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DOHA, QATAR Fiche pour le Réseau Villes et Mémoire de l’Esclavage Jérémie Molho Illustrations – Photos de la Maison Bin Jelmood 1/ L’histoire et les enjeux contemporain de l’esclavage Moins connue que la traite transatlantique, la traite des esclaves a néanmoins existé dans la péninsule arabique : On estime entre 6000 et 20 000 esclaves ont été déplacés chaque année depuis l’Afrique de l’Est, en particulier depuis Zanzibar, l’Abyssinie et la haute vallée du Nil, entre le XIXe et la moitié du XXe siècle. Les hommes, qui constituaient la majorité des esclaves, travaillaient dans la récolte des perles et la production des dates. Les femmes travaillaient comme servantes. Après l’abolition de l’esclavage en 1952, puis l’indépendance du Qatar en 1972, la place des descendants d’esclaves a été largement ignorée. En atteste la place limitée qui leur est attribuée dans le premier musée national du Qatar, inaugurée en 1975. Cette population, désignée sous le terme de Abd (qui signifie esclave en arabe), fait l’objet de discriminations, bien qu’ils soient reconnus comme citoyens qataris et bénéficient des privilèges ayant trait à ce statut. A cet héritage de l’esclavage, s’ajoute la question brûlante de l’esclavage moderne. Le Qatar apparaît 5 e place sur 167 dans l’index global de l’esclavage, qui estime que 30 300 personnes,

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DOHA,QATAR

FichepourleRéseauVillesetMémoiredel’EsclavageJérémieMolhoIllustrations–PhotosdelaMaisonBinJelmood

1/L’histoireetlesenjeuxcontemporaindel’esclavageMoinsconnuequelatraitetransatlantique,latraitedesesclavesanéanmoinsexistédanslapéninsulearabique:Onestimeentre6000et20000esclavesontétédéplacéschaqueannéedepuis l’Afriquede l’Est,enparticulierdepuisZanzibar, l’Abyssinieet lahautevalléeduNil,entre le XIXe et la moitié du XXe siècle. Les hommes, qui constituaient la majorité desesclaves, travaillaient dans la récolte des perles et la production des dates. Les femmestravaillaientcommeservantes.Après l’abolitionde l’esclavageen1952,puis l’indépendanceduQataren1972,laplacedesdescendantsd’esclavesaétélargementignorée.Enattestelaplace limitéequi leur est attribuéedans lepremiermuséenational duQatar, inauguréeen1975. Cette population, désignée sous le terme de Abd (qui signifie esclave en arabe), faitl’objetdediscriminations,bienqu’ilssoientreconnuscommecitoyensqatarisetbénéficientdesprivilègesayanttraitàcestatut.Acethéritagedel’esclavage,s’ajoutelaquestionbrûlantedel’esclavagemoderne.LeQatarapparaît5eplacesur167dansl’indexglobaldel’esclavage,quiestimeque30300personnes,

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soit 1,36% de la population vivent dans des conditions d’esclavagemoderne auQatar (en2016). Cette situation structurelle, est liée au fait que les travaux de construction ou deservices à la personnes sont réalisés par des étrangers venant de pays au niveau de vieinférieur:88%delapopulationestétrangèreauQataretlapartdesqataridanslapopulationactive masculine est seulement de 4,7%. Cette situation s’est accentuée à la suite del’attribution de la coupe du monde 2022, en raison de la nécessité de construire desinfrastructuresàunrythmeaccéléré.Denombreusesorganisationsdedroitsdel’hommesesontalarméesdelasituation,maislesujetrestetabou.En2007,leComitéNationalpourlesDroitsdel’HommeduQataraétésouspressionàlasuitedelaproductiond’unrapportoùilfaisaitétatdepratiquess’assimilantàdel’esclavage.2/DynamiquesurbainesàDohaL’histoire de l’urbanisation connaît une forte rupture aumilieu du XXe siècle au Qatar. Ledéclin du commerce des perles intervient dans la première moitié du XXe siècle etl’exploitation intensivedeshydrocarburescommencedans la secondemoitié.Ainsi, àpartirdesannées1960et surtout1970,unurbanisme radicalementnouveau,moderniste, faisanttable rase du passé, et donnant la priorité à l’automobile, s’impose à Doha. Les quartierscentraux historiques font l’objet de destructions ou de dégradations à mesure que lapopulationlocalelesquittepourdesaménagementsmodernes.Apartirdesannées1990,unelogique de conservation émerge, et se couple avec l’établissement de nouvelles villes àvocationglobale.LeprojetduSouqWaqifest l’exemple leplus flagrant, ilchercheàrendrecompte de l’ambiance et de l’esthétique de la ville historique, à travers une logique dereconstruction, de conservation d’élimination des traces d’aménagements modernes. Leprojet Msheireb, toujours en cours, tente de concilier la promotion d’un urbanismeprogressiste et contemporain, avec la conservation et la valorisation du patrimoine urbain.C’est à ce titre que la maison Bin Jelmood, ancien lieu du commerce des esclaves a étéconservée et transformée en musée de l’esclavage. A cela s’ajoute des méga-projets, quirequièrentdenombreuxtravailleursétrangers,etsontpourbeaucoupenlienavecl’horizon2022de la coupeduMonde. Leprincipal projet est Lusail, une ville nouvelle dans la limiteNorddelaville.OnpenseaussiàEducationcityquiconcentredesinstitutionsuniversitaires,etaccueilleral’undesstadesdelacoupedumonde.3/LamaisonBinJelmood,unmuséedel’esclavageCe musée a été inauguré en 2015. Il constitue l’une des quatre maisons conservées etouvertesdans le cadrede laphase1duprojetMsheireb.Cesquatremusées accueillent lepublicenattendantque les troisphasessuivantesduprojet (quicomprendnotammentdeslogements et des bureaux) soient terminées. Leurs thématiques découlent directement del’histoiredu lieuoù ils sont installés.Aussi, lamaisonBin Jelmood,anciennepropriétéd’unnégociant d’esclave, a été transformée en un musée de l’esclavage. Le projet MsheirebdépenddelaFondationduQatar,présidéeparl’épousedel’EmirquiadirigéleQatarde1995à 2013. Cette fondation tient un rôle central dans l’ambition énoncée dans la visionQatar2030detransformerlepaysencentredeconnaissance.Ellefinancenotammentl’installationde nombreuses universités internationales commeGeorgetown, Cornell ou encoreHEC. Ceprojetdemuséeestdoncliéàl’histoiredelamaisonBinJelmood,maisn’auraitétépossiblesanslesoutiendesplushautesautorités,soucieusesdeconstruireunevitrineprogressisteàl’échelleinternational.

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Néanmoins,ce lieua lemérited’aborderdansunmêmegeste,deuxsujetsdifficiles:d’unepart, la mémoire de l’esclavage et la place des afrodescendants au Qatar, d’autre part,l’esclavagemoderne. Lemusée s’appuie sur unemuséographiedequalité et attrayante. Lecontenu a été élaboré avec l’appui d’experts universitaires de différents pays, et destémoignages d’afrodescendants ont été récoltés et sont présentés dans l’exposition. Lascénographie est variée et facilement accessible, alliant texte, photos, vidéos, objets,installations. Notons que des précautions ont été prises dans la présentation du sujet. Lemaîtremotest lamiseenperspectiveglobale.Concernant l’histoiredelatraite, l’expositionmetenregardlasituationduQataraveclaréalitédelatraitedansl’océanindien,etaveclesdifférentes formes d’esclavage qui ont existés dans le monde. Concernant l’esclavagemoderne, le casduQatarestmisenperspectivepar rapport à l’exploitationde travailleursmigrants aux Etats-Unis, en Europe, en Asie, relativisant l’exceptionnalité de la situationQatari.Ensomme,cemuséen’estpasneutre.Ilreprésenteuninstrumentpourreprendrepossessiondu discours sur la question de la situation de l’esclavage au Qatar. Une telle démarche al’intérêtdedécentrerundiscourssurl’esclavageencoredominépardescerclesoccidentaux,maispeutprêterleflancàunelogiquerelativiste.Cartes–DohaetleprojetMusheireb

ContactsMariamIbrahimAlHammadi,QatarUniversityHafizAli,MsheirebmuseumsRéférencesBoussaaD.(2014)AlAsmakhhistoricdistrictinDoha,Qatar:fromanurbanslumtolivingheritage,JournalofArchitecturalConservation,20:1,2-15,DOI:10.1080/13556207.2014.888815Al-Mulla,M.(2017).HistoryofSlavesinQatar:SocialRealityandContemporaryPoliticalVision.JournalofHistoryCultureandArtResearch,6(4),85-111.doi:http://dx.doi.org/10.7596/taksad.v6i4.1013TheGlobalSlaveryIndex2016QatarCountryStudy,https://www.globalslaveryindex.org/country/qatar/