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Douleurs abdominales rebelles
Benoit Coffin AP-HP Hôpital Louis Mourier, Colombes
INSERM E332
Douleurs abdominales rebelles
1. Définition 2. Prise en charge initiale 3. Examens complémentaires 4. Diagnostics différentiels 5. Prise en charge thérapeutique
Douleurs abdominales rebelles ?
• Définition ? • Douleur abdominale résistantes aux
traitements habituels lesquels ? – Antispasmodiques : 40 % SII résistant – Antalgiques 1 ou 2 : peu efficaces sur
les douleurs abdominales non lésionnelles
– Autres traitements ?
Syndromes fonctionnels (Rome II)
• SDAF : syndrome de DA fonctionnelle
• > 6 mois • DA continue ou presque • Sans relations avec
événements physiologiques : – Alimentation, défécation,
cycle • Douleur non feinte • Absence de critères des
autres syndromes fonctionnels
• SII • DA : 12 semaines/12 mois • Améliorée par la
défécation • Survenue associée à
modification : – Fréquence des selles – Consistance des selles
• Sous types : diarrhée, constipation, alternance
Épidémiologie - Coût
• SDAF ≈ 2 % • SII (Rome II) :
– 4 à 6 % – France : 4,7 %
• Douleurs rebelles ??
• SDAF = errance • 20 patientes, 7 ans
– Spécialistes : 5,8 – Endoscopie, Radio
• 6,4/patient – Chirurgie
• 2,7/patient – Psychiatre : 80 % – Traitements
« alternatifs » : 40 % Drossman et al, Dig Dis Sci 1993 Dapoigny et al, Eur J Gastroenterol 2004 Maxton et al, Br J Med Econ 1992
Douleurs abdominales rebelles
1. Définition 2. Prise en charge initiale 3. Examens complémentaires 4. Diagnostics différentiels 5. Prise en charge thérapeutique
Prise en charge initiale • Consultation initiale : élément clé • Caractères de la douleur :
– Aucun critère validé – Organique :
• crampes, brûlure, coup de couteau… • Intensité fluctuante
– Fonctionnelle : • termes sensoriels (nausée, invivable)…. • Intensité maximale
– Recherche éventuel facteur déclenchant • Stress • Chirurgie • Abus sexuels (?) ≈ 20 % au cours des TFD
Prise en charge antérieure
• Traitements : – Lesquels, combien de temps
• Chirurgie antérieure : – SII : nombreuses interventions
• Cholécystectomie : OR : 2,09 (IC 95 % : 1,89-2,31) • Appendicectomie : OR : 1,45 (IC 95 % : 1,33-1,56) • Hystérectomie : OR : 1,45 (IC 95 % : 1,55-1,87) • Chirurgie du rachis lombaire : OR 1,22 (IC 95 %: 1,05-1,43) • Brides ??
Longstreth GH, Gastroenterology 2004
Les signes d’alarme (red flags)
• Douleurs atypiques – Douleur nocturne
• Amaigrissement • Modification récente de symptômes anciens • Sang dans les selles • Anomalie lors de l’examen clinique. • Diarrhée chronique abondante
• Rome I + absence de signes d’alarme : valeur prédictive 100 % pour un diagnostic de TFI
Vanner et al, Am J Gastroenterol 1999
Valeur prédictive des signes d’alarme (TFI = 214, organique = 66)
ASSOCIES A UNE PATHOLOGIE ORGANIQUE
• > 50 ans (OR : 2.96)
• Sang rouge (OR : 2.19)
• Diarrhée (OR : 2.69)
SANS VALEUR • Intensité de la douleur • Symptômes nocturnes • Amaigrissement • Anorexie
ASSOCIES AUX TFI
• Sexe féminin (OR : 0.43)
• Douleur > 6 fois année écoulée (OR : 0.21)
• Douleur diffuse (OR : 0.47)
• Douleur associée à une diminution de la consistance des selles (OR : 0.47)
Hammer et al, Gut 2004
Douleurs abdominales rebelles
1. Définition 2. Prise en charge initiale 3. Examens complémentaires 4. Diagnostics différentiels 5. Prise en charge thérapeutique
Quels examens complémentaires ? Faut-il les faire ? OUI
• Pratique clinique de patients en CHU : – Toujours et souvent répétés
• Endoscopies hautes et basses • Échographie abdominale • Scanner abdomino-pelvien • Transit du grêle
– Rarement fait mais inutile • Capsule vidéo : rentabilité nulle
– 20 patients, douleur chronique (6 à 96 mois) : aucune anomalie
• Faut-il les répéter ? NON
Bardan E et al, Endoscopy 2003
Examen complémentaire Test de sensibilité digestive
• Jamais fait en pratique • 143 patients :
– TFI = 86 – Contrôle = 25 – Constipation = 26 – Divers = 31
• Utilité ? • Donner au patient un
support physiologique ?
Bouin M et al, Gastroenterology 2003
Faut-il faire des biopsies ?
• Sans doute. – Maladie cœliaque ? – Gastro-entérite à éosinophiles ? – Colite microscopique ?
Maladie cœliaque
• Sanders et al (Lancet 2001) : 300 SII vs 300 controles – Ac antigliadines (Ig G et IGA) et
antiendomysium – Si positif : FOGD + biopsies – 66 patients (22 %) : Ac + – 14 patients (4,7 %) : atrophie villositaire
Gastro-entérites à éosinophiles
• Entité rare : – Age moyen : 35 ans – Hommes : 60 % environ
• Formes anatomiques – Muqueuse, musculaire, séreuse
Symptômes révélateurs • Symptômes type troubles fonctionnels
intestinaux – Douleurs abdominales : 78 % – Diarrhée chronique : 41 %
• Symptômes dyspeptiques – Nausées : 53 % – Vomissements : 52 %
• Ascite : 7,5 % – Riches en éosinophiles
• Pseudo-obstruction intestinale (exceptionnelle)
Diagnostic • Hyperéosinophilie : 75
% • Biopsies :
– Infiltrat – Valeurs seuils ?
• > 15 PNE/champ
• Muqueuse : 64 % • Musculeuse : 27 % • Séreuse : 9 % • Dosage fécal ECP
Duodénite éosinophiles
Coloscopie : biopsies systématiques ?
• Recherche d’une colite microscopique – Colite collagène ou colite lymphocytaire – Symptômes :
• Diarrhée chronique • ± douleurs abdominales (40 %)
• Mc Intosh (Am J Gastroenterol 1992)
– Aucune anomalie retrouvée • Patients SII : n = 89 • Contrôles : n = 59
• Interet ?
Douleurs abdominales rebelles
1. Définition 2. Prise en charge initiale 3. Examens complémentaires 4. Diagnostics différentiels
1. Douleurs génétiques 2. Douleurs pariétales
5. Prise en charge thérapeutique
Démarche diagnostique
• Rechercher une maladie susceptible d’expliquer les symptômes douloureux chroniques.
• Les douleurs génétiques • Les douleurs pariétales
Mme S, 34 ans • DAA diffuses, très intenses (EVA 9-10),
évoluant par crises (4-5 /an) depuis 2 ans environ
• Prise en charge – GE = échec des antispasmodiques – Echec des antidépresseurs
• Appendicectomie, cholécystectomie pour lithiase
• Pas d’éléments déclenchant évident • Patiente prostrée, myalgies diffuses, troubles
de la marche depuis 48 h…hyporéfléxie • Biologie : hyponatrémie 128 mM/l • Diagnostic ?
Porphyrie aiguë intermittente (PAI)
• Porphyries = Maladies monogéniques, transmission autosomique
• Porphyrie aiguë intermittente : • Maladie génétique, • Voies métaboliques connues • Se manifestant par des douleurs abdominales
– Mutation de la PBG-désaminase (170 mutations) – Prévalence : 0,6 % – Pénétrance incomplète < 10 %
Défaut partiel dans la synthèse de l’hème
Déficit enzymatique
COOH
CH2
CH2
C=O
CH2
NH2
ALA
COOH
CH2
CH2
CH-NH2
COOH
Glutamate
ALA = neurotoxique ? Analogie de structure avec le Glutamate Agoniste partiel ?
La crise de PAI • Douleur abdominale aiguë, +++
• Neuropathie végétative : HTA, tachycardie, iléus… • Troubles psychiques : anxiété, hallucinations, agitation • Neuropathie motrice, sensitive
• Bilan morphologique : normal • Biologie standard : normale • Diagnostic : ALA et PBG urinaires • Facteur déclenchant :
• Médicaments, infections, cycle génital ….
• Traitement : milieu spécialisé • Symptomatique : opiacés • Hémine
• Centre Français des Porphyries, Hôpital Louis Mourier 01 47 60 61 62
M M… 34 ans, tunisien
• DAA depuis 3 jours, fièvre 38°C • Douleurs diffuses, intenses EVA 8 • Constipation • Abdomen sensible, météorisé • ASP : RAS • Notion de crises antérieures identiques, 3-4/
an • Appendicectomie il y a 2 ans
Fièvre méditerranéenne • Mutations sur le gène MEFV (Chr 16) • 40 mutations identifiées • DAA intenses, contexte fébrile • Météorisme, iléus laparotomie • Hyper-leucocytose, • Syndrome inflammatoire • Risque : amylose • Traitement préventif
– colchicine
Douleurs abdominales rebelles
1. Définition 2. Prise en charge initiale 3. Examens complémentaires 4. Diagnostics différentiels
1. Douleurs génétiques 2. Douleurs pariétales
5. Prise en charge thérapeutique
Douleurs pariétales 43 patients pris en charge par GE pour SDAF
Échec thérapeutique
Mc Garrity et al, Am J Gastro 2000
Douleurs musculaires
• Facteur favorisant : – mise en tension par mouvements,
microtraumatismes répétés – Douleur viscérale initiale avec attitude
antalgique • Examens :
– points gâchettes, – augmentation tonus musculaire
Douleur du psoas • Expérience de Rouen
– 74 patients Rome II : 50 %
Atteinte des nerfs cutanés abdominaux
• Douleur très localisée (pointe du doigt) • Sensibilité superficielle, diamètre < 2,5 cm,
augmentation de la douleur lors de la mise en tension (signe de Carnett)
• Topographie : bord externe du grand droit • Augmentation lors des efforts de poussée
Feuillet antérieur de la gaine des droits
Muscle grand droit
Coussinet adipeux
Pression intra abdominale
Feuillet postérieur de la gaine des droits
Bande fibreuse
Nerf
Test diagnostic : injection anesthésiques ± corticoïdes
Douleurs costales Syndrome de Cyriax
• Sub-luxation de l’extrémité antérieure d’une des 8ème, 9ème ou 10ème cote.
• compression du nerf costal • 3 % des DA ? (Barki et al 1999)
• Retard diagnostic : sémiologie trompeuse
• Diagnostic : crochetage de l’auvent costal
Adhérences ? • SII : risque d’avoir une
intervention digestive plus élevé.
• Adhérences : cause de douleurs chroniques ?
• Étude randomisée – 100 patients avec DA
adhérences – Coelioscopie – adhésiolyse vs pas de
traitement
Symptômes à 1 an
Swank DJ, Lancet 2003
Douleurs abdominales rebelles
1. Définition 2. Prise en charge initiale 3. Examens complémentaires 4. Diagnostics différentiels 5. Prise en charge thérapeutique
Relation médecin-patient
- Docteur, j’ai mal…. - Vous n’avez rien… Source
d’incompréhension, Nomadisme
médical
Prise en charge thérapeutique La relation médecin patient
• Attitude empathique
• Acceptant la plainte
• Maintien d’une certaine distance
• Effet bénéfique à long terme ?
Owens DH et al, Ann Intern Med 1995
Plan thérapeutique • Objectif irréaliste : la guérison
– Patient lassé des promesses non tenus • Objectif réaliste : l’amélioration
– Mise à plat des symptômes – Carnet patients
• Douleur, troubles du transit… – Expliquer :
• L’origine des symptômes : – Hypersensibilité viscérale
• Les mécanismes d’action des médicaments
Quels traitements ?
• Antalgiques – Niveau 1 ou 2 sans effets – Niveau 3 :
• A ne pas utiliser • Effets secondaires….constipation
• Antispasmodiques – Sans efficacité en traitement de fond…. – Rôle d’appoint pour le traitement
symptomatique de la douleur aiguë ?
Antidépresseurs
• Désipramine vs placebo, – 12 semaines
• 50 mg 1 sem • 100 mg 1 sem • 150 mg 9 sem
– NNT : 5,2 patients
Drossman DA et al, Gastroenterology 2002
Antidépresseurs
Efficacité globale Douleur abdominale Jackson et al, Am J Med 2000
Quel antidépresseur ? Comment le prescrire ?
• Tricycliques : effet démontré, indépendant – Du trouble du transit – De l’existence ou non de troubles de l’humeur
• Inhibiteur Recapture Sérotonine : effet discuté • Association ? • Expliquer l’ action antalgique :
– Effet régulateur des afférences sensitives ? • Doses faibles, augmentation progressive par
palier • Délai d’action : retardé, quelques semaines
Relaxation hypnose • Rationnel :
– IBS forme sévère : faible efficacité des traitements antispasmodiques et modificateurs du transit
– Il existe des facteurs psychosociaux • Étude contrôlée :
– 30 patients IBS sévère : suivi 1 an, échec des traitements (moyenne 6)
– Groupe hypnose : • Notion de physiologie expliquée aux patients • 7 sessions de 30 min sur 2 mois + cassettes pour auto-
hypnose – Groupe contrôle :
• 7 sessions de psychothérapie de 30 min + placebo
Whorwell PJ et al, Lancet 1984
Résultats Douleur Ballonnements
Suivi à long terme Whorwell PJ et al, Gut 1987
• 50 patients : 15 + 35 • 7 séances + auto-
hypnose • Suivi médian 18 mois • Fonction age
– < 50 ans : 95 % – > 50 ans : 20 %
38 7 5
Symptômes extra digestifs
25 patients traités vs 25 IBS en attente Houghton LA, Aliment Pharmacol Ther 1996
Qualité de vie et composante économique
• Arrêts de travail – 79 % vs 32 %
• Visites MG : – 58 % vs 21 %
Houghton LA, Aliment Pharmacol Ther 1996
Prise en charge par CETD 43 patients pris en charge par GE pour SDAF
Échec thérapeutique
Mc Garrity et al, Am J Gastro 2000
Prise en charge par CETD
Mc Garrity et al, Am J Gastro 2000
Conclusion
• SDAF = challenge pour le gastro-entérologue
• Rechercher un diagnostic : – Jusqu’où aller ?
• Traitement délicat : – Multidisciplinaire ? – CETD ? – Place pour les antidépresseurs et les
techniques de relaxation.