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DOSSIER PÉDAGOGIQUE LES JEUNES AU CŒUR DU GRAND THÉÂTRE AVEC LE SOUTIEN DE Georges Bizet Programme pédagogique réalisé grâce au soutien de la Fondation de bienfaisance du groupe Pictet et en collaboration avec le Département de l’Instruction publique, de la culture et du sport de la République et du canton de Genève Carmen geneveopera.ch/pedagogie +41 22 322 5172

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Page 1: Dossier pédagogique CarmenCarmen apparaît en cigarière sortant de la fabrique de cigares, elle est donc vêtue simplement. Elle entonne sa fameuse Habanera sensuelle sur un rythme

DOSSIER PÉDAGOGIQUELES JEUNES AU CŒUR DU GRAND THÉÂTRE

AVEC LE SOUTIEN DE

Georges Bizet

Programme pédagogique réalisé grâce au soutien de la Fondation de bienfaisance

du groupe Pictet et en collaboration avec le Département de l’Instruction publique,

de la culture et du sport de la République et du canton de Genève

Carmen

geneveopera.ch/pedagogie +41 22 322 5172

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juillet 2018

Dossier réalisé par Elsa Barthas

LES COLLABORATEURS DU PROGRAMME PÉDAGOGIQUE

Fabrice [email protected] + 41 22 322 51 88

Sébastien Brugiè[email protected] + 41 22 322 51 72

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LES INTERPRÈTES PRINCIPAUX DE LA PRODUCTION CARMEN

Direction musicale John FioreMise en scène & scénographie Reinhild HoffmannCostumes Andrea Schmidt-FuttererLumières Alexander Koppelmann

Carmen Ekaterina Sergeeva / Héloïse MasDon José Sébastien Guèze / Sergej KhomovEscamillo Ildebrando D'ArcangeloMicaëla Mary Feminear / Adriana GonzálezMercédès Héloïse Mas / Carine SéchayeFrasquita Melody LouledjanMoralès Jérôme BoutillierZuniga Martin WinklerLe Dancaïre Ivan ThirionLe Remendado Rodolphe BriandLilias Pastia Alonso Leal MoradoLe Couple Brigitte Cuvelier & Jean ChaizeUne marchande Marianne DellacasagrandeUn bohémien Wolfgang Barta

Orchestre de la Suisse Romande

Chœur du Grand Théâtre de genève Direction Alan Woodbridge

Maîtrise du Conservatoire populaire de musique, danse & théâtreDirection Magali Dami & Fruzsina Szuromi

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4 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CARMEN

Introduction Une œuvre intemporelle et sulfureuseLes premières réactions du public et de la critiqueCarmen et ses détracteurs acharnésCarmen et ses défenseurs inconditionnelsCarmen dérange toujours À Séville : amour, contrebandiers, séduction et jalousie Les principaux personnages : leurs airs et leurs costumes vus par Andréa Schmitt-FuttererCarmenMicaëlaEscamillo Don Jose

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CARMEN SOMMAIRE

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5CARMEN • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

Opéra-comique1 en quatre actes dont l’action se situe à Séville, Carmen est aujourd’hui l’opéra le plus joué dans le monde. Si nous considérons sa popularité

actuelle, il est difficile d’imaginer que l’accueil avait été plutôt froid à sa création, le 3 mars 1875. À l’origine du drame, une gitane : Carmen. Née en 1847 sous la plume de Prosper Mérimée, elle ressuscite une trentaine d’années plus tard dans la partition de Georges Bizet (1838-1875). C’est l’époque où l’Es-pagne - et l’Andalousie, en particulier, de par son côté oriental - participe à l’amour pour l’exotisme et attire de nombreux écrivains, tels que Prosper Mérimée ou Théophile Gautier. Ce dernier publie son Voyage en Espagne, illustré par Gustave Doré, qui met l’accent sur les envoûtantes danseuses de séguedille d’un genre jamais vu qui deviendra le flamenco que nous connais-sons aujourd’hui.

1 Opéra- comique : le terme désigne non pas le contenu de l’œuvre (ici, la fin est tragique), mais ses car-actéristiques formelles : le recours aux dialogues parlés qui alternent avec la partie chantée.

Une œuvre intemporelle et sulfureuse

INTRODUCTION CARMEN

L’écrivain Mérimée et le compositeur Georges Bizet participent, avec Carmen, à la création d’un mythe lit-téraire et populaire: celui d’une bohémienne farouche et séductrice, provocante et libre jusque dans la mort. Pourtant, les deux librettistes de Carmen, Henri Meilhac et Ludovic Halévy (aussi auteurs des livrets d’Offenbach) avaient pris grand soin « d’expur-ger » ce qui pouvait choquer dans le personnage sulfu-reux de la Carmen de Mérimée. En effet, l’héroïne de Mérimée se présente comme une voleuse, intrigante, criminelle, au comportement totalement amoral, cruel et cynique, alors que la Carmen de Bizet est beaucoup plus « édulcorée », moins outrancière et ne commet plus de graves délits. De plus, dans l’espoir de ménager les possibles susceptibilités, les librettistes Meilhac et Halévy créèrent le personnage de Micaëla, absent chez Mérimée, apportant ainsi une sorte de contrepoint consensuel au personnage de Carmen. Micaëla, fiancée de Don José, pure et naïve, capable de traverser les dangereuses montagnes de l’Espagne pour rejoindre son bien-aimé, incarnait à elle seule la tradition romantique et offrait un contraste saisissant avec Carmen, personnification de la sensualité.

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6 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CARMEN

CARMEN

Les premières réactions du public et de la critique

Carmen et ses détracteurs acharnésLa critique eut la dent dure. Henri Eugène, le 21 mars 1875 dans Le Menestrel, décrit ainsi le personnage de Carmen: « indécente et cruelle, sauvage, moitié gitane et moitié andalouse ou à l’inverse, sensuelle, gogue-narde, effrontée, ne croyant ni à Dieu ni au diable, la véritable prostituée de la bourbe et du carrefour ».Le public parisien est heurté, choqué par l’histoire de cette séductrice bohémienne. On en boucherait presque les oreilles des jeunes filles à marier. Carmen est jugée vulgaire, contraire aux bonnes moeurs. Il faudrait « la bâillonner et mettre un terme à ses coups de hanches effrénés en l’enfermant dans une camisole de force » écrit même le musicologue Oscar Commettant dans le journal Le Siècle (France musique, les greniers de la mémoire).

Carmen et ses défenseursinconditionnelsCependant, si certains détracteurs s’acharnent, très rapidement, l’opéra de Bizet trouve ses défenseurs inconditionnels : Saint-Saëns : « Enfin j'ai vu Carmen, c’est un chef d'œuvre et je ne te l'envoie pas dire. » Nietzsche : Cette œuvre délivre ! [...] J’envie Bizet d’avoir eu le courage de cette sensibilité plus méridio-nale, plus brune, plus brûlée... Enfin l’amour, l’amour re-transposé dans la nature originelle... L’amour dans ses moyens de guerre, dans son principe de haine mortelle des sexes. » (Lettres à Peter Gast). Ou encore Théodore de Banville qui, lui, approuve la disparition de « ces jolies poupées bleu ciel et rose qui firent la joie de nos pères au profit de vrais hommes et de vraies femmes, éblouis et torturés par la passion.» (Le National, 8 mars 1875)Quant à Tchaïkovsky, il annonce en prophète : « D’ici dix ans, Carmen sera l’opéra le plus célèbre de la pla-nète ». Le succès de l’œuvre est scellé. Mais Bizet n’assistera pas au réchauffement des salles, puisqu’il disparait en juin 1875.

Le livret et le rôle-titre de Carmen trans-gressaient toutes les habitudes culturelles et morales du moment. En effet, après la Commune et la défaite de Sedan, les

conservateurs catholiques souhaitent « remoraliser » la France. Dans ce contexte de rigueur morale, le pari de Bizet de faire accepter du public un sujet fort différent de ceux qu’on lui proposait d’ordinaire était délicat et audacieux. En effet, alors que le public bourgeois de l’Opéra Comique était habitué aux histoires qui finissent bien, aux personnages d’innocentes orphelines et de dociles demoiselles, il fit de son héroïne une femme libre de corps et d’esprit qui chante: « Si tu ne m’aimes pas, je t’aime. Si je t’aime, prends garde à toi !», propos inconvenants pour des jeunes filles à marier !Le spectateur apprécia les deux premiers actes, avec le chœur des gamins («Avec la garde montante»), l’en-trée des cigarières («La cloche a sonné»), les couplets d’Escamillo («Votre toast...») ou le quintette des contrebandiers («Nous avons en tête une affaire»), mais fut choqué et scandalisé par l’héroïne aux mœurs légères et aux passions ravageuses qui, par-dessus le marché, est assassinée sur scène, à la fin de l’ouvrage.

Dessin du costume de Carmenau 2ème acte, 1875.

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7CARMEN • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

CARMEN

Carmen dérange toujours

À Séville : amour, contrebandiers, séduction & jalousie

C armen c’est avant tout de l’émotion, de l’amour, des trahisons, des hors-la-loi, un crime passionnel… Le tout à Séville, au XIXème siècle. Tout commence sur une

place de la ville, entre la caserne de police et une usine de cigares. Don José est brigadier à la caserne tandis que Carmen, la gitane qui charme tous les hommes (et fait enrager les femmes), y travaille comme ouvrière. Railleuse, à peine la cloche a-t-elle sonné la sortie qu’elle provoque une bagarre et finit par marquer avec son couteau une croix sur le front de son adversaire : Carmen doit être emprisonnée. La tâche est confiée au brigadier Don José! Mais celui-ci est ensorcelé par la belle et la laisse s’enfuir. Pour l’amour de Carmen, il va abandonner sa fiancée Micaëla, déserter et rejoindre les contrebandiers. Mais il a mauvaise conscience, s’adapte mal à la vie de hors-la-loi et la jalousie le dévore. Carmen va se lasser de lui et se lais-ser séduire par le célèbre torero Escamillo...

Carmen, c’est l’objet de tous les fantasmes, la mise en scène de ce qu’une société, à une époque donnée, considère comme sensuel ou sulfureux, indécent ou provo-

cant. Pas étonnant donc, que cet opéra fasse encore et toujours scandale, plus de 100 ans après sa créa-tion. Encore aujourd’hui, Carmen dérange. En 1982, l’opéra choque en Chine car la représentation est jugée scabreuse, tandis qu’en 2014 le West Australian Opera de Perth, en Australie, avait retiré de l’affiche l’opéra de Bizet, car la direction avait jugé qu’il faisait l’apologie du tabac. Le critique Cameron Woodhead s’était moqué de cette censure politiquement correcte, en remarquant que Carmen n’avait pas été annulé pour «sa représentation du crime organisé ou de la vio-lence domestique, mais à cause de l’usine de cigarettes où travaille le personnage principal» (France musique).

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8 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CARMEN

CARMEN LES PERSONNAGES

Carmen (voix mezzo-soprano)ACTE I Carmen apparaît en cigarière sortant de la fabrique de cigares, elle est donc vêtue simplement. Elle entonne sa fameuse Habanera sensuelle sur un rythme balancé.L’amour est un oiseau rebelle, où elle évoque les caprices, de l’amour : « Si tu ne m’aimes pas je t’aime. » La belle Carmen attire toutes les convoitises des hommes. Mais, libre, elle aime à sa guise. La fleur qu’elle jette à Don José marque le début du désir de celui-ci pour elle.

PISTE 1

Air de la Habanera : « L’amour est enfant de bohème »

Nietzsche, défenseur de l’opéra avait dit à propos de cette Habanera : « C’est un exercice de séduction, irré-sistible, satanique, ironiquement provocant. C’est ainsi que les anciens imaginaient Eros. Je ne connais rien de semblable en musique. » (Lettres à Peter Gast)C’est un tube planétaire qui évoque les caprices et la liberté fantasque de l’amour et nous permet de découvrir la personnalité de Carmen. Ecoutez l’ac-compagnement, il s’agit d’un ostinato (rythme qui se répète) de deux rythmes, qui constitue la particularité de la Habanera, rythme venant de Cuba par la suite importé en Espagne. Par-dessus cet ostinato la voix de mezzo-soprano esquisse une mélodie descendante, faite de chromatismes (petits intervalles enchainés) qui dessinent le personnage énigmatique de Carmen. Si l’on suit la ligne avec son doigt, comme pour dessi-ner la mélodie, on distingue un chemin tortueux, sinueux, comme si Carmen était insaisissable. Cette ligne sinueuse évoque une image de tentatrice.

Voici la costumière Andréa Schmitt-Futterer, chargée d’imaginer les costumes de cette nouvelle production de Carmen. Le travail est conséquent : elle élabore

des maquettes pour chacun des personnages, mais aussi pour l’ensemble des choristes. Ensuite, ce sont les ateliers costumes du Grand Théâtre qui vont réaliser les costumes en prenant les mesures de chaque chanteur. La costumière intervient de temps en temps pour valider le travail effectué dans les ateliers. Les ateliers ont un mois pour effectuer le travail. D’autre part, l’opéra est réparti en quatre actes et les changements de costumes seront nombreux. Il est intéressant de voir à quel point les costumes sym-bolisent l’état d’esprit du personnage, sa situation, le contexte.

La costumière, Andréa Schmitt-Futterer

Les principaux personnages :leurs airs et leurs costumesvus par Andrea Schmitt-Futterer

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9CARMEN • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

LES PERSONNAGES CARMEN

CARMEN Près des remparts de Séville, Chez mon ami Lillas Pastia, J’irai danser la séguedille Et boire du Manzanilla ! J’irai chez mon ami Lillas Pastia. Oui, mais toute seule on s’ennuie, Et les vrais plaisirs sont à deux...Donc pour me tenir compagnie, J’amènerai mon amoureux ! Mon amoureux …il est au diable...Je l’ai mis à la porte hier ! Mon pauvre cœur, très consolable, Mon cœur est libre comme l’air ! J’ai des galants à la douzaine, Mais ils ne sont pas à mon gré. Voici la fin de la semaine, Qui veut m’aimer ? Je l’aimerai ! Qui veut mon âme ? Elle est à prendre ! Vous arrivez au bon moment, Je n’ai guère le temps d’attendre, Car avec mon nouvel amant...Près des remparts de Séville, Chez mon ami Lillas Pastia, J’irai danser la séguedille Et boire du Manzanilla.

PISTE 2

Séguedille et duo« Près des remparts de Séville »

Carmen vient d’être arrêtée, elle reste seule avec Don José pendant que le lieutenant Zuniga est allé rédiger son ordre d’incarcération. Ce duo entre Carmen et Don José est une scène de séduction, dans laquelle Carmen réussit par le chant et la danse à charmer le brigadier qui finira par lui ôter ses liens. La séguedille est une danse chantée espagnole au tempo rapide qui permet de donner une couleur locale à ce duo. Cervantes cite déjà cette danse dans La gitanilla. La mélodie introductive est reprise par Carmen, avec de nombreux ornements et un accompagnement très léger qui semble évoquer la guitare à travers les pizzicatos (cordes pincées et non frottées avec l’ar-chet) des violoncelles. Le dialogue de Carmen avec la flûte traversière évoque la sensualité. Quant au texte, il évolue suivant un schéma bien précis : elle est libre (mon amoureux, il est au diable ! je l’ai mis à la porte hier) et promet l’amour à qui prendra son âme... Carmen se met en scène et fait miroiter à Don José l’harmonie d’un duo si bien qu’elle finit par utiliser la première personne du pluriel (nous danserons la séguedille): Don José est conquis.

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10 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CARMEN

CARMEN LES PERSONNAGES

CARMEN Nous danserons la séguedille, En buvant du Manzanilla.

DON JOSÉ Tu le promets ! Carmen ! Tu le promets !...

CARMEN Ah! Près des remparts de Séville Chez mon ami Lillas Pastia, Nous danserons la séguedille Et boirons du Manzanilla, Tra la la !

DON JOSÉ Le lieutenant !...Prenez garde.

ACTE II Carmen est à la taverne, chez Lilas Pastia, et tenue de gala oblige, la voici en Carmencita. C’est le moment où le Torero fait son apparition. Danses, chants, Carmen est séduite par le personnage, sûr de lui et convain-cant. Carmen à la fin de cet acte, entame un numéro de séduction pour Don José… Va-t-il préférer les cas-tagnettes aux clairons qui sonnent ?

Duo Carmen, Don Jose« Je vais danser en votre honneur »

Oui, j’irai chez mon ami Lillas Pastia ! Don José Tais-toi, je t’avais dit de ne pas me parler.

CARMEN Je ne te parle pas, je chante pour moi-même. Et je pense... il n’est pas défendu de penser. Je pense à certain officier, qui m’aime Et qu’à mon tour, je pourrais bien aimer !

DON JOSÉCarmen !...

CARMEN Mon officier n’est pas un capitaine, Pas même un lieutenant, il n’est que brigadier. Mais c’est assez pour une bohémienne Et je daigne m’en contenter !

DON JOSÉCarmen, je suis comme un homme ivre, Si je cède, si je me livre, Ta promesse, tu la tiendras...Ah ! Si je t’aime, Carmen, Carmen, tu m’aimeras...

CARMEN Oui...DON JOSÉ Chez Lillas Pastia,...

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11CARMEN • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

LES PERSONNAGES CARMEN

PISTE 3

Carmen, grâce à la voix et la danse accompagnées de castagnettes, décline toute sa sensualité. S’ensuit un duo avec Don José où les clairons le rappellent à l’ordre. L’imbrication des deux mondes, celui de la sensualité et celui de la rigueur militaire, constitue un moment musical très intéressant de dualisme.

Acte IIINous sommes dans la montagne où Carmen a entraî-né Don José. Avec leurs acolytes, ils préparent un coup de contrebande. Le manteau en cuir révèle le côté sauvage et obscur de Carmen qui vante les mérites de la vie libre dans les montagnes. Mais Carmen s’est lassée de Don José, pas assez audacieux pour savourer la vie en hors-la-loi. Désormais elle est amoureuse du torero Escamillo! C’est dans cet acte qu’elle entonne le célèbre air des cartes d’une grande noirceur, où chaque tirage lui annonce inexorablement la mort : « la carte impitoyable, répète la mort ».

PISTE 4

Air des cartes youtube.com/watch?v=rqSN04DLWtI Un extrait vidéo avec la célèbre Teresa Berganza

Dans le récitatif accompagné, Carmen découvre les cartes fatidiques qui annoncent sa mort prochaine. « Carreaux, piques ». Le motif de cinq notes descen-dantes, générateur de toute l’œuvre (leitmotif, c’est-à-dire un motif qui est présent dans toute l’œuvre et qui fait référence ici à la mort) évoque la chute inexorable, la destinée tragique, le drame. D’autre part le chromatisme descendant contribue encore à évoquer la fatalité et le drame qui se noue. Puis vient l’air, accompagné d’un ostinato rythmique, sur lequel se développe la ligne de chant, un peu comme si nous entendions battre le cœur de Carmen. Sa vie semble prise dans un étau fatal.

CARMEN Voyons, que j’essaie à mon tour. (Elle se met à tourner les cartes). Carreau, pique ... la mort ! J’ai bien lu ... moi d’abord. Ensuite lui … Pour tous les deux la mort! En vain pour éviter les réponses amères, en vain tu mêleras; cela ne sert à rien, les cartes sont sincères et ne mentiront pas. Dans le livre d’en haut

si ta page est heureuse, mêle et coupe sans peur, la carte sous tes doigts se tournera joyeuse, t’annonçant le bonheur. Mais si tu dois mourir, si le mot redoutable est écrit par le sort, recommence vingt fois, la carte impitoyable répétera: la mort! tournant les cartes Encor! Encor! Toujours la mort! FRASQUITA ET MERCÉDÈS Parlez encor, parlez mes belles, etc. CARMEN Encore! Le désespoir! Toujours la mort!

Acte IVC’est jour de fête, Carmen est vêtue richement et s’apprête à voir son amant déjouer le taureau dans les arènes. Le véritable combat ne sera pas celui-là, mais celui de Carmen face à Don José. Ce dernier la supplie de lui revenir… Mais Carmen refuse et préfère mourir que de renoncer à ses aspirations de liberté.

Frasquita et Mercédès, les comparses de Carmen à l’acte IV

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12 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CARMEN

CARMEN LES PERSONNAGES

Escamillo (voix de baryton)

Le torero, est vêtu d’une cape et se promène avec sa navaja (couteau à cran d’arrêt). La voix d’airain de baryton confère au personnage son côté convaincant, sûr de lui et rassurant. A la différence de Don José, Escamillo apparaît comme un être viril, courageux et bravant tous les dangers.

PISTE 6

Air du toreador A l’acte II, Escamillo entonne les couplets « Votre toast, je peux vous le rendre ». Le chœur précède et annonce l’arrivée du torero Escamillo, vainqueur des courses de Grenade (« Viva ! Viva le torero ! Viva ! Viva Escamillo»). L’air de bravoure pour baryton, dans lequel Escamillo se met en scène, est soutenu par un orchestre brillant dans lequel les cuivres jouent un rôle de premier plan. La première partie est une des-cription de l’ambiance de fête de la corrida: le tempo est vif, les phrases sont courtes et bien marquées, et l’orchestre soutient le discours par un accompagne-ment en motif de marche joué par les cuivres (cors, trompettes, trombones) : les interventions d’Escamillo sont encadrées de phrases ascendantes très rapides (après « fureur », « cœur »). Le refrain présent dans le prélude initial réapparaît. Fier de ses prouesses, Escamillo s’exprime avec une certaine arrogance. Toutes les caractéristiques de la marche sont réunies (mélodie simple, mesure binaire c’est-à-dire à deux temps, rythme bien marqué) afin d’illustrer le face à face de la corrida.

Micaëla (voix de soprano)

PISTE 5

Duo Micaëla Don José La fiancée de Don José est l’antithèse de Carmen, le costume est parlant. Bien élevée, fervente, elle a un amour pur pour Don José. La couleur bleue rappelle en effet sa candeur, et le vêtement dans le style des années 1950 révèle une femme de tradition, loin de la libération des corps que l’on trouve dans le per-sonnage de Carmen. Le choix de la voix de soprano n’est pas non plus anodin : elle est plus proche des anges, alors que la voix plus grave de mezzo-soprano de Carmen rappelle davantage la sensualité du per-sonnage.

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13CARMEN • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

LES PERSONNAGES CARMEN

Don José (voix de ténor)Complétement fou de désir pour Carmen, il renonce à tout : sa fiancée, son statut social de soldat, sa famille. Il est entraîné vers une destinée tragique qui le pousse au meurtre. Ce rôle demande une véritable technique de chant : un beau legato (belle ligne de chant homo-gène) dans la voix et la faculté d’utiliser des couleurs douces d’un homme amoureux mais aussi la noirceur vocale d’un personnage offensé et plongé dans le désespoir, la jalousie excessive et la folie de la passion.

PISTE 7

Air de Don José« La fleur que tu m’avais jetée »

À l’acte II, Don José, sanctionné pour avoir laissé échapper sa prisonnière, sort de captivité et retrouve Carmen. Il tire de sa veste d’uniforme la fleur que Carmen lui a jetée au premier acte. Comme pour la Habanera de Carmen à l’acte I, le motif du Destin pré-cède l’air de Don José. Il est énoncé par le cor anglais. La musique adopte ensuite le ton de la confidence amoureuse (con amore, précise la partition). Don José fait part de ses sentiments à Carmen, objet de ses pensées depuis sa captivité. L’accompagnement en rythme syncopé et haletant suggère l’attente pleine du désir de revoir Carmen. Après les instruments de la famille des bois, ce même accompagnement est confié aux cordes (violons et altos) à partir des paroles : « Et pendant des heures entières». Le climax de la phrase « je m’enivrais » est mis en valeur par son écriture dans l’aigu chanté sur un la bémol. A partir de «Je me prenais à te maudire », le tempo s’anime pour marquer la dualité des sentiments de Don José. La mélodie en crescendo qui suit sur les paroles « Je m’accusais de blasphème... D’un seul désir », aboutit au large point d’orgue sur « te revoir ». C’est une déclaration pas-sionnée qui termine l’air sur des notes aiguës. « Car tu n’avais eu qu’à paraître, Qu’à jeter un regard sur moi, Pour t’emparer de tout mon être, Ô ma Carmen ». Le point culminant de la mélodie est atteint en toute fin par le ténor, dans une nuance piano, qui en accroît la difficulté sur un si bémol aigu : « Et j’étais une chose à toi. Carmen, je t’aime ! » :

ESCAMILLOMessieurs les officiers, je vous remercie. Votre toast...Je peux vous le rendre, Señors, señors, car avec les soldats, Oui, les toreros peuvent s’entendre ; Pour plaisirs, ils ont les combats. Le cirque est plein, c’est jour de fête ! Le cirque est plein du haut en bas. Les spectateurs, perdant la tête, S’interpellent à grands fracas ; Apostrophes, cris et tapage Poussés jusques à la fureur. Car c’est la fête du courage, C’est la fête des gens de cœur. Allons ! En garde ! Allons ! Allons ! Ah !

TOUS Toréador, en garde, Toréador, toréador, Et songe bien, oui, songe en combattant Qu’un œil noir te regarde Et que l’amour t’attend, Toréador, l’amour t’attend !

ESCAMILLOTout d’un coup on fait silence ; On fait silence. Ah, que se passe-t-il ? Plus de cris, c’est l’instant, Le taureau s’élance en bondissant hors du toril...Il s’élance, il entre, il frappe, un cheval roule, Entraînant un picador. « Ah bravo toro ! », hurle la foule. Le taureau va... il vient... Il vient et frappe Encore! En secouant ses banderilles, Plein de fureur, il court ! Le cirque est plein de sang ; On se sauve, on franchit les grilles ; C’est ton tour maintenant. Allons, en garde ! Allons ! Allons ! Ah ! Toréador, en garde ! Toréador, toréador

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14 GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE • DOSSIER PÉDAGOGIQUE • CARMEN

DON JOSÉ La fleur que tu m’avais jetée, Dans ma prison m’était restée, Flétrie et sèche, cette fleur Gardait toujours sa douce odeur ; Et pendant des heures entières, Sur mes yeux, fermant mes paupières, De cette odeur je m’enivrais, Et dans la nuit je te voyais. Je me prenais à te maudire, À te détester, à me dire : Pourquoi faut-il que le destin L’ait mise là sur mon chemin ? Puis je m’accusais de blasphème, Et je ne sentais en moi-même, Qu’un seul désir, un seul espoir, Te revoir, ô Carmen, oui, te revoir !... Car tu n’avais eu qu’à paraître, Qu’à jeter un regard sur moi, Pour t’emparer de tout mon être, Ô ma Carmen, Et j’étais une chose à toi. Carmen, je t’aime.

Voici la version enregistrée des pistes. Il s’agit d’une version de 1950 enregistrée avec l’Orchestre et les chœurs de l’Opéra Comique avec Solange Michel (Carmen), Martha Angelici (Micaëla), Raoul Robin (Don José), Michel Dens (Escamillo) dirigés par André Cluytens.

CARMEN LES PERSONNAGES