessinateurs anglais, Jan Lewitt etGeorge Him (photo ci-contre), ont illustré les cinq cartes en couleurs reproduites surcette page, et que vous pouvez vous procurer par assortiment de dix, au prix de 350francs français, 50 fr belges, 4 fr 20 suisses, ou l'équivalent en votre monnaie natio-nale. Ces deux artistes ont pris pour thème <&lt; Tous les enfants savent jouer : Þ, c'est-à-dire l'universalité des jeux des enfants. Le maître Henri Matisse, invité à représen-ter les Nations Unies sous forme d'un symbole, a envoyé, également pour être'vendusous forme de carte de Noël, le dessin d'un flambeau reproduisant les couleurs et lesproportions d'une torche allumée. L'an dernier, grâce au prod5iéU x sucr.'"rem-porté par la vente des cartes de Noël et du Nouvel An, l'Unicef a pu grossir, sonbudget d'une somme équivalente à 21 millions de francs français. Il ne tient qu'àvous que cette somme soit, cette année, plus considérable encore. On peut se procurerces cartes dans les bureaux de l'Unicef : en France, 24, rue Borghèse, à Neuilly-sur-Seine ; en Belgique, à Bruxelles, 57, rue du Congrès ; au Liban, au siège de l'Organi-sation à Beyrouth. Dans tous les pays, 'adresse à laquelle ces cartes s6nt disponibles,peut être obtenue auprès du représentant tocat de l'Organisation des Nations Unies.

wEZ-vous combien il y a d'enfants nécessiteuxdans le monde ? Les plus récentes statistiquesdressées par l'Unicef (Fonds de Secours à l'En-fance des Nations Unies), indiquent le chiffre

de 500, millions. Pour secourir pareille armée depitoyables innocents, il faudrait des moyens finan-ciers et matériels dont ne dispose, à l'heure actuelle,aucune organisation humaine, nationale ou interna-tionale. Cependant, dans soixante-dix pays, l'Unicefenvoie chaque année, à 20 millions d'enfants, du lait,du riz ou du coton, participe à de nombreuses cam-pagnes médicales contre la tuberculose, le palu-disme, le pian et d'autres maladies. L'aide que fournitl'Unicef a pour seul objectif de satisfaire les besoinsessentiels des enfants sans égards à leur race, leurrégion ou leur nationalité. Organisation internatio-nale, l'Unicef est entièrement financée par les contri-butions bénévoles des gouvernements, des institu-

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