informatiques l’enjeu de bâle ii pour le système d

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BANQUEmagazine supplément au n° 650 / septembre 2003 29 C omme l’a mis en évidence dans une récente étude réalisée par Ex- perian-Scorex, le problème prin- cipal posé par la mise en œuvre du nouvel accord de Bâle sur les fonds propres dans la banque de détail porte sur la manipulation des données. D’impor- tants chantiers de collecte, d’harmonisation, de stockage et d’exploitation de données pro- venant d’une multitude de systèmes de ges- tion ont ainsi été lancés pour permettre l’éva- luation des risques de crédit en utilisant l’ap- proche dite de « notation interne ». L’organisation des données Tout traitement repose sur… des don- nées. Et la qualité des données est une condi- tion de base, nécessaire pour obtenir des trai- tements efficaces et pertinents. Nous consi- dérons dans le schéma page 30 que le Datamart 1 contient l’ensemble des données entrant dans le périmètre « évaluation Bâle II - risque de crédit ». Il est certain que cela peut représenter un nombre et donc un volu- me de données tout à fait important, puis- qu’il faut prendre en compte : les données en entrée du système ; les données « intermédiaires », ou « agré- gats » ; les données « résultat », en sortie du sys- tème d’évaluation. Les données en entrée du système sont essentiellement des données élémentaires, provenant des systèmes opérationnels (date d’ouverture du compte, mouvements effec- tués sur ce compte, …). Les données « agré- gats » représentent des grandeurs qui sont nécessaires au système décisionnel pour évaluer une probabilité de défaut, mais qui Le problème principal posé par la mise en œuvre du nouvel accord de Bâle dans la banque de détail porte sur le volume et la qualité des données disponibles, sur leur hiérarchisation ainsi que leur utilisation au sein du système d’information. ne sont souvent pas stockées en tant que telles dans les systèmes opérationnels (un solde moyen sur six mois, ou un nombre de jours débiteurs consécutifs…). Les don- nées « résultat » sont typiquement la proba- bilité de défaut, le taux de perte escompté, le montant de l’exposition au défaut, etc. L’ensemble de ces données est réuni arbi- trairement, dans notre schéma, dans le « Da- tamart risque », mais cette collection de don- nées se trouve rarement réunie dans un mê- me espace physique, isolée comme telle. Selon l’organisation de la banque et de ses systèmes d’information, cette collection pourra être : soit stockée en un lieu unique, soit ré- partie sur différents systèmes d’information ; soit reconnue comme telle (les données liées au risque), soit fondue au sein d’un sys- tème plus vaste type entrepôt de données, soit même répartie entre un entrepôt de don- nées central et des Datamarts par fonction (risque, marketing,…), éventuellement avec des technologies différentes. L’organisation des données, si elle est structurante, répond davantage à l’organisa- tion globale de la banque et n’est pas en elle- même un facteur déterminant de la qualité du système d’évaluation (pour peu qu’elle soit tout de même cohérente). La qualité des données, une condition de base Un point majeur de l’impact de Bâle II sur le système d’information est sans doute la qualité et l’homogénéité des données. Il est notamment nécessaire de vérifier que chaque donnée est bien définie et représen- te exactement la même chose qu’elles L’enjeu de Bâle II pour le système d’information de la banque de détail O LIVIER R ÉMOND Coordinateur Bâle II B RUNO R ENHAS Responsable des SI Experian-Scorex CHANTIERS RÉGLEMENTAIRES « Un point majeur de l’impact de Bâle II sur le système d’information est sans doute la qualité et l’homogénéité des données. » 1 Datamart : Données spécialisées métiers ou à usage particulier. LES CHANTIERS INFORMATIQUES

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Page 1: INFORMATIQUES L’enjeu de Bâle II pour le système d

BANQUEmagazine supplément au n° 650 / septembre 2003 • 29

Comme l’a mis en évidence dansune récente étude réalisée par Ex-perian-Scorex, le problème prin-cipal posé par la mise en œuvre dunouvel accord de Bâle sur les

fonds propres dans la banque de détail portesur la manipulation des données. D’impor-tants chantiers de collecte, d’harmonisation,de stockage et d’exploitation de données pro-venant d’une multitude de systèmes de ges-tion ont ainsi été lancés pour permettre l’éva-luation des risques de crédit en utilisant l’ap-proche dite de « notation interne ».

L’organisation des données

Tout traitement repose sur… des don-nées. Et la qualité des données est une condi-tion de base, nécessaire pour obtenir des trai-tements efficaces et pertinents. Nous consi-dérons dans le schéma page 30 que leDatamart 1 contient l’ensemble des donnéesentrant dans le périmètre « évaluation Bâle II- risque de crédit ». Il est certain que celapeut représenter un nombre et donc un volu-me de données tout à fait important, puis-qu’il faut prendre en compte:• les données en entrée du système;• les données « intermédiaires », ou « agré-gats »;• les données « résultat », en sortie du sys-tème d’évaluation.

Les données en entrée du système sontessentiellement des données élémentaires,provenant des systèmes opérationnels (dated’ouverture du compte, mouvements effec-tués sur ce compte, …). Les données « agré-gats » représentent des grandeurs qui sontnécessaires au système décisionnel pourévaluer une probabilité de défaut, mais qui

Le problème principal posé par la mise en œuvre du nouvel accord de Bâle dans la

banque de détail porte sur le volume et la qualité des données disponibles, sur leur

hiérarchisation ainsi que leur utilisation au sein du système d’information.

ne sont souvent pas stockées en tant quetelles dans les systèmes opérationnels (unsolde moyen sur six mois, ou un nombre dejours débiteurs consécutifs…). Les don-nées « résultat » sont typiquement la proba-bilité de défaut, le taux de perte escompté,le montant de l’exposition au défaut, etc.

L’ensemble de ces données est réuni arbi-trairement, dans notre schéma, dans le « Da-tamart risque», mais cette collection de don-nées se trouve rarement réunie dans un mê-me espace physique, isolée comme telle.Selon l’organisation de la banque et de sessystèmes d’information, cette collectionpourra être:• soit stockée en un lieu unique, soit ré-partie sur différents systèmes d’information;• soit reconnue comme telle (les donnéesliées au risque), soit fondue au sein d’un sys-tème plus vaste type entrepôt de données,soit même répartie entre un entrepôt de don-nées central et des Datamarts par fonction(risque, marketing,…), éventuellement avecdes technologies différentes.

L’organisation des données, si elle eststructurante, répond davantage à l’organisa-tion globale de la banque et n’est pas en elle-même un facteur déterminant de la qualitédu système d’évaluation (pour peu qu’ellesoit tout de même cohérente).

La qualité des données, une condition de base

Un point majeur de l’impact de Bâle IIsur le système d’information est sans doutela qualité et l’homogénéité des données. Ilest notamment nécessaire de vérifier quechaque donnée est bien définie et représen-te exactement la même chose qu’elles

L’enjeu de Bâle II pour le systèmed’information de la banque de détail

OL I V I E R RÉ M O N D

Coordinateur Bâle II

BR U N O RE N H A S

Responsable des SI

Experian-Scorex

CHANTIERS RÉGLEMENTAIRES

« Un pointmajeur

de l’impact de Bâle II sur

le systèmed’information

est sans doute laqualité

et l’homogénéité des données. »

1 Datamart : Données spécialisées métiers ou à usage particulier.

LES

CHA

NTI

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INFORMATIQUES

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2 PD : Probability of default,LGD : Loss-given default, EAD : Exposure at default.

CHANTIERS RÉGLEMENTAIRES

cun des éléments de contrat (pistes d’audit),mais également effectuer des back-tests desmodèles statistiques utilisés. La profondeurd’historisation demandée par les accords deBâle est d’au moins cinq ans, et même septpour les dossiers en défaut. Ce dernier pointpeut avoir un impact non négligeable sur lescapacités de stockage des systèmes d’infor-mation.

Au-delà des exigences réglementaires vi-sant à renforcer la sécurité du système ban-caire, le comité de Bâle pousse les établisse-ments financiers à adopter les approches lesplus avancées en matière de gestion desrisques. Le paragraphe 406 du troisième do-cument soumis à consultation par le Comitéde Bâle sur le contrôle bancaire précise que« les notations internes et les estimations de dé-fauts et pertes doivent jouer un rôle essentieldans l’approbation du crédit, la gestion desrisques, l’allocation interne des fonds propreset la gouvernance d’entreprise des banquesayant recours à l’approche NI ».

Pour permettre la mise en œuvre des éva-luations risque de crédit Bâle II ainsi queleurs utilisations opérationnelles, les établis-sements vont devoir rapprocher et rendrecompatibles des fonctions qui sont au-jourd’hui séparées tant d’un point de vue dessystèmes d’information qu’organisationnel(schéma).

De l’évaluation du risque de crédit aux stratégies client

L’exploitation opérationnelle des évalua-tions risque réalisées dans le cadre de Bâle IIpasse par la constitution de véritables straté-gies clients visant à rendre intelligible par le ré-seau les évaluations risque (PD, LGD, EAD) 2

et le cas échéant, à adapter les modèles d’éva-luation à des utilisations opérationnelles

soient réparties entre différents systèmesou en provenance de plusieurs sources : vé-rification en termes de format physiquebien sûr (il sera difficile de traiter dans unmême système des soldes sur quinze posi-tions avec deux chiffres après la virgule etd’autres sur treize avec un arrondi à l’euro leplus proche), mais également en termes decontenu. Une définition comme « date du

mouvement » sujette à in-terprétation (date comp-table, date de valeur, dated’opération…) est très in-suffisante. Il en va de mê-me pour les agrégats : enpartant de données élé-mentaires parfaitement dé-finies, il est nécessaired’avoir des règles de gestionidentifiées de manièreunique et cohérente : ilpeut y avoir bien des façonsde calculer un « soldemoyen mensuel » ! Or cesnotions assez triviales pour

l’esprit humain peuvent s’avérer complexesou fastidieuses à traduire pour des systèmesd’information, souvent constitués de« couches logicielles » d’anciennetés diffé-rentes, avec des niveaux de documentationinégaux, ou plus simplement répartis entredifférentes personnes ou services.

Enfin, une fois les questions de qualité etd’homogénéité de données réglées, les traite-ments effectués et l’obtention de résultatsconsistants et stables, il est nécessaire d’his-toriser l’ensemble de ces données (outre lesquestions de sauvegarde usuelles en exploi-tation informatique), voire de les archiver,pour d’une part justifier le calcul des proba-bilités de défaut et autres résultats sur cha-

Organisation du SI pour les risques de crédit

SI bancaire

Stratégies client

Evaluation Bâle II - Risque de crédit

Marketingproactif

Octroi Décisionsau quotidien

Recouvrement

Moteurdécisionnel

Moteurdécisionnel

Cotations externes

DatamartRisque

« Les établissementsvont devoir rapprocheret rendre compatiblesdes fonctions qui sontaujourd’hui séparéestant d’un point de vue

des systèmesd’information

qu’organisationnel. »

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(scores adaptés, propagation au niveau desgroupes de risque…). Pour ce faire, le systèmed’information et les outils décisionnels consti-tués pour l’évaluation du risque de crédit de-vront être complétés par un module de défini-tion des stratégies client, le détail de ces stra-tégies étant ensuite répercuté dans lessystèmes de gestion.

La création d’un « indicateur de risque »associant un libellé et un niveau de risqueconstitue l’approche la plus simple. Cet in-dicateur devra être largement diffusé dans leréseau et constituer un des éléments des dé-cisions d’attribution ou d’augmentation deslignes de crédit.

Cette approche peut être complexifiéepour permettre une utilisation plus simple etplus ample au travers de l’attribution d’uneenveloppe client (montant total des crédits « accordables » au client, plafond de rem-boursement mensuel), des limites produit(autorisation de découvert, plafond revol-ving, limite de paiement…) guidant la répar-tition de l’enveloppe client sur les différentstypes de crédits, des préconisations sur le ty-pe de produits auquel le client est éligible…

Ainsi traduites sous forme opérationnelleces stratégies clients récurrentes peuventêtre utilisées pour:

• les décisions au quotidien : gestion desdépassements de limite (découvert, paie-ment…), ajustements récurrents des limitesde crédit (revolving, autorisation de décou-vert, lignes de crédit…);• des actions marketing, en couplant l’éva-luation risque avec des scores marketing :opération de pré-attribution, montée engamme, vente croisée, fidélisation et réten-tion des clients ;• la gestion des actions de recouvrement.

Articulation processus d’acceptation - évaluation Bâle II

Ce point est crucial puisqu’il s’agit deconstituer un véritable levier d’action per-mettant de traduire en décisions d’octroi denouveaux produits (crédits, limite de cré-dit…) les évaluations risque réalisées pour lecalcul des fonds propres. Les systèmes d’ac-ceptation devront être adaptés à cette finpour permettre une exploitation en tempsréel des stratégies client au moyen d’outilsdécisionnels on-line.

Il faut distinguer deux cas de figure:• les nouveaux clients pour lesquelsl’évaluation utilisera les techniques habi-tuelles de scoring exploitant les donnéessignalétiques du client, des informations >>>

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sur les produits demandés ainsi que des in-formations externes. Le cas échéant, lesgrilles de score devront être adaptées pourprévoir le défaut tel que défini dans l’ac-cord Bâle II ;• les clients existants pour lesquels les dé-cisions devront utiliser conjointement lesévaluations risque Bâle II (PD, mais aussiLGD) et les informations classiques desscores d’octroi. Les scores actuels devrontêtre adaptés pour intégrer ces informationscomportementales qui ont, par essence, untrès fort pouvoir prédictif du risque.

Lorsque les volumes sont suffisants, desprocessus spécifiques devront séparer les cri-tères d’évaluation selon le type de produits, letype de clients (particu-liers, professionnels).Les décisions doiventégalement intégrer desinformations externespouvant jouer un rôleimportant (fichiers né-gatifs de la Banque deFrance, données comp-tables, cotation BDF,fichiers positifs). Enfinles processus et outilsd’évaluation et d’acceptation doivent, le caséchéant, permettre la mise en place deRAPMs (mesures de performances ajustéesdu risque telles que RAROC, ROE…) quiconstitue une des approches les plus avan-cées pour la gestion des risques à l’octroi denouveaux produits.

Les scores utilisés pour les décisions d’oc-troi pourront venir à leur tour alimenter lesystème d’information Bâle II pour l’évalua-tion des PD, LGD et EAD. Une telle utilisa-tion sera prépondérante pour les sociétés fi-nancières qui disposent d’un nombre plusrestreint d’informations comportementalesque les banques.

Organisation du Datamart risque dans l’optique du reporting

Les évaluations risques mises en placedans le cadre de Bâle ainsi que les décisionsopérationnelles en découlant sont indisso-ciables de la réalisation d’un suivi rigoureuxau cours du temps. Ce suivi doit être organi-sé pour des raisons réglementaires, d’unepart pour valider (back-testing et stress-tes-ting) les modèles d’évaluation des fondspropres, et d’autre part pour permettre laproduction des documents à fournir au régu-lateur (pilier 2) et aux marchés (pilier 3).

Il n’est pas ici question de rentrer dans ledétail des éléments de reporting à produire,

mais plutôt de leur impact sur l’organisationdu système d’information. Plutôt que d’en-visager un système d’information risque« théorique » ayant l’ensemble des donnéesrequises organisées selon un modèleconceptuel idéal et avec un niveau de quali-té et de complétude total, qui ne s’applique-rait que dans un établissement virtuel, on secontentera de rappeler quelques principessur l’organisation du système d’informationrisque :• isoler les données utilisées dans le systè-me d’information risque de celles du systèmed’information opérationnel, les contrôler etles filtrer (techniques d’ETL 3 d’OTS 4 et plusgénéralement, de « sas ») ; en effet, l’impor-

tance d’une donnée peutêtre assez différente se-lon le contexte d’utilisa-tion: l’âge ou la CSP duclient peut être de faibleintérêt dans le systèmeopérationnel, alorsqu’elle entrera de ma-nière significative dansun modèle de notation ;il est de même préfé-rable de travailler avec

une donnée manquante qu’avec une donnéefausse;• ne pas nécessairement tout stocker,afin d’éviter trop de redondance, mais stoc-ker les grandeurs spécifiques du domainerisque (un « solde moyen mensuel » n’estpas vraiment spécifique du domainerisque, le « rapport entre le solde moyensur les douze derniers mois et les flux cré-diteurs domiciliés totaux sur les douze der-niers mois » l’est sûrement davantage) etcelles qui sont calculées sur plusieursmois, ainsi que les résultats du systèmed’évaluation des risques (ne serait-cequ’aux fins de suivi de la pertinence de cesrésultats) ;• grader les liens éléments de contrat –contrat-partenaire – groupe de risqueavec leur historique, pour les besoins dusuivi ; en effet, ces liens existent à l’ins-tant T dans les systèmes opérationnels,mais ne sont pas nécessairement histori-sés ; d’une manière générale dater toutel’information.

Ainsi réussir Bâle II ne se résume pas à lamise en conformité à une nouvelle norme,mais signifie réussir son système d’informa-tion risque, tant sur le plan opérationnel desprises de décision d’octroi de produits et ser-vices bancaires que sur celui du reportingrisques.

3 ETL : Extraction, Transforma-tion, Loading, outillage demigration de données.

4 ODS: Operational Data Store:stockage et traitement de don-nées intermédiaires (entrel’opérationnel et le décisionnel).

« La création d’un“indicateur de risque”associant un libellé etun niveau de risqueconstitue l’approche

la plus simple. »

CHANTIERS RÉGLEMENTAIRES

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