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Mémoire de Master Recherche Géographie&Aménagement

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REMERCIEMENTS  

Je tiens particulièrement à remercier : Frédéric Landy, directeur d’études pour son suivi pendant le terrain et tout au long de la rédaction de ce mémoire et ce, malgré la distance ; Agnès Deboulet, également pour son suivi et pour ses conseils pour le terrain ; Daniel Pardo, architecte de l’agence AIA, qui n’a cessé de s’intéresser à ce projet et de l’enrichir de ses nombreux questionnements d’architecte ; Ousmane Sakho également architecte de l’agence AIA, grâce à qui je suis entrée en relation avec Abhishek Ray, architecte à Mumbai ;

Abhishek Ray qui m’a accueillie dans son agence d’architecture et accordé entièrement sa confiance pour l’élaboration des projets sanitaires; Tous les employés de l’agence pour la chaleur de leur accueil et leur bonne humeur permanente ; Santosh Sonar pour ses traductions Marathis et Hindi dans le bidonville de Nirmal Nagar ; Rohini Ramkhrinan pour les longues heures de discussion qu'elle m'a consacrées sur Mumbai et l’Inde en général ;

Dayanand qui m’a expliqué le fonctionnement de la CBO Triratna Prerana Mandal et de leur bloc de sanitaires ;

Madeleine Bouchez, étudiante à l’Ecole Polytechnique de Lausanne qui a fait son étude de terrain sur les sanitaires de Dharavi pendant la même période ; Karl Fyrl, étudiant suédois en urbanisme et stagiaire chez SPARC ; Indrawan et Widyastuti Prabaharyaka, architectes et urbanistes qui m’ont fait découvrir et aimer leur ville ; Emma Courtine et Emilie Edelblutte, étudiantes en géographie à l’Université Lyon II, mais surtout colocataires pendant trois mois à Mumbai ; Famille et amis, qui m’ont soutenue tout au long de cette aventure ; Nicolas Mithois, qui m’a accompagnée plusieurs fois à Nirmal Nagar, qui m’a soutenue et encouragée sur le terrain et pour la rédaction de ce mémoire.    

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SOMMAIRE    INTRODUCTION  …………………………………………………………………………………………………… p.8   CHAPITRE  1    Mumbai  :  «  Maximum  City  »      

1. Une ville qui déborde d’ambition …………………………………………………………………………… p.11 1.1 Une croissance urbaine qui semble incontrôlable 1.1.1 Les origines de la ville 1.1.2 Une ville qui ne cesse de s’étaler 1.1.3 De nombreuses limites administratives 1.2 Une économie à deux vitesses 1.2.1 Mumbai, capitale économique de l’Inde 1.2.2 L’émergence de la classe moyenne ? 1.2.3 Plus de 50 % de laissés pour compte

2. Une pression foncière insensée …………………………………………………………………………..… p.18 2.1 Une surface par habitant l’une des plus faibles au monde 2.2 Le développement de l’habitat informel 2.2.1 Les multiples définitions du terme « slum » 2.2.2 Les slums de Mumbai 2.3 La ville à la recherche d’un nouveau centre 2.3.1 Désengorger et réorganiser la ville 2.3.2 Les enjeux de valorisation du sol urbain : éviction, réhabilitation et spéculation immobilière

3. De très mauvaises conditions de vie pour les habitants des bidonvilles ……………………..………… p.25 3.1 Des constructions précaires 3.2 Des mauvaises conditions de santé 3.3 De nombreuses conséquences sur la qualité de vie

4. De très mauvaises conditions sanitaires …………………………………………………………………… p.29 4.1 Un accès à l’eau insuffisant 4.2 Un accès aux sanitaires très limité 4.2.1 De nombreux utilisateurs pour un siège 4.2.2 Des solutions alternatives ? 4.2.3 Un manque à combler 4.3 Les différents types de sanitaires 4.3.1 Les toilettes au sein du ménage 4.3.2 Les toilettes partagées 4.3.3 Les toilettes publiques 4.3.4 Les toilettes communautaires

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CHAPITRE  2  –  Les  politiques  mises  en  œuvre  et  les  acteurs  impliqués  

1. Les politiques de la ville relatives aux bidonvilles et aux conditions sanitaires ..……………….……… p.35 1.1 A l’échelle Internationale 1.1.1 La Banque Mondiale 1.1.2 UN-Habitat 1.1.3 L’organisation Mondiale de la Santé (OMS) 1.1.4 Slum Dwellers International (SDI) 1.2 A l’échelle de la Nation Indienne 1.2.1 Le Ministère du Développement Urbain (The Urban Development Ministry) 1.2.2 L’HUDCO (Housing & Urban Development Corporation Limited) 1.2.3 National Slum Dwellers Federation of India (NSDF) 1.3 A l’échelle du Maharashtra 1.3.1 Les autorités 1.3.2 L’évolution des politiques mises en œuvre 1.3.3 Les schémas actuels de réhabilitation des bidonvilles 1.3.4 Les limites du Slum Rehabilitation Scheme 1.4 A l’échelle de la région métropolitaine 1.5 A l’échelle du Greater Mumbai et de la ville 1.5.1 Municipal Corporation of Greater Mumbai (MCGM) 1.5.2 Les associations d’habitants (Communities Based Organization, CBOs) 1.6 Bilan des politiques

2. Les acteurs impliqués et leurs relations ..……………….………………………………………………..… p.48 2.1 Les acteurs 2.1.1 Le bloc de sanitaires 2.1.2 Les utilisateurs 2.1.3 Les institutions 2.2 Les relations entre les acteurs 2.2.1 Liens avec les utilisateurs 2.2.2 Liens entre les institutions 2.2.3 Liens entre les institutions et les toilettes communautaires

3. Les principales actions menées …….……………………………………………………………………..… p.54 3.1 MHADA 3.2 Sulabh International 3.2.1 Naissance et objectifs de Sulabh International 3.2.2 Technique de construction des blocs 3.3 SPARC 3.3.1 Formation et organisation 3.3.2 Méthode

4. Bilan des projets réalisés par les principaux acteurs …….……..………………………………..……..… p.58

   Chapitre  3  -­    Le  cas  de  la  CBO  Triratna  Prerna  Mandal  

1. Présentation de la CBO Triratna Prerana Mandal………………..……………………………………..… p.59 1.1 Composition et création de la CBO 1.2 Le Bloc de Toilettes de Santa Cruz West 1.3 Une volonté de développement 1.4 Chercher des projets et faire appel à un architecte 1.4.1 Stratégie et démarche de la CBO 1.4.2 Stratégie et démarche de l’architecte

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2. Le projet de Toilettes Mobiles sur Air India Road …………..………………………………....………..… p.65 2.1 Pourquoi des toilettes mobiles ? 2.2 La situation géographique 2.3 Les acteurs 2.4 La réponse proposée par Matrika Design Collaborative 2.4.1 Analyse du site 2.4.2 Réponse sociale ` 2.4.3 Réponse technique 2.5 Bilan

3. Le projet de Toilettes communautaires dans le bidonville de Nirmal Nagar .….………....………….… p.72 3.1 La situation géographique 3.1.1 Le bidonville de Nirmal Nagar 3.1.2 Le bloc de sanitaires 3.2 Les acteurs 3.3 La réponse proposée par Matrika Design Collaborative 3.3.1 Analyse du site 3.3.2 Réponse sociale ` 3.3.3 Réponse technique 3.4 Bilan

4. Synthèse des projets menés par la CBO Triratna Prerana Mandal …………………....……….…….… p.81

CONCLUSION  ………………………………………………………………………………………….…………… p.83      ANNEXES      

1. Les acteurs de l’assainissement …………………....…………………………………………………….… p.87

2. Les entretiens …………………....………………………………………………………………………….… p.90 2.1 La CBO Triratna Prerana Mandal 2.2 Abhishek Ray, architecte fondateur de l’agence Matrika Design Collaborative 2.3 Daval Desai, employé de l’ORF (Observer Research Foundation) 2.4 Monali Waghmare, employée l’ONG SPARC 2.5 Seema Redkar, employée de la BMC (Officer on Special Duty) 2.6 Kedarnath Rao Ghorpade, employé de la MMRDA 2.7 Les habitants de Nirmal Nagar

3. Les projets d’architecture ..……………………………………………………………………………….… p.105 3.1 Mobile Toilets 3.2 Nirmal Nagar

4. Les lectures complémentaires …………………………………………………………………………..… p.111 4.1 “Toilet rage claims life in Mumbai” Mahima Sikand, The Times of India, le 30 jan. 2012. 4.2 Rohinton MISTRY, L’équilibre du monde, 4.3 Suketu MEHTA. Bombay Maximum City

 BIBLIOGRAPHIE  …………………..……………………………………………………………….…………… p.114  

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LISTE  DES  ACCRONYMES   BMC Brihanmumbai Municipal Corporation BSDP Bombay Sewage Disposal Project CBO Community Based Organization CDO Community Development Officier GR Government Resolution ISD International Slum Dwellers MCBM Municipality Corporation of Brihan Mumbai MCGM Municipality C of Greater Mumbai MHADA Maharastra Housing and Area Development Authority MLAs Member of Legislative Assembly MOU Memorandum Of Understanding MPs Members of Parliament MSDP Mumbai Sewerage and Disposal Project NFHS National Family Health Survey NOC Non Objection Certificate NSDF National Slum Dwellers Federation OSDs Officers on Special Duty SPARC Society for Promotion of Area Resources Center SSP Slum Sanitation Program SRA Slum Rehabilitation Authority SRD Slum Redevelopment Scheme SRS (1) Slum Rehabilitation Scheme SRS (2) Slum Rehabilitaton Society TDRs Transferable Development Rights TPM Triratna Prerana Mandal ULCA Urban Land Ceiling Act  

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INTRODUCTION                CONTEXTE  DE  L’ETUDE    

Le 30 janvier 2012, The Times of India rapportait :

« MUMBAI : Une altercation rapport à l’utilisation des toilettes publiques à Mahim a débouché sur un combat entre deux voisins et s’est terminée par la mort d’un homme de 26 ans. Celle-ci a soulevé des questions à propos de la pénurie de toilettes publiques et de l’apathie des autorités face aux difficultés que rencontrent les citoyens qui souffrent du manque d’équipements1 »

En septembre 2000, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté les huit objectifs du Millénaire pour le Développement qui défient la communauté internationale de réduire la pauvreté et d’améliorer le bien être de tous. Deux ans plus tard, le Sommet Mondial pour le Développement Durable à Johannesburg a réaffirmé ses objectifs et ajouté l’accès à des installations sanitaires de base comme élément central des engagements d’éradication de la pauvreté. En 2000, SPARC2 et les Nations Unies introduisent une campagne dans laquelle les questions d’assainissement deviennent un indicateur de la bonne gouvernance.

Il semble que les années 2000 marquent un tournant, favorisant une réelle prise de conscience des pouvoir publics sur les questions d’assainissement, celles-ci devant désormais figurer au cœur des programmes de développement.

Ce sont en effet aujourd’hui plus de 2,6 milliards de personnes3 qui n’ont pas d’endroit propre et sûr pour pouvoir assouvir leurs besoins physiologiques. Mais le problème est aussi social et psychologique, et l’absence de toilettes constitue en ce sens un affront à la dignité humaine et ce, à une échelle gigantesque.

Si les questions liées à l’assainissement sont majoritairement résolues au Nord, ce n’est pas encore le cas partout au Sud et, l’Afrique Sub-Saharienne ainsi que l’Asie du Sud semblent les régions les plus en retard. L’Inde est le deuxième pays au monde en terme de population et, si le pays est encore majoritairement rural (68,84%), les villes se cessent de se développer et accueillent désormais plus de 377 millions d’habitants4. Cette urbanisation semble malheureusement aller de pair avec le développement de l’habitat illégal. En 2011, on dénombre près de 94 millions habitants dans les bidonvilles indiens et ce chiffre devrait atteindre 105 millions d’ici 2017. L’état du Maharashtra accueille à lui seul près d’un cinquième de cette population (plus de 20 millions prévus en 2017.5) et la région de Mumbai en regroupe plus de la moitié.                                                                                                                1 Citation originale : « An altercation over using a public toilet in Mahim snowballed into a fight between two neighbours that ended in the death of a 26-year-old man. The death has raised questions over the paucity of public toilets and the authorities' apathy towards the hardship citizens have to go suffer owing to the lack of amenities. » 2 SPARC est une association indienne dont les principaux objectifs sont l’approvisionnement en logements et en infrastructures pour les habitants des slums. Nous étudierons leurs actions plus en détails dans le Chapitre 2. 3 http://esa.un.org/iys/french/ 4 http://censusindia.gov.in/2011-prov-results/paper2/data_files/india/Rural_Urban_2011.pdf  5 http://mhupa.gov.in/W_new/Slum_Report_NBO.pdf Page.27

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Concentrés sur de très petites surface les habitants des bidonvilles n’ont, le plus souvent, pas accès aux infrastructures de base. N’ayant souvent pas d’eau dans leur logement et encore moins d’installations sanitaires, ceux-ci sont obligés de les partager et, dans certains bidonvilles, on dénombre moins d’un siège pour plus de mille habitants. PROBLEMATIQUE   Les problèmes liés à l’assainissement à Mumbai sont à considérer à une très grande échelle. Trop nombreux sont les habitants des bidonvilles qui souffrent du manque d’infrastructures sanitaires et il est absolument nécessaire d’agir. Mais, pour pouvoir espérer faire évoluer la situation, il apparaît nécessaire d’en comprendre d’abord les mécanismes. Quelques soient les échelles de décision, les programmes mis en œuvre par les divers gouvernements semblent ne jamais être à la hauteur du problème, ni des attentes des populations concernées.

En conséquence, de nombreux habitants des bidonvilles, souvent par l’intermédiaire d’ONGs, se sont fédérés et sont rentrés dans un processus participatif en créant des associations communautaires. Celles-ci leur permettent de répondre par leurs propres moyens à leurs besoins quand les autorités ne proposent pas de solutions suffisamment efficaces.

S’il est admis que les projets participatifs sont plus durables et mieux appropriés par leurs utilisateurs,

ne peut-on pas imaginer que ce soit les CBO (Community Based Organization) elles-mêmes qui deviennent un acteur majeur du développement et de la résorption des problèmes sanitaires dans les bidonvilles ? Les compétences acquises sur leur terrain ne leur donnent-elles pas suffisamment de poids et de légitimité pour pouvoir s’implanter sur d’autres sites et tenter de répondre aux mêmes questions ? Ou au contraire, leur action ne peut être que ponctuelle et non reproductible? En d’autres termes, les notions identitaires et spatiales ont-elles un impact déterminant dans l’implantation d’un projet d’assainissement?

Nous étudierons dans une première partie le contexte géographique, économique et sanitaire de Mumbai. Puis, nous nous attacherons à l’analyse des politiques d’assainissement mises en œuvres ainsi qu’aux réponses proposées par différents acteurs. Enfin, nous nous intéresserons au travail d’une CBO et nous nous interrogerons sur l’efficacité des projets sanitaires qu’elle a entrepris de construire. METHODE Tenter de faire de la Recherche-Action

De formation architecte, j’ai souhaité mêler travail de recherche universitaire et projet d’architecture sur le terrain. C’est cette association qui m’a amenée à m’interroger sur les relations qui existent entre recherche et application in situ et sur les relations qu’entretiennent tous les acteurs d’un projet d’assainissement entre eux.

J’ai travaillé de février à mai 2012 dans l’agence d’architecture Matrika Design Collaborative. En son sein, j’ai été chargée de travailler sur deux projets de blocs de toilettes à implanter à Mumbai. L’un avait vocation a être mobile (« Mobile Toilets »), alors que l’autre répondait au remplacement d’un bloc vétuste dans un bidonville. Tous les deux nous étaient commandés par la CBO Triratna Prerana Mandal (cf. Partie 3). Afin d’enrichir le projet d’architecture, j’ai décidé d’effectuer mes enquêtes auprès les acteurs concernés et principalement les futurs utilisateurs. Cette « double casquette » étudiante - architecte, (ainsi que touriste, femme et étrangère) m’a permis de rencontrer plus facilement une grande partie des acteurs.

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Les enquêtes

Pour des raisons qui peuvent paraître obscures, il n’a pas été facile pour moi (ni même pour Abhishek Ray – à la tête de l’agence d’architecture) de communiquer avec les membres de la CBO, alors que ces derniers étaient pourtant commanditaires des projets. Nous pouvons imaginer que, du fait d’une démarche de projet relativement innovante, ils préféraient travailler dans la plus grande discrétion possible.

Je n’ai donc pas pu mener mes enquêtes auprès des habitants comme je le souhaitais, en leur parlant

directement des projets sanitaires censés les concerner. L’utilisation de ma « casquette étudiante » m’a alors été bien utile pour aller sur le terrain, rencontrer et discuter avec les habitants, sans inclure les objectifs de la CBO dans ma quête d’information.

Je me suis rendue sur l’un des deux terrains avec Santosh Sonar, membre de l’agence d’architecture, qui a pu m’aider pour m’introduire et traduire en Marathis ou en Hindi quand cela s’est avéré nécessaire. Je suis également allée à la rencontre d’autres acteurs de l’assainissement. J’ai ainsi questionné un employé du MMRDA, une employé de la MCGM ainsi qu’une employée de la plus grosse ONG de la ville s’occupant de l’installation de sanitaires dans les bidonvilles (SPARC).

Ces entretiens, m’ont permis d’avoir un aperçu des politiques d’assainissement et des relations

qu’entretiennent les acteurs entre eux. J’ai pu également confronter les points de vue de chacun et mieux comprendre les enjeux liés aux différents projets d’assainissement. Questions  de  vocabulaire   Bombay/Mumbai

Pour parler de la ville, nous pouvons utiliser Mumbai ou Bombay, les deux termes désignant la même entité. Autrefois Bombay, le nom de la ville a changé en 1996 par le parti politique au pouvoir Shiv Sena afin de se détacher du passé colonial et de renforcer l’identité Marathis. La ville étant officiellement baptisée Mumbai aujourd’hui, c’est ce nom qui est utilisé dans le mémoire, sans aucune connotation associée. Les bidonvilles et ses habitants Slum / Slum Dwellers / Pavement Dwellers : Nous utiliserons les termes indiens pour parler des bidonvilles, de ses habitants et les sans abris. Ainsi, « Slum » est le terme utilisé pour parler des bidonvilles, les « Slum Dwellers » sont les habitants qui y résident et les « Pavement dwellers » sont ceux qui habitent les pavés (qui vivent sur les trottoirs).

Ville formelle / ville informelle : Par abus de langage et pour simplifier l’écriture, nous parlerons de ville informelle pour évoquer celle qui abrite les slums et les slum dwellers, par opposition à la ville formelle qui abrite les autres constructions et ses habitants.

Les sanitaires Le bloc : C’est la construction qui abrite les sanitaires collectifs. Les sièges : Nous utilisons ici le terme siège pour signaler un emplacement au sein du bloc, celui-ci étant cependant un sanitaire de type « turc ».

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CHAPITRE  1  /  Mumbai  :  «  Maximum  City6  »    

       

1. Une  ville  qui  déborde  d’ambition    

1.1 Une croissance urbaine qui semble incontrôlable

1.1.1 Les origines de la ville Les sept iles

A l’origine, il n’y avait que sept petites îles, habitées par des communautés de pêcheurs, les Kolis. Puis, les Portugais sont arrivés dans la zone, mais ce sont surtout les Anglais qui y sont restés et ont décidé d’explorer les possibilités de construction portuaires. Cela a considérablement changé le cadre de vie des Kolis, qui vivent toujours dans les enclaves côtières de la ville. Mais ce fut également un moment décisif pour le développement de la ville.

Mumbai est le résultat de l’action de l’homme sur son environnement. En pleine domination britannique, la ville prend son envol à partir de la fin du XVIIIe siècle. La construction du chemin de fer et le développement du port stimulent l’effort d’industries manufacturières et du commerce. Mumbai, grâce à sa force entrepreneuriale deviendra, un siècle plus tard, la capitale économique de l’Inde. Toujours sous l’action du pouvoir britannique, de considérables travaux on été amorcés tout au long du XIXe siècle pour transformer la ville. Le port est construit et de grands projets d’assèchement, de remblaiement et de viabilisation sont entrepris afin de fusionner les sept iles. (Zérah, 2011) La présence de l’eau à l’intérieur de la ville

La ville est bordée par la mer d’Oman à l’ouest et au sud ainsi par la baie de Thane à l’est. Cette dernière est souvent large de plusieurs kilomètres mais se rétrécie considérablement au sud de la ville de Thane. A l’ouest, de nombreuses baies et criques façonnent le paysage de la ville. La ville rassemble également des lacs et des rivières ainsi que plusieurs plages qui longent les côtes. Ces dernières sont particulièrement appréciées des habitants de Mumbai mais les rivières sont délaissées et semblent confondues avec des décharges. Une ville qui a eu de multiples noms

Comme pour de nombreuses autres villes, il y a une légende derrière le nom de la ville. Son nom est un

éponyme, son étymologie est « Munga Aai » ou « Maha Amba », indiquant le lien avec les Kolis qui vivaient de la pêche. Les Portugais l’ont appelé « Bom baim », ce qui signifiait « bonne baie ». Plus tard, le terme a été

                                                                                                               6 Ce titre provient du roman de Suketu Mehta « De retour à Bombay, en 1998, après une absence de vingt et un an, Seketu Mehta est frape par les métamorphoses de la ville tant aimée se son enfance » et il tente d’en dresser un portrait dans lequel tous les contrastes de la ville apparaissent.  

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anglicisé et est devenu « Bombay ». Mais les Marathi et les Gujaratis préféraient l’appellation « Mumbai » alors que les habitants parlant Hindi, Urdu ou Persan appelaient la ville « Bambai ». En 1996, le nom de la ville a changé et elle s’appelle désormais « Mumbai ». (Mumbai HDR, 2009)

1.1.2 Une ville qui ne cesse de s’étaler Des frontières naturelles trop étroites Un développement du Sud vers le Nord

Coincée entre la mer d’Oman au sud et à l’ouest ainsi que par la Baie de Thane à l’est, la ville de Mumbai n’a eu d’autre choix que de se développer vers le nord. L’agglomération de Mumbai est ainsi longue de plus de 60 kilomètres, depuis le sud du quartier de Colaba, jusqu’au nord du quartier de Dahisar. Cette orientation sud-nord s’accompagne d’un repérage à l’aide des points cardinaux est et ouest, les voies de chemin de fer le facilitant particulièrement. La création d’une ville nouvelle sur le continent

Dans les années 1960, le Gouvernement du Maharashtra a souhaité créer une autre ville de l’autre côté

de la baie de Thane pour décongestionner la ville. Le site de Navi Mumbai a été choisi car il ne présentait pas de contraintes de limites physiques. Par ailleurs, il se trouve sur l’axe routier Mumbai-Pune et constitue un centre nodal sur la baie de Thane. Cependant, Navi Mumbai n’a pas du tout évolué de la manière prévue. La ville aurait du offrir des opportunités de résidence et d’emploi pour toute la population, mais le transfert des administrations a été limité, la création d’activités économiques réduites et les infrastructures sont insuffisantes. (Angueletou, 2007, p.8) Une population qui ne cesse d’augmenter

Entourée par la mer sur trois côtés, Mumbai a du mal à grandir dans ses limites naturelles. La population ne cesse d’augmenter. En un siècle, elle a été multipliée par plus de treize. Si la croissance décélère ces dernières années, Mumbai a tout de même accueilli 500 000 âmes supplémentaires entre 2001 et 2011. Tableau 01 Evolution et répartition hommes/femmes de la population à Mumbai entre 1901 et 2011

Année Total Hommes Femmes Ratio Hommes/Femmes*1.000

Accroissement

1901 927.994 561.825 366.169 651 - 1911 1.148.757 731.634 417.123 570 +24% 1921 1.380.448 884.301 496.147 561 +20% 1931 1.397.812 878.102 519.710 592 +1% 1941 1.801.356 1.114.983 686.373 616 +29% 1951 2.994.444 1.868.335 1.126.109 603 +66% 1961 4.152.056 2.496.176 1.655.880 663 +39% 1971 5.970.575 3.478.378 2.492.197 717 +44% 1981 8.243.405 4.652.646 3.590.759 772 +38% 1991 9.925.891 5.460.145 4.465.746 818 +20% 2001 11.978.450 6.619.966 5.358.484 809 +21% 2011 12.478.447 6.736.815 5.741.632 852 + 4%

Source : Mumbai HDR, 2009 et Census of India 2011

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Outre l’évolution de la population observée entre 1901 et 2011, le tableau précédent nous permet également de constater que, même si elle reste inférieure à celle de leurs homonymes masculins, la place des femmes est de plus de en plus importante à Mumbai. Le ratio de masculinité peut notamment s’expliquer par l’immigration. Celle-ci est souvent en premier lieu masculine, les hommes venant d’abord seuls en ville chercher du travail, avant que, dans un deuxième temps, leurs familles viennent ne les rejoindre.

1.1.3 De nombreuses limites administratives Greater Mumbai = The Island City + The Suburbs

La municipalité de Mumbai se divise en deux parties distinctes, la première « Island city » ou simplement « the city » et la seconde « the suburbs », sous divisée en banlieues est et ouest. La première correspond à la fusion des sept îles et rassemble donc les quartiers allant de Colaba au Sud jusqu’à Mahim et Sion au Nord. La seconde rassemble les localités partant du Nord de Mahim et de Sion et allant jusque Dahisar et Mulund.

Ce ne sont pas des banlieues dans le sens classique du terme (zones résidentielles à la périphérie d'une ville), puisqu’elles font maintenant partie intégrante de la ville, celle-ci ayant beaucoup changé au cours des dernières décennies. Elles possèdent leurs propres espaces de négociation, de shopping, de bureau, d’activités industrielles, etc. Cependant, « the city » et « the suburbs » sont deux districts distincts de l’Etat du Maharashtra. Mumbai et Mumbai Suburban, forment un grand ensemble urbain connu sous le nom de « Greater Mumbai » Les wards

Pour des raisons administratives, l’ensemble du Greater Mumbai a été divisé en six zones. Les deux premières zones correspondent à la « City » alors que les quatre autres regroupes les banlieues. Toutes les zones sont divisées en 3 à 5 wards7, nommés alphabétiquement.

                                                                                                               7 Il n’est pas toujours facile de trouver la limite exacte des wards quand on ne connaît pas bien la ville. Les cartes sont souvent très imprécises et les indications qui les accompagnent sont assez floues. Le repérage peut être par conséquent assez difficile.

 

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Figure 01 Divisions administratives de la Municipalité de Mumbai

Source : Réalisation personnelle

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Mumbai Municipal Region (MMR) La région métropolitaine de Mumbai (Mumbai Metropolitan Region : MMR) regroupe :

- 7 municipalités de grandes villes (municipal corporations) - 13 conseils municipaux (municipal council) - 995 communes rurales

Alors que le Greater Mumbai se concentre sur 437,71km², le reste du MMR s’étend sur une surface de

4.355km². Ces territoires rassemblent une population environ égale à la moitié du Greater Mumbai. Ainsi, si ce dernier constitue environ 10% de la superficie totale de la région métropolitaine, il rassemble cependant 63% de sa population.

La région métropolitaine de Mumbai comptabilise aujourd’hui plus de 20 millions d’habitants et est ainsi

l’une des plus grande mégalopole du monde après Tokyo, Mexico et, tout récemment, Delhi. Figure 02 Divisions administratives de la Région Métropolitaine de Mumbai

Source : Réalisation personnelle à partir des cartes de la MMRDA et de Pierre Chapelet

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1.2 Une économie à deux vitesses

1.2.1 Mumbai, capitale économique de l’Inde

Mumbai s’affirme nettement comme étant la capitale économique de l’Union indienne. Elle concentre à elle seule plus de sièges sociaux de grandes entreprises que Delhi et Kolkata réunies. La ville contrôle de nombreux lieux de production implantés dans presque tous les Etats (seuls ceux de l’Est ne sont pas concernés). La ville a ainsi une très importante capacité de contrôle sur la dynamique industrielle du pays. Les plus grandes entreprises indiennes ont leur siège à Mumbai, comme Tata ou Birla.

Autrefois Réputée pour son industrie textile et mécanique, la ville est également devenue un centre de

service dynamique et concentre les activités boursières ainsi que celles liées à l’informatique et aux nouveaux médias. La ville est aussi un important centre de commande à l’échelle d’une grande région qui comprend quatre Etats ; le Maharashtra, le Gujarat, le Sud du Rajasthan et l’Ouest du Madhya Pradesh. (Cadène, 2008)

1.2.2 L’émergence d’une classe moyenne ?

Un salaire moyen plus élevé à Mumbai qu’ailleurs en Inde

L’économie de Mumbai peut être enviée par rapport à celle des autres Etats et villes indiennes. Le revenu net par habitant était de 65.361 Rps8 pour l’année 2006-2007 ce qui est plus d’une fois et demi le revenu moyen des habitants du Maharashtra (41.331 Rps pour la même période) et plus de deux fois le revenu moyen des habitants de l’Inde (29.382 Rps). (Mumbai HDR, 2009)

Cependant, ces résultats ne révèlent pas les immenses disparités de revenus à travers la ville où l’extrême richesse et la pauvreté absolue sont clairement visibles.

Plus qu’ailleurs, il faut être riche à Mumbai pour pouvoir vivre décemment. Le cout de la vie y est plus

élevé que dans la plupart des autres villes indiennes. Si la nourriture et les transports sont très peu onéreux, les montants des loyers et des cautions à verser pour pouvoir y vivre sont inversement extrêmement coûteux et l’essentiel de la population de la ville ne peut vivre dans un logement réellement adapté à ses besoins.

1.2.3 Plus de 50 % de laissés pour compte

Si l’on peut utiliser ce terme pour qualifier une ville, Mumbai est alors schizophrène. Elle regroupe deux villes : une ville formelle et une ville informelle (cf. introduction). Ses habitants vivent sur le même territoire géographique mais, économiquement, physiquement et socialement, celui-ci est occupé de manière totalement différente. Alors que l’un des territoires paraît aménagé, l’autre semble désorganisé (c’est en fait parfois l’inverse). Malgré deux situations économiques asymétriques, les territoires sont dépendants l’un de l’autre. Plus d’un million de sans abris (pavement dwellers)

Selon le recensement de 2001, il y aurait environ 2 millions de sans abris en Inde. Cependant, l’ONG Action Aid affirme en 2003, qu’ils seraient environ 78 millions dans le pays. Il ne semble pas possible d’avoir des données précises sur leur nombre, mais si l’on considère l’importance de la pauvreté et des camps de squatteurs, nous pouvons imaginer que Mumbai rassemble de un à plusieurs millions de sans abris.

                                                                                                               8 Source : HDR Mumbai, 2009.

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Le rôle des habitants des bidonvilles dans l’économie

Une étude de Deshpande (2004) a établi des « caractéristiques types » qui définissent les habitants des bidonvilles à Mumbai en 2001. Celles-ci (cependant sujettes à de fortes variations) peuvent se décomposer de la manière suivante (Nijman, 2008) :

- La plupart d’entre eux sont issus de la première ou deuxième génération de migrants, pour la plupart

venant de l’Etat du Maharashtra ; - La raison de la migration est économique. Ils viennent en ville pour chercher du travail ; - La plupart des chefs de famille travaillent pour un salaire dans une petite usine ou à la mission au jour le

jour : certains d’entre eux sont auto entrepreneurs, très peu travaillent dans le secteur formel et peu n’ont pas d’emploi stable ;

- La plupart des lieux de travail se trouvent à proximité du bidonville. Deux tiers des hommes et 90% des femmes peuvent s’y rendre à pied.

- Près de 85% des ménages rapportent qu’ils ont leur propre maison, même si la plupart d’entre eux n’en ont pas de titre de propriété.

De plus, une enquête concernant 16 000 ménages vivant dans des bidonvilles a été menée par la

MMRDA en 2002. Celle-ci a révélé que 33% de la population des bidonvilles travaillait et qu’il y avait en moyenne 1,46 travailleur par foyer. Le revenu moyen d’un ménage s’élevait à 2 987 Rps et 40% des ménages étaient catégorisés sous le seuil de pauvreté9.

Les femmes et les enfants sont plus particulièrement vulnérables. De nombreuses femmes travaillent

comme employées de maison dans les zones voisines du bidonville. Le secteur de la construction est un autre grand employeur. Le rôle des femmes est souvent de transporter les matériaux pour les hommes, mais elles reçoivent un salaire bien inférieur à celui de ces derniers. Même si les conditions sont très difficiles, travailler sur les chantiers leur permet de bénéficier d’une petite cabane fournie par l’entrepreneur qui, même si elle est dépourvue de ventilation et de sanitaires, leur sert d’abris à elles et à leurs enfants.  Le secteur informel  

Le secteur informel rassemble une large part des travailleurs de la ville. Qu’ils travaillent pour un tiers ou à leur propre compte, ils perçoivent un faible revenu. Quand ils travaillent pour un tiers, le revenu perçu est généralement inférieur au minimum légal. Il ne bénéficient d’aucune réglementation concernant leurs conditions de travail et de la sécurité sociale est pratiquement inexistante. Par conséquent, leurs conditions de vie sont très largement affaiblies.

Une grande partie de la population qui travaille dans le secteur informel comprend des migrants peu

qualifiés et/ou des migrants provenant de la campagne ou de petites villes. Si leur niveau de pauvreté change dans la forme en migrant, ils restent cependant pauvres en travaillant à Mumbai.

Par ailleurs, il arrive de plus en plus fréquemment que des travailleurs du secteur formel aient une partie

de leur travail à effectuer dans le secteur informel, cela affectant également leurs conditions de vie et la sécurité de leur emploi.

                                                                                                               9 Municipal Corporation of Greater Mumbai, « Mumbai Human Development Report, 2009 »

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2. Une  pression  foncière  insensée  

2.1 Une surface par habitant l’une des plus faibles au monde

Dans les ménages de Mumbai, chaque personne consomme en moyenne 2,9m² d’espace au sol. C’est l’une des surfaces par habitant les plus basse au monde. (…) Pourquoi une ville maintenant riche devrait-elle rester l’une des pires au monde en matière de logement? 10.

Alain Bertaud, Urbaniste International

Les études de l’urbaniste Sulakshana Mahajan indiquent qu’un habitat sain doit comporter un espace minimum d’au moins 10m² par habitant11, soit près de quatre fois ce qui est constaté aujourd’hui. De telles densités sont globalement sans égal dans le monde. Ce sont pourtant près de 82% des habitations qui ne comptent qu’une seule pièce et Mumbai est ainsi l’un des plus mauvais endroits pour se loger et ce, encore plus particulièrement pour les plus pauvres. (Das, 2005)

Le tableau suivant rapporte les densités observées à Mumbai. Celles-ci, toujours très élevées (plus élevées que Paris dans les suburbs qui sont pourtant les zones les moins denses de la ville), atteignent jusqu’à 336 000 habitants /km² dans certains quartiers de Dharavi (soit 16 fois plus que Paris). Tableau 02 Densités de Population à Mumbai (Habitants /km²)

Zone Maximum Minimum Moyenne

Dharavi (2007) 336 000 314 000 325 000 Island City Wards (2001) 114 001 (Marine Lines) 16 868 (Colaba) 43 447 Suburbs Wards (2001) 49 006 (Kurla) 7 270 (Mulund) 21 284 Greater Mumbai (2001) - - 24 812 Maharashtra (2001) - - 314 Inde (2001) - - 334 New-York (2000) - - 10 238 Manhattan (2000) - - 26 978 Paris - - 21 196

Source : Observer Research Foundation, Mumbai « Affordable Housing for Mumbai’s poor (Im)possible ! (Sauf pour les données concernant Paris)

2.2 Le développement de l’habitat informel

2.2.1 Les multiples définitions du terme « slum »

Il existe de très nombreuses définitions des termes bidonvilles et plus précisément des slums. Nous nous intéresserons ici aux définitions d’UN Habitat, de l’encyclopédie Britannica, du National Sample Survey Organisation qui sont proposées par le Gouvernement de l’Inde et le Ministère du logement et de la lutte contre la pauvreté urbaine12 Nous nous intéresserons également aux paradoxes actuels existant autour de ces définitions.

                                                                                                               10 Traduction issue de : Mumbai FSI/FAR conundrum : The perfect Storm : the perfect factors restricting the construction of new floor space in India (June 2004) http ://alain-bertaud.com/AB_Files/AB_Mumbai_FSI_FAR_conundrum.pdf 11 Affordable housing for Mumbai’s poor (im)possible ! (p. 8) 12 http://mhupa.gov.in/W_new/Slum_Report_NBO.pdf

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UN-HABITAT

UN-HABITAT défini un slum comme « Un ensemble continu de constructions où les habitants ne disposent pas de logements et des services de bases suffisants. Les bidonvilles ne sont souvent pas reconnus et traités par les autorités publiques comme faisant partie intégrante ou égale de la ville. » Les ménages des bidonvilles manquent d’une ou plusieurs des conditions énumérées ci-dessous :

- L’insécurité de leur statut de résident, - L'accès insuffisant à l'eau potable, - L’accès insuffisant à l'assainissement et autres infrastructures, - La mauvaise qualité de la structure des logements, - La surpopulation.

L’encyclopédie Britannica

Dans l’encyclopédie Britannica, les slums sont définis comme « des zones résidentielles qui sont physiquement et socialement dégradées et dans lesquelles une vie de famille satisfaisante est impossible. Les mauvaises conditions de logement sont un indice majeur des mauvaises conditions de vie. Par mauvaises conditions de logement, on entend des habitations qui sont insuffisamment éclairées et ventilées, qui n’ont pas de toilettes ni de salle de bains adéquates ; des habitations qui sont en mauvais état, mal entretenues et mal chauffées ; qui ne permettent pas d’avoir une vie privée ; qui sont soumises à des risques d’incendie ; qui sont surpeuplées et qui ne laissent aucune place à la détente » Le National Sample Survey Organization (NSSO)

Pour les enquêtes de 1993 et de 2002, le NSSO adopte une nouvelle définition du slum comme étant « un ensemble compact d’habitations généralement mal réalisées, la plupart de nature temporaire, amassées ensembles et généralement sans conditions sanitaires, d’hygiène et d’approvisionnement en eau suffisantes. Ces zones, dans le cadre des enquêtes, ont été considérées comme des « non notified slum » si, au minimum, vingt ménages y vivaient. Les « notified slum » sont les zones qui ont été acceptées par les municipalités, les corporations, les organismes locaux ou les autorités de développement.

Le slum d’aujourd’hui : entre illégalité et reconnaissance

La loi de l’urbanisme de 1956, définie comme slum : « Une zone compacte constituée d’au moins 300

personnes, soit 60 à 70 ménages, d’habitations congestionnées et pauvrement construites, dans un environnement insalubre et généralement sans infrastructures adéquates et dépourvues d’équipement sanitaire et d’approvisionnement en eau potable13 ».

A cette définition s’ajoutent aujourd’hui les notions de déclaré ou non déclaré. « La déclaration d’un

slum introduit sa dotation en équipements par les municipalités mais provoque une densification autour de la poche originelle. Le périmètre reconnu du slum n’est quant à lui pas remis en question, ni agrandit. Les infrastructures deviennent donc au fil du temps insuffisantes et désuètes, face aux nouveaux affuts des populations. Les slums non déclarés ne sont pas éligibles à des programmes alors qu’ils constituent les quartiers les plus précaires, développant les plus grands problèmes liés à l’hygiène et à l’environnement dégradé du site […]. « Le slum, en particulier le bidonville, oscille entre illégalité et rejet d’un côté, tolérance et reconnaissance de l’autre14. » Cette situation constitue un paradoxe car les habitants sont « légitimes » mais le quartier dans lequel ils vivent est non reconnu et n’a droit à aucun service municipal ». (Deluc, 2010)

                                                                                                               13 Selon Véronique Dupont, revue urbanisme n°355, 2007, p.51. 14 Selon Véronique Dupont, revue urbanisme n°355, 2007, p.55.  

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2.2.2 Les slums de Mumbai De plus en plus de slums

Comme nous l’avons vu précédemment, l’offre et la demande de logements à des prix raisonnables ne s’accorde pas. En conséquence, ce sont les slums qui accueillent tous ceux qui ne peuvent trouver d’autre logement et ces derniers sont de plus en plus nombreux.

Le problème s’est considérablement aggravé depuis 1976, au moment ou l’Etat a introduit l’UCLA

(Urban Land Ceiling Act), qui impose des limites sur la taille des lots soumis à transaction sur la propriété foncière avec l’intention déclarée de réduire la spéculation foncière et de redistribuer le terrain aux pauvres. L’UCLA a été accusé d’avoir entrainé une baisse des terrains disponibles, augmentant ainsi considérablement leurs prix et aggravant la pénurie de logement.

Depuis 2001, ce sont plus de la moitié des habitants de Mumbai qui vivent dans les slums et ce chiffre, qui ne cesse d’augmenter, devrait finir par atteindre les deux tiers de la population de la ville (62% selon le dernier recensement de 2011)

Figure 03 Evolution de la population des bidonvilles à Mumbai

Réalisation de l’auteur

Source : ORF, nov. 2010 et Census of India 2011 Beaucoup d’habitants sur une très petite surface

Le recensement de 2011 indique que 62% de la population de Mumbai vit dans les bidonvilles. Ils sont tristement devenus l’une des caractéristiques qui définissent Mumbai et il estimé que c’est la ville qui concentre le plus d’habitants qui vivent dans des bidonvilles au monde. (WSP, 2006)

Ces bidonvilles occupent tout juste 6% de du total des terrains de la ville. Comme nous l’avons vu

précédemment, il en résulte par conséquent d’extrêmes densités de population et celles-ci sont combinées avec des habitations informelles et insalubres.

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Des bidonvilles de taille, de population et de densité variées sont présents dans tout Mumbai, à l’exception du Ward C. Ces bidonvilles sont sur des terrains détenus par une variété d’entités. En 2001, l’ONG YUVA et le Montgomery Waston Consultants réalisent une étude sur les bidonvilles de Mumbai. Celle-ci prend en compte 92% des slums dwellers qui se répartissaient dans 1 959 slums et représentaient ainsi près de 5,72 millions de personnes. Les 8% qui ne sont pas comptabilisés sont les slums dwellers qui vivaient sur des terrains trop petits pour pouvoir être aisément identifiables. Cette étude nous servira régulièrement de base par la suite.

Une inégale répartition des bidonvilles sur le territoire de la ville Le tableau 03 nous indique que la population des bidonvilles se concentre majoritairement dans les banlieues de la ville. Si les banlieues ouest sont proches de la moyenne de concentration des bidonvilles de la ville (54%), les habitants de la banlieue est sont pour près des trois quarts des habitants des bidonvilles. La City est relativement épargnée puisque moins du tiers de ses habitants vivent dans ces quartiers. Tableau 03 Répartition des bidonvilles sur le territoire de la ville en 2001.

Zone Pourcentage de la pop. de la zone /pop. du Greater Mumbai

Pourcentage de la pop. des bidonvilles / pop. de la zone

City 28 33 Western Suburbs 43 54 Eastern Suburbs 29 74 Total 100 54

Source : HDR, 2009, p.69

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Figure 04 Répartition des bidonvilles dans la Municipalité de Mumbai

Source : Réalisation de l’auteur

Assemblage à partir de « Projets urbains et bidonvilles dans la municipalité de Mumbai » Jean Pierre Magnier, 2011.

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Propriété du terrain

Le tableau 04 nous montre la répartition des 1 959 bidonvilles en fonction du propriétaire de leur terrain. On constate que, si la majorité des terrains sont détenus par des personnes privées, le reste des terres appartient à de très nombreux autres propriétaires, tels que la municipalité, le Gouvernement d’Etat, le Gouvernement Central, les chemins de fer. Certains terrains sont également détenus par plusieurs propriétaires. Il n’est pas toujours aisé de savoir à qui appartient le terrain.

Tableau 04 Répartition des bidonvilles en fonction de la propriété du terrain en 2001.

Propriété du terrain Nombre de bidonville Part dans le total des bidonvilles Municipal 313 16 Gouvernement d’Etat 431 22,00 Gouvernement Central 88 4,5 Chemins de fer 13 0,5 Privés 924 47 Mixte 190 10 Total 1959 100

Source: YUVA and Montgomery Watson Consultants, India (2001) (Les terrains sur lesquels doivent être construits les projets de sanitaires de TPM sont situés sur des terrains détenus par la Municipalité et

par le gouvernement du Maharashtra)

2.3 La ville à la recherche d’un nouveau centre

Comme nous l’avons vu précédemment, Mumbai s’est développée du Sud vers le Nord. La ville ne cessant de s’étendre et de se densifier, deux conséquences principales en dérivent. D’abord son centre historique, situé dans la partie la plus au Sud de la ville, ne correspond plus du tout au centre géographique de la ville d’aujourd’hui. Ensuite, la croissance s’étant accompagnée d’une très forte augmentation des prix du foncier depuis 2 000, c’est toute une partie de la population qui voit son droit d’habiter la ville remis-en cause, la pression foncière étant toujours plus forte.

2.3.1 Désengorger et réorganiser la ville

L’activité économique de la ville s’organise du sud vers le nord. On observe ainsi, une très forte concentration de quartiers d’affaires au sud caractérisée par les banques et les bureaux des quartiers du Fort et de Colaba. Ces quartiers aisés et plus aérés qu’ailleurs sont également la terre d’accueil des lieux culturels de la ville (nombreux musées et universités). Plus au Nord, c’est la ville commerçante qui prend le relai, dans les quartiers de Girgaum et Byculla notamment. Plus au Nord encore, ce sont les quartiers de Parel et Worli, anciennes terres d’accueil des travailleurs du textile qui prennent place. Vient ensuite le bidonville de Dharavi qui s’étale à la limite des quartiers ouvriers. Les quartiers industriels sont repoussés toujours plus au nord, dans la partie suburbaine. Ainsi, le quartier de Santa Cruz où se trouve l’aéroport International est situé à 26km du centre-ville, celui d’Andheri qui concentre des unités de production mécanique est à plus de 30 km. (Saglio, 2001)

La ville souhaitant produire des espaces urbains plus compétitifs et transformer Mumbai en une métropole « de classe mondiale » (Bautès, Saglio-Yatzimirsky et Boissinot, 2011), la structure de la ville est alors devenue inadaptée. Il est alors souhaité que les activités industrielles soient délocalisées vers la périphérie et qu’un nouveau centre d’affaire soit créé en position centrale dans la ville. C’est dans ce contexte que le centre d’affaire de Bandra Kurla (Bandra Kurla Complex, BKC) a vu le jour dans les années 1980 comme une alternative à Colaba. Ce dernier, situé à l’est de la crique de Mahim, regroupe le siège de nombreuses administrations et sociétés.

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Les politiques s’adaptent pour aider à la mise en place de ce nouveau centre. La loi sur le plafonnement de la propriété foncière (UCLA) est abrogée en 2007, le Gouvernement du Maharashtra instaure une politique de logement et le Plan régional pour la Région métropolitaine de Mumbai (Regional Plan for Mumbai Metropolitan Region) est défini. Opérant au travers de l’influence de plus en plus grande du secteur privé, ils permettent de combiner deux objectifs prioritaires : libérer des terrains pour le marché immobilier et résoudre la question de l’habitat précaire en éradiquant ou en réhabilitant les bidonvilles. (Bautès, Saglio-Yatzimirski et Boissinot, 2011)

2.3.2 Les enjeux de valorisation du sol urbain : éviction, réhabilitation et spéculation immobilière Evictions Depuis les années 1990 et dans le contexte de la libéralisation économique, l’Etat souhaite produire des espaces urbains plus compétitifs et Mumbai souhaite ainsi se transformer en une « métropole de classe mondiale ». Dès lors, de vastes programmes dont l’ambition reste aujourd’hui de « faire de la ville un meilleur lieu de vie » et de produire « un rival financier aux plus grandes villes mondiales », sont initiés dans le domaine du logement, des infrastructures urbaines et sociales du développement économique, de la finance et de la gouvernance. (Bautès, Saglio-Yatzimirski et Boissinot, 2011) Ces interventions ont eu des conséquences très dures pour les habitants les plus pauvres. De très nombreux ménages se sont trouvés délogés et n’ont pu bénéficié d’aucune compensation, les nouveaux enjeux de la métropole étant jugés beaucoup plus importants. La logique de réhabilitation in situ

Depuis les années 1990, les programmes de réhabilitation in situ semblent guider les politiques du Maharashtra. C’est dans ce contexte que les Schémas de Réhabilitation des Slums (SRS) ont été créé. Ceux-ci permettent, outre le relogement des habitants des bidonvilles dans des immeubles, de créer des droits de développement supplémentaires destinés à construire des bâtiments à usage commercial ou de bureaux. Même s’ils leur sont à la base destinés, les terrains et les bâtiments ayant acquis plus de valeurs (et nécessitant plus de maintenance) les habitants se retrouvent incapables d’en supporter les frais et les plus pauvres d’entre eux sont contraints de quitter les lieux. Spéculation immobilière

Ces politiques peinent à sécuriser l’accès au logement des habitants de bidonvilles dans les quartiers

centraux de la ville. Elles écartent de nombreuses familles de toute possibilité de relogement par des mécanismes de sélection contestables et ces programmes conduisent souvent à placer les habitants des bidonvilles au cœur des logiques spéculatives des marchés fonciers. Cette logique s’applique particulièrement dans certains quartiers. Aux abords de la baie de Mahim figure l’un des espaces majeurs de cette spéculation immobilière. Ce quartier a connu depuis le milieu des années 1990 une explosion du prix du foncier, corrélative à la mise en œuvre de plusieurs mégaprojets d’infrastructures de transports qui renforcent la centralité du vaste centre d’affaires Bandra Kurla Complex (BKC). (Bautès, Saglio-Yatzimirski et Boissinot, 2011)

 

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3. De  très  mauvaises  conditions  de  vie  pour  les  habitants  des  bidonvilles  

Les disparités d’ordre économique et sociales sont clairement visibles entre la plupart des habitants de la ville et des bidonvilles. Elles sont particulièrement évidentes lorsque l’on compare la qualité des constructions, les conditions de santé, ainsi que les conséquences sur la qualité de vie qui affectent les habitants.

Si les bidonvilles apparaissent comme la terre d’accueil principale des plus pauvres, certains habitent également dans la ville formelle (dans des chawls par exemple). L’inverse peut également se produire. Certains habitants des bidonvilles ne sont pas spécialement pauvres, mais pour des raisons économiques, sociales et même parfois politiques, ils souhaitent y habiter (y rester).

3.1 Des constructions précaires La peur des évictions

Situées sur des terrains sur lesquels les habitants n’ont théoriquement pas le droit de construire, les

habitations sont par conséquent souvent précaires. Pourquoi investir dans son logement quand on sait que celui-ci sera peut être bientôt démoli ? Des habitations perméables aux intempéries

Sur les 1 959 bidonvilles de Mumbai étudiés par l’ONG YUVA et le Montgomery Watson Consultants, la qualité et la composition des constructions se réparti de la manière suivante :

- 62% des habitations sont construites avec des matériaux permanents. Le plus souvent, ce sont des murs

en briques, parfois renforcés et des toitures en ciment. - 27% des habitations sont construites avec des matériaux « semi permanents », tels que des briques et

des toitures en tôle ondulée. - 6% structures temporaires.

Les trois types de constructions sont de mauvaise qualité et sont conçus selon des standards très largement insuffisants. Les habitations sont victimes d’une ventilation insuffisante, d’un manque d’hygiène, de congestion, de mauvaises odeurs liées aux égouts à ciel ouvert, etc.

Les habitants tentent, selon leurs ressources économiques, d’améliorer leurs logements. Le plus

souvent, ils changent les matériaux de leur habitation ou ajoutent un étage, près de 45% des unités d’habitations ayant en effet deux étages ou plus.

Les toitures n’étant souvent pas suffisamment étanches, des bâches sont ajoutées pour se protéger des pluies lors de la mousson. Les bidonvilles changent alors complètement d’allure, la toiture des bâtiments passant généralement du gris de la tôle au bleu électrique des bâches.

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Figure 05 Types de constructions fréquemment rencontrées dans les bidonvilles de Mumbai.

A droite : Bidonville du quartier de Kings Circle (Ward F/N), le 28 mai 2012. En haut à droite : Bidonville du quartier de Mahalaxmi (Ward G/S), le 07 juillet 2011. En bas à droite : Bidonville du quartier de Bandra East (Ward H/E)), le 22 mai 2012.

Source : Photographies personnelles Des habitations qui ne laissent aucune place à l’intimité Les maisons sont le plus souvent minuscules. Près de 42% des habitations n’ont une surface au sol que de 10m². Presque la même proportion (38%) dispose d’une surface de 15 à 20m². Les 20% les plus privilégiés vivent dans plus de 20m²15.

La taille moyenne des foyers est estimée à 4,5 membres. Quand ceux-ci ne font que 10m², chaque personne ne dispose que de 2,22m² (légèrement plus grand que la taille d’un lit une personne). Ceux qui vivent dans 20m² s’entassent encore et ne disposent à peine que de 5m² par personne. Il va sans dire que ses logements ne laissent aucune place à l’intimité. Les membres du foyer cohabitent toujours ensemble et dans les mêmes espaces.

Les bidonvilles étant souvent également extrêmement denses, la vie privée ne peut être garantie à l’extérieure de la cellule. Les habitations étant très mal isolées les unes des autres, les bruits et les odeurs peuvent passer très aisément d’une pièce à l’autre, mais également d’une habitation à l’autre.

De plus, la curiosité étant attisée par la proximité, les échanges, l’observation et les bavardages entre

les habitants sont très largement favorisés.

                                                                                                               15 Toutes les données chiffrées concernant les constructions précaires proviennent d’une étude sur 1959 bidonvilles de Mumbai effectuée par YUVA and Montgomery Watson Consultants, India (2001)

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Il est également important de noter qu’à cela peuvent s’ajouter des raisons culturelles. Ailleurs en Inde, et même dans les campagnes, là où la place ne manque pas, les habitations sont généralement petites. Elles sont partagées par tous les membres de la famille. Ce phénomène est simplement accentué dans les bidonvilles puisque celui-ci n’offre pas de possibilité d’extension du foyer alors que dans un même temps, la famille peut continuer de s’agrandir. Figure 06 Densité et manque d’intimité

En haut à gauche : Bidonville de Dharavi pendant la mousson, le 9 juillet 2011. En bas à gauche : Logement de Raju et sa famille. Les cinq personnes du ménage se partagent environs 15m². (La photo est prise à

l’extrémité du lit), le 9 juillet 2011. A droite : Bidonville entre Dadar et Worli, le 13 mai 2012.

Source : Photographies personnelles

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3.2 Des mauvaises conditions de santé Une espérance de vie réduite

Selon Alain Jacquemin (1999)16, « Bombay, comme toujours, demeure un véritable charnier avec des

taux de mortalité 50% plus élevé que dans les zones rurales adjacentes. En outre, la proportion ahurissante de 40% de cette mortalité est imputable à des infections et à des maladies parasitaires dues à la contamination de l’eau et aux effroyables conditions sanitaires »

Alors que les taux de mortalité infantiles sont comparables dans les bidonvilles et dans le reste de la ville, le taux de mortalité des moins de cinq ans y est deux fois plus élevé : 4/1 000 dans la ville contre 8/1 000 dans les bidonvilles. (Mumbai HDR, 2009)

Les enfants qui grandissent dans les bidonvilles, en raison de carences nutritionnelles, sont plus susceptibles de subir un retard de croissance dans les bidonvilles que les autres. (+14 points) Environ 40% d'entre eux sont plus également susceptibles d’avoir un poids insuffisant. (Mumbai HDR, 2009).

3.3 De nombreuses conséquences sur la qualité de vie Une pauvreté et une perte de dignité

La pauvreté ne se mesure pas uniquement en terme de revenu, ce dernier n’étant qu’un de ses aspects. La pauvreté des constructions, la surpopulation - au sein du logement et du bidonville -, le faible accès aux services publics, l’insécurité liée à l’occupation illégale des terres, sont autant de marqueurs de la pauvreté. Une seule ou plusieurs de ces caractéristiques rassemblées peuvent entrainer une perte de dignité des habitants et ce particulièrement pour les femmes. La place des femmes et des enfants Comme dans l’Inde en général, le rapport de masculinité est faible dans les bidonvilles de Mumbai, puisque l’on comptabilise moins de 750 femmes pour 1000 hommes (Mumbai HDR, 2009). Ce chiffre peut être attribué au schéma typique de migrations où seul l’homme de la famille vient en ville, sa famille pouvant ensuite peut être le rejoindre.

Concernant l’éducation, près de 90% de la population de plus de six ans a fréquenté l’école à Mumbai. Cependant, plus les enfants grandissent, plus les rapports entre ceux qui fréquentent l’école et ceux qui ne la fréquentent pas diffèrent entre les habitants des bidonvilles et les autres. S’il existe une certaine éducation primaire universalisée, seulement 48% des habitants des bidonvilles de 15-17 ans fréquentent l'école contre 64% pour les autres habitants de la ville. En conséquence, les habitants des bidonvilles ont beaucoup moins de chances de finir leurs dix premières années d’études que ceux qui n’y vivent pas (31% contre 47%). (Mumbai HDR, 2009). Les enfants des bidonvilles commencent également plus jeunes à travailler que les enfants de la ville formelle. De plus, selon des enquêtes de la MMRDA, le taux d’alphabétisation serait beaucoup plus bas dans les bidonvilles et n’atteindrait que 60%.

La liste n’étant malheureusement pas exhaustive, il existe de nombreux points sur lesquels les habitants des bidonvilles sont défavorisés par rapports à leurs semblables qui vivent ailleurs dans la ville formelle.

                                                                                                               16 Source : Mike Davis, Le Pire des mondes possibles, 2007.

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4. De  très  mauvaises  conditions  sanitaires    

4.1 Un accès à l’eau insuffisant Différents types d’approvisionnement en eau

Alors que l’eau courante est accessible au robinet dans plus de 92% des foyers dans la ville formelle, son accès est beaucoup plus difficile dans la ville informelle. Il existe de nombreuses manières de s’alimenter en eau dans les bidonvilles de Mumbai. La solution la plus courante qui concerne un foyer sur deux, consiste en une « connexion partagée » ou une « connexion de groupe ». Elles pourvoient des groupes de cinq foyers ou plus. Dans le bidonville de Nirmal Nagar (étude de cas dans le Chapitre 3), on peut observer de nombreux robinets cadenasses dans les ruelles. La seconde solution consiste en un approvisionnement mixte, comprenant une connexion individuelle et une connexion partagée. Même si le chiffre paraît marginal, il est important de noter qu’encore près d’un habitant sur cent ne bénéficie pas d’un approvisionnement en eau au sein de son foyer ou à proximité de celui-ci, mais, dans une ville aussi peuplée que Mumbai, cela représente près de 100 000 habitants.

Si l’eau est inégalement répartie entre les habitants de la ville, cela ne signifie pas pour autant que celle ci est rare. Contrairement à de nombreuses autres métropoles indiennes, Mumbai a la chance de ne pas faire face à des problèmes de rareté de l’eau. Cependant, l’eau peut être contaminée, la pression très faible, l’approvisionnement à certaines heures uniquement (et pas toujours fixe) et les coûts peuvent devenir très importants selon le fournisseur. Tableau 05 Type d’approvisionnement en eau dans les bidonvilles de Mumbai

Type d’approvisionnement en eau

Part de ménages des bidonvilles Nombre de bidonvilles concernés

Individuel 5 103 Partagé 50 975 Robinet extérieur 11,5 229 Forages 0,5 10 Mixte 32 625 Pas d’accès 1 17 Total 100 1959

Source : YUVA and Montgomery Watson Consultants, India, 2001 Les multiples acteurs de l’approvisionnement

Il a longtemps été considéré que l’accès à l’eau devait se faire au moyen d’un opérateur unique. Or, face aux défis financiers, démographiques, urbanistiques et environnementaux, les services urbains sont devenus dépourvus des moyens administratifs, financier et techniques nécessaires pour répondre aux exigences de la population17. Le réseau est donc maintenant détenu par plusieurs entreprises privées et il est devenu beaucoup plus ségrégatif. Ainsi, ceux qui vivent dans des conditions précaires s’en sont rapidement retrouvés exclus.

                                                                                                               17 Anastasia Angueletou-Marteau (2009). Son étude concerne les petites et moyennes villes indienne (de la Région Métropolitaine de Mumbai), mais la raison du transfert de l’approvisionnement en eau d’un opérateur public à un opérateur privé peut se justifier de la même manière.

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  30  

Une étude réalisée par Anastasia Angueletou-Marteau (2009) dans les villes de Visai et Virar (au nord de l’Aire Métropolitaine de Mumbai), révèle que plusieurs arrangements institutionnels coexistent pour satisfaire les besoins en eau de la population. Son étude en a révélé quatre types d’approvisionnement :

- Le réseau municipal, - Les marchés de l’eau : les entreprises de camions-citernes, les abonnés revendeurs et les revendeurs de

sources souterraines, - L’accès direct à des sources souterraines, - L’accès direct à des sources publiques (souterraines et superficielles)

L’eau coute beaucoup plus cher dans la ville informelle que dans la ville formelle. Ayant des difficultés à

s’approvisionner, les fournisseurs privés n’hésitent pas à faire payer l’eau à des tarifs très élevés aux habitants des bidonvilles, celle-ci leur étant de toutes façon indispensable.

4.2 Un accès aux sanitaires très limité

La très grande majorité des habitants des taudis des villes indiennes n’ont pas de toilettes au sein de leur logement. Cette absence de sanitaires au sein du foyer a également une raison culturelle. Les maisons des campagnes n’en disposent pas non plus et il faut souvent rejoindre un autre baraquement pour satisfaire ses besoins personnels.

Dans les bidonvilles, les établissements publics qui existent sont insuffisants ou deviennent

fréquemment inutilisables à cause du manque de maintenance. Trois bidonvilles sur quatre sont dépendants des toilettes publiques. La banque mondiale estime que ce sont 20% des habitants des bidonvilles qui sont contraints d’utiliser l’espace public extérieur pour assouvir leurs besoins naturels (WSP, 2006. p.73). Ce type de pratique n’est pas sans conséquence sur l’individu et entraine des menaces pour la santé, pour la sécurité et pour la dignité et ce, particulièrement pour les femmes et les enfants. Les enfants en bas âge sont généralement plus vulnérables. Il peut arriver qu’ils jouent près des lieux réservés à la défécation, ce qui augmente le risque de contamination.

4.2.1 De très nombreux usagers pour un siège

Les statistiques du MCGM, indiquent une très importante pénurie en matière de sanitaires dans la municipalité de Mumbai, avec une moyenne de 81 utilisateurs par siège. Selon les zones, les statistiques varient de 58 à 273 utilisateurs par siège. (WSP, 2006. p.73). Ces chiffres sont cependant à revoir à la hausse parce qu’ils ne prennent pas en compte les sanitaires qui sont cassés, obstrués ou inaccessibles. De plus, les autorités du Greater Mumbai ne sont de toute évidence pas les plus objectives. D’autres études estiment qu’il y a jusqu’à un sanitaire pour 1440 usagers à Dharavi18. Si l’on considère que les blocs sont ouverts 24h/24 et que les utilisateurs les fréquentent de manière continue (ce qui ne peut être le cas), chaque personne dispose tout juste d’une minute par jour pour effectuer ses besoins.

Quelques soient les statistiques considérées, aller aux toilettes peut s’avérer un véritable calvaire. Les

emplacements sont insuffisants et les temps d’attente par conséquent très longs. De tels taux d’occupation ne peuvent par ailleurs pas laisser penser que le bloc reste propre et non odorant. Dans ces conditions, certains utilisateurs envisagent des solutions alternatives.                                                                                                                18 [1] UNDP (2006). Human development report 2006 : beyond scarcity : power, poverty and the global crisis. p. 37.

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4.2.2 Des solutions alternatives ? Les environs des blocs de sanitaires

Comme nous l’avons vu précédemment, les enfants, même s’ils sont censés, comme les adultes, attendre leur tour, ils ne sont pas toujours capables de se retenir. Leurs mères, qui ont également peur pour leur sécurité à l’intérieur du bloc sont également les premières à les dissuader d’utiliser ces sanitaires. Par ailleurs, mes observations sur le terrain ont révélé que les enfants étaient les premiers à craindre les animaux errants qui rodent près des sanitaires. Ils sont en conséquence les premiers à utiliser les espaces avoisinant le bloc pour satisfaire leurs besoins. L’utilisation de sanitaires des stations de train

Les stations de train sont des lieux publics qui ont la particularité de rassembler presque toutes les catégories sociales et où les habitants les plus pauvres peuvent circuler librement sans être évincés. Des habitants des bidonvilles qui sont à proximité des gares tentent ainsi d’en utiliser les sanitaires. Cette solution ne paraît pas très appropriée pour plusieurs raisons. D’abord il faut vivre à proximité d’une station, les besoins corporels ne pouvant pas toujours attendre trop longtemps. Ensuite, il faut que la station dispose de sanitaires, les 109 stations de Mumbai ne comptabilisant en tout que 355 sièges et 673 urinoirs19. Enfin, cette solution n’apparaît pas envisageable pour les femmes puisque seulement 17% des emplacements20, soit 60 sièges, leurs sont réservés. De leur côté, les hommes bénéficient de 968 emplacements, soit 16 fois plus que les femmes. Cette solution n’apparaît donc envisageable que pour une fraction très faible de la population des bidonvilles. L’utilisation des voies de chemin de fer comme sanitaires à ciel ouvert

L’un des principaux lieux publics pour assouvir ses besoins corporels est le bord des chemins de fer. Il suffit de prendre le train à Mumbai (et d’ailleurs dans la majeure partie des zones urbanisées en Inde) le matin principalement, pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. Les rails se transforment véritablement en sanitaires collectifs géants. Seuls ou en groupe, ce sont des milliers de citadins qui s’y installent pour assouvir leurs besoins. Il semblerait qu’ils soient très organisés, les espaces pour les hommes étant distincts de ceux des femmes (les heures certainement aussi), les horaires des trains et les voies empruntées étant également connus de tous à force de pratique. (cf. Annexes 5.1)

Ces pratiques ne sont pas sans danger. Nul ne choisit intentionnellement d’assouvir ses besoins en

public. C’est indiscutablement humiliant pour tous, mais, ce sont les femmes qui en sont les premières victimes. A ce sujet, la journaliste Asha Krishnakumar écrit « L’absence de toilettes est dévastatrice pour les femmes. Elle affecte sévèrement leur dignité, leur santé, leur sécurité et leur intimité ainsi que, de manière indirecte, leur alphabétisation et leur productivité. Pour déféquer, les femmes et les jeunes filles doivent attendre la nuit, ce qui les expose à toute forme de harcèlement, voire aux agressions sexuelles. »21

De plus, du fait de leur situation à proximité ou sur le passage même des trains, ces emplacements

s’avèrent extrêmement dangereux. Des études ont en effet montrées que ce sont chaque année plus de 4 000 personnes (soit plus de 10 par jour) qui trouvent la mort sur les voies de chemin de fer. Les causes sont multiples et rassemblent des passagers qui tombent du train mais également ceux qui se trouvent sur les voies alors qu’ils ne devraient pas y être.

                                                                                                               19 A Matter of Human Dignity, ORF 20 A Matter of Human Dignity, ORF 21 Make Davis, Le pire des mondes possibles, 2007. p.146  

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En cas d’urgence ?

Aucune de ces solutions n’apparaît envisageable « en cas d’urgence » et le moyen qui semble alors le plus fréquemment utilisé est l’assouvissement de ses besoins dans du papier journal… (Burra, Patel, Kerr, 2003) La construction d’un important nombreux de bloc de sanitaires apparaît donc absolument indispensable.

4.2.3 Un manque à combler De nombreux blocs à construire

Le « Slum Sanitation Program » (cf. Chapitre 2) a été créé en 1997 et vise notamment à la construction de sanitaires pour un million d’habitants des bidonvilles.

En 2009, il a été estimé qu’il fallait 125.055 sièges dans les bidonvilles de Mumbai. En 2009, il existant

77 526 emplacements. (ORF, A Matter of Human Dignity, 2010). Ce sont ainsi près de 50 000 sièges qu’il faudrait construire. Ces recommandations m’apparaissent cependant toujours insuffisantes (rien ne remplaçant un sanitaire au sein de son foyer), mais le respect de ces recommandations et la construction effective de ces sanitaires serait déjà un très grand pas en avant qui permettrait d’améliorer les conditions de vie de très nombreux habitants. D’importantes inégalités hommes - femmes à combler

Si les sanitaires sont insuffisants, la proportion réservée aux femmes l’est encore plus. Contraintes à ne pas utiliser les toilettes à chaque fois que cela serait nécessaire, les femmes adaptent leurs pratiques et cela n’est pas sans conséquence sur leur santé.

Alors que les hommes peuvent uriner facilement, les femmes doivent se retenir et sont en conséquence sujettes à de nombreuses infections urinaires (6 fois plus que les hommes). De plus, afin de limiter l’utilisation des sanitaires, les femmes réduisent leur consommation d’eau entrainant ainsi déshydratation et problèmes de reins notamment. Enfin, les femmes, durant leurs menstruations ne peuvent pas aisément changer leurs protections.

En conséquence, il va sans dire que la proportion de sanitaires réservés aux femmes devrait au moins

être équivalente à celle réservée aux hommes.

4.3 Les différents types de sanitaires

Le Gouvernement de l’Inde propose une classification des typologies de toilettes. On y retrouve quatre

modèles : les toilettes au sein du ménage, les toilettes partagées, les toilettes communautaires et enfin les toilettes publiques.

4.3.1 Les toilettes au sein du ménage

Si tous les foyers de la ville formelle ne sont pas équipés de sanitaires, la majorité tend à en disposer et

ils sont de style indien. Au sein des bidonvilles, il est très rare d’avoir son propre sanitaire dans son logement et c’est moins d’un pour cent des ménages est concerné. Dans le bidonville de Nirmal Nagar (cf. Chapitre 3), aucun des habitants interrogés ne disposaient de sanitaires au sein de sa maison.

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  33  

4.3.2 Les toilettes partagées

Le cas des chawls

Les chawls sont les habitations qui se développent sur plusieurs étages (souvent deux ou trois). Chaque unité d’habitation s’ouvre sur un long balcon. Celui-ci est généralement large et se termine par des balustrades en bois. L’unité comprend une pièce, une kitchenette avec un petit espace pour (se) laver. Les toilettes sont communes aux habitants d’un même étage. Ces unités ont été à la base créées pour des hommes migrants. Cependant, ils sont nombreux à avoir fait venir leur famille et les habitations sont maintenant très denses et les toilettes partagées entre de beaucoup plus nombreux utilisateurs. Les toilettes cadenassées

Il est assez rare de voir des toilettes cadenassées et je n’en n’ai pour ainsi dire, jamais vu. Cependant, les études de Madeleine Bouchez22 dans le bidonville de Dharavi ont révélées que près de 5% des toilettes étaient cadenassées. Celles-ci appartiennent en conséquence à un nombre d’utilisateurs limité et bien défini. Ces derniers sont responsables de leur maintenance, alors que le reste du bloc est géré par les autorités.

4.3.3 Les toilettes publiques Utilisation

Les toilettes publiques répondent à un besoin occasionnel. On peut en rencontrer dans les bidonvilles mais également dans des lieux publics comme les gares ou les trottoirs des grandes artères par exemple. On distingue trois types de toilettes publiques (Slum Sanitation Programme, 2006) :

- Les toilettes publiques free-for-use construites et entretenues par les agences municipales, - Les toilettes publiques pay&use construites par la MCGM et plus tard par les entrepreneurs privés. Elles

sont gérées et entretenues par des personnes privées, - Les toilettes publiques MHADA construites pour les habitants des bidonvilles. Cependant, le mandat et la

responsabilité pour les opérations et la maintenance ne sont pas clairement définis.

Entretien

La MCGM est responsable de la connexion en tout à l’égout, en infrastructures sanitaires, y compris dans les bidonvilles. En addition, la MHADA est également responsable de l’approvisionnement infrastructures d’assainissement dans les zones de bidonvilles. Cependant, ni l’une ni l’autre de ces autorités semblent assurer véritablement son rôle puisque les blocs dont elles ont la responsabilité sont généralement ceux qui sont les moins bien entretenus.

Conséquence d’un usage intense et d’une mauvaise qualité de construction, les toilettes publiques nécessitent une maintenance et un entretien très fréquent. La MCGM emploie de nombreux employés responsables de la maintenance, mais le personnel n’est jamais assez nombreux et trop souvent absent. Les blocs de toilettes deviennent petit à petit inutilisables. Par ailleurs, la basse qualité des constructions contribue à réduire à deux ou trois ans l’espérance de vie moyenne d’un bloc.                                                                                                                22 Mémoire de Madeleine Bouchez, Analysis of the Socio-technical System of Community Toilet Blocks, Case study of Dharavi, a district of Mumbai, India, Juillet 2012.

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  34  

4.3.4 Les toilettes communautaires Utilisation

Contrairement aux toilettes publiques, les toilettes communautaires répondent à un besoin régulier d’une population déterminée. Les toilettes communautaires comptabilisent généralement entre 16 et 20 sièges qui sont calculés en fonction du nombre d’utilisateurs. Par conséquent, les toilettes communautaires ne sont (théoriquement) pas surexploitées, un siège devant être utilisé pour 50 personnes/jour maximum. Les toilettes communautaires sont payantes et deux systèmes peuvent être mixés : le pay&use et la carte mensuelle (un pass pour la famille dont le prix varie généralement entre 20 et 100 Rps/mois)

Entretien

Le bloc étant destiné à une communauté bien précise, celle-ci développe un sens de la propriété de son bien et est sont volontaire pour en assurer l’entretien et la gestion. Un gardien du bloc assure la sécurité et le paiement pour l’utilisation du bloc. Lui-même ou une autre personne est responsable du nettoyage quotidien des sanitaires.

Les toilettes communautaires sont bien mieux entretenues que les toilettes publiques et tendent à se développer dans les bidonvilles de Mumbai.

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CHAPITRE  2/    Les  politiques  mises  en  œuvre    

et  les  principaux  acteurs  impliqués    

1. Les   politiques   de   la   ville   relatives   aux   bidonvilles   et   aux   conditions  sanitaires    En 2000, l’alliance formée par l’ONG SPARC et les Nations Unies lance une campagne dans laquelle ils

recommandent que l’accès à l’assainissement, et ce particulièrement pour les femmes et les enfants, devienne un indicateur de la bonne gouvernance. (Burra, Patel et Kerr, 2003, p.26)

Le chapitre suivant propose de répertorier de l’échelle internationale à l’échelle locale, les acteurs et

programmes qui, dans cette optique, s’attachent aux questions d’assainissement. La liste est longue mais n’est cependant pas exhaustive. Les acteurs et les programmes répertoriés ont des rôles plus ou moins importants dans la résolution des problèmes liés à l’assainissement dans les bidonvilles de Mumbai.

 1.1 A l’échelle internationale

1.1.1 La Banque Mondiale

The Water Sanitation Program23

Le Water Sanitation Program (WSP) est un partenariat entre plusieurs donateurs et administré par la Banque Mondiale. Lancé en 1978, c’est un effort coopératif entre la Banque Mondiale et le Programme de Développement des Nations Unies dans la recherche des technologies et modèles peu coûteux pour approvisionner en eau et en assainissement les urbains pauvres

La Banque Mondiale travaille directement avec les gouvernements à échelles locales et nationales dans

25 pays, à travers des agences régionales basées en Afrique, et Asie de l’Est et du Sud, en Amérique Latine, dans les Caraïbes et à Washington. Dans ce cadre, elle a dirigé ou soutenu un grand nombre des projets réalisés dans le secteur de l'eau et l'assainissement au cours des trois dernières décennies. Afin de renforcer ses capacités, le WSP forme des partenariats avec le milieu universitaire, les organisations de la société civile, les donateurs, les gouvernements, les médias, le secteur privé. Leur travail contribue à apporter les modifications réglementaires et structurelles qui sont nécessaires pour l'approvisionnement et un meilleur accès à l'assainissement.                                                                                                                23 Les informations suivante proviennent du site du Water Sanitation Program - http://www.wsp.org/wsp/about

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  36  

1.1.2 UN-Habitat24

UN-Habitat est également engagé dans le Water Sanitation Program. Si le programme est le même, les informations présentées sur les sites des deux acteurs sont orientées différemment et sont donc complémentaires. Ainsi, pour UN-Habitat, la plus importante des priorités du Water and Sanitation Programme est d’améliorer l’accès à l’eau potable et d’aider à l’approvisionnement en assainissement pour des millions d’urbains pauvres et d’en mesurer l’impact. UN-Habitat insiste également sur l’un des objectifs du millénaire qui est de réduire de moitié la proportion des habitants qui n’ont pas d’accès durable à l’eau potable ainsi que ceux qui n’ont pas accès à des infrastructures d’assainissement minimum d’ici 2015.

1.1.3 L’organisation Mondiale de la Santé (OMS) Eau, Assainissement et Santé

L’action de l’Organisation Mondiale de la Santé en matière d’eau, d’assainissement et de santé concerne six domaines :

- La gestion de la qualité de l’eau potable ; - La surveillance de l’approvisionnement en en et assainissement ; - La surveillance et la prévention du choléra ; - L’eau et l’assainissement dans différents contextes ; - La gestion des ressources en eau ; - D’autres activités (notamment l'aspect économique, au changement climatique, aux objectifs du

Millénaire pour le développement). La surveillance de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement (commun avec l’UNICEF)

À la fin de la décennie internationale de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement (1981-1990), l’OMS et l’UNICEF ont mis en place un Programme commun de suivi de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement. Le but général de celui-ci est de faire rapport sur la situation de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement dans le monde et d’aider les pays à renforcer la qualité du suivi pour améliorer la planification et la gestion au niveau national.

1.1.4 Slum Dwellers International25 (SDI) Présentation et philosophie

Slum Dwellers International (SDI) est un réseau de CBO d’urbains pauvres dans 33 pays en Afrique, en Amérique Latine et en Asie. Ce réseau a été formé en 1966 lorsque les « fédérations » d’urbains pauvres de pays tels que l’Inde et l’Afrique du Sud ont pensé qu’une plateforme globale pourrait aider leurs initiatives locales de développement.

La mission de SDI est de lier les communautés d’urbains pauvres des villes du Sud qui ont développé

avec succès des mobilisations et qui ont apporté des réponses à leurs problèmes.

                                                                                                               24 Les informations de ce chapitre proviennent du site Internet d’UN-Habitat. http://www.unhabitat.org/content.asp?cid=2231&catid=270&typeid=24&subMenuId=0 25 Les informations de ce chapitre proviennent du site Internet Slum Dwellers International - http://www.sdinet.org/

 

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  37  

SDI utilise son réseau mondial pour construire une plateforme qui puisse permettre aux habitants des bidonvilles de dialoguer directement avec les gouvernements, les organisations locales et ainsi essayer de nouvelles stratégies. L’organisation espère ainsi aider à changer les politiques de développement et acquérir des connaissances sur les défis du développement urbain.

Slum Dwellers International estime que la seule façon de gérer la croissance urbaine est de créer des villes plus ouvertes pour les urbains pauvres et que ces derniers doivent être au cœur des stratégies du développement urbain. Parallèlement, elle considère qu’il n’y a pas de gouvernement qui puisse arrêter ou ignorer les défis liés à l’urbanisation. Les villes doivent ainsi se préparer à l’augmentation de leur population et travailler avec eux pour exploiter les bénéfices sociaux, technologiques et économiques de l’urbanisation.      Méthodologie : « Making cities inclusives »

Slum Dwellers International place la ville inclusive au cœur de sa réflexion et travaille en ce sens autour

de six thèmes :

- l’économie (et l’épargne) ; - le relevé ; - les échanges et l’apprentissage ; - le développement de partenariats avec des réseaux internationaux et des institutions académiques ; - l’amélioration des conditions de vie dans les bidonvilles ; - la place des femmes considérées comme « les moteurs du développement ».

   Les projets d’assainissement

Afin d’éviter les épidémies et de rendre la dignité aux habitants des bidonvilles, l’approche de SDI favorise la participation des habitants dans la construction de projets d’assainissement et d’approvisionnement en eau.

Plusieurs pays dont l’Inde ont négocié des contrats avec les autorités locales afin de dessiner, de

construire et de maintenir les blocs de sanitaires. Les ingénieurs et les fonctionnaires municipaux se rendent fréquemment sur les chantiers. Parmi eux, certains sont préoccupés des besoins des communautés et se rendent disponibles. D’autres ne le sont au contraire pas du tout, certains allant même jusqu’à contrôler et empêcher l’exécution des projets.

 Outre le programme commun de la Banque Mondiale et de UN-Habitat, il est très rare d’entendre parler

des autres acteurs et programmes dans la réalisation d’un projet d’assainissement à Mumbai. Il semblerait que les principaux acteurs de l’assainissement se trouvent à une échelle plus locale.

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  38  

1.2 A l’échelle de la Nation Indienne

1.2.1 Le Ministère du Développement Urbain (The Urban Development Ministry)

Le Ministère du Développement Urbain est chargé de formuler les politiques, de les suivre, de soutenir les programmes et de coordonner les activités des ministères centraux, des gouvernements d’Etats et autres autorités quand elles concernent le développement urbain. Il est actuellement dirigé par M. Kamal Nath. The Jawaharlal Nerhu National Urban Renewal Mission (JNNURM)

La JNNURM est un schéma de modernisation des espaces urbains créé par le Ministère du Développement Urbain et inauguré en décembre 2005. Il prévoit de très larges investissements (plus de 20 milliards de dollars sur une période de sept ans) pour financer notamment des projets d’infrastructures. The National Urban Sanitation Policy (NUSP)26

Contrairement à beaucoup d’autres politiques, le programme et les objectifs du NUSP sont regroupés dans un document facilement accessible sur le site du Ministère du Développement Urbain. Le document est lisible et bien organisé. Les politiques d’assainissement, leurs objectifs et les stratégies de mise en œuvre y sont expliqués. L’objectif général de cette politique est de transformer l’Inde urbaine actuelle en une Inde plus axée sur la collectivité. Celle-ci serait salubre, équipée en systèmes d’assainissement et vivable pour tous. Trois principaux objectifs sont mis en place à cet effet : la sensibilisation et le changement des comportements, la réalisation de toilettes gratuites et l’extension des réseaux d’assainissement dans toute la ville. La sensibilisation et le changement des comportements

Ce premier point se concentre sur la sensibilisation des communautés et des institutions aux questions liées à l’assainissement et à ses liens avec la santé publique et l’environnement. Il s’attache également à assurer et soutenir les changements de comportement qui visent à l'adoption de ces politiques. La réalisation de sanitaires accessibles pour tous

L’objectif de ce second point est que tous les urbains aient accès à l’assainissement et à l’hygiène. Plus personne ne devrait soulager ses besoins biologiques dans les espaces publics. Plusieurs actions doivent être menées en conséquence dont :

- La promotion de l’accès à des infrastructures sanitaires sûres pour tous les ménages ; - La promotion des toilettes planifiées et gérées par les communautés à chaque fois que cela est

possible, pour les groupes de ménages qui n’ont pas la possibilité, (pour des raisons d’espace, d’occupation illégale du terrain ou de manque de moyens) d’avoir leurs propres sanitaires.

L’extension des réseaux d’assainissement dans toute la ville Le dernier point s’attache à l’extension des réseaux d’assainissement et ses principaux objectifs se divisent en trois sous-catégories qui sont :

                                                                                                               

26 Ministry of Urban Development – Government of India, National Urban Sanitation Policy. http://urbanindia.nic.in/programme/uwss/NUSP.pdf  

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- La réorientation des institutions qui concernent l’assainissement. Les différentes échelles, nationale à locale, doivent s’accorder pour donner une priorité à l’assainissement, incluant l’élaboration, la construction et la gestion. Les institutions doivent également étendre l’accès à des infrastructures sanitaires en bon état.

- La garantie d’une évacuation sanitaire et sans danger. Tous les excréments humains et les déchets liquides provenant des sanitaires doivent être éliminés en toute sécurité.

- La garantie d’un bon fonctionnement et de l’entretien pour toutes les installations sanitaires.

1.2.2 L’HUDCO (Housing and Urban Development Corporation Limited)

L’HUDCO est une entreprise du secteur public entièrement détenue par le Gouvernement Indien pour le financement d'infrastructures urbaines et de logement en Inde. La mission de l’HUDCO est de « promouvoir le développement de l’habitat durable et d’améliorer la qualité de vie". Les principaux objectifs s’attachent à l’approvisionnement de logements et de services urbains. L’assainissement n’est pas clairement mentionné, mais peut néanmoins faire partie des programmes qui bénéficient de financements.

1.2.3 National Slum Dwellers Federation of India27 (NSDF)

Fondée au milieu des années 1970, la NSDF est une organisation nationale de groupes communautaires qui vivent dans les bidonvilles et les camps informels à travers l’Inde. Elle a pour but de mobiliser des groupes d’urbains pauvres pour qu’ils s’associent afin qu’ils expriment leurs préoccupations et trouvent des solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés. L’association est aujourd’hui présidée par A. Jockin. Celui-ci (dont le bureau est situé au cœur de Dharavi) travaille avec un demi million de ménages à travers le pays. La NSDF est associée avec SPARC dans l’élaboration de projets sanitaires à Mumbai et dans d’autres villes Indiennes. Ce point sera développé dans le chapitre 2 consacré aux acteurs.

1.3 A l’échelle du Maharashtra

1.3.1 Les autorités La MHADA (Maharastra Housing & Area Development Authority)

La MHADA a été mise en place par le Maharashtra Housing and Area Development Act en 1976. Aujourd’hui, la MHADA contrôle et coordonne les activités des sept conseils régionaux du Maharashtra en matière de logement ainsi que deux pôles spécifiques à Mumbai qui sont la réfection des bâtiments de la ville ainsi que l’amélioration des bidonvilles. La SRA (Slum Rehabilitation Authority)

La SRA a été fondé en 1995 dans le but de coordonner les nouvelles politiques se réhabilitation des bidonvilles. Elle est sous la tutelle de la MHADA. Ses principaux objets sont définis de la manière suivante28 :

- le relevé et l’étude de la position actuelle des bidonvilles du Greater Mumbai, - la création de schémas pour la réhabilitation des bidonvilles,

                                                                                                               27 http://www.sparcindia.org/nsdf.aspx 28 Site Internet du SRA - http://www.sra.gov.in/  

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- l’obtention des précédents schémas, - plus généralement, de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour atteindre l'objectif de

réhabilitation des bidonvilles.

L’essentiel de ses projets sont regroupés dans les schémas de réhabilitation des bidonvilles qui sont désormais sous son contrôle.

1.3.2 L’évolution des politiques mises en œuvre

Avant d’évoquer les politiques actuellement en vigueur élaborées dans le cadre du SRA, il apparaît

important de dresser un historique des précédentes politiques mises en œuvre dans l’Etat du Maharashtra afin de comprendre le cadre dans lequel elles s’inscrivent. 1956 : The Slum Clearance Plan

Cette politique est la première qui concerne les bidonvilles et elle a été adoptée au niveau du Gouvernement Central. Son objectif était l’éradication des bidonvilles sans réels efforts de relogement ou de réhabilitation. Cette politique a été à l’ordre du jour pendant quinze ans mais n’a eu aucun résultat significatif à l’exception de d’une baisse du niveau de vie et de sécurité pour de nombreux habitants des bidonvilles. 1970 : Le Slum Improvement Program (SIP)

Le Slum Improvment Program a été élaboré en 1970 pour approvisionner les habitants des bidonvilles en eau courante, toilettes, drainage, routes et éclairage public. Un rapport de la BMC effectué au début des années 1990 a mis en avant qu’une simple amélioration des bidonvilles nécessitait 150 crores29 (22 400 000€) par an, alors que le schéma prévoyait un total de 151 crores pour les six années concernées par le plan. Le rapport montre également que 3 millions d’habitants des bidonvilles à Mumbai n’ont pas du tout été touchés par le SIP. (DAS, 2005) 1971 : The Slum Area Act

En 1971, l’Etat du Maharashtra promulgue le « Slum Area Act » dont l’objet est « Improvement, Clearance and Redevelopment » («L'amélioration, l’assainissement et le réaménagement»). A cette époque, il devient clair que l’éradication pure ne résout pas le problème mais que des efforts doivent être fournis pour améliorer les habitats ou reloger les habitants des bidonvilles.

Il faut rappeler que l’Etat introduit, en 1976, l’UCLA (Urban Land Ceiling Act) (cf. Chapitre 1). Celui-ci est

accusé d’avoir réduit l’offre des terrains, augmenté leurs prix et entrainé une pénurie de logements. 1985 : The Slum Upgradation Program (SUP)

En 1985, l’Etat du Maharashtra lance le « Slum Upgradation Program » (Programme d’amélioration des bidonvilles) qui, avec le support de la Banque Mondiale, est responsable d’une offre de prêts aux habitants des bidonvilles pour améliorer eux-mêmes la qualité de leurs habitations. Des taux d’intérêt encore très élevé (12% contre 18% sur le reste du marché) sont responsables de l’échec de ce programme.

                                                                                                               29 1 crore = 10 000 000Rps Si 1€ = 67Rps – 150 crores = 22 400 000€

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  41  

Mais, conséquence d’un manque de suivi et d’engagement de la part des autorités d’une part et de l’opposition des promoteurs immobiliers aux transferts de propriété aux habitants des bidonvilles d’autre part, ce ne sont que 22 000 ménages qui ont été concernés par ce programme sur une période de huit ans. (DAS, 2005)

1.3.3 Les schémas actuels de réhabilitation des bidonvilles

Les politiques concernant les bidonvilles se transforment peu à peu et passent d’une logique d’éradication totale à une logique de réhabilitation in situ. 1991 : The Slum Redevelopment Scheme (SRD) et la procédure de « Transferts de droits de construction » (Transfert of Development Rights, TDR)

Le Slum Redevelopment Scheme, adopté en période de libéralisation économique en 1991 est le schéma dont la politique actuelle s’inspire. Le principe était d’encourager les développeurs privés à construire des bâtiments de plusieurs étages pour reloger les familles des bidonvilles, sur le même site que leurs habitations actuelles. En ne construisant que sur une partie du terrain et en permettant le relogement in situ, il était alors possible d’utiliser le reste du terrain, et donc d’utiliser les TDR pour développer d’autres bâtiments à usage résidentiel ou commercial. Ces derniers, disponibles au prix du marché permettaient aux promoteurs immobiliers de faire suffisamment de profits pour pouvoir couvrir les frais liés aux constructions des bâtiments destinés aux habitants des bidonvilles. (Giraud, Restrepo, 2011) 1995 : The Slum Rehabilitation Scheme (SRS)

En 1995, le parti politique Shiv Sena oriente sa campagne en promettant une nouvelle politique censée

améliorer les conditions de vie de 4 millions d’habitants des bidonvilles. Victorieux, le Shiv Sena remplace le SRD par le « Slum Rehabilitation Scheme » (SRS). Le SRS introduit un système de droits de développements supplémentaires transférables (DDSt) en parallèle et ceux-ci peuvent être utilisés pour des projets immobiliers au Nord du projet de réhabilitation. Figure 07 Schéma de Réhabilitation des bidonvilles SRS

Réalisation personnelle

Source : Giraud, Restrepo, 2011

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  42  

Dans ce schéma, il est mentionné que tous les bidonvilles construits avant 1995 sont supposés être légalisés et protégés de la démolition. Un système de date butoir est mit en place pour désigner les habitants éligibles pour un relogement dans le cadre légal. Il prévoit notamment que toute famille en mesure de fournir la preuve de son installation sur les lieux avant le 1er janvier 1995 peut être relogée gratuitement in situ dans un appartement de 225 pieds carrés (20,9m²) dont elle acquiert la propriété. (Bautès, Yatzimirsky, Boissinot, 2011). Cette politique de relogement est appelée R&R (Réinstallation & Réhabilitation)

Cette politique est toujours en vigueur aujourd’hui et la date butoir a été reportée du 1er janvier 1995 au 1er janvier 2000. Le report de cette date a été décidé notamment pour acquérir des votes30.

1.3.4 Limites du Slum Rehabilitation Scheme Si les avantages sont de plus en plus nombreux pour les promoteurs immobiliers, ceux concernant les

habitants des bidonvilles sont en revanche plus limités. Les deux schémas, SRD et SRS, dépendent d’investissements privés et augmentent le rôle des

promoteurs (ainsi que leurs profits) dans la construction de maisons pour les habitants des bidonvilles. Le Gouvernement du Congrès demandait une contribution de 20 000Rps par famille alors que le Gouvernement de la Shiv Sena a rendu le programme gratuit pour les familles, créant ainsi le plus grand bluff imposé aux habitants des bidonvilles (DAS, 2005).

Les procédures pour les habitants des bidonvilles pour obtenir un nouveau logement peuvent s’avérer extrêmement longues et incertaines. Il est d’abord souvent difficile pour eux de fournir une preuve de leur installation sur les lieux avant le 1er janvier 1995 (puis 2000) et de lourds problèmes de corruption peuvent également survenir dans le processus de sélection des ménages à réinstaller. Les habitants d’un même quartier, autrefois soudés, peuvent alors se retrouver divisés. Plusieurs organisations d’habitants de bidonvilles ont tenté d’attaquer la politique des dates butoirs et demandé que tous les bidonvilles et sans abris soient reconnus et puissent bénéficier d’un programme de relogement. (Das, 2005)

Ensuite, les temps d’attente pour bénéficier d’un nouveau logement peuvent être très longs (jusqu’à

plusieurs années) et il faut alors trouver une solution temporaire de relogement. Les habitants des bidonvilles sont réticents à céder leur terrain en l’absence d’une alternative de relogement sûre. (Das, 2005)

Enfin, lorsque les familles sont relogées, elles ne peuvent pas toujours assurer financièrement les

dépenses (taxes et maintenance) liées à leur nouveau logement. Selon Dhaval Desai, « on ne peut pas donner des maisons gratuitement à tout le monde. Les gens qui vivent dans les bidonvilles y sont parce qu’ils ne peuvent pas s’offrir un logement ailleurs. »31 De plus, si ces nouveaux logements sont raccordés à l’eau, cela ne signifie pas pour autant que le réseau d’approvisionnement a été renforcé. S’il y avait avant un tuyau avec deux sorties pour 1000 familles, c’est le même qui sera utilisé dans les appartements. Le réseau, déjà insuffisant auparavant, ne peut pas satisfaire les besoins de tous les habitants de l’immeuble et la pression sera par conséquent très réduite. On peut cependant noter que le service est par contre bien meilleur dans les immeubles de bureaux ou à usage commercial sur les terrains voisins32. De surcroît, les constructions sont bien souvent de très mauvaise qualité. Afin d’utiliser le moins de terrains possibles, les bâtiments sont très rapprochés et, selon Dhaval Desai, « on peut sauter du 7è étage dans l’appartement de son voisin ».

                                                                                                               30 Informations provenant de mon entretien avec Dhaval Desai, membre de l’ORF, Mumbai. (Cf. Annexes Entretiens) 31 Idem. « You cannot give house for free to anybody. People who are living in slum cannot afford anything else » 32 Idem.  

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  43  

1.4 A l’échelle de la région métropolitaine

The Mumbai Metropolitan Region Development Authority (MMRDA)

Le MMRDA, seul organe à l’échelle de la région métropolitaine, a été mis en place en janvier 1975 par le Gouvernement du Maharashtra. Son rôle est de planifier et de coordonner les activités de développement dans la Région Métropolitaine de Mumbai (Mumbai Metropolitan Region, MMR) et sa zone d’influence.

La MMRDA conçoit, encourage et surveille les projets clés pour le développement nouveaux centres de croissance et apporte des améliorations dans des secteurs des transports, du logement d'approvisionnement en eau, et de l'environnement dans la région33. La MMRDA est notamment responsable de deux projets de développement : le MUIP (Mumbai Urban Infrastructure Project) et le MUTP (Mumbai Urban Transport Project). Ces projets nous intéressent dans la mesure ou ils impactent fortement les quartiers de bidonvilles. Le MUIP

Le MUIP est un projet dont l’objectif est d’améliorer les routes et le trafic. L’élargissement des routes, la construction d’autoroutes urbaines ou de passerelles piétonnes sont autant de projets qui entrainent la délocalisation des habitants qui vivaient sur ces terrains. Dans ce contexte, SPARC (cf. partie 3.4) a été invité à reloger quelques 35 000 ménages affectés part ce plan34. Le MUTP Le projet vise à l’amélioration du système de transports de Mumbai. Il est élaboré en collaboration avec la Banque Mondiale. Les investissements doivent se répartir dans des projets visant à l’amélioration du réseau de chemin de fer de banlieue, l’amélioration du service de bus locaux, la construction de nouvelles routes, de ponts, de passerelles et une meilleure gestion du trafic. Les personnes déplacées par ces projets sont censées pouvoir bénéficier de la politique de R&R (Réinstallation & Réhabilitation). Dans le cadre de ce projet, l’ONG SPARC est responsable du relogement de 20 000 ménages qui vivent au bord des voies de chemin de fer35.

1.5 A l’échelle du Greater Mumbai et de la ville 1.5.1 Municipal Corporation of Greater Mumbai (MCGM)

De nombreux programmes pour améliorer l’approvisionnement en eau, l’assainissement et le traitement des déchets

La MCGM a remplacée la BMC (Brihanmumbai Municipal Corporation) et nom de BMC est encore aujourd’hui fréquemment utilisé. La MCGM est responsable de l’évacuation des déchets, des eaux usées, des services d’assainissements publics et privés, bidonvilles compris. De très nombreux programmes assurant leur traitement sont ainsi mis en œuvre à l’échelle du Greater Mumbai.

Parmi ces programmes, on peut notamment retenir le SWM (Slum Waste Management) et le MSDP

(Mumbai Sewage Disposal Project) qui se concentrent sur la gestion des déchets ainsi que le WSS (Water Supplie and Sewerage) qui s’intéresse à l’approvisionnement en eau puis à son évacuation. Ce dernier bénéficie

                                                                                                               33 http://www.mmrdamumbai.org/showArticle.jsp?srv=weWJTu1mAGYkgD 34 http://www.dharavi.org/M._Glossary 35 idem  

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du soutien de la Banque Mondiale et ses principaux objectifs sont l’approvisionnement en eau et en systèmes de distribution ; les travaux d'assainissement, de traitement des eaux usées et leur élimination ; le conseil et la formation.

Le SAS (Slum Adoption Scheme), qui est un programme d’approvisionnement en services de propreté a également été développé pour répondre aux besoins des habitants des bidonvilles. Il a la particularité d’avoir été lancé avec un projet pilote dans un bidonville de la banlieue ouest de Mumbai et il a pu permettre à 65 000 habitants de se voir approvisionnés en services de propreté en 2001. (Mumbai HDR, 2009) The Slum Sanitation Programme (SSP) Objectifs généraux du SSP

Mis en place en 1995, Le Slum Sanitation Programme (SSP) a été élaboré avec la Banque Mondiale, financé par le Mumbai Sewage Disposal Project (MUDP). Son objectif est d’« améliorer la santé et les conditions environnementales du Greater Mumbai, en y incluant les habitants des bidonvilles ». Ce programme vise près de un million de Slum Dwellers (environs 20% des habitants des slums de Mumbai) qui vivent sur les terres de la municipalité. (The Mumbai Slum Sanitation Program, 2006) Il ne concerne cependant que les bidonvilles qui sont « légalisés ». Ce programme a pour ambition la construction de 20 000 blocs de sanitaires communautaires avec une participation financière des usagers. Méthode

Les blocs de sanitaires réalisés dans le cadre du Slum Sanitation Programme doivent respecter les dispositions suivantes (The Slum Sanitation Programme, 2006) :

- Favoriser une approche participative ; - Inciter des entrepreneurs privés, des ONGs, des CBOs, à travailler ensemble ; - Faciliter les contrats ; - Augmenter la qualité des constructions et des services, incluant une disponibilité 24h/24 en eau, en

électricité et autres installations dont des sanitaires pour handicapés, des sanitaires pour enfants, des urinoirs, et une chambre pour le gardien ;

- Mobiliser la communauté, enregistrer la CBO et demander une contribution des ménages pour faire partie du programme ;

- Rendre la CBO responsable de la maintenance (Operation and Maintenance, O&M), et signer une « note qui rappelle les rôles » (Memorandum of Understanding, MoU) dans laquelle la MCGM établie les rôles et les responsabilités de la CBO et de la MCGM. ;

- Rendre la CBO responsable de la collecte des fonds réalisés par l’utilisation du bloc. Résultats obtenus Près de 330 blocs de toilettes communautaires (Community Toilet Blocks –CTBs) avec plus de 5.100 emplacements ont été construits et mis sous la responsabilité des communautés qui doivent en assurer l’entretien. Pendant la période qui s’étend de 1996 à 2005, ce sont ainsi près de 400 000 habitants des bidonvilles de Mumbai qui ont pu bénéficier de ce programme. (The Slum Sanitation Programme, 2006) Ces résultats qui semblent assez bons sont cependant critiquables. Ils ne se basent pas sur l’utilisation d’un siège par 50 utilisateurs, mais par 78 utilisateurs !36

                                                                                                               36 Ce résultat provient de la division du nombre de bénéficiaires divisés par le nombre d’emplacements. 400 000/5100 = 78,4

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Figure 08 Méthode d’élaboration d’un projet dans le cadre du SSP

Source : The Slum Sanitation Programme, 2006.

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1.5.2 Les associations d’habitants (Communities Based Organization, CBOs)

Les CBOs sont des associations d’habitants dont le but est de développer des projets communautaires pour répondre à leurs besoins. Nous étudierons leur rôle plus en détail dans la partie suivante consacrée aux acteurs ainsi que dans la dernière partie dédiée à trois études de cas réalisée par une CBO implantée dans le quartier de Santa Cruz ouest. La notion de capital social37

Le capital social est à la fois un concept économique, sociologique et politique. La politique d'une société et l’enchevêtrement de ses institutions ont en effet une influence déterminante sur la répartition des capacités de traitement des informations auprès des citoyens. Ils affectent ainsi l’efficacité et le potentiel de croissance de l’économie. Le capital social peut se définir à trois échelles :

- L’échelle micro (perspectives communautaires) : le capital social peut être défini par les réseaux et

relations qu’entretiennent les individus et les ménages entre eux ainsi que de l’ensemble des normes et valeurs qui les caractérisent. (réseau horizontal)

- L’échelle méso (réseaux) : le capital social rassemble les relations verticales et horizontales des groupes (entre les individus et dans la société dans son ensemble). Cette vision a mis en avant la dichotomie « bridging/bonding » (similitudes/différences38) qui existe entre les liens intercommunautaires et les liens intracommunautaires. Le « capital social des similitudes » se réfère aux liens qui unissent les individus qui ont les mêmes idées et renforce ainsi leur homogénéité. Il peut cependant dans un même temps exclure encore plus ceux qui pensent différemment. Le « capital social des différences » par contraste, se réfère à la construction des liens entre les groupes hétérogènes. Ces derniers sont plus fragiles, mais permettent également une meilleure intégration sociale.

- L’échelle macro (institutions) : le capital social inclût l’environnement social et politique qui permet le développement des normes et de la structure de la société. Cette vue englobe les relations entre les structures institutionnelles, telles que le gouvernement, les régimes politiques, les lois, les systèmes judiciaires, les libertés civiles et politiques.

Le Rôle de la participation

Faire participer les habitants permet de renforcer la démocratie locale et conduit à une participation plus effective et plus active dans la production et la gestion des infrastructures et services urbains. Suite à la très rapide croissance démographique et spatiale de la ville, les services publics se sont trouvés incapables de fournir des services suffisants dans les banlieues. Pour répondre à ce manque, les habitants tentent de s’organiser et le concept de « gestion participative » commence peu à peu à s’imposer. De plus en plus d’associations locales ou d’ONGs tentent d’intervenir dans la vie locale et leur forte présence ouvre le débat sur les questions participatives. Par ailleurs à une échelle globale, le discours sur la gouvernance urbaine agit comme une injonction à la participation. (Zérah, 2006)

                                                                                                               37 Anonyme, THE MUMBAI SLUM SANITATION PROGRAM « How to consolidate social capital in a participative programme and what are the effects of such Policy ? » 38 Traduction personnelle

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  47  

1.6 Bilan des politiques Les politiques liées à l’amélioration des conditions de vie dans les bidonvilles ont eu des impacts plus ou

moins importants. Si certaines se sont avérées totalement inadaptées, d’autres répondent en revanche de manière beaucoup plus ciblée aux besoins des habitants. Le tableau suivant tente de faire un récapitulatif de l’impact des principales politiques qui, de près ou de loin, ont concernées l’assainissement dans les bidonvilles de Mumbai. Politiques Points forts Points faibles Slum Clearance Plan Première tentative de création de

politique pour les bidonvilles. Irréaliste. Echec du programme.

SIP (Slum Improvment Programme)

Premier programme pour approvisionner les habitants des bidonvilles en eau courante, toilettes, drainage, routes et éclairage public.

Pas assez de financements. Echec du programme.

SRD Premier programme de relogement à grande échelle des familles des bidonvilles vers des constructions en dur. Relogement avec commodités à l’intérieur de l’appartement.

Favorise les intérêts des promoteurs avant ceux des habitants. Mauvaise qualité des nouvelles constructions. Appartements restent très petits. Inadéquation entre le nombre d’habitants et les services d’approvisionnement. Impossibilité d’assumer financièrement l’entretien pour les familles les plus démunies.

SRS Idem SRD. Idem SRD. Favorise de plus en plus les intérêts des promoteurs avant ceux des habitants.

SSP (Slum Sanitation Programme)

Participation des communautés. Implication des ONGs et des CBOs. Communautés responsables de la maintenance.

Ratio utilisateur / siège insuffisant. Manque un plan de masse général. Actions très ponctuelles non reliées à un réseau qui devrait être pensé et adapté.

Si la superposition des échelles et les changements très fréquents de politiques rendent difficile la compréhension du système, cette étude nous a permis de constater que :

- Les principales politiques de réhabilitation des bidonvilles se développent à l’échelle du Maharashtra.

Les projets de réhabilitation des bidonvilles émanent des autorités pour arriver jusqu’au communautés (haut vers le bas) et ces dernières ne sont pas impliquées dans la mise en place des programmes. Les fonds sont généralement très insuffisants et les intérêts privés passent bien trop souvent avant l’intérêt général.

- Les politiques d’amélioration des services au sein des bidonvilles (approvisionnement en eau, assainissement et gestion des déchets) se développent de l’échelle du Greater Mumbai à une échelle très locale. Les habitants, regroupées en communautés (CBOs), sont de plus en plus impliqués d ans le processus de création, puis de maintenance des projets qui les concernent. C’est cette notion participative qui semble la clé de la réussite des projets de développement à Mumbai.

 

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  48  

2. Les  acteurs  impliqués  et  leurs  relations      

2.1 Les acteurs

Nous considérons ici que tous les éléments qui font partie du réseau « accès aux sanitaires » sont des acteurs. Nous pouvons donc ici en retenir trois grand groupes : le bloc, les utilisateurs et les institutions qui y sont rattachées.

2.1.1 Le bloc de sanitaires

Le bloc est généralement détaché de toute construction liée à l’habitat. N’étant pas la propriété des habitants et étant utilisé par toutes les castes, il est considéré comme un endroit sale. Il est donc préférable de vivre à une certaine distance de celui-ci, mais étant indispensable et d’usage quotidien pour tous les membres de la famille, il ne faut pas non plus vivre trop loin de lui.

La fonction du bloc de sanitaires est de collecter et de conserver ou d’évacuer les excréments humains. Afin d’être efficace, il doit présenter une « interface utilisateur » et des composants techniques qui permettent son utilisation. Il nécessite ensuite une intervention humaine pour assurer son entretien.

Pour que le bloc soit opérationnel, une construction adaptée et un entretien régulier sont absolument nécessaires. Cependant, « la qualité des construction est souvent pauvre et le design généralement inapproprié – par exemple, à cause d’un approvisionnement en eau limité, les toilettes s’obstruent, deviennent très sales et l’écoulement des eaux ne peut plus se faire » (Burra, Patel et Kerr, 2003) Certaines castes seulement sont responsables de son entretien. Les dalits, harijans ou bhangis s’occupent du nettoyage des déchets ménagers et humains, et autres taches dégradantes de manière générale.

Le bloc peut être équipé ou non d’eau. Dans le cas ou celle-ci est indisponible, les utilisateurs doivent venir avec un bidon ou un seau, celui-ci contenant généralement 2 à 3 litres.

2.1.2 Les utilisateurs

Les utilisateurs sont au cœur du réseau puisque ce sont leurs besoins vitaux qui ont engendré le système. Tous les habitants des bidonvilles ainsi que ceux qui viennent y travailler, en sont des utilisateurs potentiels.

Le principal souhait des utilisateurs est de voir leur qualité de vie améliorée le plus rapidement possible,

l’accomplissement de leurs besoins biologiques ne peut pouvant, par définition, pas attendre. Les habitants des bidonvilles, évoluant dans une « aire localement développée »39 présentent des

caractéristiques qui peuvent les différencier des autres habitants de la ville et dont il faut tenir compte dans le développement d’un projet d’assainissement. Les habitants sont impliqués dans la gestion de leur quartier qu’ils ont, au moins pour partie, créé eux même. Nombre d’entre eux ont une vision à court terme. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas d’aspiration pour le futur, mais qu’ils sont habitués à gérer leurs problèmes au jour le jour. Considérés comme des squatteurs, les droits des habitants sont en effet peu reconnus et ils sont très vulnérables aux décisions et actions menées par les autorités. Les habitants souhaitent ainsi plus de stabilité.

                                                                                                               39 Expression traduite : « locally developped area », développée par Matias Echanove et Rahul Srivastava.

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Les utilisateurs sont tous les membres de la famille, hommes et femmes, enfants et personnes âgées, bien portants et malades ou handicapés. Ils sont ainsi plus ou moins directement vulnérables mais les membres d’une même famille font généralement très attention les uns aux autres. De plus, comme tous les autres citoyens, les utilisateurs souhaitent plus d’intimité. C’est particulièrement le cas pour les femmes qui ont des besoins physiologiques distincts des hommes, mais également une sensibilité différente.

2.1.3 Les institutions Les Autorités

Comme nous l’avons vu précédemment, les programmes sont établis à différents niveaux de décisions et leurs relations ne sont pas toujours évidentes. S’y ajoute également une importante corruption.

Il est important de noter que les autorités et leurs membres peuvent être liés à des partis politiques.

Alors que c’est rarement le cas pour les officiers de la BMC, ceux à une échelle plus locale comme les Ward Officiers sont partisans ou membres de partis politiques (Bouchez, 2005. p.18)

Les partis politiques sont très influents et sont impliqués dans de nombreux projets d’assainissement. Leur action va souvent de paire avec la fin de leur mandat. Souvent les officiels souhaitent être réélus pour un autre mandat ou pour accéder à une autre position plus élevée et on ainsi une vision à très court terme de leur mission. A ce propos, lors d’un entretiens avec les habitants de Nirmal Nagar, Ganesh Shirod Kar (cf. annexes entretiens) nous rappelle : “Political repair only for election time”40 Les ONGs Le rôle principal des ONGs est de rendre possible les projets locaux en renforçant l’implication des habitants dans le développement de leur quartier pour les laisser ensuite s’approprier le projet.

Elles jouent un rôle important dans la transmission des savoirs entre les habitants et les experts. Elles développent souvent des projets pilotes pour tester les innovations techniques et sociales. Leur principal atout est d’avoir l’expérience des projets et du terrain. Cela leur permet d’être capable de communiquer avec les utilisateurs aussi bien qu’avec les institutions.

« Usually, […] municipalities do not have the right people for this [communication] job and it is necessary

to appoint a third party, for example a non governemental organization, to facilitate communication, promotion, and subsequent follow-up at the community level41 » (Government of India, 2008, p.8)

Il peut exister des limites au bon fonctionnement des projets engagés par les ONGs. Alors que les

habitants peuvent (théoriquement) sanctionner les autorités en votant contre elles, il est très difficile de pénaliser une ONG très impliquée sur un terrain mais dont les résultats ne seraient pas suffisants. Par ailleurs, elles peuvent également, ayant renforcé leurs compétences, tenter de faire des profits.                                                                                                                40 Traduction : Il n’y a des réparations qu’en période pré-électorale 41 Traduction : Généralement, […] les municipalités n’ont pas les bonnes personnes pour ce travail (de communication) et il est nécessaire de faire appel a un troisième partie, par exemple une ONG, pour faciliter la communication, la promotion et assurer le suivit à l’intérieur de la communauté.

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Les CBOs (Communities Based Organizations)

Le rôle des CBO est de développer des projets communautaires. Formées à une échelle locale, les CBOs sont particulièrement bien placées pour connaitre les conditions de vie et les besoins des habitants. Chaque communauté est unique et possède sa propre histoire ainsi que des caractéristiques socio-économiques, culturelles et politiques particulières. La prise en compte de ces éléments peut être essentielle pour assurer le bon fonctionnement d’un projet d’assainissement.

Les CBOs ont connaissance des leaders locaux et savent comment tenir compte de leurs positions.

Dans la plupart des cas, elles sont elles-mêmes composées des personnalités les plus influentes de la communauté. Cependant, il faut ici se poser la question de l’exacte représentation de la communauté au sein d’une CBO. Elles ne sont pas toujours les porteuses des intérêts de la communauté, puisqu’elles ne sont pas une représentation exacte de la population. Les CBOs sont des organes bénévoles et non les communautés elles-mêmes. Le Secteur privé

Les acteurs du secteur privé n’ont pas de vue générale du système puisqu’ils agissent à une échelle locale. Ils participent aux opérations de maintenance des infrastructures urbaines et des services. Il apportent chacun leurs compétences techniques sur un sujet précis et sont soumis à la loi du marché.

2.2 Les relations entre les acteurs

2.2.1 Liens avec les utilisateurs Utilisateurs - Toilettes communautaires

Alors que les toilettes publiques répondent généralement à un besoin occasionnel lorsque les habitants

sont éloignés de leur lieu de vie, les toilettes communautaires ont pour but de répondre à ce besoin dans la quotidienneté.

L’implantation de toilettes communautaires semble être un signe de l’acceptation d’une zone informelle

par les autorités locales puisque ce sont elles qui donnent la permission pour la construction du bloc. Les utilisateurs ont ainsi une vision optimiste de l’apparition de ce type de toilettes. Selon Nitti et Sarkar (2003), « l’assainissement devient une porte d'entrée qui permet une approche plus intégrée pour l’approvisionnement de l’ensemble des services environnementaux »42

Il existe deux types de paiement pour l’utilisation des toilettes communautaires : le système pay&use et les cartes mensuelles :

- Le système pay&use, qui existe également pour les toilettes publiques, permet aux utilisateurs de payer

une faible somme pour une utilisation ponctuelle (souvent 2 Rps). - Les cartes mensuelles sont détenues par les familles qui payent un « forfait » au mois pour l’utilisation

des commodités. Pour étudier la rentabilité d’un bloc de toilettes communautaires, il est important d’évaluer les recettes

qui seront apportées par les ménages détenteurs d’une carte et les utilisateurs occasionnels qui utiliseront le système pay&use. Il est avéré que quand le nombre d’utilisateurs pay&use augmente, le prix des cartes mensuelles peut diminuer. (SSP, 2006, p.26)

                                                                                                               42 « Sanitation quickly turns into an entry point for a more integrated approach to the provision of a wider set of environmental services » Nitti et Sarkar, 2003.

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Si les toilettes communautaires semblent une meilleure réponse que les toilettes publiques, il est important de noter que les habitants préféreraient malgré tout avoir des sanitaires au sein de leur foyer. Utilisateurs – Utilisateurs

La première chose que l’ont remarque lorsque l’on pénètre dans un bloc est généralement la supériorité numérique des sanitaires hommes par rapport à ceux réservés aux femmes.

Dans une étude sur l’utilisation de l’espace public selon le genre à Mumbai, Shilpa Phadke (2010)

rapporte que, « chaque femme qui a habité à Mumbai peut témoigner que le nombre de toilettes est scandaleusement déséquilibré. Les sanitaires existants sont dessinés de telle sorte qu’un tiers de l’espace est occupé par les urinoirs, un tiers par les sanitaires hommes et enfin un tiers par les sanitaires femmes ». Mes observations ont tendance à noircir encore plus le tableau puisque j’ai souvent constaté que les sanitaires hommes (hors urinoirs) étaient également souvent beaucoup plus nombreux, le rapport pouvant être de un sanitaire femme pour deux sanitaires hommes43.

Cette absence d’équité engendre de nombreuses autres inégalités hommes – femmes. Les premières

sont liées au temps d’attente, les femmes devant se montrer plus patientes que les hommes. Ensuite, alors que les sanitaires sont fermés la nuit, les urinoirs restent accessibles. Les hommes peuvent ainsi les utiliser à toutes heures alors que les femmes doivent attendre la réouverture du bloc. Enfin, dans de nombreux cas, l’utilisation des toilettes est payante alors que l’usage des urinoirs est gratuit. Les femmes doivent par conséquent payer plus cher que les hommes pour satisfaire leurs besoins biologiques.

De plus, il n’existe dans presque aucun bloc des sanitaires réservés aux enfants ou aux handicapés, ces derniers devant se contenter d’utiliser des sanitaires qui ne leur sont pas du tout adaptés. Aujourd’hui, nombreux sont les enfants qui sont découragés d’utiliser ces toilettes. Les files d’attentes sont souvent beaucoup trop longues pour des enfants qui s’y rendent souvent seuls et ne peuvent attendre trop longtemps. De plus, de nombreux jeunes enfants ont peur d’utiliser les toilettes, qui sont souvent sombres et odorantes. La fosse peut leur apparaître comme un large trou dans lequel il est possible de tomber. Ceci inquiète également les mères et, par conséquent, il arrive souvent qu’elles les encouragent à déféquer dehors, dans un espace qui leur apparaît plus sûr.

Par ailleurs, la religion peut imposer aux utilisateurs des sanitaires collectifs des pratiques différentes. Alors que le culte Hindouiste ne permet pas d’orienter son postérieur en direction du soleil levant (Est), le culte Musulman recommande de ne pas l’orienter en direction de la Mecque (Ouest)44. Utilisateurs – Institutions

Les habitants veulent être écoutés et se sentir plus forts. Ils veulent désormais se battent pour acquérir plus de justice. Il est important de noter que, généralement, les femmes ne sont que très peu représentées dans les institutions engagées. Leurs besoins sont par conséquent méconnus et peu – ou pas - pris en compte.

Liens entre les utilisateurs et les autorités

Alors que le pouvoir des utilisateurs est faible – voire nul - quand ils sont seuls, ils peuvent exercer une influence directe sur les gouvernements locaux quand ils sont organisés et mobilisés en vue d’un projet particulier. Réciproquement, il est également plus aisé pour les autorités de créer des relations avec les utilisateurs s’ils sont organisés.

                                                                                                               43 C’est le cas de bloc de Nirmal Nagar (Cf. Chapitre 3 – Partie 3)  44 Extrait de conversation avec Abhishek Ray, mai 2012.

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  52  

Selon les problèmes rencontrés et les projets développés à un niveau local, les utilisateurs ont des opinions différentes concernant les autorités. Par exemple, les habitants d’un quartier qui ont un approvisionnement en eau suffisant provenant du réseau municipal vont avoir une bonne image des autorités alors que ceux qui doivent faire appel à des revendeurs privés en auront une toute autre.

Liens entre les utilisateurs et les ONGs

Souvent les habitants ne sont pas satisfaits de leurs conditions de vie. Ils n’ont soit pas conscience qu’ils peuvent les améliorer, soit pas les moyens. Le rôle des ONGs est d’aider les communautés d’habitants à s’organiser et à communiquer avec les autorités, dans le but de créer des projets pour leur développement. Après la réalisation du projet d’assainissement, le rôle de l’ONG est de veiller à son bon fonctionnement. Souvent, les ONG tentent de faire un rapport pour évaluer le projet. Liens entre les utilisateurs et les CBOs Quand la CBO est active, des rendez-vous fréquents sont fixés et rassemblent les habitants de la communauté. Chacun peut s’y rendre et exposer ses problèmes ou suggestions. Certaines CBO proposent également d’autres activités qui rassemblent les habitants. La CBO Triratna Prerana Mandal (Cf. Chapitre 3), outre son projet d’assainissement a par exemple développé des cours d’anglais et d’informatique dans ses locaux. Ces activités renforcent les liens entre les utilisateurs et la CBO. Liens entre les utilisateurs et le secteur privé

Pour le secteur privé, les utilisateurs sont d’abord perçus comme des clients et les deux partis n’ont pas les mêmes intérêts (améliorer leurs conditions de vie / faire des bénéfices). Les entrepreneurs peuvent être issus du quartier et connus des utilisateurs. L’obligation de fournir un service de qualité est alors renforcée.

2.2.2 Liens entre les institutions Autorités – ONG

Les autorités et ONG ont des intérêts communs à s’entendre. Les autorités municipales ont besoin des outils des ONG pour mettre en place leur politique d’assainissement. Réciproquement, les ONG ont besoin des ressources des autorités pour aider efficacement les habitants à améliorer leurs conditions de vie.

Souvent, les ONG commencent leur action avec des petits projets, en acquièrent progressivement

d’autres et sont ainsi de plus en plus reconnues par les autorités. Nous verrons dans le Chapitre 3 que la méthode pour assurer le développement d’une CBO peut être la même. Autorités – CBO Les autorités investissent dans les infrastructures et leur maintenance. Elles sont ainsi reliées aux projets des CBOs par le réseau municipal d’approvisionnement en eau, le réseau d’égouts, le réseau de collecte des déchets, etc.

Au sein de la MCGM il existe des Officers on Special Duty (Chargés de mission) qui, aidés d’une équipe de CDO (Community Development Officers), travaillent directement avec les communautés. Ces derniers agissent comme des médiateurs entre la MCGM et les utilisateurs. Les CBOs sont parfois liées par affinités avec des membres des autorités. Si ce n’est pas le cas, le lien avec les autorités est construit avec le CDO ou l’ONG.

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  53  

Une fois de plus, il est important de rappeler que, plus les communautés sont fédérées, plus la pression exercée sur les autorités est efficace. Secteur privé – ONG/CBO

Les ONGs ou CBOs font appel au secteur privé pour construire leurs projets. Leurs relations sont professionnelles et (en théorie) régies par des contrats. Dans la mesure du possible, leur choix se porte sur des entreprises locales. Autorités – Secteur privé

Le secteur privé veut être opérationnel tout en tentant de réduire ses coûts dans la gestion d’un système de distribution. Les autorités, à travers les subventions des ménages et des communautés créent de nouveaux marchés pour le secteur privé. Cependant, il n’y a parfois que peu d’interaction entre ces deux acteurs puisque, dans certains secteurs, les autorités peuvent avoir leurs propres ouvriers.

2.2.3 Liens entre les institutions et les toilettes communautaires ONG – Toilettes communautaires

Comme nous l’avons vu précédemment, les blocs de toilettes communautaires peuvent être une porte d’entrée pour l’acceptation d’une zone informelle, mais également pour la création de nouveaux projets. En effet, « Un projet d’assainissement est suffisamment petit pour être planifié et construit avec un petit budget, mais également suffisamment important pour engager d’autres projets incluant l’implication des femmes, permettant aux habitant de travailler ensemble […] et enfin d’apporter des sanitaires au sein de foyers » (Burra, Patel et Kerr, 2003, p.25) CBO – Toilettes communautaires Tous les projets sont significatifs pour les communautés, mais particulièrement pour les CBO. C’est souvent le premier projet qu’elles entreprennent. Dans de nombreux cas, c’est même le projet d’assainissement qui a engendré la création de la CBO.

Les CBOs sont généralement intéressées par la gestion du bloc et par l’opportunité d’en tirer des profits. Nous verrons dans le Chapitre 3 que c’est notamment le cas du premier bloc de toilettes créé par la CBO Triratna Prerana Mandal. Autorités – Toilettes communautaires Les partis politiques exercent une très forte influence sur la construction des projets d’assainissement. L’approvisionnement en bloc de toilettes peut être vu comme un moyen de sensibiliser les électeurs et d’acquérir des votes. Dans ce but, à proximité des blocs, on peut voir les affiches avec le portrait des candidats ou des plaques fixées sur le bloc où sont inscrits les partis ou autorités qui ont construit le bloc.

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3. Les  principales  actions  menées    

En 2001, il y a près de 10 000 blocs de toilettes communautaires dont 45% ont été construits par la MHADA, 28% par la MCGM, 23% par les communautés ou des organismes bénévoles, 2% par les CBOs ( ou organisations privées) et 2% par Sulabh. (SSP, 2006, p14) Ces chiffres évoluent peu à peu vers plus de toilettes communautaires réalisées par des ONGs ou CBOs.

 3.1 MHADA

Alors que les blocs MHADA semblent présents partout dans la ville, il est assez difficile de trouver des

informations qui les concernent. Les documents sont rares et le site internet de la MHADA est très incomplet. Nous pouvons supposer que les autorités ne sont pas particulièrement fières de l’état des conditions sanitaires à Mumbai ou que leurs principaux sujets d’intérêt se portent ailleurs. Figure 09 Blocs de sanitaires MHADA et logos

Deux blocs de toilettes MHADA dans le bidonville de Nirmal Nagar, Mumbai.

Source : Photographies de l’auteur

3.2 Sulabh International

3.2.1 Naissance et objectifs de Sulabh International

Sulabh International est une très importante ONG Indienne qui a été créée en 1970. L’ONG s’attache à

la construction de sanitaires et souhaite améliorer les conditions de vie des éboueurs qui sont, encore aujourd’hui, près d’un demi million à collecter les excréments humains. Les toilettes Sulabh fonctionnent sur le principe du pay&use. Les blocs sont implantés dans plus de 1 000 villes, dont Delhi, Mumbai, Kolkata et Madras et ce sont près de dix millions de personnes qui les utilisent tous les jours45.

3.2.2 Technique de construction des blocs

Les blocs de sanitaires construits par Sulabh fonctionnent indépendamment du système d’égouts de la ville et se passent également de fosse septique. Le système proposé ne consomme qu’un cinquième de l’eau nécessaire habituellement (2 litres contre 10 litres utilisés pour une chasse d’eau courante). Les toilettes Sulabh rassemblent deux fosses dans lesquelles sont collectées les déchets humains. Elles sont utilisées alternativement pendant plusieurs années avant d’être vidées et le travail de l’éboueur est ainsi réduit.

                                                                                                               45 http://www.sulabhinternational.org/pages/milestones.php

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  55  

Figure 10 Principe de fonctionnement des sanitaires Sulabh

Source : Bindeshwar Pathak, 1999.

Si Sulabh a construit quelques blocs à Mumbai, le système n’apparait cependant pas vraiment adapté

aux zones urbaines denses. La construction de fosses nécessite beaucoup d’espace et celui-ci est généralement très rare dans les zones ou les besoins sont les plus importants. De plus, certains blocs créés par Sulabh sont implantés sur les trottoirs et gênent particulièrement la circulation des piétons. C’est notamment le cas des blocs de Churchgate et de Dadar ouest.

3.3 SPARC

3.3.1 Formation et organisation46 De multiples partenaires

L’ONG SPARC (The Society for the Promotion of Area Resource Center) a été formée en 1984. La société a commencé en travaillant avec les plus vulnérables et les plus pauvres de Mumbai, les « pavements dwellers » (les sans abris).

Rapidement SPARC développe son réseau et commence à travailler avec un collectif de femmes appelé

Mahila Milan (« Women Together »). Puis, en 1986, SPARC et Mahila Milan forment un partenariat avec la NSDF (National Slum Dwellers Federation), une organisation mondiale qui rassemble des populations urbaines pauvres. L’alliance rassemble ainsi trois partenaires, SPARC, Mahila Milan et NSDF dont le but est de concevoir des pratiques urbaines et des politiques de développement qui tiennent comptent des besoins des plus pauvres. Leur mission est d’aider les communautés à s’organiser et le rôle des femmes est particulièrement mis en avant. Etant ainsi plus soudés, les urbains pauvres sont plus à même d’empêcher les expulsions, de développer leurs compétences et d’acquérir la confiance nécessaire pour négocier avec le gouvernement et les autres acteurs sur les questions de logements, d’infrastructures minimum, et plus généralement, de revendiquer leur « droit à la ville ».

                                                                                                               46 http://www.sparcindia.org/sparcindia.aspx et entretiens avec Monali Waghmare, employée SPARC

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  56  

De multiples activités

Les activités de SPARC s’orientent autour de trois pôles : le logement, la réhabilitation - réinsertion et l’assainissement. Sur ce dernier point, l’ONG s’occupe du montage du projet, de la construction et de la maintenance des toilettes. Elle a permis à un demi million de personnes dans 8 villes indiennes d’avoir un accès à des blocs de sanitaires fonctionnels.

3.3.2 Méthode

Dans le cadre du MSDP (Mumbai Sewerage Disposal Project), les projets de l’ONG se développent en quatre phases ; la planification de projet, l’élaboration graphique, la construction et enfin la maintenance. Les rôles de SPARC et de la NSDF sont clairement définis.47

Phase 1 : La planification

Le projet commence lorsque SPARC gagne l’appel d’offre. Il faut ensuite s’assurer d’avoir un Certificat de Non-Objection (No Objection Certificate, NOC) pour pouvoir construire sur le site. Il est généralement plus simple de l’obtenir quand le terrain est public. SPARC est ensuite responsable d’aider la communauté à se mobiliser afin de former une CBO. Des rendez-vous réguliers ont ensuite lieu et les habitants se motivent peu à peu pour monter le projet. Chaque famille doit apporter une certaine somme qui est ensuite déposée à la banque pour assurer la construction du projet. Les documents nécessaires sont également collectés et le projet est ensuite soumis à un enregistrement. Cette étape peut prendre beaucoup de temps mais permettra d’obtenir les autorisations pour construire le projet. Phase 2 : L’élaboration graphique

Lorsque les autorités délivrent l’autorisation, il est alors possible de passer à la deuxième phase, liée à l’élaboration du projet d’architecture du bloc. Architectes et ingénieurs sont recrutés pour dessiner le bloc. Il peut s’avérer nécessaire de déloger des habitants s’il n’y a pas suffisamment de place pour l’implanter et cela peut encore retarder l’avancement du projet. Il faut également veiller à accompagner et soutenir les populations déplacées et à réaliser des toilettes temporaires, celles-ci nécessitant également des autorisations.

Lorsque la MCGM donne son accord, le projet peut passer à la phase de construction. Les deux premières phases peuvent durer entre 3 mois et 1 ans et dépendent du site et de l’implication de la CBO. Phase 3 : La construction

La construction du bloc commence généralement par la déconstruction d’un précédent bloc ou par un nettoyage du terrain et la dépose des déchets qui s’y trouvent. Il arrive que le sol soit mauvais et la construction du bloc impossible. Il faut par conséquent trouver un autre site. De plus selon l’emplacement du bloc, il peut également être difficile d’acheminer les matériaux de constructions, les ruelles d’accès pouvant être très étroites. Si ces problèmes sont résolus, la construction peut commencer. Celle-ci peut être beaucoup plus longue pendant la mousson. La majorité des blocs sont équipés d’une fosse septique, mais d’autres sont reliés au réseau d’égouts de la ville. Lorsque la construction est terminée, la CBO et les autorités compétentes signent le MoU (Memorandum of

                                                                                                               

 

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  57  

Understanding). La signature de ce document permet à la CBO de pouvoir contacter les autorités en cas de problème lié au fonctionnement du bloc.

Ce n’est qu’à partir de la phase de chantier que SPARC commence à être rémunéré : 30% des

paiement arrivent quand les fondations sont terminées, 25% quand la toiture est terminée, 30% quand la construction du bloc est terminé, 10% quand il est relié aux égouts et que l’eau et l’électricité sont approvisionnés et enfin, 5% après la signature du MoU. Phase 4 : La maintenance

 A la livraison du bloc, la CBO devient responsable de sa maintenance. Pendant un an, elle est aidée par

SPARC qui vérifie que tout est en ordre. Dans un même temps, cette dernière doit élaborer un rapport sur l’élaboration du projet et les effets sur la CBO.

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4. Bilan  des  projets  réalisés  par  les  principaux  acteurs  

Le tableau suivant tente de faire un bilan des projets réalisés par les principaux acteurs qui approvisionnement les bidonvilles de Mumbai en sanitaires. De nombreuses petites ONG tentent également de trouver leur place et sont également représentées dans ce tableau. Comme pour SPARC, leur action s’inscrit souvent dans le cadre du SSP. Du fait de leur plus petite taille et d’un manque d’expérience leur action et les impacts engendrés peuvent être différents sur certains points. MHADA SULABH SPARC Petites ONGs Utilisateurs par siège

1 siège/ 35 hab. - 1 siège/ 50 hab.

Espérance de vie 10 ans - 30 ans Coût pour un siège 23 000 – 40 000 Rps - 50 000 – 65 000 Rps Gardien du bloc Pas de gardien Pas de gardien

Oui. Sa loge est de plus en plus souvent située sur le toit.

Participation NON

NON, mais Sulabh travaille avec

… OUI OUI

Prise en compte des besoins des habitants

NON Pas de réelle prise en compte des besoins

des habitants (sauf en période électorale !)

NON

Meilleure prise en considération des besoins des habitants.

Les emplacements pour enfants et handicapés se développent et des urinoirs sont toujours

présents. Il est également recommandé d’avoir une salle de bains pour 10 sièges.

Temps d’exécution des projets

- Surement

relativement rapide (pas de participation)

- Surement

relativement rapide (pas de participation)

Plus ou moins rapide. Pas assez de temps pour être réellement

proche des habitants.

Long à très long

Caractéristiques techniques Les blocs sont assez

simples et facilement reproductibles.

Deux fosses qui réceptionnent les

excréments humains doivent être vidées

régulièrement.

Préférence pour une connexion au réseau d’égouts. (Ceci ne s’avère cependant pas

toujours possible)

Eau et électricité NON FOURNIES Fournies, mais les quantités réduites.

OBLIGATOIREMENT FOURNIES

Maintenance Non assurée Manque d’entretiens Corruption

Assurée Attention particulière

apportée aux conditions de vie des

éboueurs.

Assurée par la CBO. Le gardien du bloc est également responsable

de l’entretien des sanitaires.

Tarifs d’utilisation Usage gratuit pay&use Souvent 1 à 2 Rps.

Carte de membre dans la mesure du possible ou pay&use

BILAN Plutôt Négatif Les seuls avantages

observés semblent se limiter à un meilleur

ratio utilisateurs/siège et à la gratuité. Mais

le manque de maintenance implique une dégradation très

rapide des blocs. Celle-ci peut aller

jusqu’à les rendre non fonctionnels.

Plutôt Négatif Le système technique ne semble pas adapté

aux zones urbaines denses. De plus les

blocs sont généralement

implantés dans des zones éloignées des

bidonvilles et le système de paiement

privilégié est le pay&use

Plutôt Positif Peu de remise en

question (travail à la chaine.)

Plutôt Positif

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CHAPITRE  3/    Le  cas  de  la  CBO  Triratna  Prerana  Mandal    

 

1. Présentation  de  la  CBO  Triratna  Prerna  Mandal    

1.1 Composition et création de la CBO Localisation de la CBO

La CBO Triratna Prerana Mandal est née en 1985 dans le bidonville de Khotwady, dans le quartier de Milan Subway - Santa Cruz Ouest, à Mumbai. Le terrain semble être situé dans le Ward H-West48.

Le bidonville est très proche des voies de chemin de fer (Western Line) puisqu’on y accède en moins de

cinq minutes à pieds en se rendant vers l’Est. La mer est située de l’autre côté, à un kilomètre environ. Le bidonville est également proche de l’aéroport. Bien que séparé de celui-ci par les voies de chemin de fer, l’autoroute urbaine et une importance activité, on sent beaucoup sa présence puisqu’il est situé dans la trajectoire du décollage des avions. Alors qu’il est paisible la majorité du temps, le site peut par conséquent s’avérer également très bruyant. Figure 11 Plan de Masse du quartier de Kothwady

Source : Google Earth et annotations personnelles.

                                                                                                               48 Je n’ai pas pu trouvé de plan précis qui délimite les wards et la principale frontière entre les wards H-West et K-West est le quartier de Milan Subway. Le site étant situé au Sud de celui-ci, j’ai considéré qu’il appartenait au ward H-West (situé le plus au Sud).

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Le quartier regroupe environs 7 000 habitants. Ils sont pour la majorité des migrants, venus du reste de l’Etat du Maharastra. Le bidonville ne semble pas avoir de caractéristiques particulières qui puissent le différentier des autres de Mumbai. Khotwady abrite cependant de nombreux travailleurs du coton, et, le plus souvent, ils vivent et travaillent dans leur maison. Objets de la CBO

La CBO s’intéressait dans un premier temps au Club de Cricket local ainsi qu’à son terrain de jeu. Ses activités se sont depuis orientées dans plusieurs directions :

- L’éducation ; - L’environnement ; - La gestion des déchets solides ; - L’émancipation des femmes et des enfants ; - L’assainissement.

Douze personnes, hommes et femmes, travaillent dans l’organisation. Leurs activités sont multiples,

certains membres travaillant même également en partenariat avec l’ORF (Observer Research Foundation) afin de fournir des traductions Marâthîs - Anglais aux chercheurs étrangers sur le terrain.

1.2 Le Bloc de Toilettes de Santa Cruz West.    Acteurs et financements49

Le bloc de toilettes anciennement présent sur le site était jugé vétuste (construit il y a plus de 10 ans). Les conditions sanitaires étaient déplorables dans le bâtiment puisqu’il n’y avait ni eau, ni électricité et le nettoyage n’était plus assuré. C’est dans ce contexte que le projet remplaçant a vu le jour il y a douze ans. C’est la SRA (Slum Rehabilitation Authority), qui dépend de la MHADA, qui a été en charge de la reconstruction de ce bloc de toilettes. Il a été financé par la Banque Mondiale et c’est la MCGM qui a été chargée de dessiner le bloc. Construction et fonctionnement interne

Le bloc abrite des sanitaires hommes et femmes, des urinoirs et des douches. Ils se répartissent de la façon suivante :

- 18 emplacements pour les hommes ; - 7 emplacements pour les femmes ; - 2 douches ; - des urinoirs (donc la consommation en eau est réduite).

Il est important de noter qu’il n’y a aucun emplacement prévu pour les enfants, « There is no need for children » m’explique Jadhav Dayanand. Les enfants utilisent donc les mêmes toilettes que les adultes, en fonction de leur sexe. Il existe « officiellement » un sanitaire pour les handicapés, mais celui-ci est conçu exactement selon le même modèle et les mêmes dimensions que les autres et ne peut donc être utilisable pour eux.

Le bloc est public et peut être utilisé par tout me monde, membres de la CBO ou non. Il n’est pas ouvert 24h/24, mais ses horaires d’ouverture sont très larges et s’étalent de 5h30 à minuit. On remarque cependant l’existence « d’heures de pointe » et il est ainsi préférable d’éviter de s’y rentre entre 6h et 11h le matin. Sans doute la conséquence d’une très inégale répartition, le temps d’attente est plus long pour les femmes.

                                                                                                               49 Toutes les informations qui suivent proviennent de mes entretiens avec Dayanand, membre de la CBO.

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Figure 12 Le quartier de Kothwady et les locaux de TPM

En haut à gauche : vue générale du bidonville (depuis la terrasse du bâtiment TPM)

En haut à droite : le terrain de cricket En bas à gauche : le bâtiment TPM – Accès à l’étage (le bureau est à droite, les salles d’enseignement à gauche. On peut voir également

des réservoirs d’eau et un des panneaux solaires) En bas à droite : les sanitaires – entrée femmes.

Source : Photographies personnelles Coûts et maintenance

L’accès aux toilettes est payant et chaque utilisateur doit donc débourser 2 Rps50 (soit 0,03€) à chaque passage. Un gardien des toilettes, certainement un habitant du bidonville, se charge de collecter la monnaie. Les urinoirs sont en revanche gratuits et leur entrée est indépendante. Les toilettes sont lavées trois à quatre fois par jour. Lors de mes visites, le bloc était en effet toujours propre.  

Les eaux de pluie sont récupérées et peuvent servir pour le nettoyage. Des panneaux solaires occupent la toiture et l’eau chaude générée peut-être utilisée pour les douches. Ce bloc est le premier à utiliser l’énergie solaire et a ainsi pu recevoir un financement du gouvernement du Maharashtra.                                                                                                                          50 En juin 2012 : 1€ = 67 Roupies  

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Conclusion Le bloc de toilettes construit par la CBO Triratna Prerana Mandal semble très bien fonctionner. Les habitants du bidonville, hommes et femmes, s’y rendent régulièrement. Les sanitaires sont propres et bien entretenus.

Un point faible d’importance demeure cependant et concerne l’inégalité hommes / femmes. Alors que le bloc comporte 18 emplacements pour les hommes, on n’en dénombre que 7 pour les femmes, soit près de trois fois moins. Le recensement de 2011 nous indique qu’il y a plus d’hommes que de femmes à Mumbai (54% d’hommes contre 46% de femmes51), et les membres de la CBO nous informent (sans statistique à l’appui cependant) que plus d’hommes que de femmes travaillent dans le bidonville52. Ces deux raisons ne semblent cependant pas pouvoir justifier une répartition aussi inéquitable des sanitaires. Par ailleurs, il n’a jamais non plus été prouvé que les femmes n’ont besoin de moins de temps que les hommes pour satisfaire leurs besoins personnels.

De plus, les urinoirs sont gratuits mais ces derniers ne sont utilisables que par les hommes. Alors qu’ils n’ont à payer que pour déféquer, les femmes doivent en revanche débourser 2 Rps à chaque passage dans le bloc. Outre une plus longue attente, elles subissent une évidente inégalité en terme de coût, puisqu’elles doivent payer environs deux fois plus que les hommes pour l’utilisation des sanitaires53.  

1.3 Une volonté de développement   L’utilisation du toit

Comme nous l’avons vu précédemment, l’objectif de Triratna Prerana Mandal n’est pas uniquement la maintenance des toilettes. Contre les règles de la ville qui interdisaient la construction d’un étage supplémentaire54 (environ équivalent du COS en France), la CBO a ajouté des locaux sur le toit à vocation sociale. Le gouvernement ayant finalement trouvé cette installation utile, le projet a été accepté et les locaux conservés.

L’espace sur le toit des toilettes a ainsi été utilisé pour l’implantation de leurs bureaux, ainsi que deux

autres salles pour développer des activités. Ainsi, l’une d’entre-elles accueille des ordinateurs et, des cours d’informatique et d’anglais y ont lieu régulièrement. Une garderie a également vu le jour. De plus l’espace extérieur de la toiture terrasse initiale est utilisé comme cuisine. Dans le cadre d’un projet du gouvernement, des femmes sont employées pour préparer de la nourriture destinée au repas de midi des écoles. TPM gère également des groupes d’entraide pour les femmes55.

Le projet est ainsi une grande réussite sur de nombreux points et c’est ce qui lui a permis d’être reconnu à l’échelle internationale et d’obtenir une récompense.                                                                                                                51 La population de Mumbai s’élève à 12.478.447 habitants. Parmi eux, on dénombre 6.736.815 hommes et 5.741.632 femmes. Source : http://www.indiaonlinepages.com/population/mumbai-population.html 52 Information provenant de mon entretien avec Jadhav Dayanand en réponse à ma question « Pourquoi y’a t’il plus de sanitaires pour les hommes que pour les femmes ? » 53 Je considère ici que l’on se rend aux toilettes une fois sur deux uniquement pour uriner. 54 Information provenant de l’entretien avec Seema Redkar. (cf. annexes) 55 http://www.alfred-herrhausen-society.org/en/754.html  

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Un prix reçu en 2007 : The Deutsche Bank Urban Age Award

Tous les ans, la Deutsche Bank attribue un prix dans une ville du Monde. En 2007, la ville retenue a été Mumbai. Un appel ouvert à projets a été lancé et 74 projets ont été reçus. Le jury en a retenu trois présentés par le Mumbai Waterfronts Center, l’Urban Design Research Institute et enfin la CBO Triratna Prerana Mandal. Les projets gagnants se distinguaient en termes de coûts. Ils encourageaient également les citoyens à former des partenariats pour améliorer la qualité de l'environnement urbain et la qualité de vie des résidents locaux.    Conclusion : Réussite + Reconnaissance = Développement/Extension

Il semblerait que le développement de nombreuses activités au sein de Kothwady et la distinction reçue en 2007 aient donné envie à la CBO d’étendre ses compétences et de se développer ailleurs dans la ville. Profitant de leur notoriété, ils souhaitent notamment créer d’autres projets d’assainissement dans Mumbai. Ils ambitionnent en effet de créer deux projets distincts dans le quartier de Santa Cruz et ont ainsi fait appel à une agence d’architecture afin d’étudier la faisabilité desdits projets.

1.4 Chercher des projets et faire appel à un architecte

1.4.1 Stratégie et méthode de la CBO Stratégie

Forte de cette première expérience dans le quartier de Kothwady et motivée pour continuer à travailler sur des projets communautaires, la CBO souhaite proposer ses compétences sur d’autres sites. Dans ce but, elle décide de tenter de faire deux autres projets sanitaires situés dans leur sphère géographique d'influence56 (Santa Cruz). Outre leur situation géographique, ces projets se basent sur des approches différentes. Des Toilettes mobiles sur Air India Road

Ce premier projet s’attache la réalisation d’un bloc de toilettes mobiles à implanter au Sud de l’aéroport international, sur Air India Road une rue assez passante. Même si elles ont vocation à être mobiles, il n’est pas prévu d’autre site d’implantation que Air India Road. Au delà d’apporter une réponse sanitaire aux habitants du quartier, ce projet apparaît également à leurs yeux comme une opportunité de se faire connaître, Air India Road étant un axe routier important que de nombreuses personnalités politiques influentes empruntent pour se diriger vers l’aéroport. Le bloc de toilettes de Nirmal Nagar

Ce second projet s’attache quant à lui à la reconstruction d’un bloc MHADA existant dans le bidonville de Nirmal Nagar. Je n’ai pas réussi à savoir si la CBO avait des attaches quelconques sur ce lieu. Il semblerait que non et il pourrait alors s’agir d’une sélection aléatoire effectuée par la MCGM pour reconstruire et moderniser le bloc existant57. Quoiqu’il en soit, la CBO souhaite ici tenter de reproduire un projet ressemblant à celui développé à Kothwady : la construction d’un bloc de toilettes et, si possible, le développement d’autres activités sur le même lieu.

                                                                                                               56 Extrait de discussion avec Abhishek Ray, le 28.08.2012 « they want to create proposals in and around their realm of influence which is mostly geographically controlled » 57 Extrait de discussion avec Abhishek Ray, le 28.08.2012  

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  64  

Méthode

A l’inverse de SPARC (et autres ONGs), dont la méthode consiste d’abord à fédérer une communauté puis à créer et construire le projet avec elle, la CBO Triratna Prerana Mandal inverse en quelque sorte la procédure de création d’un projet d’assainissement. Dans un premier temps, elle souhaite élaborer un projet d’architecture pour pouvoir ensuite le proposer à des organismes de développement et à des ONGs afin de tenter de récupérer des financements. Généralement, la proposition est soumise aux politiciens locaux et au responsable municipal qui dispose de fonds pour le développement de la circonscription (ward). La proposition est également envoyée à la MCGM qui doit contrôler l’emplacement et la viabilité du projet.

1.4.2 Stratégie et démarche de l’architecte Méthode

L’agence d’architecture Matrika Design Collaborative (MDC) a été contactée afin étudier la réalisation des deux projets cités précédemment. Seuls des échanges de mails et un reçu font office de « contrat ». Les programmes sont par conséquent très imprécis et n’ont été discutés qu’oralement avec Abhishek. Contrairement aux projets précédent sur lesquels il a travaillé avec eux, Abhishek a souhaité percevoir une rémunération (certes minime) pour cette première phase afin que le travail soit valorisé et qu’il y ait degré de formalisme et de responsabilisation de la part de la CBO58.

Rôle de l’architecte

N’ayant pas de commande bien précise, l’architecte doit déterminer lui-même le programme. Cette tâche n’est pas aisée lorsque l’on ne connaît ni les habitants à qui s’adresse le projet, ni les autorités responsables de donner l’autorisation de construction (la validation d’un projet pouvant faire l’objet de corruption). Aussi, plus que pour d’autres projets, il faut se poser un certain nombre de questions pour sont élaboration:

- Quelle est l’étendue de la mission ? Doit elle être proportionnelle aux honoraires perçus ? - La mission est elle uniquement technique ? Le projet doit-il être pensée en termes sociaux et culturels ?

Jusqu’à quel point les modes de vie et les avis des communautés sont à prendre en compte ? Quelle est la place des habitants dans la conception du projet ?

- Est-ce que l’un des rôles de l’architecte peut-être de faire entrer la communauté dans le projet ?

Rôle du personnel – rôle du chercheur

J’ai été chargée des études pour ces deux projets. N’ayant pas de délais précis, d’expérience dans le domaine de l’assainissement, ni de connaissances liées au monde du travail Indien, il n’a pas été facile de savoir quelle méthode adopter pour l’élaboration de ces projets.

J’ai souhaité mener mes enquêtes en liaison avec ses projets, mais l’absence de relations entre la CBO

et les communautés pour qui s’adressaient les projets ont rendu leur élaboration particulièrement difficile. Je n’ai mené mes enquêtes qu’auprès des habitants de Nirmal Nagar. Avec Santosh Sonar (secrétaire de l’agence MDC) nous avons posé des questions aux habitants que nous avons rencontrés. Estimant que je ne devais pas leur parler du projet de reconstruction du bloc, mes questions étaient discrètes, mais particulièrement portées sur les questions architecturales et techniques ainsi qu’aux financements qu’ils pouvaient apporter.

                                                                                                               58 Extrait de discussion avec Abhishek Ray, le 28.08.2012 « I charge them very low sums for development and drawings. This is mainly to make them realise that the process of engaging an architect interested in such development is a serious one. This offers a certain degree of formality and accountability to the project. »  

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2. Le  projet  de  Toilettes  Mobiles  sur  Air  India  Road    

2.1 Pourquoi des toilettes mobiles ?

Une réponse aux évictions ?

Les toilettes mobiles semblent avoir été créées pour faire face aux très mauvaises conditions sanitaires dans lesquelles se retrouvent les Slum Dwellers qui arrivent sur un nouveau lieu déconnecté des réseaux urbains. C’est le cas notamment des habitants victimes d’éviction ou qui sont en attente de relogement. La mise en place de nouvelles infrastructures d’assainissement étant toujours beaucoup trop longue par rapport au besoin imminent, la création de toilettes mobiles apparaît comme une solution temporaire efficace pour faire face au problème. Une solution technique ?

Les toilettes mobiles sont généralement fabriquées en fibres de verre pour être facilement nettoyables. Elles sont équipés d’un réservoir de collecte des déchets humains et ménagers qui doit être vidé régulièrement et acheminé vers les réseaux de traitement. Malheureusement, le peu de planification, de maintenance et de manque d’accès au réseaux d’égouts ont amoindrit l’efficacité des toilettes mobiles. Il est admis que si le système était mieux entretenu, il pourrait être une bonne solution pour répondre à l’approvisionnement en sanitaires dans les bidonvilles et ce particulièrement quand dans les zones difficilement accessibles. Les toilettes mobiles : une illusion?

L’histoire tend à prouver que les toilettes mobiles ne sont qu’une illusion pour répondre au manque de sanitaires dans les bidonvilles. Peu de blocs ont été construits et la réponse semble avoir toujours été insuffisante.

Les toilettes mobiles n’étant par définition pas fixes et non durablement implantées, elles ne répondent

en rien au manque de toilettes dans les bidonvilles. Quand elles sont implantées, elles ne font que reporter le problème dans le temps.

Par ailleurs, du fait de leur caractère mobile et temporaire, les populations qui utilisent ces sanitaires se les approprient beaucoup plus difficilement que lorsque les toilettes sont fixes. Il est important de noter que la construction d’un bloc en dur peut symboliser l’acceptation et la durabilité d’un bidonville ; on ne construit pas un tel projet s’il a vocation à être bientôt détruit. Des autorisations plus faciles à avoir ?

Cependant, il reste un très gros avantage dans l’implantation de toilettes mobiles. Le projet étant déplaçable et provisoire, il apparaît beaucoup plus simple d’obtenir les autorisations auprès des autorités de la ville pour construire ledit bloc. Par son caractère temporaire et non raccordé aux réseaux de la ville, les autorités ne semblent prendre aucun risque en acceptant le projet et n’ont pas à s’engager pour l’entretien. Les délais sont par conséquent réduits pour l’obtention des autorisations et le projet plus rapidement construit.

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2.2 La situation géographique

Un emplacement stratégique pour Triratna Prerana Mandal

Le premier emplacement (ou le seul ?) se trouve au sud d’Air India Road, dans le Ward H-West ou K-West59. Celui-ci est stratégique pour TPM puisqu’il est sur la rue qui mène à l’aéroport. Ainsi, le projet sera vu pas l’ensemble des personnes qui s’y rendent et TPM espèrent bien par ce moyen se faire connaître. Un emplacement réservé pour la collecte des déchets se trouve également sur le site et celui-ci est géré par la BMC. Figure 13 Plan de Masse du quartier d’Air India Road

Source : Google Earth et annotations personnelles.

Une double fonction

Comme souvent à Mumbai, les toilettes et les dépôts de poubelles sont situés sur le même lieu. Ainsi, sur le même site seront regroupés sanitaires et poubelles. Ces dernières seront cependant dans un local à part.

2.3 Les acteurs Les principaux acteurs qui sont en relation avec le projet de toilettes mobiles sont la CBO Triratna

Prerana Mandal, les habitants, la municipalité, l’architecte et les sponsors espérés. Comme dans chaque projet d’assainissement, s’ajoutent à eux des fonctionnaires de la ville, des ingénieurs qui élaborent les plans, des entrepreneurs qui s’occupent des travaux de génie civil, les départements responsables de l’eau et des égouts qui supervisent la maintenance.

La municipalité

Le détenteur du terrain est la municipalité de Mumbai. Celle-ci est également responsable du nettoyage des déchets humains et ménagers, et doit venir tous les jours sur le site pour s’en occuper.

                                                                                                               59 Comme pour le bloc de sanitaires situé à Kothwady, je n’ai pas su définir dans quel ward était situé le terrain. Air India Road a également la particularité d’encercler l’aéroport et est par conséquent peut être située dans deux wards.

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La CBO Triratna Prerana Mandal

C’est le premier projet l’assainissement extérieur au bidonville de Kothwady sur lequel Triratna Prerana Mandal souhaite s’investir. Dans une démarche entrepreneuriale, la CBO souhaite se faire connaître et promouvoir ses activités. La conception d’un bloc de toilettes mobiles apparait à ses yeux comme l’un des meilleurs moyens. Les utilisateurs

Le projet étant « confidentiel », nous n’avons pas pu rencontrer les futurs utilisateurs. Cependant, le premier site (ou le seul?) d’implantation est situé à l’extrémité d’une route qui est bordée sur un côté par un bidonville. Nous pouvons imaginer sans prendre trop de risque que les principaux utilisateurs seront donc certainement ses habitants. Il existe un autre bidonville un peu plus loin à l’ouest et il n’est pas à exclure que des habitants souhaitent également utiliser le bloc. Les blocs de sanitaires construits par la MCGM abritent généralement 8 sièges (entre 6 et 10). Avec 10 sièges et 4 urinoirs dans le bloc, nous avons estimé, selon les recommandations du SSP qui prévoient un siège pour 50 usagers, que le bloc pourrait servir à environ 500 personnes par jour. L’architecte

Abhishek Ray a été contacté pour ce projet en juin 2011. Outre une facture sur laquelle sont indiqués les honoraires liés à la conception du projet, les échanges entre la CBO et l’architecte ont toujours été informels. Il n’y a pas de délais précis pour l’élaboration du projet, mais il a été demandé que celui-ci soit réalisé le plus rapidement possible. (« There was no time frame, just « do it quickly »60) Les sponsors espérés

Comme nous l’avons vu précédemment, le projet est situé sur un terrain stratégique et cet emplacement nous permet donc d’espérer conquérir des sponsors pour le bloc de toilettes. Ceux qui sont souhaités sont les grandes marques de produits d’hygiène, tels dettol, ou lux. Le but principal est d’améliorer la propreté générale du bloc ainsi que son approvisionnement en produits d’entretiens et surtout en savons afin que les utilisateurs prennent (ou gardent) l’habitude de se laver les mains et limitent ainsi la propagation de maladies. L’emplacement privilégié permettrait également au sponsor d’être vu (en façade) par les personnes qui utilisent la route pour se rendre à l’aéroport. La marque peu également se faire connaître aux utilisateurs si des produits sont vendus au sein même du bloc.

                                                                                                               60 Il n’y avait pas de délai, juste « faites le vite ». Ceci est extrait d’une conversation avec Abhishek Ray, qui me rapporte les paroles des dirigeants de la CBO Triratna Prerana Mandal.

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2.4 La réponse proposée par Matrika Design Collaborative

2.4.1 Analyse du site

Abhishek Ray et Irina (ancienne employée) ont pu aller une fois sur le site avant que je ne travaille à l’agence. Je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre et, pour travailler sur ce projet, je me suis uniquement appuyée sur les plans de Google Earth ainsi que sur les photographies prises durant leur visite. N’ayant que peu de temps (ainsi qu’une très faible rémunération), et le projet ayant pour vocation d’être mobile et le plus petit possible, nous n’avons pas considéré qu’une analyse de site soit particulièrement utile.

2.4.2 Réponse sociale

N’ayant aucune information sur la population à qui s’adresse le bloc de sanitaires, nous n’avons pu répondre que de manière très générale aux questions sociales liées au projet. Cependant, nous avons tenté de prendre en considération certains points comme l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, la création de toilettes pour enfants ainsi que de douches et l’amélioration des conditions de vie du gardien. L’accessibilité des personnes à mobilité réduite Constat :

Selon la Banque Mondiale, en Asie du Sud au moins 10% de la population vit avec un handicap. Handicap et pauvreté apparaissent étroitement liés. Une forte proportion de personnes handicapées se retrouve ainsi dans les bidonvilles, mais, souvent marginalisés, aucun service de base accessible ne semble leur être proposé. Proposition :

Bien que de très petite taille, nous avons jugé utile que le bloc soit accessible aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite (femmes avec jeunes enfants par exemple). Le bloc est par conséquent équipé d’une rampe. Celle-ci est située le long de la façade qui abrite les toilettes hommes et la pente est suffisamment douce pour permettre à une personne en fauteuil roulant de se rendre seule dans le bloc. Il y a deux sanitaires handicapés, un pour les hommes, l’autre pour les femmes. Ces sanitaires sont situés au bout du couloir et sont donc facilement accessibles puisque leur porte est située dans l’axe. Le couloir est élargi à 110cm, ce qui permet également plus de confort pour tous les utilisateurs dans un lieu qui sert souvent également pour l’attente. L’intérieur du sanitaire est équipé selon les normes françaises, celles-ci étant généralement réputées sévères. Les toilettes pour enfants Constat :

Les enfants occupent une part très importante de la population des bidonvilles, les moins de 7 ans en représentant environ un quart. Comme nous l’avons vu précédemment, nombre d’entre eux n’utilisent pas les sanitaires collectifs parce qu’ils sont inadaptés et que le temps d’attente peut s’avérer trop long. Nous pensons donc qu’une importance particulière doit leur être accordée. Par ailleurs, les enfants d’aujourd’hui étant les adultes de demain, il apparaît très important qu’ils prennent de bonnes habitudes dès leur plus jeune âge.

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Proposition : Nous pensons donc qu’il est nécessaire de réserver un espace particulier pour les enfants. Celui-ci est raccordé au couloir des toilettes femmes. L’entrée se fait par la même porte et les femmes peuvent ainsi contrôler que tout s’y passe bien ou aider leurs enfants. Les douches Constat :

Il n’y a généralement pas suffisamment d’espace dans les sanitaires pour permettre la prise d’une douche. Cet espace pourrait cependant également accueillir cette fonction.

Proposition : Nous avons donc légèrement agrandi la taille de la cabine afin de pouvoir avoir un plus grand espace devant la porte (et pas au dessus de la fosse) qui puisse permettre de se laver. Des patères et étagères hautes seront également fixées de manière à pouvoir déposer ses affaires personnelles. L’amélioration des conditions de vie du gardien Constat :

Les conditions de vie des gardiens de toilettes publiques ou communautaires sont très difficiles. Souvent, un « logement » leur est attribué, mais selon les normes de la Banque Mondiale, les dimensions minimales de celui-ci sont de 8x10 pieds61 (soit 7.43m²). Ce logement est souvent situé à l’intérieur du bloc, entre les sanitaires hommes et femmes. Par ailleurs, ce travail, jugé peu valorisant est le plus souvent réservé à certaines castes d’intouchables comme les harijans ou les bhangis, responsables du nettoyage ou d’autres métiers jugés dégradants. Ces derniers, comme les autres, sont réticents à exercer ce métier dans de mauvaises conditions. Proposition :

Nous proposons donc ici d’agrandir le logement du gardien et de l’éloigner des sanitaires. Outre l’affaiblissement des odeurs, cela lui permet de privatiser et de personnaliser son espace. Son logement sera donc situé en hauteur, accessible par une échelle depuis son espace bureau.

Afin d’améliorer ses conditions de vie, nous pensons également que la création d’un petit magasin lié à l’hygiène et à la santé peut augmenter ses revenus et limiter l’absentéisme (observé dans de nombreux blocs).

                                                                                                               61 Un pied = 30,48cm. Par conséquent, 8 x10 pieds = 2,4384 x 3,048m = 7,43m²

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2.4.3 Réponse technique

Le non raccordement aux réseaux de la ville Constat : Etant mobile, le bloc ne peut par conséquent pas être raccordé aux réseaux de la ville et doit donc être autonome ou facilement alimenté. Nous avons donc choisi de l’équiper d’une fosse septique, de réservoirs d’eau et de panneaux solaires. Proposition :

La fosse septique est la solution la plus communément utilisée pour la construction de toilettes mobiles. C’est une chambre imperméable à l’eau. Elle est construite en béton, fibre de verre, PVD ou plastique pour le stockage et le traitement des eaux vannes et des eaux grises. Les processus de décantation et d’anaérobie (un milieu où il n'y a pas présence de dioxygène) réduisent les matières solides et organiques, mais le traitement reste modéré. La fosse septique ayant un certain volume, le bloc de toilettes a donc été surélevé de quatre-vingt centimètres par rapport au niveau du sol pour permettre son installation. Pour préserver l‘accessibilité des personnes à mobilité réduite, une rampe a été ajoutée.

Afin d’être alimenté en eau, le bloc a besoin de réservoirs pour assurer son fonctionnement. N’ayant aucune information sur le nombre d’utilisateurs ni sur la quantité d’eau qu’ils consommeront à chaque passage, il n’a pas été facile d’estimer la taille des réservoirs d’eau. Les seaux d’eau avec lesquels se rendent les utilisateurs dans les sanitaires contiennent généralement deux à trois litres et paraissent suffisants pour le nettoyage du corps et du sanitaire. Mais ceux-ci pouvant également faire office de douche, nous nous sommes interrogés sur la quantité d’eau alors nécessaire pour chaque usage et sur le nombre d’utilisateurs qui souhaiteront réellement se laver dans cet espace. Devront-ils apporter leur propre seau d’eau ou celle-ci sera t’elle disponible dans le bloc ? Nous avons considéré qu’il faudrait trois réservoirs d’eau de contenance 1.750 litres pour assurer le fonctionnement quotidien du bloc62. Celui-ci devra être réalimenté au moins une fois par jour. Les réservoirs d’eau seront positionnés sur la toiture. Ils seront facilement accessibles par les camions de la municipalité pour être rechargés. En cas de problème, la toiture est accessible par le premier étage du bâtiment.

Le bloc sera également équipé de panneaux solaires. Une fois de plus, nous n’avons pas les informations nécessaires pour calculer la quantité de panneaux solaires dont nous avons besoin. Nous avons estimé que nous aurions besoin de 6m²63.

Le déplacement et l’entretien Constat : Pour être facilement déplaçable, le bâtiment doit être soit adapté au dimensions du transporteur (par exemple un camion de la marque Tata), soit facilement démontable. Les dimensions des châssis des camions ou

                                                                                                               62 Il est recommandé un emplacement pour 50 usagers maximum et nous estimons ici que chaque utilisateur a besoin de 10 litres par jour. Nous pouvons donc considérer que 10 emplacements x 50 usagers x 10 litres = 5000 litres. Si l’on ajoute les urinoirs, et que l’on considère qu’un à deux litres d’eau sont suffisants pour assurer le nettoyage. (4 emplacements x 50 usagers quotidiens = 200 litres). Nous avons donc choisi d’équiper le bloc de trois réservoirs d’eau de 1.750litres (= 5.250litres) 63 Nous nous sommes appuyés sur le bloc de Kothwady pour estimer les besoins des toilettes mobiles. Il y a 25 emplacements à Kothwady contre 10 sur Air India Road, soit plus de deux fois moins. Dix grands panneaux solaires sont placés sur la toiture, nous avons donc considéré que six plus petits panneaux solaires devraient suffire pour le bloc d’Air India Road.

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des conteneurs ne permettant une circulation aisée à l’intérieur du bloc, nous avons choisi ici d’utiliser une structure et des matériaux facilement démontables. Proposition : Afin d’être transportable et/ou modulable, le bloc se compose d’éléments préfabriqués de dimension 60cm x 300cm. Les matériaux seront lisses et résistants pour permettre un nettoyage plus facile (faïence ou matières plastiques).

2.5 Bilan

Points négatifs Points positifs Le Bloc Pas assez de sièges.

Le bloc est situé loin du lieu d’habitation de la majorité de ses utilisateurs potentiels. L’accès

peut également être difficile.

Indépendant des réseaux de la municipalité.

Rapidité d’exécution et modularité en cas de changement de site.

Municipalité

Toujours en attente des autorisations.

Les autorisations sont plus rapides à avoir (théoriquement).

Le système est indépendant de la municipalité (sauf si celle-ci approvisionne le bloc en eau).

CBO Projet qui ne met pas en avant ses capacités à s’occuper d’une communauté.

TPM espère se faire connaître grâce à ce projet.

Architecte Très peu d’informations pour réaliser le projet.

Impossibilité de contacter les habitants. Manque d’une programmation claire.

Manque d’informations techniques pour proposer une solution réellement adaptée.

Liberté de conception.

Utilisateurs

Pas de participation.

Prise en compte des besoins de tous (Hommes, femmes, handicapés,

enfants). Egale répartition entre les hommes et les

femmes (sauf urinoirs, mais c’est déjà un très grand progrès).

Gestion Pas de fidélisation des utilisateurs.

Système de paiement pay&use.

Amélioration des conditions de vie du gardien. Présence de sponsors qui devraient faciliter l’entretien et améliorer l’hygiène au sein du

bloc.

Outre les aspects cités ci-dessus, le processus de création du projet est critiquable. La CBO, bien qu’elle soit un des acteurs principaux ne joue pas son rôle de médiateur. Les acteurs n’interagissent pas entres eux. Les habitants ne savent pas qu’un projet leur est destiné. L’architecte n’a que très peu d’informations, ses rapports avec la CBO sont très limités et il ne communique pas avec les autorités.

De plus, alors que le rôle d’une CBO est d’abord social, TPM décide de créer un projet de toilettes

mobiles, pour lequel la population n’est ni concertée, ni fidélisée. Ce projet semble faire passer ses intérêts propres avant ceux des Slum Dwellers pour qui le projet devrait être destiné. On peut donc ici se poser la question de la pertinence et de la légitimité de la démarche et du projet.

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3. Le  projet  de  Toilettes  communautaires  dans  le  bidonville  de  Nirmal  Nagar      

3.1 La situation géographique

3.1.1 Le bidonville de Nirmal Nagar

Le bidonville de Nirmal Nagar est situé dans le Ward H-East, à l’est de la Western Line, entre les stations Bandra et Khar Road. La station Bandra Terminus d’où partent des trains grandes lignes pour les régions du Gujarat et du Rajasthan est également toute proche. Le bidonville s’arrête à l’ouest au niveau de la contre-allée de la Western Express Highway (autouroute urbaine ouest). Le bidonville est traversé par la Pipeline Road qui, comme son nom l’indique, est donc longé par la pipeline. Celle-ci sert au transport de l’eau de la ville et est le plus souvent à ciel ouvert, créant un paysage urbain assez particulier.

Au dire des habitants, le bidonville semble avoir vu le jour au début des années 1960. Il n’y avait que 10

à 20 maisons à cette époque. Aujourd’hui, bien qu’elles soient loin d’être idéales, les conditions de vie de la plupart des ménages de ce bidonville ne sont pas déplorables. Les constructions sont solides, les murs intérieurs et extérieurs peints, les sols souvent carrelés, etc. Les habitants font attention à leur apparence et les personnes interrogées avaient toutes un travail ou étaient scolarisées. Figure 14 Plan de Masse du quartier de Nirmal Nagar

Source : Google Earth et annotations personnelles.

3.1.2 Le bloc de sanitaires

Un site facilement accessible Il n’est pas aisé de décrire le quartier et l’emplacement du bloc de toilettes puisque, au sein du

bidonville, seules trois rues sont nommées. Lors de ma première visite avec Priyanka, malgré les indications de Jadhav Dayanand, il nous a été difficile de trouver le bloc de toilettes. Nous avons du demander notre chemin plusieurs fois. Nous nous sommes arrêtées devant plusieurs autres blocs avant de trouver le bon.

Le terrain est localisé entre la Pipeline road à l’ouest et la contre-allée de l’autoroute urbaine à l’est. Le

poste de police et le terrain de cricket sont adjacents, et situés au sud. La route sur laquelle est implanté le bloc de toilettes n’a pas de nom. Pour faciliter le repérage nous l’appellerons ici « Route T ».

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Au nord-ouest de la Route T, les rues sont très étroites et les constructions sont basses (un à deux niveaux). Les maisons sont le plus souvent construites sommairement en parpaings ou en briques et sont recouvertes de tôle. Pendant la mousson, des bâches sont ajoutées pour que les constructions soient protégées des fortes pluies. Au sud-est, les constructions sont en béton et sont beaucoup plus hautes. Elles remplacent petit à petit les autres constructions. On peut voir dans plusieurs endroits du bidonville des panneaux publicitaires qui affichent des complexes résidentiels plus ou moins luxueux. Tôt ou tard, ceux-ci finiront certainement par prendre place dans le bidonville. On accède au site principalement par deux routes : la Jay Prakash Road à l’ouest (depuis les gares de Bandra Terminus et Khar Road) ou la Western Express Highway à l’est. Figure 15 Accès et principaux blocs de sanitaires à Nirmal Nagar

Source : Google Earth et annotations personnelles.

Une grande parcelle éclatée

Le bloc de toilettes à construire doit prendre la place d’un autre, plus ancien, réalisé par la MHADA. Le terrain, de forme trapézoïdale est assez allongé. Sa surface semble proche de 600m²64, ce qui est très grand pour un bloc de sanitaires. Devant l’entrée des bâtiments sont situés les poubelles et de nombreux détritus jonchent le sol. Des égouts à ciel ouvert sont également présents et, pour accéder aux sanitaires femmes, il faut les enjamber ou marcher sur une plaque de béton qui n’inspire pas vraiment confiance. De nombreux chiens errants occupent l’entrée des sanitaires femmes. A l’arrière du bâtiment est situé le terrain de criquet. Le sol de ce dernier est un peu plus haut et certains enfants arrivent à monter sur le toit des sanitaires pour jouer.

                                                                                                               64 Nous n’avons jamais eu de plan de la parcelle. Selon Google Earth, le site mesure approximativement 38 mètres. Le petit côté du trapèze mesure 13 mètres alors que le grand en mesure 18 mètres. Considérant ces mesures, la surface de la parcelle est alors de 589m².

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Organisation interne et fonctionnement des blocs

Actuellement les sanitaires sont répartis dans plusieurs bâtiments, tous alignés et quelques mètres en retrait de la route. Il n’y a pas réellement de cohérence dans leur ordonnancement puisque les sanitaires réservés aux hommes sont de part et d’autres de ceux réservés aux femmes et sont accessibles par des entrées différentes. Les constructions sont réalisées en béton. Chaque sanitaire est naturellement ventilé par une ouverture située en partie haute et des cheminées pour l’extraction des gaz sont positionnées en retrait de chaque unité. L’extérieur d’un des bâtiments a été repeint récemment, mais l’intérieur est toujours sale et défraichi. Il y a actuellement 66 emplacements, dont 44 pour hommes et 22 pour les femmes. Des urinoirs extérieurs existent également et sont localisés devant l’entrée d’un des bâtiments pour les hommes. Figure 16 L’actuel bloc de sanitaires de Nirmal Nagar.

En haut à gauche : Les poubelles en premier plan et le bloc de sanitaires femmes en arrière plan

En haut à droite : L’accès aux sanitaires hommes En bas à gauche : Le bloc depuis le terrain de cricket

En bas à droite : Intérieur des sanitaires femmes Source : photographies personnelles

3.2 Les acteurs

Les principaux acteurs qui sont en relation avec le projet sont la CBO Triratna Prerana Mandal, les habitants, l’Etat du Maharashtra, l’architecte et – espérons pour la phase suivante - les habitants. Comme dans chaque projet d’assainissement, s’ajoutent à eux des fonctionnaires de la ville, des ingénieurs, des entrepreneurs qui s’occupent des travaux de génie civil, les départements responsables de l’eau et des égouts qui supervisent la maintenance.

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L’Etat

Le détenteur du terrain est l’Etat du Maharashtra. On peut voir sur la façade du bâtiment le logo de la MHADA. Celle-ci est également responsable du nettoyage des déchets, humains et ménagers, et doit venir tous les jours sur le site pour s’en occuper. Lors de mon passage sur le site le 22 avril 2012, j’ai en effet pu voir le camion de ramassage des poubelles de la MHADA, arrêté devant le site. Les éboueurs ne se sont occupés que d’une partie des déchets contenus dans les grandes poubelles posées devant le bloc. Même s’ils ont effectivement collecté des déchets, le site paraissait presque aussi sale après leur passage.

Triratna Prerana Mandal

C’est le second projet l’assainissement extérieur au bidonville de Kothwady sur lequel Triratna Prerana Mandal souhaite s’investir. L’actuel bloc étant mal géré mais bien situé, la reconstruction et une proposition de meilleure gestion leur apparaît certainement comme un projet intéressant. L’architecte

Comme pour le projet de toilettes mobiles, Abhishek Ray a été contacté pour ce projet en juin 2011. Les

échanges entre la CBO et l’architecte son également informels et le projet doit être réalisé le plus rapidement possible. Les habitants Les habitants ne sont pas censés être inclus dans le projet (en tous cas pour le moment). J’ai cependant souhaité les rencontrer pour mener mes enquêtes d’une part, mais également pour mieux connaître leurs besoins, afin de les prendre en compte dans le projet d’architecture. Les visites sur le terrain

Je suis allée quatre fois sur le terrain, à plusieurs moments de la journée et avec des accompagnateurs différents. La diversité de ces visites m’aura permis de voir le site sous de nombreux aspects, à des jours et heures varié et en me positionnant de manière différente (étudiante, photographe, touriste, mais jamais architecte).

Ma première visite a eu lieu le 1er mai 2012. Je me suis rendue dans un premier temps au siège de

Triratna Prerana Mandal. En raison de la fête du travail, peu de membres de la CBO étaient présents ce jour et Jadhav Dayanand a décidé que ce serait Priyanka qui me conduirait sur le site. Ayant récemment rejoint la CBO, c’est la première fois qu’elle était chargée d’une telle mission. Celle-ci n’incluait cependant aucune aide pour communiquer avec les habitants. Par manque de temps de la part de mon accompagnatrice, cette première visite a été très rapide. Elle m’aura néanmoins permis de familiariser avec le bloc et ses environs ainsi que de trouver des repères pour revenir une prochaine fois. J’ai tenté de communiquer avec des habitants, mais en vain, Priyanka me rappelant à chacune de mes tentatives que personne ne parlait anglais ici puisque nous sommes dans un bidonville. (Cette information sera, heureusement, contredite ultérieurement). Je repars de cette visite un peu déçue et me demande comment je pourrai, sans traducteur, communiquer avec les habitants la prochaine fois.

Le samedi 12 mai 2012 après l’heure du déjeuner, je retourne sur le site avec Santosh Sonar. Ce dernier est chargé du secrétariat de l’agence d’architecture MDC et nous nous connaissons donc bien. Santosh parle hindi ainsi qu’un peu marâthîs et anglais. Il vit également dans un bidonville (dans le quartier d’Andheri) et connaît donc bien l’objet de mes recherches. Avant de se rendre sur le site, j’ai préparé des questionnaires que

Page 76: Améliorer les conditions sanitaires dans les bidonvilles de Mumbai

  76  

nous avons ensuite traduits en Hindi. Nous avons rencontré six personnes qui ont volontiers répondues aux questions.

Je suis retournée une troisième fois sur le site avec un ami, le mardi 22 mai 2012 vers 10h le matin. N’ayant pas de traducteur, je me sentais moins à mon aise, mais j’ai tout de même pu parler assez longtemps avec deux autres habitants. Durant cette visite, nous avons également comptabilisé le nombre de personnes qui se rendaient dans le bloc sur une période donnée.

Enfin, je suis retournée sur le site pour une quatrième et dernière visite le lundi 11 juin 2012 en début de

soirée. Cette visite a été notamment consacrée à l’exploration des alentours et à la répertoriassions des autres blocs de sanitaires et l’observation des pratiques.

Les entretiens

Les six premiers entretiens ont été réalisés lors de ma deuxième visite, le 12 mai 2012 avec Santosh Sonar, les deux derniers ont été réalisés lors de ma troisième visite et sans traducteur le 22 mai 2012.

Entretiens Raju G. Djitan G. Gita G. Vaishali Ganesh Akash L. Eugeni Manijsh Informations personnelles

Date d’arrivée Il est ici depuis

2000.

21.06.2011 Ses trois sœurs sont restées à

Varanasi.

Elle est ici depuis 15-20

ans.

Elle est ici depuis 40-45 ans.

Son père est arrivé ici il y a

45ans. Il est né ici. - -

Composition du ménage

Ils sont 6. (lui et sa femme, son

frère et sa femme et leurs 2

enfants.)

Ils sont 8, répartis dans deux maisons. Djitan est le neveu de

Gita Gupta.

Ils sont 5. (elle, son mari et leurs

trois filles)

Ils sont trois (lui, sa mère et sa

femme)

Ils sont 6 (lui, ses parents, ses

deux frères et sa grand-mère)

Elles sont deux (elle vit avec sa

fille)

-

Profession Vendeur dans une petite

échoppe (eau, tabac, paan,

etc.)

- Elle semble être femme au foyer

Ne travaille pas. Les trois filles

sont à la maison et/ou étudiantes.

Son mari est chauffeur.

- Etudiant Garde des

enfants Consultant

Religion Hindouiste Hindouiste Hindouiste Hindouiste Hindouiste Hindouiste Catholique -

Informations relatives aux pratiques

Horaires d’utilisation

Deux fois/jour Entre 9h-10h

et 20h30-23h30. Deux fois/jour. -

Deux fois/jour Entre 7h-9h : pas

d’attente. Entre 9h-11h :

attente entre 20 et 30 minutes. 8h-9h30 : rush hours Hommes

Deux fois/jour. File d’attente du matin : 30 à 40

personnes.

Deux fois/jour. - -

Sécurité Ils vont juste ici. Selon lui c’est sécurisé pour les femmes.

-

Réponse de Raju : « It’s

safe. At night they are taking one man with

them »

- -

Selon Akash, la grand-mère

(79ans) n’a pas de problème

pour s’y rendre seule.

- OK

Plaintes

Manque de lumière Egouts

C’est plus propre dans sa campagne. « In slum, we need sanitation and

water ».

- Nettoyage Egouts

Il n’y a de réparation qu’en

période électorale

- - NON

Payer pour un meilleur service ?

OUI Il est prêt à

payer 20Rps/Mois

OUI Il est prêt à

payer 300Rps/Mois

OUI Elle est prête à

payer 200Rps/Mois

OUI Elle est prête à

payer 20Rps/Mois

OUI Il est prêt à

payer 30Rps/Mois

OUI Il est prêt à

payer 100Rps/Mois

?

NON N’utilise

pas ce bloc et paye

20Rps/mois

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  77  

N’ayant que peu de temps pour effectuer mes enquêtes, j’ai préférer axer les questionnaires sur des informations qui pourraient être utilises à la conception du projet. Le sujet de l’enquête étant axé sur des pratiques très personnelles qui peuvent atteindre la dignité des habitants, j’ai pensé que je n’aurai pas suffisamment de temps pour connaître les habitants et être en mesure de leur poser des questions très intimes. Par ailleurs, mon traducteur étant un homme, il ne m’était pas possible de poser des questions aux femmes. Inversement, en tant que femme, poser ce genre de questions aux hommes aurait pu être mal vu.

Les entretiens avec les habitants ont été peu nombreux, mais laissent constater une cohérence dans les réponses. Pour ce qui est de la conception du projet d’architecture on pourrait presque dire qu’il ne fallait pas nécessairement mener d’enquêtes supplémentaires pour connaître les besoins des habitants. Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, ont les mêmes désirs et souhaitent que la qualité et l’entretien des sanitaires soient améliorés. L’observation des pratiques et le comptage (cf. annexes)

Nous sommes restés plus d’une heure assis devant le bloc et avons pu observer (sommairement) les pratiques et comptabiliser les utilisateurs du bloc sur une période déterminée. Assis devant l’entrée des femmes, il a été plus simple de les observer que les hommes. Nous avons cependant pu observer que :

- L’eau n’étant pas disponible dans le bloc, les utilisateurs sont contraints de s’équiper d’un seau ou d’un

bidon d’eau. Les habitants qui se rendent aux toilettes sont ainsi facilement repérables ; - Si les hommes se rendent généralement seuls au bloc, ce n’est pas toujours le cas pour les femmes.

Les adolescentes par exemple préfèrent y aller à plusieurs. Les enfants sont généralement également accompagnés et utilisent le plus souvent les sanitaires femmes ;

- Les enfants ont généralement peur des animaux qui errent dans le bloc et sont découragés d’y pénétrer ;

- Les personnes âgées ont du mal à accéder au bloc (accès instable et escaliers) ; - Les femmes n’utilisent que le bloc de gauche (celui qui a été repeint récemment par la MHADA). Malgré

le nombre de sièges à l’intérieur du bloc, les femmes doivent attendre, ce qui laisse penser que de nombreux sièges ne sont pas utilisables ;

- Les femmes laissent la porte entrouverte pour avoir plus de lumière.

3.3 La réponse proposée par Matrika Design Collaborative

3.3.1 Analyse du site Un emplacement accessible

L’emplacement est facilement accessible pour les services d’entretien et d’approvisionnement en eau puisque la route est large. Si besoin, le bloc peut également être accessible par le terrain de cricket.

Situé dans un espace dégagé et qui peut être largement éclairé, le bloc peut être accessible pour les femmes la nuit sans être particulièrement dangereux. Des habitants qui semblent volontaires

Les enquêtes ont révélées que les habitants se plaignent des égouts et de la maintenance des toilettes et qu’ils souhaitent améliorer leurs conditions sanitaires. Un seul homme paraissait satisfait, mais il n’utilisait pas le même bloc. Si l’on s’en tient aux entretiens, la très grande majorité des habitants semblent prêts à payer plus - voire beaucoup plus - pour avoir des sanitaires entretenus.

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  78  

Cette donnée m’a semblé particulièrement importante pour la conception du projet d’architecture. Si les habitants sont prêts à payer plus pour l’utilisation de sanitaires propres et en bon état, nous pensons pouvoir leur proposer un projet de meilleure qualité (en terme de construction, matériaux, organisation, etc.) mais dont le coût serait un peu plus élevé.

3.3.2 Réponse sociale Une privatisation de l’espace Comme l’ancien bloc, le nouveau est situé en retrait par rapport à la rue. Cependant, nous avons décidé de clôturer l’espace. Cela permet d’apporter au peu plus d’intimité aux utilisateurs et de contrôler l’accès, les chiens errants et les junkies n’étant pas acceptés. Des connexions avec la rue et des espaces de détente

Bien que plus intime, le bloc peut s’ouvrir sur le terrain de cricket et ainsi devenir un élément central dans l’organisation du quartier. Un lieu dédié à l’hygiène

Les poubelles sont mises à l’écart et implantées de l’autre côté de la rue (sur le petit côté), sur un terrain actuellement inoccupé. Un petit centre de santé ainsi qu’un magasin de produits d’hygiène sont créés et positionnés dans le bâtiment central. Ils sont, de cette manière, très visibles des utilisateurs. Distinction des bâtiments

Les espaces dédiés aux hommes, aux femmes, aux enfants, à la santé et à la vente, ainsi que la maison du gardien sont tous différenciés.

Le bâtiment réservé aux hommes est situé en entrant sur la gauche. Les urinoirs sont accessibles par le

même chemin, mais occupent l’arrière du bâtiment central. Les sanitaires enfants sont situés dans le bâtiment central mais sont accessibles par la droite. C’est ce même chemin que doivent emprunter les femmes pour se rendre dans leur bâtiment qui est lui, situé à droite du bâtiment central. Elles peuvent ainsi garder le contrôle sur les sanitaires réservés aux enfants.

Les espaces liés à la santé et à la vente de produits d’hygiène sont situés dans le bâtiment central. La

maison du gardien est située au premier étage de ce bâtiment. Cette position lui permet d’être un peu éloignée des sanitaires tout en pouvant en garder le contrôle. Les espaces dédiés à la technique sont situés sur la terrasse et sont donc également sous le contrôle du gardien. La moitié de la terrasse est inoccupée et des activités pourront peut être y voir le jour. Des accès pour les personnes à mobilité réduite

Trois sanitaires sont dédiés aux personnes dont la mobilité est réduite. On en trouve un dans le bâtiment hommes et deux dans le bâtiment femmes. J’ai considéré ici que les femmes enceintes préfèreraient probablement un sanitaire « à l’occidental ». Ces sanitaires sont situés juste à l’entrée du bloc et sont ainsi très facilement accessibles.

Page 79: Améliorer les conditions sanitaires dans les bidonvilles de Mumbai

  79  

3.3.3 Réponse technique  Une meilleure gestion de l’énergie Le bâtiment sera équipé d’une « double toiture ventilée » qui permettra de rafraichir l’intérieur du bâtiment. La toiture sera en tôle et des panneaux solaires (une fois de plus souhaités par TPM) seront positionnés dessus et ainsi directement orientés face au soleil. Ils seront répartis sur les différents bâtiments. Des connexions avec l’extérieur pour chaque sanitaire

Tous les sanitaires sont orientés sur l’extérieur et sont équipés d’une petite fenêtre pour la ventilation. En cas d’obturation, ils sont également tous accessible par l’extérieur et la détérioration ou la réparation d’un sanitaire sera sans conséquence pour le fonctionnement des autres.

Figure 17 Plan et élévation du bloc

Source : Pièces graphiques effectuées au sein de l’agence Matrika Design Collaborative

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  80  

3.4 Bilan Ancien projet MHADA Projet MDC Fonctionnement général Gardien Non Oui Système de paiement Paiement tous les mois ou trois mois

aux autorités. Pay&use et/ou carte mensuelle.

Maintenance Non assurée (Théoriquement par MHADA)

Assurée par la communauté.

Autre fonction du bloc Collecte des déchets Image d’un lieu sale

Lieu de santé Magasin de produits d’hygiène et

centre de santé. Image d’un lieu propre et sain.

Social Participation de la communauté Non Pas encore ?

Nous espérons que cela évolue dans une prochaine phase.

Prise en compte des besoins des habitants

Non Oui Projet d’architecture basé

notamment sur les entretiens. Nombre de sièges 66 64 Ratio Hommes - femmes 22s.femmes / 44s.hommes

+ quelques urinoirs 22s.femmes / 34s.hommes

+ 7 urinoirs Handicapés - 3 emplacements

(1 homme – 2 femmes) Enfants - 10 emplacements

(5 garçons – 5 filles) Prise en compte des besoins du gardien -

Réalisation d’un logement Celui-ci est situé à l’étage et il peut accueillir le gardien et sa famille.

Sécurité Sécurisé le jour mais pas la nuit L’espace est privatisé Un des rôles du gardien est de veiller à

la sécurité des usagers. Technique Prise en compte de l’environnement extérieur

Non Les blocs MHADA sont presque tous

les mêmes, indépendamment des sites sur lesquels ils sont implantés.

Oui Le bloc peut s’ouvrir et se refermer sur

la rue. Il est également connecté au terrain de cricket.

Approvisionnement en eau et électricité

Non assuré Assuré. (Base de 10 litres par habitants.)

Bilan Il faut refaire le bloc En attente

Comme pour le projet de toilettes mobiles, le processus de création du projet est critiquable. La CBO, ne joue pas son rôle de médiateur et, en l’attente d’autorisations des autorités, elle ne communique ni avec l’architecte, ni avec les habitants. Cependant, contrairement au projet de toilettes mobiles, il semblerait qu’une approche plus participative soit possible dans les phases suivantes. Le projet devra être présenté et validé par les habitants qui seront ensuite responsables de sa gestion. On peut imaginer que, vu la notoriété de la CBO à Kothwady, le projet devrait plus facilement être accepté par les habitants que si c’était par une entité inconnue, une ONG aux résultats mitigés ou encore des autorités dont la réputation n’est plus à faire.

Par ailleurs, si les besoins des enfants et des personnes à mobilité réduite sont pris en compte, une inégale répartition des sièges demeure (22 femmes – 34 hommes), mais celle-ci est réduite et tend désormais à se rapprocher des ratios hommes/femmes habitants les slums. Il est difficile de faire évoluer rapidement les mœurs et de réduire complètement les inégalités aussi rapidement.

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  81  

4. Synthèse  des  projets  menés  par  la  CBO  Triratna  Prerana  Mandal  

Le tableau suivant rassemble les projets d’assainissement entrepris par la CBO Triratna Prerana Mandal et tente d’en faire un bilan. Celui-ci est divisé en deux parties distinctes : la réponse apportée au habitants et les caractéristiques constitutives du bloc. Kothwady Air India Road Nirmal Nagar Le terrain Propriétaire du terrain Etat Municipalité Etat

Emplacement du bloc

A proximité Le bloc est situé au sein du bidonville. Il est très visible et facilement accessible.

Trop loin Le bloc n’est pas situé dans la zone de bidonville. Il faut marcher longtemps pour y accéder et traverser une route très passante.

A proximité Le bloc est situé au sein du bidonville sur l’une des rues principales. Il est visible, accessible et connecté à un autre lieu à usage collectif : le terrain de cricket.

Les habitants Prise en considération des besoins des habitants

Oui Le principal objet de cette CBO était la construction et la gestion de ce bloc de sanitaires. Leurs besoins sont donc logiquement pris en compte.

Non Les habitants ne sont pas encore informés du projet et n’ont pas été consultés

Oui Les habitants ne sont pas encore informés du projet, mais les quelques interviews ont clairement révélé certains de leurs besoins qui sont pris en considération dans le projet d’architecture.

Participation des habitants

A priori oui Si l’on s’en tient aux dires de Dayanand Jadhav, les habitants ont été très participatifs pendant la réalisation du projet (non vérifiable cependant). Il semble en tout cas que les habitants utilisent le bloc et participent aux activités proposées par la CBO et que des femmes du bidonville y sont engagées.

Non Le projet étant par vocation mobile et ne disposant que de dix emplacements, nous considérons qu’il n’est pas possible de prendre en compte les besoins des habitants. De plus, il faut rappeler que ce travail n’est – en tous cas pour le moment - pas rémunéré.

Pour le moment non Le projet n’étant pas « officiel » pour le moment, il n’était pas possible de faire participer les habitants. Une fois les autorisations de construire obtenues, les habitants auront, je l’espère, leur place dans le projet. J’espère également que la réalisation des enquêtes convaincra la CBO de l’importance de la participation dans le montage du projet.

Système de paiement

Pay&Use

Pay&Use Le bloc n’étant pas au sein du bidonville et non réalisé par une CBO implantée localement, le système adopté ne peut être que celui du «pay&use». Les urinoirs sont gratuits et accessibles par une autre entrée.

Système à étudier Les habitants payent actuellement tous les mois (ou trois mois) aux autorités locales. Les interviews ont révélées que les habitants étaient prêts à payer des sommes beaucoup plus importantes pour avoir un service adapté. Un système de carte mensuelle semblerait une bonne solution.

 

 

 

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Kothwady Air India Road Nirmal Nagar Le bloc Réponse technique Adaptée Adaptée, mais compliquée

La réalisation technique du bloc est compliquée par rapport au nombre de sièges présents à l’intérieur du bloc.

Adaptée Bien qu’éclatée dans plusieurs bâtiments, la construction est simple et le raccordement aux services municipaux peut être aisé.

Réponse sociale Globalement adaptée Persistance des inégalités hommes - femmes.

Globalement non adaptée Amélioration des conditions de vie du gardien cependant.

ADAPTEE Inégalités hommes /femmes réduites. Prise en compte des besoins des enfants et des handicapés. Amélioration des conditions de vie du gardien.

Bilan POSITIF Outre le système de paiement et l’inégale

répartition des sanitaires entre hommes et femmes, le bloc est propre et largement utilisé par la communauté.

NEGATIF Le bloc est trop petit et ne réponds pas suffisamment aux besoins des habitants. Il est trop petit et n’apporte qu’une réponse temporaire au manque de sanitaires.

En attente Le fonctionnement interne du bloc et la volonté des

habitants d’améliorer leurs conditions de vie semblent

pouvoir contribuer à la réussite du projet s’il

devient plus participatif lorsque les autorisations de construire seront obtenues.

Le terrain

Alors que les (projets de) blocs de toilettes communautaires sont situés sur des terrains détenus par l’Etat, le projet de Toilettes Mobiles doit prendre place sur un terrain de la municipalité. Je n’ai pas su savoir si ce terrain a été choisi pour implanter des toilettes mobiles parce qu’il était détenu par la municipalité, ou bien si la CBO s’est dirigée vers celui-ci parce qu’elle souhaitait implanter des toilettes mobiles. Ceci peut également être le fruit du hasard. La participation Ces exemples montrent que seule la participation des communautés dans l’élaboration des projets semble pouvoir déterminer leur réussite. Les toilettes mobiles, même si elles présentent des caractéristiques techniques et architecturales intéressantes ne répondent au problème que de manière temporaire et de ce fait ne peuvent être appropriées par la communauté. Les blocs de toilettes « fixes », en revanche, selon le taux d’implication de la population et la prise en compte de ses besoins spécifiques, depuis l’élaboration du projet jusqu’à sa maintenance déterminent si le projet pourra fonctionner durablement. Le fonctionnement interne

Si l’architecture générale du bloc peut différer, ses caractéristiques organisationnelles sont

généralement globalement les mêmes pour tous les blocs (or toilettes mobiles qui ne présentent des toilettes que d’un côté du couloir). Outre les différences culturelles qui caractérisent chaque communauté et une certaine volonté de vouloir rester « entre soi », les besoins sont identiques et un même fonctionnement intérieur des toilettes communautaires peut globalement s’adapter à tous.

Page 83: Améliorer les conditions sanitaires dans les bidonvilles de Mumbai

  83  

CONCLUSION

     

Conclusion  de  la  recherche  

Nous avons vu que les programmes et les acteurs intervenant dans un projet d’assainissement pouvaient être très nombreux. A défaut de renforcer leurs compétences pour créer des projets de développement, leur imbrication semble plutôt apporter de la confusion et empêcher une évolution simple et efficace de la conception des projets. La difficile compréhension des programmes et de la hiérarchie entre les différents niveaux de décisions contribue très certainement à favoriser les intérêts de certains et la corruption, réduisant ainsi les chances de réussite desdits projets de développement. Chaque acteur, qu’il intervienne sur toute la durée du projet ou seulement ponctuellement, a sa part de responsabilité dans la réussite ou dans l’échec d’un projet d’assainissement. Les autorités – un manque d’intérêt ?

De façon générale, les autorités considèrent d’avantage l’échelle macro comme enjeu de développement et ce dans une temporalité assez large, le site d’intervention et les populations concernées étant ainsi relégués au second plan.

Les services techniques apparaissent souvent incapables de gérer les problèmes de développement urbains liés aux bidonvilles, alors que le phénomène du mal logement et de l’insuffisance d’infrastructures élémentaires est un problème majeur pour le développement des villes indiennes. De plus, on peut également se poser la question du manque de formation des agents municipaux. Peu de documentation existe sur les conditions urbaines et sociales dans lesquelles vivent les habitants des bidonvilles et, même en faisant preuve de bonne volonté, il semble difficile de travailler efficacement sur un terrain que l’on ne connaît pas. Les ONGs – « un substitut à la puissance publique », Catherine Forêt65

Alors qu’elles se substituent à la puissance publique, les échelles temporelles et physiques sont différentes, voire opposées pour les ONGs et les municipalités. Elles ont ainsi tendance à favoriser l’échelle micro et, dans la mesure du possible, préfèrent privilégier la qualité à la quantité de projets réalisés. Ces dernières doivent généralement travailler dans l’urgence. D’abord parce que les besoins des populations à qui s’adressent les projets sont imminents, mais également parce qu’elles interviennent dans un certain contexte politique et que celui-ci peut être amené à évoluer et ses priorités revues.

Souvent très spécialisées, les ONGs ont des connaissances assez approfondies des sujets sur lesquels elles interviennent. Malheureusement, disposant généralement de peu de temps et de peu de moyens, leur action n’a pas toujours l’impact espéré.                                                                                                                65 Catherine FORET « Gouverner les villes avec leurs habitants, de Caracas à Dakar : dix ans d’expérience pour favoriser le dialogue démocratique dans la cité ».

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  84  

Les CBOs – une tentative de représentation de la communauté

Les CBOs, en tant que représentantes des communautés locales, favorisent l’échelle micro. Elles sont crées lorsque les habitants prennent conscience de la possibilité de créer ensemble un projet qui leur permettra d’améliorer leurs conditions de vie. C’est généralement le taux d’implication des habitants qui détermine la réussite des projets. Les CBOs, étant des formations locales et n’ayant pas d’expérience, les projets qu’elles développent ne peuvent être réussis que si elles sont épaulées par d’autres acteurs compétents.

La notion de participation des habitants semble fondamentale dans la réalisation d’un projet d’assainissement à Mumbai aujourd’hui. Cependant, nous avons vu que les CBOs sont des représentantes de la communauté et non la communauté elle-même. Il apparaît donc ici nécessaire de réfléchir de manière plus générale à la place des citoyens dans la ville.

Ainsi, pour Catherine Forêt66 : « Forts de ces constats, ceux qui appellent aujourd’hui à de nouveaux modes de gestion des villes insistent sur la nécessité de dépasser le discours rituel sur la «participation des habitants » (qui a montré ses limites), pour travailler de manière beaucoup plus profonde à une démocratisation de l’État et des pouvoirs publics locaux. C’est sur la place des citoyens — de tous les citoyens — dans les systèmes de prise de décision qu’il faut réfléchir, et ce à tous les niveaux, du plus local au plus global. » Le cas de TPM – « Un substitut à l’ONG » ?

Au delà de sa mission avec la communauté de Kothwady, en souhaitant élargir ses compétences sur d’autres terrains, la CBO Triratna Prerana Mandal, transforme quelque part son action en celle d’une ONG. Ayant ce statut de CBO peut-elle réellement se permettre d’envisager la création d’un projet qui soit autant accepté et approprié par les habitants que sur son propre terrain ?

La place de la participation Le projet de Nirmal Nagar est actuellement en attente d’autorisation67 et nous ne pouvons, pour le

moment, pas savoir si la suite du projet se fera ou non en considérant les besoins spécifiques de la communauté. Nous ne pouvons qu’espérer que les habitants de Nirmal Nagar s’enthousiasment pour le projet et se fédèrent rapidement. Ils semblent volontaires et la CBO, malgré son manque de communication avant d’avoir les autorisations pour réaliser le projet, est néanmoins motivée et impliquée. Les procédures pour avoir ces autorisations semblent longues et incertaines. Aussi, avant de blâmer TPM qui ne souhaite pas faire participer la communauté, ne faut-il pas d’abord se demander si c’est réellement possible à ce stade du projet ? Pourquoi faire participer les habitants à un projet dont on n’est pas certain de sa réalisation ? Est-il tolérable de faire rêver les habitants d’un projet dont ils ont besoin et qu’ils n’auront peut-être pas? La remise en cause du caractère « local »

Nous devons ici également nous interroger sur les conditions d’évolution d’une CBO. Ayant réalisé ses objectifs de développement sur son terrain, mais ne souhaitant pas cesser ses activités, ne peut-elle pas, en tant qu’entreprise, chercher à son tour à améliorer les conditions de vie d’autres populations, et, par son travail et son investissement, en tirer des bénéfices ? Cela est certes contraire à son caractère « local » qui lui impose de travailler sur son terrain, mais, si le lieu d’intervention est différent, son action vise toujours au développement et ne devrait, en ce sens, pas être remise en question.

                                                                                                               66 Idem 67 Extrait de conversation avec Abhishek (Gtalk), le 28 aout : « I spoke to TPM - he said their application is stuck in the BMC »

Page 85: Améliorer les conditions sanitaires dans les bidonvilles de Mumbai

  85  

Les architectes et urbanistes – Une importance sous-estimée

Leur action est généralement très ponctuelle et s’opère à une échelle micro. Peu (ou pas) de temps leur est accordé pour mener une étude urbaine et sociale du terrain sur lequel ils doivent intervenir.

Il semblerait que la forme du site et ses caractéristiques sociales ne soient pratiquement jamais prises en compte. On doit pouvoir, au moins pour partie, attribuer cette particularité à une peur du changement de la part des autorités, mais également des habitants. Par ailleurs, il est également possible que de nombreux architectes ou urbanistes ne soient pas intéressés et ne se sentent pas concernés par les questions d’assainissement dans les bidonvilles et ne cherchent donc pas à créer un projet de qualité. En conséquence, très rares sont les projets d’assainissement vraiment innovants. L’essentiel d’entre eux se développent selon le même schéma. Le bâtiment ne fait généralement qu’un niveau, sa toiture est en tôle et les sanitaires se répartissent de part et d’autre d’un couloir. Les projets commandés par TPM ne se sont cependant pas basés sur la même approche. Nous étions totalement libres de proposer des solutions qui ne s’appuyaient pas sur le schéma classique présenté précédemment. Nous avons ainsi pu réfléchir aux besoins réels des habitants et proposer une organisation interne différente ainsi que des matériaux de construction jusqu’alors peu utilisés pour ce type de construction. Bilan : « Le pouvoir existe quand les hommes agissent ensemble ; il s’évanouit quand ils se dispersent. »68

Quelques soient les qualités des acteurs et des programmes dans lesquels ils s’inscrivent, une des clés semble être de rendre les projets les plus transparents et les plus participatifs possibles. Tous les acteurs devraient pouvoir se rencontrer et communiquer le plus possible entre eux. Outre le renforcement de la confiance des communautés envers les institutions (et réciproquement), la communication instaurée permettrait de réduire le temps nécessaire à l’élaboration et à la construction des projets. Les délais d’obtention des autorisations pourraient être réduits, les besoins des habitants mieux pris en compte, les aléas de construction liés à une mauvaise connaissance des terrains évités, etc.

A propos du dialogue entre les acteurs dans la conception d’un projet urbain, Catherine Forêt écrit : « Tout conduit à penser qu’un des enjeux majeurs de la gestion des villes est de construire un véritable partenariat entre les habitants des quartiers et les pouvoirs publics locaux, élus et professionnels de la ville.» [...] Or, à l’expérience, ce dialogue, ce partenariat sont difficiles à atteindre [...]. En Afrique comme partout ailleurs [...], le dialogue entre les pouvoirs publics et les citoyens s’apparente à un véritable dialogue interculturel. Pourtant, la décentralisation ne réussira que si chacun, élu, habitant, professionnel, apprend à parler, à penser, à travailler et à construire avec l’autre. [...] Un travail commun constructif entre ces trois acteurs du développement local suppose un relatif équilibre des forces et des savoirs, le respect de l’autre, la reconnaissance de ses capacités et de sa légitimité à agir. »

Cependant, s’il est facile de critiquer les projets et les méthodes employées par certains acteurs et la faible participation des communautés dans certains projets, le plus important reste de répondre au problème qui se situe à la base, à savoir la construction des blocs de sanitaires. Un projet qui n’atteint pas tous ces objectifs est meilleur qu’un projet qui n’existe pas. Chaque nouvelle tentative de construction de bloc permet de résoudre l’accès à des sanitaires à une fraction de la population. Que le projet soit une totale réussite ou non, ses qualités ou ses imperfections peuvent servir de support à la construction d’autres blocs.  

                                                                                                               68 Paul Ricoeur, préface à l’ouvrage de Hannah Arendt, « The Human Condition », paru en 1958, traduit en français sous le titre « Condition de l’homme moderne », Editions Calmann-Lévy, Paris, 1961, réédition Pocket, 1983.

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  86  

Critique  du  terrain    

Travailler en collaboration avec un architecte et une CBO

Si l’idée de travailler au sein d’une agence d’architecture qui elle-même est engagée sur un projet d’assainissement avec une CBO semble pertinente parce qu’elle permet de voir les relations entre les acteurs, elle présente néanmoins ses limites. Chaque acteur à ses intérêts propres. Le rôle des acteurs engagés est de réaliser le projet pour lequel ils sont mandatés alors que le rôle du chercheur est d’analyser ce processus.

Les intérêts sont une fois de plus variés et la position du chercheur, par ailleurs engagé dans le

processus de conception du projet, peut être délicate. Que doit-il faire quand il en remarque certaines failles? Où s’arrête son travail de chercheur et ou commence celui d’architecte ? Doit-il s’imposer lui-même des limites ? Son rôle au sein de l’agence d’architecture n’est-il pas uniquement de réfléchir à la conception du projet du mieux qu’il peut, sans le remettre en cause? Si, avec Abhishek Ray, nous partagions l’essentiel de nos points de vue concernant les méthodes d’élaboration des projets de TPM, il n’en demeure pas loin lié « contractuellement » avec TPM et ne doit pas intervenir contre les intérêts de son client. De plus, si mon travail de recherche était intéressant pour Abhishek et la réflexion qui accompagne le projet, il ne permettait de le faire avancer concrètement et rapidement. Et après ?

Les projets n’étant pas encore construits et la question de la légitimité de l’engagement d’une CBO sur un projet sanitaire sur un autre terrain que le sien n’ayant pas encore trouvé de réponse, les travaux de recherche et d’architecture restent encore inachevés. Si les autorités accordent leurs autorisations de construire le projet et que la CBO Triratna Prerana Mandal souhaite faire participer la population dans la conception et la maintenance du projet, il sera alors intéressant de retourner sur le terrain pour poursuivre la recherche.

Mais, on peut également s’interroger sur la démarche à adopter pour l’élaboration de projets futurs. Alors que le manque de sanitaires se fait ressentir dans toute la ville (échelle globale), les projets les plus réussis semblent provenir des communautés (échelle locale). Or les actions des CBOs sont ponctuelles et n’approvisionnent en sanitaires qu’une fraction infime de la population, l’énergie déployée pour faire aboutir ces projets étant par contre très importante.

Peut-on vraiment imaginer que l’approvisionnement en sanitaires pour toute la population des

bidonvilles se fasse au cas par cas, au moyen de procédures longues et incertaines ? Nous avons vu que les pratiques propres à chaque communauté semblaient relativement similaires et que les caractéristiques architecturales et fonctionnelles d’un bloc pouvaient être les mêmes d’un site à l’autre. Chaque terrain est différent, mais il apparaît intéressant de s’interroger sur les méthodes qui permettraient de créer un projet qui serait développé sur une base modulable, celle-ci pouvant ensuite s’adapter au terrain et à la communauté. Après avoir été implanté sur quelques terrains, ce « prototype » de bloc serait ainsi connu des autorités. Elles pourraient peut-être ainsi – comme dans le cas des toilettes mobiles – accorder les autorisations de construire plus facilement et plus rapidement.

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ANNEXES/    Les  recherches  au  quotidien    

 

1. Les  acteurs  de  l’assainissement    Le tableau suivant tente de synthétiser, depuis l’échelle internationale jusqu’à l’échelle locale, les

différents acteurs qui peuvent participer à un projet d’assainissement à Mumbai. (La liste n’est cependant pas exhaustive et d’autres acteurs peuvent participer)    Figure 18 Tableau des principaux acteurs de l’assainissement (pages suivantes)

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2. Les  entretiens    

2.1 La CBO Triratna Prerana Mandal  

2.1.1 Entretiens effectué avec Jadhav Dayanand, membre de la CBO Triratna Prerana Mandal, Le 03 avril 2012 (15h30 – 17h30)

TRIRATNA PRERANA MANDAL CBO ≠ ONG – Rôle de « caretaker » uniquement. 12 personnes sont membres de l’organisation. Ils sont tous des « job folders » (travail sur des dossiers) « This work : only hobbies » Rôle de l’association :

- Cours - Sanitation - Compost (Flower and green veg)

LE BIDONVILLE Nom du slum : KHOTWADY Habitants viennent de toute l’Inde, mais surtout du Maharastra 3.500 familles qui vivent dans le Slum =7.000 habitants Commentaires : Deux habitants seulement par famille ?! Hypothèse : Beaucoup de familles nombreuses et des hommes seuls venus chercher du travail? Au sein du bidonville, il existe d’autres blocs de sanitaires, mais ceux-ci sont en mauvais état. Le SRA est en charge de les reconstruire. Spécialité du slum : Cotton fabric (Même maison pour vivre et travailler) Localisation : 4 à 5 minutes à pieds des voies de chemin de fer. 1km de la mer. En plein dans le parcours des avions. Aéroport très proche (de l’autre côté de l’autoroute) LE BLOC DE SANITAIRES Le projet existe depuis 12 ans. Design = Mumbai Municipal Corporation. Caretaker = TPM (s’occupe du fonctionnement et de l’entretien) Financement = Banque Mondiale La Municipal Corporation a demande à TPM la réalisation d’un nouveau bloc de toilettes. Celui-ci était trop ancien (10ans – à confirmer) Création de SPARC – à confirmer. « no water, no light, no swiping ». Besoin de « remake » « We can say that this bloc is ill ; you know ill ?! » 25 sièges dont :

- 7 pour les femmes - 18 pour les hommes

Les enfants utilisent les toilettes des adultes (en fonction de leur sexe) « no need for children » Il y a également deux douches. (Accessibles par l’extérieur) Il y a un sanitaire pour handicapés dans le bloc homme, mais celui-ci est de même dimension que les autres. Il y a plus de sanitaires pour les hommes parce qu’il y a plus d’hommes qui travaillent dans le bidonville. Commentaire : Mauvaise raison – prétexte. Le bloc de sanitaire fonctionne à l’énergie solaire depuis novembre et est désormais complètement autonome. Il n’y a eu aucun problème depuis l’installation. Premier projet sanitaire à utiliser l’énergie solaire en Inde et ils en sont très fiers. Financement = Gouvernement du Maharastra.

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Commentaire : Attendre de voir comment l’installation réagie à la mousson avant de développer le concept pour d’autres projets. En cas de dysfonctionnement, l’organisation à t’elle les moyens de réparer ? Un article dans un journal « New gyn in Santacruz inaugurated by mayor » (Mayor = Shubah Raul) précise que le lieu était avant hanté par les toxicos. Indian Express 18 sept 2005 « Flushed with pride » Récupération des eaux en toiture. L’eau chaude est utilisée pour les bathroom Commentaire : Demander si bathroom = toilettes ou douche USAGES Aujourd’hui : 1.200 personnes utilisent ces toilettes. Tout le monde peut utiliser ces toilettes et les usages ne semblent utiliser que celle-ci. Commentaires : Les femmes se retiennent-elle la journée pour n’utiliser que ces toilettes parce qu’elles s’y sentent mieux ? Les horaires d’ouverture s’étendent de 5h30 le matin à minuit. Rush Hour = de 6h00 à 11h00. Temps maximum d’attente = 5mn pour les femmes (moins pour les hommes) A confirmer Free pour les urinals, 2Rps pour les toilettes Commentaires : Injustice ! Les femmes doivent payer pour uriner et déféquer, alors que les hommes uniquement pour déféquer. Coute donc au moins deux fois plus cher aux femmes. Nettoyage régulier, trois à quatre fois par jour. Toilettes propres d’apparence (un seul sanitaire femme n’était pas propre) Les cloisons entre toilettes ne sont pas toute hauteur. Les portes se ferment avec un loquet. Il y a une petite poubelle au dessus des toilettes. Il n’y a pas de demande supplémentaire de toilettes Commentaire : A vérifier. Les 5.800 non usagers aimeraient surement pouvoir profiter de toilettes propres et en état de fonctionnement. REFLEXIONS PERSONNELLES - QUESTIONS : - Comment font les 5.800 usagers qui ne vont pas dans ces toilettes pour déféquer ? Ressentent il une injustice ? Essayent-ils d’avoir des sanitaires comparables également ? Se mobilisent-ils ? - Ce projet a t’il eu des impacts dans les bidonvilles environnants ? - Le projet peut il servir de modèle ?

2.1.2 Questionnaire envoyé aux membres de TPM Le 30.04.2012 (Le message a été reçu, mais je n’ai jamais obtenu de réponse)

01. About the CBO Triratna Prerana Mandal - When has this CBO been created? How many people were involved in it at the beginning? Now? - What was the main goal? - How many people from the Slum are involved? Men? Women? From outside of Santa Cruz West slum? - Is there a specific reason to implant the CBO in Santa Cruz West? - What are all the interests of TPM? (Education, Sanitation, etc. ?) 02. Santa Cruz East SOCIAL - Was it helpful to have your office on the top of the toilet block to communicate with the slum dwellers? - Do the Slum dwellers have participated for the elaboration of the toilets block new project?

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- Before having that toilet block, where do the people of Santa Cruz West went to defecate? - Where there and other toilet block on the same place? Was it functional and clean enough? - Do you know the consequences of your project on the other toilets blocs of the district? Are there more users of the toilets bloc than you expect? - Is it only a pay and use toilets? Is there monthly card for using the toilets? How much does it cost? Is everyone entitled to the card? - Are the benefits high enough to maintain the toilets and give a sufficient income to the caretaker? TECHNICAL - How many litres of water do you need a day? - Where does the water come from? - How many Water tanks do you have? Where are they? - Is there a septic Tank? Is the toilet bloc connected to the municipal sewage? - How many solar panels are on the rooftop? Is it used for electricity, for water? Is it enough to be “independent” from the city network? 03. Mobile Toilets SOCIAL Is it going to be a pay and use toilets only? Or will it be possible to get a monthly card? What are the prices for using the toilets? For men, women, children, urinals? TECHNICAL - What are dimension of the plot you want to implant the mobile toilets block? 04. Nirmal Nagar Slum SOCIAL - Do you think that the concept of Santa Cruz West toilets block can be reproducible somewhere else? - Do you have any “connexion” with the Nermal Nagar slum dwellers? - Do you plan to work with the slum dwellers for the elaboration of the toilet block? If yes, how can they be involved? - Is the slum ‘labelled”, recognized by the city’ authorities? - Are the slum dwellers federated? Do they want to be involved for the toilets project and maintenance? - What is the detailed program? - How many seats do they need? - How many users? TECHNICAL - How many litres of water do they need a day/person? - Is it connected to the sewage? - Do we need septic tank? - Do we have to think about disabled and children and create something specific for them? - Do you want to add solar panels? - Do you want to have waterless urinals? - What is the budget? - When does the construction have to start? - How long will it take?  

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2.2 Abhishek Ray, architecte fondateur de l’agence Matrika Design Collaborative  Le 28 aout 2012 - Do you know why TPM wants to implant a new toilet bloc in Nirmal Nagar? Why Nirmal Nagar? How can they know that place? I am not aware of the reasons as to why they selected a place like this. It could be a random selection of one of the BMC toilets which the community already has and can go into modernisation and development. I believe they want to create proposals in and around their realm of influence which is mostly geographically controlled. Politically I cant answer as the socio political reasons varies considerably - Please confirm : they want to do a project ; Then they ask for an architect - and for authorization - and then show it to the community. ? They ask for a proposal primarily for proposal development and funding from development agencies. Typically a proposal is shown to the local politician in this case the corporator who has funds from the government to develop his constituency. Additionally the proposal is sent to the BMC for approval with respect to its location and viability. For funding they look at development agencies and NGOs to help them. I am not sure how much of community participation they do for every project. Being a community based SHG they tend have the approval of the community and the masses consider their actions justified and in their interest. - Do you receive a payment for the first step of the project? I charge them very low sums for development and drawings. This is mainly to make them realise that the process of engaging an architect interested in such development is a serious one. This offers a certain degree of formality and accountability to the project. The money used to pay an architect would be from the development fund of the SHG like Triratna and they are answerable for their accounts - The "contract" is only a mail? The contract is over paper..like a payment acknowledgement. This is the first time I charged them in the last seven years of knowing them and their work

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2.3 Daval Desai de l’ORF (Observer Research Foundation) Le 17.04.2012 (10h-12h)

94-95 : Le gouvernement décide de nettoyer les Slums de Mumbai. SRA : Slum Rehabilitation Authority. - Leur donner du pouvoir pour redévelopper les Slums. Reconstruction : Très mauvaises conditions. Possibilité de sauter du 7è étage chez son voisin. « You cannot give house for free to anybody » « People who are living in slum cannot afford anything else » Mauvais raccordement à l’eau dans les nouveaux logements: Avant : Un tuyau avec 2 sorties pour 1.000 familles Après : Accès à l’eau dans les appartements. Mais : problèmes de pression. Il y a beaucoup trop de monde dans les immeubles pour satisfaire les besoins de tous et la pression est par conséquent très réduite. Le service est bien moins bon que pour les immeubles de bureaux ou à usage commercial 90’ : Slum Sanitation Project 94-95 : World Bank Un seul projet a eu un impact positif - SHIAMAL SARKAR (Hydrolic Ingenior) : project leader from the World Bank Le projet de TPM existe grâce à ce projet. Rassemblement des Slum dwellers. Les CBOs sont en charge de la maintenance des blocs de toilettes. « 2rps is very affordable » - « No more opened défécation » Projet TPN – Santa Cruz Projet = Sanitation + Entretiens du Playground, leçons d’informatiques, programmes d’éducation pour les femmes Initialement : maintenance des toilettes. - Finalement : Projet à une échelle sociale bien plus importante. Toilettes sont devenues un point de rassemblement. « Scaled up to the benefic of that particular community Il y a des waterless urinals in Santa Cruz MOBILE TOILETS Projet de toilettes à l’arrière d’un camion dans les années 90’ : n’a pas très bien fonctionné. Trop peu. « it’s helpfull to an extent, but not a solution » Le problème existe à nouveau quand les toilettes mobiles quittent les lieux. Contacter Seema Redkar - Elle a travaillée pour TPM et est maintenant BCM Officer. SRA : Volonté d’éradication des slums. - Selon eux, le problème principal est les migrations. Idée de la municipalité = ne pas donner les services de base aux nouveaux migrants pour les dissuader de s’installer Réalité = ils s’installent quand même. Entre 1995 et 2000, le problème s’accentue beaucoup. Il y a de plus en plus de gens à reloger mais les services de base sont toujours inexistants. Date du 1er janvier 1995 repoussée au 1er janvier 2000. (pour gagner des votes notamment) « They have just planned building and asked people to stay there » Les services qui ne sont pas fournis par la municipalité sont accessibles à tous. Ils n’ont pas d’eau ni de toilettes, mais ont l’électricité et le téléphone. Les nouveaux bâtiments sont censés avoir l’eau et des toilettes. Les ressources en eaux sont toujours les mêmes, mais la concentration des individus a augmentés et les besoins sont par conséquent multipliés. Le système d’égout est toujours le même et est donc insuffisant. SSP : Slum Sanitation Project Il faut tenir compte de tout l’environnement urbain pour créer le projet. Rien ne peut fonctionner sans master plan. Il faut construire les services publics, mais également les maintenir. Particularité Bidonville Santa Cruz : Les terrains appartiennent à l’aéroport et non à l’Etat. Mais les responsables pour l’approvisionnement en services de base devraient être la municipalité. Les gens préfèrent investir dans une vraie construction plutôt que d’investir dans un bâtiment que l’on donne pour free. Aujourd’hui : Seulement 5% de la population de Mumbai peut s’offrir un logement qui est sur le marché. (Même en location)

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2.4 Monali Waghmare, employée l’ONG SPARC Le 02.05.2012 (11h-12h)

Figure 19 Procédure pour la construction d’un projet dans le cadre du programme MSDP

       

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2.5 Seema Redkar, employée de la BMC (Officer on Special Duty) Le 12.05.2012 (11h-12h)

PARCOURS : Depuis 1980 : Travaille sur des projets concernant les slum dwellers. 1997-2005 : Au sein de la BMC, elle est responsable des programmes sanitaires.

-­‐ Slum Upgradation Programme -­‐ Slum Sanitation Programme

SANTA CRUZ : Ce site a été choisi parce qu’il paraissait avoir un fort potentiel. Il y avait beaucoup de squats a Santa Cruz. Le Criket Club, situé sur un terrain adjacent avait vu le jour avant la création de la CBO pour le projet de toilettes. La réalisation du projet a durée 9mois seulement. C’est le seul projet qui a été réalisé dans les temps.

-­‐ Mobilisation de la communauté : 3 mois 500 Rps par famille – dépot à la banque

-­‐ Construction du bloc de toilettes : 6 mois. « If everything is good, good, it’s happen on time » World Bank Guide Line : La loge du caretaker doit avoir les dimensions suivantes = 8x10feet or 10x10 feet A Santa Cruz, la structure était donc illégale au début puisque l’espace qui sert actuellement de bureau devait être la loge du caretaker. Le projet ayant été appréciée il n’a pas été difficile d’obtenir une dérogation. Et l’espace supplémentaire est maintenant utilisé pour d’autres usages. « Not very difficult to get a permission » « multipropose room where there is a caretaker room » MOBILE TOILETS : « Mobile Toilets are not a solution for slum dwellers. » Seulement bien pour une période de transition, un évènement ou un rassemblement. « Political event or gathering event, otherwise it is not used » « It is often provided by the Municipal Corporation » Chaque bloc rassemble entre 6 et 8 sièges. Les nouveaux véhicules en ont entre 8 et 10. Il y a entre 30 et 35 blocs de toilettes mobiles à Mumbai. Détenteurs du sol peuvent être :

-­‐ Municipality -­‐ State Government -­‐ BPT -­‐ ?

   

 

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2.6 Kedarnath Rao Ghorpade, employé de la MMRDA Le 10.05.2012 (15h-18h)

MMRDA Mumbai Urban Development Project (MUDP) Informations disponibles sur le site de la Banque Mondiale. « The efforts has been made somewhere at the grassroots level (and governement – fin de phrase à confirmer) LISP : Land Infrastructre Servive Project Focus = Creating accessibility to land – Affordable housing 1982 : début du programme Division de la population et propositions en fonction des revenus. « The entire product was very progressive » SIP : Slum Improvment Programm Main problem + Lack of security of tenure SUP : Slum Upgradation Programm (1995-96) Pdf a charger sur le site de la World Bank Divided by three categories considering the land

- Type A : good - Type B : fair - Type C : bad

Not enough acces to land – two propositions -­‐ creating something new -­‐ upgrated gradually

Pilot study in 1982-85 : What is the existning number of the slums ? 160 slums « Today, slum has become an investisment » For improvment, upgradation : Providing infrastructure and sanitation. Catégorisation :

-­‐ Localisation -­‐ Materials -­‐ Affordability -­‐ Land for extension – redevelopment -­‐ Basic infrastructures

Infrastructure charges : 12-18 Rps / house for :

-­‐ Water -­‐ Solid waste -­‐ Sanitation

Lack of security → I don’t want to invest. Since the indépendance : many plans to improve the living conditions in the slums 1 – 2 and 5 years plan – Recherches Internet Réalité d’un projet : Souvent besoin d’un effet immédiat sur le sujet sans tenir compte du reste. Rajiv Gandhi Project : (1986-87)

-­‐ PMGP -­‐ BUTP

Mulund case study Priority = to create housing ; Meeting with the slum dwellers After : Sanitation strated to be integrated in the entire project. BWSSP : Bombay Water Supply Sewage Scheme P Done by the World Bank Slum along the pipeline also have to be improved Shift to the entire water supply has happened.

-­‐ 1 : Security of land -­‐ 2 : Sanitation -­‐ 3 : Institution (You don’t pay anymore Under the table)

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From 1982 to 2006, shift for every aspects. « It’s a massive change for me » Common toilets → Individualized toilets (ne sont pas juste apparus quand les habitations sont devenues verticales) Land / Finance / Political system To have the statistics : Ask BMC But you have to go to each person separatly Five stars toilets near Jal Hotel Those toilets are used by the taxi driver who are waiting for custormers in the airport. The users are not the same as in a slum. « How do we create that sense of ownership ? is the key » Abhishek Ray. Why existing toilets are not maintening ?

-­‐ People don’t want toilets block next to there house. (minimum 20% less than the price of the market) -­‐ Toilets has a resistance to demolish the other houses -­‐ Politically, it’s so important.

We also have to think about a more sustainable solution in terms of chimicals How can we transform the waste created by toilets ? Can we do something beyong that ? « Why pilot projects failed ? → It’s a localisation » Urban Sanitation Issue :

-­‐ High density -­‐ Increasing density -­‐ No ownership (Nobody wants to own it, it’s supposed to be the role of the municipality) -­‐ Lack of water supply -­‐ Day time effort -­‐ Location – Controversial sites

Discussion Maharatis Abhishek Ray - …. Slum of Kanti Nagar « If you mix money with community, it’s gonna failed » « Institution, Structure, Process : My entire philosophy project are this three worlds. »

 

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2.7 Les habitants de Nirmal Nagar  

2.7.1 Le questionnaire Figure 20 Les questionnaires pour les entretiens Anglais/Hindi

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2.7.2 Les habitants rencontrés lors de ma visite avec Santosh Sonar Le 12.05.2012 (14h30 – 16h30)

Il semblerait que ce soit l’heure de la sieste, les rues sont assez vides au premier abord. Nous finissons par

rencontrer des habitants du bidonville et Santosh tente une approche. Nous parlerons à 6 familles différentes. Deux familles refuseront de nous répondre. 1. Raja Gupta – 28 ans (homme) Adresse : Khar East Sukla Chalw. Nirmal Nagar. Khar East. Ils vivent ici a 6 personnes : son frère et sa belle sœur, sa femme, leur fils et leur fille. Ils habitent ici depuis 12 ans. Ils ont habités uniquement ici. Ils sont Hindous. Il utilise les toilettes – Toute sa famille utilise les toilettes, femmes et enfants compris. Ils n’utilisent que ce bloc. Ils y vont ensemble, deux fois par jour. Entre 9h et 10h le matin et entre 20h30 et 23h30 le soir. Ils préfèrent les toilettes “Indian Style” (“à la Turque”) Il y a de la queue le matin. Ils payent 10Rps/ mois pour la famille. Ils aimeraient plus de toilettes (ma question était : est il préférable d’avoir un grand bloc de toilettes avec plein de sièges ou plusieurs petits dans la même aire géographique). Plaintes : Il n’y a pas toujours de lumière. Egout et traitement des eaux problématique. Ils sont prêts à payer 50Rps/mois. 2. Jitandra Gupta – 18 ans (homme) (Contacts 2 et 3 = même famille) Adresse = “same – It’s all the same” Santosh. Room number 9. Il vit avec ses parents, oncles et tantes. Ils sont en tout 8 personnes. Ils vivent dans deux petites maisons de part et d’autres d’une étroite rue. Il est arrive il y a un an, le 21 juin 2011. Je ne lui ai pas demandé la raison de sa venue à Mumbai. Il parle très bien anglais. Peut être peut on imaginer qui l est venu ici pour ses études. C’est le premier endroit ou il habite à Mumbai. Il est Hindou. Ses parents sont arrives ici il y a 15-20 ans. Ses trois sœurs vivent toujours au village, vers Varanasi. Toute la famille utilise le bloc de toilettes. Plaintes : réseau d’égout et propreté. “It’s coming on the road also” “It was very good, very nice, very clean in the village”. Les conditions sanitaires de sa campagne semblent lui manquer. Il va aux toilettes deux fois par jour, le matin et le soir. Les autres membres de sa famille se relaient pour y aller. Les toilettes sont ouvertes 24h/24. Il n’y a pas de caretaker. Deux personnes de la municipalité sont charges du nettoyage. Estimation selon lui : 500 usagers pour 20 toilettes Il est prêt à payer 300Rps par mois pour avoir des toilettes plus propres et fonctionnelles. 3. Gita Gupta – 42 ans (femme) Gita est la tante de Jitandra (qui est toujours là), aussi, nous ne recommençons pas tout le questionnaire. “Same answer, answer is same” Santosh. J’insiste cependant pour savoir combien elle est prête à payer par mois pour avoir des meilleures conditions sanitaires et si elle se sent en sécurité pour aller aux toilettes.

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Elle est prête à payer 200Rps/mois. Elle peut aller seule aux toilettes, il n’y a pas de problème de sécurité. (Les hommes présents dissent que c’est “safe”) La nuit cependant, elles y vont avec un homme. “At night, they are taking one man with them” 4. Vaishali Chandrakhanth Parab – 50 ans (femme) Elle est arrivée dans le bidonville il y a 40-45ans. A cette époque il n’y avait que très peu d’habitations (10 ou 20 maisons). Chiffres à confirmer, mais on peut imaginer qu’elle a fait partie des premiers habitants du bidonville. Elle vit ici avec son mari et ses trois filles. Son mari est chauffeur (voiture) pour une compagnie privée. Ses filles sont étudiantes (college). Ils sont en tout cinq personnes. Ils sont hindous. Ils utilisent tous les toilettes et y vont deux fois par jour. Il n’y a pas de queue le matin entre 7 et 9H. Il faut attendre entre 20 et 30 minutes entre 9h et 11h. Les rush-hours sont entre 8h et 9h30 pour les hommes. Plaintes : égouts et entretien. Elle est d’accord pour payer 20Rps par mois pour avoir un meilleur service. 5. Ganesh Shirod Kar – 34 ans (homme) Il vit ici avec sa mère et sa femme. (Ils sont trois) Son père est arrive ici il y a 45ans. Ils vont aux toilettes deux fois par jour. Le matin, quand il y a la queue, il y a au mois 30 à 40 personnes qui attendant devant lui. Ils préfèrent tous les toilettes à l’Indienne (mais je n’obtiens cette réponse que des hommes – tous jeunes – et ils ne demandent pas leur avis aux femmes). “Political repair only for election time” Ils sont prêts à payer 30Rps/mois pour avoir un meilleur service. 6. Akash Lokare – 16 ans (homme) Room number 10 Adresse = “same – It’s all the same” Santosh. (Cf : ent. 2) Il vit ici avec ses parents, sa grand mère et ses deux frères. Ils sont six au total. Il est né à Nirmal Nagar. Il est Hindou – Maratis. Lui et tous les membres de sa famille utilisent le bloc de toilettes. Sa grand-mère, qui a 79 ans, utilise également les toilettes et elle s’y rend seule. Je montre ma surprise, mais ca leur semble tout a fait normal qu’elle n’ai aucune difficultés pour s’y rendre. Il est prêt à payer 100Rps pour avoir un meilleur service. “Now, some of the people who are using the toilets don’t pay because it’s not clean. If someone ask for money, they don’t pay anything.” 88% : payent les toilettes 12% : ne payent pas

(D’où viennent ces statistiques?)

Apres : discussion à l’agence et commentaires des réponses. Santosh considère également qu’il pourrait être intéressant de revenir poser ces mêmes questions mais avec une femme pour traduire. Selon lui, les femmes lui fermaient leur porte (je n’ai pas particulièrement remarqué, mais je veux bien le croire)

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2.7.3 Les habitants rencontrés lors de ma visite avec Nicolas Mithois (ami), Le 22.05.2012 (9h30 – 11h30)

Aujourd’hui, je suis venue seule avec un ami français. Je n’ai donc pas de traducteur hindi ou maratis. Mes

relations avec les habitants seront donc par conséquent limitées. Nous arrivons cependant à communiquer avec des habitants, puisque, contrairement a ce que l’on m’avait dit lors de ma première visite, beaucoup de gens parlent un peu anglais (certains parlent même très bien). N’ayant pas d’intermédiaire, je me sens moins à l’aise pour poser des questions vraiment personnelles. Vers 10h30, la municipalité vient collecter les déchets en camion. La poubelle semble vide, mais le site est toujours aussi sale après leur passage. 7. EUGENE VAZ (femme) 52 ans. Elle vit ici avec sa fille. Quand je la rencontre, elle est également avec des enfants qui étudient dans la pièce. Ils occupant deux étages (20m2 maximum cependant) Elle est catholique et m’informe qu’il y a 32 autres familles dans le quartier (ainsi qu’une église – et va jusqu’a se demander si je suis la pour ca). Elle m’indique que la municipalité vient une fois tous les deux - trois mois collecter de l’argent, mais que tout le monde ne souhaite pas payer à chaque fois. 8. MANJSH (homme) environ 30ans, très bien habille. Il est consultant en (?). Il paye 60Rps pour trois mois mais n’utilise pas le bloc de toilettes près du poste de police. Il ne se plaint pas de la qualité et de la propreté des toilettes qu’il utilise. Il ne souhaite pas payer plus pour avoir un meilleur service. Je suis très étonnée de cette réponse. C’est le premier qui ne se plaint pas des toilettes. Il semble pourtant porter une grande attention à son image (chemise et pantalon repassés – surement en direction de son bureau) Observations/Impressions sur le site:

-­‐ Route qui va au pipeline = marché de fruits et legumes, -­‐ Pipeline Nord et “propre” et beaucoup d’activite s’en degage, -­‐ Pipeline Sud est sale. Des vaches y ont prit place. Il est probable que certains viennent ici satisfaire leurs besoins.

Toilettes femmes : Caractéristiques du bloc et de ses alentours :

-­‐ Les femmes n’utilisent que le bloc de gauche, celui qui a ete repeint recement par la MHADA. -­‐ Les poubelles et les principaux déchêts sont situés à côte des toilettes femmes. Les toilettes hommes ont une

entrée relativement plus propre. -­‐ Quatre chiens sont prostrés sur le passage entre le caniveau et l’entrée des toilettes femmes. -­‐ Des rats se balladent pres des extracteurs de gaz -­‐ Il y a un robinet à l’extereiur du bloc, mais celui ci ne fonctionne pas -­‐ Les femmes laissent la porte ouverte pour avoir plus de lumière. -­‐ Malgre le nombre de toilettes à l’interieur du bloc, il y a de l’attente. -­‐ Des adolescents sont sur le toit du batiment (acces par le playground)

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Comptage Femmes (de 10h21 à 10h36 puis de 10h40 a 11h05) Nous sommes installés un peu à l’écart pour ne pas trop attirer l’attention et rendre les utilisateurs des toilettes plus mal à l’aise qu’ils ne le sont déjà. Aussi, les informations sur les pratiques sont moins précises. 49 femmes en 40 minutes (On peut estimer qu’il y a 75femmes / heure entre 10h15 et 11h15) Parmi elles, on peut noter la présence de :

-­‐ 2 femmes enceintes, -­‐ Une femme agée qui a beaucoup de mal à se deplacer, -­‐ Une femme handicapée (pieds malformés – ainsi que ses yeux), -­‐ Une femme qui vient avec sa fille d’environ 4 ans, -­‐ Deux adolescentes (environ 16 ans). Elles s’attentent et souhaitent visiblement vraiment venir toutes les deux, -­‐ Deux soeurs d’environs 7 et 13 ans -­‐ Deux soeurs d’environs 7 et 13 ans aussi, mais l’une ne semble etre la qu’en tant qu’accompagnatrice puisqu’elles

n’ont qu’un seul seau d’eau, -­‐ Une femme et son fils d’environ 6ans -­‐ Trois femmes + une fillette d’environ 8ans qui arrivent ensemble, mais cette derniere est “à la traine”. Nous

comprenons rapidement que c’est parce qu’elle a peur des chiens. Sa mere viendra l’aider. Elle repartira main dans la main en courant avec le petit garcon de 6 ans, arrivé peu avant elle.

-­‐ Une femme et sa jeune soeur (fille?) -­‐ Une fillette d’une dizaine d’annee, seule.

Comptage Hommes (de 10h45 a 11h05) : Pour effectuer ce comptage, nous étions assis devant les toilettes des femmes et il était par conséquent encore plus difficile d’avoir des informations détailles pour les hommes. 34 hommes en 20 minutes. (On peut estimer qu’il y a 100hommes / heure entre 10h15 et 11h15) Nous voyons peu d’enfants, la plupart des utilisateurs ayant certainement entre 15 et 60 ans. Note pour le projet d’architecture: Il apparait très important de faciliter l’accès aux site:

-­‐ Pour les personnes à mobilite reduite -­‐ En rendant le site inaccessible aux animaux errants

Afin de prévenir toute détérioration de la toiture, celle–ci doit être inaccessible depuis le terrain de cricket. Il faudrait enterrer les canalisations. Les égouts sont actuellement à ciel ouvert juste devant le bloc.

   

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3. Les  projets    

3.1 « Mobile Toilets », Air India Road. Figure 21 Plans, Façades et coupe transversale du projet de toilettes mobiles

Source : Travail personnel effectué au sein de l’agence Matrika Design Collaborative.

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Figue 22 Maquette du projet de Toilettes Mobiles

Source : Travail personnel effectué au sein de l’agence Matrika Design Collaborative.

Photographie personnelle.

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3.2 Toilettes Communautaires, Nirmal Nagar. Figure 23 Plans R+1 et RDC du projet de toilettes communautaires de NIrmal Nagar

 Source : Travail personnel effectué au sein de l’agence Matrika Design Collaborative.

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Figure 24 Façades et sections longitudinales - façades du bâtiment central

Source : Travail personnel effectué au sein de l’agence Matrika Design Collaborative.    

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Figure 25 Façades et sections des bâtiments hommes (2 images en haut) et femmes (3 images en bas)

 Source : Travail personnel effectué au sein de l’agence Matrika Design Collaborative.

   

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Figue 26 Maquette du projet de Toilettes Communautaires

Source : Travail personnel effectué au sein de l’agence Matrika Design Collaborative.

 

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4. Lectures  complémentaires    

4.1 “Toilet rage claims life in Mumbai” Mahima Sikand, The Times of India, le 30 jan. 2012. MUMBAI: An altercation over using a public toilet in Mahim snowballed into a fight between two neighbours that ended in the death of a 26-year-old man. The death has raised questions over the paucity of public toilets and the authorities' apathy towards the hardship citizens have to go suffer owing to the lack of amenities. Santosh Kargutkar (40), a resident of Devaji Govind Chawl at Mahim Causeway, has been arrested and sent to the police custody for the murder of Simon Lingeree, who stayed in the same chawl. Kargutkar, is also a resident of the same chawl and was acquainted with the victim. The incident took place around 7pm on Saturday when Lingeree went to a public toilet near his chawl. With Lingeree apparently taking too long, Kargutkar, who was in the queue, started banging on the doorand abused him, said the cops, adding that he began banging on the door and even abused him. When Lingeree finally came out, the two entered into an argument. "It started as an altercation but suddenly, Kargutkar hit Lingeree. Soon, it was a full-blown fisticuff," said senior police inspector Ramrao Desai. of the Mahim police station. Struck on the head, Lingeree lost consciousness, following which Kargutkar fled. Lingeree was taken to Bhabha Hospital where he was declared dead. His body has been sent for post-mortem. "Prima facie, it seems that the man died of internal injuries he sustained during the fight. Based on eye-witness' account, we identified the accused and tracked him down in a few hours," said Desai. "Kargutkar works part time at the BMC. He is also a delivery man with a courier company." The chawl residents' wrath over the lack of civic amenities, which they say led to the loss of a life, was palpable. "We have no sanitation facility. Sometimes, basic human needs take over all rationale. and that is what happened today. It's a tragedy that two lives were destroyed over such a petty matter. The authorities must take note of this," said a resident.

4.2 Rohinton MISTRY. L’Equilibre du Monde

p244-247. Extrait d’un passage sur la défécation en bordure de chemin de fer. Le voisin de Ishvar et Om, qui viennent d’arriver dans un bidonville, leur apprend les règles et méthodes pour déféquer au sein de leur nouveau lieu de vie, un bidonville de Bombay. « Quand les tailleurs émergèrent de chez eux avec leur brosse à dent et du savon, une longue queue s’était déjà formée devant le robinet. Un homme sortit de la cabane d’à côté, souriant et leur barrant le chemin. Torse nu, avec des cheveux qui lui tombaient sur les épaules. « Namaskar, les salua t’il. Vous ne pouvez pas y aller comme ça.

-­‐ Pourquoi pas ? -­‐ Si vous restez au robinet, à vous laver les dents, vous savonner, vous récurer, vous allez déclencher une belle

bagarre. Les gens veulent faire leur plein d’eau avant qu’il n’y en ait plus. -­‐ Mais comment faire, nous n’avons pas de baquet. -­‐ Pas de baquet ? Ce n’est qu’un léger obstacle. »

L’homme disparut dans sa hutte et en ressortit avec un sceau étamé. « Servez-vous de ça en attendant. -­‐ Et vous ? -­‐ J’en ai un autre. Un seul me suffit bien. » Ils rassembla ses cheveux en une queue, les tordit, les relâcha. « Bon,

de quoi d’autre avez-vous besoin ? Un petit bidon, ou quelque chose du même genre, pour les cabinets ? -­‐ Nous avons une loata, dit Ishvar. Mais où faut-il aller ? -­‐ Suivez-moi, ce n’est pas loin. »

Ils remplir leur seau d’eau, le déposèrent dans leur cabane, puis, portant la loata, se dirigèrent vers la voie de chemin de fer, au delà du champ, grimpant puis dévalant les monticules de plâtras, de ciment et de verre brisé. Un ruisseau à l’odeur méphitique, d’un jaune grisâtre, se faufilait au milieu des monticules, à se surface flottait une multitude de déchets variés. « Allons du côté droit dit l’homme. Le gauche est réservé aux femmes. » Ils ne suivirent, heureux d’avoir un guide, qui leur évitait de commettre une gaffe. Du côté gauche leur parvenait, outre la puanteur, des voies de femmes, de mères encourageant leurs enfants. Plus bas, des hommes étaient accroupis sur les rails ou au bord du fossé qui les longeait, près des broussailles épineuses et des orties, le dos tourné à la voie. Le fossé était un prolongement de l’égout dans lequel les locataires des baraquements jetaient leurs ordures.

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Dépassant les hommes accroupis, les trois compères trouvèrent un endroit convenable. « Les rails sont très commodes dit le voisin. Ils forment comme un quai, on y est surélevé par rapport au sol, si bien que la merde ne vous chatouille pas le derrière en s’accumulant.

-­‐ Vous connaissez tous les tours, c’est sûr, dit Om en abaissant son pantalon et en s’installant sur la voie. -­‐ Ca s’apprend très vite. » Il désigna les hommes accroupis dans les broussailles. « Là, ça peut être dangereux. Ca grouille de mille-pattes venimeux. J’aimerais pas leur offrir mes parties génitales. Sans compter que si vous perdez l’équilibre, vous vous retrouverez avec leur derrière plein d’épines. -­‐ Est-ce que vous parlez d’expérience ? demanda Om, chancelant de rire. -­‐ Oui – l’expérience des autres. Attention à votre loata. Si elle se renverse, vous reviendrez avec un cul tout poisseux. »

Ishvar souhaitait que le type se taise. Sa jovialité ne lui était d’aucune aide, d’autant que ses boyaux réagissaient mal aux toilettes communes. Des dizaines d’années s’étaient écoulées depuis l’époque où il allait faire ses besoins dehors, avec son père, dans la demi-clarté du matin. Quand les oiseaux s’en donnaient à cœur joie et que le village dormait. Et qu’après, ils se lavaient dans la rivière. Mais les années passées auprès d’Ashraf Chacha lui avaient appris les manières de la ville, lui avaient fait oublier celles du village. « S’accroupir sur la voie ne pose qu’un seul problème, dit leur voisin aux cheveux longs. Il faut se lever quand un train arrive, qu’on ait fini ou pas. Les chemins de fer n’ont aucun respect pour nos sundaas en plein air.

-­‐ Alors prévenez-nous ! dit Ishvar, allongeant le cou, regardant des deux côtés. -­‐ Détendez-vous ! Il n’y aura pas de train pendant au moins dix minutes. Et vous pouvez toujours sauter, si vous

entendez un grondement. -­‐ C’est un très bon conseil, à condition de ne pas être sourd, dit Ishvar d’une voix maussade. Au fait, comment vous

appelez-vous ? -­‐ Rajaram. -­‐ Nous avons beaucoup de chance de vous avoir pour gourou », dit Om.

Rajaram gloussa : « Oui, je suis votre Goo Guru. » Ishvar ne trouva pas ça drôle, mais Om se tordit de rire. « Dis-moi, ô grand Goo Guruji, si nous devons nous accroupir sur la voie tous les matins, nous recommandes-tu d’acheter un indicateur des chemins de fer ?

-­‐ Inutile, disciple obéissant. Dans quelques jours tes boyaux connaîtront les horaires mieux que le chef de gare. » Ils avaient fini, s’étaient lavés et avaient rajusté leur pantalon quand s’annonça le train suivant. Ishvar décida de venir, le lendemain matin, avant que Rajaram soit réveillé. Il refusait de s’accroupir à côté de ce philosophe de la défécation. Hommes et femmes abandonnèrent les rails et attendirent au bord du fossé la fin de l’interruption ; ceux qui se trouvaient dans les buissons ne bougèrent pas. Le train défila lentement devant eux. « Regardez-moi ces salauds, cria Rajaram en désignant un compartiment, qui ouvrent de grands yeux en voyant les gens chier, comme si eux-mêmes n’avaient pas de boyaux. Comme si un étron sortant d’un trou de cul était un numéro de cirque. » Il fit des gestes obscènes en direction des passagers, certains détournèrent la tête. A l’exception d’un observateur, qui cracha par la fenêtre de son compartiment, mais un vent favorable renvoya son cracha sur le train. « J’aimerais pouvoir me baisser, viser et leur tirer en pleine gueule, dit Rajaram. Et le leur faire manger, puisque ça les intéresse tant. » Ils retournèrent vers leurs baraques. « Cette sorte d’attitude me rend fou de rage, dit-il.

-­‐ Dayaram, un ami de mon grand-père, dit Om, a été forcé un jour de manger la merde d’un propriétaire, parce qu’il était arrivé en retard pour labourer. »

Rajaram versa les dernières gouttes d’eau de son bidon dans ses paumes de mains, et se lissa les cheveux. « Est ce que, après ça, ce Dayaram a été doté d’une sorte de pouvoir magique ?

-­‐ Non, pourquoi ? -­‐ J’ai entendu parler d’une caste de sorciers. Ils mangent de la merde humaine, ca leur donne un pouvoir occulte. -­‐ Vraiment ? Alors, on pourrait démarrer une affaire – ramasser tous ces pâtés sur les rails, les empaqueter et les

vendre à cette caste. Repas tout prêts, biscuits pour le thé, chauds et fumants. » Lui et Rajaram éclatèrent de rire, mais Ishvar s’éloigna, dégoûté, faisant semblant de n’avoir pas entendu. Om retourna remplir un seau d’eau. La queue s’était considérablement allongée. A quelques places devant lui, il vit une fille portant contre sa hanche un gros pot en laiton. Quand elle leva les bras pour le placer sur sa tête, Om fixa le renflement de son corsage. Elle passa devant lui, balançant joliment ses hanches sous l’effet du poids. De l’eau déborda, ruisselant sur son front. Des gouttes brillaient dans ses cheveux et sur ses cils. Comme la rosée du matin, songea Om. Qu’elle était belle. Le reste de la journée, il eu l’impression qu’il allait éclater de désir et de bonheur. Quand le robinet cessa de couler, le peuple de la colonie avait fini ses ablutions, laissant sur le sol des ruisselets d’écume et de mousse. Que, la journée passant, la terre et le soleil avalèrent goulument. L’odeur émanant des latrines, au bord de la voie de chemin de fer, dura plus longtemps. La brise capricieuse la poussa pendant des heures vers les baraques, avant de changer de direction. »

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p. 266-267 « Durant la quinzaine qui suivit, le seigneur du bidonville fit ériger dans le champ cinquante autres cahutes déglinguées, que Navalkar loua en un jour, doublant la population. A présent, l’odeur fétide du fossé d’écoulement planait en permanence sur les habitations, plus épaisse que la fumée. Rien ne distinguait plus la petite colonie de baraques de l’énorme bidonville de l’autre côté de la route ; l’enfer l’avait engloutie. La course au robinet prit des proportions d’émeute. Chaque matin, on se bousculait, on se poussait, des bagarres éclataient, on s’accusait de ne pas avoir respecté sont tour dans la queue, des pots d’eau étaient renversés, des mères criaient, des enfants pleuraient. »

4.3 Suketu MEHTA. Bombay Maximum City p. 42 – A propos des castes de nettoyeurs “ Chaque jour l’appartement est nettoyé et astiqué de fond en comble. Nous nous sommes familiarisés avec le système de castes et du petit personnel. La bonne à demeure ne fait pas les sols : cette tâche incombe à “l’indépendante”. Ni l’une ni l’autre ne touchent aux toilettes, domaine exclusif d’un bhangi69 qui n’a pas d’autres compétences. Le chauffeur ne lave pas la voiture, ce serait empiéter sur les fonctions du gardien de l’immeuble. p.86-87 – À propos sanitaires et des injustices hindous-musulmans dans les slums “ Une de mes interlocutrices entreprit de m’expliquer ce que lui coûtait ce moment qu’elle me consacrait. “Je suis là avec vous, mais mon cœur est chez moi. Est-ce qu’il y aura encore de l’eau? Combien de temps faudra-t-il attendre?”. Dans le slum, pour avoir de l’eau il faut faire la queue, avec un numéro. On passe par groupe de trente, et chacun à droit à deux seaux pour les besoins du foyer. La religion détermine combien de fois on peut se laver et dans quelle latrine faire ses besoins. “Dans les zones hindous, il y a un robinet par ruelle ; ici on n’en a qu’un pour huit ou dix rues. Là-bas, vous avez des toilettes partout. Chez nous, elles ont toutes été supprimées pour une durée d’un an.” Le slum ressemble à une décharge. Les égouts à ciel ouvert courent entre les maisons ; les enfants jouent dedans, tombent parfois par accident dans leur boue noire aux reflets bleuâtres. Quand les éboueurs municipaux viennent vidanger, ils dégagent cette vase à la pelle et la laissent en tas énormes près des lieux d’aisances. Je n’ai pas pu me résoudre à utiliser ces derniers. J’ai essayé, une fois : il y avait deux rangés de sièges, tous plein d’excréments qui passaient par-dessus bord pour s’étaler complaisamment autour des cuvettes. Cette vision et la puanteur don’t elle s’accompagnait m’ont empêcher de boire et de manger pendant des heures. Le désagrément n’est pas seulement d’ordre esthétique. La typhoïde qui sévit à l’état endémique dans le bidonville se transmet par voie féco-orale. Les flaques d’eau croupie, innombrables, favorisent la propagation du paludisme. Quantité d’enfants souffrent aussi de jaunisse. Les carcasses animales jetées sur les étals de bouchers grouillent de mouches – on croirait du poivre qui bouge. Et pourtant, à la longue on finit par s’habituer à l’odeur perstilentielle de ce quartier de misère” p. 142-143 Les sanitaires collectifs comme lieu du lien social “ – “Dans le chawl, on a toutes les commodités”, ajoute Amol. Les agences immobilières utilisent ce terme, “commodités”, pour vanter le confort d’un logement raccordé au tout-à-l’égout, accessible par un ascenseur, équipé d’une cuisine moderne… Les habitants du slum ont une autre définition de ce mot : “ Quand tu rentres du boulot, tu peux rester à discuter avec les gars dans la rue. Dans le chawl, tu n’as qu’à prévenir tes voisins que tu dois aller à l’hôpital et ils viennent tout de suite te voir.” Comment expliquer que dans ces quartiers les gens soient plus soudés, plus solidaires? “A cause des toilettes publiques, avance Sunil. Quand tu vas aux toilettes, tu ne peux pas faire autrement que de voir les autres. Tu leur dis, Tiens, salut, ça fait deux jours que je ne t’avais pas vu. Il y a l’eau aussi. Les femmes remplissent leurs seaux ensemble, au robinet, et ça tchatche : “Le grand-père est malade”, “J’ai encore un fils, au village. Il est alcoolo””. Dans les immeubles d’habitation, les toilettes sont privées et cela change tout. “Dans un appart, on va plutôt parler du broyeur que le type d’à côté vient d’installer dans sa chambre. Ou de l’autre voisin qui a carrelé ses chiottes en marbre. Dans les chawls, au point d’eau ça discute ferme à propos de la belle-mère qui s’est fâchée contre sa bru parce qu’elle avait préparé à manger pour six alors qu’ils ne sont que cinq à vivre dans la maison. Dans un appart, les discussions sont plus relevées.”

                                                                                                               69 Note dans le texte d’origine : Bhangi = personne appartenant à la catégorie la plus basse des intouchables, et chargée des tâches les plus déplaisantes.

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