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Appel à projets générique 2015 « Grands défis sociétaux »
Appel thématique : « Défis de tous les savoirs »
Démondialisation
Les processus de fermeture dans un monde ouvert
Table des matières
Résumé du pré-projet ............................................................................................................................................... 1 Pre-project Abstract .................................................................................................................................................. 1 Évolution de la proposition finale par rapport à la pré proposition ........................................................... 3
1. Contexte, positionnement et objectifs scientifiques ........................................................................... 3 1.1. Concomitance des processus d’ouverture et de fermeture ................................................................... 4 1.2. La démondialisation n’est plus une hypothèse ........................................................................................ 4
2. Programme scientifique ........................................................................................................................... 6 2.1. Les objectifs généraux du programme ....................................................................................................... 6 2.2. L’équipe Démondialisation ........................................................................................................................... 7 2.3. Les trois axes du programme ........................................................................................................................ 8 2.4. Le fonctionnement du programme ............................................................................................................ 22 2.5. Déroulement du programme ........................................................................................................................ 23
3. Stratégie de valorisation et d’exploitation des résultats, impact global de la proposition .... 24 Références citées ..................................................................................................................................................... 25
Résumé du pré-projet
Le projet Démondialisation postule que la mondialisation ne se limite pas seulement à l’ouverture mais
produit aussi de la « fermeture ». Ce programme est centré sur les processus de fermeture au sens concret
(physique), mais aussi réglementaire, symbolique et métaphorique du terme. Porté essentiellement par
des géographes (mais aussi trois politistes, une historienne et une chercheuse de l’Organisation mondiale
des douanes), ce programme interroge les flux et les barrières qui y sont liées, et plus particulièrement
les barrières économiques (« dérapages » commerciaux au sens de l’OMC, logiques de blocs régionaux),
les barrières frontalières (« murs » anti-migratoires) et les barrières « politiques ». En effet, en imposant
une culture économique (néo-libéralisme), politique (démocratie) et culturelle (anglo-saxonne), la
mondialisation est parfois perçue comme un nouvel impérialisme générant des discours politiques de
fermeture à toutes les échelles. Ces dispositifs concrets et les discours de fermeture qui les
accompagnent seront au cœur de ce programme.
Pre-project Abstract
The proposed de-globalization program assumes that globalization is not limited to a process of
“opening”, but also produces “closure”. This program is centered on these "closing" processes in the
concrete sense (physical), but also in its legal, symbolical and metaphorical senses. The scientific team
essentially formed of Geographers (but also including three political scientists, one historian and a
researcher of the World Customs Organization) aim to question flows and barriers that are correlated.
Among them the team will especially study economic barriers (trade "slippage", logic of regional blocs),
border barriers (anti-migratory "walls") and political "barriers". Indeed, imposing an economical (neo-
liberalism), a political (democracy) and cultural (Anglo-Saxon) domination, globalization is sometimes
perceived as a new imperialism generating political discourses of closure at all scales. These concrete
devices and closing discourses will be at the heart of this program.
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Tableau 1. Récapitulatif des membres du projet (par ordre décroissant d’implication)
Partenaire Nom Prénom Emploi
actuel
Implication en
personne.mois Rôle et responsabilités dans le projet
EA 2076 Habiter - Aménagement et
géographie politique
ROSIÈRE Stéphane Pr. 28,8
Coordinateur du projet ANR
Coordinateur scientifique de l’axe 2. Recherche sur le terrain (Principalement axe 2 :
Maroc; secondairement axe 3 : Jura suisse)
EA 2076 Habiter -
Aménagement et
géographie politique
BOST François Pr. 18
Coordinateur scientifique de l’axe 1 - Croisement des thématiques commerce
international, libre échange vs protectionnisme,
politique de développement des états. Terrain: Europe
EA 2076 Habiter -
Aménagement et géographie politique
FOURNET Catherine MCF HDR
12,6
Recherche dans le cadre de l’axe 2 (Barrières
politiques) en s’appuyant notamment sur des recherches de terrain à Madagascar et au
Mozambique.
EA 2076 Habiter - Aménagement et
géographie politique
PIANTONI Sébastien IGE 12,6 Responsable administratif et technique du projet ANR Démondialisation
UMR 8026 CERAPS - Centre d'Études et de
Recherches Administratives,
Politiques et Sociales
MATUSZEWICZ Régis MCF 10,8 Coordinateur de l’axe 3 (Barrières politiques)
Terrains : Frontière Tunisie-Libye
UMR 6266 IDEES-Caen - Identités et
Différenciations des Espaces, de
l’Environnement et des
Sociétés
GUILLOT Fabien MCF 9
Contribution à l’axe 2 - Fermeture et contrôle
frontalier dans le cadre d’une approche des asymétries frontalières. Terrain : Frontière États-
Unis - Mexique
EA 4457 CEMOTEV -
Centre d’études sur la
mondialisation, les conflits, les territoires et
les vulnérabilités – Université de Versailles
Saint-Quentin
MESSAOUDI Dalila Post-doc 9
Axe 1 - Limites aux échanges internationaux et
recloisonnement du monde ? Terrain : Organisation mondiale des douanes
(Bruxelles), OMC et ORD (Genève) et Commission européenne (Bruxelles)
UMR 5291 GREMMO -
Groupe de recherches et
d'études sur la
Méditerranée et le Moyen-Orient
BALANCHE Fabrice Pr. 7,2
Axe 3 - Daesh (l’État Islamique) comme
exemple de contre mondialisation à travers un repli idéologique et économique. Enquêtes de
terrain au Proche-Orient
EA 3350 ACP -
Laboratoire Analyse Comparée des Pouvoirs,
Université Paris-Est Marne-la-Vallée
WEBER Serge MCF 7,2
Axe 1 - Circulations et diasporas iraniennes dans
les pays proches de l’Iran. Un décloisonnement
régional fondé sur l’échange qui se heurte à de nombreuses entraves, en particulier frontalières.
Vrije Universiteit
Amsterdam - Faculteit der Rechtsgeleerdheid (Pays-
Bas)
CUTTITTA Paolo Post-Doc
7,2
Axe 3 - Analyse des transformations du régime
migratoire méditerranéen du point de vue humanitaire. Terrain : frontière UE-Afrique du
Nord
OMD - Organisation Mondiale des Douanes
(Bruxelles)
POLNER Mariya Analyste cherche
ur
7,2 Axe 1 (Barrières économiques) - Recherche sur
les échanges illégaux
CREC - Centre de Recherche des Écoles de
Saint-Cyr Coëtquidan
CATTARUZZA Amaël MCF 7,2 Axe 2 : Analyse des barrières frontalières.
Terrain : frontière UE – Balkans occidentaux
Faculté des sciences politiques et des relations
internationales
(FPVaMV) - Université Matej Bel de Banská
Bystrica (UMB) (Slovaquie)
MARIA Rostekova MCF 7,2
Axe 2 - Conséquences sociales des politiques de contrôle des frontières Schengen. Terrain –
Frontières ukrainiennes (Pologne, Slovaquie, Hongrie).
UMR 8556 PRODIG -
Pôle de Recherche pour l’Organisation et la
Diffusion de l’Information
Géographique
RICHARD Yann Pr. 5,4
Axe 3 - Étude du référendum de septembre 2014
et du mouvement indépendantiste en Ecosse. Terrain : Écosse
UMR 7367 Dynamiques Européennes – Université
de Strasbourg
WASSENBERG Birte Pr. 3,6 Axe 2 - Dimension historique des barrières frontalières (« cicatrices de l’histoire », mémoire
des conflits, rôle des ressentiments dans les
3
phénomènes de « retour » de la frontière) depuis le début du 20è siècle.
Terrain : France-Allemagne
EA 2468 Discontinuités – Université d’Artois
REITEL Bernard Pr. 2,98
Axe 2 - Analyse des dispositifs spatiaux mis en place dans des lieux emblématiques de la
mondialisation : port et aéroport Terrains : Paris-Charles de Gaulle et port de
Calais, mise en perspective avec la région des
Grands Lacs
EA 2468 Discontinuités – Université d’Artois
MOULLÉ François MCF 2,98
Axe 2 - Analyse des dispositifs spatiaux mis en
place dans des lieux emblématiques de la
mondialisation : port et aéroport Terrains : Paris-Charles de Gaulle et port de
Calais, mise en perspective avec la région des Grands Lacs
Évolution de la proposition finale par rapport à la pré proposition
Comme l’indiquait le pré-projet, le programme « Démondialisation », planifié pour une durée de trois
ans, est formé par une équipe de 17 chercheurs, soit exactement le nombre prévu dans le pré-projet.
Cependant, l’un des chercheurs initialement prévu (le spécialiste de philosophie politique Michel
Terestchenko) a été contraint de se mettre en retrait pour des raisons personnelles (mais sans abandonner
complètement le programme, il participera à notre séminaire de mi-parcours — cf. 3) ; à l’inverse, une
historienne (Birte Wassenberg), Professeure à l’IEP de Strasbourg, a rejoint l’équipe pour y renforcer la
réflexion diachronique sur les « cicatrices de l’histoire » (cf.2). De ce fait, malgré cette permutation, le
nombre total des chercheurs impliqués dans le programme est resté stable.
Autre changement en termes de personnes, pour des raisons pratiques, Bernard Reitel coordinateur
initial de l’axe 2 laisse finalement sa place à Stéphane Rosière; de ce fait, la coordination de l’axe 3,
plus spécifiquement lié à la science politique, été confié à un autre membre de l’équipe initiale, le
politiste Régis Matuszewicz, ce qui est apparu plus cohérent lors de nos réunions préparatoires au projet
final. Malgré ces changements de direction d’axes, l’ensemble des axes et des sous-axes est resté
rigoureusement identique dans son contenu par rapport à celui du pré-projet.
L’ANR ne versant pas d’aide aux partenaires pour un budget inférieur à 15 000 € (par partenaire), les
partenaires du projet sont indiqués dans le document administratif et financier, comme non-financés
contrairement au pré-projet. Mais les fonds du programme seront gérés par le coordinateur du projet
(l’Université de Reims) qui effectuera les achats de matériel, les remboursements de frais de mission,
etc. pour l’ensemble des partenaires.
Le budget a aussi légèrement augmenté (2% par rapport à la pré-proposition). C’est surtout, l’IGE qui
sera recruté sur 30 mois au lieu des 24 mois initialement prévus. Il a semblé dangereux pour le projet
qu’un poste ne soit pas dédié au suivi administratif et technique sur la plus grande durée possible.
Néanmoins, le taux de précarité de 30% (calculé sur les seuls membres de l’URCA), nous a obligé à
supprimer le post-doc initialement prévu ce qui fait que le budget est quasiment stable.
1. Contexte, positionnement et objectifs scientifiques
Le projet de recherche collaboratif Démondialisation interroge les effets de la mondialisation, plus
particulièrement ceux qui sont contraires à ses effets attendus. En effet, la mondialisation est
classiquement présentée comme une « généralisation des échanges entre les différentes parties de
l’humanité et les différents lieux de la planète » (Ghorra-Gobin 2006 : 259), par laquelle « un espace
d’échelle mondiale devient pertinent » (Lévy, 2008 : 11).
Le programme Démondialisation ne vise pas à mener une nouvelle analyse de la mondialisation, thème
très vaste et déjà largement exploré. Il n’a pas non plus pour objectif d’étudier les propositions de
transformation de la mondialisation, déjà formulées par Walden Bello (2002) — à qui est attribuée la
création du terme démondialisation — ou Meghna Desai (2003), ou encore les courants qui militent ou
œuvrent pour la transformation de l’économie mondiale, notamment par la remise en cause du libre-
échange (cf. Ghorra-Gobin 2012 : 173).
Nous utilisons ici le terme de « démondialisation » pour désigner l’ensemble hétérogène des effets
imprévus ou cachés de la mondialisation, sinon contradictoires avec les logiques qui caractériseraient
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ce processus global. Fruits de diverses résistances et blocages, ou de simples calculs de pouvoir, la
démondialisation est pensée comme un ensemble de « fermetures » dans un monde qui se veut
« ouvert ».
1.1. Concomitance des processus d’ouverture et de fermeture
Si la mondialisation est censée être un processus d’ouverture aux flux et aux échanges. Nous posons
dans ce programme qu’elle n’est ni linéaire ni irréversible (à l’image de ce que serait la transition
démographique), ni seulement caractérisée par l’ouverture. Au contraire, nous pensons la mondialisation
comme un processus complexe qui, en fonction des flux, des contextes et des enjeux peut aussi produire
de la « fermeture ». Loin d’un nouveau « grand récit » (Lyotard 1979) englobant toute l’humanité dans
une inéluctable transition historique, économique, culturelle, la mondialisation serait partielle, clivée et
générerait tant de l’ouverture que de la fermeture. En ce sens, mondialisation et démondialisation
seraient des processus non pas antagonistes mais concomitants et articulés en fonction des acteurs, des
logiques et des échelles.
Si l’ouverture peut se définir comme un allègement des contraintes par la dérégulation et l’absence ou
la réduction des contrôles, la « fermeture » — ou l’« enclavement » comme « position des lieux sur le
gradient qui va de la fermeture à l’ouverture » (Debrie et Steck, 2001 : 27) — implique quant à elle une
volonté de séparation, un contrôle accru sur les biens et les personnes et une restriction des flux. Bien
entendu, si la fermeture totale (autarcie) est une extrémité rare (sans doute poussée à son paroxysme en
Corée du Nord), l’ouverture totale reste aussi exceptionnelle. L’ouverture, ou l’intégration à la
mondialisation, est le produit de nombreuses négociations et interactions entre les acteurs.
Toute frontière peut être analysée suivant un gradient ouverture/fermeture. Dans la limologie (science
des frontières) contemporaine, cette dimension est évoquée par les concepts dialectiquement liés (sans
être absolument synonymes) de debordering/rebordering mis en avant notamment depuis le 11
septembre 2001 (cf. notamment : Andreas et Biersteker 2003). Si la fermeture complète de la frontière
est rare (DMZ intercoréenne), les barrières hétérogènes que les Etats-Unis ont édifiées à la frontière du
Mexique constituent un des cas les plus emblématiques du rebordering contemporain. Sur cette frontière
qui est la plus traversée au monde, la barrière symbolise une volonté de contrôle accru, notamment vis-
à-vis des flux de personnes. Les individus constituent indubitablement la part la plus difficile à gérer
dans l’expansion mondiale de la circulation.
Dans ce programme, la mondialisation est donc interprétée selon un gradient ouverture/fermeture et
notre réflexion est seulement centrée sur les processus de fermeture que nous appelons
« démondialisation ». Surtout, ce terme ne renvoie plus à de simples hypothèses de travail, ni à des
intuitions, comme au début des années 2000, mais à des faits tangibles et à des politiques spécifiques
qu’il importe d’analyser.
1.2. La démondialisation n’est plus une hypothèse
Les membres de l’équipe réunis dans ce projet ne considèrent pas la démondialisation comme une
hypothèse (comme le souligne le titre du texte de Desai en 2003), ou une perspective plus ou moins
plausible, mais comme fait actuel : la démondialisation, pensée au début des années 2000 comme un
scénario parmi d’autres, est en effet devenue une réalité.
Depuis la crise financière de 2007, devenue crise économique en 2008, le monde a bifurqué et la
mondialisation est sans doute entrée dans une nouvelle phase, profondément marquée par le sceau de
l’incertitude. Ainsi, la crise économique mondiale apparue aux Etats-Unis en juillet 2007 (mais ne
s’agit-il pas plutôt d’une mutation plus profonde comme l’objectent de nombreux observateurs ?) a été
un facteur d’amplification et d’accélération des hypothèses « démondialistes » et cette bifurcation dans
les schémas et les représentations dominantes des années 1990 (post-guerre froide) commence à
sérieusement à inquiéter. Même les institutions internationales s’en alarment, à l’instar de l’OMC à
travers ses rapports récents (voir Sapir 2011). Comme l’expliquait Pascal Lamy, son Directeur à
l’époque, en marge de la conférence parlementaire de mars 2011 : « Les Membres [de l’OMC] doivent
continuer à résister aux pressions protectionnistes et s’efforcer d’ouvrir les marchés au lieu de les
fermer. »
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Dans un contexte économique et géopolitique marqué par les bouleversements, les analyses
formulées dans les années 1990 et 2000 s’appliquaient à des menaces très virtuelles, qui ont perdu de
leur pertinence aujourd’hui (tyrannie du temps rapide). Il importe donc de renouveler en profondeur la
réflexion sur ce sujet majeur qui impacte la marche du monde. Curieusement, si la thématique de la
démondialisation a suscité un certain engouement au début des années 2000, elle n’a pas pour autant
généré une importante bibliographie. Cet intérêt s’est paradoxalement étiolé, notamment dans le
contexte de crise, alors que justement, il aurait dû en être vigoureusement stimulé. Notre projet vise
précisément à actualiser et à ré-analyser la notion, et à interroger les politiques et les pratiques de
fermeture et de repli qui en résultent.
La fermeture est pensée comme le symptôme de ce repli. Les exemples en sont nombreux. Sur le plan
économique, soulignons la montée des tensions protectionnistes, la mise en place de barrières douanières
(en Russie sur les céréales en décembre 2014), alors que les incertitudes et tensions économiques
perdurent depuis la crise de 2007-08. Outre le blocage de long terme du cycle de Doha à l’OMC, le
ralentissement généralisé de la croissance et la résistible « reprise » économique génèrent nombre de
réflexes protectionnistes et bloque les intégrations régionales (cf. 2.3. Axe 1).
De façon symptomatique, aux frontières, les « murs » n’ont jamais été aussi nombreux, au moins 20 000
km sont désormais construits (Rosière 2015) pour un linéaire mondial de frontière de 250 000. Pour ne
prendre qu’un seul exemple, l’Arabie saoudite a achevé en 2014 de verrouiller sa frontière avec l’Irak
par un « mur » de près de 800 km de long. Ces politiques sont largement fondées sur le contrôle des
flux. Depuis le début des années 2000, les « teichopolitiques » (politiques de contrainte de la mobilité
fondées sur la construction de « murs », cf. Ballif et Rosière 2009) se développent. Ces artefacts parfois
spectaculaires s’accompagnent, entre autres, du développement de politiques anti-migratoires, autant de
restrictions à la mobilité humaine. Ces « barrières » érigées face aux flux sont bien entendu liées à des
discours et des représentations : discours « anti-impérialistes » dans les pays du Nord comme dans les
Sud, mais aussi discours séparatistes et indépendantistes, qui stimulent l’augmentation lente mais
continue du nombre des États — une forme de fragmentation de l’espace politique mondial a priori
contradictoire avec les attendus de la globalisation et avec l’idée de formation d’une société mondiale.
Ces symptômes expriment la tentation, multiforme et plus ou moins consciente, de la fermeture qui
nourrit elle-même le sentiment d’« humiliation » (Badie 2014) – témoignant de « la difficulté à
concevoir l’altérité dans le monde post-westphalien » (Badie 2014 : 234) — qui devient cause de
contestation et d’instabilité. C’est tout l’enjeu politique mais aussi sécuritaire de la démondialisation.
Par ailleurs, le programme Démondialisation ausculte un ordre juridico-territorial en pleine crise :
soulignons la guerre en Ukraine et la remise en cause des frontières de ce pays depuis 2014 — et
comment, de façon intéressante, à l’impérialisme « à l’ancienne », (annexion de la Crimée par la Russie),
s’opposent les rétorsions économiques de l’Occident — interdictions de visas de certaines personnalités
directement concernées, gels des avoirs de responsables russes et ukrainiens séparatistes, fermeture du
marché occidental aux acteurs économiques russes. En dehors de l’ex-Union soviétique aussi, les
frontières sont remises en cause : la fondation de l’État islamique (dit Daech) en 2014 à cheval sur les
territoires syriens et irakiens est ainsi exemplaire ; de larges portions de territoire du Proche-Orient
échappent à tout contrôle : rappelons la déstabilisation profonde du Sinaï, de la Libye, les menaces sur
le Mali, le Niger, le Nigeria, le maintien du chaos somalien et son extension au Yémen qui entre à son
tour dans un processus d’éclatement (ou « libanisation »). Ces crises géopolitiques ont pour effet la
hausse des courants migratoires, notamment vers l’Europe qui a fermé ses portes — l’expression de
« Fortress Europe » n’est déjà plus si nouvelle puisqu’apparue, notamment dans la presse américaine
avant l’entrée en vigueur de l’espace Schengen en 1995 (Albrecht 2002). La fermeture de l‘Europe
engendre une hausse spectaculaire des décès de migrants en Méditerranée. L’année 2014 a été marquée
par un nombre record de noyades en Méditerranée (plus de 4000 morts). Par ailleurs, les processus de
sécessions se poursuivent, notamment en Europe où l’Écosse a été appelée à voter pour son
indépendance, alors que la Catalogne est soumise aux mêmes tensions. A plus d’un égard, la situation
géopolitique est exceptionnelle.
Tous ces éléments, plus ou moins conjoncturels ou structurels, modifient en profondeur les mécanismes
de la mondialisation dans un contexte de crise et d’incertitudes.
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2. Programme scientifique
Le programme Démondialisation interroge des domaines qui ne sont pas mis en exergue dans les 9 défis
sociétaux proposés dans l’appel à projet ANR 2015. C’est pourquoi, il s’intègre dans les « Défis de tous
les savoirs » (DefSav) dont l’un des buts est de stimuler « la compréhension du monde qui nous entoure
et des lois qui le régissent ». Ce sont ces lois, ou logiques, que Démondialisation entend justement
questionner.
Le programme envisagera le globe dans son entier, sans restriction géographique préalable, intégrant
des terrains allant de l’Afrique australe (Fournet-Guérin), l’Afrique du Nord (Rosière), le Proche-Orient
(Balanche), l’Europe (Cattaruzza, Cuttitta, Reitel, Richard, Rošteková, Wassenberg), à l’Amérique du
Nord (Guillot, Moullé et Reitel). Notre attention sera aussi portée sur les articulations Nord-Sud
(Matuszewicz, Messaoudi, Guillot et Weber) et les synthèses à l’échelle mondiale (Bost, Rosière et
Polner).
2.1. Les objectifs généraux du programme
Pour comprendre la « démondialisation », nous souhaitons interroger les flux et les « barrières » qui y
sont corrélées. Chaque type de flux génère en effet ses propres barrières posant ainsi un champ
d’investigation quasiment infini. Les « barrières » sont en effet de tous ordres : protectionnisme
économique, « murs » frontaliers, fermeture des territoires aux migrants, repli régionaliste ou
nationaliste, repli culturel (autour des nations comme des religions).
Dans ce programme, porté par des géographes et des chercheurs en sciences sociales et humaines, nous
souhaitons centrer notre réflexion sur les flux économiques, les flux humains ainsi que les postures
culturelles « fermées », en résistance à l’ordre géopolitique dominant — à l’échelle mondiale ou locale.
Géographie politique et géographie économique seront largement mobilisées prouvant au passage leur
étroite imbrication. Ces deux champs de la géographie ne sont que trop rarement mis en relation, leur
articulation apporte pourtant des éclaircissements précieux sur la globalisation du monde. Si la
géographie économique met l’accent sur les flux internationaux et semble attachée à la figure du réseau,
la géographie politique rappelle l’importance des territoires. Loin de s’opposer, ces deux figures
semblent se croiser à travers des lieux (centres de décision politique et/ou économique, nœud
d’articulation entre acteurs politiques et acteurs économiques) et sur des frontières (dispositifs de filtrage
des flux, révélateurs d’asymétries territoriales). La mobilisation et le croisement de concepts et de
méthodes développées dans chacun des champs évoqués peuvent s’avérer particulièrement féconds.
L’objectif global du programme Démondialisation est de parvenir à identifier des formes de
« fermeture1 » générées par la mondialisation et à les corréler à un contexte global et des situations
locales pour tenter d’élaborer des modèles et approches théoriques de ces dynamiques.
La fermeture aux flux résulte de logiques multiscalaires, de l’échelle locale à l’échelle mondiale. Un des
objectifs de ce programme sera de déterminer si la fermeture est liée à des « forces endogènes » qui
œuvrent contre la mondialisation (Desai 2003 : 2), ou au contraire si ces logiques de fractionnement
sont parties prenantes de la mondialisation et à ce titre imposée par elle. Il importera donc de jouer en
permanence sur les échelles, le local reflétant des tensions et enjeux globaux, et le global lui-même étant
influencé par le local.
La décomposition des objectifs scientifiques du programme Démondialisation permet de distinguer
trois étapes : dévoiler, comprendre et modéliser les dispositifs de fermeture dans leurs dimensions
spatiales, technologiques et administratives. Les artefacts concrets doivent aussi être reliés à des discours
Le premier objectif scientifique de ce programme est de dévoiler une réalité encore mal perçue : celle
de la démondialisation. Si les discours anti- ou alter-mondialisation sont connus, les mesures effectives
visant à restreindre les échanges et les flux, le sont beaucoup moins. C’est particulièrement vrai pour les
barrières économiques, administratives, comme pour les « murs » migratoires érigés aux frontières
internationales.
1 Et non pas « les » formes au sens exhaustif de l’expression.
7
Au-delà de la description d’une réalité mal connue, le deuxième objectif de ce programme est de penser
la « fermeture » afin de produire une pensée cohérente sur l’état de la démondialisation en tant que
réalité multiforme.
Il s’agit à la fois de mesurer l’ampleur du phénomène de fermeture par la constitution d’un corpus
notamment sous la forme de bases de données sur les barrières économiques (barrières douanières et
tarifaires) et les barrières frontalières (barrières migratoires et lignes de front), les deux étant
accompagnées d’une cartographie planétaire à différentes échelles (planisphère, zooms locaux).
La constitution d’une base de données sur la fermeture économique représente un défi particulièrement
complexe dans la mesure où les barrières économiques (comme les barrières tarifaires) forment un
ensemble hétérogène et à géométrie variable, variant non seulement en fonction des organisations
régionales, mais aussi d’État à État. Pour les barrières tarifaires, l’indicateur de base est le niveau des
droits de douane imposés aux produits importés, exprimé en pourcentage du prix du produit importé. Il
peut s’agir d’une base pour une mise à plat, mais les paramètres sont nombreux (sans parler des barrières
non tarifaires (normes) qui se sont multipliées et complexifiées dans la perspective d’échapper aux
règles contraignantes de l’OMC. De ce point de vue, ce programme se veut exploratoire.
Il s’agit aussi de comprendre comment les politiques sont reliées aux discours. En effet, au-delà d’une
réalité comptable (les données), il importe de mettre en évidence des logiques de fermeture dans les
idées, les idéologies et les représentations. Les barrières en tant que dispositifs spatiaux, technologiques
et administratifs sont toujours accompagnées par des représentations et des logiques politiques qui
devront être mises en exergue. Ces logiques sont parfois liées à des attaques ciblées contre le système
financier, contre l’impérialisme occidental, elles sont aussi parfois liés à des discours xénophobes
articulés à des réalités locales ou à des représentations globales (liées aux « civilisations » pour reprendre
la rhétorique S. Huntington).
Le dernier objectif est de parvenir à modéliser les dispositifs de fermeture, et notamment les
différentes formes de barrières. Pour dépasser le stade idiographique et s’inscrire dans une démarche
nomothétique, le programme Démondialisation ambitionne d’élaborer une approche rationnelle de la
fermeture notamment en corrélant trois entrées essentielles pour les territoires : leur situation
économique, leur situation politique (régime) et leur position par rapport aux flux migratoires.
L’objectif final du projet est de dresser un tableau plus nuancé de la mondialisation afin de montrer que
les dynamiques liées à la mondialisation ne produisent pas des effets homogènes allant partout et
toujours dans le même sens (vers l’« ouverture » idéalisée). Il s’agit de questionner les processus de
« filtrage » (sélection des flux) dans un contexte de mondialisation, filtrage qui associe à la fois fermeture
et ouverture, en prenant en compte les dimensions technique et fonctionnelle, mais en interrogeant aussi
les discours et les représentations du monde et de l’altérité. Il s’agit donc de revisiter la complexité des
effets de la mondialisation en s’appuyant sur une double approche à la fois structuraliste et
poststructuraliste.
Pour atteindre l’ensemble de ces objectifs, nous présenterons ici les chercheurs réunis dans ce
programme (2.2), son découpage en trois axes (2.3) et le soutien logistique au fonctionnement du
programme (2.4).
2.2. L’équipe Démondialisation
L’équipe Démondialisation est formée par 17 chercheurs (cf. Tableau 1 supra), dont 5 femmes, de 5
nationalités au total, d’un point de vue statutaire, on compte 6 professeurs, 7 Maître de conférences
(Mcf), 2 chercheurs, une ATER et un IGE (outre celui qui sera embauché).
Tous les membres de l’équipe sont francophones, la langue de travail de l’équipe est le français, mais
les livrables sont prévus en anglais ou en français ou ponctuellement en toute autre langue.
L’ossature académique de l’équipe est formée par des géographes — dont la discipline a, depuis
longtemps, participé à l’analyse de la mondialisation (Dollfus 1997, Ghorra-Gobin 2006 et 2012, Lévy
2008, etc.) — qui souhaitent analyser la « fermeture » dans la mondialisation, selon une approche
structuraliste (formes et dispositifs concrets) mais aussi critique, ou poststructuraliste, notamment par
l’analyse des discours et des représentations. Cette approche critique est renforcée par l’interaction avec
des chercheurs d’autres disciplines. En effet, trois politologues (Cuttitta, Matuszewicz, Rošteková), une
historienne (Wassenberg) et une experte et praticienne auprès de l’Organisation Mondiale des Douanes
(Polner) complètent le dispositif.
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L’interdisciplinarité produite vise à mieux appréhender des processus multiscalaires,
multidimensionnels et diachroniques qui impactent les territoires, les réseaux et les acteurs à toutes les
échelles (État, organisations, firmes, individus).
Les 17 chercheurs français et européens ici réunis ne forment pas un ensemble clos mais une équipe
dotée de nombreuses interrelations dans les milieux académiques et institutionnels (Commission on
Political Geography de l’Union géographique Internationale (IGU/UGI), Association of Borderland
Studies, réseau des Border Regions In Transition (BRIT network), World Free Zones Organization,
Organisation Mondiale des Douanes, etc.
Ces chercheurs éprouvés ont déjà eu l’occasion de travailler ensemble ou séparément sur différents
programmes. L’équipe reprend aussi les thèmes de réflexion du Groupement d’Intérêt Scientifique
qu’est l’« Institut des Frontières et discontinuités » (IFD). Créé en février 2011 par les laboratoires
« Discontinuités » de l’université d’Artois, TVES de Lille 1 et de l’ULCO et le pôle de Mons de
l’Université Louvain-la-Neuve, auquel s’ajoute l’EA.2076 « Habiter » de l’université de Reims depuis
juin 2014, le GIS IFD mène des recherches sur les discontinuités territoriales, leurs dynamiques et les
modes de gouvernance mis en œuvre pour gérer ces dernières. L’IFD a organisé en novembre 2014 un
colloque de l’association des Border Regions in Transition (BRIT XIV) soulignant l’ancienneté et la
solidité de la réflexion menée sur ces thèmes. Quatre membres de l’IFD font partie du projet
Démondialisation (F. Bost, F. Moullé, B. Reitel et S. Rosière).
La direction du programme est assurée par le Pr. Stéphane Rosière, directeur de l’EA.2076 Habiter à
l’URCA et directeur de publication de la revue L’espace politique <http://espacepolitique.revues.org>.
Il participe au 7P7 Euborderscapes (2012-16) et en particulier son WP1. Membre du bureau de la
commission de géographie politique de l’Union Géographique internationale (UGI) il a intégré de
nombreux réseaux de recherches notamment liés aux frontières : association des Border Regions in
Transition (BRIT), l’Anti-Atlas des Frontières, le GIS Institut des Frontières et Discontinuités, etc...
Stéphane Rosière est l’auteur de plusieurs publications sur les frontières, les teichopolitiques —
politiques fondées sur la construction de murs (Ballif et Rosière 2009, Rosière et Jones 2012), les
tensions migratoires aux frontières (Rosière 2012), avec des publications aux États-Unis (Rosière et
Jones 2012), au Japon (Rosière 2014) et au Brésil (Rosière 2015). Stéphane Rosière assure le portage
de l’axe 2 et participe aussi, mais de façon secondaire, à l’axe 3.
2.3. Les trois axes du programme
Le programme est divisé en trois axes sur les thèmes des barrières économiques (axe 1), barrières
frontalières et migratoires (axe 2), et barrières politiques (axe 3) ; eux-mêmes subdivisés en thèmes.
Les membres du programme sont intégrés dans un de ces 3 axes de façon principale et parfois de façon
secondaire dans un second axe. Il s‘agit de permettre une réflexion transversale et d’accroître les
synergies durant le programme pour donner toute sa cohérence au projet. Ainsi, ces axes ne sont pas
conçus de façon étanche. Ils proposent plutôt un regroupement de compétences autour d’un thème et de
concepts centraux, ainsi que dans la perspective de livrables plus précis comme des numéros de revues
ou des articles coécrits (cf. 4). Les membres des trois axes seront amenés à travailler ensemble, de façon
transversale lors des étapes du programme, notamment dans le séminaire intermédiaire et dans le
colloque conclusif (cf. 3. Le déroulement du programme).
L’axe 1 : Les barrières économiques
Coordinateur : François Bost ; autres membres : Mariya Polner, Dalila Messaoudi et Serge
Weber.
L’axe 1 est porté par le Pr. François Bost (EAO. 2076, Habiter, Université de Reims). Spécialiste de
géographie économique et industrielle, il étudie depuis une vingtaine d’années le processus de
mondialisation contemporain à travers les stratégies d’internationalisation des entreprises (via les flux
d’échanges et d’investissement internationaux), et les politiques de développement des Etats et des
zones d’intégration régionale (entre autres sur ces thèmes : Bost 2010a, 2014). Il codirige depuis 2007
les Images économiques du monde (publication annuelle chez A. Colin). Spécialiste des zones franches,
il a dirigé l’Atlas mondial des zones franches (Bost, 2010b) ; il est aussi membre du Conseil
d’administration de la World Free Zones Organization depuis 2013. A ce titre, il connait
9
particulièrement bien les questions relatives aux barrières douanières et à leur évolution mondiale dans
leur dialectique fermeture / ouverture.
Dalila Messaoudi est une spécialiste de géographie économique et industrielle intégrée au sein du
Centre d’Etudes sur la mondialisation, les conflits les territoires et les vulnérabilités (CEMOTEV)
EA 4457, Université de Versailles Saint-Quentin qui regroupe économistes et géographes ; elle intègre
aussi plusieurs réseaux (GERPISA ; association « Manifeste pour l’industrie »). Ses thèmes centraux
sont la désindustrialisation, la localisation et la délocalisation des entreprises (Messaoudi 2014). Elle
s’intéresse aussi aux échanges internationaux, notamment dans secteurs d’activité industriels (textile-
habillement, automobile, etc.), aux questions de préférence nationale et d’ancrage territorial.
Mariya Polner est expert à Bruxelles à la World Customs Organization (WCO/OMD) depuis 2009, au
sein de l’Unité « Recherche et Stratégies », puis à la sous-direction « Contrôle et lutte contre la fraude ».
Précédemment, elle avait travaillé pour la Commission Européenne et la Mission d’Assistance
frontalière de l’Union européenne pour la Moldavie et l’Ukraine (EUBAM). De nationalité ukrainienne,
elle parle couramment l’ukrainien, le russe, l’anglais et le français, accédant ainsi à un très large éventail
de publications internationales. Ses principales contributions portent sur la facilitation des échanges et
la sécurité aux frontières, la lutte corruption et le commerce illégal (Polner 2011).
Serge Weber, chercheur au sein du laboratoire Analyse comparée des pouvoirs (EA 3350, Université
de Paris-Est-Marne-la-Vallée), il est spécialiste des migrations internationales et des politiques
migratoires en Europe et dans ses marges. Après une thèse sur les migrations des Pays d’Europe centrale
et orientale vers l’Europe du Sud, il a publié sur l’européanisation des politiques migratoires (Weber
2007), le lien entre migrations et circulation des entreprises (Daviet, Mioche et Weber 2006) et, plus
récemment, sur les enjeux transnationaux et les effets de bottom-up des processus d’intégration
régionale au Proche et Moyen Orient (2013). Il oriente ses recherches vers le lien entre migration,
politique frontalière et stratégies entrepreneuriales, notamment au Moyen-Orient et dans le Caucase
(Weber 2014).
Les objectifs de l’axe 1
Nous appelons « barrières économiques » les mesures et décisions administratives unilatérales qui
visent à entraver (ponctuellement ou plus ou moins durablement) la libre circulation des marchandises,
des investissements des entreprises (IDE), des capitaux, ou encore l’application des normes et des
décisions internationales (cas par exemple de la Chine qui favorise outrageusement ses entreprises lors
de ses appels d’offre internationaux).
Dans cet axe, nous envisagerons les barrières économiques selon deux questions centrales : les
« dérapages » protectionnistes aux frontières (pour reprendre l’expression diplomatique en vigueur à
l’OMC : Rapports de l’OMC de 2009 à 2014) et les logiques de blocs économiques concurrents, qui
visent à favoriser certains pays partenaires au détriment des autres par des modalités de fermeture
(logique « blocs contre blocs ») qui esquissent de nouveaux découpages et de nouvelles fermetures.
Les « dérapages » protectionnistes aux frontières
Les crises géopolitiques et économiques nationales, régionales ou mondiales constituent des moments
privilégiés pour l’adoption de mesures de « fermeture » par les Etats ainsi qu’en témoigne l’histoire
économique et la géo-économie des XIXe, XXe et de ce début du XXIe siècle, surtout depuis le
déclenchement de la crise mondiale en 2007 (Adda 2006, Bairoch 1997, Braudel 1976, Carroué 2002 et
2006, Hobsbawm 1994, Norel 2009 et 2012). La multiplication des litiges, des différends, voire des
sanctions discriminatoires entre groupes d’Etats (zones d’intégration régionales comme l’Union
européenne, le MERCOSUR, l’ALENA, l’ASEAN, etc.), Etats, ou entre entreprises et Etats qui se
sentent lésés peut conduire à des conflits s’inscrivant dans des logiques d’escalade et de guerre
économique qui, dans leurs formes extrêmes, ont pu par le passé évoluer vers des conflits armés aux
lourdes conséquences. Le souvenir de la crise de 1929 et de ses politiques protectionnistes de fermetures
des frontières est encore très présent dans les esprits, notamment de ceux qui se font les gardiens du
libre-échange dans le cadre de la mondialisation de l’économie.
La crise financière et économique mondiale apparue aux Etats-Unis en juillet 2007 fournit-elle un
nouvel exemple de cette montée des fermetures ? La réponse est affirmative à bien des égards, si l’on
10
en juge par le réveil des tensions latentes entre Etats et groupes d’Etats, même si la poussée
protectionniste paraît avoir été contenue pour le moment (Rapports de l’OMC de 2009 à 2014).
Les fermetures protectionnistes actuelles sont pour le moment encore peu étudiées en sciences humaines
et sociales. Elles jouent néanmoins un rôle essentiel pour mesurer l’ampleur de la crise du
multilatéralisme, et apprécier à leur juste valeur le retour du « désordre » international et la montée des
nationalismes (rôle des préférences nationales) à l’échelle mondiale. Comme le souligne de façon
pertinente Jacques Sapir : « Loin de conduire au dépassement de la nation, la globalisation s’avère être
le nouveau cadre de l’expression de politiques nationales qui engendrent soit des effets de domination
et de destruction des cadres nationaux au profit de nations plus fortes, soit des phénomènes de réaction
et de développement national. » (Sapir 2011 : 18-19)
De nombreuses et nouvelles formes de protectionnisme ont ainsi été recensées depuis 2008, tant à
l’encontre des échanges internationaux de marchandises et de services, que des investissements directs
étrangers (IDE). Or ces flux constituent les principaux moteurs de sortie de crise et de reprise de
l’économie mondiale (Bost 2012, 2013). Instruits par le passé, les grandes institutions (FMI, Banque
mondiale, OMC, Union européenne, etc.) et les grands Etats (notamment dans le cadre du G20 et du
G8) ont réaffirmé à plusieurs reprises dès 2008 que le recours au protectionnisme serait pire que le mal
et ne constitue qu’une solution illusoire à très court terme, susceptible de dégénérer rapidement dans
une logique du chacun pour soi (par la fermeture des frontières et la hausse des droits de douane), à
l’instar de ce qui fut observé à partir des années 1930.
L’arsenal des mesures de fermeture auxquelles peuvent recourir les Etats à l’encontre des exportations
ou des investissements de tel ou tel pays ou, de manière plus ciblée, de telle ou telle firme étrangère,
présente une très grande diversité et ingéniosité. Celui-ci n’a eu de cesse de s’étoffer et de se
complexifier pour contourner les règles en vigueur destinées à les proscrire depuis l’avènement de
l’Organisation Mondiale du Commerce en1995, dont le principal objectif reste la vigilance (Bost 2012,
Hugon et Michalet 2005). Aussi ces mesures discriminatoires font elles l’objet d’une très grande
attention de la part des institutions internationales (OMC, OMD, FMI, etc.) et des Etats qui ont
pleinement conscience des conséquences de ces représailles et de leur contribution à la montée des
incertitudes sur la dynamique mondiale des échanges. Dans son rôle de gendarme et d’arbitre des
échanges internationaux, l’OMC a ainsi développé une politique de désamorçage des conflits
commerciaux et de recherche de solutions négociées par les parties en présence au travers de l’Organe
de Règlement des Différends (ORD), qui enregistre les plaintes (Bost 2012).
Si l’instauration unilatérale de droits de douane au mépris des règles internationales établies dans le
cadre de l’OMC s’est raréfiée, en revanche la plupart des Etats rivalisent désormais d’ingéniosité en
matière de discrimination en jouant sur les normes (notamment techniques et sanitaires) et les
tracasseries administratives, où ils disposent de marges de manœuvre importantes. Il s’agit là d’une
tendance nouvelle, peu étudiée encore de manière systématique et comparative, qui a littéralement
explosé à la faveur de la crise économique et financière mondiale apparue en 2007. La diversité des
formes possibles de retour au protectionnisme expliquent sans peine cette envolée. La Banque mondiale
en recense 66 formes théoriques, dont 47 ont déjà été mises en œuvre en 2014 : augmentation unilatérale
des droits de douane, quotas divers, adoptions unilatérales de nouvelles mesures tarifaires, recours
systématique à des mesures défensives, etc. Nombre d’Etats sont aujourd’hui montrés du doigt par
l’OMC, notamment ceux qui, lors du G20 de Londres de 2009, s’étaient engagés à ne pas s’engager
dans cette voie hasardeuse. Parmi les membres du G20, 17 pays sur 20 auraient déjà dérogé selon la
Banque mondiale… Entre novembre 2008 et décembre 2011, pas moins de 1 187 mesures
discriminatoires à l’adresse de fournisseurs étrangers ont été recensées (Banque mondiale : rapport
2012). L’Amérique latine (Argentine et Brésil en tête) serait actuellement la région la plus
protectionniste, devant la Russie, l’Inde et la Chine. A contrario, les trois pays les plus vertueux seraient
l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite et le Japon.
La question de la fermeture appliquée aux frontières apparaît au total tout à fait centrale dans la
dialectique protectionnisme / libre-échange. Les frontières fonctionnent en effet comme autant de
barrières amovibles et faciles à poser pour limiter ou interdire les flux à l’entrée ou à la sortie des Etats.
Une logique de blocs antagonistes ?
Concomitamment à son déploiement planétaire, la mondialisation s’accompagne par la multiplication
de blocs régionaux (214 recensés par l’OMC en 2014) qui visent à contrebalancer les formes
11
déstabilisatrices de la globalisation économique. Les efforts de regroupement entrepris par les pays
concernés traduisent la volonté de renforcer les échanges fondés sur la proximité géographique. Les
États s’organisent alors pour constituer des marchés communs, des unions douanières, des zones de
libre-échange, etc. Ces nouveaux ensembles régionaux créent un nouveau niveau scalaire au sein
desquels il est fréquent qu’un ou deux États plus puissants dominent les autres en imposant leurs choix,
ce qui est source de multiples tensions internes. Tolérées, voire encouragées par les grandes institutions
internationales durant les années 1989-1990, ces formes de regroupements régionaux sont cependant de
plus en plus perçues comme une menace pour le multilatéralisme puisqu’ils s’inscrivent volontiers dans
des logiques de blocs contre blocs (Siroën 2004, Giraud 2008, Rainelli 2009, Gana et Richard 2014).
Signe tangible de cette évolution, l’intégration multilatérale des économies mondiales est au point mort
depuis le lancement du cycle de Doha en 2001. Les droits de douane appliqués aux biens manufacturés
restent en effet invariablement bloqués à 4 % en moyenne (mais de grands écarts demeurent entre les
produits) si bien que beaucoup d’Etats peu confiants dans le déblocage de la situation à moyen terme
tablent désormais sur la multiplication d’accords commerciaux bilatéraux qui court-circuitent la
dynamique de multilatéralisme portée par la mondialisation et favorisent les logiques de fermeture.
De nouvelles formes d’accords se développent également entre Etats ou entre zones d’intégration
régionales. La plus emblématique est le Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) en
cours de négociation entre l’UE et les Etats-Unis, pour clairement contrer la montée en puissance des
pays émergents en favorisant les deux principaux blocs de l’économie mondiale. Il s’agit du plus
ambitieux projet de partenariat commercial à l’international jamais entrepris à ce jour. Lancé en juillet
2013, le processus de négociation est prévu pour aboutir en 2016 ou 2017. La précipitation et le manque
de transparence qui l’accompagne commencent à alimenter suspicions et polémiques au sein des
opinions publiques des pays concernés. Mais plus qu’un accord commercial entre deux partenaires (les
droits de douane ont déjà été ramenés à 3 % environ dans le cadre du GATT, puis de l’OMC, si bien
que les avancées en termes de désarmement douanier ne peuvent plus être que mineures), le TTIP intègre
également la question des investissements, ce qui crée des tensions nouvelles et très fortes, attisées par
les mouvements d’opinion (les plus virulents ayant été enregistrés pour le moment en Allemagne) et les
ONG. S’il devait être signé en l’état, cet accord permettrait aux firmes transnationales américaines de
recourir à des procédures nouvelles (Investor State Dispute Settlement, ou ISDS) via un tribunal
d’arbitrage supranational en cas de différends et de préjudices, notamment vis-à-vis des Etats qui
s’opposeraient à leur action, sur le modèle de celles que les Etats-Unis développent avec succès dans
d’autres régions du monde (cas fameux du procès en cours intenté par le fabricant de cigarettes Philip
Morris vis-à-vis des autorités australiennes, qui ambitionnent de faire disparaître toute référence à une
marque sur les emballages pour les rendre moins attractifs auprès des consommateurs…). Les opposants
au TTIP redoutent tout particulièrement la possible instauration de l’ISDS, car elle est porteuse d’une
grande latitude d’interprétation juridique des textes eu égard au contour très généraux des termes, ce qui
augure de belles batailles de procédures...
Questionnements et problématiques
Plusieurs questions de nature prospective sous-tendent les recherches proposées dans cet axe 1 consacré
aux nouvelles dynamiques économiques : le phénomène de protectionnisme aux frontières est-il de
nature à s’amplifier, voire à dégénérer ? Quels en sont précisément les outils et comment ceux-ci ont-ils
évolué ? En quoi le protectionnisme est-il souhaitable et soutenable, ou au contraire dangereux pour le
monde ? Quelles sont les régions du monde les plus fragiles, celles au contraire qui se montrent plus
résistantes ? Plus profondément, il conviendra de s’interroger sur l’avenir du désarmement douanier
prôné par l’OMC et l’OMD, mais aussi de montrer en quoi la notion de sécurité économique fait sens.
Pour répondre à ces questionnements et problématiques, les chercheurs inscrits dans l’axe 1 étudieront
les logiques de fermeture à différentes échelles et dans différents espaces géographiques.
L’Union européenne (en relation avec ses pays partenaires) fera l’objet d’un traitement approfondi par
François Bost, Dalila Messaoudi et Mariya Polner. Celle-ci est en effet confrontée plus que tout autre
région du monde à une crise de grande ampleur et aux multiples conséquences (chômage record ;
accélération de la désindustrialisation et des délocalisations ; crise financière ; endettement massif ;
atonie de la croissance du PIB, etc.). Cette situation amène ses dirigeants, ses acteurs économiques, mais
aussi ses consommateurs (sensibles à la question de la « préférence nationale » qu’envisagera D.
Messaoudi) à repenser dans un certain nombre de cas les relations développées avec l’extérieur,
12
notamment à travers la question frontalière, l’UE étant volontiers présentée comme une « passoire »
(droits de douane en moyenne moins élevés) par rapport aux autres régions du monde qui ont initié plus
précocement des logiques de fermeture. F. Bost, D. Messaoudi et M. Polner étudieront notamment le
débat contemporain à partir d’une enquête menée directement auprès de l’Organisation mondiale des
douanes (à Bruxelles), de l’OMC et de l’ORD (à Genève) et de la Commission européenne (à Bruxelles).
D’une manière plus générale, et pour porter la réflexion à une échelle mondiale, les différends faisant
l’objet d’une négociation à l’OMC dans le cadre de l’ORD, feront l’objet d’une analyse poussée et
inédite, faisant la part belle à la transcription cartographique aujourd’hui totalement absente. L’objectif
poursuivi est de mettre en évidence la nature et l’origine des différends (afin d’en dresser une typologie
rigoureuse), leur évolution depuis 1995 (périodisation), les secteurs d’activité plus spécifiquement
concernés, l’implication spatiale de ces différends (quels pays sont plus particulièrement victimes de
fermetures ; quels sont ceux qui, au contraire, sont plutôt acteurs du protectionnisme ; etc.), les solutions
qui ont été trouvées ou non, etc. Différentes études de cas seront proposées à cette occasion (par exemple
celui des différends multiples entre l’UE et la Chine). En raison de sa nouveauté et de sa portée majeure,
le Transatlantic Trade and Investment Partnership entre l’UE et les Etats-Unis fera également l’objet
d’une étude approfondie par F. Bost.
Une attention toute particulière sera également accordée par Mariya Polner (experte internationale
reconnue dans ce domaine) aux questions relatives aux flux illégaux et aux trafics menés par des
organisations criminelles internationales, de même qu’à la capacité des autorités douanières pour contrer
cette menace, ce qui apportera sur le plan de la recherche académique un éclairage très original et
largement inédit à la dialectique fermeture / ouverture frontalière.
François Bost et Dalila Messaoudi analyseront aussi les questions de fermetures économiques liées
aux IDE, surtout celles qui sont apparues à la faveur de la crise de 2007, qui sont encore peu étudiées.
Certaines zones d’intégration régionales, et de nombreux pays commencent en effet à s’inquiéter de
l’asymétrie des règles (donc de la non-réciprocité). Nombre de pays non européens (Chine, Russie, etc.)
continuent en effet de restreindre fortement la liste des secteurs stratégiques et protégés, interdisant de
ce fait à de nombreuses firmes étrangères de s’implanter sur leur sol. En Chine, il est aussi toujours aussi
difficile de détenir 100 % du capital d’une entreprise, en vertu de la quasi-obligation de s’associer avec
un partenaire local. De même, les appels d’offre chinois restent très largement fermés aux entreprises
étrangères (dans le but de ne pas les voir soumettre des propositions) par le recours à des méthodes peu
transparentes. La notion de « patriotisme économique » sera plus spécifiquement abordée à cette
occasion, notamment par l’analyse des outils dont commencent à se doter les Etats pour contrôler
l’entrée des IDE et protéger leurs entreprises de raids concurrents (notamment dans les secteurs
sensibles, stratégiques et de hautes technologies). L’Union européenne et les Etats-Unis fourniront à cet
égard des cas d’école de choix, à travers l’étude de la défense des parts de marché intérieures, de la
défense de l’emploi et des entreprises, de l’origine des capitaux extérieurs, ou encore de la défense des
brevets, du savoir‐ faire, des marques, qui constituent autant d’indicateurs pertinents.
Dans le cadre de cet axe, Serge Weber développera une réflexion originale sur les stratégies des acteurs
économiques ou des États pour contourner les fermetures et les barrières juridiques et politiques qui leur
sont imposées, suite à des sanctions, en se jouant des possibilités de circulation alternatives. Les
exemples choisis sont notamment l’Iran et ses voisins (Géorgie, Arménie, Turquie, Azerbaïdjan,
Ouzbékistan, etc.), où il a déjà réalisé plusieurs missions exploratoires récentes et prometteuses. Les
pays voisins de l’Iran s’avèrent être des observatoires très pertinents pour la combinaison des régimes
frontaliers (fermetures, restrictions, ouvertures), des régimes politiques, des normes internationales et
des rapports aux grandes puissances et aires d’influence économique (Russie, Etats-Unis, Europe, pays
du Golfe, Asie du sud, Asie orientale). S. Weber entend bien montrer en quoi les contournements, les
tactiques d’évitement et de collaborations inattendues Sud-Sud interrogent de manière renouvelée le
nationalisme, le post-national, l’informel et le décentrement du monde.
13
Axe 2 : les barrières frontalières
Coordinateur : S. Rosière ; autres membres : Amaël Cattaruzza, Fabien Guillot, François Moullé,
Bernard Reitel, Maria Rošteková et Birte Wassenberg.
L’axe 2 est coordonné par S. Rosière (présenté en tant que porteur du programme) et intègre aussi :
Amaël Cattaruzza, Mcf au Centre de Recherche des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, il travaille plus
particulièrement sur questions de frontières dans le monde (identité, sécurité : cf. Cattaruzza 2012), ses
recherches récentes ont notamment porté sur la technologisation des frontières, thème qui intéresse
autant les autorités civiles que militaires (il a organisé plusieurs colloques “technologies et frontière”) ;
il est aussi spécialiste reconnu de la région des Balkans (cf. entre autres : Sintès et Cattaruzza 2012), ce
qui explique que son projet soit lié à cette thématique et à ce terrain.
Fabien Guillot, Mcf à l’Université de Caen et membre de l’équipe IDEES, mène depuis plusieurs
années une recherche en géographie sociale et politique, consacrée notamment aux asymétries
frontalières (Guillot 2009). Il développe des recherches en géographie sociale et politique sur les
pratiques sociales et les rapports sociaux. Il a notamment travaillé sur les cas des frontières Etats-Unis /
Mexique (Guillot 2012), Espagne / Maroc, et Israël / Liban / Palestine. Ces thèmes, sont au centre de
ses préoccupations depuis de nombreuses années et justifient son intégration à ce programme.
François Moullé, Mcf à l’Université d’Artois est spécialiste en géographie des frontières et en
coopération transfrontalière (Moullé 2013, Moullé et Reitel 2014). Auteur de plusieurs publications sur
ces questions il est membre de l’Association of Border lands Studies, actif dans le réseau BRIT (Border
Regions In Transition) notamment avec la présidence du comité d’organisation du BRIT XIV. Il a dirigé
l’Institut des Frontières et Discontinuités de 2011 à 2015 et participe, avec B. Eitel, au programme
Borders In Globalization (BIG) pour la période 2012-2019.
Bernard Reitel est Professeur de géographie politique et urbaine à l’Université d’Artois. Membre du
laboratoire “Discontinuités” (EA. 2468) et de l’Institut des Frontières et des Discontinuités (IFD). Il a
été l’un des organisateurs scientifique de la quatorzième Conférence BRIT, « la frontière : une source
d’innovation » (novembre 2014). Ses thèmes de recherche portent sur la planification, les systèmes de
gouvernance élaborés dans les espaces frontaliers en Europe dans les contextes urbains. Il s’intéresse
plus particulièrement aux dispositifs de circulation destinés à faciliter le passage aux frontières et les
dispositifs de sécurité prévus pour renforcer les contrôles aux frontières.
Maria Rošteková est Maître de conférences en Relations internationales à l’Université Matej Bel de
Banska Bystrica (Slovaquie). Ses recherches concernent surtout les Relations internationales de
l’Europe et de l’Europe centrale. Elle a notamment travaillé sur la question de la politique européenne
de voisinage – Partenariat oriental et Partenariat euro-méditerranéen. Elle a publié à de nombreuses
reprises sur ces questions, notamment en relation avec la Slovaquie, son pays d’origine, ainsi que
d’autres pays d’Europe centrale (cf. Gura et Rošteková 2011, Rošteková 2014).
Birte Wassenberg, historienne de formation, est Professeure à l’IEP de Strasbourg. Elle a travaillé sur
la coopération transfrontalière européenne et la politique régionale dans l’Union européenne, mais aussi
(entre autres) sur les relations interculturelles en Europe et l’anti-européisme (Wassenberg 2013) – c’est
autour de ces deux derniers thèmes, notamment dans la mesure où l’UE est parfois associée à la
mondialisation, qu’elle intègre le présent programme.
Les objectifs de l’axe 2
L’objectif fondamental de cet axe est de comprendre comment l’on produit de la fermeture sur les
frontières internationales (ici appelées simplement frontières), notamment vis-à-vis des individus. Les
« murs » aux frontières et les nouveaux modes de franchissement des barrières frontalières constituent
deux questions centrales dans cet axe.
Si toute frontière peut être analysée suivant un gradient ouverture/fermeture, dans la limologie (science
des frontières) contemporaine, cette dimension est évoquée par les concepts dialectiquement liés (sans
être absolument synonymes d’ouverture/fermeture) de debordering/rebordering mis en avant
notamment depuis le 11 septembre 2001 (cf. notamment : Andreas et Biersteker 2003). La Smart Border
Declaration de décembre 2001 lance un processus de rebordering sévère qui a généré des perméabilités
asymétriques aux frontières : si certains peuvent passer aisément, les autres sont contrôlés — cf. les
systèmes Nexus et Sentri aux frontières canadienne et mexicaine des États-Unis (Sparke 2006, Amilhat
14
Szary 2015).
Si la fermeture complète de la frontière est rare (DMZ intercoréenne), les barrières hétérogènes que les
Etats-Unis ont édifiées à la frontière du Mexique constituent un cas emblématique du rebordering
contemporain. Plus qu’une volonté de fermeture, celui-ci symbolise une volonté de contrôle accru,
notamment vis-à-vis des flux de personnes car les individus constituent indubitablement la part la plus
difficile à gérer dans l’expansion mondiale de la circulation. L’espace Schengen constitue aussi un
terrain d’observation décisif : alors que les frontières intérieures disparaissent (debordering), la frontière
extérieure se renforce dans une dynamique de rebordering (Brunet-Jailly 2007).
Le rebordering contemporain a pour objectif de réduire les flux de migrants clandestins et de canaliser
les flux vers des check points (Ritaine 2009), ou de plus en plus des synapses hypertechnologiques
(Popescu 2011, Amilhat Szary 2015, Amilhat Szary et Giraut 2015) où les individus comme les
marchandises peuvent être filtrés et, si nécessaire, refoulés – c’est l’idée de frontière asymétrique
(Foucher 2007) ou « mobiles » (Amilhat Szary 2015) : « Au nom de l’amélioration de la circulation, les
normes pour traverser les frontières sont renforcées de telle sorte qu’elle excluent des segments entiers
de populations qui avaient pourtant l’habitude de circuler dans ces territoires frontaliers. » La
discrimination à la mobilité permet d’envisager une « business class citizenship » (Sparke 2006) apte à
traverser aisément les frontières et, par contraste, une « low cost citizenship » (Rosière 2015) à la
mobilité contrainte.
La démondialisation se matérialise donc au niveau des frontières par un ensemble de logiques de
fermeture et de contrôle, d’une part, et par des asymétries liées à de fortes discontinuités d’autre part.
Ces différentes logiques sont incarnées par des acteurs, des politiques et des pratiques qui évoluent au
gré des conjonctures et des rapports de force. Dès 1999, Saskia Sassen écrivait que « les efforts pour
arrêter l’immigration relèvent d’une logique distincte de celle de la transnationalisation actuelle des
flux de capitaux, des biens, de l’information et de la culture » (Sassen 1999). La compréhension de ces
mécanismes est essentielle. Les flux humains (et la notion de libre circulation) doivent être clairement
distingués des flux de produits (libre-échange). Ce distinguo forme une première asymétrie. A celle-ci
s’ajoute la complexité de mécanismes hétérogènes (endo- et exogènes) de pouvoirs et des enjeux
sociaux, politiques, économiques, environnementaux, selon des échelles, des espaces et des temps eux-
mêmes différenciés.
Dans ce contexte de remise en cause d’une mobilité « libre », et pour atteindre son objectif principal,
l’axe 2 cherche à :
- Offrir une connaissance plus poussée des barrières frontalières contemporaines (localisation,
morphologie) et pour ce faire, affiner la délicate notion de « seuil », absente des discussions académiques
concernant ces édifices, affiner aussi les typologies de ces artefacts et mieux les interpréter par rapport
aux flux de migrants ou aux gradients économiques. Les résultats de cette recherche seront valorisés par
la création d’une base de données précise et mise en ligne (cf. 4).
- Offrir une meilleure connaissance de la notion de franchissement dans le contexte sécuritaire
actuel. Comment franchit-on les frontières? Quels sont les dispositifs privilégiés par les acteurs aux
frontières en termes de fermeture ? Quelles sont les retombées de ces dispositifs (efficacité,
contournement, coût) ? Enfin, quels sont les effets du contrôle et du filtrage ?
Dans ce contexte, la question sécuritaire ne peut être éludée. Le contexte sociopolitique contemporain
se traduit, depuis la fin des années 1990 environ, par un « tournant sécuritaire » (Bigo 1998, Kaplan
2003, Calaison 2005, Guillot 2009). La dimension spatiale de ce contrôle peut se lire et être analysée à
partir des « processus de sécurisation mis en place au niveau des frontières » (Guillot 2012). Près d’une
cinquantaine d’États (soit un quart des États de la planète) sont aujourd’hui concernés par l’existence
de barrières frontalières, soit comme constructeurs soit comme États limitrophes, sur au moins l’une de
leurs frontières. De façon significative, la plupart des nouvelles barrières (environ 70 %, mais cette part
devra être précisément calculée) ne séparent pas des États en guerre ou marqués par des tensions d’ordre
militaire ou sécuritaire mais des États dépourvus de contentieux territoriaux, voire associées dans des
zones de libre-échange (Etats-Unis et Mexique dans l’ALENA, Inde et Bangladesh dans la SAARC,
Botswana et Zimbabwe dans la SADC, etc.). On est ici au cœur du paradoxe de la mondialisation : alors
que les entraves au commerce sont diabolisées, la création d’entraves claires à la mobilité humaine est
perçue comme nécessaire. Cette dimension questionne la place de l’homme dans la mondialisation et
pourrait symboliser la « démondialisation » à l’œuvre.
15
La fermeture doit aussi être pensée comme une ressource. Pour de nombreux acteurs, la fermeture de la
frontière génère une ressource. On peut ainsi distinguer : « une économie de service de la traversée
clandestine, une économie pénitentiaire (enfermement des clandestins), une économie technologique
(surveillance) et une économie de la recherche (discours) » (Amilhat Szary 2015 : 86). Cette dimension
« ressource » tend à pérenniser la fermeture.
Pour analyser la fermeture des frontières, les participants à l’axe 2 mèneront les recherches suivantes :
A l’interface circulation/sécurité, Amaël Cattaruzza travaillera sur la question de la sécurité et des flux
à la frontière extérieure de l’Union européenne dans les Balkans occidentaux (Macédoine, Kosovo,
Albanie, Serbie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine). Cette frontière pose aujourd’hui des problèmes de
sécurité et de contrôle spécifiques qui tiennent, d’une part, à la fragilité des Etats issus des conflits des
années 1990 — pour certains « Etats faillis » (Bosnie-Herzégovine, Kosovo) — et à des circulations
spécifiques liées à l’existence de groupes ethniques transfrontaliers (Hongrois de Serbie, Serbes de
Croatie, Macédoniens de Grèce, etc.) ; d’autre part, à l’existence de différents trafics produits par les
rapports asymétriques entre l’UE et son voisinage. La « route des Balkans » est le lieu de différents
trafics (drogue, armes, êtres humains). Elle constitue une antichambre de l’UE pour divers migrants
internationaux, attirés par la proximité de la frontière de cette dernière. Cette fonction nouvelle s’est
traduite dans le paysage par l’apparition de camps de rétentions ou de camps de fortunes informels, qui
s’ajoutent aux camps de réfugiés et de déplacés, issus des conflits des années 1990. La lutte de l’UE
contre ses flux illégaux nécessite des dispositifs spécifiques, notamment le renforcement des contrôles
aux frontières extérieures et des missions ad hoc mises en place par l’agence Frontex (maritimes et
terrestres). Une des difficultés réside dans la vocation des Etats des Balkans occidentaux à intégrer l’UE.
Comment dès lors renforcer des frontières qui ont vocation (en Croatie par exemple) à disparaître à
moyen terme ? Les effets de tels dispositifs de contrôle ne risquent-ils pas d’être contre-productifs sur
les populations locales en alimentant un euroscepticisme liés à ce qui est ressenti comme une
« fermeture » de l’UE ? La question du contrôle de la frontière extérieure des Balkans occidentaux est
donc au cœur de multiples enjeux, qui poussent l’Union européenne à s’interroger sur son avenir
(élargissement ou stabilisation et renforcement de l’intégration) et ses relations avec son voisinage direct
(quelle visibilité pour la frontière extérieure ? quels dispositifs de contrôle et de sécurité ?).
Bernard Reitel et François Moullé analyseront les dispositifs spatiaux mis en place dans des lieux
emblématiques (géosymboles) de la mondialisation : port et aéroport. Ces lieux constituent des
marqueurs spatiaux révélateurs de la puissance et de l’ambivalence du filtre frontalier, jouant à la fois
sur la nécessité de faciliter certains flux et d’en sélectionner d’autres (contrôle). La morphologie et
l’aménagement de ces objets spatiaux ont évolué avec la mise en œuvre de l’accord de Schengen au
point de symboliser aussi et peut-être plus le cloisonnement que l’ouverture. Leur objectif est donc de
comprendre le paradoxe de la fermeture dans un contexte de circulation et d’ouverture (rebordering).
Les deux chercheurs se proposent de réaliser une approche comparative entre des lieux représentatifs de
la frontière de l’espace Schengen et la frontière entre les Etats-Unis et le Canada dans la région des
Grands lacs. D’autre part, ces deux chercheurs projettent d’examiner un exemple de coopération
douanières et policières : l’exemple de l’accord entre la France et la Belgique (Tournai II) est de ce point
de vue particulièrement intéressant. Il s’agit de comprendre les conséquences concrètes de ces accords
en termes de territorialité (dispositifs mis en œuvre, modalités, etc.). Le Patriot Act américain voté en
octobre 2001 a-t-il les mêmes effets sur l’évolution morphologique de la frontière que les règles qui
prévalent dans l’espace Schengen ? Ces évolutions morphologiques et réglementaires relèvent-elles
d’un cloisonnement sécuritaire vis-à-vis de l’extérieur ou bien sont-elles le résultat d’une normalisation,
à l’échelle mondiale, au profit d’échanges simplement plus efficaces ? L’objectif est de déterminer les
dispositifs et les réglementations et d’envisager quels sont les effets de ces dernières sur les dispositifs
et les aménagements de certains lieux d’interconnexion.
Pour atteindre ces objectifs, les chercheurs se proposent d’utiliser différentes méthodes : analyse des
textes officiels en interrogeant les dispositifs territoriaux de médiation et de sécurisation, photographies,
entretiens ciblés avec des acteurs (Douanes, gestionnaires des équipements de circulation) sur trois
terrains principaux (Calais, l’Aéroport Charles de Gaulle et la région des Grands Lacs américains).
Dans le contexte d’impératif de sécurisation et de contrôle des frontières, Fabien Guillot examinera la
multiplicité des acteurs et des enjeux à la frontière des États-Unis et du Mexique, ainsi qu’aux frontières
de l’Union européenne. Trois objectifs principaux peuvent ainsi être élaborés au cours du projet qui
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serviront de terrain-laboratoire pour les observations et analyse des processus et forme de sécurisation,
de contrôle et de fermeture de la frontière.
Trois objectifs dans sa démarche : tout d’abord dresser un état des lieux des acteurs intervenants dans la
sécurisation des frontières (préoccupation commune avec P. Cuttitta). Ces acteurs de la sécurité des
frontières sont alternativement des acteurs publics, des agences spécialisées, des administrations, ou
encore des acteurs privés (entreprises), voire des milices privées de citoyens, etc. L’ensemble de ces
acteurs poursuivent et répondent à des objectifs et à des enjeux qui peuvent être concomitants ou
concurrents, voire opposés. Cette phase d’état des lieux doit ainsi permettre non seulement de mettre en
évidence les différents acteurs en présence, mais aussi les domaines d’intervention de ceux-ci, leur
missions et moyens, leur périmètre d’intervention. Il élaborera un protocole méthodologique fondé
principalement sur la construction d’une grille de lecture géopolitique permettant d’appréhender non
seulement les différents acteurs, mais aussi leurs domaines d’intervention, moyens matériels et humains
mobilisés et les formes que leurs actions prennent sur le terrain frontalier en matière de contrôle et de
sécurité. Cet objectif permettra en outre de préparer une phase d’enquête de terrain au cours de laquelle
les situations et pratiques de contrôle et de sécurisation des frontières seront évaluées et analysées tant
du point de vue des objectifs poursuivis que des conséquences observables sur les terrains frontaliers
américains et mexicains. Enfin, articulées avec les précédentes étapes, seront menées des enquêtes de
terrain — un objectif à part entière du protocole de recherche. Ce protocole consiste à mettre en évidence
la cohérence d’ensemble des politiques de contrôle et de sécurité des frontières, d’établir les enjeux
politiques, économiques, sociaux et juridiques qui sous-tendent les actions menées par les acteurs tant
au niveau des institutions des Etats américains que de l’Etat fédéral lui-même. A cela s’ajoute la
nécessité de mener ces recherches également du côté mexicain de la frontière. Ces enjeux et ces
orientations politiques, juridiques et sociales en matière de sécurisation et de contrôle des frontières se
caractérisent par une mise en application sur les terrains frontaliers de ces orientations et choix en
matière de politique de sécurité. L’ensemble doit permettre de mettre en place la modélisation des
barrières frontalières signalée parmi les objectifs de ce projet (cf. 2.1).
Stéphane Rosière mènera une recherche à deux échelles : 1°) un travail de terrain centré sur le Maroc
et plus marginalement l’Espagne, complémentaire des zones géographiques étudiées par A. Cattaruzza
et P. Cuttitta, afin d’envisager les effets des barrières terrestres et maritimes de cette région ; 2°) il
dirigera la mise en place de la banque de données sur les fermetures frontalières.
Le Maroc est l’un des États au monde doté du plus grand nombre de barrières à ses frontières (barrières
érigées par lui : mur des sables, frontière fermée avec l’Algérie ; barrières subies au Nord face à l’espace
Schengen), par ailleurs le pays n’est même pas membre de l’Union africaine ; pourtant, le Maroc s’insère
avec succès dans la mondialisation. En vertu de l’indice de mondialisation (proposé par le centre de
recherche conjoncturelle (KOF) de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich) d’avril 2014, le Maroc est
classé à la 51e place mondiale (sur 207 États et territoires) serait ainsi le pays le plus mondialisé
d’Afrique (devant l’Ile Maurice, classée 52e, et l’Afrique du Sud, 61e. Dans ce contexte a priori
paradoxal, il s’agira d’analyser les dispositifs commerciaux et matériels et opérationnels aux frontières.
Sur la rive nord du détroit de Gibraltar, une attention particulière concernera le système SIVE. Décidé
par le gouvernement Aznar en 1999 dans le but d’identifier et d’intercepter les navires d’immigrants
illégaux tentant la traversée du détroit de Gibraltar. Il a été ensuite étendu à toute la côte sud de l’Espagne
depuis la frontière du Portugal jusqu’à Almeria qui se trouve désormais placée sous la surveillance de
ce système qui forme la principale barrière migratoire maritime mondiale (Gallardo 2008). L’analyse se
fera dans un contexte de recul de l’immigration illégale dans cette partie de la Méditerranée (Bernardie
Tahir et Schmoll 2015) et le projet analysera les causes de ces dynamiques.
Outre ce terrain, l’analyse des barrières frontalières sera aussi menée à l’échelle globale avec la mise en
place d’une banque de données en ligne sur la fermeture frontalière. Le laboratoire Habiter dispose déjà
d’une solide expérience en matières d’analyse des phénomènes de barrières frontalières (cartes de
Sébastien Piantoni publiées dans les articles de S. Rosière, sur le site de l’Anti_Atlas des frontières,
etc.). L’IGS recruté aidera à rechercher et mettre en forme les données sur la fermeture. Ces données
seront accessibles à tous les membres du programme dans une première période puis pourront être
ouvertes au public (fin de programme). L’objectif est de participer à l’ouvrage collectif terminal pour
faire un point sur la délicate question des barrières frontalières qui impliquent de nombreuses zones
d’ombre, notamment le seuil à partir duquel on peut parler de « mur » ou de « barrière », alors que celui-
ci échappe à toute formulation (aucune occurrence dans la littérature).
17
Maria Rošteková analysera les effets des politiques européennes en Europe centrale (Pologne, Hongrie
et Slovaquie). La frontière extérieure de l’UE est aujourd’hui située le long de la frontière orientale des
pays d’Europe centrale. Dans ce projet, une attention particulière sera accordée aux réactions
intellectuelles et émotionnelles liées aux changements – ouverture/fermeture – des frontières de l’Est -
en particulier chez les Polonais, les Slovaques et les Hongrois qui vivent à leur proximité.
Jusqu’à présent, ces pays devaient surtout prouver à ses partenaires européens qu’ils étaient capables de
« préserver » la frontière extérieure de l’espace Schengen. C’est grâce à des financements européens
que les points de passage sur cette frontière ont été modernisés et des équipements de surveillance
installés. De ce fait, les frontières avec l’Ukraine paraissent relativement bien gérées (le nombre
d’entrées clandestines est « négligeable » en comparaison avec la frontière méridionale de l’UE, par
exemple). Si, on peut constater que l’attention est souvent portée à l’aspect proprement sécuritaire de la
problématique, l’impact réel de la frontière de Schengen sur la vie quotidienne des personnes vivant en
contact direct avec la frontière est moins étudié. La situation à la frontière dépend du niveau de stabilité
politique de l’autre côté. Notamment, la crise secouant l’Ukraine depuis l’automne 2013, faisait, dès le
début, craindre de possibles hausses de flux de réfugiés. Si jusqu’à présent, ce risque est resté plutôt
minime, les hauts représentants des trois pays ont déclaré, à plusieurs reprises, qu’ils étaient prêts, en
cas d’aggravation de la situation, à accueillir les réfugiés et les blessés qui fuiraient les zones de conflit.
Mais où on en est-on avec les besoins réels, les moyens des collectivités territoriales, et les craintes des
diverses communautés et citoyens vivant dans les zones frontalières ? telle sera la problématique
centrale de M. Rošteková.
Birte Wassenberg, reviendra sur la démondialisation au cœur même de l’Union européenne, avec un
regard d’historienne indispensable pour souligner les temporalités de la fermeture. En effet, les
tendances au cloisonnement, au repli sur soi et à la peur, voire au rejet de l’autre sont souvent liées aux
« forces profondes » de l’histoire, c’est-à-dire à la mémoire des conflits et des antagonismes passés qui
s’exprime généralement par ce que les historiens appellent des « ressentiments ». Cette situation est
notamment particulièrement dans l’UE, depuis l’élargissement de 2004. L’euroscepticisme, voire l’anti-
européisme, se sont accru dans pratiquement tous les Etats-membres de l’UE, y compris les six Etats
fondateurs. Ce phénomène se traduit souvent par une remise en question du principe clé du libéralisme
économique qui régit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à la fois le processus de
mondialisation et l’intégration européenne. Dans les régions frontalières, ce phénomène se fait surtout
ressentir par un « retour » de la frontière dans le sens physique (augmentation des contrôles), mais aussi
psychologique (résurgence de la méfiance et la peur de l’autre). Ce « retour » de la frontière n’apparaît
pas seulement aux frontières extérieures de l’UE, sous forme d’un renforcement de la « forteresse
Europe », mais aussi aux frontières intérieures, au cœur même de l’Europe continentale, par exemple le
long de la frontière franco-allemande. D’un point de vue historique, il s’agit d’une ouverture de la
frontière « cicatrice de l’histoire » qui peut être identifié à partir de l’analyse de discours des acteurs
clés de chaque côté des frontières nationales. En tant qu’historienne de l’intégration européenne,
spécialisée à la fois dans l’histoire des organisations européennes, de l’anti-européisme et de la
coopération transfrontalière, B. Wassenberg souhaite analyser le rôle des facteurs historiques dans le
phénomène de recloisonnement aux frontières européennes (notamment à partir de l’étude de la frontière
franco-allemande).
L’analyse historique participe à la meilleure compréhension des « forces profondes » de la
démondialisation et de la fermeture, notamment en élaborant une périodisation de ces phénomènes, en
envisageant les conditions de leur durabilité ou de leur effacement, en les reliant à des éléments de
contexte locaux et globaux, mais aussi à des contextes passés.
18
Axe 3. Les barrières politiques
Coordinateur : R. Matuszewicz ; autres membres : Catherine Fournet-Guérin, Fabrice Balanche,
Paolo Cuttitta, Yann Richard (et S. Rosière de façon secondaire).
L’axe 3 est coordonné par Régis Matuszewicz, Mcf à l’URCA et chercheur au CERAPS (UMR 8026)
de l’Université Lille2. Ses thèmes de recherche centraux sont liés aux territoires et à la démocratie. Il
développe notamment les thématiques suivantes : implantation électorale politique et syndicale,
géopolitique de l’énergie, transition démocratique en Europe centrale et orientale et en Tunisie, et
question des frontières. Son expertise est essentiellement fondée sur l’analyse des discours politiques à
partir de la problématique des représentations sociales : débats parlementaires (Matuszewicz 2004 et
2006), les discours officiels de la Commission européenne (Matuszewicz 2007). Il participe au projet
ANR APPEL sur l’E-pétitionnement (dont l’un des objectifs est l’analyse d’une base de données de
11 000 textes différents). En outre, Régis Matuszewicz s’intéresse aux questions de sécurité dans les
relations euro-méditerranéennes (Matuszewicz et Beurdeley 2011). Depuis 2012, il travaille sur l’étude
des discours et des dispositifs relatifs aux frontières tunisiennes (programme Médimurs, Science po
Bordeaux)..
Catherine Fournet-Guérin Mcf habilitée à diriger des recherches à l’Université de Reims, spécialisée
en géographie sociale et culturelle, a consacré une partie importante de ses recherches à l’étude des
représentations et des discours des différents types d’acteurs en Afrique (entre autres : Fournet-Guérin
2011, Fournet-Guérin et Vacchiani 2013). Dans ce programme, elle appliquera sa méthodologie à de
nouvelles thématiques scientifiques mais inscrites dans des territoires bien connus de longue date par
un travail de terrain.
Fabrice Balanche, géographe et spécialiste de géographie culturelle et politique du Proche-Orient. Il
est professeur à l’Université Lyon 2, directeur du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée
et le Moyen-Orient (GREMMO). Il est spécialiste du Proche-Orient, région où il a vécu de nombreuses
années et sur laquelle il a publié de nombreux ouvrages (signalons ici : Balanche 2010, 2012a, 2012b,
2013). Il est fréquemment consulté sur la guerre contemporaine en Syrie.
Paolo Cuttitta chercheur reconnu sur les questions migratoires et plus généralement dans les Border
studies, il est un des meilleurs spécialistes de la question migratoire dans son pays d’origine, l’Italie (cf.
Cuttitta 2007), il a publié à de très nombreuses reprises sur ces questions (entre autres Cuttitta 2015,
2014a, 2014b, 2015).
Yann Richard est Professeur de géographie à l’université Paris 1. Ses travaux portent sur l’espace
européen, les frontières externes de l’UE et les intégrations régionales dans le monde (Richard 2014).
Ses travaux sur l’Europe orientale l’ont amené à travailler sur les dynamiques frontalières dans les
marches orientales de l’UE et en particulier sur les coopérations transfrontalières avec la Russie (Richard
et alii, 2015). Plus récemment, il a commencé à travailler sur la géographie du oui et du non au
référendum d’indépendance écossais de septembre 2014. Un premier terrain lui a permis d’identifier
certains interlocuteurs et des méthodes de travail utiles dans le cadre de l’axe 3 dans lequel il est inséré.
L’axe 3 est divisé en deux thèmes : fermetures politiques au Nord et au Sud, et sécessions et
indépendantismes.
Axe 3, thème 1 : Fermetures politiques au Nord et au Sud
Le triple contexte de crise économique mondiale, de révolutions arabes de l’hiver 2011 et de diffusion
du terrorisme au niveau mondial favorise les discours de fermeture au sein des pays du sud comme du
Nord soulignant ainsi que l’on peut « promouvoir certains flux et permettre leur intensification tout en
réduisant d’autres ». (Amilhat Szary 2015 : 30). Ce paradoxe apparent justifie pleinement l’étude des
discours de démondialisation dans le Nord (Union européenne) et dans le Sud : Maghreb (Tunisie en
particulier), Machrek (Daech) et Afrique subsaharienne (Mozambique et Madagascar).
Acteur de premier plan de la mondialisation économique, l’Union Européenne (UE) développe pourtant
une politique de « blindage » de la frontière méditerranéenne, sous la double pression de la progression
électorale des mouvements populistes et d’extrême droite dans toute l’Europe, comme l’ont symbolisé
les résultats des élections européennes de 2014, et les vagues de migrations venant du Sud depuis le
printemps arabe (2011) et la montée en puissance de l’Etat islamique (ou Daech) en Irak et en Syrie
19
(2014). Dans le but de légitimer cette politique de fermeture, les arguments des humanitaires ont été
intégrés dans les récits des décideurs politiques, les think tanks, les professionnels de la sécurité, les
experts et les technocrates. Ainsi, les politiques migratoires restrictives sont souvent présentées comme
nécessaire au respect des obligations humanitaires en accord avec le droit international et la protection
des migrants.
En Afrique subsaharienne, comme dans le Machrek et le Maghreb, beaucoup de pays se trouvent dans
une situation difficile (population en majorité très pauvre, économie faiblement développée), souvent
très dépendants des investissements étrangers ou des programmes d’aide internationaux, ils se trouvent
dans un rapport de force déséquilibré face aux acteurs principaux de l’économie mondiale. Depuis les
années 1980 ou 1990, la plupart des pays d’Afrique, du Maghreb et du Machrek ont ainsi été obligé de
s’engager dans des politiques de libéralisation économique et d’ouverture internationale.
Dès lors, ces pays se trouvent placés en situation de dominés à l’échelle mondiale : demandeurs de
présence étrangère, que ce soit dans le champ de l’aide ou du développement économique, ils se
retrouvent confrontés à une critique de cette ouverture par des segments de la société civile. Il peut s’agir
de syndicats, de collectifs citoyens, de mouvements politiques ou d’individus ayant accès à une visibilité
publique grâce aux nouveaux médias électroniques, et qui contestent les impacts de la présence étrangère
dans le territoire et qui prônent une fermeture. On retrouve alors une version contemporaine d’une
rhétorique tiers-mondiste. Celle-ci consiste à présenter ces Etats comme dominés et souffrant de la
présence étrangère et est aujourd’hui réactivée dans un contexte général de paupérisation marquée de la
majorité de la population. Force est de constater que cette ouverture internationale n’a pas eu les
conséquences attendues en termes de développement tant économique qu’humain. Par conséquent, de
manière assez répandue de par le monde, les symboles de cette présence étrangère perçue comme
dominatrice, cupide et sourde aux souffrances des populations font l’objet d’un rejet important.
C’est dans ce contexte que la contre-société de Daech s’épanouit dans les territoires arabes sunnites
défavorisés de Syrie et d’Irak. Le groupe terroriste a ainsi réussi à se créer un fief dans lequel il construit
cette contre-société régie par des règles médiévales. Il s’agit de mettre en place un semblant d’Etat
providence qui fasse adhérer la population afin de mieux l’endoctriner. Le phénomène Daech se trouve
à contre-courant du système économique libéral qui règne au Proche-Orient depuis la chute de l’Union
soviétique et l’abandon des politiques d’économie dirigiste. La montée en puissance des
pétromonarchies du Golfe a accéléré l’intégration du Moyen-Orient dans la mondialisation provoquant
la destruction du tissu productif au profit des activités de services. Ce processus est des plus
déstabilisateur pour les populations locales inadaptées à la concurrence mondialisées, protégées jusqu’à
une date récente par les filets de sécurité sociaux baathistes et le protectionnisme économique.
En Tunisie, c’est aussi au nom de la question sociale et économique que la révolution a éclatée. L’activité
économique, concentrée sur l’ensemble du littoral, a pour corollaire le sous-développement des zones
frontalières terrestres de l’ouest et du sud qui enferme socialement les Tunisiens (en particulier les
jeunes) dans leur propre pays. Le modèle économique tunisien repose sur des activités à très faible valeur
ajoutée et une inadéquation du système éducatif avec le marché de l’emploi. Il en ressort un sentiment
de frustration particulière de la part de ces jeunes, qui ont été nombreux à participer au mouvement
révolutionnaire, et se considèrent totalement abandonnés par les politiques. Or, la libéralisation
commerciale que l’UE appelle de ses vœux dans le cadre d’un accord de libre-échange complet et
approfondi (ALECA) risque d’accentuer encore les disparités, déjà importantes, entre la côte et
l’intérieur dont la structure économique est concentrée sur quelques secteurs d’activités traditionnels.
Il est donc pertinent de s’intéresser aux discours produits dans ces pays à l’encontre des acteurs incarnant
les différentes formes de mondialisation : il peut s’agir d’hommes d’affaires étrangers, aussi bien
Européens qu’originaires de pays dits émergents, de représentants des institutions financières
internationales ou de grandes ONG ou encore d’entreprises entendues comme un tout qui symbolisent
la présence étrangère. Ces discours véhiculent des représentations qui seront au cœur de l’analyse.
Dans le cadre d’une étude portant sur Madagascar et le Mozambique, Catherine Fournet-Guérin
formule l’hypothèse que, faute de pouvoir influer sur la présence étrangère dans leur territoire, tant le
rapport de force est déséquilibré, les acteurs locaux hostiles à celle-ci développe une critique tous
azimuts, laquelle peut relever d’une perception déformée de la situation. Les discours nationalistes
semblent alors constituer un thème aisément mobilisateur dans des pays dans lequel le débat politique
est par ailleurs verrouillé. Elle s’intéressera donc tout particulièrement à l’analyse de la géographie des
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rumeurs afin de constituer un inventaire de la propagation de celles-ci dans des territoires qui se sentent
marginalisés et, partant, menacés.
Régis Matuszewicz confrontera les discours de fermeture dans l’UE et en Tunisie, dans un contexte de
démocratisation en cours mais aussi de montée du terrorisme. Sa démarche visera, à partir d’une analyse
diachronique, à s’interroger sur les évolutions du contenu de ces discours depuis la période de la
révolution janvier 2011 jusqu’à aujourd’hui en isolant plusieurs périodes en fonction des changements
de gouvernements en Tunisie ainsi que de l’actualité de la mondialisation dans ce pays. Un certain
nombre de questions pourront être posées : Comment l’UE envisage le soutien aux processus de
démocratisation tunisien tout en exerçant une pression à la fermeture des frontières aux migrants en
échange d’aides économiques ? Peut-on déceler une accentuation progressive de ce discours de
fermeture en lien avec la progression de l’extrême droite et des populismes en Europe et des pressions
migratoires aux frontières ? Alors que la thématique centrale de la société tunisienne passe de la question
économique et sociale, à celle de l’identité et du rapport à la religion en particulier, notamment sous le
gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahdha, puis à la question du terrorisme à partir des
premiers attentats en avril 2013 jusqu’à ceux du Bardo en mars 2015. Dans ce pays, la question de la
fermeture prend des aspects « civilisationnels », ce thème se transforme-t-il, progresse-t-il ou régresse-
t-il ?
Paolo Cuttitta s’intéressera aux transformations du régime migratoire européen en Méditerranée
centrale entre l’Italie et Malte, d’un côté, et, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte, de l’autre) soit
l’interface UE/Afrique du Nord. Il mettra en exergue la dimension « humanitaire » mise en avant dans
la gestion des flux frontaliers — forme de mobilisation croissante de sentiments comme la compassion
ou la solidarité dans l’action publique et privée (Fassin 2012).
Le projet analysera comment les discours humanitaires ont été adaptés et modifiés afin de redéfinir le
régime de la frontière de l’UE en Méditerranée centrale. En outre, il abordera le rôle des acteurs non
étatiques - y compris les organisations humanitaires et leurs militants - dans la co-élaboration de
« frontières humanitaires » (Walters 2011). Ce travail soulignera comment « militants et décideurs
peuvent être considérés comme des partenaires dans la gouvernance [des frontières] partageant un
vocabulaire commun et des pratiques » (Kennedy 2004). Jusqu’où vont les liens ? Le personnel
humanitaire est de plus impliqué dans la gestion des flux transfrontaliers. A partir de son terrain
d’analyse, Paolo Cuttitta étudiera comment les discours humanitaires se sont adaptés et modifiés en vue
de redéfinir la politique de la frontière de l’UE en Méditerranée centrale.
In fine, son projet permettra d’analyser le rôle de l’humanitarisme et des organisations humanitaires
dans la fermeture de la frontière dans la Méditerranée centrale où il serait erroné de penser que la sévérité
en matière de gestion frontalière signifie la fermeture, et que l’humanitarisme signifie l’ouverture
(Mezzadra and Neilson 2013 : 175). P. Cuttitta suggèrera que la fermeture n’est plus seulement un
processus d’État mais que d’autres acteurs participent, parfois contre leurs objectifs affichés, à cette
logique complexe qui mêle arguments humanitaires, sanitaires, politiques et économiques.
De son côté, Fabrice Balanche, analysera le discours de « fermeture » de Daech (acronyme arabe d’État
islamique) et ses paradoxes. Daech prône l’application stricte de la charia et le retour aux premières
années de l’Islam. Dans ce discours, toute innovation doit être proscrite car c’est la modernité même qui
est conçue comme un instrument de domination de l’Occident. Cette pensée n’est pas nouvelle mais
s’inscrit dans la continuité du réformisme musulman du XIXe siècle. Pour ses concepteurs, il s’agit de
se protéger de la domination occidentale, de rompre toute relation avec le monde extérieur, la
mondialisation étant considérée par les salafistes comme le dernier avatar de l’impérialisme occidental.
Pourtant, ce discours de fermeture s’immerge profondément dans la mondialisation par l’utilisation de
tous les instruments de la communication mondialisée pour diffuser sa propagande (Internet, réseaux
sociaux), dans une logique de compétition avec d’autres mouvements idéologiquement proches (Luizard
2015).
Ce discours antimondialisation trouve un écho dans la jeunesse marginalisée des sociétés post-
industrielles d’Occident, ou chez ceux qui refusent le consumérisme effréné qui a cours dans les pays
du Golfe, il s’épanouit aussi dans les territoires arabes sunnites défavorisés de Syrie et d’Irak où le
groupe dispose d’une réelle légitimité, notamment face à des pouvoirs chiites assimilés à des forces
d’occupation. Le groupe terroriste a réussi à se tailler un fief territorial dans lequel il construit cette
contre-société régie par des règles médiévales et sur des logiques totalitaires. Ainsi, les premières
21
préoccupations de Daech sont-elles d’instituer des cours de justice islamiques et de prélever,
conformément à la charia, la zakat (l’« aumône légale », troisième pilier de l’islam, à un taux de 10%
des revenus). Il s’agit de construire un semblant d’Etat providence qui fasse adhérer la population afin
de mieux l’endoctriner. Certes, dans la plupart des territoires conquis par Daech, la population était déjà
très conservatrice, l’imposition de la charia n’a donc pas bouleversé ses habitudes. Face à la
déstabilisation des populations locales, l’Etat islamique se présente comme un acteur capable de rétablir
la sécurité face à aux armées nationales assimilées à des forces d’occupation, et d’offrir des repères face
à l’inconnu de la mondialisation. Le retour aux premières heures de l’Islam est présenté comme capable
de résoudre tous les problèmes sociaux, économiques et politiques que connaissent les pays du Proche-
Orient. Il est vrai que les populations locales sont peu adaptées à la concurrence mondialisée, et sont
restées protégées jusqu’à une date récente par les filets de sécurité sociaux baathistes et le
protectionnisme économique. In fine, il s’agira de montrer comment un discours idéologique, articulé à
des mécanismes économiques spécifiques, et des dimensions ethniques et culturelles locales, tente de
réinventer le monde par la violence et d’esquisser une alternative à la mondialisation.
La méthodologie mobilisée par les chercheurs de l’axe 3, reposera sur l’étude de la presse, les sites
d’organes officiels (Commission de l’UE notamment) ou de partis et organisations diverses, des études
des discours dans des blogs en ligne, les réseaux sociaux, les sites Internet. Les discours dans des œuvres
littéraires (bandes dessinées, films et vidéo-films, romans) pourront être analysés. Des entretiens semi-
directifs seront menés dans les différents terrains de recherche auprès des acteurs gouvernementaux et
institutionnels, ou issus de la société civile (ONG, militants, partis politiques…), de simples citoyens
ainsi que des chercheurs.
Axe 3, thème 2. Sécessions et indépendantismes
Les indépendantismes (mouvements favorables à l’indépendance d’un territoire) n’ont pas été
découragés par la mondialisation. L’unification des marchés n’a pas produit l’unification des États, si
ces deux dynamiques ne sont pas contradictoires (Rodrick 2012).
En Europe, il existe de nombreux mouvements indépendantistes (Belgique, Danemark, Espagne, Italie,
France, Royaume-Uni, Ukraine, Russie). Ces mouvements sont soit en faveur d’une indépendance pure
et simple (Catalogne, Écosse), soit liés au rattachement à un État voisin (Tyrol du Sud), soit posent des
problèmes de limitation (Flandres). Tous sont marqués par la multiplicité d’acteurs : pouvoir central,
forces « séparatistes » (partis politiques, associations, etc.) et individus.
Au Royaume-Uni, on observe un renforcement de l’autonomie des nations constitutives par la
dévolution en 1998 instituant des Parlements régionaux comme en Écosse. C’est ce terrain qu’étudiera
Yann Richard (en collaboration avec Lise-Marie Couronne-Geary). Le sentiment national écossais est
fort et ancien. Il n’avait jamais disparu malgré la fusion de ce pays dans le Royaume-Uni en 1707. Il a
connu une montée en puissance depuis les années Thatcher, fondée principalement sur le sentiment très
répandu dans la population que le gouvernement et le parlement de Londres ne souhaitent pas ou ne sont
pas en mesure de comprendre et de tenir compte des attentes du peuple écossais. L’idée d’éloignement
du pouvoir (géographique comme culturelle) apparaît essentielle dans cette représentation.
L’indépendantisme politique écossais est principalement porté (mais pas exclusivement) par le Scottish
National Party. Cet indépendantisme s’est largement exprimé dans le cadre du référendum
d’indépendance en septembre 2014 (45% de votes en faveur de l’indépendance, avec plus de 50 % dans
4 council areas sur 32). Dans le cadre de ce programme, plusieurs pistes de recherche seront explorées :
quelles sont les causes de l’indépendantisme écossais ? Quels sont ses liens avec le nationalisme
écossais ? Est-il possible d’en proposer une analyse géographique (en utilisant notamment les méthodes
de la géographie électorale) et géopolitique ? Pour répondre à ces questions, une mission en Ecosse sera
nécessaire pour : mener des entretiens avec diverses personnalités (politiques, universitaires) mais aussi
consulter une bibliographie indisponible en France (bibliothèque universitaire d’Edimbourg),.
Dans ce thème, les chercheurs essayeront de développer une approche comparative avec d’autres
indépendantismes en Europe et notamment en Europe orientale. Amaël Cattaruzza pourra évaluer le
soutien aux indépendances dans les nouveaux États des Balkans occidentaux (Bosnie-Herzégovine,
Monténégro, Kosovo, Macédoine) autant de territoires où les logiques de soutien aux nouvelles
frontières sont génératrices à la fois de tensions, mais aussi de ressources et de pouvoir.
22
Stéphane Rosière travaillera lui à deux échelles, poursuivant son évaluation du processus
d’autodétermination du Jura bernois, terrain déjà fréquenté lors du référendum de novembre 2013, en
suivant la phase finale du vote (prévue en 2016). Il s’agit d’explorer, au-delà de ce cas local, l’usage du
référendum d’autodétermination dans la mise en place de nouvelle frontière et donc dans des processus
d’ouverture/fermeture. Mais la Suisse est-elle un cas à part ou s’agit-il d’une pratique d’avant-garde
mais qui tend à se mondialiser ?
Cette analyse de terrain sera complétée par la mise en place d’une banque de données sur les
référendums d’autodétermination, un travail déjà commencé (Laponce 2004, 2010) qui reste à
poursuivre pour savoir si la mondialisation favorise les sécessions ou si, au contraire, elle n’a aucun
impact. Une approche spatiale et chronologique fine de ces sécessions et indépendances des nouveaux
Etats devra être menée. Une production conjointe des membres de l’équipe travaillant sur ce thème est
prévue (Richard, Rosière).
2.4. Le fonctionnement du programme
Gestion des fonds
Ce programme regroupe 17 chercheurs représentants 13 organismes (12 laboratoires publics français et
étrangers et un organisme international). Le financement final demandé à l’ANR est de 234 520 €.
L’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), coordinatrice du programme, se chargera de
gérer le budget qui sera en grande partie utilisé pour :
Les terrains (99 000 € soit 42% du budget) ;
Le recrutement d’un ingénieur d’études sur 30 mois (qui aidera à la coordination du projet, à
l’organisation des séminaires et colloques, à la gestion du budget, à la constitution des bases de
données…), ce poste représente 32% du budget ;
l’organisation des séminaires et du colloque final (28 200 € soit : 12%)
Par ailleurs, l’ANR ne versant pas d’aide aux partenaires pour un budget inférieur à 15 000 € (par
partenaire), les partenaires du programme sont indiqués dans le document administratif et
financier comme non-financés, ce qui est purement administratif.
Tableau 2 – Grands postes de dépenses
Ligne budgétaire Montant total
Investissements (matériel informatique pour membres URCA) 8 000 €
Personnel financé (IGE durant 30 mois) 75 000 €
Prestations de service externe (traduction d’ouvrage) 15 000 €
Missions (4500 € par membre de l’URCA - 6000 € par membre extérieur à
l’URCA + 3000 € pour IGE recruté) 99 000 €
Autres dépenses de charges externes (organisation des séminaires : déplacement,
hébergements, restauration…) 28 200 €
Dépenses sur facturation interne (Impression) 300 €
Frais de gestion (4 %) 9 020 €
Total de l’aide demandée 234 520 €
Personnel recruté
Le fonctionnement du programme est tout d’abord assuré par le recrutement d’un Ingénieur d’Études
(IGE) qui bénéficiera du soutien de Sébastien Piantoni, l’IGE de l’EA.2076 Habiter.
S. Piantoni participe au projet notamment en contribuant au recrutement de l’IGE chargé du programme,
en l’aidant à mettre en route celui-ci, en offrant une aide pour la cartographie (S. Piantoni a déjà réalisé
plus de 200 cartes et acquis une véritable expertise en la matière) ; il assurera enfin le bouclage
indispensable du projet au-delà des 30 mois que durera le contrat de l’IGE recruté spécifiquement pour
ce programme.
23
L’IGE est recruté pour toute la durée du programme (36 mois). Cet IGE aura un suivi technique et de
gestion de l’ensemble du programme. Il aura pour tâche, tout au long du projet, de :
- constituer les bases de données issues des travaux des chercheurs au sein des différents axes
- élaborer les cartes ;
- gérer les budgets, les commandes et ordres de mission de l’ensemble des membres de l’équipe ;
- organiser les séminaires (ouverture, mi-parcours) et le colloque final ;
- établir, en relation étroite avec l’ensemble des partenaires du projet, tous les éléments utiles à son
avancée, la réalisation des compte-rendu et rapports.
En ce qui concerne les deux bases de données : pour la fermeture économique, la base sera nourrie par
les sources de l’Organe de Règlement des Différends (ORD) basé à Genève qui liste tous les litiges
économiques depuis 1995. L’analyse de ces données permettra tout d’abord d’envisager quels pays sont
concernés. Le traitement statistique intégrera aussi la nature et de l’objet de ces différends, les solutions
trouvées, etc. Ces analyses seront complétées par l’analyse des bases de données du Centre International
pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements CIRDI (ICSID en anglais, créé en 1965
et basé à Washington) et d’Eurostat. L’analyse de ces bases de données donnera lieu à un traitement
graphique et surtout cartographique détaillé.
Sur les barrières frontalières et les « murs » migratoires, il n’y a pas de base de donnée spécifique sur
les murs (même si le thème est par exemple étudié par le célèbre Center for Border Research de l’IBRU
– Université de Durham, au Royaume-Uni). Une base de données bien actualisée et précisément
cartographiée reste à construire. Le travail est déjà entamé à l’Université de Reims et seul le programme
permettra de l’achever, grâce à l’input financier, puis de le valoriser (cf. 4).
Au-delà des bases de données, l’IGE recruté travaillera à la cartographie des barrières économiques, un
des thèmes paradoxalement peu défriché à l’heure actuelle, soulignons qu’il n’existe pas de carte de la
fermeture économique, alors que cet apport apparaît indispensable pour apprécier la situation
d’affrontement ou de guerre économique et la spatialisation de la fermeture.
Recruté sur la base de compétences en économie, géographie économique, ou science politique, le post-
doctorant pourra aussi élargir son champ d’investigation en travaillant sur la transversalité des mesures
de fermeture (du financier au migratoire, de l’idéel au concret).
L’ingénieur d’étude assure la mise en ligne sur un site dédié de ces deux bases de données. La maîtrise
des outils technologiques idoines devra faire partie de la fiche de poste.
2.5. Déroulement du programme
Le programme a une durée de trois ans (36 mois), départ en janvier 2016.
Les trois axes sont réunis dans le cadre d’une réflexion interdisciplinaire, structurée en trois grandes
étapes par un séminaire introductif (31), un séminaire intermédiaire (32) et un colloque international
conclusif (33), autant d’étapes marquées par une ouverture graduelle de l’équipe vers l’extérieur.
Séminaire introductif : février 2016 (fermé)
Séminaire intermédiaire : mai/juin 2017 (avec la participation de 4 évaluateurs, ouvert aux doctorants)
Colloque conclusif : novembre 2018 (ouvert à tous chercheurs).
Le séminaire introductif
Positionnement : +1 mois), durée : 1 jour
Il s’agit d’un séminaire fermé qui ne réunit que les membres de l’équipe, avec l’IGE recruté durant la
période de contractualisation avec l’ANR.
Il est fondé sur le rappel des objectifs du séminaire introductif : discussion sur les concepts
dialectiquement liés de mondialisation/démondialisation (en tant qu’idées, idéologies et
représentations), d’ouverture/fermeture et de circulation/sécurité (notion plus concrètes, en relation avec
la gestion des flux). Outre la discussion sur les concepts, le séminaire initial sera aussi l’occasion de
faire le point sur les problèmes logistiques.
Le séminaire introductif lance la première période qui est celle des recherches préliminaires. Les
chercheurs sont invités à aller sur leurs terrains plutôt dans cette première période afin de disposer
d’éléments d’informations nouveaux (données, interviews) qui seront présentés lors du séminaire de mi-
parcours.
24
Le séminaire de mi-parcours
Positionnement : +18 ou 19 mois), durée : 3 jours
Le séminaire intermédiaire se divise en 6 demi-journées (au moins 3h chacune) :
1e demi-journée : Session introductive réunissant tous les participants, puis réunions simultanées des
axes ;
Demi-journées 2, 3, 4 et 5 : Présentations orales (20 mn) individuelles (20 mn), l’équipe comptant 17
participants, cela représente au moins 4 participants par demi-journée x 4 demi-journées + échanges ;
6e demi-journée : Interventions des experts, discussion générale et conclusion.
Le séminaire de mi-parcours permet à tous les chercheurs du programme de présenter une première
étape dans leur réflexion. Il est important que chacun des chercheurs communique devant les autres pour
favoriser la transversalité de la réflexion finale.
Chacun dans ses domaines de spécialité, les membres de l’équipe peuvent mettre en évidence les
« effets » et conséquences de mesures et procédures affectant un champ de la mondialisation pour en
affecter un autre (du type : une mesures de « fermetures » de nature administrative transforme les flux
de produits ou de migrants). Interdépendance des (f)acteurs – qui est une limite à la fermeture…
Des 4 experts ou consultants extérieurs sont invités à écouter les débats et à s’y intégrer. A ce stade
(avril 2015), cette liste des quatre experts est essentiellement indicative (sauf le premier).
- Michel Terestchenko, Maître de conférence à l’URCA, spécialiste de philosophie politique
(initialement membre dans le pré-projet) fera partie de ces évaluateurs ;
- Bertrand Badie, Pr. à l’IEP de Paris, politologue et spécialiste des RI ;
- Catherine Wihtol de Wenden, chercheuse en science politique, spécialiste des migrations
internationales ;
- Daniel Cohen, Pr. à l’ENS, économiste, spécialiste de la mondialisation ;
Dans le cadre des « actions de culture et de communications scientifiques », le séminaire de mi-parcours
sera ouvert aux doctorants.
Le colloque international
Positionnement : (+ 35 mois), durée 3 jours)
Lancé par un appel à contributions international, le colloque final est une manifestation pluridisciplinaire
et internationale, bilingue (franco-anglais) qui se déroule sur trois jours, à l’Université de Reims
Champagne-Ardenne. Il associe évidemment les laboratoires et structures de tous les membres du
programme qui forment l’ossature naturelle de son comité scientifique. Une ligne budgétaire a été
prévue pour les membres de l’équipe.
Le colloque est une étape stratégique vers la publication de l’ouvrage final prévu (cf. 4), car il permet
aussi d’intégrer des communications de qualité ou originales issues de cette manifestation.
La participation à d’autres colloques internationaux est bien entendu aussi, une forme de la valorisation
du programme Démondialisation.
3. Stratégie de valorisation et d’exploitation des résultats, impact global de
la proposition
Le programme Démondialisation s’appuie sur plusieurs formes de valorisation. Il s’agira d’une part de
développer un site Internet, sur hypotheses.org, qui aura pour objectifs de communiquer sur le projet et
de fournir des éléments plus détaillés sur les dispositifs de fermeture (bases de données, cartes). Il est
également prévu différentes publications scientifiques : articles et numéros de revues mais aussi un
ouvrage collectif en anglais). Le colloque final (cf. 33) permettra de renforcer le rayonnement de ce
programme tout en confrontant les résultats de ces études aux avis des participants.
La valorisation des recherches menées dans le cadre du programme Démondialisation passera d’abord
par la mise en ligne des informations recueillies et centralisées dans les 2 bases de données au moyen,
notamment, d’une application de cartographie interactive qui permettra aux chercheurs et internautes
intéressés par ce sujet de disposer de la plupart des informations. Les informations mises en ligne seront
librement consultables (au moins à partir de la fin du programme) par la communauté scientifique et les
25
internautes. Les cartes formeront la plus-value de ces pages qui pourront renvoyer aux informations
centralisées dans les banques données et vers des sites partenaires.
La publication d’articles dans des revues à comité de lecture est un levier de valorisation essentiel pour
notre programme. Les axes, ou leurs sous-thèmes, dotés d’une forte cohérence thématique, peuvent
aisément donner lieu à la publication de numéros de revue. L’Espace politique pourra être le support
naturel de l’un d’entre eux, mais numéros de revues et articles ne concernent pas uniquement la
géographie politique. La production d’articles à plusieurs co-auteurs soulignera la réussite du
programme. Lors de nos réunions préparatoires des projets ont été esquissés dans les trois axes (dont
Cattaruzza, Richard et Rosière entre les axes 3 et 2 ; ainsi que dans l’axe 1, ou entre l’axe 1 et le 2).
Pour optimiser les chances de publication dans des revues internationales renommées, nous mettrons en
place un système de relecture préalable des productions scientifiques issues du programme. Le (ou les)
auteur(s) d’un article enverront leurs textes, de façon anonyme, au porteur du programme (assisté par
l’IGE) qui les redistribuera à un évaluateur extérieur. Cette préévaluation contribuera à l’élévation du
niveau scientifique des articles labellisés « programme Démondialisation ».
La publication d’un ouvrage conclusif en anglais, confié à un éditeur international, est un des objectifs
stratégiques de ce programme. Nous souhaitons faire connaître la production scientifique française au
public non francophone. Une ligne budgétaire de 15 000 € de traduction a d’ailleurs été prévue à cet
effet. L’ouvrage final (mot clef : Deglobalization) sera formé par les contributions d’une partie des
membres de l’équipe, mais aussi de celles de certains des évaluateurs invités lors du séminaire
intermédiaire ou de collègues reconnus sur les thèmes qui nous intéressent. La participation d’auteurs
anglophones complémentaires, en tant qu’effet démultiplicateur pour un ouvrage en anglais, est à
prévoir.
Des choix devront être fait, les trois porteurs des axes ainsi que le Professeur Bernard Reitel formeront
un comité éditorial en ce qui concerne cet ouvrage. Les modalités d’évaluation des articles seront
néanmoins à préciser lors du séminaire introductif.
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