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Donn6es quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong, Dugong dugon (Miiller) (Sirenia, Dugongidae) . VIVIAN DE BUFFR~NIL ~ ~ u i ~ e de recherche Formations squelettiques, Unitd associde au Centre national de la recherche scientifigue n O 04 1137. Musdum national d'histoire naturelle, Laboratoire d hnatomie compart!e, 55, rue de Buflon, 75005 Paris, France DAMIEN SCHOEVAERT Laboratoire d'embryologie, cytologic et cytoghdtique, Centre Hospitalo-Universitaire du Kremlin-Bidtre, 78, avenue du Geizeial Leclerc, 94270 le Kremlin-Bidtre, France Rep le 21 juillet 1988 DE BUFFRBNIL, V., et SCHOEVAERT, D. 1989. Donnkes quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong, Dugong dugon (Muller) (Sirenia, Dugongidae). Can. J. Zool. 67 : 2107 - 2 1 19. La pachyostose du dugong consiste en une hyperostose des corticales et en un accroissement de la densitk des 0s. Cette dernikre est produite par l'augmentation simultanke de la compacitk et de la minkralisation du tissu osseux. Cette particularitk structurale est circonscrite aux rkgions ckphalique et thoracique et semble associke a la position qu'occupent les os dans le squelette. L'klkvation de la compacitk osseuse est due 5 l'affaiblissement de la rksorption ostkoclasique ainsi qu'a la compaci- fication de la rkgion mkdullaire par des dkp6ts endostkaux centripktes. Les dkterminismes endocriniens possibles de ces processus sont discutks, de m6me que la valeur adaptative kventuelle de la pachyostose. DE BUFFRBNIL, V., and SCHOEVAERT, D. 1989. Donnkes quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong, Dugong dugon (Muller) (Sirenia, Dugongidae) . Can. J . Zool. 67: 2 107 - 2 119. The pachyostosis of the dugong skeleton is characterized by hyperostosis of periosteal cortices and increased bone density. The latter is due to greater compactness and mineralization of bone tissue. These structural peculiarities occur only in the cephalic and thoracic regions, and seem to be associated with the location of the bones in the skeleton. The increase in bone compactness is due mainly to a decrease in osteoclastic bone resorption and to endosteal deposits which close the cavities of the medullary region. The possible endocrine controls regulating these processes are discussed, as well as the possible adaptive value of pachyostosis. Introduction Certains os des SirCniens (lamantins et dugongs) diffkrent de ceux des autres mammifkres, qu'ils soient terrestres ou marins, par leur volume relatif plus important (cbtes), l'extfime com- pacitC de leur structure interne, leur densit6 ClevCe, et par l'absence de cavitC mCdullaire libre (von Nopcsa et Heidsieck 1934; Fawcett 1942). Ces caractkres sont, en outre, associCs i la persistance de restes plus ou moins abondants de cartilage calcifiC au centre des rCgions mktaphysaire et diaphysaire, jusqu'i un stade avancC de I'ontogCnkse (Fawcett 1942; Lacroix 1949; de Ricqlks 1977, 1979, 1986). De telles particularitCs structurales ne sont pas spkcifiques aux Sirhiens. Elles apparaissent aussi chez plusieurs ordres fossiles de reptiles marins (von Nopcsa 1923; von Nopcsa et Heidsieck 1934; de Ricqlks 1975, 1976, 1986), ce qui suggkre que l'accroissement de la densit6 osseuse est un caractkre mor- phologique frkquent, bien qu'il ne soit pas gCnCral (Felts et Spurrell 1965), chez les tCtrapodes secondairement adaptCs i la vie aquatique. Dans I'humCrus et les c6tes du lamantin, Trichechus manatus, la forte compacitC du tissu osseux ainsi que la persistance du cartilage calcifiC sont dCji manifestes aux stades prkcoces de la croissance foetale du squelette. Elles semblent dues i la fois i l'absence d'un remaniement intensif des formations d'os endostCo-enchondral et i I'accrCtion hypertrophique de corticales qui demeurent peu remaniCes dans la suite de I'ontogCnkse (Fawcett 1942; Gebhardt 1901). La forte similitude de ces caractkres structuraux avec la pachyostose pathologique des mammifkres terrestres a conduit i la proposition gCnCrale que le squelette des SirCniens est pachyostosC et que cet Ctat reflkte une cause systkmique de nature hormonale : l'hypothyro'idisme (Sickenberg 1931; Fawcett 1942; Kaiser 1965, 1970, 1974; Husar 1975, Marsh et al. 1978; de Ricqlks 1986). Plusieurs observations d'ordres anatomique, physiologique et comportemental renforcent cette opinion : la glande thyroide, chez le lamantin de Floride et le dugong, montre en effet une prolifkration inhabituelle du tissu interstitiel au dCtriment des formations folliculaires (Fawcett 1942; Cave et Aumonier 1967); ces animaux ont un taux mCta- bolique faible (Scholander et Irving 1941 ; Best 1983; Irvine 1983), une capacitC thermogCnCtique limitCe (Gallivan et al. 1983) et un comportement relativement peu actif (Husar 1975; Marsh et al. 1978). Cependant, les donnCes morphologiques de base permettant de considCrer que le squelette des SirCniens dans son ensemble est atteint par un processus de pachyostose se limitent i un nombre t&s rCduit d'observations histologiques de premikre main. Celles-ci concement essentiellement quelques fragments de c8tes fossiles ou actuelles (Gebhardt 1901 ; Lefeuvre 1909; von Nopcsa et Heidsieck 1934; Fawcett 1942; Sokolov 1986), ainsi que I'humCrus de deux foetus et de deux adultes de Trichechus manatus (Fawcett 1942). Cette documentation res- treinte ne permet pas de distinguer un Ctat gCnCralisC du squelette dQ i une cause systCmique d'une particularitk locale Cventuellement like i une conformation adaptative de l'appa- reil squelettique. Le but de la prksente Ctude est de complkter la documenta- tion sur le processus d'accroissement de la densit6 osscmse chez le dugong par (i) la quantification, en de multiples rCgions du squelette, de la compacitk, de la minkralisation et de la densit6 des os, et (ii) la description des mCcanismes histo- geniques dont rksultent les fortes densitCs osseuses mises en Cvidence dans cette espkce. L'examen pondCral et volumC- trique du squelette de Dugong dugon n'est pas abordC ici et fera l'objet d'un travail ultCrieur. Printed in Canada I Imprim6 au Canada Can. J. Zool. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by HARVARD UNIVERSITY on 06/23/14 For personal use only.

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Page 1: Données quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong,               Dugong dugon               (Müller) (Sirenia, Dugongidae)

Donn6es quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong, Dugong dugon (Miiller) (Sirenia, Dugongidae) .

VIVIAN DE BUFFR~NIL ~ ~ u i ~ e de recherche Formations squelettiques, Unitd associde au Centre national de la recherche scientifigue n O 04 1137.

Musdum national d'histoire naturelle, Laboratoire d hnatomie compart!e, 55, rue de Buflon, 75005 Paris, France

DAMIEN SCHOEVAERT Laboratoire d'embryologie, cytologic et cytoghdtique, Centre Hospitalo-Universitaire du Kremlin-Bidtre,

78, avenue du Geizeial Leclerc, 94270 le Kremlin-Bidtre, France

R e p le 21 juillet 1988

DE BUFFRBNIL, V., et SCHOEVAERT, D. 1989. Donnkes quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong, Dugong dugon (Muller) (Sirenia, Dugongidae). Can. J. Zool. 67 : 2107 - 2 1 19.

La pachyostose du dugong consiste en une hyperostose des corticales et en un accroissement de la densitk des 0s. Cette dernikre est produite par l'augmentation simultanke de la compacitk et de la minkralisation du tissu osseux. Cette particularitk structurale est circonscrite aux rkgions ckphalique et thoracique et semble associke a la position qu'occupent les os dans le squelette. L'klkvation de la compacitk osseuse est due 5 l'affaiblissement de la rksorption ostkoclasique ainsi qu'a la compaci- fication de la rkgion mkdullaire par des dkp6ts endostkaux centripktes. Les dkterminismes endocriniens possibles de ces processus sont discutks, de m6me que la valeur adaptative kventuelle de la pachyostose.

DE BUFFRBNIL, V., and SCHOEVAERT, D. 1989. Donnkes quantitatives et observations histologiques sur la pachyostose du squelette du dugong, Dugong dugon (Muller) (Sirenia, Dugongidae) . Can. J . Zool. 67: 2 107 - 2 1 19.

The pachyostosis of the dugong skeleton is characterized by hyperostosis of periosteal cortices and increased bone density. The latter is due to greater compactness and mineralization of bone tissue. These structural peculiarities occur only in the cephalic and thoracic regions, and seem to be associated with the location of the bones in the skeleton. The increase in bone compactness is due mainly to a decrease in osteoclastic bone resorption and to endosteal deposits which close the cavities of the medullary region. The possible endocrine controls regulating these processes are discussed, as well as the possible adaptive value of pachyostosis.

Introduction Certains os des SirCniens (lamantins et dugongs) diffkrent de

ceux des autres mammifkres, qu'ils soient terrestres ou marins, par leur volume relatif plus important (cbtes), l'extfime com- pacitC de leur structure interne, leur densit6 ClevCe, et par l'absence de cavitC mCdullaire libre (von Nopcsa et Heidsieck 1934; Fawcett 1942). Ces caractkres sont, en outre, associCs i la persistance de restes plus ou moins abondants de cartilage calcifiC au centre des rCgions mktaphysaire et diaphysaire, jusqu'i un stade avancC de I'ontogCnkse (Fawcett 1942; Lacroix 1949; de Ricqlks 1977, 1979, 1986).

De telles particularitCs structurales ne sont pas spkcifiques aux Sirhiens. Elles apparaissent aussi chez plusieurs ordres fossiles de reptiles marins (von Nopcsa 1923; von Nopcsa et Heidsieck 1934; de Ricqlks 1975, 1976, 1986), ce qui suggkre que l'accroissement de la densit6 osseuse est un caractkre mor- phologique frkquent, bien qu'il ne soit pas gCnCral (Felts et Spurrell 1965), chez les tCtrapodes secondairement adaptCs i la vie aquatique. Dans I'humCrus et les c6tes du lamantin, Trichechus manatus, la forte compacitC du tissu osseux ainsi que la persistance du cartilage calcifiC sont dCji manifestes aux stades prkcoces de la croissance foetale du squelette. Elles semblent dues i la fois i l'absence d'un remaniement intensif des formations d'os endostCo-enchondral et i I'accrCtion hypertrophique de corticales qui demeurent peu remaniCes dans la suite de I'ontogCnkse (Fawcett 1942; Gebhardt 1901).

La forte similitude de ces caractkres structuraux avec la pachyostose pathologique des mammifkres terrestres a conduit i la proposition gCnCrale que le squelette des SirCniens est pachyostosC et que cet Ctat reflkte une cause systkmique de nature hormonale : l'hypothyro'idisme (Sickenberg 1931; Fawcett 1942; Kaiser 1965, 1970, 1974; Husar 1975, Marsh

et al. 1978; de Ricqlks 1986). Plusieurs observations d'ordres anatomique, physiologique et comportemental renforcent cette opinion : la glande thyroide, chez le lamantin de Floride et le dugong, montre en effet une prolifkration inhabituelle du tissu interstitiel au dCtriment des formations folliculaires (Fawcett 1942; Cave et Aumonier 1967); ces animaux ont un taux mCta- bolique faible (Scholander et Irving 194 1 ; Best 1983; Irvine 1983), une capacitC thermogCnCtique limitCe (Gallivan et al. 1983) et un comportement relativement peu actif (Husar 1975; Marsh et al. 1978).

Cependant, les donnCes morphologiques de base permettant de considCrer que le squelette des SirCniens dans son ensemble est atteint par un processus de pachyostose se limitent i un nombre t&s rCduit d'observations histologiques de premikre main. Celles-ci concement essentiellement quelques fragments de c8tes fossiles ou actuelles (Gebhardt 1901 ; Lefeuvre 1909; von Nopcsa et Heidsieck 1934; Fawcett 1942; Sokolov 1986), ainsi que I'humCrus de deux foetus et de deux adultes de Trichechus manatus (Fawcett 1942). Cette documentation res- treinte ne permet pas de distinguer un Ctat gCnCralisC du squelette dQ i une cause systCmique d'une particularitk locale Cventuellement like i une conformation adaptative de l'appa- reil squelettique.

Le but de la prksente Ctude est de complkter la documenta- tion sur le processus d'accroissement de la densit6 osscmse chez le dugong par (i) la quantification, en de multiples rCgions du squelette, de la compacitk, de la minkralisation et de la densit6 des os, et (ii) la description des mCcanismes histo- geniques dont rksultent les fortes densitCs osseuses mises en Cvidence dans cette espkce. L'examen pondCral et volumC- trique du squelette de Dugong dugon n'est pas abordC ici et fera l'objet d'un travail ultCrieur.

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TABLEAU 1. Valeurs absolues de la densitk (D, en mg/mm3), de la rninkralisation (M, en %) et de la compacitk de structure (C, en %) dans l'ensemble de l'kchantillon biologique

Dugongn01981-152 DugongnO 1981-06 Dugongn01981-153

D M C D M C D M C

1. Exoccipital 2. Jugal 3. Mandibule

4. Omoplate 5. Humkrus 6. Radius 7. Ulna 8. Mktacarpe 9. Phalange

10. CBte no 1 11. CBte no 3 12. CBte no 6 13. CBte no 9 14. CBte no 12 15. CBte no 15 16. CBte no 18 17. Sternum

Vertkbres 18. Dors. 4 cent. 19. Dors. 4 apo. 20. Dors. 10 cent. 21. Dors. 10 apo. 22. Dors. 16 cent. 23. Dors. 16 apo.

24. Lomb. 2 cent. 25. Lomb. 2 apo.

26. Caud. 2 cent. 27. Caud. 2 apo. 28. Caud. 8 cent. 29. Caud. 8 apo. 30. Caud. 14 cent. 3 1. Caud. 14 apo.

NOTA: Dors., dorsale; lomb., lombaire; caud., caudale; cent., centrum; apo., neurapophyse.

FIG. 1. Localisation et orientation des prklkvements osseux dans le squelette des dugongs. Les chiffres de 1 i 3 1 renvoient i la liste donnke au Tableau 1. Les coupes sagittales de 10 mm d'kpaisseur opkrkes dans les centrums vertkbraux ne sont pas visibles sur ce schkma.

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CAN. J. ZOOL. VOL. 67, 1989

FIG. 2. Aspect gCnCral des coupes osseuses chez le specimen 1981-06. (a) Omoplate; (b) humCrus; (c) radius; (d) ulna; (e) mktacarpien; (f) c6te no 6; (g) neurapophyse de la 2" vertkbre lombaire; (h) centrum de la 2" vertkbre lombaire (P, surface Cpiphysaire postCrieure; v, bordure ventrale du centrum).

(centrums et neurapophyses), la compacitC osseuse Cvolue c6tes no 1 ii 15, dans lesquelles la compacitC structurale tend ii selon un gradient dCcroissant cranio-caudal. augmenter quelque peu avec la taille.

Les diffkrences interindividuelles de compacitC osseuse likes de manikre Cvidente ii la taille corporelle concernent princi- Taux de mineialisation des os palement (i) l'avant-bras et la main, dans lesquels la compacitC Les tendances essentielles de la variation intrasquelettique des os tend h dCcroitre avec l'augmentation de taille, et (ii) les du taux de minCralisation des os sont trks voisines chez les trois

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spkcimens, bien que des difrkrences quantitatives locales exis- tent entre eux (tableau 1). A l'exception de l'humkrus, les os dkcrits prkckdemment comme ktant les plus compacts (exoccipital, mandibule, omoplate, c6tes no 1 B 15) prksentent kgalement les plus forts taux de minkralisation (70 -75 %). A l'inverse, le taux de minkralisation est nettement plus faible dans le squelette de la main et de l'avant-bras (phalanges, mktacarpiens et ulna), ainsi que dans les portions lombaire et caudale du rachis. Le centrum de la 4e vertkbre dorsale pksente un taux de minkralisation relativement klevk (69-71 %, selon les individus) bien que sa structure d'ensemble soit spongieuse.

Les gradients proximo-distal et cranio-caudal signalks B pro- pos de la compacitk osseuse peuvent etre kgalement observks dans la variation intrasquelettique du taux de minkralisation. Dans la skrie anatomique composke de l'omoplate et du mem- bre thoracique, ce paramktre vane en moyenne de 70,0% (omoplate) B 65,5 % (phalanges), selon un gradient proximo- distal. Dans la skrie des cbtes, et dans celle des vertkbres, le taux de minkralisation dkcroit suivant un gradient cranio- caudal de 7 3 3 B 69,2% pour les c6tes no 3 B 18, de 70,O B 63,9 pour les centrums vertkbraux, et de 70,3 B 62,7 % pour les neurapophyses (chiffres moyens pour les trois spkcimens).

Dans l'ensemble de l'kchantillon biologique, le taux de minkralisation des os semble peu dkpendre de la taille des spkcimens. La seule relation manifeste entre ces deux para- mktres concerne les cbtes, dont la minkralisation tend B augmenter avec la taille.

Mesures de densite' osseuse Chez les trois spkcimens, les variations de la densitk osseuse

(tableau 1) se rkpartissent dans le squelette selon des tendances Ctroitement similaires B celles dkcrites pour la compacitk et la minkralisation. Cette concordance traduit logiquement la dkpendance de la densitk des os par rapport aux deux autres paramktres. Les plus fortes densitks (1,75 -2,18) apparaissent dans l'exoccipital, la mandibule, l'omoplate et les c6tes no 1 B 15. Les densitks les plus faibles (D < 1) concernent princi- palement les centrums vertkbraux ainsi que les neurapophyses des vertkbres les plus caudales. Les memes gradients dkcrois- sants (proximo-distal pour l'ensemble omoplate . - membre thoracique, cranio-caudal pour les c6tes et les vertkbres) que ceux signalks B propos de la compacitk et de la minkralisation apparaissent dans la variation intrasquelettique de la densitk osseuse. Le spkcimen le plus grand (198 1-153) prksente, pour de nombreux prklkvements (1 8 sur 3 I), la plus forte densitk osseuse. Cependant, l'accroissement de la densitk locale du squelette en fonction de la taille somatique n'apparait claire- ment que dans le cas des chtes, du sternum et de la neurapo- physe de la 4e vertkbre dorsale.

Synth2se des re'sultats Les rksultats de la prksente ktude apportent deux principaux

klkments d'information sur les paramktres structuraux du squelette de Dugong dugon.

(i) La compacitk, la minkralisation et, par voie de consk- quence, la densitk osseuses montrent d'importantes variations intrasquelettiques. Celles-ci se rkpartissent de manikre simi- laire dans le squelette des trois spkcimens et ne semblent pas qualitativement influenckes par l'ktat de croissance des indi- vidus. Elles reflktent donc l'organisation structurale fonda- mentale du squelette dans cette espkce.

(ii) La compacitk, la minkralisation et la densitk des os

varient solidairement dans le squelette du dugong. Les valeurs les plus klevkes de ces trois paramktres s'observent dans les territoires ckphaliques (exoccipital et mandibule), dans l'omo- plate, l'humkrus, les c6tes no 1 B 15 ainsi que, dans une moin- dre mesure, le sternum et la neurapophyse de la 4e vertkbre dorsale. Dans les autres rkgions du squelette, les paramktres structuraux ktudiks ici ont des valeurs relativement plus faibles. L'existence d'os de tk s forte densitk chez le dugong apparait ainsi comme une particularitk rkgionale du squelette et non comme un ktat gknkralisk de cet appareil. Cette conclusion est renforcke par la prksence de gradients de compacitk, de minkralisation et de densitk au sein des skries anatomiques formkes d'os de meme nature et qui, pour l'essentiel, ne diffkrent les uns des autres que par leur position (skrie costale, vertkbrale et os du membre thoracique). Quelques donnkes comparatives permettant d'kvaluer le degrk de divergence de la structure du squelette de Dugong dugon par rapport B celle d'un mammifkre terrestre sont prksentkes dans la discussion.

~ t u d e histologique des os Cette ktude ayant pour but de mettre en kvidence les

mkcanismes histogkniques responsables de l'augmentation de la compacitk osseuse chez le dugong, les descriptions histolo- giques qui suivent concernent principalement les os dans les- quels ce processus a kt6 mis en kvidence : les cbtes, l'humkrus, l'omoplate, le sternum et la neurapophyse de la 4e vertkbre dorsale. Toutefois, B titre de cornparaison, le mode de crois- sance de la diaphyse des phalanges, dont la structure est celle d'un os tubulaire normal, est kgalement prksentke.

Caract2res histologiques des os ci forte cornpacite' Chez un meme individu, les divers os de forte compacitk

montrent des caractkres histologiques similaires, pour l'essen- tiel. En outre, d'un stade de croissance au suivant, la modifica- tion de ces caractkres suit des tendances comparables dans tous les klkments du squelette examinks ici. Dans les os du plus petit spkcimen, 1981-152 (213 cm), les lames minces et les microradiographies font apparaitre trois rkgions grossikrement concentriques (0s longs) ou superposkes (0s plats) l'une B l'autre (fig. 3). La medulla est occupke par une spongieuse B travkes extremement massives et B cavitks rkduites. Le coeur des travkes est formk d'un axe relativement mince de cartilage calcifik hypertrophique. La surface des travkes est recouverte de placages d'os endostkal pseudo-lamellaire ou lamellaire (birkfringence en lumikre polariske, ostkoplastes orientks parallklement B la direction des lamelles osseuses; figs. 4 et 5). La minkralisation de ces placages endostkaux apparait nette- ment plus faible que celle du cartilage calcifik sous-jacent (fig. 6). En position plus pkriphkrique apparait une couche d'os laminaire ou sub-plexiforme occupant approximativement la moitik profonde des corticales (figs. 3 et 7). Le tissu osseux est constituk localement de strates (laminae) d'os pkriostique fibreux, caractkrisk par l'abondance et la morphologie globu- laire des ostkoplastes qu'il renferme, ainsi que par sa rkaction de mono-rkfringence B la lumikre polariske. Les laminae sont skparkes par des ostkones primaires de fort diamktre (300- 500 p) et d'orientation circulaire. Le reste des corticales est aussi formk de laminae d'os fibreux, riche en fibres de Sharpey, mais ne contient pas d'ostkones primaires.

L'organisation structurale du sternum de ce meme spkcimen diffkre sur deux points de ce qui vient d'etre dkcrit: (i) la spon- giosa mkdullaire est de texture plus lache que celle des os longs, et elle ne contient pas de cartilage calcifik, et

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CAN. J . ZOOL. VOL. 67, 1989

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(ii) l'orientation gCnCrale des canaux vasculaires et des ostCones primaires n'est pas circulaire, mais plut6t oblique ou radiaire. Elle ne dCtermine donc pas la prksence de laminae dans 1'0s pCriostique primaire.

Chez le spCcimen 198 1-06 (230 cm), la modification struc- turale des os, comparativement h l'individu le plus jeune, porte sur quatre caractkres principaux. (i) Les placages endostkaux sur les parois des travCes de cartilage calcifik sont plus Cpais. En consCquence, les espaces mkdullaires ne sont plus visibles, ou sont rkduits h la dimension de fins canaux vasculaires de 80 h 100 pm de diamktre. (ii) Toutes les formations de tissu lami- naire comportent des ostCones primaires totalement formis. (iii) L'os pCriostique nouvellement dCposC h la pCriphCrie des corticales n'est plus constituC de tissu fibreux organis6 en laminae; il forme plut6t une couche d'os compact h trame pseudo-lamellaire ou lamellaire - zonaire , incluant des canaux vasculaires simples et des ostCones primaires d'orientation variable (longitudinale, oblique ou radiaire). (iv) Des ostCones secondaires de petit diamktre, formCs le plus souvent d'os endostCal pseudo-lamellaire, sont visibles dans la medulla cen- trale et les rkgions profondes du cortex pCriostique (fig. 8).

Chez le spCcimen adulte (figs. 9 - 1 I), de nombreux ostbnes secondaires colonisent la medulla, qui prksente l'aspect d'un tissu haversien relativement dense (figs. 9 et 10). Des systkmes de Havers sont Cgalement visibles, mais en moins grand nombre, dans les corticales laminaires. Les formations pCriostiques les plus pCriphCriques sont d'os lama!- laire -zonaire avec, selon les os, de quatre h huit annuli (fig. 11).

Aux trois stades de croissance CtudiCs ici, les formations de tissus pCriostiques laminaire, lamellaire - zonaire ou pseudo- lamellaire, sont particulikrement Cpaisses sur les faces 1atCrales des 0s. Cette excentration des dCp6ts pCriostiques est t k s accusCe dans l'omoplate et l'exoccipital. La surface mCdiale de ces derniers subit une intense rksorption sous-pCriostique pro- voquant la disparition partielle de la medulla qui s'est trouvCe dCplacCe au cours de la croissance dans la region basale des 0s.

Caract2res histologiques de la diaphyse des phalanges La diaphyse des phalanges du spCcimen 1981 -152 (fig. 12)

posskde une cavitC mCdullaire aux contours irrkguliers, encom- brCe de travCes d'os fibreux. Ces dernikres ont CtC formCes par la r6sorption des couches profondes des corticales pkriostiques et peuvent Ctre recouvertes de placages endostCaux plus ou moins Cpais. Les corticales pkriostiques compactes sont Cgale- ment formCes de tissu fibreux. Elles incluent un rCseau vas- culaire abondant oh figurent principalement des canaux vasculaires simples d'orientation trks variable. Chez le spCci- men 1981-06 (fig. 13), des baies d'Crosion apparaissent dans les corticales; cependant, la substitution haversienne est faible dans l'ensemble. L'os pCriostique le plus pCriphCrique est de type lamellaire-zonaire et montre au moins trois annuli trks nets. Enfin, le pCrimktre de la cavitC mkdullaire, beaucoup moins irrkgulier que chez l'individu le plus jeune, est bordC par endroits d'une couche d'os lamellaire endostkal. Cette struc- ture d'ensemble se retrouve chez le plus grand des trois

dugongs, avec toutefois une intensification du remaniement haversien et une extension de ce processus h l'ensemble des corticales . Znterpre'tation des re'sultats

Reconstitution de 190stebgeiz2se diaphysaire des os ci forte cornpacite'

Les observations histologiques qui viennent d'Ctre prisen- ties permettent de reconstituer les principales tendances de I'ostCogCnkse post-natale des os h forte compacitC. Compte tenu de la taille du plus petit spCcimen, il est clair que les stades les plus prkcoces de la croissance ne sont pas reprC- sentCs ici. Cependant, en rCfCrence aux descriptions de Fawcett (1942) relatives h la structure foetale des c6tes et de I'humCrus de Trichechus mnatus (voir aussi Lacroix 1949), il est plausible d'admettre qu'au dCbut de l'ontogknkse post- natale, la diaphyse des os enchondraux du dugong comprend, d'une part, une medulla centrale formCe d'une spongieuse h texture trks resserrke produite par la rksorption incomplkte du cartilage calcifiC et, d'autre part, un cortex pCriostjque Cgale- ment spongieux, mais de texture plus lfiche, composC de travCes d'os fibreux (figs. 14 et 15). L'ostCogCnkse ultCrieure de ces os peut Ctre schkmatiquement rCsumCe en quatre Ctapes caractCristiques .

(i) Aux stades prkcoces de la croissance post-natale (non reprCsentCs dans notre Cchantillon), les travCes de la spon- gieuse mCdullaire subissent probablement une rksorption endostkale superficielle qui n'entraine pas la destruction totale du cartilage calcifiC (fig. 15). L'accrCtion des corticales pCrios- tiques est particulikrement rapide. Elle met en place une couche d'os fibreux organisCe soit en laminae enveloppant un abondant rCseau vasculaire (canaux vasculaires orient& circu- lairement), soit en un dCp6t moins structurk, comportant des canaux vasculaires longitudinaux, obliques ou radiaires. Dks ce stade, la croissance des corticales pkriostiques est fortement excentrke dans de nombreux os (c6tes et os plats en particulier) et s'effectue prkfirentiellement sur la face latCrale de ceux-ci.

(ii) Les travCes de la spongiosa mCdullaire sont reconstruites et rendues plus Cpaisses par I'accrCtion rapide de tissu pseudo- lamellaire d'origine endostkale. Les travCes acquikrent ainsi une structure originale (compte tenu du niveau diaphysaire oh elles se situent) : un coeur de cartilage calcifiC recouvert de placages endostCaux. Ce processus accroit la compacitC du territoire mCdullaire qui, h terme, devient presque totalement dkpourvu de cavitCs. En outre, cette mCdulla compacifiCe peut Ctre partiellement CliminCe (en particulier dans les os plats) par une forte rCsorption,sous-piriostique like h la gComCtrie de la croissance des 0s. A mesure que des couches nouvelles d'os pCriostique sont mises en place, la lumikre des canaux vascu- laires inclus dans les couches plus anciennes est progressive- ment rCduite par le dCp6t centripkte d'os endostCal pseudo-lamellaire ou lamellaire (formation d'ostkones pri- maires). Un tissu compact de structure typiquement laminaire est ainsi form6 dans certains os (humCrus, cbtes, exoccipital, omoplate). Ce stade de croissance (fig. 16) correspond glo- balement aux observations faites chez le spCcimen 198 1 - 152.

FIGS. 3-7. Fig. 3. Structure histologique de l'exoccipital du spkcimen 1981-152 (microradiographie). Entre deux corticales d'os laminaire (C) apparait une medulla (M) comprenant des travkes trks Cpaisses formkes de cartilage calcifik recouvert de placages endostkaux. Fig. 4. Medulla costale du spkcimen 1981-06 (lame mince en lumikre naturelle). Des vestiges de cartilage calcifik (c.c.) demeurent visibles entre les placages d'os endostkal (p.e.) lamellaire. Fig. 5. Omoplate du spkcimen 198 1-06. Meme champ qu'h la fig. 8, lumikre polariske. Fig. 6. Dktail de la medulla compacifike (c6te du spkcimen 198 1-1 52, microradiographie). Le coeur des travkes est composk de cartilage calcifik (c.c.) plus minkralisk que les placages endostkaux (p.e.) qui l'entourent. Fig. 7. Laminae pkriostiques dans l'exoccipital du spkcimen 198 1-152 (lame mince en lumikre naturelle).

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FIGS. 14- 18. Reconstitution de 1'ostCogenkse des os a forte compacitC (selon une coupe transversale dans un os plat). Fig. 14. Stade initial de I'ostCogenkse : la medulla centrale est occupte par un massif de cartilage calcifiC (surface 5 gros points). En position latCrale (haut) et mtdiale (bas), les laminae d'os ptriostique fibreux formant les corticales (pointill6 fin) se dCposent a vitesse tlevte (flkches noires). Fig. 15. Stade suivant la fig. 14. Le cartilage calcifiC est partiellement rtsorbC pour former une spongieuse mtdullaire. Les dtp8ts pCriostiques se poursuivent, alors que les espaces entre les laminae les plus profondes sont comblts par des osttones primaires (0s lamellaire endostCal : hachures horizon- tales). Fig. 16. Stade du spCcimen 1981-152. Les cavitCs de la spongieuse mtdullaire sont combltes par des dCp8ts lamellaires endostkaux. L'accdtion des corticales ptriostiques laminaires est active. La surface mCdiale de 1'0s subit une rksorption Ctendue (flkche creuse). Fig. 17. Stade de croissance du sptcimen 1981-06. La rCsorption de la face mtdiale se poursuit; ainsi que les dCp8ts ptriostiques primaires, qui sont devenus compacts (0s pseudo-lamellaire) et englobent des canaux vasculaires simples (c. v. s.) et des fibres de Sharpey (f. Sh.). Quelques ostCones secondaires (ost. 11) apparaissent dans la medulla. Fig. 18. Stade du spCcimen adulte. L'accrttion sous-pkriostique est ralentie et 1'0s nouvellement formt est de type lamellaire-zonaire. La resorption de la face mtdiale a cessC et de fins dCp8ts pCriostiques apparaissent. Ces demiers comportent des lignes d ' a d t de croissance (1.' a. c.). Les ostCones secondaires se multiplient.

(iii) Avec l'abaissement progressif de la vitesse d'accretion des corticales (stade de croissance represente par le specimen de taille moyenne, 198 1-06), 1'0s periostique recemment deposk acquiert une structure pseudo-lamellaire (fig. 17). I1 n'est plus seulement vascularis6 par des canaux circulaires et longitudinaux, mais par un reseau plus 1Ache d'orientation longitudinale ou oblique. La formation des ostCones primaires se poursuit; en outre, quelques osteones secondaires sont mis en place par le remaniement haversien de la medulla et des

territoires profonds des corticales. Ce processus, agissant en synergie avec la resorption sous-pkriostique de la face mCdiane des os, entraine la rarefaction des rksidus de cartilage calcifiC.

(iv) Aux &apes terminales de la croissance du squelette (spCcimen 198 1 - 153), les corticales periostiques continuent apparemment B s'accroitre, mais B faible vitesse et sur un mode cyclique (tissu lamellaire -zonaire B annuli et lignes d'arret de croissance). En revanche, le remaniement haversien se pour- suit, ne laissant subsister que des restes trks discrets de carti-

FIGS. 8- 13. Fig. 8. Omoplate du spCcimen 1981-06 (microradiographie). Les ostCones secondaires (flkche) envahissent la medulla et les dgions profondes des corticales. L'os pkriostique nouvellement formt est de type pseudo-lamellaire, avec de fins canaux vasculaires orientts longitudinalement et radiairement. Figs. 9 et 10. CBte no 6 du sptcimen 198 1- 153 (lame mince en lumikre naturelle). Les ostCones secondaires ont envahi la medulla (fig. 10)' substituant de 1'0s haversien dense aux formations endostto-enchondrales prkexistantes. Le remaniement haversien s'Ctend aussi aux corticales pCriostiques (fig. 9). La moitiC supCrieure de la fig. 9 est vue en lumikre polariste. Fig. 1 1. Cortex ptrios- tique de la 9" c8te du sptcimen 198 1 - 153 (microradiographie). Le tissu lamellaire -zonaire (avec ici huit cycles d'accretion) le plus pkriphtrique est peu remaniC. Fig. 12. Phalange du sptcimen 198 1 - 152 (microradiographie). La corticale est abondamment vascularisCe; la cavitC mCdulaire demeure encombrte de travCes d'os pkriostique primaire recouvert de placages endostkaux. Fig. 13. Phalange du sptcimen 198 1-06 (lame mince en lumikre naturelle). Le cortex ptriostique est form6 de tissu lamellaire-zonaire avec quatre annuli (ann.).

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21 16 CAN. J. ZOOL. VOL. 67, 1989

lage calcifik, et gagne les rkgions moyennes et pkriphkriques des corticales. Du tissu haversien relativement dense est ainsi progressivement substituk aux formations laminaires ou pseudo-lamellaires prkexistantes (fig. 18). La substitution haversienne semble prksenter deux caractkres notables chez le dugong. Premikrement, elle est probablement assez lente dans sa globalitk, dans la mesure oil les lacunes de rksorption et les systkmes de Havers sont peu nombreux dans les rkgions les plus pkriphkriques des corticales . Deuxikmement , le tissu osseux formant les ostkones secondaires est souvent du type pseudo-lamellaire (et non lamellaire comme c'est le cas le plus frkquent chez les mammifkres). Cette particularitk suggkre que, lors de la formation d'un ostkone donnk, le comblement de la baie d'krosion par les dkp8ts endostkaux centripktes est rapide; ce qui, par ailleurs, peut contribuer B expliquer le nom- bre restreint des baies de rksorption ouvertes.

Comparaison avec 1 'ostebgeitkse diaphysaire des phalanges L'ostkogknkse diaphysaire des os B forte compacitk differe

en premier lieu de celle des phalanges par le devenir des carti- lages calcifies formks au niveau kpiphysaire, et par les moda- litks du remaniement de la medulla centrale. Dans les phalanges, et probablement aussi dans les mktacarpiens, le radius et l'ulna, les cartilages calcifiks sont entikrement dktruits au cours de la croissance en longueur des os par la rksorption endostkale intense qui s'effectue B la frontikre des kpiphyses et des mktaphyses. En outre, les travkes de la medulla diaphysaire (ces travkes sont originellement endostko- enchondrales, puis se foment aux dkpens des corticales pkriostiques) sont progressivement rksorbkes pour faire place B une cavitk mkdullaire libre dont le diamktre augmente parallklement B celui de la diaphyse. Un tel mode de croissance est identique B celui des os tubulaires des mammifkres terres- tres. A l'inverse, dans les os B forte compacitk, la rksorption des cartilages calcifiks cesse avant la disparition totale de ces derniers et les travkes de la medulla spongieuse, au lieu d'etre dktruites, sont reconstruites jusqu'h la compacification totale du territoire mkdullaire. I1 semble donc que dans de tels os, l'activitk des chondroclastes et des ostkoclastes de l'endoste, responsable de l'klimination des cartilages calcifiks et de l'klargissement de la cavitk mkdullaire, subit une inhibition prkcoce. En outre, la rksorption intracorticale like au remanie- ment haversien apparait kgalement ralentie et dkprimke.

Discussion

Donne'es comparatives sur la compacite', la mine'ralisation et la densite' des os

L'appreciation du degrk de spkcialisation de la structure interne des os du dugong implique la comparaison des rksultats de cette ktude avec des donnkes de meme nature obtenues chez des mammifkres terrestres par l'emploi des memes techniques, appliqukes aux memes prklkvements osseux. De telles donnkes sont disponibles pour deux spkcimens sub-adultes de Panthera leo (de Buffrknil et al. 1986). Le tableau 2 exprime, sous la forme de pourcentages, les diffkrences de compacitk, de minkralisation et de densitk osseuses entre les deux lions (valeurs moyennes) et le specimen sub-adulte (1981-06) de Dugong dugon.

Les trois paramktres ktudiks ici sont gknkralement plus klevks dans le squelette du dugong. Cependant, les phalanges de cet animal sont B la fois moins compactes, moins minkrali- sees et moins denses que celles des lions. L'humkrus est kgale- ment moins minkralisk (diffkrence de 1,5%) et l'apophyse de

la vertkbre caudale (1 le caudale pour les lions, ge caudale pour le dugong) est moins compacte (diffkrence de 2%) chez le sirhien. Les diffkrences de minkralisation osseuse entre les deux espkces peuvent atteindre des niveaux klevks: elles exck- dent 10% dans le cas de l'exoccipital (diffkrence de 11,8 %) et de l'apophyse de la vertkbre dorsale (1 1,3 %). Les diffkrences interspkcifiques de compacitk et de densitk osseuses dans les territoires ckphalique (exoccipital et mandibule) et thoracique (omoplate, c8te, sternum et vertkbre dorsale) sont aussi t k s klevkes et coincident, par ailleurs, avec les plus fortes diffkren- ces de minkralisation. La rkgion postkrieure du rachis (vertk- bres lombaires et caudales), ainsi que les os de l'avant-bras, ne prksentent entre les deux espkces, que des diffkrences struc- turales relativement modestes .

Trois klkments d'information se dkgagent de cette com- paraison. ( i ) Les niveaux absolus de compacitk, de minkralisa- tion et de densitk constatks dans les os des dugongs traduisent effectivement, B l'kchelon local, le degrk de divergence struc- turale du squelette de ces animaux comparativement B celui d'un mamrnifkre terrestre. I1 apparait cependant que le sternum de Dugong dugon, dont les divers paramktres structuraux sont d'un niveau moyen par rapport aux autres rkgions du squelette (tableau I), reprksente en rkalitk 1'0s le plus fortement modifik dans cette espkce, en rkfkrence au sternum des lions. (i i) La comparaison du dugong et des lions confirme que la spkcialisa- tion structurale du squelette des sirkniens est circonscrite aux rkgions ckphalique et thoracique. Les autres territoires squelet- tiques (rkgions lombaire et caudale du rachis, os de l'avant- bras et de la main) ne montrent qu'une divergence structurale faible ou nulle par rapport au mammifkre terrestre. (iii) L'aug- mentation de la densitk des os du dugong, comparativement B ceux des lions, traduit B la fois un accroissement de compacitk et de minkralisation. Cependant, dans de nombreux os, l'aug- mentation de la minkralisation est, proportionnellement, moins accuske que celle de la compacitk. Ce dernier paramktre jouerait donc, dans l'ensemble, un r8le principal dans l'klkva- tion de la densitk osseuse des Sirkniens.

Donne'es comparatives sur la structure histologique des os Le tableau d'ensemble des caractkres histologiques des c8tes

et de l'humkrus de Dugong dugon apparait, pour l'essentiel, assez semblable B ce qui a kt6 dkcrit par Fawcett (1942) chez Trichechus manatus. Dans les deux espkces, ces os sont extremement compacts. Chez l'adulte, ils comprennent d'une part une medulla compacifike et plus ou moins fortement remanike et, d'autre part, des corticales trks kpaisses formkes d'os fibro-lamellaire peu remanik qui kvolue, vers la pkri- phkrie, en tissu lamellaire - zonaire. Cependant, quelques diffkrences existent entre ces animaux. Chez le dugong, le complexe fibro-lamellaire tend B s'organiser en os laminaire alors que, selon les illustrations de Fawcett (1942), il prksente plut8t l'aspect d'os plexiforme chez le lamantin. Le remanie- ment haversien semble, en outre, moins poussk chez cet ani- mal que chez le dugong. Enfin, les c8tes du dugong sont de morphologie beaucoup moins massive que celles du lamantin (Kaiser 1974), ce qui suggkre un moindre degrk d'hyperostose des corticales chez le premier que chez le second.

L'originalitk de la structure osseuse de ces animaux n'est pas like aux caractkres histologiques des corticales primaires. Les tissus laminaire et plexiforme sont en effet trks largement rkpandus chez les tktrapods terrestres : ils traduisent une vitesse d'accrktion pkriostique klevke et se rencontrent aussi bien chez les mammifkres (Foote 1916; Amprino 1947;

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DE BUFFRENIL ET SCHOEVAERT

TABLEAU 2. carts (exprimb en %) de compacitk, de mineralisation et de densite osseuses entre deux specimens sub-adultes de Panthera leo (d'ap&s de Buffrenil et al., 1986) et le dugong no 1981-06. Dans le rapport DIL (valeur pour le dugonglvalenr moyenne pour les lions), les pourcentages positifs (+ %) designent l'excks, et les pour-

centages nCgatifs (- %), le deficit, de l'un de ces trois paramktres chez le dugong

Cornpacite Mineralisation DensitC

0 s cornpar6 Lion DIL (%) Lion DIL (%) Lion DIL (%)

Exoccipital Mandibule Omoplate Humerus Radius Ulna Phalange

Sternum CBte no 9

Vertkbres Don. 10 cent. Don. 10 apo. Lomb. 2 cent. Lomb. 2 apo. Caud. 8 cent. Caud. 8 apo.

Lacroix 1949; Enlow et Brown 1958) que dans certains taxons de ~ p t i l e s fossiles de grande taille (dinosaures sauropodes en particulier), oh ils sont interprktks comme un signe d'impor- tante activitk de croissance (de Ricqlks 1976, 1977). L'origina- lit6 de la structure osseuse des Sirkniens tient plutdt, d'une part, a la persistance des cartilages calcifiks et, d'autre part, a trois caractkres qui convergent pour confkrer aux os une forte masse et une grande compacitk : (i) le remaniement de la medulla, qui s'effectue, a l'inverse des autres tktrapodes, par la compacification et non pas par la rksorption de la spongieuse endostko-enchondrale formke durant la croissance dans la region kpiphyso-mktaphysaire; (ii) le remaniement haversien, qui semble quelque peu attknuk et retard6 par rapport aux mammifkres terrestres; et (iii) l'accrktion sous-pkriostique, qui semble se poursuivre a vitesse rkduite (dkp6ts lamel- laire-zonaires) chez l'adulte, ce qui aboutit 21 une hyperostose des corticales. Les rksultats de la prksente ktude montrent la gknkralitk de ces processus dans des klkments du squelette t k s divers, mais localisks toutefois aux territoires ckphalique et thoracique.

Consid&rations fonctionnelles Par analogie avec la maladie d'Albers Shonberg, Fawcett

(1942) a attribuk B un deficit thyroidien les particularitks osseuses des Sirkniens. En restreignant l'examen au cas de l'ostkogknkse de la diaphyse, ces particularitks sont, comme on l'a vu, multiples et relatives B (i) la faiblesse du remanie- ment haversien, (ii) la compacification de la medulla et (iii) l'hyperostose des corticales.

I1 est connu aujourd'hui que ces divers aspects de l'ostko- genkse sont contr6lks par des hormones distinctes et antago- nistes dans leurs effects (Rasmussen et Bordier 1974; Raisz et Kream 198 1 ; Reddi 1985). Une causalitk moins globalisante que celle stipulke par Fawcett doit donc etre envisagke, en considkrant skparkment chacun des trois caractkres originaux de la structure osseuse des Sirkniens.

(i) Le remaniement endostkal des os, de meme que la substi- tution haversienne, sont directement contrdlks par les skcrk- tions hormonales du complexe thyro-parathyroidien et sont indirectement liks au niveau mktabolique de l'organisme. En particulier, l'hormone parathyro'idienne tend a stimuler l'acti- vitk des ostkoclastes et a accroitre la rksorption interne des cor- ticales. Les ktudes de Fawcett (1942) et de Cave et Aumonier (1967) ont montrk, chez le lamantin et le dugong, respective- ment, des anomalies structurales de la thyroide qui suggkrent un hypo-fonctionnement de cette glande. De plus, les para- thyroides n'ont jamais pu etre mises en kvidence dans ces espkces (Cave et Aumonier 1967). I1 semble donc plausible que, chez les Sirkniens, la dduction du remaniement haversien et, en particulier, de la rksorption ostkoclasique qui initie ce processus, corresponde effectivement a un dkficit du taux d'hormones thyroidiennes et parathyroidiennes circulantes. On peut admettre kgalement, dans ce cas, que l'absence de rksorp- tion endostkale pkrimkdullaire soit like B la meme cause hor- monale. L'hypothkse d'un dkficit thyroidien chez les Sirkniens est par ailleurs congruente avec la lenteur de la rksorption des cartilages calcifiks chez ces animaux, et avec les particularitks physiologiques et comportementales qu'ils prksentent.

(ii) L'activitk des ostkoblastes du pkrioste et de l'endoste est largement, quoique non exclusivement, contr6lke par l'hor- mone de croissance. La compacification de la medulla spon- gieuse des os, en lieu et place de sa rksorption, pourrait ainsi reflkter un accroissement de l'activitk de cette hormone chez les Sirkniens (augmentation du taux d'hormone circulante et (ou) de la compktence des ostkoblastes B y rkpondre). Cepen- dant, B ce stade de la discussion, une telle hypothkse ne s'impose pas nkcessairement. Au cours de la croissance des os longs des tktrapodes, la reconstruction endostkale partielle des parois de la cavitk mkdullaire est un processus normal qui accompagne (cas de dkrive de la cavitk mkdullaire) ou suit dans le temps leur rksorption (Enlow 1963). I1 est plausible que si ce processus demeure inchangk, mais que la phase de rksorp-

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tion soit supprimke ou rkduite, le bilan de l'ostkogknkse se tra- duira localement par une augmentation du volume trabkculaire au dktriment des cavitks de la spongieuse.

(iii) L'hyperostose des corticales , en revanche, implique soit l'accroissement de l'activitk de l'hormone de croissance (acck- lkration des dkp6ts pkriostiques), soit la prolongation de cette activitk au cours de l'ontogknkse, ou soit encore, la combinai- son de ces deux processus. Les donnkes de la prksente ktude ne permettent pas de privilkgier l'une de ces trois hypothkses. C hez les mammifkres terrestres , l'hyperskcrktion de 1 'hormone de croissance (ou de la stimuline qui la contr6le) entraine le gigantisme si elle survient avant la fin de la croissance et l'acromkgalie si elle a lieu aprks (Hindemarsh et al. 1988). Le squelette des Sirkniens ne montre gukre de trace de gigantisme; il apparait au contraire que la croissance en longueur de cer- tains os (0s du bras et de l'avant-bras, par exemple) est forte- ment rkduite. Dans cette mesure, l'hyperostose des corticales chez ces animaux rksulterait plut6t d'une prolongation de l'activitk de l'hormone de croissance et se rapprocherait donc d'un processus acromkgalique. L'apparence boursoufflke de certains os des Sirkniens, trks voisine de celle produite par cette maladie, renforcerait cette supposition.

Dans l'hypothkse ou les particularitks osseuses des dugongs traduiraient, au moins pour certaines d'entre elles, un pro- cessus acromkgalique, les manifestations de celui-ci seraient, sur un plan topographique, diffkrentes de celles constatkes chez d'autres mammifkres. Chez l'homme, par exemple, les symptomes acromkgaliques se localisent principalement au squelette de la face (miichoire infkrieure en particulier) et des extrkmitks, ce qui ne correspond gukre B ce qui a kt6 dkcrit chez Dugong dugon. Les raisons pour lesquelles un os particu- lier rkagit plus fortement que les autres B l'excks d'hormone de croissance sont totalement onconnues. I1 est toutefois possible que, chez les Sirkniens, la topographie de ce processus puisse, comme nous le vemons dans la section suivante, comporter une conskquence adaptative et avoir ktk, de ce fait, l'objet d'une sklection au cours de l'kvolution du groupe. I1 est clair, enfin, que les expressions employkes ici pour suggkrer la mise en jeu de mkcanismes endocriniens comme facteurs immkdiats de l'histogenkse squelettique particulikre de ces animaux ne doivent pas preter B confusion. Les rkponses.finales de la cible squelettique aux actions hormonales peuvent aussi bien dkpen- dre, dans notre interprktation, de modifications dans la compk- tence des tissus-cibles aux diverses hormones impliqukes qu'8 la simple augmentation de la production ou de la concentration de ces hormones dans le flux sanguin.

Consid&rations adaptatives Les dugongs et les lamantins vivent B proximitk immkdiate

des c6tes, sur des fonds gknkralement infkrieurs B 10 m. Leur mode d'alimentation est de type broutteur : les dugongs con- somment des herbes marines au contact du substrat, et les lamantins, des vkgktaux flottants en surface (Kingdon 197 1 ; Husar 1975; Lipkin 1975; Domning 1976; Heinsohn et al. 1977; Reynolds 1981). Cette spkcialisation contraint les Sirkniens B effectuer de longues stations immobiles dans des parages constamment soumis au ressac. Dans ce milieu, le simple maintien d'une position alimentaire correcte tendrait B imposer aux animaux une dkpense knergktique peu compatible avec la faible valeur calorique de leur nourriture. En revanche, la possession d'un squelette alourdi augmente leur inertie face aux vagues et tend B stabiliser passivement leur position. Dans la logique de cette interprktation, la localisation la plus efficace

pour la surcharge pondkrale du squelette serait thkoriquement B proximitk du centre de gravitk du corps. L'emplacement de celui-ci n'a pas fait l'objet d'ktudes spkcifiques chez les Sirkniens. Toutefois, par analogie avec les Cktacks, il peut &re situk au niveau du tiers antkrieur du thorax, territoire qui constitue effectivement, chez le dugong, la rkgion squelettique de plus forte densitk. Cette hypothkse pourrait en outre expli- quer que le squelette des lamantins soit plus fortement atteint par la pachyostose que celui des dugongs : ces derniers brout- tent en effet sur le fond, et sont donc moins soumis au ressac que les animaux qui s'alimentent en surface. L'intervention du squelette dans l'ajustement de la statique des mammifkres marins, aquatiques ou amphibies , semble &re un processus trks gknkral que Fawcett (1 942), Kaiser (1 965, 1966, 1967) et Wall (1983) ont dkjB envisagk.

En conclusion, il semble donc que, chez les Sirkniens, les modifications de la structure osseuse qui augmentent la masse et la densitk locales du squelette ne peuvent pas &re finalement interprktkes comme un ktat pathologique, mais plut6t comme une configuration adaptative de l'appareil squelettique, uti- lisant et rkorientant un mkcanisme physiologique qui, dans d'autres lignkes, peut aboutir B des manifestations considkrkes comme pathologiques. Dans cette optique, on peut admettre que, durant les ktapes prkcoces de la phylogenkse des Sirkniens, les individus prksentant la tendance congknitale B dkvelopper des anomalies acromkgaliques localiskes au terri- toire thoracique aient kt6 sklectionnks en fonction de l'habitat c6tier auquel le groupe ktait en voie d'adaptation. L'augmenta- tion de la densitk des os serait ainsi un caractkre trks ancien chez les Sirkniens, dans la mesure ou il serait solidaire de la spkcialisation kcologique fondamentale de ce groupe. Savage (1976), B l'issue d'une vaste synthkse palkontologique, con- sidkre d'ailleurs la pachyostose comme la seule vkritable auta- pomorphie dans l'ordre des Sirkniens.

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