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DOSSIER Économie Société Civile n° 83 Septembre 2008 Les niches plus efficaces que la dépense publique Un budget par missions (LOLF) qui n'intègre pas les niches Réduire le déficit : augmenter les niches et baisser les dépenses budgétaires L'échec de la Saint-Barthélemy des niches aux États-Unis Les niches fiscales, appelées encore dans le jargon des budgétaires « dépenses fiscales », car ce sont des exceptions aux impôts entraînant une déduction 1 , défraient la chronique. Avec de multiples initiatives de Bercy et des parlementaires sur le sujet : rapport sur les niches non plafonnées, traque des plus gros contribuables ne payant pas l'IR, rapport de la mission d'information de la commission des finances, les niches sont assurées d'être les stars de la prochaine discussion budgétaire. D'ores et déjà, la ministre des Finances, Christine Lagarde, souhaite plafonner certaines des niches qui ne le sont pas encore. Dossier réalisé par Samuel Servière et Bernard Zimmern avec la collaboration de Julien Lamon © Klikk/Fux- Fotolia.com

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D O S S I E R ❚ Économie

Société Civile n° 83 ❚ Septembre 2008

Les niches plus efficaces que la dépense publique

Un budget par missions (LOLF) qui n'intègre pas les niches

Réduire le déficit : augmenter les niches et baisser les dépenses budgétaires

L'échec de la Saint-Barthélemy des niches aux États-Unis

Les niches fiscales, appelées encore dans le jargon des budgétaires « dépenses fiscales », car ce sont des exceptions aux impôts entraînant une déduction1, défraient la chronique. Avec de multiples initiatives de Bercy et des parlementaires sur le sujet : rapport sur les niches non plafonnées, traque des plus gros contribuables ne payant pas l'IR, rapport de la mission d'information de la commission des finances, les niches sont assurées d'être les stars de la prochaine discussion budgétaire. D'ores et déjà, la ministre des Finances, Christine Lagarde, souhaite plafonner certaines des niches qui ne le sont pas encore.

Dossier réalisé par Samuel Servière et Bernard Zimmern

avec la collaboration de Julien Lamon

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Société Civile n° 83 ❚ Septembre 2008

En France, le débat sur les niches fiscales s'est struc-turé autour du fait qu'elles étaient extrêmement coûteuses pour l'État. Il s'en est suivi l'idée d'une élimination drastique au nom de la pression bud-gétaire. En effet, les niches représentent un volume important, 73 milliards d'euros, tandis que l'effort nécessaire pour boucler le budget 2009 avoisine les 65 milliards d'euros. Loin de se situer sur cette tendance, le Canada et les États-Unis utilisent les niches fiscales de façon beaucoup plus massive que la France. Le phéno-mène est d'autant plus significatif que les États-Unis sont l'un des rares pays, sinon le seul, à avoir déjà expérimenté, il y a vingt-deux ans, une véritable Saint-Barthélemy des niches fiscales et en être com-plètement revenu.

Comparés à la France, les États-Unis et le Canada sont les champions des niches fiscalesLes dépenses fiscales représentaient 75 % du montant des impôts collectés en 2003 au Canada, 40 % pour les États-Unis et 20 % pour la France. Il est d'autant plus surprenant de voir les États-Unis2 ou le Canada faire beaucoup plus appel aux niches fiscales que la France, alors que le poids des prélèvements obligatoi-res y est beaucoup plus faible (en 2005, 27,3 % du PIB aux États-Unis, contre 44,1 % en France). Si la niche était conçue par ces États comme une échappatoire à la pression fiscale, la situation France - États-Unis devrait être inversée.Ainsi, le vrai dilemme qui se pose est de savoir s'il faut privilégier les niches fiscales, donc les dépen-ses fiscales, par rapport aux dépenses budgétaires, comme cela se fait à l'étranger (cas des États-Unis ou du Canada), ou alors, favoriser la dépense budgétaire classique en sabrant dans les niches comme certains voudraient le faire en France.

Une expérience de Saint-Barthélemy des niches : la réforme américaine de 1986À l'heure où d'aucuns parlent de suppression ou de plafonnement global des niches fiscales (ce que refuse d'ailleurs l'actuel Gouvernement), l’expé-rience de l'Administration Reagan en 1986, devrait faire réfléchir nos politiques sur les conséquences économiques néfastes que pourrait occasionner une limitation massive des niches fiscales.En effet, par le Tax Reform Act du 22 octobre 1986, l'Administration américaine a supprimé ou plafonné un grand nombre de niches fiscales IR et IS (les « loopholes ») et utilisé les recettes ainsi mobilisées pour abaisser considérablement le taux marginal maximum d'imposition pour les personnes phy-siques et les sociétés, ce qui devait encourager le travail et l'entreprise. Concurremment à la baisse drastique des dépenses fiscales, dont les volumes totaux se contractèrent de 730 à 530 milliards de dollars entre 1986 et 1988, l'impôt sur le revenu passa alors d'un taux marginal de 50 % à 28 %. La niche exonérant les plus-values fut supprimée et ces dernières furent soumises au même taux aligné de 28 % que l'IR. Le président Reagan pensa stimuler ainsi l'activité économique3 en la libérant.Mais à l'inverse des effets attendus, cette politique de baisse du taux d'impôt marginal conduisit à une contraction très importante de l'économie (antici-pée par les acteurs du capital-risque, qui en avaient mesuré les conséquences comme le soulignent les articles du Wall Street Journal de l'époque). L'aligne-ment du taux des plus-values sur celui de l'impôt sur le revenu cassa le principal ressort fiscal faisant de l'investissement dans l'entreprise le meilleur moyen d'éviter l'impôt4. En quatre ans, le déficit cumulé de création d'entreprise atteignit 750 000 unités. Le chômage remonta à 7-8 % et coûta à Georges Bush qui a succédé à Ronald Reagan, sa réélection.

Les niches, une solution d'avenir pour un État plus efficace1 ❙

(1) Les « niches » ou dépenses � scales

s’opposent aux dépenses budgétaires, en ce que les premières sont des exemptions à l’impôt,

donc une minoration des recettes � scales, alors que les dépenses budgétaires

représentent les crédits ouverts en lois de � nances

qui se traduisent sous la forme de dépenses publiques classiques.

(2) En volume � nancier, car en nombre, les niches � scales en dessous de 50 millions

de dollars ne sont pas répertoriées par le Congrès

américain (JCT) et en dessous de 10 millions de

dollars pour le Trésor.

(3) Dans le même temps, il étendit l’AMT (Alternative minimum tax) aux revenus

des classes moyennes fortunées. Précisons que

l’AMT est le modèle servant de base au projet d’Ima

(Impôt minimum alternatif) français a� n d’empêcher

les gros revenus de complètement dé� scaliser

leurs impôts par le biais des niches.

(4) Voir rapport iFRAP « l’ISF, 100 000 emplois perdus par an » automne 2003.

Nombre d'experts sont déjà montés au créneau, d'aucuns posant la question « Faut-il supprimer les niches fiscales ? », d'autres pointant « le délire des niches fiscales » ou encore affirmant « indispensable de faire le tri dans les niches fiscales ». Cette frénésie trouve, semble-t-il, deux causes : d'abord la

crise budgétaire qui contraint à revoir toutes les « fuites » du système ; et, renforçant cette tendance, un imaginaire pointant du doigt des dispositifs permettant aux plus fortunés d'échapper à la pression fiscale ambiante. Elle a aussi ses solutions : suppression massive des niches et abaissement des impôts à des taux plus avantageux ; mise en place d’un impôt minimum ; plafonnement de l'ensemble des niches.À la veille du débat budgétaire pour le PLF 2009, il a donc paru important à l'iFRAP de faire le point sur les niches fiscales en France et d'essayer de dégager quelques réformes possibles.L'une des conclusions les plus surprenantes de cette recherche est qu'il faudrait probablement, non pas les réduire, mais les augmenter. À condition toutefois de mieux en contrôler l'impact.

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Bill Clinton relance les niches en remontant le taux maximum d'imposition de l'impôt sur le revenu à 38 % et réduisant celui des plus-values à 20 %. Et la création d'entreprise repart.Mais, l'exemple le plus spectaculaire de l'effet positif des niches est peut-être celui de G. Bush fils qui, en 2003, relance l'économie avec la suppression graduée des impôts sur les successions, la réduction à 15 % de l'impôt sur les dividendes de sociétés qualifiées, etc.

Pourquoi les niches fiscales sont-elles souvent préférables à la dépense budgétaire ?Deux raisons majeures expliquent pourquoi la niche fiscale est souvent préférable à une dépense budgétaire.❚ La première est que lorsqu'une dépense budgétaire a pour objectif de faire parvenir certaines sommes d'ar-gent à certains bénéficiaires, l'approche niche est géné-ralement beaucoup plus efficace et moins coûteuse. En effet, se greffant sur la collecte de l'impôt, elle utilise les moyens d'une Administration en place, la direc-tion des impôts et ceux de la comptabilité publique (maintenant fusionnées au sein de la DGFIP), forte-ment équipée en moyens informatiques et moyens de contrôle, au lieu de créer une bureaucratie chargée de

cette distribution, ce qui entraîne des coûts de distribu-tion, dits aussi d'intermédiation, souvent considérables.Par exemple, on a pu estimer que le coût de la distri-bution des aides aux pauvres en France par tous les dispositifs d'aide sociale représente de 25 à 30 % de l'argent distribué alors qu'il est de moins de 5 % aux USA5. À noter qu’il est ainsi possible de distribuer de l’argent à des foyers qui ne paient pas l’impôt à partir des immatriculations des contribuables non imposés.❚ La deuxième raison est que pour les interventions étatiques qui ont pour objet d'obtenir un certain comportement, par exemple créer des entreprises ou utiliser des véhicules moins polluants, la niche fiscale qui associe l'individu à la décision est généralement beaucoup plus efficace que l'intervention directe d'un fonctionnaire, parce qu'elle introduit, à travers les interventions des individus, l'efficience du marché.Un premier exemple souvent donné est celui de l'inves-tissement dans les Dom-Tom, où les lois « Pons » puis « Girardin », ont coûté très cher mais pour un résultat très supérieur à celui qui aurait été obtenu en faisant investir les mêmes sommes par une Administration. En effet, il faut savoir que dès 2003, la loi « Girardin » a permis une accession renforcée des domiens au sec-teur intermédiaire6 (secteur de la location situé entre logement social et logement libre), avec la production de 13 000 logements en 2007 à la Réunion. Le marché locatif local enregistrant simultanément une baisse des loyers de 10 à 15 % par rapport aux prévisions.Un autre exemple est celui du développement de l'innovation. Longtemps, le monopole d'une agence publique, l’Anvar, distribuait chaque année des som-

Les niches représentent un volume important, 73 milliards d'euros.

(5) Voir, Les Pro� teurs de l’État, Plon, Paris, 277 p., p.100.

(6) Les logements destinés à la location « intermédiaire » sont soumis à des conditions de loyer et de ressources des locataires (par exemple, dans les Dom un montant inférieur à 136 euros du m² et 54 149 euros pour un couple avec deux enfants). L’engagement de location passe à six ans contre cinq dans le secteur libre. En contrepartie, l’avantage � scal est supérieur : la réduction d’impôt est portée à 50 % du montant de l’investissement réalisé et il est étalé sur cinq ans (soit 10 % par an).

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Évolution des taux d’impositionet leur impact sur la création d’entreprise

Ce graphique permet de mettre en évidence la relation qu’entretient le volume des niches fiscales avec la création d’entreprise. Les taux d’imposition ont été rajoutés afin de montrer que ce n’est pas le niveau d’imposition mais bien le montant des dépenses fiscales qui ont conduit à la contraction

sans précédent de l’économie américaine. Nous avons mis en évidence les dépenses fiscales spécifiques concernant les entreprises et l’immobilier sur moyenne période, ainsi que l’extrapolation sur tendance antérieure du déficit de créations d’entreprises.

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mes de l’ordre de 400 millions d’euros à des projets sélectionnés par sa bureaucratie. On s’apercevrait qu’en réalité, ces projets furent sans grands résultats, si l’on faisait expertiser par des auditeurs indépen-dants ce que sont devenus les projets primés7, alors que les mêmes sommes, déboursées par déduction fiscale pour les investisseurs dans des créations d'en-treprise, comme l'ont fait les Anglais dans l'EIS, auraient déclenché des créations massives d'emploi et même des bonis immédiats pour le Trésor.

La suppression des niches fiscales en France : difficile, voire impossibleOutre le fait que l'exemple américain doive nous inciter à la plus grande prudence en lien avec l'ac-tivité économique, la structure des niches en France nous révèle que les marges de manœuvre sont beau-coup plus étroites.Si l'on considère les 22 premières niches, dont les volumes individuels sont supérieurs ou égaux à 1 mil-liard d'euros, leurs montants cumulés représentent 43,137 milliards d'euros. Autrement dit, 4,3 % du nom-bre des niches représentent 59 % du volume total. Or, c'est évi-demment lorsque les niches sont les plus importantes que leur limitation ou annulation pour-raient créer le plus d'économies (dans la perspective relativement simpliste que l'annulation ou la limitation d'une niche permet-traient d'engranger une plus-value fiscale correspon-dante). Manifestement, c'est impossible. En effet, inutile de dire que l'on ne saurait porter atteinte, ni à la TVA à 5,5 % sur les travaux d'amélioration des habitations de plus de deux ans (5,4 milliards d'euros) ni à la prime pour l'emploi (4,2 milliards). En effet, la grande majo-rité des premières niches est constituée par des niches sociales et des niches de soutien à l'investissement. Pour tailler dans ces niches, il aurait fallu avoir une idée très précise de leur productivité évaluée, non pas en termes de dépenses brutes (la moins-value d'impôt constatée, par rapport à une imposition à taux plein), mais leurs effets induits y compris fiscaux (retours d'impôts et de cotisations sociales pour toute activité économique ou emploi créés, pour toute dépense de consomma-tion supplémentaire introduite par l'augmentation du pouvoir d'achat, etc.). Mais, les autres niches pourraient constituer d'utiles gisements d'économies d'impôt. Voyons ce qu'il en est exactement.La répartition des montants cumulés décroissants des niches obéit à une répartition 80/20. En réalité, 24 % des niches représentant 95 % de leur volume total : seules les 123 premières niches représentent un poids véritablement significatif (70 milliards), tan-dis que les autres représentent de très petites niches fiscales pour un montant total de 3 milliards d’euros tout au plus. Cette disposition définit les contraintes qui s'imposent aux éventuels réformateurs. Si les

parlementaires s'attaquent aux petites niches, très nombreuses, l'effet volume sera insignifiant puisqu'il ne pourrait être au plus que de 3 milliards, mais le capital politique à mettre en œuvre est énorme. S'ils s'attaquent aux 123 grosses, au contraire, l'effet sera beaucoup plus important. Mais dans les faits, ces niches sont trop stratégiques et essentielles pour être annulées (voir le graphique ci-contre).Le paradoxe est le suivant :❚ les niches aux volumes les plus importants en France sont presque toutes des niches passives (ou horizonta-les), attribuées automatiquement sans intervention du bénéficiaire. Ces niches servent soit à stimuler l'activité d'un secteur particulier, soit à faire bénéficier les éligi-bles de déductions ciblées souvent à des fins sociales. Un bon exemple peut être fourni par la bonification d'une demi-part supplémentaire du quotient familial pour les parents isolés. Coût de la mesure : 1,64 mil-liard d'euros. Le bénéficiaire n'a qu'à rentrer dans les critères du statut pour bénéficier de la niche fiscale. On obtiendrait le même résultat par une dépense budgé-taire correspondant à une subvention ou à une prime, mais pas à coûts administratifs constants (puisqu'ils sont

spontanément plus lourds dans le cas des dépenses budgétaires, car les subventions publiques, contrairement aux exonérations fiscales, ne sont pas auto-décla-ratives, elles reposent sur l'Ad-ministration). La mobilité fiscale des intéressés est faible, en consé-quence de quoi, la rigidité de ces

niches est forte. Si on en supprimait quelques-unes, les volumes en jeu étant importants, cela aboutirait à de grandes économies sur le papier, car ces niches fiscales, généralement sociales, devraient se retrouver ensuite compensées sous forme de dépenses budgétaires. Dans ces conditions, la transformation de la dépense fiscale en dépense budgétaire est en réalité sans incidence sur le budget final. D'après nos calculs, les niches purement sociales nécessairement passives, représentent près de 24,8 milliards d'euros, soit 60 % du volume des niches, les niches passives totales représentant près de 43,2 mil-liards d'euros. Cela donne une idée des montants en jeu et ne plaide pas en conséquence pour leur limitation et leur compensation dans le budget.❚ Les niches actives (ou verticales) sont d'un volume beaucoup moins considérable, mais les bénéficiaires sont très mobiles fiscalement. Nous les qualifions d'ac-tives car elles demandent de la part des bénéficiaires potentiels, l'exercice d'un choix se traduisant par la volonté de monter des structures de financement et des dossiers qui manifestent leur désir de bénéficier de ces dispositifs dérogatoires, en contrepartie des investissements réalisés. Si les coûts juridiques pour ces bénéficiaires sont trop importants, les risques d'ex-patriation sont à craindre. Il n'y a donc pas, a priori, un véritable profit à gagner de l'élimination de quel-ques-unes de ces niches, si ce n'est une contraction de l'investissement. Nous pourrions fournir à l'appui

Seules les 123 premières niches

représentent un poids véritablement significatif :

70 milliards

(7) En se concentrant sur les projets destinés à créer

une entreprise et pas sur ceux concernant des

entreprises déjà existantes.

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de notre propos l'exemple de la niche investissement productif dans les Dom-Tom. Le choix d'effectuer un investissement dans ces territoires ouvre droit à une dépense fiscale, dont le coût global représente un montant de 550 millions d'euros. Il est bien évident que cette déduction d'IR, si elle venait à être plafon-née, inciterait les investisseurs potentiels à réorienter leurs fonds dans d'autres directions. Si un tel plafon-nement devait également s'appliquer de façon uni-forme sur l'ensemble des dispositifs dérogatoires, il y a fort à parier que l'encouragement de ces investisseurs à quitter le territoire national serait puissant.C'est pour cela que l'iFRAP pense que le débat autour des niches fiscales mériterait que l'on inverse la réflexion et que l'on saisisse la chance d'un débat public sur les niches pour proposer au contraire un projet de développement maîtrisé des dépenses fiscales.

La puce (les niches fiscales) et l’éléphant (les dépenses budgétaires)En 2003, les niches fiscales représentaient 11 % du PIB aux États-Unis, 8 % au Canada et seulement 3 % en France. Reste que leur montant par rapport aux recettes collectées en France a crû de 7 % en qua-tre ans, ce qui, compte tenu des dépenses budgétai-res en augmentation constante, prend les recettes en ciseaux8. Il faut cependant replacer l’envol de ces dépenses fiscales par rapport à celui des dépenses bud-gétaires : en passant de 50 milliards d’euros en 2003 à 73 milliards en 2008, leur proportion par rapport au budget de l’État ne s’est accrue que de 1 % (20

à 21 %), ce qui en dit long sur l’accroissement des dépenses publiques. En effet, tandis que les niches augmentaient de 23 milliards, le budget de l’État s’ac-croissait, quant à lui, de 115 milliards… Comme on le voit, les montants ne sont pas comparables !

Développer les niches fiscales mais en réduisant les dépenses budgétaires !Les niches fiscales croissent encore… Et c'est une bonne chose ! Ainsi en est-il par exemple de la niche « impatriés » proposée par le sénateur Philippe Marini qui, si elle est votée, permettra pendant cinq ans d'offrir un statut plus favorable aux citoyens français rentrant au pays avec leur force de travail et leurs capitaux. Mais les niches fiscales sont également un fantastique instru-ment de réforme de notre Administration : lorsque l'on compare les orientations des niches fiscales entre États-Unis, Canada et France, les États-Unis et la France ont les mêmes structures en proportion (respectivement 34,3 et 35 % de dépenses fiscales ayant des objectifs de politiques sociales et 65,7 et 65 % de dépenses fiscales ayant des objectifs de politique économique). Cepen-dant, la substituabilité des niches entre secteurs public et privé est très différente. Les États-Unis utilisent très différemment leurs niches, ce qui rend leur « transfor-mabilité » en dépenses classiques très difficile à coût administratif constant (15,4 % contre 25 % en France du total des dépenses fiscales). En effet, les États-Unis utilisent massivement des niches actives pour remplir des objectifs de politique sociale. La France, quant à elle, privilégie l'usage de niches passives. Cela se traduit

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Les micro-niches : 76 % niches = 3 Mds €

Les niches qui comptent : 24 % niches = 70 Mds €

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Poids cumulés des niches en volume par montants décroissants

(8) L’effet ciseaux consiste ici à prendre les recettes en tenailles. En effet, d’un côté les niches � scales semblent faire des trous dans les montants d’impositions au moment de leur établissement puis, une fois recouvrées, de l’autre l’augmentation continue des dépenses publiques qui dépassent le volume des ressources � scales disponibles. Le différentiel étant � nancé par l’endettement.

Ce graphique met en évidence la relation existant entre l’agrégation cumulée décroissante des niches et leur répartition par tranches de 50 niches en fonction de la nature des impôts.

On voit que dans les 123 premières niches fiscales, les niches IR et IR/IS apparaissent comme extrêmement majoritaires.

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concrètement par le fait que les États-Unis utilisent beaucoup les fondations privées pour prendre le relais ou se substituer à la puissance publique.Il est assez remarquable de constater que le « tiers secteur », constitué par les activités non lucratives d'intérêt général (santé, éducation, culture, recher-che) assumées par le secteur privé aux États-Unis, représente quelque 1 500 milliards de dollars, soit environ 10 % du PIB, soulageant ainsi le budget de l'État et apportant une concurrence salutaire aux ser-vices publics. Ces activités s'accroissent actuellement de 300 milliards de dollars par an de dons défiscali-sés, donc coûtant la moitié au Trésor public.Les montants sont à comparer aux 2,4 milliards d'euros de dons exonérés en France en 2005 (soit près de 100 fois moins en volume ou 20 fois moins à taille économique comparable qu’aux États-Unis) et aux

20 milliards d'euros que coûte au budget de l'État le système associatif français.N'y aurait-il pas intérêt à transposer ce mécanisme en France en multipliant les types d'associations béné-ficiaires de l'aide défiscalisée (article 200 CGI), en leur permettant de recevoir dons et legs nécessaires à des investissements lourds (hôpitaux, musées), que seules les fondations ou les associations reconnues d’utilité publique (Rup), dont la création est limitée par l'État, peuvent recevoir ? Nous pensons d'ailleurs que développer ce système permettrait de rendre les organismes responsables des activités concernées plus performants. En effet, les donateurs privés ne recherchent jamais une simple défiscalisation, mais un investissement productif et bien géré. Développer les niches « fondations » conduirait donc à rendre au privé des pans entiers de politiques publiques gérées aujourd'hui directement par l'Administra-tion et pour un coût humain et administratif (de distribution et de contrôle) réduit et une efficience bien supérieure (coût du management, adaptabilité, audit, transparence etc.).

La LOLF tournée en ridicule par les niches

Depuis la loi de 2001, dite LOLF, on nous explique que le contrôle de l’État sur ses dépenses est mieux assuré, car la LOLF oblige à rassembler les masses bud-gétaires mises en œuvre par objectif, par « mission » et permet d’en suivre les résultats par des indicateurs de

performance. La LOLF est devenue le cœur du dispo-sitif de présentation du budget aux parlementaires.C’est donc avec stupéfaction que l’on découvre que les dépenses fiscales, les niches, ne sont pas incluses dans le budget type LOLF, alors qu’elles représen-tent 20 % en moyenne du budget total et, pour certains ministères, elles atteignent jusqu’à 80 % des moyens mis en œuvre.

Mais il faut éviter l’anarchie2 ❙

Les niches fiscales peuvent être un fantastique instrument de réforme de notre Administration.

L’évaluation déficiente des niches fiscalesL’évaluation des niches fiscales ne peut être une science exacte car, par définition, il s’agit d’évaluer ce qui n’existe pas, à la différence des recettes fiscales, qui elles se mesurent à ce qui rentre dans les caisses du Trésor.Mais l’Administration a encore beaucoup d’efforts à fournir avant que le Gouvernement et les parlementaires disposent d’un outil de gestion permettant de décider, le cas échéant, quoi supprimer ou quoi aug-menter. En effet, non seulement le coût des niches fiscales n’est pas consolidé dans le budget avec les dépenses budgétaires ayant des objectifs comparables comme l’idée même de la LOLF y incite, mais leur évaluation est infiniment trop sommaire.D’abord, nombreuses sont les niches qui ne sont pas chiffrées : 96 au total. Pour les 300 d’entre elles dont les montants cumulés sont évalués à plus de 73 milliards d’euros, Bercy arrondit généralement à la première décimale, soit une imprécision de l’ordre de la centaine de millions pour les niches les plus grosses. D’une année à l’autre, les évaluations peuvent varier dans certains cas de façon considérable.Mais le plus grave est le manque d’études consacrées à l’impact des niches. Avant de décider si une niche peut être modifiée, plafonnée,

supprimée ou élargie, il faudrait connaître son impact réel. Dans ce domaine, il semble que nous soyons très loin des standards que le Parlement devrait imposer pour pouvoir prendre des décisions ration-nelles et que notre politique économique, notamment, se décide au sentiment ou au plus beau parler. En effet, il faut attendre le projet de loi de règlement 2007 pour obtenir les premières analyses abor-dant une estimation des dépenses fiscales sous le spectre du rap-port coût-efficacité dans un document annexe à la loi de finances. Et encore, seulement une dizaine de niches dites « dépenses fisca-les à forts enjeux » sont-elles ainsi passées au crible des rapports annuels de performance dont les deux exemples suivants font partie :

❚ pour la niche concernant la réduction d’impôt au titre de l’emploi par les particuliers d’un salarié à domicile, le rapport tente de chiffrer le coût d’un emploi de service créé grâce à cette mesure. En divisant grosso modo le coût par l’augmentation d’emplois dans les services à la personne, il arrive à un chiffre de 1 700 euros par emploi créé et conclut que la dépense fiscale est pertinente. Mais une simple lecture des rapports sur l’emploi à domicile montre que les récents

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Les niches fiscales étant des leviers majeurs des poli-tiques publiques, une vision consolidée s’impose. Certains de nos grands ministères basent avant tout leur action sur des niches fiscales. Il en est ainsi du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, qui voit son action dépen-dante des niches fiscales à près de 88 % (notamment avec l’explosion de la niche chaudière élargie pour recevoir les dispositifs éoliens et panneaux solai-res à hauteur de 2,4 milliards d’euros), la mission régulation économique, celle qui traduit la politique volontariste de l’État en direction de la sphère mar-chande repose à 76 % sur les niches, tandis que la politique du territoire y repose pour près de 68 % !

Si on y associe la politique de la Ville, la solidarité et l’outre-mer, l’addition des dépenses fiscales tota-lise pour près de 62 milliards d’euros ! Une seule conclusion : aucune politique publique en France ne peut se passer de l’usage des niches fiscales.

Les « niches fiscales », des dispositifs forcément arbitraires comme l’impôt : la subjectivité de la normeUne niche fiscale est une exception à un impôt, mais le périmètre de l’impôt étant lui-même arbitraire, il est très difficile de savoir ce qui est niche et ce qui ne l’est pas, de définir une norme externe permettant

emplois créés sont des emplois à temps très partiel, de l’ordre de quelques heures par semaine. Si le rapport s’était intéressé au coût de création d’emplois en équivalant temps plein, cela aurait multi-plié le coût par un facteur de l’ordre de 10, beaucoup moins flatteur.

❚ deuxième exemple : l’exonération de l’impôt sur le revenu en faveur des contrats d’assurance-maladie complémentaire. La création de cette niche date de 1955. Elle a subi de nombreuses modi-fications, notamment en 2004 et 2005. Pourtant, les chiffres disponi-bles sur son coût datent seulement de 2005. Tout d’un coup, ce sont 1,7 milliard d’euros qui apparaissent dans le manque à gagner de l’État. Le rapport tente une analyse coût/bénéfice de la mesure. Il indique donc que « 93 % de la population déclare disposer d’une complémentaire santé » et que les données d’enquête disponibles tendent à prouver que 99 % des contrats souscrits donneraient droit à défiscalisation. Sur la foi de ces seules données, le rapport juge que « l’exonération a contribué à maintenir un niveau complémentaire parmi les plus élevés des pays industrialisés » et que « les objectifs de solidarité et de responsabilisation peuvent être considérés atteints ». La comparaison coût-avantage entre

dépense fiscale et dépense budgétaire, qui devrait être la règle pour l’élaboration de toute nouvelle niche, laisse rêveur… En trois lignes, le rapport souligne que l’absence d’exonération conduirait à augmenter les aides. On cherche vainement, dans cette analyse, des indicateurs pertinents, des comparaisons internationales, des séries longues, une évaluation du nombre de bénéficiaires et du montant total et moyen dépensés par an en assurances complémentaires santé. Quel rapport d’analyse stratégique ou prospective peut se contenter d’une étude en cinq courts paragraphes, en termes et notions aussi vagues, pour justifier des dépenses d’un tel montant ?Le dynamisme de ces niches représente leur forte variabilité à la hausse sur les trois derniers exercices ou l’importance de leur fonction de soutien pour les ministères concernés. Bercy a donc décidé d’observer l’évolution de ces niches afin d’en corriger les effets lors du PLF 2010. Pour cela, ces 15 niches seront individualisées au sein des projets annuels de performance 2009. Souhaitons que l’évaluation soit réalisée à coût fiscal net et non pas brut, afin de permettre une vraie reconnaissance de l’impact écono-mique réel de ces niches. (suite page 18) ▶

Pourcentage de dépenses fiscales par ministère / missions de l’ÉtatNature des dépenses

Ministère/missions Autorisations d’engagement (€)

(A)

Crédits de paiements (€)

Dépenses fiscales (précision au million

d’euros près) (B)

Pourcentage de dépenses fiscales dans les dépenses

totales (C)

Total des dépenses consacrées à la politi-que publique (T= B+C)

Écologie et dévelop. durable 263 942 467 410 146 042 3 014 000 000 88 % 3 424 146 042

Politique des territoires 815 943 204 770 686 499 2 771 000 000 78,2 % 3 541 686 499

Développement et régulations économiques

3 953 861 523 3 946 212 149 12 613 000 000 76 % 16 599 212 149

Sport, jeunesse et vie assoc. 755 151 788 764 012 032 1 742 000 000 69 % 2 506 012 032

Solidarité et intégration 12 934 389 808 12 911 938 100 27 097 000 000 67,7 % 40 008 938 100

Ville et logement 7 178 635 483 6 573 012 556 12 048 000 000 64 % 18 621 012 556

Outre-mer 2 169 564 492 1 994 457 589 2 674 000 000 57 % 4 668 457 589

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

3 258 339 231 3 146 455 260 3 125 000 000 49,8 % 6 271 455 260

Travail et emploi 13 105 948 182 13 060 815 551 10 787 000 000 45 % 23 847 815 551

Engagements fin. de l’État 41 428 528 049 41 428 526 229 6 021 000 000 12,7 % 47 449 526 229Source : Rapports annuels de performance 2008 et rapprochement des dépenses � scales et des dépenses budgétaires.

(suite page 19) ▶

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D O S S I E R ❚ Niches fiscales

Société Civile n° 83 ❚ Septembre 2008

Les niches mises sous surveillance par Bercy pour 2009 en raison de leur « fort dynamisme »Mission Mesures par missions et programmes Types

d’impôtÉvaluation pour 2008

Nombre de bénéficiaires

Rang

Ville et logement Taux de 5,5 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans (TVA)

TVA 5 400 000 000 300 000 1

Engagements financiers de l’État

Exonération ou imposition réduite des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie

IR 3 200 000 000 nd 4

Ville et logement Crédit d’impôt pour les dépenses d’équipements de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable (IR)

IR 2 400 000 000 990 000 6

Développement et régulations économi-ques

Taux de 5,5 % pour la fourniture de logements dans les hôtels (TVA) TVA 1 750 000 000 37 000 8

Solidarité, insertion et égalité des chances

Exonération en faveur de certains contrats d’assurance-maladie complémentaire

Droits d’en-registrement et de timbres

1 700 000 000 nd 10

Solidarité, insertion et égalité des chances

Demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant effectivement seuls ayant eu un ou plusieurs enfants à charge (avantage plafonné) (IR)

IR 1 640 000 000 4 280 000 11

Recherche et ensei-gnement supérieur

Crédit d’impôt en faveur de la recherche (IR/IS) IR/IS 1 390 000 000 nd 13

Travail et emploi Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d’emploi depuis au moins trois mois (IR)

IR 1 260 000 000 970 000 14

Travail et emploi Exonération plafonnée de TIPP pour les esters méthyliques d’huiles végétales, etc.

TIPP 1 090 000 000 60 17

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Réduction d’impôt au titre de l’emploi, par les particuliers, d’un salarié à domicile (IR) sans condition jusqu’en 2006 et à compter de 2007 pour les seuls contribuables n’exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d’emploi depuis moins de trois mois (IR)

IR 1 040 000 000 2 730 000 20

Solidarité, insertion et égalité des chances

Exonération des indemnités et prestations servies aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles (IR)

IR 850 000 000 nd 25

Sport, jeunesse et vie associative

Réduction d’impôt au titre des dons IR 820 000 000 nd 26

Sport, jeunesse et vie associative

Exonération des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées en application de l’art. L 129-1 du Code du travail

TVA 550 000 000 nd 33

Travail et emploi Crédit d’impôt au titre d’une avance remboursable ne portant pas intérêt (IS) IR/IS 500 000 000 195 000 37

Travail et emploi Réduction d’impôt au titre des dons faits par les entreprises à des œuvres ou organismes d’intérêt général

IR/IS 250 000 000 7 400 65

Les 5 niches fiscales dans le collimateur de BercyMission Mesures par missions et programmes Type

d’impôtÉvaluation pour 2008

Nombre de bénéficiaires

Rang Évolution envisagée

Outre-mer Réduction d’IR à raison des investissements productifs réalisés dans les Dom, Tom et CTom avant le 31/12/2017

IR 550 000 000 9 870 34 Difficilement « plafonnable » étant donné l’impact sur l’économie locale

Outre-mer Réduction d’impôt au titre des investissements locatifs et de la réhabilitation de logements situés dans les Dom et ex-Tom

IR 230 000 000 29 000 67 Probablement plafonné et réorienté vers le logement social

Développe-ment et régulation économi-que

Exonération totale ou partielle des PV réalisée par les entreprises dont les recettes n’excèdent pas 350 000 € pour les entreprises d’achat-vente, de restauration et fourniture de logements, ou d’entreprises agricoles, et 126 000 € s’il s’agit d’autres entreprises ou de titulaires de BNC

IR 200 000 000 nd 75 Le statut des LMP (loueurs en meublés professionnels) sera sans aucun doute plafonné

Culture Déduction des dépenses exposées dans les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager : dispositif Malraux

IR 50 000 000 3 500 127 Le dispositif Malraux, longtemps exclu du plafonnement semble « plafonnable » aujourd’hui

Culture Déduction des charges foncières afférentes aux monuments historiques (IR)

IR 10 000 000 nd 173 Dispositif probablement non-plafonné

Notez que les dernières niches non plafonnées, qui ont déclenché la polémique, ne sont vraiment pas les plus importantes. Elles sont confortables certes, mais ne représentent pas les volumes des toutes premières niches � scales. Elles représentent au total 1,040 milliard d’euros, soit 1,42 % du total des niches � scales. Leur plafonnement ne rapportera au mieux que quelques dizaines de millions d’euros.

L’évaluation déficiente des niches fiscales (suite de la page précédente)

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Société Civile n° 83 ❚ Septembre 2008

de définir ce qu’est une niche et donc, de décider ce qui est règle et ce qui est exception.Nous allons donner ci-après plusieurs exemples du caractère arbitraire de la définition de la niche : il faut bien voir qu’un impôt est créé par construc-tion, avec des creux et des bosses, de même qu’une côte contient des caps et des golfes, sans que l’on puisse dire a priori, quels sont les golfes ou les caps « normaux » et ceux qui ne le sont pas.❚ Par exemple, en ce qui concerne l’imposition sur le revenu, il est tout à fait loisible d’analyser la pre-mière tranche d’imposition à taux zéro, comme une exonération, dérogatoire au principe de l’universalité d’un impôt sur le revenu dont le montant minimum serait fixé égal au montant de la seconde tranche de l’IR, soit 7 632 euros au taux de 5,5 %. Il serait alors vain de critiquer, comme le font certains détracteurs des niches fiscales, le manque à gagner de 39,4 mil-liards (montant des niches IR) pour le budget de l’État, en rêvant aux 100 milliards théoriques de cet impôt (qui rapporte d’ores et déjà 60 milliards). Si la « niche 0 % » sur la pre-mière tranche n’existait pas, il rapporterait beau-coup plus, car cette niche concernerait alors plus de 50 % des foyers fiscaux. Dans une version maxi-maliste, le principe de progressivité par tranche peut s’analyser plus globalement comme un prin-cipe de dégressivité croissante, exonérant chaque contribuable à raison de ses facultés contributives du taux unique maximal de 40 %.❚ Un autre exemple peut être mis en évidence avec la déduction forfaitaire de 20 % aujourd’hui ramenée à 10 % : prévue par l’art.158-5-a du CGI, cette déduc-tion s’applique à l’ensemble des revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions, ainsi qu’à certaines rentes viagères. Pourtant, ce mécanisme visiblement dérogatoire (dont le montant est révisé selon les mêmes modalités que la première tranche du barème de l’IR), dispose de tous les attributs qui devraient lui permettre de figurer au sein des niches fiscales. Son montant global n’est pas rendu public dans les documents budgétaires ce qui pose la question de leur sincérité. Il a été créé en 1914 en même temps que l’IR lui-même.Mais il y a mieux : certaines niches fiscales dénoncées comme telles par les documents de l’Administration n’en sont pas et d’autres sont systématiquement ignorées.

Les « niches fiscales » qui ne sont pas de véritables nichesLe cas de la PPE : niche fiscale ou subvention sociale ?La PPE, la « prime pour l’emploi », c’est 4,2 milliards, seconde niche fiscale toutes catégories confondues. Pour autant, est-ce une niche fiscale ? Si son montant

pouvait être sorti du montant global des niches, celui-ci serait abaissé de 5,7 % ! Une exclusion qui alourdi-rait le budget d’autant, mais respecterait bien davan-tage le principe de sincérité. Expliquons-nous.La prime pour l’emploi (PPE) est formellement un impôt négatif, c’est-à-dire une somme (presque 1 000 euros par personne et par an dans le cas géné-ral, dont profitent environ 9 millions de salariés) que ces derniers déduisent de leur impôt sur le revenu, sous condition de ressources inférieures à certains plafonds. Mais c’est déjà plus qu’un cadeau fiscal, puisque lorsque le salarié n’est pas imposable, ce qui est le cas le plus courant, le montant de la PPE lui est remboursé. C’est donc déjà à ce titre un instrument de politique sociale. Dans le cas du remboursement, il s’agit ni plus ni moins que d’une subvention et non d’une niche fiscale, la déduction se présentant généralement au contraire, comme une dépense budgétaire classique. En outre, avec 9 millions de bénéficiaires, la dépense fiscale ne semble pas non plus avoir un caractère suffisam-

ment restreint pour jus-tifier sa qualification de niche. Enfin, à terme, sa nature va devenir encore plus problématique avec son inclusion dans le dis-positif du RSA (revenu de solidarité active), qui l’intégrera suivant les

configurations pour autant que le montant cumulé avec le RSA (pour le coup une vraie subvention) ne sera pas jugé excessif. Une vraie usine à gaz en perspective et notamment au regard de son évalua-tion. La PPE deviendra donc subvention au gré du caractère imposable de l’individu et sera versée, ou non, suivant l’appréciation qu’aura l’Administration du revenu de substitution ainsi créé ! Une niche d’une incroyable complexité qui mériterait son transfert pur et simple au sein des dépenses bud-gétaires classiques, sous peine de devoir être versée dans les niches au montant non déterminable.La saga du quotient familial : l’arlésienne des niches fiscalesLe quotient familial est particulièrement instructif dans la mesure où, stricto sensu, il appartient vérita-blement à la législation en vigueur, car obligatoire pour la détermination du calcul du revenu imposable de chaque foyer fiscal. Or, contre toute attente, sa situation a été plutôt mouvementée : intégré au sein de la liste officielle des niches fiscales en 1981, le quotient en sort en 1998, mais pas complètement en réalité. En effet, pour 65 millions d’euros en 2008, il y est présent relativement à la situation des veufs ayant des enfants à charge. Comme quoi, le quotient est vécu comme un cadeau fiscal offert aux veufs en charge de famille. Les artifices fiscaux de la norme de référence, qui fait classer un « golfe » de la « côte » fiscale comme golfe anormal ou golfe de la côte normal sont parfois imprévisibles.

La « prime pour l’emploi », c’est 4,2 milliards d’euros,

seconde niche fiscale toutes catégories confondues.

▶ (suite de la page 17)

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Société Civile n° 83 ❚ Septembre 2008

Des niches invisibles qui devraient figurer comme des dépenses fiscales

Si des niches fiscales sont caractérisées ainsi par l’Administration alors que cette désignation est contestable, l’inverse est tout aussi vrai et confirme le caractère arbitraire de cette classification. On peut même se demander si un certain biais catégoriel ne s’est pas glissé dans les listes fournies au Parlement car, si celles-ci incluent inévitablement les avantages accordés « aux riches », elles omettent ceux accordés au personnel administratif ou même aux élus.Le supplément familial de traitementCette indemnité n’est pas fiscalisée à l’IR (articles 10 à 12 du décret du 24 octobre 1985). Elle n’entre donc pas dans son assiette de perception et pourtant elle constitue un revenu pour la personne qui la perçoit. Elle bénéficie aux agents de la fonction publique locale ou étatique ayant au moins un enfant à char-ge au sens des prestations familiales. Le supplément

familial de traitement constitue donc concrètement un système dérogatoire par rapport à la norme fiscale de référence. Et pourtant son montant est loin d’être négligeable ! En effet, il représente environ 1,6 % du total des traitements des fonctionnaires, soit 1,79 mil-liard d’euros au total, réparti en 1,092 milliard pour la fonction publique d’État et 649 millions pour la fonction publique territoriale. Il serait intéressant que l’État chiffre le manque à gagner pour les finances publiques de sa non-fiscalisation à l’IR.L’imposition dérogatoire des traitements des élus locauxL’exercice d’un mandat local est par définition gra-tuit et les indemnités de fonction perçues à ce titre, sont considérées de façon totalement dérogatoire ni comme un salaire, ni comme un traitement ou une rémunération. Elles sont en conséquence soumises à une imposition autonome (article 204-0 bis du CGI) et progressive selon le système de la retenue à la source libératoire de l’impôt sur le revenu, déduc-

Coût brut et coût net : quel est le véritable coût des niches ?La plus grosse niche, la réduction de la TVA à 5,5 % pour « les tra-vaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur des logements achevés depuis plus de deux ans », qui est évaluée à 5,4 milliards d’euros, coûte-t-elle vraiment 5,4 milliards ? Ce manque à gagner pour l’Administration fiscale est en fait le coût brut de la mesure. Considéré isolément, il ne donne qu’une information biaisée, puisqu’il ne prend pas en compte les effets bénéfiques (créa-tion d’activité économique, donc d’emplois et de recettes fiscales) qu’entraîne l’incitation fiscale à investir dans le secteur du bâtiment. Il faut retrancher ces bénéfices du coût brut pour estimer le coût net, qui est le véritable coût.Une étude menée à notre demande par un expert extérieur à partir d’une analyse entrée-sortie1 démontre que la suppression totale de cette mesure, selon les hypothèses retenues (diminution du chiffre d’affaires du secteur de 5,4 milliards d’euros et affectation du montant à la réduction du déficit budgétaire), aboutirait à la suppression de 43 000 emplois directs et à peu près autant en emplois indirects. En termes de recet-tes fiscales, sous les mêmes hypothèses, la perte pourrait s’avérer de 2,7 milliards d’euros (TVA, charges sociales, IR et IS)2.En inversant le raisonnement, on peut donc estimer que cette niche per-met la création de près de 97 000 emplois directs et indirects et génère ainsi 2,7 milliards d’euros de recettes fiscales. Si l’on considère que le coût budgétaire moyen d’un chômeur supplémentaire est d’environ

20 000 euros par an, c’est près de 2 milliards d’euros supplémentaires qui sont économisés grâce à la mesure. Au final, le plus gros de la dépense fiscale est couvert par les effets positifs de la mesure sur la création d’activité économique, donc de richesses et d’emplois. D’autres études, qui vont dans le même sens, ont déjà été réalisées sur ce même sujet : la Fédération française du bâtiment estimait ainsi en 2005, que la mesure avait créé environ 80 000 emplois. En 2002, à la demande de la Commission européenne, la France avait également procédé à une estimation de l’impact de la mesure, évaluant selon d’autres méthodo-logies le nombre d’emplois totaux créés entre 40 000 et 46 000 à cette époque3. Ce type d’évaluations est absolument indispensable pour que le Parlement ait une idée de l’impact de son vote et puisse développer certaines niches, ou en fermer d’autres.

1 L’analyse entrée-sortie (input-output) permet de modéliser à l’échelle d’une économie (ici la France), les relations entre les différents secteurs de production, sous forme de matrices. Elle a été développée par l’économiste Vladimir Léontief, prix Nobel d’Économie.2 C’est à cet endroit que l’on voit l’effet positif des niches. Non seulement la niche considérée par son taux préférentiel soutient sa propre base d’imposition (puisqu’elle crée de la recette TVA modérée à raison d’une activité qui n’aurait pu se développer au regard de la concurrence internationale sans son existence, renvoyant le coût brut à un calcul totalement déconnecté des réalités économiques), mais, en outre, elle contribue à soutenir d’autres assiettes � scales dont l’IR, dont on connaît l’étroitesse de la base. La niche permet donc, au contraire, un développement de la � scalité directe et indirecte par son effet dynamique.3 Rapport de la France à la Commission, relatif à l’évaluation des baisses ciblées de TVA sur certains services à forte intensité de main-d’œuvre. 2002.

Récapitulatif des effets de la suppression totale de la niche « TVA à 5,5 % dans le bâtiment » sur l’emploi et la création de richesses (en euros)

CAHT Valeur ajoutée Investissement Salaires et traitements

Charges sociales

Impôts et taxes Nombre d’emplois

Effets directs -5 400 000 -2 065 477 -122 272 -1 007 752 -559 291 -139 379 -43 727

Effets indirects -4 890 621 -1 870 408 -313 544 -857 535 -363 251 -235 231 -28 584

Effets induits -4 256 767 -1 572 679 -337 052 -658 427 -282 751 -207 839 -25 145

TOTAUX (K€) -14 547 388 -5 508 564 -772 868 -2 523 714 -1 205 293 -582 448 -97 456

Lecture : sous les hypothèses suivantes : 1/ le résultat (5,4 milliards €) est utilisé à la réduction du dé� cit budgétaire. 2/ à revenus constants des ménages le montant hors taxe des travaux baisse d’un montant équivalent. La suppression de la niche entraînerait la disparition théorique de 97 456 emplois directs, indirects et induits.Source : François Saint-Cast – www.diagnosticetsystems.fr

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tion faite des frais d’emploi. La retenue libératoire est calculée selon une assiette égale au montant brut de l’indemnité diminuée des cotisations sociales obliga-toires, de la fraction représentative des frais d’emploi (forfaitaires représentant 100 % de l’indemnité pour les maires des communes de moins de 500 habitants et 1,5 fois cette somme en cas de cumul de mandats) et de la part déductible de CSG. En clair, les maires de communes de 500 habitants ou moins, perçoivent des indemnités en franchise totale d’impôts.Il est néanmoins prévu (article 204-0 bis III) que, par dérogation, l’élu local puisse choisir de se voir imposer à l’IR, mais en ce cas la retenue à la source

perçue s’impose sur l’impôt normalement dû sur l’ensemble des revenus. En pratique cependant, le régime dérogatoire est toujours choisi par les élus locaux car beaucoup plus intéressant. Concrètement, cette « niche » permet de faire échapper au régime général environ 208 millions d’euros d’indemnités pour les élus des 36 681 communes françaises. On peut y ajouter la moitié pour le premier adjoint sans compter les rémunérations perçues pour les fonctions exercées au sein des communautés de communes9, ainsi que les postes d’adjoints des plus grosses agglo-mérations. Au total, plus de 400 millions d’euros de revenus totalement exemptés d’IR.

Le formidable outil de performance et de réfor-me de l'État que représentent les dépenses fis-cales pour nos finances publiques aujourd'hui, doit nous encourager à les développer cha-que fois qu'elles peuvent se substituer à une dépense budgétaire. Mais il faut absolument éviter l'anarchie et pour cela les enserrer dans quelques règles budgétaires strictes.

1) Consolidation dans la LOLFÀ l'évidence, la présentation française des niches fiscales est largement insuffisante. Que cela soit au regard des obligations posées par la LOLF, qui semblent finalement reprises à la marge, comme un simple devoir formel en annexe ou le rapprochement mal négocié au sein des Rap10 des dépenses fiscales par rapport aux dépenses budgétaires. La possibilité offerte aux parle-mentaires de développer la présentation des documents d'analyse joints devrait permettre d'offrir une vision consolidée des dépenses fis-cales et des dépenses budgétaires, sachant qu'en France les dépenses fiscales représentent près de 21 % des dépenses de l'État. Il faudrait en outre, qu'à l'issue de la discussion budgétaire, soit joint un document ajoutant les dépenses fiscales surajoutées au cours du processus bud-gétaire lui-même.

2) ÉvaluationLes niches fiscales sont toujours considérées comme des dépenses fiscales, une perte pour le budget, alors que certaines d'entre elles rap-portent parfois même plus qu'elles ne coûtent. C'est le cas par exemple des incitations fiscales à souscrire au capital d'entreprises nouvelles. Dans la mesure où le bénéfice de l'incitation fiscale est limité à des entreprises dont les capi-

taux propres sont inférieurs à 5 millions d'euros, une déduction d'impôt égale à la moitié du capital investi est couverte par l'accroissement des entrées de TVA dans l'année11.De telles études ne sont pas menées à notre connaissance en France, alors qu'elles le sont dans d'autres pays comme les États-Unis12 et qu'il faudrait :❚ évaluer les niches ex ante sur les 5 prochai-nes années avec constitution d'un modèle de référence permettant ensuite de mesurer le chemin parcouru lorsque l'évaluation ex post interviendra.❚ Leur donner une durée de vie limitée (sunset law), afin de permettre tous les trois ou cinq ans par exemple, de conduire à la réévaluation de la niche, de la conserver, de l'amender ou de la supprimer.❚ Les évaluer ex post, afin de mesurer la perti-nence de les prolonger, les développer, les dimi-nuer ou les annuler.

3) Encadrer les niches dans la norme budgétaireFace à la progression constante des dépenses budgétaires, la commission des Finances de l'As-semblée nationale a proposé la création d'une norme de dépenses fiscales, c'est-à-dire d'un dispositif permettant de contraindre la progres-sion en volume des niches. Pour le budget 2009, celle-ci serait envisagée en croissance de 2 %. Cette idée est intéressante, mais elle est difficile à mettre en application et surtout insuffisante. En effet, tant que l’application de la norme fis-cale de référence ne sera pas respectée à la lettre par l’Administration, il sera toujours possible de faire échapper à la contrainte de la norme de dépense un certain nombre des niches qui dis-

3 ❙ Conclusion : développer, mais contrôler les niches

(9) À cet égard, on a pu relever très récemment que les 48 vice-présidents de la communauté d’agglomération de Metz Métropole (CA2M), recevaient une indemnité mensuelle de 1 700 euros, soit la bagatelle de 979 200 euros par an pour leur activité à la CA2M !

(10) Les Rap (Rapports annuels de performance) sont des documents émis par Bercy et commentés ensuite par les rapporteurs spéciaux, membres de la Commission des � nances.

(11) Voir Société Civile n° 82 à la � n du dossier « Business Angels » montrant que les retours TVA excèdent en effet la moitié du capital social dans les 12 mois qui suivent la création d’une entreprise en France, à condition que le capital soit inférieur à 5 millions d’euros. Ce « rendement » a été véri� é par les résultats mesurés sur l’Eis anglais.

(12) Voir les rapports présentés par la Chambre des représentants (Joint committee on taxation) pour les cinq ans à venir et par le Trésor pour sept ans, avec une évaluation du coût de leur substitution par des dépenses budgétaires correspondantes.

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D O S S I E R ❚ Niches fiscales

Société Civile n° 83 ❚ Septembre 2008

Les propositions de l’iFRAP❚ Examiner toutes les dépenses budgétaires qui pourraient être remplacées par des niches fi scales.❚ Tenir une recension des niches fiscales nouvelles et distinguer les niches sortant effectivement du périmètre ou celles annulées.❚ Consolider les niches dans le budget LOLF.❚ Évaluer toute proposition de niche ex ante, afin d’avoir une base de référence pour l’évaluation ex post.❚ Ne créer que des niches à durée limitée (de 3 ou 5 ans), afin d’obliger à leur réévaluation périodique.❚ Intégrer les niches aux dépenses budgétaires pour limiter la croissance du total à zéro en volume.

paraîtront des dépenses fiscales sans apparaître dans le budget, à la manière de techniques qui ont pu être mises en lumière par la Cour des comptes s’agissant des dépenses budgétaires lors des exercices précédents. Elle ne pourra pas non plus se traduire concrètement par un plafonnement global des niches. En effet, cette technique est constitutionnellement très délica-te à avaliser, compte tenu de la complexité des implications de la législation à mettre en place.

En outre, elle ne pourrait, si elle était mise en place pour l’IR, que dégager peu de mar-ges de manœuvre. Rappelons que lorsqu’en 2006 le gouvernement Villepin avait décidé en loi de finances d’édicter un plafond glo-bal de 8 000 euros par foyer fiscal majoré de 1 000 euros par enfant, sur l’ensemble des niches assises sur l’IR, en en excluant les niches Dom-Tom et les dispositifs non plafon-nés Malraux, bâtiments historiques et meublés professionnels, le gain n’avait été évalué pour le Trésor qu’à 25 mil-lions d’euros. Cela paraît ridicule comparé au volume total des niches IR qui se rapproche des 39,4 milliards d’euros soit 54 % du total en 2007. Nous risquons même, dans l’hypothèse où le plafonnement global serait possible sur les niches IR, de ne pas parvenir à faire beau-coup mieux. Peut-être quelques centaines de millions.Le Conseil constitutionnel a en effet exclu cette possibilité du fait de la complexité jugée excessive du dispositif envisagé (voir CC.

Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005). On est en droit de se demander par quels moyens juridiques un plafonnement généralisé des niches IR serait de nature à rendre son mécanisme plus intelligible. Le plafonnement global semble donc exclu pour des raisons constitutionnelles évidentes.

En fait, la véritable réforme d'une norme de dépense fiscale serait de prendre au pied de la lettre le fait (cf. supra) de l'importance des niches fiscales dans leur fonction de soutien de certains grands ministères. Pourquoi brider la norme de dépense fiscale a priori ? Il faudrait mieux tirer toutes les conséquences de l'inclu-sion des dépenses fiscales dans le budget, afin

de faire en sorte que la somme constituée par la norme de dépense fisca-le, ajoutée à la norme de dépense budgétaire, soit égale à zéro en volume.

Ce principe une fois arrêté permettrait de res-

ponsabiliser les pouvoirs publics qui devraient, pour toute augmentation du volume des niches fiscales, baisser les dépenses budgétaires à égale proportion. Il en ressortirait alors un mécanisme de vases communicants permettant aux pou-voirs publics d'arbitrer entre les deux types de dépenses et de faire basculer certaines dépenses du côté des niches fiscales, lorsque les études prospectives ex ante ou ex post révéleraient leur caractère bénéfique en comparaison des dépenses budgétaires. Les niches fiscales pour-raient alors se révéler comme un puissant outil de réforme de l'État.

Le plafonnement global semble donc exclu pour des raisons

constitutionnelles évidentes.