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Mars / Avril 2017 27 Protection Sécurité Magazine SOMMAIRE w Changer de paradigme 28 a Pas de risque zéro 28 a Prendre les mesures adaptées 30 a Collaboration avec les pouvoirs publics 32 a Premier et deuxième chargeurs… 32 a Plus d’agents de sécurité. Armés ? 35 a Un coût important 36 a Et si le pire arrive ? Que faire ? 36 dossier Les entreprises face à la menace terroriste © DR Aucune entreprise n’est à l’abri d’une attaque terroriste. Mais si certaines, de par leur activité particulièrement sensible, collaborent déjà avec les pouvoirs publics pour se protéger, la grande majorité ne sait toujours pas quoi faire.

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Mars / Avril 2017 27 Protection Sécurité Magazine

SOMMAIRE w Changer de paradigme 28 a Pas de risque zéro 28 a Prendre les mesures adaptées 30 a Collaboration avec les pouvoirs publics 32 a Premier et deuxième chargeurs… 32 a Plus d’agents de sécurité. Armés ? 35 a Un coût important 36 a Et si le pire arrive ? Que faire ? 36

dossier

Les entreprises face à la menace terroriste

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Aucune entreprise n’est à l’abri d’une attaque terroriste. Mais si certaines, de par leur activité particulièrement sensible, collaborent déjà avec les pouvoirs publics pour se protéger, la grande majorité ne sait toujours pas quoi faire.

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28 Mars / Avril 2017 Protection Sécurité Magazine

Changer de paradigmeDans un premier temps, les entreprises, pour se protéger d’un éventuel acte terroriste, ont fortement investi dans les moyens humains et techniques. Si cela a permis de rassurer collaborateurs et publics, ces mesures sont-elles vraiment effi caces ? Pas sûr…

Depuis le drame de Saint-Quentin-Fallavier, de l'Hyper-

casher de la porte de Vincennes ou de l'imprimerie qui

servit de dernier refuge aux frères Kouachi, on sait que

les entreprises peuvent être la cible, directe ou colla-

térale, d'un acte terroriste. Toutes les entreprises ? Toutes. Or,

au-de là de mesures que nous qualifi eront de « classiques »

– renforcement de la présence d'agents de sécurité, déploie-

ments de solutions de contrôle des accès ou de surveillance –

c'est toute une stratégie de sécuritaire qui doit être mise en

place. Stratégie à l'égard des salariés et des visiteurs éventuels

des sites. C'est-à-dire faire en sorte que même si cela arrive chez

vous – et cela peut arriver chez vous – les conséquences pour le

Malgré la menace, beaucoup d’entreprises considèrent, à tort, qu’elles n’ont rien à faire. Que la protection est du ressort des pouvoirs publics et des forces de l’ordre.

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dossier

personnel et l'activité de l'entreprise elle-même soient les moins

graves possibles. Si les récents événements nous ont bien

appris une chose, c'est la vulnérabilité des entreprises face à ce

type d'attaque, et l'importance des premières minutes en cas

d'attaque terroriste ou criminelle.

Pas de risque zéroOn ne peut jamais être sûr de quoi que ce soit en matière de

sûreté-sécurité. Les directeurs sécurité-sûreté que nous inter-

viewons régulièrement dans PSM, nous le disent tous. Malgré la

mise en place de toutes les procédures idoines pour affronter

un incident ou une crise, ils sont toujours confrontés

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Mars / Avril 2017 29 Protection Sécurité Magazine

LA CERTIFICATION EST INDISPENSABLE !

LE POINT DE VUE DEPRÉFET OLIVIER DE MAZIÈRES Chargé de l'état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT)

«IL NE FAUT PAS HÉSITER À SIGNALER UN CAS PRÉOCCUPANT EN CAS DE DOUTE. »« EMOPT est une petite structure de 12 personnes dont la mission principale est d’assurer la tête de réseau du mécanisme de la détection précoce de la radicalisation dans les départements. Au niveau départemental, des cellules, placées sous le contrôle du préfet, et auxquelles est associée la justice, assurent le suivi des individus signalés. Les dangereux comme ceux dont les signaux sont encore faibles. Nous surveillons plus particulièrement les individus travaillant dans des secteurs sensibles comme les sites industriels, les OIV, les entreprises stratégiques

à l’instar de celles travaillant pour la défense, les entreprises à forte charge symbolique, les transports, les services publics comme l’enseignement, la gendarmerie, la police nationale ou l’armée… Notre rôle est aussi de sensibiliser le monde de l’entreprise pour leur faire connaître les procédures pour signaler un individu, leur expliquer qu’elles ne doivent pas hésiter à se rapprocher du préfet… Tout cela implique un changement de paradigme. Non seulement du côté du monde de l’entreprise qui doit nous aider à détecter un individu susceptible de devenir dangereux, mais aussi de la part des services de l'État pour développer de nouvelles habitudes d’échanges d’informations avec les entreprises, pour les informer, par exemple, des suites données à un signalement. Cela nécessite un long travail de sensibilisation pour expliquer le dispositif : comment repérer un individu ? Quels sont les signaux faibles ? Quel est le numéro vert pour signaler ? Expliquer ce qu’il advient des signalements… Lorsque nous intervenons dans les entreprises, nous essayons également de les aider à aborder le problème du traitement du fait religieux. Il faut que les entreprises comprennent qu’en cas de doute, elles ne doivent pas hésiter à signaler une personne qui sera l’objet d’une évaluation par le renseignement territorial. Le monde de l’entreprise doit comprendre qu’il n’est pas seul et qu’il ne doit pas hésiter à se tourner vers les services de sécurité en cas de doute. »

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RLES ENTREPRISES FACE À LA MENACE TERRORISTE

POUR VOUS AIDER. w UN NUMÉRO VERT0 800 005 696

w UN SITE INTERNETwww.stop-djihadisme.gouv.fr

w Il est diffi cile de défi nir clairement ce qu’est la radicalisation. Il s’agit d’un phénomène et d'un processus complexes. Certains signes – et leur combinaison – peuvent cependant indiquer un phénomène de radicalisation. Ces signes sont parfois liés à la personnalité de l’individu, aux relations qu’il entretient avec son entourage, sa communauté et la société dans laquelle il vit. Ils peuvent être classés en trois catégories : les ruptures, l’environnement personnel et les théories et discours.

w SIGNALER UN SALARIÉEn cas de doute quant à la radicalisation ou non d’un salarié, il vaut mieux se tourner vers les autorités. Plusieurs choix s’offrent à vous :- appeler le numéro vert dédié ;- remplir un formulaire de signalement disponible sur le site

du ministère de l’Intérieur (www.interieur.gouv.fr/Dispositif-de-lutte-contre-les-fi lieres-djihadistes/Assistance-aux-familles-et-prevention-de-la-radicalisation-violente/Votre-signalement) ;

- avertir la préfecture dont dépend votre entreprise ; - avertir vos éventuels contacts au sein des services

de renseignement, si votre activité vous a conduit à disposer de tels interlocuteurs dans votre carnet d’adresses.

w UN GUIDELe Snes et la CGPME proposent sur internet à destination des PME un petit guide sur les Mesures de prévention

des attaques terroristes : www.e-snes.org/i_zip/pme-attentats-snes-cgpme.pdf

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30 Mars / Avril 2017 Protection Sécurité Magazine

dossier

3 QUESTIONS ÀFRANÇOIS FREYNETAFL Conseil

Vous intervenez en tant

qu’expert externe

dans les entreprises pour

les aider à mettre en place les structures

et procédures pour limiter les risques.

Pensez-vous qu’elles sont prêtes à être

confrontées à un acte terroriste ?

On ne peut jamais prétendre être prêt à un acte terroriste. Mais on peut s’y préparer, c’est tout l’enjeu. Après la vague d’attentats de 2015, la demande des services publics aux services privés a été de déployer des dispositifs inspirés de ceux de l’État : fi ltrer les accès aux sites, défendre des points fi xes qui permettent de créer des sanctuaires à l’intérieur, être en capacité de fermer les sites. L’idée sous-jacente était d’éviter que l’événement suivant se produise en fermant l’espace. Cette approche a été relayée par les services de sécurité privée, souvent dirigés par d’anciens policiers, gendarmes ou militaires, et qui ont donc la même culture que les responsables de sécurité publique. Or, les entreprises fonctionnent en termes d’évaluation et de couverture de risques pouvant impacter leurs structures. Dans le privé, il est donc nécessaire de compléter l’approche publique (gravité/probabilité) en mesurant l’impact social, fi nancier ou d’image sur la structure afi n de permettre à l’entreprise de se protéger durablement, et à bon escient, contre ce risque ou de l’atténuer.

Quelle serait, selon vous, la bonne attitude

à adopter ?

Il faut partir de l’idée, certes diffi cile à intégrer, qu’on ne pourra pas empêcher qu’un acte survienne en l’état actuel de notre pays. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation paradoxale où on dit être en guerre sans la faire et où on demande aux entreprises de se protéger contre des attaques de guerre avec des moyens de paix. Ainsi, après les attentats de novembre, les entreprises ont, à la demande de l’État, renforcé leurs procédures de contrôle des accès, y compris dans les ERP, comme si l’ennemi était dehors, alors que chacun sait que l’attaquant potentiel est déjà dedans (le pays, le site ou l’entreprise). Elles ont créé des points fi xes à leurs entrées. Est-ce que cela empêchera le terroriste de tirer ? Non. Par ailleurs, quelles procédures ont été mises en place si les agents de sécurité trouvent une arme ? Que pourront-ils faire ? Dans quels délais ? On est ici plutôt dans la posture de sécurité.

Que conseillez-vous aux entreprises

pour se protéger ?

Il est indispensable qu’elles changent de paradigme pour tenir compte de deux ans d’attaques subies par notre pays. Et prendre pour base de travail ce que les Anglo-Saxons appellent le 5D (Deter, Detect, Deny, Delay and Defend) pour la protection périmétrique. Deter – la prévention – « mangent » 95 %

des moyens consacrés à la protection. Que reste-t-il ? Il faut comprendre que quoiqu’on fasse avec des moyens de prévention de temps de paix, un terroriste passera. Progressera. Il faut donc être en capacité de réagir beaucoup plus vite que par le passé. Et la réaction peut impliquer une prise de décision et de risques à laquelle il faut se préparer. Le principe le plus effi cace de prévention, dans un contexte d’espaces indéfendables, est de créer de l’imprévu et de la contrariété dans le mode opératoire, la stratégie des attaquants. Il faut mettre en place le maximum de contrôle aléatoires et une sécurité mobile, être imprévisible, pour limiter la planifi cation de l’attaque. Ensuite, il faut accepter l’hypothèse de l’attaque. Cela implique de se doter de moyens humains et techniques permettant de détecter le plus tôt possible l’attaque, d’être en capacité de diffuser l’alerte rapidement, et d’accélérer les réactions qui vont mettre fi n à l’attaque. C’est la logique du pompier. Le drame, est là. Que fait-on pour en limiter l’impact ? Il faut aussi éviter le confi nement dans les sites qui ne sont pas prévus pour ça et plutôt raisonner en termes de compartimentage et d’évacuation pour ralentir la progression des attaquants et permettre aux gens de fuir via des sorties sûres. Bref, passer d’une protection des espaces dans laquelle on épuise nos forces et nos fi nances à une protection des personnes, plus dynamique et réactive.

à une certaine forme d'imprévu. Reste alors à être capable d'en limiter au maximum les conséquences. Partant de là, comment se préparer à affronter un acte terroriste, version extrême et idéologisée des actes de malveillance ? Il faut que toute entreprise s'interroge sur sa capacité de résilience en situation de crise : est-elle assez préparée à l'éventualité d'actes de malveillance pouvant porter atteinte aux personnes (salariés, usagers, clients, fournisseurs, etc.) et/ou à ses biens ? Dans le cadre de cette réfl exion, le chef d'entreprise doit donc com-prendre que, même si l'obligation d'élaborer un plan de sûreté n'est pas généralisée et ne concerne que certaines entreprises ou activités, il doit, par contre, procéder à l'évaluation des risques et le risque de violence externe ne doit pas être oublié.

Prendre les mesures adaptéesPartant de ce constat et de l'évaluation de la criticité, il faut se demander si les moyens de protection et de sécurisation de l'entreprise sont adaptés ? À en lire certains experts interrogés dans ce dossier, il semblerait que cela n'est pas

Depuis les attentats, de nombreuses entreprises multiplient les points de contrôle et les fouilles. Est-ce efficace ?

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Mars / Avril 2017 31 Protection Sécurité Magazine

Avec l'analyse vidéo intelligente de Bosch, les caméras deviennent de plus en plus intelligentes !

Video Analytics : le cerveau de votre installationVideo Analytics est en quelque sorte le cerveau de votre sys-tème de sécurité. Il utilise les métadonnées pour ajouter du sens et de la structure à vos séquences vidéo. Vos caméras vidéo en réseau peuvent ainsi comprendre ce qu'elles captent et vous alerter immédiatement en cas de menaces potentielles. Chaque caméra devient intelligente. Vous pouvez récupérer instantané-ment une séquence précise à partir de plusieurs heures de vidéo stockées, analyser la scène en fournissant des statistiques (métadonnées) de toutes sortes et prendre les mesures appropriées plus rapi-dement, plus facilement et plus effi cacement.

PUBLI-RÉDACTIONNEL

Le + de l'Intelligent Video Analytics (IVA)Cette technologie se différencie des autres car elle distingue les vrais événements de sécurité et les fausses alertes, comme dans les environnements diffi ciles où la neige, le vent, la pluie, les refl ets de l'eau et la distance peuvent rendre l'interprétation des images plus diffi cile. Intelligent Video Analytics réduit ainsi le coût lié aux alarmes intempestives et permet aux utilisateurs de se concentrer sur ce qui est pertinent pour eux.

Certaines installations de vidéosurveillance intègrent un très grand nombre de caméras. Par ailleurs, ces caméras fournissent désormais des images de plus en plus précises, détaillées. Tout cela génère donc beaucoup de données. Pour fournir à l’opérateur des images utiles, Bosch a développé des solutions de vidéo-intelligente embarquées.

Tout est parti d’un constat simple : moins d'1 % des don-nées délivrées par les caméras de surveillance sont uti-lisées. Et 90 % de l'activité de l'écran est manquée après seulement 20 minutes. Il importe donc plus que jamais

de se focaliser sur la pertinence des informations. C’est pour répondre à ce besoin primordial, pour l’effi cacité de toute surveil-lance vidéo, que Bosch Security Systems a développé Video Analytics. Et, que contrairement à certains, le fabricant l’intègre en standard dans toutes ses caméras des séries IP 4 000 et IP 9 000.

2 types de technologiesPour être au plus près des besoins des PC sécurité, les caméras intelligentes Bosch proposent deux types de technologies Video Analytics :

w Essential Video Analytics

Cette version est parfaitement adaptée à une utilisation dans

les petites et moyennes entreprises, les grands magasins et

les immeubles commerciaux. Non seulement, elle respecte la réglementation en matière de santé et de sécurité, mais elle est aussi capable d’assurer une détection intrusion avancée, de dé-tecter des mouvements, un objet abandonné et même d’analyser des comportements.

w Intelligent Video Analytics

Pour les environnements plus exigeants, Intelligent Video Ana-lytics fait tout ce que fait sa petite sœur et bien plus. Elle est ainsi capable de fournir des niveaux de précision très élevés pour les applications les plus critiques comme la protection du périmètre des aéroports et des bâtiments gouvernementaux, le suivi des bateaux dans les ports ou les environnements côtiers, la gestion du trafi c dans des environnements diffi ciles… ou d’assurer le suivi des objets dans des conditions climatiques extrêmes.

FLEXIDOME IP starlight 6 000 : fournit des images nettes et détaillées 24h/24 et 7j/7 et dispose d’Essential Video Analytics. FLEXIDOME IP starlight 7 000 : dispose d’Intelligent Video Analytics et est idéale en cas de faible luminosité.

AVIOTEC IP starlight 8 000 : détecte et analyse en quelques secondes et à la source la fumée ou les flammes.

w Plus d’informations : www.boschsecurity.fr

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32 Mars / Avril 2017 Protection Sécurité Magazine

dossier

toujours le cas. Toujours est-il que l'employeur doit mettre en place les moyens concourant à la sûreté de son per-

sonnel. Obligation qu'ils assument pour leurs salariés envoyés

en mission à l'étranger ou expatriés.

« Nous sommes dans une période où le danger est notoire et identifié, explique Jean Lucat, fondateur et gérant d'Aconit. Mal-heureusement, malgré cette menace prégnante, beaucoup d'entreprises considèrent, à tort, qu'elles n'ont rien à faire. Que la protection est du ressort des pouvoirs publics et des forces de l'ordre. Or, en la matière, on ne doit pas tout attendre de l'État. Dès lors que le danger est connu ou notoire, l'employeur doit donc particulièrement veiller à prendre des mesures adaptées au plan organisationnel, humain et technique, en collaboration si besoin avec les services de l'État. Et, force est de le constater, que les entreprises sont très inégalement armées pour affronter cette menace. »

Collaboration avec les pouvoirs publicsOutre la protection des leurs collaborateurs, visiteurs et patri-

moine, les entreprises doivent aujourd'hui collaborer avec les

pouvoirs publics dans la lutte contre le terrorisme. Pas évident

car cela implique une collaboration entre le secteur public et le

privé qui n'est pas toujours dans les gênes du monde de l'entre-

prise français (hormis pour certains sites sensibles comme les

installations Seveso, les OIV et consorts. « Les entreprises ne doivent pas hésiter en cas de doute à saisir leur préfecture, in-

siste le préfet Olivier de Mazières, chargé de l'état-major opéra-

tionnel de prévention du terrorisme (EMOPT). Même si cela est nouveau pour elle, on doit changer de paradigme et se rappro-cher des autorités. Le signalement n'implique pas nécessaire-ment une inscription dans le FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste). De nombreux cas signalés sont même abandonnés, sans consé-quence pour la personne signalée. »

Premier et deuxième chargeurs…« Tout d'abord, il faut constater que la sécurité à un coût et que toutes les mesures que vont prendre les entreprises nécessite-ront des investissements importants, ajoute Jean Lucat. Reste à savoir donc si les entreprises seront prêtes à consentir de tels efforts financiers dans le temps, pour une assez

PAROLE D’EXPERTNICOLAS LE SAUX CPP, président d'ATAO, chercheur associé, faculté de droit, université de Nice

« AUCUN GROUPE N’EST À L’ABRI. »« Après les attentats de janvier 2015,

la majorité des entreprises se sont

focalisées sur la prise en compte

des recommandations du ministère

de l'Intérieur et ont attendu la diffusion

de consignes ou instructions particulières dans le cadre

d'une attaque terroriste. Celles-ci ont fini par arriver

sous la forme d'affichettes indiquant la démarche à suivre,

largement inspirée des modèles anglo-saxons (moins l'étape

« riposter », inadaptée au contexte juridique français). L'attentat

du 22 mars 2016 à l'aéroport de Bruxelles a été comme

un coup de tonnerre pour beaucoup de dirigeants des groupes

internationaux, en particulier outre-Atlantique, qui ont réalisé

qu'aucun pays n'était réellement à l'abri. L'attentat de Nice

du 14 juillet 2016 a cruellement rappelé l'importance, pour

les sociétés, de pouvoir localiser leur personnel à tout moment,

y compris pendant les week-ends. Ainsi, certains groupes

non seulement n'ont pas réussi à localiser leur personnel

présent à Nice avant le lundi 18 juillet, mais ne disposaient pas

non plus d'informations suffisamment précises pour confirmer

ou infirmer l'identité de victimes non identifiées. Le marché

de la sécurité voit aussi ses mutations s'accélérer. L'offre

de prévention ou de sécurité à forte valeur ajoutée est

en pleine croissance. Ainsi, les grands groupes internationaux

recourent quasi systématiquement à des sociétés fournissant

une veille permanente sur la situation sécuritaire des pays

dans lesquelles elles opèrent. Celle-ci est couplée à des alertes

via smartphone, une géolocalisation des personnels et

du conseil et un appui H24 sur la mise en sécurité et l'évacuation

des employés à risque. Le leader de ce secteur florissant,

une société américaine, a ainsi créé un réseau de centres

opérationnels H24 couvrant l'ensemble du globe et dont

le profil des équipes et les ressources n'ont rien à envier

aux meilleurs centres de crise étatiques occidentaux.

En revanche, si le secteur des sociétés de gardiennage a crû,

ses marges semblent s'effondrer, avec des taux horaires

au plus bas depuis des années, sans doute en raison

des volumes importants commandés par des clients toujours

plus exigeants quant au prix. »

CONCEPT

La résilience ? Kesako ?Le terme de résilience désigne à la fois la capacité à faire face à un traumatisme et la capacité à se reconstruire après lui. Elle a donc une double signification qui, adaptée au contexte du management de la sécurité, permet de proposer la définition de la résilience d’un système comme « l’aptitude intrinsèque à ajuster son fonctionnement avant,

pendant ou après la survenue de changements ou de perturbations et ce, afin qu’il puisse poursuivre son activité

dans des conditions attendues ou inattendues » (Hollnagel E., The Four Cornerstones of Resilience Engineering. Extrait de : Resilience Engineering Perspectives - Volume 2 : Preparation and Restoration de Christopher P. Nemeth, Erik Hollnagel et Sidney Dekker, Ashgate Publishing (2009).

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« Depuis Bruxelles, les groupes internationaux, en particulier outre-Atlantique, ont réalisé qu'aucun pays n'était réellement à l'abri du terrorisme. »

NICOLAS LE SAUX CPP, PRÉSIDENT D'ATAO

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34 Mars / Avril 2017 Protection Sécurité Magazine

dossier

PAROLE D’EXPERTJEAN LUCAT Fondateur et gérant d’Aconit

« RÉAGIR VITE ET ÊTRE CAPABLE DE NEUTRALISER LES ATTAQUANTS. »« Il est impossible de mettre en place des moyens techniques ou humains qui empêcheront une attaque terroriste. On peut juste envisager de ralentir le ou les assaillants. Ceci posé, comment faire pour limiter au maximum les conséquences d’une attaque ? Il faut se doter de moyens techniques qui permettent, en cas d’incident ou d’intrusion, de remonter le plus vite possible l’information exploitable par le responsable de site et qui pourra être transmise aux forces d’intervention. Cela permettra aussi éventuellement au personnel présent sur le site

de diriger les collaborateurs, les visiteurs vers des zones sûres pouvant leur donner la possibilité de fuir. Si l'on dispose d’un moyen d’alerte rapide et effi cace, il faut lui associer des hommes armés capables d’intervenir dans les minutes qui suivent l’attaque pour neutraliser ou retarder la progression des terroristes. Cela pose évidemment la question de la formation de ces agents de protection rapprochée. L’État doit se pencher très sérieusement sur la question et aider à l’élaboration d’une fi lière de recrutement et de formation – avec diplôme et habilitation à la clé – d’hommes ayant une connaissance du combat, des conditions d’engagement et formés à l’usage des armes. D’autant plus que les militaires déployés dans le cadre du plan Sentinelle sont surchargés de travail. Plan Sentinelle qui mobilise en plus des effectifs de l’armée qui pourraient sans doute être utilisés à autre chose. »

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longue durée ? Je n'en suis pas certain… Ceci posé, il est plus facile de tenter de se protéger pour certaines entre-prises que pour d'autres. Un centre commercial qui doit conti-nuer à recevoir le public aura plus de diffi cultés qu'une entre-prise industrielle, n'accueillant pas de public. Il faut surveiller évidemment les entrées et placer toutes les voies d'accès et de circulation sous surveillance de caméras. Placer devant les écrans des opérateurs qualifi és et compétents, dotés des bons outils, pour exploiter au mieux les images de plusieurs dizaines de caméras. Former les agents de sécurité à la détection des profi ls douteux et les payer suffi samment, au regard de la pres-tation de qualité qu'ils devront assurer. »

On ne pourra pas empêcher un homme déterminé, prêt à mourir

au nom de son idéologie, de sa religion ou de sa folie…, d'atta-

quer l'entreprise visée. « Il ne faut pas se leurrer. Toutes les me-sures de sécurité physique ou électronique n'empêchent pas une attaque, explique l'expert François Freynet d'AFL Conseil. Depuis le 14 novembre, toutes les entreprises ayant à sécuriser des es-paces publics recourent aux point fi xes à l'entrée de leur site pour le contrôle. Mais quelle est l'effi cacité réelle des fouilles ? Et même si cela est effi cace, imagine-t-on vraiment que cela empê-chera le terroriste d'ouvrir le feu ? Pour autant, tout le monde le fait dans un réfl exe de défense encouragé par l'État, même si ce n'est pas forcément adapté aux problématiques de l'entreprise… Il faut changer de modèle face au terrorisme. Et accepter le fait que les premières victimes seront inévitables. Mais, si on ne peut

Il ne faut pas se leurrer. Toutes les mesures de sécurité physique ou électronique n’empêchent pas une attaque.

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Mars / Avril 2017 35 Protection Sécurité Magazine

LES ENTREPRISES FACE À LA MENACE TERRORISTE

LES 10 MESURES DE PRÉVENTION POUR LES PME 1 Évaluer les risques et identifier les menaces

et leurs probabilités.2 Prendre en compte les questions de sécurité

le plus en amont possible (dès l'installation).3 Intégrer la sensibilisation à la sécurité à la culture

de votre entreprise.4 Assurer un bon entretien général des locaux.5 Réduire ou maîtriser les points d'accès.6 Installer des dispositifs appropriés de sécurité

et de prévention. Combinez éventuellement moyens humains, physiques et technologiques.

7 Analyser les procédures de traitement du courrier.

8 Vérifier les identités et les références lors des recrutements et du recours à la sous-traitance.

9 Prendre les précautions nécessaires en matière de sécurité informatique et protéger les informations.

10 Élaborer, planifier et tester vos plans de prévention, document unique et éventuellement de continuité des activités.

rien faire sur le premier chargeur. Sur le deuxième, on peut com-mencer à sauver des vies… Toute la question est donc de rac-courcir le temps de détection, de diffusion de l'alerte et d'actions pour être en capacité de réagir le plus vite possible. Il s'agit donc de développer une capacité de réaction rapide et efficace. »

Plus d'agents de sécurité. Armés ?Des renforts parfois importants d'agents de sécurité ont évi-

demment été déployés et ce, bien que certains responsables du

ministère de l'Intérieur indiquaient assez justement que les nou-

veaux agents demandés ne pouvaient pas apparaître ainsi ex nihilo. « La procédure d'agrémentation nécessite un temps mini-mum, particulièrement en période d'attentat où la question des

critères d'autorisation s'est posée face à la radicalisation possible

d'agents et de tentatives de pénétration, explique Nicolas Le

Saux, CPP, président d'Atao. Pour autant, malgré ces mises en

garde, on constate sur cette période un accroissement d'activité

peu compatible avec le processus de délivrance des cartes pro-

fessionnelles ou le respect du code du travail. Certaines entre-

prises ont équipé les agents de sécurité de gilets pare-balles,

avant de réaliser leur effet anxiogène sur le public. »

En revanche, peu d'entreprises ont mis en place des pro-

grammes de formation de type active shooter pourtant déjà très

répandus, non seulement aux États-Unis, mais aussi dans des pays européens comme la Grande-Bretagne. « La question de

l'armement des agents de sécurité s'est aussi posée.

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36 Mars / Avril 2017 Protection Sécurité Magazine

dossier

3 QUESTIONS ÀJEAN-PIERRE TRIPETPrésident du Snes

Qu’est-ce que la menace

terroriste a changé

dans l’approche sécuritaire

des entreprises ?

Tout et rien à la fois. Si le terrorisme suscite

de nouveaux besoins, les anciens

comportements perdurent. Certains

acheteurs et clients sont toujours

dans une politique d’achat du moins disant !

Ainsi, la plupart des entreprises

de surveillance humaine qui ont fourni

en urgence des effectifs supplémentaires

et temporaires aux entreprises, n’ont pas pu

les facturer plus cher que les prestations

courantes, alors que ce type de service l

eur coute effectivement plus cher

pour diverses raisons logistiques objectives.

On pouvait penser, visiblement à tort,

que la menace terroriste ferait en sorte

que la sécurité privée serait enfi n perçue

pour ce qu’elle est : un investissement.

Malheureusement, on cherche toujours

à en minorer le coût. Mais tout n’est pas

noir. La menace terroriste suscite,

chez les clients et dans le public, une forte

demande de protection. On passe donc

sans doute de manière encore peu

perceptible, de la sécurité à la protection.

C’est un changement de paradigme qui,

à moyen terme, aura de lourdes

conséquences structurelles et économiques

sur le secteur et qui va au-delà du fait

d’armer quelques agents de sécurité.

En quoi cette nouvelle demande aura

une infl uence sur vos métiers, votre offre

en matière de prestations ?

En ce qui concerne les prestations,

la donne aussi change et va encore

plus changer. Il devient indispensable

de s’engager sur des offres globales allant

du conseil et de l’audit à la protection

périmétrique physique. Certes, toutes

les entreprises de surveillance ne pourront

pas répondre à cette évolution, mais telle

est l’orientation stratégique du marché

et cela ne concerne pas, loin s’en faut,

que les grands groupes multinationaux.

Il n’y a pas que les big players qui sont

susceptibles de (re)prendre ainsi des parts

de marché. L’agilité, l’inventivité,

la souplesse des petites et moyennes

entreprises comme des ETI leur ouvrent

des perspectives fort intéressantes

pour des offres intermédiaires

ou alternatives intégrées. Par ailleurs,

en amont, l’autre changement radical

concerne les efforts que devra fournir

le secteur en matière de formation

professionnelle. Cet effort devra être

conséquent pour permettre de relever

le défi de la sécurité globale.

Et les clients ne payeront pas le juste prix

de cette (r)évolution s’ils ne constatent pas

une montée en gamme des compétences

des agents.

Des dispositifs d'agents de sécurité armés sont d'ail-leurs déjà en place au bénéfi ce de Charlie Hebdo ou d'un grand

parc d'attractions », ajoute le président d'Atao.

Un coût importantJean Lucat l'évoquait plus haut : la sécurité implique des investis-sements importants. « La question des coûts de mesures mises en

place va vite se poser », souligne le Snes. Les budgets sécuritaires vont augmenter. Ceux consacrés à la sécurité concernent principa-

lement la protection périmétrique (solutions techniques et agents

de sécurité) et la cyberprotection. Les portiques de détection d'ex-

plosifs, les gilets pare-balles, les drones de surveillance, les camé-

ras, les solutions de géolocalisation, les scanners…, tout cela

coûte. S'y ajoutent les prestations assurées par des agents de sé-

curité. Combien de temps les entreprises seront-elles prêtes à

consentir de tels efforts ? Et si la menace semble s'éloigner ? Il est

donc important de bien évaluer le rapport coût/bénéfi ce de ces

solutions et de réfl échir sereinement, en faisant ou non appel à

une expertise externe, à sa stratégie sécuritaire. Avant de se lan-

cer dans des investissements aux bénéfi ces parfois aléatoires.

Et si le pire arrive ? Que faire ?Malgré toutes les mesures possibles, l'attaque peut survenir. Que

faire alors ? La première option est de fuir. Mais cela ne s'impro-

vise pas. On doit donc prévoir des sorties de secours et en infor-

mer le personnel pour qu'il sache comment y aller, avec qui. Si

cela est possible… on doit aider les salariés à visualiser par antici-

pation le cheminement vers les issues de secours ou les zones

sécurisées car on a pu constater lors de précédentes attaques

que la sidération avait empêché certains de réagir comme prévu.

Si on ne peut pas fuir, reste à se cacher. Dans une pièce, un

meuble, sous un cadavre… Mais il faut aussi apprendre à le faire.

Dernier cas et non le moins dangereux, que faire quand on se

retrouve face au tueur ? Prendre son destin en mains et se dé-

fendre. Refuser d'être une proie… Enfi n, dernier conseil : former

ses collaborateurs aux gestes de premier secours. Moins de

deux millions de Français y sont formés (soit environ 3 % de la

population, contre 95 % en Norvège). Or, les premières minutes

sont cruciales pour les blessés…

Les entreprises sont très inégalement armées pour affronter la menace terroriste.

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Mars / Avril 2017 37 Protection Sécurité Magazine