dossier « câble aérien

15
A A LA UNE Particulièrement adapté au franchissement d’obstacles naturels et aux fortes déclivités, le transport par câble dans sa version téléportée pourrait demain franchir les portes de la ville. Après la Colombie ou les Etats-Unis qui en ont fait un quasi-métro, des villes françaises y songent. Après Bogota, qui nous a inspiré le BHNS, piquera-t- on l’idée du « métrocâble » à Medellin ? Encore in- congrue il y a un an, l’idée de transporter les citadins en téléphérique fait son chemin en France. « Cela pa- raissait un peu fou de faire du transport urbain avec le même matériel que celui qui est utilisé dans les stations de ski. A Medellin, les gens pensaient que ça ne marcherait jamais. Aujourd’hui, le câble transporte un million de per- sonnes par mois », s’enthousiasme Dominique Abinal, du cabinet français Eric, qui a mené la plupart des études préalables à l’installation du système. Grande force : des télécabines parfaitement intégrées au ré- seau de métro, et l’on emprunte les trois lignes avec le même ticket. Une réussite telle que Certu, Service des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) et Gart planchent désormais sur la ques- tion du transport par câble en milieu urbain et péri- urbain. Les premiers parce qu’ils détectent « un foi- sonnement d’idées, des projets portés localement, mais pas encore de passage à l’acte », raconte Sébastien Rabuel, chargé de projets transports publics au Certu et co- responsable de l’étude lancée avec le STRMTG en jan- vier. Un travail qui réalisera un état de l’art exhaustif en France et à l’étranger et définira les domaines de per- tinence du câble selon les thèmes habituels (services, coûts, insertion, environnement, technologies…). Les conclusions sont attendues en fin d’année. Le second parce qu’il se dit qu’il y a quelque chose à creuser. « A partir du moment où il est démontré qu’un téléphérique urbain est peu onéreux, qu’il se met en œuvre rapidement et que ses coûts d’exploitation sont extrêmement bas, cela intéresse les élus », explique Ré- ginald Babin, responsable du pôle aménagement, environnement et systèmes de transport du Gart. Le président de la commission innovation, également chargé des déplacements dans le Bassin d’Arcachon, Philippe Peyroux, est carrément conquis (voir page 22). Une journée technique du Gart est organi- sée en novembre 2009, et il s’en prépare une deuxième pour l’automne prochain. Deux députés, Martial Saddier (UMP, Haute-Savoie) et François Brottes (PS, Isère), s’emparent aussi de 20 Ville Rail & Transports - 24/03/2010 Pierre Jaussaud, le fondu du câble Cet Isérois est le grand spécialiste du « tramway aérien ». Son avis est recherché par tous ceux qui envisagent du transport par câble. P ar un « heureux concours de circonstances », se plaît-il à raconter, Pierre Jaussaud s’est trouvé être l’un des pre- miers ardents défenseurs du transport par câble. Comme il est aussi l’un des plus avertis, il est régulièrement solli- cité et cité comme interlocuteur incontournable ! C’est pourtant presque par hasard que cet ingénieur transports qui « navigue dans le transport collectif depuis les années 80 » est arrivé à la conclusion que le transport aérien par câble avait beaucoup d’avantages, environnementaux et écono- miques. Ancien directeur du Laboratoire de mécanique et professeur à l’Institut national polytechnique de Gre- noble, il est aussi à l’époque président de l’ADTC, une association gre- nobloise de défense des transports collectifs. « En 2003, le président du SMTC de l’agglomération grenobloise, Marc Baïetto, m’a demandé de venir parler des possibilités de transport par câble autour de Grenoble », raconte- t-il. C’est ainsi qu’il demande à un groupe d’étudiants de plancher sur un projet de relation Grenoble - Chamrousse. « Les gens y vont faire du sport été comme hiver, et il y a régulièrement 6 km de bouchons de Grenoble à Gières », rappelle-t-il. Mais le projet présenté par ses étudiants sera « torpillé par l’association les Pieds sur terre ». Parallèlement, ses relations avec les membres de l’ADTC qu’il préside se tendent, tous ne voient pas l’avantage de promouvoir le transport par câble, et Pierre Jaussaud se fait débarquer en 2005. Mais l’Isérois est désormais convaincu qu’il faut réfléchir à l’utilisation du câble, pas seulement pour les skieurs mais aussi comme mode de transport collectif à part entière. Il fonde dans la foulée une nouvelle association, le Chaînon manquant (http://telepherix.free.fr/), et va passer un an à « travailler en profon- deur » pour établir la liste des qualités intrinsèques de ce mode. Il écrit même un livre blanc. Une solide connaissance qui lui permet de se poser en expert et d’aller régulièrement porter la bonne parole sur ce mode qu’il dénomme « le tramway aérien ». C. N. Pierre Jaussaud,. TRANSPORT PAR CÂBLE Un chaînon manquant pour l’urbain ?

Upload: vutuyen

Post on 05-Jan-2017

231 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Dossier « câble aérien

A

A LA UNE

Particulièrement adapté

au franchissement

d’obstacles naturels

et aux fortes déclivités,

le transport par câble

dans sa version

téléportée pourrait

demain franchir

les portes de la ville.

Après la Colombie ou

les Etats-Unis qui en

ont fait un quasi-métro,

des villes françaises

y songent.

Après Bogota, qui nous a inspiré le BHNS, piquera-t-on l’idée du « métrocâble » à Medellin ? Encore in-congrue il y a un an, l’idée de transporter les citadinsen téléphérique fait son chemin en France. « Cela pa-raissait un peu fou de faire du transport urbain avec lemême matériel que celui qui est utilisé dans les stationsde ski. A Medellin, les gens pensaient que ça ne marcheraitjamais. Aujourd’hui, le câble transporte un million de per-sonnes par mois », s’enthousiasme Dominique Abinal,du cabinet français Eric, qui a mené la plupart desétudes préalables à l’installation du système. Grandeforce : des télécabines parfaitement intégrées au ré-seau de métro, et l’on emprunte les trois lignes avec lemême ticket. Une réussite telle que Certu, Service desremontées mécaniques et des transports guidés(STRMTG) et Gart planchent désormais sur la ques-tion du transport par câble en milieu urbain et péri-urbain. Les premiers parce qu’ils détectent « un foi-sonnement d’idées, des projets portés localement, mais pasencore de passage à l’acte », raconte Sébastien Rabuel,chargé de projets transports publics au Certu et co-

responsable de l’étude lancée avec le STRMTG en jan-vier. Un travail qui réalisera un état de l’art exhaustif enFrance et à l’étranger et définira les domaines de per-tinence du câble selon les thèmes habituels (services,coûts, insertion, environnement, technologies…). Lesconclusions sont attendues en fin d’année. Le second parce qu’il se dit qu’il y a quelque chose àcreuser. « A partir du moment où il est démontré qu’untéléphérique urbain est peu onéreux, qu’il se met enœuvre rapidement et que ses coûts d’exploitation sontextrêmement bas, cela intéresse les élus », explique Ré-ginald Babin, responsable du pôle aménagement,environnement et systèmes de transport du Gart. Leprésident de la commission innovation, égalementchargé des déplacements dans le Bassin d’Arcachon,Philippe Peyroux, est carrément conquis (voirpage 22). Une journée technique du Gart est organi-sée en novembre 2009, et il s’en prépare unedeuxième pour l’automne prochain. Deux députés, Martial Saddier (UMP, Haute-Savoie)et François Brottes (PS, Isère), s’emparent aussi de

20 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

Pierre Jaussaud, le fondu du câble Cet Isérois est le grand spécialiste du « tramway aérien ». Son avis est recherché par tous ceux

qui envisagent du transport par câble.

Par un « heureux concours de circonstances », se plaît-il àraconter, Pierre Jaussaud s’est trouvé être l’un des pre-

miers ardents défenseurs du transport par câble. Commeil est aussi l’un des plus avertis, il est régulièrement solli-cité et cité comme interlocuteur incontournable ! C’estpourtant presque par hasard que cet ingénieur transportsqui « navigue dans le transport collectif depuis les années 80 »est arrivé à la conclusion que le transport aérien par câbleavait beaucoup d’avantages, environnementaux et écono-miques. Ancien directeur du Laboratoire de mécaniqueet professeur à l’Institut national polytechnique de Gre-noble, il est aussi à l’époque président de l’ADTC, une association gre-nobloise de défense des transports collectifs. « En 2003, le président duSMTC de l’agglomération grenobloise, Marc Baïetto, m’a demandé de venirparler des possibilités de transport par câble autour de Grenoble », raconte-t-il.C’est ainsi qu’il demande à un groupe d’étudiants de plancher sur un

projet de relation Grenoble - Chamrousse. « Les gens y vontfaire du sport été comme hiver, et il y a régulièrement 6 km debouchons de Grenoble à Gières », rappelle-t-il. Mais le projetprésenté par ses étudiants sera « torpillé par l’association lesPieds sur terre ». Parallèlement, ses relations avec lesmembres de l’ADTC qu’il préside se tendent, tous ne voientpas l’avantage de promouvoir le transport par câble, etPierre Jaussaud se fait débarquer en 2005.Mais l’Isérois est désormais convaincu qu’il faut réfléchir àl’utilisation du câble, pas seulement pour les skieurs maisaussi comme mode de transport collectif à part entière. Il

fonde dans la foulée une nouvelle association, le Chaînon manquant(http://telepherix.free.fr/), et va passer un an à « travailler en profon-deur » pour établir la liste des qualités intrinsèques de ce mode. Il écritmême un livre blanc. Une solide connaissance qui lui permet de seposer en expert et d’aller régulièrement porter la bonne parole sur cemode qu’il dénomme « le tramway aérien ». C. N.

Pierre Jaussaud,.

TRANSPORT PAR CÂBLE

Un chaînon manquant pour l’urbain ?

Page 2: Dossier « câble aérien

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 ! 21

La percée du tramway aérien

SOMMAIRE" Les « pour » et les « contre »du câble page 23

" Le transport par câble enFrance aujourd’hui page 25

" LES PROJETS FRANÇAIS– En 2011, Grenoble enjambel’Isère page 26

– L’idée germe dans le Grésivaudan page 27

– Grasse a dû revoir sa copiepage 28

– Un téléphérique pourdesservir l’île de Nantes ?

page 29

" LE MARCHÉ MONDIALLe come-back du téléphérique page 30

" On ne plaisante pas avec la sécurité page 32

" LES CONSTRUCTEURSUne offre sur mesure page 33

Cab

inet

Eric/S

P

Medellin, Colombie.

Page 3: Dossier « câble aérien

la nouveauté. Ils réussissent à faire voter un amen-dement à la loi du Grenelle 1 qui donne ses pre-mières lettres de noblesse au transport urbain parcâble, tout simplement en le reconnaissant officiel-lement comme un complément. Car, bien entendu,il n’est pas question de le voir remplacer bus et tram.Même les constructeurs, pourtant champions dulobbying, le reconnaissent. « Nous n’avons pas la pré-tention d’être un transport alternatif, mais un transportcomplémentaire, précise ainsi Christian Bouvier, di-recteur commercial de Poma. Le transport urbain parcâble ne trouvera sa place dès lors qu’il y aura un obstacleà franchir ou une pente trop importante qui impose undétour. Passer au-dessus des rues à l’horizontale sur 10ou 15 km, je ne crois pas que ce soit notre place. On estdans le transport hectométrique. » Le transport par câble recouvre en effet une foule detechnologies (voir p. 31 à 33), et celui qui semble avoirla faveur de tous les professionnels pour la ville, c’estplutôt le système téléporté. « Au niveau de l’emprise ausol, c’est imbattable, il suffit de planter un pylône tous les100 à 150 m, estime Laurent Reynaud, directeur duSyndicat national des téléphériques de France (SNTF).Dans certaines villes, on aurait pu éviter de se payer un su-per-tramway et économiser de l’espace au sol pour lesautres formes de transport. » Un avis partagé par leSTRMTG, qui cible son étude sur les téléphériques,par Pierre Jaussaud ou encore par le fabricant Dop-pelmayr. Avec son infrastructure béton au sol, le fu-niculaire, d’ailleurs plus éprouvé en ville, ne possèdepas autant d’avantages, notamment économiques et derapidité de mise en œuvre. « Les constructeurs affir-ment qu’ils sont capables de fournir le système en neufmois. Avec notre expérience du tramway où cela peutprendre de huit à dix ans, cela paraît à peine croyable »,s’extasie-t-on dans les services de la Métro à Grenoble.« Nous avons en France des préjugés très défavorablesqui ont cantonné ce mode de transport à la montagne,dit-on au Gart. L’innovation n’est pas forcément tech-nologique ! On a cloué au pilori le trolley, qui a retrouvéses jours de gloire… » Le come-back du tramway nes’est pas fait sans heurt non plus. « Les argumentscontre le câble sont les mêmes que ceux qu’on entendaitautrefois contre le tram : c’est moche, ça fait du bruit,c’est cher, ça tombe en panne », constate Pierre Jaus-saud. Dès lors, pourquoi ne pas évaluer sérieuse-ment une nouvelle piste avec le câble ? Certes, il luimanque encore une vraie vitrine en France, maisune fois le « test » de Grenoble passé (voir p. 26), il ya fort à parier que, tout comme pour le tram ou leBHNS, les délégations d’élus et techniciens viendrontse renseigner plus avant. Les promoteurs de ce moderappellent aussi la loi. La Loti, selon laquelle« les projets doivent satisfaire les besoins dans des condi-tions économiques, sociales et environnementales les plusavantageuses pour la collectivité. » Et le Grenelle 1 qui

A LA UNE

PHILIPPE PEYROUX : « Le seul moyen où l’on ne risque aucune collision »

Ville, Rail & Transports : Pourquoi la commission in-novation du Gart s’intéresse-t-elle au transport parcâble ?Philippe Peyroux : Parce que c’est une technique extra-ordinaire : c’est une innovation, puisqu’assez peu utiliséen zone urbaine, et, en même temps, c’est une techniqueéprouvée depuis quatre-vingts ans, donc la garantie qu’onne va pas droit dans le mur en la choisissant. Quand j’aidécouvert ses avantages, fin 2008, je me suis enthou-siasmé pour ses qualités : d’abord un bilan carbone positif,puisque c’est électrique, ensuite un coût ridicule – six à

dix fois moins cher qu’un tramway –, enfin une sécu-rité absolue, puisque les défaillances sont rarissimes.Enfin et surtout, la Loti révisée en 2005 prévoit que lesAOT choisissent le mode de déplacement le plus doux,le moins cher et qui rende le meilleur service. De plus,un amendement à la loi Grenelle 1 des députés Saddieret Brottes reconnaît le câble comme un mode de trans-port à part entière. Par ailleurs, je suis redevable des de-

niers publics ; c’est incroyable cette habitude en France d’aller toujours vers les solutionsles plus chères !

VR&T : Pensez-vous convaincre les AOT de se pencher sérieusement sur les solu-tions par câble ? P. P. : Pour l’instant, il ne rentre pas dans la philosophie du transport public en France. Onle considère comme adapté aux déplacements locaux, touristiques, point ! Pourtant, ceuxqui existent transportent 7 millions de personnes par jour ! Et d’autres pays l’ont adoptécomme moyen de transport, par exemple à Medellin, en Colombie. Chez nous, les gensdisent : « C’est pas beau. » Croyez-vous que les trolleys soient beaux, que les fils caténairesdu tram le soient et que le métro aérien ne soit pas vilain dans le paysage ? Les modèles mo-dernes de télécabine se fondent dans le paysage. Pourtant, je pense que je n’arriverai pasà les faire rêver sur ce système de transport, car ce qui est dans l’air du temps, c’est letramway… qui coûte la peau des fesses ! On ne parle jamais du coût du rail ! A Bor-deaux, c’est 270 000 euros par jour en exploitation, soit 100 millions par an. A côté, lecâble, c’est un investissement ridicule, et très peu cher en fonctionnement. En plus, ça fonc-tionne même en cas d’intempéries, un vent de 130 km/h, une température de - 40° et avecune fluidité inégalable, une vitesse commerciale jamais obérée. Quel autre mode de trans-port attend-on au maximum 20 secondes ?

VR&T : Y a-t-il un projet de transport par câble dans le Bassin d’Arcachon ?P. P. : Je me bats contre le Cobartec, un collectif d’associations qui réclame un tram-traindans le Bassin d’Arcachon, à 50 millions d’euros du kilomètre. Je leur ai dit : « OK, si vousle payez, sinon, non ! » Plaisanterie mise à part, j’ai réfléchi au câble pour Arcachon, mais çane colle pas avec la configuration, sauf à traverser la zone classée Natura 2000. L’incon-vénient principal du câble, c’est qu’il ne va qu’en ligne droite, même si des « angles »sont désormais possibles avec les matériels débrayables. Je crois que la meilleure applicationpour le câble, c’est de favoriser l’intermodalité, car il réalise la jonction rapide en cas de rup-ture de charge en permettant de connecter deux gares ou une gare et un arrêt de transportpublic. Dernier avantage : c’est le seul moyen de transport au monde où l’on ne risque au-cune collision. Même le piéton ne peut pas dire ça !

Propos recueillis par Cécile NANGERONI

Philippe Peyroux est président de la commission innovation du Gart, vice-président chargédes déplacements de lacommunauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon (Cobas),chargé des transports et des déplacements.

22 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

SP

Page 4: Dossier « câble aérien

La percée du tramway aérien

> Pourquoi Issy a sabordé son projetLes gens d’Issy n’aiment pas trop qu’on lesregarde d’en haut. Le projet de liaison sur830 m (avec une cinquante de mètres de dé-nivelée) par téléphérique entre la mairied’Issy-les-Moulineaux et sa station de métroau « fort numérique » a été enterré par lemaire de la ville, André Santini, peu avant lesélections municipales de 2008. Pourquoi cette reculade sur un projet pour-tant validé par toutes les ingénieries, le Stifet la RATP ? Parce qu’une poignée de rive-

rains déterminés se sont organisés en asso-ciation (Actevi-Touche pas à mon ciel) et ontremué ciel et terre au point de faire craindreau maire pour sa réélection. « C’était un pro-jet pharaonique, un jouet très coûteux pour faireplaisir au maire et aux futurs 4 000 habitantsdu « fort », qui ne sont pas encore là ! Le télé-phérique serait passé au raz de nos fenêtres.Et pour imaginer passer plus haut, il aurait falluune gare de départ extrêmement élevée, ce quiaurait défiguré la place de la mairie. Sans par-

ler de ce pylône intermédiaire que l’on voulaitplanter au milieu du parc Henri-Barbusse »,enrage encore Jean-Marc Brisson, le prési-dent de l’association Actevi. Du côté des ex-ploitants et industriels, on regrette que lecâble ait été bien vite stigmatisé, sacrifié àdes arguments nimbystes. Mais, au fait, main-tenant qu’André Santini est réélu, le projetest-il complètement enterré, une alternative« terrestre » est elle envisagée ? A ces ques-tions, la mairie d’Issy n’a pas répondu. G. L.

> Les « pour » et les « contre » du câble

Par comparaison avec d’autres modes de traction pour les véhi-cules guidés (adhérence, crémaillère), le câble offre d’incontes-tables avantages, mais il a aussi des inconvénients.

Cinq arguments en faveur du câble! Il est peu coûteux. « Il suffit de planter quelques pylônes et de ti-rer une corde à linge entre deux gares, et le tour est joué », schéma-tise un industriel. Le câble coûte peu : clés en main, entre 5 et 10fois moins cher au kilomètre que le tram suivant le type de projet etce que l’on prend en compte dans le calcul. Un argument très re-cevable pour les collectivités. ! Il ne dévore pas l’énergie. La concentration des équipementsde traction (électrique) en un point fixe permet d’éviter les redon-dances, les cabines ne sont pas motorisées. Les véhicules se dé-placent sans frottement, le bilan énergétique est incomparable eten plus il est silencieux. ! Il gravit des collines et traverse des fleuves. Solution idéalepour les fortes pentes (en concurrence avec la crémaillère, voire lemétro ou le tram sur pneus), optimale pour le franchissementd’obstacles (pour les téléphériques).! Il ne met pas la ville sens dessus dessous. Les téléphériques,dont l’emprise au sol se limite à des pylônes, permettent de s’af-franchir de travaux lourds sur tout le parcours, ce qui se réper-cute sur les démarches administratives, les délais et aussi sur leprix de revient de l’installation.! Il est cadencé. Une cabine toutes les 5 à 20 secondes dans laplupart des projets urbains, rares sont les moyens de transportqui permettent un temps d’attente aussi limité.

Cinq arguments contre! Il déplaît aux riverains. Voir le téléphérique au-dessus de chezsoi ou pouvoir être vu depuis celui-ci semblent mal accepté parles riverains des projets identifiés. L’« intrusion visuelle » est leprincipal argument contre le câble en Europe. Le câble défigure-t-il vraiment plus le paysage plus qu’un tram ? ! Il ne connaît que la ligne droite. Les installations sont « sur me-

sure », difficiles à modifier ou à prolonger au-delà des gares d’ori-gine pour les funiculaires. ! Il implique une maintenance lourde quelques jours par an. Lamaintenance est facile à organiser en montagne. On la fait en pé-riode creuse ou à la fermeture des pistes. Mais dans le cadre d’uneexploitation urbaine de 5h à 23h toute l’année, la maintenance im-pliquera d’arrêter le système quelques jours par an. ! Il n’aime pas le vent. Sans pour autant être dangereux, le télé-phérique est très sensible aux phénomènes météo. En cas de tem-pête, il faut parfois appuyer sur « stop ». Mais y a-t-il des tem-pêtes de neige en ville ? ! Il donne le vertige. On a beau répéter et re-répéter que le télé-phérique est l’un des moyens de transport les plus sûrs du monde,qu’il est sous la houlette du très sérieux STRMTG ou qu’il provoquebien moins d’accidents que les véhicules en site propre, la peurdu vide reste un frein pour certains usagers.

LE

ITN

ER

Voir le téléphérique ou être vu de trop près est mal accepté par les riverains. Ici, à Bolzano, Italie.

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 " 23

Page 5: Dossier « câble aérien

A LA UNE

la complète en demandant d’apporter la preuvequ’une solution plus favorable à l’environnementest impossible « à coût raisonnable ». Or, selon lescalculs de l’ingénieur, avec seulement 3 % de coef-ficient de frottement contre 12 à 30 % pour le rail,le câble consomme 3,5 fois moins d’énergie qu’untram par personne transportée. Il est 3 à 5 foismoins cher à construire (5 à 10 millions d’eurosdu km), et son entretien revient à « 0,3 à 1,5 % del’investissement ». Pierre Jaussaud a aussi chiffré l’ex-ploitation : tandis qu’un bus coûte en moyenne« 4 euros du km, un tram, 7 euros, le câble téléporté sesitue entre 1,6 et 3,2 euros du km ».Alors que plusieurs projets ont capoté, par exempleà Givors, Rodez ou Issy-les-Moulineaux (voir p.23),souvent laminés par la pression associative et parfois« mal ficelés par le constructeur par méconnaissancede l’urbain », juge l’expert, d’autres se font jour. AGrenoble, à Annecy (vers La Balme), à Magland (versFlaine), dont la gare est reliée à Genève, à Namur enBelgique… Une timide percée pour ce « tramwayaérien » qui doit encore gagner la bataille de l’image.Effacer son image d’Epinal, puisque les matérielsmodernes ont une vitesse moyenne de 6 m/sec(21 km/h) et un débit de 3 600 personnes/h « pou-vant monter à 5 000 avec du bi ou tri-câble », précisePierre Jaussaud. Démontrer qu’il ne sera pas la cibleprivilégiée du vandalisme, un phénomène margi-nal aux sports d’hiver, mais une plaie dans les trans-ports urbains. Prouver aussi qu’il n’offrira pas unmagnifique point de vue sur les habitations au-des-sous, ce qui est le plus gros frein à son dévelop-pemnent. A Grenoble, plus personne ne se plaintdes bulles. Il faut dire qu’elles font partie du pay-sage depuis 1934...

Guillaume LEBORGNE et Cécile NANGERONI

24 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

Ville, Rail & Transports : Vous êtes l’auteur d’unamendement de la loi Grenelle qui vise à faire émer-ger les solutions de transport par câble parmi les pos-sibilités offertes aux AOT. Qu’est-ce que cela change ? Martial Saddier : C’est un sujet que je défends avec unautre député, François Brottes, depuis dix ans. Nousavons porté cet amendement de la loi Grenelle 1 qui ré-affirme l’intérêt du câble pour les transports urbains. Laprincipale avancée, depuis lors, est qu’il n’est plus taboude parler du transport par câble. Avant, quand on pro-posait un projet de câble urbain, on nous répondait :« Vous êtes fous, cela ne se fera jamais. » Aujourd’hui, on afranchi un cap, et l’on en vient à parler de concertation oud’emplacement du projet. Forcément, cela bouscule unpeu les habitudes et cela arrive en concurrence avec d’autres modes. J’aimerais en faitque dans le catalogue des moyens de transport on rajoute une page supplémentaire. Il ya « métro », «tram » ou « bus », il faudrait aussi « transport par câble ».

VR&T : On en parle depuis longtemps, du téléphérique urbain, est-il en train d’émer-ger ? M. S. : Cela va revenir, cela tombe sous le sens. Dans toutes les mégalopoles du monde,il y a des projets identifiés, pourquoi pas en France ? Je souhaite qu’assez vite deux ou troisprojets se concrétisent dans notre pays. C’est comme pour la voiture électrique, il fautqu’il y ait un déclic. L’investissement est presque dix fois moins important que pourconstruire un tramway et de plus on n’y a pas de problématique d’évacuation des maté-riaux ni de tranchée à creuser. Par ailleurs, le coût de fonctionnement est particulière-ment bas et le bilan énergétique imbattable. Voyez les stations de ski en Italie ou en Au-triche. On se gare en bas de la station, et plutôt que faire 25 km de montée en lacets, onemprunte une liaison par câble qui conduit directement en station.

Propos recueillis par Guillaume LEBORGNE

> Un entretien décennal lourd pour les deux « funi » lyonnaisIl y a eu jusqu’à cinq funiculaires à Lyon. Seuls deux subsistent depuis1972 et de l’hôtel de ville à la Croix-Rousse c’est maintenant un métroà crémaillère (ligne C) qui a pris le relais. Mais la ville y tient à ceslignes intégrées au réseau TCL. On prend le « funi » avec un ticket demétro classique. Depuis la gare basse de Saint-Jean dans le Vieux-Lyon, en correspondance avec le métro ligne D, ils permettent de ral-lier en moins de 5 minutes le quartier de Saint-Just (de 5 h 23 à24 heures) et la basilique de Fourvière (6 h-22 h). Alors qu’en bus ou envoiture, il faut compter de 20 à 25 minutes. Avec son secteur résiden-tiel, celui de Saint-Just (800 m de long), un modèle de 1990, transporteplus de 10 000 personnes par jour. Plus touristique, celui de Fourvièrevéhicule près de 4 000 voyageurs. Vu dans Lucie Aubrac, ce matériel de1950 et sa ligne de 400 m attirent régulièrement les tournages.En termes d’exploitation, peu de choses à noter. « Ça fonctionne avec desroulements comme les bus, et les conducteurs ont dû passer une habili-

tation funiculaire d’une semaine sanctionnée par un examen, expliqueChristian Thibert du service clientèle des TCL. Comme les conditionsde travail sont réputées moins dures, ce sont souvent des personnes qui ontdes inaptitudes au poste de conduite. » Côté maintenance : « une sur-veillance permanente de la tension du câble, du vérin hydraulique est né-cessaire, avec rajout d’huile si besoin, expose Claude Jorsel, respon-sable du métro et de la formation. Et une vérification annuelle du câblemultibrins de traction impliquant 15 jours sans exploitation, ainsi qu’unentretien décennal plus lourd durant lequel les motrices sont enlevées ».Keolis Lyon ne s’est pas penché sur les coûts d’entretien qui semblenttoutefois « moins chers que ceux du métro ». Réalisées avec la sociétéMittal, ces opérations contrôlées par le STRMTG ne sont jamais orga-nisées simultanément sur les deux funiculaires. En 2009, la grosse ré-vision de Saint-Just a entraîné trois mois de fermeture et le rempla-cement par un service de bus. C. N.

MARTIAL SADDIER :« Parler du câble n’est plus tabou »

Martial Saddier est députémaire de Bonneville.

SP

Page 6: Dossier « câble aérien

La percée du tramway aérien

> Le transport par câble en France aujourd’hui

De nombreuses villes de France ont possédé des systèmes de trans-port par câble, des funiculaires pour l’essentiel. La plupart ont disparu,d’autres ont survécu, essentiellement pour des raisons touristiques.Ce dernier argument a même donné un coup de pouce à certaines(re)mises en service ces dernières décennies. Voici la liste de tousles transports par câble français assurant actuellement un service pu-blic de transport urbain. Ne sont pas listées ici les installations d’in-térêt particulier ou de montagne.! Evian : funiculaire ouvert en 1913, fermé de 1969 à 2002. ! Grenoble : ouvert en 1934 et modernisé en 1976, le téléphérique dela Bastille est le plus ancien transport urbain par téléphérique dumonde… et le seul en France actuellement.! Langres : ascenseur incliné Skirail (1995). Une crémaillère a existéde 1887 à 1971.! Laon : funiculaire Poma 2000, ouvert en 1989 en remplacementdu tram à crémaillère (1899-1971).! Le Havre : funiculaire ouvert en 1890, fermé de 1944 à 1950, puis de1969 à 1972, avant modernisation et mise en service de véhiculesPoma sur pneus. ! Le Tréport : funiculaire ouvert en 2006, à l’emplacement

d’un funiculaire (1908-1941).! Lyon : deux funiculaires (« ficelles ») ont survécu, Fourvière etSaint-Just.! Paris : depuis 1991, deux ascenseurs inclinés Poma/Skirail/Schindler remplacent le funiculaire à va-et-vient de Montmartre (ou-vert en 1900 et modernisé en 1935). ! Pau : le funiculaire de 1908 a reçu de nouvelles voitures en 1961.! Rochefort : le pont transbordeur de Martrou, remis en service en1994, est le seul à subsister en France. ! Thonon : funiculaire ouvert en 1888, électrique depuis 1956 et au-tomatisé en 1990.! Villepinte : SK au parking du parc des expositions. Dans le domaine des funiculaires, quatre réalisations en montagne re-lativement récentes méritent une mention : même s’il ne s’agit pas àproprement parler de transport urbain, leurs caractéristiques tech-niques sont tout à fait comparables à celles d’un métro.! Val-d’Isère (Funival, 1987).! Bourg-Saint-Maurice - Les Arcs (Arc-en-Ciel, 1989).! Les Deux-Alpes (1989).! Tignes (Perce-Neige, 1993).

LYON.

PARIS.GRENOBLE.

JE

RO

ME

KO

CH

-PH

OT

OR

AIL

C.

Reco

ura

/PH

OT

OR

AI

Ville

de G

ren

ob

le

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 " 25

Page 7: Dossier « câble aérien

A LA UNE

Grenoble se prépare à lancer la première lignede tramway aérien de France. C’est en tous

les cas le souhait de Marc Baïetto, le tout nouveauprésident de la communauté d’agglomération, laMétro. Située au pied des stations de ski et dotéed’une topographie escarpée, Grenoble a le CV idéalpour devenir la ville du renouveau du téléphériqueurbain. Dans les années 1970, un ambitieux programmede déploiement du transport par câble avait été

écarté au profit du tramway. Le câble redevient d’ac-tualité dans la capitale des Alpes, non pas pouréquiper des axes structurants, mais dans une pers-pective de rabattement sur le réseau classique etde franchissement d’obstacles naturels. Un projet detéléphérique entre le parc relais Carronnerie à LaTronche et l’arrêt de tramway Gabriel-Fauré sur lecampus universitaire de Grenoble est en passe dedevenir une réalité. Ce projet dont les études ont été lancées il y a un anprévoit un appel d’offres avant l’été 2010 et unemise en service en 2011. L’idée serait de mettre enplace une liaison d’une longueur de 700 m environqui survolerait l’Isère et coûterait 7 millions d’euros.Les télécabines transporteraient de 6 à 8 personnespour favoriser la régularité du débit. Dans un sec-teur de la ville dépourvu de pont, cette liaison per-mettrait de tester la pertinence technique de la so-lution câble, mais aussi sa pertinence en termesd’exploitation et d’intégration dans le réseau, ainsique son acceptation par les voyageurs. « C’est undémonstrateur, on n’a pas d’exemple en France de

26 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

LES PROJETS

La toute première ville

de France à lancer

son téléphérique urbain

a d’abord fait beaucoup

pour le renouveau

du tramway dans les

années soixante-dix.

Le projet aérien,

qui traverserait l’Isère

sur 700 m, permettrait

de tester la pertinence

technique du câble,

mais aussi son intérêt

en termes d’exploitation

et d’intégration

dans un réseau de

transport urbain.

> Les bulles bientôt dans le réseau ?Le téléphérique de la Bastille de Grenoble avec ses fameuses bulles est une com-posante depuis 1934 de l’image de la ville. Ce téléphérique touristique qui dessertdes restaurants et un musée et permet à ceux qui l’empruntent de bénéficier d’unmagnifique panorama sur la ville n’est pas intégré aux transports urbains de Gre-noble. Mais il pourrait bientôt l’être. Des études doivent être lancées en 2010, pourimaginer une station intermédiaire qui desserve la cité universitaire du Rabot qui setrouve à mi-chemin de la Bastille. Ce projet impliquerait de créer un ascenseur à mi-parcours et entraînerait une modification complète du système de transport.

En 2011, Grenoble enjambe l’Isère

Page 8: Dossier « câble aérien

La percée du tramway aérien

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 ! 27

FRANÇAIS

transport par câble horizontal. On a l’habitude deprendre les téléphériques dans les montagnes autourde Grenoble, mais en site urbain, on connaît moins »,souligne-t-on dans les services de la Métro. Le tracéayant pour avantage de ne pas comporter de survold’habitations, on ne risquera a priori pas la frondedes riverains qui avait conduit Issy-les-Moulineauxà enterrer son projet. Il reste néanmoins beaucoupde questions sans réponses : quelles sont les im-plications juridiques du survol de l’Isère ? Com-ment le câble peut-il s’intégrer dans un réseaulourd ? L’exploitation doit-t-elle être confiée à la Se-mitag ou à un autre prestataire plus spécialisé ?Faut-il organiser un marché public complémen-taire au réseau, ou mettre en place un PPP ? Com-

ment gérer le contrôle et le vandalisme ? « Toutes cesquestions se posent et on va essayer d’y répondre trèsvite », explique-t-on dans les services de la Métro. Ala demande du président du SMTC, il est prévuque tous les équipements puissent être démontés etdéplacés à l’issue de cette expérimentation. « Si l’onse rend compte qu’en matière de fréquentation, parexemple, ce n’est pas une réussite, on peut peut-être leréinstaller sur un autre axe », explique-t-on à la Mé-tro. Du point de vue d’experts du secteur, cette po-tentielle migration est très difficilement réalisable,tant un système de téléphérique est dimensionnépar les obstacles qu’il a à franchir. Grenoble devravoir juste du premier coup.

Guillaume LEBORGNE

Entre la gare de Brignoud et la zone d’activités deCrolles, dans la proche banlieue de Grenoble, lesite est extrêmement contraint. Sur environ 1 km,c’est le parcours d’obstacles : voie ferrée, routedépartementale, Isère et autoroute A41 à fran-chir. Et pour couronner le tout un large échan-geur autoroutier et la barrière de péage où cir-culent environ 50 000 véhicules/jour. Or cette garequi voit passer quotidiennement 39 TER (et il y enaura davantage lorsque la 3e voie du sillon alpinsera opérationnelle, fin 2013) alimente une zoneoù travaillent environ 8 000 personnes, à Crolles età Bernin. « Si on construisait un tram-train qui sedébrancherait à Crolles, il devrait dans les deux sensfranchir toutes ces infrastructures et il faudrait aussiun saut-de-mouton pour repartir vers Grenoble, ra-conte Francis Gimbert, vice-président chargé destransports à la communauté de communes du Grésivaudan. Et, de plus,il est impossible d’insérer les modes doux, notamment le vélo. » Impossible de passer au sol ? Alors pourquoi pas par les airs ? L’idée,poussée par Pierre Jaussaud, un passionné de transport par câble ethabitant de la région, qui avait proposé une pré-étude en 2005, a germépetit à petit. Les élections municipales passées, le projet est ressorti. Au-jourd’hui, il s’inscrit dans une démarche soutenue par Rhône-Alpes,qui finance 40 % des 150 000 euros prévus pour les études. Les offresdes cabinets d’études sont en cours de dépouillement, mais on espèreleurs conclusions pour la fin d’année. « Ce mode paraît pertinent au re-gard du site, poursuit l’élu. Mais, bien sûr, il ne se substitue pas aux autrestechnologies comme le tram, qui est nécessaire pour des volumes plus im-portants. »

Les études devront affiner les projections, mais letrafic attendu est de l’ordre de quelques milliers,sachant que 1 300 voyageurs montent ou des-cendent en gare de Brignoud et que de 500 à 600y viennent par autocar. « Il y a un vrai potentiel,c’est le tronçon où convergent trois lignes de cars,estime Francis Gimbert. Quand le réseau d’auto-cars a été développé, nous sommes passés de 50correspondances TER-car à Brignoud en décembre2007 à 500 aujourd’hui, et la fréquentation de la garea doublé. » Et pourtant les fameux autocars nepassent « qu’une fois l’heure pour des TER toutesles 15 minutes », déplore Pierre Jaussaud, quinote aussi qu’« il y a 5 km de bouchon à l’entrée deGrenoble, matin et soir ». On vise une mise en ser-vice de ce câble aérien (téléphérique ou téléca-bine) d’environ 1 km, voire 3 km si l’option traver-

sée de la vallée est choisie, intégré au tout jeune réseau de transportpublic, au plus tard en 2013. Conquise, la collectivité envisage également un second transport parcâble pour relier, cette fois, la gare de Goncelin à la ville thermale et sta-tion de ski d’Allevard et peut-être même jusqu’au Collet-d’Allevard, soitune dizaine de kilomètres. Les prochaines études se pencheront aussisur son cas, en termes de potentiel commercial et de solutions tech-nologiques. S’ils font études communes, les deux projets ne devraienttoutefois pas être réalisés en même temps. Mais déjà d’autres villages,comme Chamrousse par exemple, manifestent leur intérêt pour unedesserte aérienne depuis la gare. Peut-être alléchés par l’expériencede Brides-les-Bains qui, en plus des curistes, attire les skieurs grâce àsa télécabine menant au domaine des Trois Vallées. C. N.

> L’idée germe dans le GrésivaudanUn projet de téléphérique urbain pourrait voir le jour d’ici 2013 entre Brignoud et Crolles,

qui désengorgerait une partie du réseau routier grenoblois. Un autre relierait Goncelin à Allevard.

Brides-les-Bains, une expériencealléchante pour d’autres villages ?

Page 9: Dossier « câble aérien

«Sur le transport par câble, les candidats d’EuropeEcologie ne sont pas encore descendus de la mon-

tagne. » Isabelle Loirat, élue MoDem, a continué dese battre pendant la campagne des régionales. Elleveut du transport par câble à Nantes. Il y a deuxans, les centristes avaient fait irruption dans la cam-pagne des municipales en lançant l’idée d’un télé-phérique pour relier la butte de Chantenay au boutde l’île de Nantes. Ils n’ontpas remporté la mairie mais,depuis, leur projet n’est plusignoré. Le maire PS, Jean-Marc Ayrault, a demandé àces opposants un peubruyants de venir lui parlerde leur projet dans son bureau. Il n’a pas rejeté l’idée.Nantes étudie la possibilité d’avoir recours à la tech-nologie du « transport par câble ». Le directeur destransports de Nantes Métropole remettra son rap-port avant l’été. Pour Isabelle Loirat, l’objectif est précis : « Nous pro-posons d’utiliser le transport par câble pour désenclaverl’île de Nantes. Qu’en ligne droite un tramway aériende 3,5 à 4 km parte de la ligne de tramway n° 1 sur larive droite de la Loire, desserve l’extrémité de l’île deNantes, puis poursuive son chemin en ligne droite jusqu’à

la ligne de tramway n° 3 sur la rive gauche. » Un pro-jet d’autant plus crédible selon elle que l’île de Nantesest un quartier en plein développement, amené à sedensifier fortement. Il est désigné pour devenir lecentre de la ville dans les vingt ans. Depuis dix ansdéjà, le plan de déplacement urbain prévoit d’y ins-taller un nouvel « axe de transport public lourd ».Alors que, pour le moment, les responsables de la

ville n’évoquent qu’à contre-cœur tout investissementlourd pour cause de tour devis financier, Isabelle Loiratmet plus que jamais enavant les économies envisa-geables grâce au transport

par câble. « Le coût de notre ligne ? 20 millions d’eurosen tout, moins qu’un kilomètre de tramway ! » Ce tram-way aérien résoudrait une autre question lancinante,souvent posée à l’ouest de la ville : celle de nouveauxponts. L’un d’eux est envisagé au bout de l’île deNantes pour permettre à la future ligne 5 de passerrive droite. On imagine même le tramway jouer leslivreurs dès potron-minet. C’est sur l’île de Nantesque la SNCF possède sa gare de fret régionale. C’està partir d’elle que les spécialistes de logistique conti-nuent de penser à approvisionner la ville en mar-

A LA UNE

28 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

Pour le moment, les responsablesde la ville n’évoquent qu’à contre-

cœur tout investissement lourdpour cause de tour de vis financier

©S

tep

han

Men

ore

t/V

ille d

e N

an

tes

Le câble relierait la butte Sainte-Anne à l’île de Nantes. Ici, quai du Marquis

d’Aiguillon, la butte Sainte-Anne (Chantenay),l’église et le musée Jules Verne.

Des cabines

par-dessus la Loire

plutôt qu’un nouveau

pont. Nantes étudie

la question,

poussée par ses élus

d’opposition.

Un téléphérique pour desservir l’île de Nan

Page 10: Dossier « câble aérien

La percée du tramway aérien

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 ! 29

chandises à l’aide de, pourquoi pas ? trams-cargos.Pour Isabelle Loirat, le tramway aérien peut très bien,lui aussi, être utilisé au transport de fret. La nuit, parexemple. Mais l’essentiel de son projet de tramwayaérien est destiné aux voyageurs. « Construire un pontcoûterait de toutes façons beaucoup plus cher. Quant à es-pérer y faire passer un tramway, alors qu’il devrait aussilaisser passer les bateaux en dessous, autant l’oubliertout de suite. Trop de pente pour un tramway sur le pontet même avant », conclut Isabelle Loirat.Son idée n’est pas cependant de trancher les pro-blèmes techniques. « C’est aux services de la ville de lefaire. La seule chose que je veux, c’est que l’hypothèse dutransport par câble soit examinée. La Loti exige quetoutes les possibilités techniques soient envisagées quandon décide d’un nouveau moyen de transport. » En op-posante convaincue au maire socialiste de Nantes,elle suggère que le raccordement des deux lignesde tramway 1 et 2, au nord de la ville, par un nou-veau barreau de tramway passant au-dessus d’une ri-vière, dès l’an prochain, « aurait pu être fait à moindrecoût en transport par câble ». Dans les bureaux deNantes Métropole, on n’en est pas du tout sûr. EricChevalier, directeur des transports, fait la tournéedes constructeurs européens du transport par câble.Une mission exploratoire au terme de laquelle il dé-terminera si la technologie peut s’appliquer à Nantes.« Les fabricants insistent sur les stricts critères de perti-nence de leur technologie. Ils ne la considèrent perfor-mante que pour résoudre un problème insoluble pourles autres : le franchissement d’une rivière, d’une val-lée, de grosses infrastructures préexistantes comme desautoroutes ou un urbanisme sans espace au sol. Ou en-core en cas de rabattement compliqué entre une sourcede flux importants comme une université et une lignede transport. Encore faut-il que ce rabattement se fasseen ligne droite. Du cabotage entre plusieurs stations avecl’obligation de faire changer les câbles de direction aug-mente de beaucoup le coût global », explique Eric Che-valier.En cours de discussion, Eric Chevalier soumet lecas de Nantes aux constructeurs. La Loire, ses af-fluents constituent des obstacles objectifs. Mais lamise en place d’un transport par télécabines doittoujours être soigneusement comparée avec lesavantages de la construction d’un pont. Il faut aussique les utilisateurs potentiels du transport par câbleacceptent de voyager « suspendus à un fil ». Un ponttransbordeur a fonctionné à Nantes de 1903 à 1955.Il amenait les ouvriers des chantiers navals sur l’îlede Nantes chaque matin, les ramenait le soir. Cer-tains rêvent même de le ressusciter.

Hubert HEULOT

> Grasse a dû revoir sa copie

Plus touristique qu’un funiculaire, un téléphérique qui avait la préférence des Gras-sois a été jugé trop difficile à intégrer dans la « capitale » du parfum. Fin 2008, à l’is-sue de la première concertation préalable pour son projet de TCSP, le syndicatmixte des transports Sillages a donc opté pour un « funi » afin de relier sa gareexcentrée au centre-ville. 110 m de dénivelé et une distance de 570 m. Mais malgréla relative « simplicité » d’un tel projet, prônée par les défenseurs du transportpar câble, comme dans tout bon projet de TCSP, il y a des aléas. Ainsi, le projetprésenté il y a un an et qui a reçu une aide de l’Etat de 5,5 millions d’euros dans lecadre de l’appel à projets du Grenelle de l’environnement a-t-il déjà évolué. Il com-prenait une section de 350 m en tunnel. Or les sondages du sous-sol ont mis en évi-dence la présence de nappes d’eau, des contraintes entraînant des conséquencesimportantes sur le planning et les coûts.Un nouveau projet au sol avec viaduc a donc été soumis à la concertation en janvieret février derniers. Il serait moins coûteux (40 millions d’euros au lieu de 53) etapparaît selon Sillages comme « la seule solution viable pour le projet », qui comprendtoujours deux stations intermédiaires. Circulant sur voie unique, le funiculaire en-visagé aura une capacité de 60 personnes et circulera toutes les 4 à 5 minutes de6h à 23h, soit un débit maximal de 900 personnes par heure et par sens. La mon-tée devra prendre de 4 à 5 minutes. Egalement aidé par l’Etat à hauteur de900 000 euros parce qu’il permet de créer un pôle d’échanges avec les bus prèsde la gare, le projet est qualifié d’« irrévocable » par le président du syndicat destransports, François Reyne. Le calendrier a toutefois pris un an de retard, au basmot. L’AO espère obtenir la DUP en fin d’année pour lancer les travaux en 2011 etmettre en service mi-2013. Elle prévoit tout de même pas loin de trois ans de chan-tier. Les offres de conception-réalisation des industriels sont attendues jusqu’au23 avril pour une décision prévue en juillet. Et l’intégration paysagère du viaducrisque de ne pas être une mince affaire dans cette zone classée. François Reynel’avouait d’ailleurs au quotidien Nice-Matin le 4 février : « On attend un beau geste ar-chitectural et ce sera un vrai challenge. » C. N.

Un funiculaire va relier la gare excentrée au centre-ville

à la mi-2013. Un premier projet avait échoué en raison

de contraintes géologiques.

AR

CH

IVE

S P

HO

TO

RA

IL -

LA

VIE

DU

RA

IL

L’ancien funiculaire de Grasse a fonctionné

de 1909 à 1938.

tes ?

Page 11: Dossier « câble aérien

A LA UNE

New York (Etats-Unis)Un téléphérique baptisé « The Tram » relie RooseveltIsland, une île de l’East River, et Manhattan depuis1976 sur une distance de 1 km. Il était question dele démonter. Ses utilisateurs ont protesté, l’alternativeprévoyant du métro, du bus ou des parkings payantsà Manhattan. Le « Tram » est donc en rénovation, etc’est Poma qui prépare le nouveau système de trans-port qui sera inauguré à la fin de l’année 2010. Danssa nouvelle version, l’an prochain, il annonce 1 500personnes transportées par heure, dans deux cabinesde 100 passagers chacune, fonctionnant indépen-damment l’une de l’autre.

Portland (Etats-Unis) Pour éviter de traverser plus avant la ville en voitureet de s’agglomérer sur les parkings au pied d’unetour où est installée la faculté de médecine, un télé-

phérique en va-et-vient a été installé à Portland. Ilrelie un parking et la faculté de médecine dans sapartie la plus haute, aux environs du 50e étage.

Medellin (Colombie)Rio (Brésil)Six lignes de « métrocâble » doivent monter peu àpeu sur les collines autour de la ville. Mais aupara-vant, elles desservent des quartiers populeux etdenses. La première ligne date de 2004. Elle est bran-chée sur le métro. 20 pylônes sur 2 km, 2 stations in-termédiaires, 90 cabines y emportent 2 820 per-

sonnes par heure. La deuxième ligne, ouverte en2007, connectée elle aussi au métro, est longue deprès de 3 km. Ce sont des cabines de 10 places. Ellesemmènent 3 000 personnes à l’heure. La dernièreligne vient d’entrer en service au début de l’année.C’est une ligne de loisirs. Elle prolonge la premièreligne. Elle rejoint le parc Arvi, en hauteur, sur 4,6 kmà partir du terminus de la première ligne. Des ca-bines de 10 places y acheminent 1 200 personnes àl’heure. C’est ce modèle du métrocâble de Medellin qui adonné l’idée à Rio de Janeiro, au Brésil, de s’équiperaussi. Une première ligne de 3 km, dotée de 6 gares,y est en construction à partir du cœur de Rio.

Caracas (Venezuela)A Caracas, deux sections de lignes de télécabinesdotées chacune d’une station intermédiaire font letour d’une colline où vivent 40 000 habitants. Lesdeux lignes fonctionnent séparément. La premièremesure 1,6 km sur 109 m de dénivelée et comportesix pylônes. Elle fait circuler 28 cabines qui partenttoutes les 24 secondes. La deuxième, sur 686 m seu-lement, utilise 22 cabines et a nécessité la construc-tion de deux pylônes. Chaque station opère un chan-gement de direction de 70 à 75°. Les terminus setrouvent à une station de métro d’un côté et

30 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

Les télécabines

urbaines se multiplient

dans le monde, elles font

leur come-back dans

les transports publics

urbains. Le plus souvent,

elles s’imposent

dans des villes étouffant

sous la circulation

ou à habitat trop

dense, ou encore

à la topographie

accidentée. Panorama.

MARCHÉ MONDIAL Le come-back du

SP

DO

PP

EL

MA

YR

Une troisième ligne vient d’êtremise en service à Medellin.

A Caracas, les télécabinespermettent le désenclavement

d’un quartier de 40 000 habitants(à droite).

Page 12: Dossier « câble aérien

sur un nœud de circulation de l’autre.

Alger, Oran, Blida, Annaba,Constantine, Skikda, Tlemcen(Algérie) Après les années 1950 où le téléphérique y avait faitson apparition, l’Algérie mise à nouveau sur le trans-port par câble pour faire face à une congestion au-tomobile croissante, en complément de tous lesautres modes – bus, tramway, métro, train. A Alger,trois nouvelles lignes sont en construction. Elles doi-vent démarrer ce printemps, équipées de cabines de15 places, débrayables. Les quatre anciennes lignes,dont la première vient d’être relancée avec des ca-bines de 35 personnes chacune et au rythme de1 200 passagers/heure, sont en passe d’être rénovéesen profondeur. Comme vont l’être aussi celle deBlida, une des plus longues au monde avec 8 km,

celles d’Oran, où le réseau date d’une vingtaine d’an-nées, et celle d’Annaba. Trois autres villes algériennes, particulièrement es-carpées par endroits, viennent de bénéficier de sys-tèmes de télécabines neufs : Constantine, Skikda etTlemcen. A Constantine, 750 000 habitants, depuis sa miseen service en 2008, la ligne de transport par câble faitun tabac. L’une des lignes transporte jusqu’à 24 000personnes par jour entre 6h et 23h. La ligne mesure1,5 km sur un dénivelée de 147 m et comporte troisstations particulièrement bien intégrées à l’architec-ture locale. Elle a nécessité l’installation de dix py-lônes. Elle utilise 40 cabines de 15 places chacune,parées de panneaux photovoltaïques, qui circulent àla vitesse de 6 m/seconde. Branchée sur le réseau detransport terrestre, elle relie des quartiers résiden-tiels du centre-ville et une zone industrielle. Le re-

La percée du tramway aérien

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 ! 31

téléphérique

L’Algérie multiplie les projets de téléphériques. Ici, à Constantine,la ligne de transport par câblefait un tabac.

DO

PP

EL

MA

YR

Page 13: Dossier « câble aérien

A LA UNE

cours au transport par câble s’explique par le peude place disponible au sol mais aussi du fait du fa-meux canyon de Constantine. Le téléphérique faitle lien entre le tramway et la gare en passant par-dessus le canyon. L’alternative aurait été de passer lepont en deux fois deux voies.A Skikda, 189 000 habitants, et Tlemcen, 179 000habitants, les télécabines, là aussi de 15 places, dé-brayables, emportent entre 1 500 et 2 000 personnespar heure. L’Algérie annonce une dizaine d’autresprojets du même genre.

Taïpeh (Taïwan) Un système de télécabines relie une station de métroet les collines du quartier de Mucha, à Maokong, oùles Taïpéens aiment aller respirer et boire le thé loin

Bien qu’un téléphérique soit un transport par câble, la réglementationfrançaise opère un distinguo entre les matériels de montagne, ap-pelés « remontées mécaniques », et le même type de matériel maisinstallé en milieu urbain ou périurbain. Conséquence : « sauf excep-tion, les transports aériens par câble seront traités en tant que transportsguidés », explique Hervé Petit, responsable de la division téléphé-riques au service technique des remontées mécaniques et des trans-ports guidés (STRMTG). Les éventuels futurs projets des autoritésorganisatrices de transport urbain (Aotu) devront donc répondre auxexigences de sécurité du décret n° 425 du 9 mai 2003 (relatif à la sé-curité des transports publics guidés), mais aussi à l’arrêté du 23 maiet à la circulaire du 9 décembre de la même année. Comme dans n’importe quel projet de TCSP, les intervenants dans unprojet de transport par câble seront donc les habituels maîtres,maîtres d’œuvre, constructeurs, exploitants, ainsi qu’un expert ouorganisme qualifié agréé (Oeqa). « Choisi parmi les experts agréés enremontées mécaniques, cet Oeqa doit impérativement être indépen-dant de tous les autres intervenants », rappelle Hervé Petit. Sa mis-sion ? un rôle de contrôleur : il vérifie que les dispositions techniquessont conformes à la réglementation, se charge de la réception desinstallations, des essais, puis atteste de l’aptitude à rendre le serviceen toute sécurité. Un détail à ne pas oublier : s’il n’y a pas d’expropriations à prévoirpour un transport aérien, il faudra tout de même acquérir les droits

de passage tout au long de la ligne. En effet, il est indispensable depouvoir accéder aux installations depuis le sol en cas d’évacuationdes passagers, à moins qu’une installation lourde de secours soitprévue (un 2e téléphérique par exemple). Dans l’hypothèse du survold’un immeuble, cette servitude d’accès s’appliquera aussi. « Il faudrapouvoir évacuer les passagers par le toit de l’immeuble par exemple… oubien trouver une solution évitant l’immeuble », imagine le responsabledu STRMTG. Actuellement, les préfets s’appuient sur les divers bureaux de contrôledes remontées mécaniques et des transports guidés, mais une fusiondes services en une seule entité, qui permettra de gagner en effica-cité, est prévue avec le STRMTG en 2011. Mais cette lourde procé-dure porte ses fruits : « Au même niveau que l’aérien, le transport parcâble est le plus sûr au monde en nombre de personnes transportées parkilomètre et par an », assure Hervé Petit. Même s’il y a de temps entemps un drame, toujours très médiatisé – comme en 1999, celui duplateau de Bure qui avait fait 20 morts –, le responsable est formel :« On dénombre en moyenne un mort et vingt blessés graves tous les dixans dans les remontées mécaniques. » Et pour ceux qui imaginent quele trafic est faible, erreur ! Il est de l’ordre de 700 millions de per-sonnes par an. Et lors d’une grosse journée, par exemple pendantles vacances de février, le nombre de passages sur les remontéesmécaniques françaises peut atteindre 7 millions, presque autant quede clients sur les lignes de la RATP ! C. N.

Deux ans de procédure et trois dossiers sécurité La procédure d’autorisation sera fondée sur trois dossiers successifs, les deux premiers étant indispensables pour pouvoir lancer les travaux.D’abord, le dossier de définition de sécurité (DDS), qui « présente les caractéristiques techniques principales, les dangers de toute nature et lesmesures envisagées pour y faire face, explicite Hervé Petit, responsable de la division téléphérique au STRMTG. Il prévoit aussi les normes de qua-lité à mettre en œuvre durant la conception et la réalisation. » L’instruction du DDS n’excède pas cinq mois. Ensuite, le dossier préliminaire de sé-curité (DPS), phase clé du contrôle. Il devra prouver que « les dispositions fonctionnelles, techniques, d’exploitation et de maintenance prévues, ainsique le programme d’essais et tests permettent d’atteindre les objectifs de sécurité tout au long de la durée de vie du système. » Enfin, le dossier desécurité (DS) parachève la procédure d’autorisation à l’issue de laquelle le préfet pourra délivrer un avis favorable, par le biais d’un décret d’au-torisation d’exploiter. Ce DS pourra être mené en même temps que les travaux et reprendra les prescriptions du DPS en démontrant qu’ellessont satisfaites. Si bien qu’au total il faudra compter environ deux ans pour mettre en œuvre le nouveau transport par câble.

> On ne plaisante pas avec la sécuritéP

OM

A

1 000 personnes par heure peuvent êtretransportées en télécabine de la ville de Nha Trang (Vietnam) à l’île de Hon Tre.

32 ! Ville Rail & Transports - 24/03/2010

Page 14: Dossier « câble aérien

La percée du tramway aérien

Ville Rail & Transports - 24/03/2010 ! 33

CONSTRUCTEURS Une offre sur mesureEn France,

le Service technique

des remontées

mécaniques

et des transports

guidés encadre

les nombreux

systèmes de transport

par câble.

Trois constructeurs

européens se

partagent le marché.

Les transports par câble se caractérisent par leurcôté « sur mesure » du fait que des éléments

aussi fondamentaux que la longueur du câble, l’in-clinaison des véhicules, mais aussi les installationsfixes (voies et croisements pour les funiculaires, py-lônes pour les transports suspendus) sont fonction dela topographie le long de l’itinéraire. Le débit attenduinfluence également le dimensionnement des gares etdu nombre de véhicules. Du moins sur le marché français, les différents sys-tèmes proposés par les constructeurs doivent entrerdans une des catégories de la classification définiepar le STRMTG (Service technique des remontéesmécaniques et des transports guidés). Hormis les té-

léskis (qui ne se prêtent pas vraiment au transportpublic) et la crémaillère (mode ferroviaire qui ne faitpas appel aux câbles), les remontées mécaniquescomprennent les téléphériques (aériens), les funicu-laires (généralement sur rails) et les « appareils par-ticuliers » que sont les ascenseurs inclinés (en libreaccès) et le seul pont transbordeur à subsister enFrance.

Parmi les téléphériques, il convient de distinguer : "Le télésiège, monocâble à mouvement unidirec-tionnel continu, à pince fixe (TSF) ou à attaches dé-brayables (TSD). Son débit est de 2 400 per-

de la pollution urbaine. Le système est organisé encinq tronçons – donc, quatre gares intermédiaires.Il fait circuler 145 cabines en aluminium de 8 placeschacune, sur 4 km, et transporte 2 400 per-sonnes/heure à 21 km/h en moyenne. 47 piliers ontété érigés. L’une de ses originalités est d’avoir prévudeux directions successives : l’une à 15°, l’autre à80°.

Nha Trang (Vietnam)Sur la côte est du Vietnam, une télécabine relie laville à une île hôtel baptisée Hon Tre. L’installation estspectaculaire avec neuf pylônes sur plus de 3 km,dont six en mer qui atteignent jusqu’à 70 m de hau-teur pour laisser passer les cargos. Les pylônes sonteux-mêmes fixés à des plateformes offshore hautes de

près de 60 m et la portée entre pylônes est de 450 men moyenne. 47 cabines de 8 places chacune peu-vent transporter 1 000 personnes par heure.

Singapour Le système de télécabines de Singapour relie Mont-Faber sur l’île principale de Singapour à l’île Sen-tosa, en passant au-dessus du port de Keppel. Ouverten 1974, il a été le premier système de câbles aé-riens dans le monde à passer au-dessus d’un port. Lesystème est composé de 81 cabines pour 6 passagers suspendues à 60 m au-dessus de la mer.Une cabine part toutes les 15 à 21 secondes. Le système transporte jusqu’à 1 400 passagers àl’heure.

Hubert HEULOT

LEITNERSaragosse en Espagne.

LE

ITN

ER

Page 15: Dossier « câble aérien

sonnes/heure pour le TSF, mais peut atteindre 3 200à 4 500 p/h pour le TSD. Cet appareil, où les per-sonnes sont transportées à l’air libre, est essentielle-ment destiné au tourisme (ski).

! La télécabine, à mouvement unidirectionnelcontinu, monocâble (TCD) ou bicâble. De fait, leTCD n’est autre qu’un TSD fermé ! Quant à la so-lution bicâble (câble porteur et câble tracteur, ce der-nier étant débrayable), elle permet des portées plusélevées. Débit : 3 000 p/h (TCD) à 3 700 p/h (ca-bines de 30 personnes).

! Le Funitel est rare en France. Comme le télé-phérique monocâble, son mouvement unidirec-tionnel est continu, mais il fait appel à deux câbles

porteurs-tracteurs. Ses performances et son prix sontcomparables à la télécabine bicâble débrayable.

!Le téléphérique à va-et-vient fonctionne commeun funiculaire dont les rails sont un ou deux câbles.Comme l’installation ne possède que les deux ca-bines se croisant à mi-parcours, la fréquence du ser-vice est faible, mais ces cabines peuvent être degrande capacité. L’un dans l’autre, le débit maximalest de 2 000 p/h.

!Monocâble ou bicâble, le téléphérique pulsé està mouvement unidirectionnel discontinu, c’est-à-dire que les cabines ou sièges sont regroupés en cha-pelets desservant les gares au même moment. Débit : 1 000 p/h. P.L.

> Les constructeurs

Doppelmayr/Garaventa ! Télésièges à pince fixe! Télécabines débrayables! Télécombis (sièges et ca-bines)! Téléphériques pulsés! Funitel! Téléphériques à va-et-vient! Funiculaires! Cable Liner Shuttle(people mover funiculaire,tel l’Air Rail Link de l’aéro-port de Birmingham qui aremplacé en 2003 le Magleven service de 1984 à 1995)

Poma! Télécabines Ariana (Me-dellin, Quito)! Télécabines haut débitMultix (Taïpeh, Nha Trang)! Funiculaires! APM (people mover funi-culaire sur coussin d’air, telle Skymetro de l’aéroport deZurich, 2002)

Leitner! Télécabines! Téléphériques débraya-bles bicâble (jusqu’à 16 per-sonnes) ou débrayables tri-câble (deux câbles porteurs,jusqu’à 35 personnes)! Télécabines débrayables(jusqu’à 100 personnes avec1 câble porteur, jusqu’à 200personnes avec 2 câblesporteurs)! Ascenseurs inclinés (jus-qu’à 40 personnes)! MiniMetro (sur rails, à va-et-vient ou débrayables)! Funiculaires

POMALe funiculaire de Porto.

Au fur et à mesure des fusions et ra-chats, il reste aujourd’hui sur le mar-ché européen deux groupes deconstructeurs de transport par câble :l’italien Leitner, dont le propriétaire arepris le français Poma en 2000, et legroupe austro-suisse Doppel-mayr/Garaventa. Le français Skirail estdevenu une filiale de Poma, alors que letransport hectométrique SK de Soulé(usine de Bagnères-de-Bigorre, reprisepar CFD), auquel on prédisait un grandavenir dans les années 1990 (parkings,centres d’activités, gares parisiennes…),ne s’est pas remis de l’échec de la des-serte de l’aéroport de Roissy CDG, il y adix ans. "

DOPPELMAYRTransport par câble de SanAugustin à côté de Caracas auVenezuela (en haut à droite).

DO

PP

EL

MA

YR

A LA UNE

PO

MA

34 # Ville Rail & Transports - 24/03/2010