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L’Asie du Sud et de l’Est DOSSIER N°4a Mumbai : modernité, inégalités. Mumbai, métropole de l’Union indienne, située sur le littoral de l’Océan Indien, est une mégapole de 21 à 22 millions d’habitants (source WUP 2014), soit la cinquième mégapole du monde et la seconde dans l’Union indienne (après Delhi). La ville (qui s’appelait Bombay jusqu’en 1996) est connue dans le monde entier pour ses film dits de « Bollywood », dont certains décrivent la vie quotidienne de cette gigantesque agglomération (tels que Slumdog Millionnaire ou The Lunchbox). Mumbai est une grande métropole représentative des pays du Sud, particulièrement des pays émergents des BRICS (dont l’Union indienne fait partie), mais c’est aussi une ville mondiale, parmi les plus importantes de notre planète. Quels sont les caractères qui font de Mumbai une ville mondiale ? Quelles sont les inégalités qui fragilisent l’espace urbain de Mumbai ? Quels sont les défis d’aménagement que Mumbai doit relever ? Pour y répondre, nous aborderons successivement les aspects de la modernité de Mumbai, puis les fragilités d’une croissance rapide et mal maîtrisée, avant d’analyser les défis d’aménagement auxquels sont confrontés les gestionnaires de l’organisation de l’espace urbain à Mumbai. I) Modernité d’une métropole mondiale : documents pp. 270- 271. 1h Répondre aux questions 1 à 3 p. 271. I.1) Mumbai, la cinquième mégapole du monde : Le doc 2 qui est un texte extrait d’une revue de géographie, l’affiche 3 du festival de film de Mumbai et le graphique d’évolution de la population dans l’agglomération de Mumbai 5, permettent de comprendre que Mumbai est une mégapole majeure qui rassemble 12Mh dans la municipalité seule (c’est une mégapole et pas une mégalopole) et 21à 22Mh dans la région métropolitaine. 1

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L’Asie du Sud et de l’Est

DOSSIER N°4a

Mumbai : modernité, inégalités.

Mumbai, métropole de l’Union indienne, située sur le littoral de l’Océan Indien, est une mégapole de 21 à 22 millions d’habitants (source WUP 2014), soit la cinquième mégapole du monde et la seconde dans l’Union indienne (après Delhi). La ville (qui s’appelait Bombay jusqu’en 1996) est connue dans le monde entier pour ses film dits de « Bollywood », dont certains décrivent la vie quotidienne de cette gigantesque agglomération (tels que Slumdog Millionnaire ou The Lunchbox). Mumbai est une grande métropole représentative des pays du Sud, particulièrement des pays émergents des BRICS (dont l’Union indienne fait partie), mais c’est aussi une ville mondiale, parmi les plus importantes de notre planète.

Quels sont les caractères qui font de Mumbai une ville mondiale ? Quelles sont les inégalités qui fragilisent l’espace urbain de Mumbai ? Quels sont les défis d’aménagement que Mumbai doit relever ?

Pour y répondre, nous aborderons successivement les aspects de la modernité de Mumbai, puis les fragilités d’une croissance rapide et mal maîtrisée, avant d’analyser les défis d’aménagement auxquels sont confrontés les gestionnaires de l’organisation de l’espace urbain à Mumbai.

I) Modernité d’une métropole mondiale : documents pp. 270-271. 1h

Répondre aux questions 1 à 3 p. 271.

I.1) Mumbai, la cinquième mégapole du monde :

Le doc 2 qui est un texte extrait d’une revue de géographie, l’affiche 3 du festival de film de Mumbai et le graphique d’évolution de la population dans l’agglomération de Mumbai 5, permettent de comprendre que Mumbai est une mégapole majeure qui rassemble 12Mh dans la municipalité seule (c’est une mégapole et pas une mégalopole) et 21à 22Mh dans la région métropolitaine.

I.2) Une métropole majeure à l’échelle nationale et mondiale :

Le doc 2 qui est un texte extrait d’une revue de géographie, l’affiche 3 du festival de film de Mumbai et le graphique d’évolution de la population dans l’agglomération de Mumbai 5, permettent de comprendre que Mumbai est une métropole majeure à l’échelle nationale par le poids de ses activités de production, et à l’échelle mondiale par ses fonctions urbaines supérieures regroupées dans le CBD de l’ « Island city » (ville-centre ancienne organisée par les colons anglais) à Nariman Point et dans les nouveaux quartiers d’affaires et de commerce du BKC (Bandra Kurla Complex) et de l’ODC (Oshiwara District Centre), ainsi que par son rayonnement culturel de ville majeure du cinéma bollywoodien. Les prix de l’immobilier traduisent cette émergence de la métropole devenue une ville mondiale.

I.3) Des aménagements qui facilitent l’insertion de Mumbai dans la mondialisation :

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L’Asie du Sud et de l’Est

Le doc. 1 qui est une photographie du nouveau pont construit en 2009 entre le BKC et le quartier de Worli, la photographie 4 du BKC, le croquis 6 de la région métropolitaine et la photographie p. 264 du Palladium de Worli illustrent l’insertion de Mumbai dans le processus de mondialisation. Nous y retrouvons les éléments d’une ville mondiale qui multiplie les aménagements pour assumer son statut et être plus attractive : nouveaux quartiers d’affaires, ville nouvelle de Navi-Mumbai, nouvelles infrastructures (port, ponts, aéroport international) améliorant son accessibilité, grands hôtels et commerces de luxe, organisation de manifestations culturelles (festival de cinéma).

La modernisation de Mumbai conduit à une déconcentration des activités de la ville-centre vers le Nord de la municipalité et vers les villes de la région métropolitaine plus généralement.

II) Des inégalités sociales et spatiales trop importantes : documents p. 272. 1h

Répondre aux questions 1 à 2 p. 272.

II.1) Des inégalités sociales qui s’inscrivent dans l’organisation de l’espace et dans les paysages urbains :

La photographie 7 du quartier résidentiel riche de Tardeo, la photographie d’un mariage dans la classe moyenne, la carte de l’IDH dans la municipalité de Mumbai, et la photographie du slum (bidonville) de Dharavi p. 265 révèlent des inégalités sociales considérables à Mumbai. Par exemple l’IDH varie du simple au double entre les quartiers populaires de l’Est et les quartiers riches de Tardeo et Malabar Hill.

II.2) Plus de 40% de la population occupe un logement précaire :

La carte 8 indiquant le pourcentage de la population vivant dans des bidonvilles appelés « slums » et la carte 10 révèlent un phénomène de ségrégation socio-spatiale (séparation par quartiers en fonction du niveau de fortune et de l’appartenance à une caste). Les quartiers les plus défavorisés sont ceux de l’Est et du Nord-Ouest.

II.3) Les classes moyennes ou aisées affichent leur réussite :

Les quartiers résidentiels de standing attirent les grosses fortunes du pays (MUKESH AMBANI et sa résidence privée ANTILIA) et les célébrités de Bollywood. Le luxe et la grande misère se côtoient mais sans cohabiter.

III) De grands défis d’aménagement : documents pp. 273-274. 1h

Répondre aux questions 1 à 4 p. 274.

III.1) Les acteurs de l’aménagement de Mumbai investissent pour moderniser les réseaux de transport saturés :

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Les deux textes 11 et 13 p. 273, le dessin 14 p 173, la photographie 15 et le texte 16 p. 274 permettent de faire la liste des principaux acteurs de l’aménagement de Mumbai. Ce sont des organismes publics indiens (municipalité de Mumbai, région métropolitaine MMRDA, Etat de Maharastra), des organisations internationales (Banque mondiale), des acteurs privés (promoteurs immobiliers), agissant selon le principe d’emboîtement des échelles de gestion de l’espace. Le texte 17 et le croquis 18 complètent ce dossier et montrent que la modernisation de Mumbai se poursuit par la mise en place de transports urbains collectifs tels que le métro et un monorail, ainsi que par la création de plusieurs centres d’affaires. Métro, monorail, routes, ponts, infrastructures portuaires et aéroportuaires sont en cours de réalisation.

III.2) Une politique de réhabilitation des « slums » :

L’affiche de film 12 p. 273 concernant le quartier des pipe-lines détruit en 2011 montre que les aménageurs détruisent les slums et les rénovent en s’efforçant de reloger les habitants, en faisant appel aux promoteurs immobiliers qui bénéficient de moyens importants pour construire des espaces résidentiels et de services. L’ensemble des documents montre que la disparition des slums et la modernisation de Mumbai sont liées car les bidonvilles attisent les convoitises des aménageurs et des promoteurs immobiliers par leur situation géographique centrale et par les possibilités de profits que permet la modernisation de ces quartiers qui couvrent de vastes surfaces.

III.3) Mais des aménagements controversés générant des tensions sociales :

Les populations les plus pauvres n’ayant aucun titre de propriété sont repoussées vers la périphérie où elles résideront dans des conditions d’insalubrité et de misère. La corruption généralisée détourne les moyens alloués à la rénovation et enrichit fonctionnaires et promoteurs. La ségrégation socio-spatiale s’en trouve renforcée.

Ainsi, Mumbai est bien une métropole moderne au rayonnement mondial, mais les inégalités sociales et spatiales sont trop importantes et plus de 40% de la population est dans une situation précaire qui contraste avec la richesse affichée par une minorité, ce qui conduit à des tensions sociales et rend plus difficiles les efforts d’aménagement urbain projetés ou en cours. Les acteurs de l’aménagement urbain doivent impérativement trouver des solutions durables et relever tous ces défis. Mumbai sera-t-elle capable de rester la métropole de l’Union indienne au moment où ce pays devient la 6e puissance économique mondiale ?

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L’Asie du Sud et de l’Est

DOSSIER N°4b

L’Asie du Sud et de l’Est : les défis de la population et de la croissance.

L’Asie méridionale réunit tous les pays de la péninsule indienne, autour de l’Inde (Pakistan, Népal, Bhoutan, Bangladesh, Sri Lanka, Maldives) tandis que l’Asie orientale réunit l’ensemble des pays asiatiques de la façade pacifique (membres de l’APEC, sauf Corée du Nord). Cet ensemble offre une certaine unité géographique (climats humides de mousson, civilisations du riz qui expliquent les fortes densités de population enregistrées presque partout). Cet espace est marqué par une croissance économique rapide et spectaculaire, résultat d’une adaptation réussie des économies nationales aux impératifs de la mondialisation (surtout depuis les années 1980). Cet espace réunit plus de 3.880.000.000 d’habitants, soit plus de 1/2 de la population mondiale.

Quels sont les défis posés par cette croissance spectaculaire ?

Pour y répondre, nous étudierons tout d’abord les défis du peuplement et de l’urbanisation, puis ceux posés par la croissance économique, avant de terminer par les disparités croissantes de cet ensemble géographique analysé à différentes échelles.

I) Les défis du peuplement et de l’urbanisation  : 1 heure

I.1) Plus de la moitié de la population mondiale :

L’Asie méridionale et orientale réunit plus de 3.800.000.000 habitants, la Chine et l’Inde étant les deux pays les plus peuplés du monde. L’Asie orientale possède des densités de population parmi les plus élevées du monde (dans l’espace que nous avons choisi d’étudier, les densités sont > à 100h/km² partout). C’est en partie un héritage historique pour les zones rurales (civilisations du riz, une céréale permettant jusqu’à trois récoltes par an et nécessitant une main-d’œuvre nombreuse pour les travaux agricoles et l’entretien des aménagements agricoles, dans le cadre de communautés rurales très structurées où le sens du travail collectif est valorisé). C’est un héritage des civilisations du riz, céréale qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre et fournit des récoltes abondantes. Cependant, les dynamiques démographiques sont très contrastées (comparer Chine et Inde).

I.2) Deux défis démographiques majeurs :

Ce sont le vieillissement de la population (très prononcé au Japon) et le déséquilibre entre les sexes (héritage des cultures rurales).

I.3) Une urbanisation rapide et disparate :

Cet espace a un taux d’urbanisation moyen, mais il possède les plus grandes agglomérations du monde, dont Tokyo (environ 37Mh). Le Japon possède en effet la première mégapole du monde (Tokyo, 37Mh), ainsi que deux autres mégapoles majeures (Nagoya et Osaka 11Mh). L’ensemble forme la mégalopole japonaise

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devenue l’hypercentre de l’Asie orientale (équivalent asiatique de la Mégalopolis). La Corée du sud possède deux métropoles (Séoul 10Mh et Pusan). La Chine littorale est dominée par six mégapoles dont la croissance démographique a été très rapide (Beijing ou Pékin la capitale 12Mh, Chongqing, Shanghai métropole économique et financière de la Chine peuplée de 17 à 18 M h, Hong Kong qui est associée à Shenzhen 9Mh et à Guangzhou ou Canton 9Mh également). Cette urbanisation est inégalement maîtrisée.

II) Les défis posés par la croissance économique  : 1 heure

II.1) L’Asie du Sud et de l’Est, principal pôle de croissance de l’économie mondiale :

Aujourd’hui la croissance économique de l’Asie orientale en fait l’espace en développement le plus important du monde. Dans un contexte économique de crise mondiale, tous les pays de l’Asie orientale affichent des taux de croissance élevés, à l’exception du Japon (0,6% en 2015). Le PIB chinois a augmenté de 6,8%, celui de l’Inde de 7,3% en 2015. Le poids de l’Asie du Sud et de l’Est dans l ‘économie mondiale est donc considérable. Plus de 3.900Mh en 2015, soit 54% de la population mondiale, 22.500Mds$ de PIB en 2014, soit 29% du PIB mondial. Le Japon, 3e

puissance économique du monde a bénéficié d’un passé industriel (décollage dès le milieu du XIXe siècle, ère Meiji ou des Lumières de 1868 à 1911, Empereur Mutsuhito). Le PIB/h japonais est donc comparable à ceux des pays d’Europe occidentale, ce qui est aussi le cas des 4 dragons ou NPIA (nouveaux pays industrialisés d’Asie : Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong, Singapour) qui sont considérés aujourd’hui comme faisant partie des pays du Nord. Par contre, la Chine et les pays de l’ASEAN (marché commun de l’Asie du Sud-Est) sont encore classés dans les pays du Sud (sauf Singapour) en raison d’un PIB/h faible. Le « nouveau dragon » (Chine), les « tigres » (Indonésie, Malaisie, Vietnam, Thaïlande) et les « bébés tigres » (Laos, Cambodge, Birmanie) sont les « pays ateliers » du monde. Les pays de l’Aise du Sud (Union indienne et pays voisins) sont eux-aussi des PED, avec une population rurale plus importante et un retard marqué en matière de développement économique (le Népal, dévasté par un séisme meurtrier en 2015, le Pakistan et le Bangladesh, affaiblis par la guerre civile, sont des PMA).

II.2) L’Asie du Sud et de l’Est, espace fortement intégré dans la mondialisation :

L’Asie orientale et méridionale fournit l’essentiel des consoles de jeux, des lecteurs MP3, des appareils photo numériques, des télés écrans plats, des PC portables, des téléphones mobiles produits dans le monde. La Chine produit 70% des photocopieurs, 55% des appareils photo, 50% des ordinateurs, 60% des bicyclettes, 50% des chaussures, 70% des jouets, 83% des tracteurs et 43% des textiles vendus dans le monde en 2008. Les produits manufacturés représentent plus de 70% des exportations chinoises : la Chine est bien devenue le plus grand NPI du monde (un NPI a une production industrielle > 25% PIB et consacre plus de 50% de ses exportations à des produits manufacturés). La part des exportations chinoises dans les échanges mondiaux est passée de 1,2% en 1983 à 7,5% en 2006 et 12,1% en 2013 (numéro 1 mondial). La Chine est aujourd’hui le pays le mieux intégré dans le commerce mondial de marchandises. L’Asie orientale et méridionale est traversée

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de flux commerciaux majeurs, s’appuyant sur la première façade maritime du monde. Nous savons que l’Asie orientale possède 16 des 20 premiers ports de commerce du monde (dont 13 en Chine) et 15 des premiers ports de conteneurs du monde (dont 9 en Chine) en 2013 (source IEM). Shanghai est le premier port de conteneurs du monde, devant Singapour, avec plus de 30 millions d’EVP en 2013. Singapour, cité Etat membre de l’ASEAN (marché commun de l’Asie du SE), troisième port du monde par son trafic et second port mondial de conteneurs, est l’un des plus grands hubs du monde (point central d’un réseau de transports où est assuré un maximum de correspondances) et une plate-forme multimodale assurant le relai entre différents modes de transport. La cité-Etat possède un CBD (centre des affaires) avec bourse des valeurs, des sièges sociaux de FTN s’y trouvent. Singapour est majoritairement peuplée de familles de la diaspora chinoise, qui assure 25% des échanges internationaux de la Chine (d’où des flux informels majeurs). Mais Singapour est aussi le centre d’une activité transfrontalière associant les populations des pays voisins : triangle de prospérité SIJORI (Singapour, Johor, Riau). Singapour délègue à ses voisins les activités portuaires secondaires et le tourisme (surtout vers l’Indonésie) ainsi que les ateliers de production des zones industrielles (surtout vers la Malaisie), la cité Etat se réservant le port de conteneurs et les activités financières. L’Inde n’a pas bénéficié d’une ouverture aussi rapide et précoce, et tente de rattraper son retard depuis les années 1990 par la « politique du regard vers l’Est ». Le nouveau PM indien, Narendra MODI, élu en mai 2014, a visité 33 pays pour inciter les entreprises étrangères à s’installer en Inde (main-d’œuvre abondante et bon marché, procédures administratives simplifiées), mais le pays manque d’infrastructures adaptées, notamment en matière de transports, et la très large autonomie des Etats qui composent l’Union indienne est un frein important (il y a des taxes intérieures lorsqu’on passe d’un Etat indien à un autre).

III) Les défis posés par les disparités, à différentes échelles  : 1 heure

III.1) L’Asie du Sud et de l’Est, des disparités à l’échelle locale :

Au Japon, pays montagneux composé d’un archipel d’îles aux plaines côtières étroites, se pose le problème de la rivalité pour l’occupation de l’espace littoral entre l’habitat, les activités industrielles et les moyens de transport (les autoroutes suspendues et les voies ferrées traversent des zones très densément peuplées), ce qui fragilise les populations dans une zone très exposée aux risques majeurs (séismes, tsunamis, cyclones). Voir les effets du séisme de Sendai du 11 mars 2011, qui a désorganisé l’économie japonaise en provoquant l’accident nucléaire de Fukushima. Nous savons que des problèmes d’aménagement de l’espace urbanisé se posent dans tous les Etats, comme à Mumbai.

III.2) L’Asie du Sud et de l’Est, des disparités à l’échelle nationale :

Par exemple, l’organisation régionale du littoral chinois est le reflet d’une dualité de l’espace chinois qui se retrouve dans tous les domaines (ce qui correspond à la culture taoïste du yin et du yang). La carte montre que les territoires qui bénéficient de la croissance chinoise sont tous situés sur le littoral, à l’exception de deux provinces du centre. Ce sont aussi les provinces les plus riches, les plus densément peuplées. La Chine intérieure semble oubliée par la croissance (en particulier les provinces de l’ouest où vivent les minorités musulmanes et

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L’Asie du Sud et de l’Est

bouddhistes, persécutées comme au Tibet). Pourtant la Chine intérieure fournit au littoral la main-d’œuvre et l’énergie nécessaires au dynamisme du littoral (barrage des Trois Gorges sur le Yangzi achevé en 2003 après avoir déplacé 1,27 million de personnes, comportant une retenue d’eau de 660km de long, devenu le plus grand barrage du monde en 2009 lors de sa mise en service).

III.3) L’Asie du Sud et de l’Est, des disparités à l’échelle régionale :

Enfin, nous savons que cet espace ne dispose pas de structures politiques communes aux Etats qui le composent, leurs régimes politiques et leur situation économique étant très différentes, d’où les tensions engendrées par les rivalités entre puissances. Nous pouvons distinguer quatre grands ensembles. 1. Le Japon et les quatre « dragons » (Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour) sont des pays du Nord riches et développés, dont deux ont des régimes politiques démocratiques (Japon et Corée du Sud). Hong Kong est un cas particulier : territoire autonome rattaché à la Chine communiste, la ville bénéficie d’une autonomie menacée. Les trois autres Etats sont très liés aux Etats-Unis, même Taiwan qui n’est pourtant pas reconnu par les organisations internationales. 2. La Chine est la puissance dominante de l’Asie orientale (voir cours d’Histoire) et elle s’efforce de rattacher à son territoire les provinces revendiquées (Taiwan) tout en élargissant sa ZEE (Spratly). La Corée du Nord est un Etat enclavé protégé par la Chine. 3. Les « tigres » et « bébés tigres » de l’Asie du Sud-Est, sont membres de l’ASEAN (avec Singapour). Ce sont des pays de régime autoritaire, culturellement très divers (Indonésie et Malaisie musulmanes et hindouistes, le reste bouddhiste), qui connaissent une forte croissance économique (Vietnam) souvent dirigée par des investisseurs de la diaspora chinoise, mais qui tentent de se libérer de l’influence chinoise (accord du TPP signé par plusieurs pays de l’ASEAN). 4. L’Asie du Sud est dominée par l’Union indienne, devenue la 7e puissance économique mondiale en 2016 et qui tente de rattraper son retard économique par une « politique de l’Est ». Cependant, l’Asie du Sud est fragilisée par les tensions entre Hindouistes (majoritaires dans l’Union indienne) et Musulmans (majoritaires au Pakistan, Afghanistan, Bangladesh), ainsi qu’avec les Bouddhistes (Sri Lanka).

Ainsi, l’Asie du Sud et de l’Est est confrontée à une multitude de défis, dont le nombre et l’ampleur sont aux dimensions de cet espace. Le premier est le défi démographique, dans ses différentes composantes, et celui de l’urbanisation croissante. Le second est le défi de la croissance économique spectaculaire mais qui doit être maîtrisée et prolongée dans la longue durée. Le troisième est le défi des disparités multiples et des rivalités entre Etats et communautés diverses. Force est de constater qu’à ces différents défis, les Etats asiatiques ont apporté des réponses très diverses qui fragilisent la cohésion de cette « Asie des moussons » au rôle essentiel dans le processus de mondialisation.

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L’Asie du Sud et de l’Est

DOSSIER N°4c

Japon, Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales.

Objectif : analyser deux puissances asiatiques qui sont fortement intégrées dans le processus de mondialisation.

Le Japon est un empire démocratique, troisième puissance économique mondiale depuis 2010, dont le territoire est limité à 378.000 km², pour une population de 127Mh en milieu 2016, soit une densité de 336h/km². Le Japon fait partie des pays du Nord, riches et développés, et il constitue un élément essentiel de la Triade.

La Chine est une république de régime communiste depuis 1949 (voir cours d’Histoire), seconde puissance économique mondiale depuis 2010, dont le territoire est un subcontinent de 9,6 millions de km² (3e rang mondial) peuplé de 1.380Mh en milieu 2016 (1er rang mondial). C’est un pays du Sud, un PED qui fait partie des puissances émergentes du BRICS.

Pourquoi ces deux Etats sont-ils en concurrence à l’échelle régionale ? Quelles sont leurs ambitions mondiales respectives ?

Pour y répondre, nous verrons tout d’abord en quoi ces deux pays constituent des modèles économiques pertinents, avant d’expliquer pourquoi ces deux Etats s’affrontent à l’échelle régionale, ce qui nous permettra d’expliquer leurs ambitions respectives à l’échelle mondiale.

I) Japon, Chine   : deux puissances économiques offrant des modèles différents  1h

I.1) Le Japon, modèle d’économie libérale.

I.1.1) Une économie extravertie :

Le Japon a joué un rôle pionnier dans le développement économique de l’Asie orientale. Devenu une puissance industrielle dès 1868 (ère Meiji), ce pays a vu se former de grandes entreprises familiales, les zaibatsu (groupes industriels à capital familial né avant la Seconde Guerre mondiale). Après la défaite, la guerre de Corée permit la reconstruction rapide du Japon durant la période de « Haute Croissance » (1950 à 1973). C’est durant cette période que fut adoptée la stratégie en « vols d’oies sauvages » (définie par l’économiste Akamatsu KANAME dès 1937) qui assura la réussite des entreprises japonaises, en étroite concertation avec le gouvernement (comme les oies sauvages qui se déplacent toujours ensemble et avancent dans la même direction lors des migrations). Dans un premier temps furent importés des modèles étrangers qui furent copiés pour couvrir le marché intérieur. Puis les entreprises s’orientèrent vers l’exportation en développant d’abord l’industrie lourde (acier, constructions navales), puis le matériel de précision (photocopieurs, appareils photographiques) qui nécessitait une main-d’œuvre nombreuse, qualifiée et habile, avant de développer les industries de pointe dites de « matière grise » nécessitant une part croissance d’investissement dans la RD (haute technologie : robotique, électronique).

I.1.2) Une économie concertée :

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L’Asie du Sud et de l’Est

Le modèle japonais repose sur trois éléments essentiels. 1. Intégration bancaire et commerciale : les zaibatsu sont aujourd’hui remplacés par des keiretsu (conglomérats d’entreprises dirigés par des banques dont certaines sont d’anciens zaibatsu : Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo, d’autres sont nées après 1945 : Honda, Sony, Toyota, Fuji). La plupart des keiretsu, qui ont des participations de capitaux croisés, possèdent une Sogo Shosha (filiale « multiservices » fournissant au keiretsu les moyens d’exporter, assurant la gestion des intérêts de l’entreprise à l’étranger, jouant le rôle de banquier-relais pour les IDE). 2. Dualisme économique : les conglomérats intéressent leurs salariés en leur offrant des avantages (salaires élevés avec prime à l’ancienneté, avantages sociaux : logements, crèches, etc. ., parfois encore l’emploi à vie) en échange de contraintes (mobilité, heures supplémentaires). Les PME sont associées aux conglomérats et permettent la souplesse du système (travail en sous-traitance, mais conditions de travail plus difficiles et emplois précaires). 3. Concertation : à l’échelle nationale, l’Etat intervient dans l’économie grâce au METI (ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie) qui dirige les bureaux du JETRO et travaille en étroite concertation avec le zaikai (« monde des affaires », ensemble des organisations représentant les grandes entreprises comme le Keidanren = MEDEF japonais). Le METI conduit les restructurations, informe les entreprises, réglemente les marchés. Cela a permis aux entreprises de développer des méthodes de production innovantes dans les années de Haute Croissance : ainsi est né le toyotisme ou système des 5 zéros (zéro défaut, zéro délai, zéro stock, zéro panne, zéro papier : production en flux tendus, cercles de qualité chargés de proposer des solutions pour améliorer la marche de l’entreprise).

I.1.3) Un fonctionnement reposant sur le consensus social :

Voir Amélie NOTHOMB, Stupeur et tremblement, Ni d’Eve ni d’Adam. Fortement marqué par un héritage historique particulier (bouddhisme et shintoïsme, époque féodale des samouraïs), le modèle japonais repose sur le respect des 3P (patron, père, professeur). 1. Patron : on ne dit pas « je travaille chez… », mais « j’appartiens à… ». Le salarié se soumet volontiers aux règlements de l’entreprise : on ne prend pas tous les congés auxquels on a droit (d’où le karochi : mort par excès de travail). Les grévistes assurent leur service mais portent un badge. Les salariés chantent l’hymne de l’entreprise le matin. 2. Père : la vie familiale est importante, et nécessite des sacrifices financiers. Les réunions de famille sont un moment essentiel de la vie japonaise, notamment lors de la floraison des cerisiers. Les salariés épargnent pour leur retraite et celle de leurs proches (une prime de deux à quatre ans de salaire est versée au retraité, d’où la nécessité de capitaliser ou d’exercer un métier de complément : agriculteur, pêcheur). 3. Professeur : le Japon est l’empire du concours (examens de la maternelle à l’université : les familles doivent épargner des sommes considérables pour l’éducation des enfants, souvent inscrits dans des écoles privées pour préparer les examens de l’enseignement public qu’il faut absolument réussir).

I.2) La Chine, modèle d’économie dirigée :

I.2.1) Une économie extravertie :

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L’Asie du Sud et de l’Est

La Chine, pays communiste de régime autoritaire depuis 1949, s’est ouverte au marché mondial en 1979, selon le proverbe chinois « Peu importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu’il attrape les souris » (Deng Xiaoping). L’objectif des dirigeants était, après la mort de Mao Zedong, de rattraper le retard chinois dû à une politique introvertie (communes populaires, grand bond en avant et révolution culturelle). Le gouvernement s’efforça d’attirer les capitaux étrangers par une politique d’ouverture et d’assouplissement. La Chine littorale a tiré profit de cette politique, par la création des 4 ZES (zones économiques spéciales) organisées entre 1980 et 1984 dans le Sud-Est de la Chine (autour de Hong Kong), et complétées ensuite par des ZEO (zones économiques ouvertes) le long du littoral chinois et des grands fleuves. Les investisseurs étrangers y ont trouvé des terrains bon marché, des baux de longue durée (50 à 70 ans), une main-d’œuvre abondante et bon marché, une taxe professionnelle modérée (15%), le droit d’exporter sans payer de taxes. Des zones franches (deltas des fleuves en 1987 : Fleuve Bleu, Rivière des Perles), des technopôles (ZEET : zones de développement économique et technologique 1987) ont vu le jour. Cette stratégie a été complétée par la création du CBD de Pudong à Shanghai en 1990. L’entrée de la Chine dans l’OMC a eu lieu en 2002 L’abandon des quotas sur les textiles chinois en 2005 a déstabilisé le marché mondial, et un sommet de l’OMC s’est tenu pour la première fois à Hong Kong en décembre 2005.

I.2.2) Une économie socialiste de marché :

Le modèle chinois est différent de celui du Japon dans la mesure où l’Etat communiste depuis 1949 reste le principal gestionnaire de l’économie du pays. C’est le Parti communiste qui continue à prendre les décisions majeures en matière de croissance économique et de finances. Les implantations d’entreprises étrangères en Chine sont basées sur l’idée de partenariat, les capitaux étrangers étant associés à des entreprises chinoises. L’Etat chinois dispose de fonds souverains importants qu’il utilise pour des investissements à caractère stratégique dans différentes parties du monde, par exemple par des achats massifs de terres cultivables en Afrique (pour garantir la sécurité alimentaire de la Chine sur le long terme). Depuis 2006 la Constitution chinoise reconnaît la propriété privée. Depuis cette date, les entreprises privées chinoises connaissent une croissance très rapide, avec le soutien du gouvernement chinois. Par exemple, l’homme d’affaires Wang Chuanfu a réalisé en 2008 la première voiture chinoise hybride électrique et ambitionne de faire de la marque BYD le numéro un mondial de l’automobile en 2025. Le PDG de cette entreprise siège au Congrès du Peuple de la ville de Shenzhen où se trouve le siège de BYD automobile.

I.2.3) Une société sous contrôle de l’Etat :

La philosophie de Confucius a imposé le respect de l’autorité, renforcé par le système répressif mis en place dès 1949 par le Parti communiste. Les Chinois n’ont pas l’habitude de la démocratie, mais bien celle du respect de l’autorité souveraine. Le nouveau dirigeant du pays, Xi Jinping, a lancé une vaste campagne de lutte contre la corruption qui lui permet de renforcer son autorité et celle du PCC en terrorisant les fonctionnaires et les élus locaux. La télévision et le cinéma chinois s’inspirent largement du passé impérial, et tout le monde connaît les figures des grands empereurs qui ont organisé le pays depuis l’Antiquité. De ce fait, le plus

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grand pays communiste du monde voit les salariés travailler dans des conditions très pénibles, pour des salaires très faibles, même si les revenus augmentent progressivement et permettent de bénéficier de loisirs. La majorité des salariés est composée de mingong, « ouvriers paysans » souvent très jeunes et venus des campagnes, qui sont employés dans les entreprises des grandes agglomérations mais seulement pour une période déterminée. Lorsque leur contrat est achevé ils doivent le plus souvent retourner à la campagne. La Chine intérieure, restée majoritairement rurale (700 millions de ruraux soit 52% de la population), fournit donc un « volant de main-d’œuvre » gigantesque et constamment renouvelable, qui permet aux entreprises de faire pression sur les salariés afin de ne pas augmenter les salaires trop rapidement. Les salariés acceptent volontiers ces conditions de travail très difficiles, car le niveau de vie s’améliore lentement dans les villes. Grâce à la prospérité économique, la Chine a vu apparaitre en milieu urbain une « classe moyenne » composée de salariés aisés qui peuvent accéder à la propriété d’un logement dans un immeuble collectif. De ce fait, l’autorité du gouvernement chinois est assez facilement acceptée par le plus grand nombre.

I.3) Deux puissances aux trajectoires économiques croisées :

I.3.1) Des puissances économiques interdépendantes :

Les deux Etats étant fortement intégrés dans le processus de mondialisation, leurs économies sont interdépendantes. Les keiretsu japonais investissent en Chine en plaçant leurs IDE dans des ateliers de production, pour bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché, mais aussi pour être présents sur un marché en expansion de pays émergent qui consomme des biens manufacturés à haute valeur ajoutée. La Chine exporte de plus en plus de biens manufacturés vers le Japon, mais investit peu de capitaux dans ce pays développé au marché manquant de dynamisme du fait de la stagnation démographique japonaise.

I.3.2) Mais des puissances économiques concurrentes :

Les deux Etats sont cependant en concurrence sur le marché des matières premières et des sources d’énergie. D’autre part, l’économie chinoise se transforme rapidement par la montée en puissance des filières industrielles, la Chine investissant beaucoup de capitaux dans la recherche fondamentale ou appliquée, comme le Japon, dans les énergies nouvelles et la robotique, comme le Japon, avec un volume de capitaux disponible beaucoup plus important que celui du Japon. De ce fait, la croissance chinoise inquiète beaucoup les Japonais, ce qui explique le fait que ces deux Etats proches et complémentaires n’ont pas signé d’accord de libre-échange entre eux.

II) Japon, Chine   : deux puissances concurrentes en Asie du Sud et de l’Est  1h

II.1) Japon, Chine, concurrence pour la maîtrise des marchés :

II.1.1) Le Japon, modèle économique imité par les « dragons » d’Asie orientale :

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Les NPIA (nouveaux pays industrialisés d’Asie) ont d’abord connu la croissance en adoptant le modèle japonais dans les années 1970-80, avant de traverser eux-aussi une période de crise, qui les a incités à se tourner vers le marché chinois. Le plus proche du modèle japonais est la Corée du Sud, où les conglomérats sont appelés Chaebols (voir Samsung ou Daewoo).

II.1.2) La Chine, puissance émergente qui s’appuie sur la diaspora chinoise en Asie orientale et méridionale :

Taiwan bénéficie de la proximité avec la Chine (de nombreuses entreprises taïwanaises délocalisent vers les ZES chinoises), mais le pays souffre de l’incertitude politique qui pèse sur l’avenir de l’île (revendication chinoise territoriale et missiles pointés vers Taiwan). Hong Kong, qui fait partie de la Chine depuis 1997 (avec Macao annexé en 1999), sert les intérêts de la Chine dont elle est la « porte de la modernité » grâce à ses infrastructures financières et commerciales. Le delta de la Rivière des Perles réunit plus de 25Mh autour de Hong Kong et Macao (reliées par un pont à haubans), Guangzhou et Shenzhen. Il en est de même pour Singapour, dominée par la diaspora chinoise et qui rayonne sur la Malaisie et l’Indonésie.

II.1.3) Japon, Chine, puissances concurrentes en Asie du Sud-Est :

L’ASEAN est l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est. Cette organisation économique a été créée à Bangkok en 1967 dans le but de constituer un marché commun entre les pays membres. Il comprend aujourd’hui Singapour (un des quatre « dragons ») et les « tigres » et « bébés tigres » de Malaisie, Indonésie, Brunei, Vietnam, Laos, Cambodge, Thaïlande, Philippines, Birmanie (ou Myanmar). C’est un marché en expansion de plus de 600Mh qui intéresse les investisseurs japonais et chinois. Ces derniers ont obtenu en 1997 à Singapour que les discussions soient élargies à la Chine, la Corée du Sud et le Japon (c’est l’ASEAN+3, avec une zone de libre-échange entre l’ASEAN et chacun de ces trois Etats établie en 2010). Le Japon souhaite élargir cet accord à trois autres Etats (Inde, Australie et Nouvelle-Zélande, c’est l’ASEAN+6) pour contrebalancer l’influence chinoise. Les négociations du TPP (accord de partenariat transpacifique) qui ont abouti à un accord en 2015 sont un succès pour le Japon, car cet accord de libre-échange a été signé par le Japon avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, Singapour, Malaisie, Brunei, Vietnam, qui ont volontairement écarté la Chine des négociations avec les Etats-Unis et les Etats américains signataires.

II.2) Japon, Chine, un lourd contentieux et une méfiance réciproque :

II.2.1) Le poids de l’Histoire, un différend mémoriel :

Le Japon est une ancienne puissance coloniale qui s’était emparée de territoires chinois à partir de 1894/95 (Corée, Formose) puis avait obtenu les colonies allemandes en Chine en 1919. Les troupes japonaises s’étaient emparées de la Mandchourie en 1931, puis avaient tenté d’envahir la Chine en 1937. Dans les territoires occupés comme dans les colonies, les Japonais avaient pratiqué une politique génocidaire afin d’exterminer les populations locales et de faire de la Chine une terre de colonisation japonaise. La Chine réclame la reconnaissance par le Japon des crimes commis en Chine (massacre de Nankin notamment), mais le

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Japon a seulement présenté des excuses en 1972 et n’a donc pas reconnu les crimes contre l’Humanité commis par ses officiers. Le PM japonais s’est recueilli à plusieurs reprises au sanctuaire Yasukuni qui honore les soldats morts pour la patrie, parmi lesquels 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés en 1945. Le système éducatif japonais minimise les crimes de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, le PM Shinzo ABE se distingue par son négationnisme, particulièrement choquant au moment des cérémonies du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale (il refuse de reconnaitre les massacres de Nankin).

II.2.1) Deux puissances nationalistes qui rivalisent :

La Chine est une grande puissance militaire et diplomatique, disposant de l’arme nucléaire et d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. De ce fait, la Chine a une politique extérieure agressive destinée à affirmer sa puissance. Ainsi, la Chine revendique une extension de sa ZEE à l’ensemble du plateau continental situé entre Chine et Japon, et souhaite annexer un archipel annexé par le Japon en 1895 (îles Senkaku) et revendiqué par la Chine (îles Diaoyu). La constitution d’une puissante flotte de guerre chinoise a conduit le PM japonais Shinzo ABE à rompre avec le pacifisme affiché par son pays depuis 1945 et à constituer une flotte de guerre japonaise en réponse à une potentielle « menace chinoise ». Ces rivalités servent les intérêts des Etats-Unis dans cette zone.

III) Japon, Chine   : deux puissances aux ambitions mondiales   1h

III.1) Japon, Chine : deux acteurs incontournables de la mondialisation

III.1.1) Le Japon, un des centres majeurs de la Triade :

Le Japon fait partie de l’oligopole mondial (la mégalopole japonaise en est une des trois composantes majeures), pays membre du G20, signataire du TPP, pays surendetté mais dont la dette est supportée par les banques japonaises. L’aire urbaine de Tokyo, première mégapole du monde, possède un pouvoir de commandement qui en fait un des centres d’impulsion majeur de la planète. Siège de nombreux keiretsu, d’une des plus importantes bourse de valeurs du monde (Kabuto Cho est la seconde bourse mondiale derrière le NYSE), grand hub (5e aéroport du monde de passagers), possédant un espace portuaire majeur, Tokyo continue d’attirer de nouveaux résidents venus autrefois du Nord, mais aussi plus récemment des aires urbaines d’Osaka et Nagoya. C’est le signe d’un déséquilibre croissant entre les aires urbaines qui composent la mégalopole, et d’une métropolisation croissante en faveur de la capitale japonaise. Cependant, le pays a été fragilisé par l’accident nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011 (seuls 4 réacteurs sur 55 ont été remis en service, ce qui impose au Japon d’importer des sources d’énergie).

III.1.2) La Chine, nouveau centre de l’économie mondiale :

La Chine, devenue en 2010 la deuxième puissance économique mondiale par son PIB, réunit à elle seule 1.380.000.000 habitants (première population mondiale). La Chine, entrée dans l’OMC en 2002, est le second récepteur d’IDE au monde derrière les Etats-Unis en 2013. La fin des quotas sur les textiles chinois en 2005 a bouleversé le marché mondial. La monnaie chinoise, le Yuan ou RENMIMBI, compte

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dans le monde depuis 2007 (elle est sous-évaluée pour faciliter les exportations). Les groupes financiers chinois prennent pied à l’étranger depuis 15 ans : par ex. Lenovo géant de la micro-informatique a racheté l’activité PC d’IBM en 2004, l’entreprise chinoise Geely a racheté le groupe suédois Volvo en 2010, le constructeur automobile DONGFENG qui a racheté 14% de PSA et qui est devenu l’actionnaire principal du groupe automobile français en 2015. Les banques chinoises ont sauvé de la faillite plusieurs banques occidentales, en particulier aux Etats-Unis grâce aux fonds souverains. Nous savons que la Chine est le premier partenaire commercial de la plupart des Etats africains, grâce à une politique d’investissements (le siège de l’UA à Addis-Abeba) et d’effacement de la dette (Congo Brazzaville). En ce qui concerne le marché européen, la Chine a l’ambition d’établir des liens plus étroits avec ce continent en finançant la construction de ports en Birmanie, Ceylan et Pakistan, sur la route maritime de la soie vers la Mer Méditerranée, et en participant à un projet ambitieux d’axe routier et ferroviaire passant par l’Iran, la Turquie et la Russie, sur l’ancienne route de la soie terrestre.

III.2) Japon, Chine : deux puissances incomplètes qui renforcent leur « hard power »

III.2.1) Le Japon, une puissance incomplète en voie de militarisation :

Le Japon souffre du dynamisme de ses voisins (surtout de la Chine) et de sa situation de puissance incomplète (ce n’est pas une puissance militaire, mais le PM Shinzo Abe, un nationaliste, vient de modifier la politique de défense du Japon en faisant adopter en septembre 2015 des lois sur la sécurité censées répondre aux menaces de la Corée du Sud et de la Chine). Les nouvelles lois autorisent le Japon, qui possède une armée depuis 1954 (les FAD), à déployer des forces militaires à l’étranger pour apporter de l’aide à un pays allié, en violation de l’article 9 de la Constitution qui interdit « à jamais de recourir à la guerre ». Ces mesures font suite à la création d’un Conseil de sécurité nationale en décembre 2013 réunissant le PM, son chef de cabinet et les deux ministres concernés (défense et AE). Le Japon souhaite devenir une puissance maritime et a lancé l’IZUMO porte-hélicoptères de 19.500 t en 2015.

III.2.2) La Chine, l’ambition de devenir la première puissance mondiale :

Les JO de Pékin en 2008 (100 médailles gagnées par la Chine) et l’exposition universelle de Shanghai en 2010 ont révélé la puissance chinoise au monde entier. Mais la Chine a surtout une politique ambitieuse d’affirmation de son indépendance, avec l’envoi d’un 1er taïkonaute dans l’espace (Yang Liwei, 15/10/2003), signe d’une montée en puissance d’un Etat intégré dans la mondialisation mais qui reste souverain, en développant sa flotte de guerre, en construisant des îles artificielles dans les îles Spratly (avec pistes d’atterrissage et infrastructures portuaires), en revendiquant les îles Senkaku-Diaoyu. Même si la Chine a échoué à changer le statut de Hong Kong, elle continue de revendiquer Taïwan qui a été exclue de toutes les organisations internationales dépendant de l’ONU. Seconde puissance militaire du monde (216Mds $ dépensés en 2014), puissance nucléaire affirmée, la Chine a resserré ses liens avec les BRICS et surtout la Russie (OCS). Cependant, le pays vient de subir un revers important avec la signature du TPP en 2015 par le Japon, le Vietnam, Singapour, Brunei et la Malaisie, un accord qui marque l’influence des

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Etats-Unis dans la zone Asie-Pacifique. Malgré cela, le « dragon chinois » a l’ambition de devenir le nouveau centre du monde : en chinois mandarin, première langue parlée dans le monde, la Chine se dit « zhongguo zhi mingyun », l’Empire du Milieu. Commenter la couverture du « Courrier international » 2005.

III.3) Japon, Chine : deux puissances qui veulent améliorer leur image et développer leur « soft power »

III.3.1) Le Japon, un pays qui veut développer son potentiel touristique :

Le Japon reste un pays fermé et secret qui tente de s’ouvrir au tourisme depuis 2003 (opération COOL JAPAN qui s’appuie sur l’engouement mondial pour les mangas et jeux-vidéos japonais comme Pokémon-Go, la cuisine à base de sushis, succès total puisque l’objectif de 20M de touristes recherché par les organisateurs à l’horizon 2020 a été presque atteint dès 2015 (19M touristes), notamment grâce aux Chinois appelés les BAKUGAI (« explosion achats »). Mais cela pose de nouveaux problèmes au Japon, car les infrastructures d’accueil et de transport du pays ne sont pas du tout adaptées pour le tourisme, ce qui crée de l’inflation et rend plus difficile la vie quotidienne des résidents permanents, en particulier les salariés. La culture japonaise, celle des mangas notamment, contribue au « soft power » du Japon, en liaison avec le prestige de puissance technologique qui caractérise ce pays, le premier au monde pour l’investissement dans la recherche fondamentale (notamment dans le domaine de la robotique, la RD occupe plus de 3% du PNB comme en Corée du Sud en 2014). Les artistes et intellectuels japonais sont connus et appréciés dans le monde entier. L’orchestre philarmonique de Monaco vient d’accueillir un nouveau chef japonais. Le Japon espère utiliser le rôle de « puissance civile », apportant une aide APD élevée, pour rayonner dans le monde, mais l’agressivité du PM actuel constitue un problème pour les pays voisins.

III.3.2) La Chine, l’ambition de devenir une vitrine de la modernité :

Shanghai, vitrine de la modernité chinoise, possède aujourd’hui tous les attributs de puissance d’une métropole mondiale. Le Bund, vieux quartier des affaires, est entouré par les immeubles de Puxi, aux commerces de luxe voisins des immeubles d’habitat vétustes. Le CBD de Pudong créé en 1990 est relié par des axes routiers à la zone industrialo-portuaire et au nouvel aéroport international, faisant de Shanghai une plate-forme multimodale et un hub. Shanghai est reliée à Beijing par une ligne TGV depuis 2012. La Chine utilise aujourd’hui les trois métropoles du pays pour affirmer sa modernité. Nous savons que ce pays est affaibli par la pollution atmosphérique due à l’industrialisation rapide, à l’utilisation massive du charbon comme source d’énergie (les 2/3 des besoins énergétiques du pays), mais aussi liée à l’urbanisation et à l’utilisation de l’automobile comme moyen de transport privilégié. De ce fait, la Chine a pris des engagements fermes et qui devraient avoir des conséquences planétaires lors de la COP21 : en particulier la fin de la croissance des émissions de gaz à effet de serre dès 2030, ce qui devrait être facilité par le ralentissement économique actuel. De plus, nous savons que la Chine investit massivement dans les énergies renouvelables (le pays est désormais le leader mondial dans la fabrication de panneaux photovoltaïques). La Chine entend également constituer un soft power chinois, en s’appuyant sur la diaspora chinoise dans le monde qui a depuis longtemps diffusé le raffinement de l’art culinaire chinois.

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La Chine rayonne culturellement par la multiplication des instituts Confucius et surtout par les progrès de l’enseignement de la langue chinoise en Occident. Cependant la répression des minorités chinoises et la censure de l’information qui sont pratiquées en Chine nuisent à son image internationale.

Ainsi, le Japon et la Chine sont deux puissances qui portent des modèles économiques, politiques et culturels très différents. Ces deux Etats rivalisent en utilisant des armes différentes, mais ils n’ont d’autre choix que de se concerter s’ils veulent échapper à l’hégémonie des Etats-Unis qui ont récemment réorienté leur politique étrangère vers l’Asie-Pacifique et ont remporté une victoire avec la signature du TPP en 2015.

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