diplome d'etat d'audioprothesiste -...
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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON I
INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LA READAPTATION
Directeur Professeur Yves MATILLON
CADRE D'APPAREILLAGE DES SURDITES D'ORIGINE PROFESSIONNELLE
MEMOIRE présenté pour l'obtention du
DIPLOME D'ETAT D'AUDIOPROTHESISTE
par
MOREAU Valentine
Autorisation de reproduction LYON, le 8 octobre 2010
Gérald KALFOUN N° 448 Directeur délégué à l'enseignement
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON I
Président Vice-président CEVU Pr. COLLET Lionel Pr. SIMON Daniel Vice-président CA Vice-président CS Pr. ANNAT Guy Pr. MORNEX Jean-François
Secrétaire Général M. GAY Gilles
Secteur Santé
U.F.R. de Médecine Lyon Est Institut des Sciences Pharmaceutiques Directeur et Biologiques Pr. ETIENNE Jérôme Directeur Pr. LOCHER François U.F.R. de Médecine Lyon Sud Institut des Sciences et Techniques de Charles Mérieux Réadaptation Directeur Directeur Pr. GILLY François Noël Pr. MATILLON Yves Comité de Coordination des Département de Formation et Centre Etudes Médicales (C.C.E.M.) de Recherche en Biologie Humaine Pr. GILLY François Noël Directeur Pr. FARGE Pierre U.F.R. d'Odontologie Directeur Pr. BOURGEOIS Denis
Secteur Sciences et Technologies
U.F.R. des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (S.T.A.P.S.) Directeur Pr. COLLIGNON Claude Institut des Sciences Financières et d'Assurance (I.S.F.A.) Directeur Pr. AUGROS Jean-Claude IUFM Directeur M. BERNARD Régis U.F.R. de Sciences et Technologies Directeur M. GIERES François Ecole Polytechnique Universitaire de Lyon (EPUL) et IUT LYON 1 Directeur Pr. LIETO Joseph Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique de Lyon (CPE) Directeur M. PIGNAULT Gérard
REMERCIEMENTS :
Je voudrais tout d’abord remercier mon maître de stage et maître de mémoire,
Monsieur Philippe CHANTEUR, pour m’avoir guidée à travers mon mémoire et laissé
tester les patients de son laboratoire.
Je remercie également toute l’équipe d’Audition Conseil pour ce qu’elle m’a
apporté et pour son accueil.
Je remercie le Docteur J.C. DUCLOS, O.R.L., que j’ai pu rencontrer et qui
m’a beaucoup appris et guidée grâce à son expérience en surdités professionnelles.
Je remercie Monsieur Eric RAUBER, audioprothésiste DE, pour m’avoir aidée
dans la réalisation de mon mémoire.
1
SOMMAIRE INTRODUCTION p. 3 A. LE BRUIT
1. Définition p. 4 2. Effets Auditifs p. 6 3. Effets Extra-Auditifs p. 10
B. SURDITE PROFESSIONNELLE
1. Définition p. 12 2. Reconnaissance p. 14 3. Indemnisation p. 15 4. Propositions d’amélioration p. 17 5. Rôle du médecin du travail p. 18 6. Prévention et Protections contre le bruit p. 20
C. PSYCHOLOGIE DU PATIENT p. 22 D. PROTOCOLE d’ETUDE p. 24
E. RESULTATS et COMPARAISON des questionnaires et tests 1. Résultats des questionnaires p. 28 2. Résultats des tests p. 30
F. APPAREILLAGE
1. Appareillage p. 38 2. Résultats p. 40
G. DISCUSSION p. 43 CONCLUSION p. 45 Bibliographie p. 47 Annexes p. 51
2
INTRODUCTION : Nous allons aborder le problème de nuisance sonore et de ses effets, et plus
particulièrement l'effet du bruit professionnel.
Aujourd’hui nous sommes fréquemment exposés au bruit, il est présent à
chaque instant de notre vie : dans le travail, mais aussi dans les activités de loisir,
dans le tiers temps quotidien, au domicile et lors du repos. Le bruit figure parmi les
nuisances majeures ressenties par les français dans leur vie quotidienne et leur
environnement de proximité. Une étude INSEE1 montre que, dans les
agglomérations de plus de 50 000 habitants, le bruit est placé devant l’insécurité et la
pollution quand il s’agit de hiérarchiser les problèmes les plus préoccupants de leur
quartier ou de leur commune. De nombreux salariés se plaignent du bruit sur leur
lieu de travail. «En 1997, 721 cas de surdités professionnelles ont été déclarés sur le
sol national.»2. De même, l’enquête SUMER 2002-2003 (Direction des relations du
travail et DARES) montre que le bruit est « une nuisance qui touche trois salariés sur
dix »3.
Le bruit est à l'origine de nombreuses surdités mais aussi d'autres pathologies
(stress, fatigue...).
Nous disposons actuellement de moyens physiques pour réduire la création et
la diffusion des vibrations mécaniques engendrant un effet acoustique. Malgré tout,
la surdité professionnelle représente de très loin les séquelles les plus fréquentes du
travail dans le bruit. Elle a été reconnue comme maladie professionnelle le 20 avril
1963 et compte parmi les plus importantes pathologies constituées, par leur nombre
et leur gravité.
Le sens de l’ouïe est essentiel, il nous permet de nous repérer dans l’espace
et de jouir pleinement de l’environnement sonore. Nous en priver provoque un
handicap. Le domaine de la restauration de l’audition est en effervescence, avec les
traitements actuels du signal de parole des prothèses acoustiques dites
conventionnelles, mais aussi avec les dispositifs implantables dans l’oreille moyenne
1 Références bibliographiques:
étude INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) octobre 2002, < http://hear-it.org/ >. 2Alain ROBIER, Les Surdités de Perception, 2001. 3FLOURY M.-C., MAGAUD-CAMUS I., VINCK L., WALTISPERGER D.,
3
ou interne. C’est pourquoi il nous parait intéressant de travailler sur ce sujet peut-être
encore mal connu.
Ainsi nous allons définir le cadre médical de la surdité professionnelle avec sa
reconnaissance et son indemnisation, et son cadre d’appareillage par le biais
d’études faites sur des patients touchés par une surdité de type professionnel. Nous
allons estimer la satisfaction d’un appareillage de ces personnes et étudier ses
limites ainsi que les différents problèmes qui peuvent être rencontrés. Notre étude va
porter sur les prothèses auditives conventionnelles et non les dispositifs
implantables.
A. LE BRUIT :
1. Définition :
Le son est un stimulus du système de l’audition. C’est une vibration
mécanique du milieu qui est propagée dans l’air sous forme de rapides variations de
pression appelées ondes sonores.
Il est caractérisé par divers paramètres comme sa fréquence qui est exprimée
en hertz (Hz). Plus elle est faible plus le son perçu est grave, inversement plus la
fréquence est élevée plus le son est aigu. La membrane basilaire située dans la
cochlée est spécifique pour chaque fréquence (voir schéma 1 ci-après). L’oreille
humaine ne peut percevoir qu’une partie du spectre sonore correspondant à une
plage de fréquences situées entre 20 et 20 000 Hz. En-deçà de 20 Hz, les sons sont
qualifiés d’infrasons et au-dessus de 20 000 Hz ils sont qualifiés d’ultrasons. On
parle de spectre qui est la description du mélange de ses différentes composantes
sonores. La « coloration » du bruit exprime la prédominance de certaines
fréquences. Le « bruit blanc » est un bruit caractérisé par la coexistence de 124
fréquences aléatoires de même intensité. Pratiquement toutes les fréquences sont
représentées. Le « bruit rose », lui, est un bruit dans lequel prédominent les
fréquences de tonalité grave.
4
Schéma 1 : Amplitude des déplacements de la membrane basilaire en
fonction de la fréquence 4
L’amplitude est une autre caractéristique importante du son. L’intensité perçue
dépend de l’amplitude : plus cette dernière est grande plus le son est fort, et au
contraire plus elle est petite plus le son est faible. Cependant, la notion de niveau
sonore ne donne qu'une vague idée de la sensation perçue, car il faut prendre en
compte la sensibilité de l'oreille, qui varie principalement selon la fréquence du son.
Dans l'air, l'amplitude correspond aux variations de pression de l'onde. En
acoustique, l’intensité se mesure en décibel (dB).
Le temps est un paramètre important à prendre en compte. Il existe des
relations étroites entre l’espace et le temps vu que le son est une onde qui se
propage dans l'espace au cours du temps. On distingue ainsi trois types de signaux
sonores :
- les sons périodiques, dont la forme se répète à l’identique dans le temps,
- les sons aléatoires qui n’ont aucune caractéristique périodique, comme par
exemple les « bruits blanc ou rose »,
- les sons impulsionnels qui ne se répètent pas dans le temps et ont une forme
déterminée.
Un son peut être bref, impulsionnel. Dans ce cas, c’est un « clic » qui stimule une
grande portion de la membrane basilaire. Il peut aussi être durable, prolongé.
Un son peut être considéré comme la combinaison d’un ensemble de « sons purs »
représentés par des sinusoïdes.
4Référence bibliographique : Schéma 1 : http://www.cnebmn.jussieu.fr/enseignement/biophysiqueneurosensorielle/cours_acoustique/travail_octobre/pagesdedocumentation/enroulementscochlee.html
5
On peut ensuite citer le temps de réverbération qui est le temps que met
l'intensité du son pour décroître de 60 dB, après que la source sonore ait cessé
d'émettre. Donc plus les matériaux qui composent les parois de la salle absorbent,
plus le temps de réverbération diminue. Son principe de mesure consiste à émettre
un signal sonore à fort niveau, de l’interrompre brutalement et d’enregistrer la
dynamique de l’écho. Chaque corps, solide ou liquide, offre une plus ou moins
grande facilité à la propagation du son. Par analogie avec l’impédance opposée par
un système à la propagation du courant électrique, on dit que ce corps possède une
impédance acoustique.
Le timbre est utilisé en musique et permet d’identifier un son d’une façon
unique. Deux sons peuvent avoir la même fréquence fondamentale et la même
intensité; mais ne peuvent jamais avoir le même timbre.
Le bruit est un son ou ensemble de sons qui se produisent en dehors de toute
harmonie régulière. C'est la sensation de désagrément engendrée par un stimulus
sonore qui le fait classer comme bruit.
2. Effets Auditifs :
L’exposition de longue durée à des sources sonores de forte intensité entraîne
une altération progressive et insidieuse de l’oreille interne. Ce phénomène est appelé
traumatisme sonore. Il est défini comme étant une lésion irréversible des cellules
sensorielles auditives en rapport avec la survenue d’un bruit intense isolé, ou avec
l’exposition chronique en milieu bruyant et caractérisée par une hypoacousie dans la
zone de fréquence avoisinant 4000 Hz. Les lésions des cellules, situées
essentiellement entre 8 et 10 mm de la base (ce qui correspond aux environs de la
fréquence 4000 Hz), peuvent aller jusqu’à la disparition de l’organe de Corti et la
rupture de la membrane de Reissner.
6
Schéma 2 :Système auditif 5
Schéma 3 : Limaçon formant la cochlée6 Schéma 4 : Coupe de la cochlée7
Les effets sur la cochlée dépendent de l’énergie acoustique qui lui est
appliquée. Cette énergie est fonction :
- d’une part de la durée d’exposition ;
- d’autre part de la variation de la pression acoustique du bruit.
On observe plusieurs stades à ce type de surdité. Elle débute par une perte
sélective caractérisée par un scotome centré sur le 4000 Hz (entre 3k et 6k Hz)
comme vu précédemment. Si l’exposition perdure, le scotome s’approfondit et
5 Références bibliographiques :
Schéma 2 : http://www.linternaute.com/sante/respiration/dossier/audition/schema-oreilleBIS.jpg6Schéma3 :http://www.cnebmn.jussieu.fr/enseignement/biophysiqueneurosensorielle/cours_acoustique/travail_oc
tobre/pagesdedocumentation/enroulementscochlee.html7 Schéma 4 : http://www.spieao.uhp-nancy.fr/~kohlerc/Organes%20des%20sens/schema%20oreille.jpg
7
s’élargit sur les fréquences adjacentes. Les fréquences aiguës vont d’abord
disparaître puis les fréquences moyennes, et au stade ultime, les fréquences graves.
Schéma 5 : Courbes audiométriques montrant l’évolution de la surdité
professionnelle 8
La surdité est initialement réversible 24h après arrêt de l’exposition. Mais les
épisodes de perte auditive temporaire vont progressivement laisser place à un déficit
définitif et doivent donc être un signe d’alerte de la susceptibilité individuelle au bruit.
Ce qui peut être considéré initialement comme une fatigue auditive correspond à un
véritable traumatisme sonore aigu lorsque les signes fonctionnels auditifs persistent
au-delà de quelques heures. Outre le traumatisme sonore ou la surdité, le bruit peut
avoir un effet de masque et un phénomène de fatigue auditive, réversible. Après une
exposition durant un certain temps à un bruit intense le sujet se plaint, après l’arrêt
de ce bruit, d’une sensation de baisse de l’audition qui est confirmée par
l’audiométrie. Les dégradations de l’audition se situent en particulier au niveau du
haut médium et de l'aigu, ce qui donne la sensation d’écouter avec « une oreille
cotonneuse ». Cette fatigue auditive demande quelques semaines sans nouvelle
exposition au bruit pour qu’après une période de récupération silencieuse, l'audition
redevienne normale.
Cette surdité temporaire est fonction de la durée d’exposition au bruit et de
son niveau. Mais le bruit est une cause de fatigue même sous les seuils
8Référence bibliographique : Schéma 5 : site de l’Université Virtuelle de la Médecine du Travail. http://www.uvmt.org/sections.php?op=viewarticle&artid=568
8
réglementaires (ce seuil est de 85dB pendant 8h par jour mais la durée d’exposition
diminue d’autant plus que l’intensité du bruit est forte).
Les lésions de l’oreille interne peuvent aussi bien être consécutives à une
exposition à un bruit très fort de courte durée qu’à un bruit modéré de longue durée.
Nous distinguons donc :
- le traumatisme sonore aigu (TSA) par exposition brève à une pression sonore
excessive et unique, qui peut entraîner une atteinte irréversible de la cochlée ;
- le traumatisme sonore chronique (TSC) lié à une exposition prolongée à un
bruit continu ou impulsif, à des niveaux sonores élevés, et qui vont entraîner
l’apparition progressive d’une surdité. Il est à l'origine des surdités professionnelles
listées dans le tableau de la Sécurité Sociale.
Le traumatisme sonore aigu se traduit par une otalgie fugace et inconstante,
un acouphène aigu, une hypoacousie brutale, plus ou moins importante, avec
sensation d’oreille cotonneuse, une hyperacousie désagréable ainsi que d’éventuels
signes extra-auditifs.
L’audiogramme tonal montre typiquement un scotome centré sur 4 ou 6 kHz,
uni ou bilatéral, en fonction des conditions acoustiques locales, plus ou moins étendu
selon les stades classiques de gravité. La plupart du temps la surdité est bilatérale et
symétrique. Quand il s’agit d’un traumatisme sonore aigu, latéralisé, l’atteinte peut
être asymétrique, absente ou moins marquée du côté de l’oreille non exposée ou
protégée.
Toutes les atteintes stabilisées de l’oreille moyenne protègent du bruit par leur
effet de résistance au passage des sons. Toutefois, s’il n’y a aucune pathologie de
ce type, l’irruption brutale de l’énergie acoustique dans la cochlée empêche le réflexe
stapédien de jouer son rôle. Le niveau pressionnel élevé induit alors des
déplacements cochléaires qui dépassent leurs limites d’élasticité. Effectivement, la
composition spectrale aiguë va délivrer l’énergie sur un segment cochléaire étroit. A
intensité et durée d’exposition égales, un bruit avec un spectre étroit est plus nocif
qu’un bruit large bande.
Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement aux
traumatismes sonores chroniques puisque ce sont eux, généralement, qui sont à
l’origine de la surdité professionnelle.
L’atteinte des fonctions auditives par traumatisme sonore chronique se traduit
par une perte de la sensibilité auditive, plus marquée sur la zone fréquentielle du 3-6
9
kHz. Cet audiogramme « distordu » peut être responsable de diplacousie rendant les
voix étranges et l’écoute musicale désagréable.
A cela s’ajoute une perte de la sélectivité fréquentielle qui est responsable de
la difficulté de compréhension en milieu bruyant, ou en présence de plusieurs
locuteurs. Son retentissement est variable d’un sujet à l’autre.
Nous remarquons ensuite une perte de la résolution temporelle responsable
de l’incapacité à percevoir des variations rapides du signal de parole, ainsi que les
retards ou les déphasages qui permettent la localisation de la source sonore. Un
mauvais repérage de la source sonore peut mettre le sujet en danger dans la
circulation urbaine par exemple, et compromettre ses communications s’il perd le
réflexe de se tourner vers un interlocuteur pour s’aider de la lecture labiale.
La perte de progressivité, elle, est responsable de l’hyperacousie, qui rend
toute situation bruyante anormalement pénible pour le sujet. Elle peut amener le
sujet à s’isoler, refusant toute activité sociale qui lui était auparavant agréable :
réunions de famille, fréquentation de lieux publics…
Cette pathologie est souvent accompagnée d’acouphènes. Ils peuvent induire
un inconfort physique, comme la gêne à l’endormissement, mais aussi
psychologique tournant à des pensées obsédantes autour de ce symptôme.
Classiquement, leur tonalité est dans la région de la fréquence la plus atteinte.
L’explication de leur genèse est l’étape indispensable de la prise en charge du sujet.
Enfin, un traumatisme sonore chronique provoque des difficultés de
compréhension. Un son intense tend à masquer, c’est-à-dire à réduire les possibilités
d’audition d’autres bruits moins intenses. Cet effet est d’autant plus marqué que la
fréquence du son masquant est proche de celle du son masqué.
3. Effets extra-auditifs :
L’exposition au bruit provoque des lésions auditives invalidantes qui elles-
mêmes engendrent des effets extra-auditifs.
Le bruit a des effets neuropsychiques et cognitifs comme le stress, des
céphalées, une irritabilité, de l’anxiété, ou encore des troubles de l'humeur, de la
concentration, de la mémoire. Le bruit entraîne une altération des fonctions
cognitives, comme une diminution de la vigilance, des troubles du comportement et
une baisse de l'adaptation aux tâches à exécution rapide.
10
Nous pouvons remarquer des perturbations du sommeil avec une diminution
du sommeil paradoxal et des réveils nocturnes.
Il peut apparaître également une modification du rythme cardiaque, une
fréquence respiratoire perturbée ou un phénomène de vasoconstriction déterminant
des effets cardiovasculaires. Une exposition sonore peut aussi altérer la vision
nocturne, l’appréciation de la profondeur, des contrastes et provoquer une dilatation
pupillaire.
Le bruit et/ou une perte auditive perturbe l'apprentissage. Ce fait est d'autant
plus marqué que le sujet est jeune. Lors de l'apprentissage de la parole, il est
nécessaire de saisir la totalité des syllabes prononcées pour comprendre le
message. L'intelligibilité dans le bruit est d'autant plus difficile que certains mots sont
peu familiers au sujet et qu'il a besoin d'étendre son vocabulaire. L'ambiance sonore
excessive dégrade les échanges dans leur qualité, leur vitesse, leur nombre.
Le traumatisme sonore peut provoquer une hypersensibilité au bruit. Or, des
tests de profil de personnalité mettent en évidence une relation entre la susceptibilité
au bruit et des tendances névrotiques non spécifiques. Le sujet déprimé souffre
régulièrement d'une hypersensibilité au bruit.
Ces effets touchent la santé de la personne exposée au bruit mais il existe
d’autres conséquences. L’activité de travail est perturbée par la fatigue ou des
troubles de concentration, la vie sociale et familiale est atteinte par une irritabilité, un
comportement difficile ou l’isolement dû à la surdité. Tout ceci amène à une
augmentation des erreurs professionnelles et des accidents du travail.
11
B. SURDITE PROFESSIONNELLE : 1. Définition:
La pathologie sonore professionnelle revêt deux aspects:
− la surdité professionnelle considérée comme l'altération irréversible de
l'audition consécutive à l'exposition prolongée aux ambiances sonores élevées
résultants de l'exercice de la profession;
− les surdités par traumatisme sonore unique, accidentel, traumatisme
sonore aigu, traumatisme par explosion ou par dysbarismes. Ces traumatismes
entrent dans le cadre de la législation des accidents du travail.
Nous allons nous intéresser plus particulièrement au premier aspect de cette
pathologie.
La surdité professionnelle est décrite comme étant un déficit audiométrique
bilatéral, et le plus souvent symétrique, par des lésions cochléaires, irréversibles,
consécutives à l'exposition prolongée à des niveaux sonores élevés, ne s’aggravant
plus après la cessation de l’exposition au risque. Elle est accompagnée ou non
d’acouphènes. Les lésions résultent du niveau professionnel élevé qui induit des
déplacements cochléaires qui dépassent leurs limites d'élasticité. De survenue
progressive et insidieuse, la surdité professionnelle ne s'installe de manière
cliniquement évidente qu'après plusieurs mois ou années d'exposition sonore, ce qui
souligne l'intérêt essentiel de la surveillance audiométrique.
Ce type de surdité se développe en quatre stades:
− Stade 1 qui regroupe des acouphènes intermittents, une altération de
l'audition dans le bruit et des distorsions à l'écoute musicale. L'audiogramme montre
l'encoche sur la fréquence 4000 Hz, de 30 dB;
− Stade 2 où le scotome auditif s'étend vers le 2000 Hz. Si la perte atteint
30 dB, la gêne fonctionnelle apparaît avec diminution de l'intelligibilité dans le bruit;
− Stade 3 avec la progression de la surdité vers les fréquences 1000 et
8000 Hz et où les acouphènes constituent une plainte émergente. L'intelligibilité se
dégrade et la gêne devient alors réelle;
12
− Stade 4: toutes les fréquences sont atteintes. La dégradation de la
perception de la parole et les acouphènes constituent un handicap social
majeur.(voir Schéma 6)
Schéma 6 9: Différents stades de surdités professionnelles.
Le seuil du réflexe stapédien confirme le caractère endo-cochléaire de
l'atteinte avec un pincement du champ dynamique auditif. Cette marque laisse
présager la difficulté de l'appareillage auditif. Les potentiels évoqués auditifs du tronc
cérébral, eux, comptent comme un examen objectif pour l'expertise de la surdité.
Comme nous l'avons vu précédemment, le bruit est d'autant plus nocif que
son niveau est élevé et les bruits impulsionnels majorent l'atteinte.
La constitution d'une surdité professionnelle et son aggravation s'effectuent à
une vitesse très variable qui dépend de nombreux paramètres, dont les niveaux
sonores et la durée d'exposition, l'âge, l'exposition conjointe à des substances
toxiques (solvants, ...) et, enfin, la susceptibilité interindividuelle.
9Référence bibliographique: Alain Robier, Les surdités de perception, 2001.
13
2. Reconnaissance :
Conformément au système prévu par la loi du 25 octobre 1919, une maladie
peut être reconnue comme maladie professionnelle si elle figure sur l'un des tableaux
annexés au code de la sécurité sociale. Les modalités de reconnaissance de ce type
de surdité sont décrites dans le tableau n°42 des maladies professionnelles du
régime général de la Sécurité Sociale et dans le tableau n° 46 du régime agricole.
Ces tableaux ont subi de multiples modifications depuis leurs créations. Le premier
tableau, daté du 20 avril 1963 avait pour titre «Affection professionnelle provoquée
par le bruit». A ce moment, ce type de surdité est impossible à appareiller puisqu’on
ne sait pas encore donner de l’amplification par bande de fréquence et l'amplification
était linéaire. Les problèmes dus à la forme de la courbe audiométrique et au
possible phénomène de recrutement ne pouvaient pas être surmontés. C’est avec
l’évolution des prothèses auditives que l’appareillage des surdités professionnelles
est réalisable. Nous pouvons citer l’arrivée du traitement numérique du signal et les
embouts ouverts ou les mini-contours avec des tubes fins ou avec des écouteurs
déportés, ou encore les filtres passe-haut permettant de ne pas amplifier les
fréquences graves souvent peu touchées. La dernière modification du tableau n° 42
date du 25 septembre 2003 et a pour titre « Atteinte auditive professionnelle
provoquée par les bruits lésionnels ». Le tableau n° 46 du régime agricole a été créé
le 13 novembre 1981 et a subi une dernière modification en 2006.
Pour être reconnue comme surdité professionnelle, il faut répondre à
différents critères, correspondants aux trois colonnes du tableau 42.
D'abord la perte auditive doit correspondre à la définition de la surdité
professionnelle citée précédemment et ne pas mettre en évidence d'aggravation
après la cessation de l'exposition au bruit. S'il y a une non concordance entre
l'audiométrie tonale et vocale, il est nécessaire de rechercher le seuil du réflexe
stapédien et de procéder à un suivi audiométrique professionnel. Par ailleurs, le
déficit auditif doit être supérieur ou égal à 35 dB, calculé avec la moyenne des seuils
aux fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hz. Ce déficit sera confirmé par une
audiométrie effectuée de 3 semaines à 1 an après cessation de l’exposition au bruit
lésionnel.
14
Ensuite, le délai de prise en charge ne doit pas excéder un an,sous réserve
d’une durée d’exposition d’un an réduite à trente jours en ce qui concerne la mise au
point des propulseurs, réacteurs et moteurs thermiques.
Enfin, la profession du sujet, ou ses travaux provoquant la maladie, doit être
répertoriée dans la dernière colonne.
Tout docteur en médecine peut reconnaître une maladie professionnelle et
donc une surdité professionnelle. Pour cela, il se base sur le tableau n° 42 de
reconnaissance des maladies professionnelles comme expliqué ci-dessus. Si la
surdité du patient répond à la colonne médicale de ce tableau mais pas à l’une des
deux autres, et qu’il a en sa possession ses anciens audiogrammes, alors sa
demande peut passer en commission. C’est le CRRMP (Comité Régional de
Reconnaissance des Maladies Professionnelles) composé de trois médecins qui va
décider si la surdité peut être reconnue en tant que surdité professionnelle ou non.
La victime ou ses ayants-droit doit déclarer sa maladie auprès de l'organisme de
sécurité sociale dont elle dépend, avec le formulaire préétabli. La déclaration doit
être accompagnée d'un certificat médical initial descriptif en trois exemplaires établi
par un médecin et d'une attestation de salaire s'il est en arrêt de travail.
Lors des visites d’embauche, le médecin du travail évalue le risque auditif et
recherche les facteurs d’aggravation. Les examens qui seront réalisés lors de cette
visite sont essentiels pour tout travailleur exposé à un niveau sonore de 85 dB (A).
Ils se composent d'une audiométrie tonale liminaire et, si le déficit audiométrique est
supérieur à 35 dB, une audiométrie vocale, accompagnée d’une tympanométrie. Ces
examens permettent de dépister une éventuelle contre indication à l’exposition
sonore, et constituent une référence permettant de vérifier une éventuelle sensibilité
individuelle. Les facteurs pris en considération sont l'évolutivité, l'importance de la
perte et le poste de travail. Selon Alain Morgon, une otospongiose ou autre atteinte
de l'oreille moyenne n'est pas un facteur d'inaptitude mais plutôt une bonne
protection contre le bruit intense.
3. Indemnisation :
Les indemnisations prévues dans le cadre de la reconnaissance d’une surdité
professionnelle doivent satisfaire aux conditions des tableaux n°42 et 46, et sont
constituées d'une prise en charge des frais médicaux et d'une indemnisation à titre
15
de réparation. Cette dernière est uniquement financière, il n'existe aucune prise en
charge d’une application audioprothétique. Après avis du médecin conseil, la CPAM
(Caisse Primaire d'Assurance Maladie) notifie un avis favorable de prise en charge
dans le cadre du tableau. Conformément à l’article L.461-1, 1°alinéa, la date
administrative de la maladie est fixée à la date du certificat médical qui fait le lien
entre la pathologie et l’activité professionnelle. L’indemnisation est systématiquement
effectuée, à titre provisionnel, sur la base de l’assurance maladie.
Le montant de l'indemnisation se calcule en fonction du taux d’IPP (Incapacité
Permanente Partielle) et du salaire du patient. Le taux d’IPP dépend de la perte
auditive moyenne de la personne : plus la surdité est légère plus l’indemnisation sera
faible.
L’I.P.P. est calculée en fonction de la perte auditive aux fréquences
conversationnelles. Il faut être attentif à la fréquence de la stimulation et à
l’exagération des troubles de l’audition. Il convient de fonder l’estimation de la perte
auditive sur l’audiométrie, qui doit comprendre un audiogramme tonal en conduction
aérienne et osseuse et un audiogramme vocal. Voici les formules de calcul du taux
de handicap selon un barème de l'article R 434-35 du code de la sécurité sociale:
- En tonale: 2d(500 Hz)+4d(1000 Hz)+3d(2000Hz)+1d(4000 Hz)
10
d étant la perte auditive en dB, sur l'audiométrie tonale en conduction osseuse.
- En vocale: d 0 % + d 50 % + d 100 %
3
d étant l'intensité, en dB, correspondant aux différents pourcentages d'intelligibilité.
Le montant de la rente se calcule, selon les tableaux de l'UCANSS (Union des
Caisses Nationales de Sécurité Sociale), à partir du taux d'IPP (z) et du salaire (s) du
sujet: R=f(z)*g(s)
25+(z-50)*3/2z/2f(z) en %
5O< z<10010< z <50z en %
25+(z-50)*3/2z/2f(z) en %
5O< z<10010< z <50z en %
4 sm2sm+(s-2sm)/3ssmg(s)
s> 8sm2sm<s<8smsm<s<2sms<sm
4 sm2sm+(s-2sm)/3ssmg(s)
s> 8sm2sm<s<8smsm<s<2sms<sm
Le coût total revient au calcul suivant: C=f(z)*g(s)*32*1,52 10
10Référence bibliographique: J.C. Duclos, J.C. Normand, M. Bigioni et E. Rauber, Actualités sur le bruit et la surdité, 30 mai 2006.
16
Une surdité professionnelle coûte assez cher à l’entreprise qui embauche la
personne déclarée. Mais le montant versé par l’employeur à la Sécurité Sociale
dépend du nombre d’employés de l’entreprise : si l’entreprise comporte peu de
salariés alors d’autres structures participeront à l'indemnisation de la surdité.
Selon une étude faite en Rhône-Alpes en 2004, une surdité professionnelle
coûterait en moyenne 120.000 €11.
Il n'existe pas, aujourd'hui, de traitement curatif, réparateur complet des
surdités professionnelles. C'est une des raisons pour lesquelles ce type de surdité
demeure d'un coût élevé.
4. Propositions d’amélioration :
Une harmonisation serait nécessaire entre la reconnaissance et
l’indemnisation sur le plan du calcul de la perte auditive. En effet, les premières lois
étaient basées sur un calcul de perte auditive comme suit :
2d(500 Hz)+4d(1000 Hz)+3d(2000Hz)+1d(4000 Hz)
10
Or, il a été décidé que ce calcul soit modifié en ce qui concerne la
reconnaissance des maladies professionnelles. Dorénavant, cette perte sera
calculée selon le BIAP (Bureau International d'Audiophonologie) : (500 Hz + 1000 Hz
+ 2000 Hz + 4000 Hz) / 4. Cette méthode semble être mieux adaptée puisque c’est
celle utilisée en audioprothèse et elle a été reconnue comme étant plus
représentative de la gêne réelle du patient. Toutefois, les calculs d’indemnisation
sont toujours établis sur l’ancienne base de calcul. Il paraît étonnant que ces deux
critères ne soient pas fondés sur les mêmes bases. Cela vient du fait que la
reconnaissance est basée sur des lois de la sécurité sociale alors que
l’indemnisation est basée sur le taux d’IPP, en partie, qui lui, est décidé par la Haute
Autorité de Santé (HAS). Ces deux organismes n'ont donc pas établi leurs critères de
la même façon. Il serait judicieux que ceux-ci se réunissent afin d'harmoniser leurs
calculs.
Un autre point m'a été confié par le docteur J.C. Duclos. Il n’y a
aucun lien entre les médecins du travail et les audioprothésistes, notamment lors de
11Référence bibliographique: J.C. Duclos, J.C. Normand, M. Bigioni et E. Rauber, Actualités sur le bruit et la surdité, 30 mai 2006.
17
l'élaboration ou de la modification des lois. Il pense alors qu’il serait judicieux de les
réunir afin que les audioprothésistes puissent transmettre leurs connaissances
concernant les propriétés physiques du bruit aux médecins. Ainsi ils pourraient
débattre ensemble afin d'avoir diverses opinions provenant de milieux différents. Une
prise en charge audioprothétique pourrait également s'inclure dans le
dédommagement. En effet, les personnes déclarées au tableau 42 souffrent d'une
surdité handicapante et dans la plupart des cas, leur seul moyen de réhabilitation est
le port d'appareils auditifs. Ainsi, ils pourraient en même temps être guidés dans leur
démarche et être pris en charge plus rapidement.
En connaissant les problèmes rencontrés par les personnes
atteintes de surdités professionnelles, des groupes d'entraide pourraient être créés,
notamment par les unités syndicales des différentes entreprises. Le support aux
victimes les plus touchées pourrait alléger le poids de leur handicap. Lors de la
reconnaissance, les médecins pourraient également diriger les patients vers de tels
groupes ou associations permettant de partager et de surmonter cette épreuve.
Il demeure une problématique liée aux protections individuelles.
D'abord, elles ne sont efficaces que lorsqu'elles sont portées. Elles sont mal
adaptées aux bruits qui surviennent de façon imprévisible. Il faudrait soit réduire ces
bruits à la source si cela est possible, soit porter les protections durant tout le temps
de travail. Cette dernière solution amène un autre problème, celui de la gêne à la
communication. Bien qu'il existe des systèmes de filtre pour que les travailleurs
comprennent la parole malgré le port des protections individuelles, cela réduit tout de
même la compréhension et la communication sonore avec l'environnement.
Enfin, la surdité professionnelle se révèle à long terme, à un âge
où apparaît la sénescence de l'audition. Il est alors difficile de déterminer la
différence entre la perte auditive due au bruit et celle due à l'âge. Cela peut poser
problème lors de la reconnaissance de la surdité au tableau n° 42 ou n° 46.
5. Rôle du médecin du travail :
En tant que conseiller des salariés et du chef d’entreprise, le médecin du
travail a plusieurs rôles. Le Docteur J.C. Duclos, Oto-Rhino-Laryngologiste (ORL),
qui est en même temps médecin du travail, m’a expliqué ses différentes fonctions.
18
D’abord, ce médecin délivre une fiche d’aptitude médicale préalablement à
l’affectation d’un salarié à un poste bruyant, et lors de la visite de départ ou après un
arrêt maladie, il estime les risques.
Une fois la personne employée, le médecin du travail doit dépister
précocement les atteintes auditives et proposer des mesures de prévention et de
protection visant à éviter une aggravation de ces atteintes. La prévention des
surdités professionnelles commence à la source du bruit par des dispositions
permettant d’en diminuer l’intensité et par l’aménagement des lieux de travail.
Lorsque persistent des niveaux sonores élevés malgré le conditionnement des
machines et des locaux, il importe de recourir à des protections individuelles.
Dans ce cadre, il est effectué une surveillance médicale spéciale qui repose
sur un interrogatoire médical, un examen clinique et des tests audiométriques
réalisés à intervalles de temps réguliers. Le médecin du travail informe les salariés
des résultats des examens effectués et doit tenir les résultats non nominatifs des
examens à disposition du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions
de Travail), de l’inspection du travail et des services de prévention. Le rythme des
visites de contrôle est fonction du risque encouru par l’employé sur son lieu de
travail. D’ailleurs, le médecin du travail doit vérifier les conditions de travail (bruit,
émanation, …) et veiller à leurs améliorations (participation aux projets pour la
réduction du bruit, aide dans le choix des protections collectives et individuelles à
mettre en œuvre, …).
Par ailleurs, le médecin du travail donne un avis sur le document prévoyant la
mesure de l’exposition des salariés au bruit.
Enfin, il participe à l’information et à la formation des salariés exposés au bruit,
et contribue au maintien dans l’emploi des salariés présentant un handicap sensoriel
auditif en proposant un aménagement du poste de travail ou un reclassement
professionnel.
Un logiciel, « audiogt », a été développé en 2006 pour faciliter la surveillance
audiométrique des travailleurs exposés au bruit. Les principales fonctions de ce
logiciel sont la saisie des audiogrammes et le recueil d'informations sur les facteurs
non professionnels susceptibles d'altérer l'audition, la comparaison avec les pertes
d'audition de populations de référence normalisée, la gestion des données relatives
aux entreprises et à l'exposition des travailleurs au bruit. Ce mode d'analyse des
19
données permet d'estimer le risque lié au bruit pour des groupes de travailleurs
exposés, à partir des pertes d'audition constatées dans ces groupes. Le logiciel
« audiogt » est destiné aux médecins du travail afin de leur fournir un outil
d'évaluation de la nocivité du bruit dans des groupes de travailleurs, à partir des
effets constatés lors du suivi audiométrique des travailleurs exposés. Il facilite
également la gestion des données médicales dans une optique de prévention.
6. Prévention et Protections contre le bruit:
Il existe divers organismes s'occupant de la lutte contre le bruit. On peut citer
le CNB, Conseil National du Bruit, qui est un organisme consultatif placé auprès du
ministre chargé de l'environnement, ou La Mission Bruit qui est une mission
rattachée au Directeur de la prévention des pollutions et des risques, ou encore le
CIDB, Centre d'Information et de Documentation sur le Bruit, qui est une association
loi 1901 créée à l'initiative du ministère de l'environnement en 1978 et qui regroupe
environ 1000 organismes publics ou privés intervenant dans la lutte contre le bruit.
L'organisme ciblé pour la prévention des risques professionnels est l'INRS, Institut
National de Recherche et de Sécurité, sous la tutelle des pouvoirs publics et de la
CNAMTS, Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés . Il a
deux missions qui sont d'aider à la résolution des problèmes de terrain et d'anticiper
les besoins futurs de prévention. Il existent également de nombreuses organisations
au niveau national, régional, européen et mondial.
La protection des travailleurs repose sur le code du travail modifié par les
directives européennes 86-188 du 12 mai 1986 et s'appuie sur deux décrets: le
décret 88-405 du 21 avril 1988 qui informe sur la protection des travailleurs contre le
bruit et la réduction du bruit des machines, et le décret 88-30 du 20 septembre 1988
qui traite de l’insonorisation des locaux, lors de leur construction ou de leur
aménagement. Une nouvelle directive (décret n° 2006-892), mise en place le 19
juillet 2006, informe sur la prescription minimale de sécurité et de santé des
travailleurs exposés au bruit. Ce décret abroge les articles R. 232-8 à R. 232-8-7 du
code du travail, qui concernaient la prévention des risques dus au bruit, et crée une
nouvelle section intitulée "Prévention du risque d'exposition au bruit" dans le code du
travail (articles R. 231-125 à R. 231-135). Les mesures de prévention sont
individuelles ou collectives et varient selon le niveau d'exposition sonore. Les
20
employeurs doivent mesurer le bruit au poste de travail pour identifier les travailleurs
soumis à un niveau d'exposition sonore quotidien noté Lex,d, supérieur ou égal à 80
dBA ou à un niveau de pression acoustique de crête nommé Lpc supérieur ou égal
à 135 dB. Concrètement, un niveau sonore de 80 dBA représente l'ambiance dans
laquelle il faut crier pour se faire comprendre à une distance d'environ 2 mètres.
Cette mesure doit être effectuée selon une méthode spécifiée par la norme. La
réglementation fixe la valeur limite d’exposition des travailleurs au bruit à 87 dB (A).
Pour un Lex, d supérieur ou égal à 80 dBA, l'employeur doit tenir informé
chaque travailleur du niveau sonore auquel il est soumis par une signalisation
appropriée et doit mettre à disposition des travailleurs exposés des protecteurs
individuels de l'ouïe correctement adaptés. Un niveau de 85 dB pour le Lex, d et de
137 dB pour le Lpc constitue une frontière qui impose d'autres obligations.
L'employeur doit établir et mettre en œuvre un programme de mesures techniques
de correction acoustique du local de travail et/ou d'organisation du travail afin de
réduire l'exposition au bruit. En ce qui concerne la protection individuelle, cette fois,
l'employeur doit veiller à ce que les protections contre le bruit soient portées.12
En terme de protections auditives individuelles, il existe d'abord les protections
passives qui doivent privilégier le confort du travailleur et l'efficacité de l'atténuation
en fonction du type d'exposition sonore. Si elles sont correctement choisies et
portées en permanence, elles atténuent suffisamment les bruits pour éviter les
traumatismes sonores. Il existe les casques et les embouts modelables ou moulés
sur mesure. Les protections actives ont pour principe une inversion de la phase du
signal sonore, prélevé au plus proche de l'oreille. Un contre-signal est réinjecté sur le
site. Enfin la protection collective comporte la réduction du bruit à la source et
l'aménagement des locaux pour en assurer l'insonorisation. Pour cela, il faut agir sur
les machines ou encoffrer les machines et les monter sur des dispositifs
« antivibratoires » ou encore installer des écrans acoustiques.
La surveillance médicale est aussi à la charge de l'employeur. Celle-ci
comporte un contrôle médical de l'audition et la visite du médecin du travail à
intervalles réguliers, en fonction du niveau d'exposition sonore. Ce suivi
audiométrique se base sur l'arrêté du 31 janvier 1989.
12Référence bibliographique: J. B. NOTTET, E. TRUY. Prévention et prise en charge des traumatismes sonores, In La revue du praticien. 20 mai 2009.
21
En ce qui concerne la réduction du bruit à la source des machines, ce sont les
fabricants de machine qui ont pour obligation de concevoir et de construire les
machines de telle sorte que le bruit soit émis au niveau le plus bas possible compte
tenu de l'état des techniques. Les notices d'instruction doivent comporter des
informations complémentaires sur l'utilisation de ces machines.
L'employeur doit veiller à l'insonorisation des locaux. Le traitement acoustique
de ceux-ci consiste à revêtir le plafond et éventuellement les murs de matériaux
absorbants.
C. PSYCHOLOGIE DU PATIENT :
La psychologie des patients atteints de surdité professionnelle paraît
intéressante à étudier. C'est pour cela que nous allons en souligner plusieurs points.
Tout d'abord, un salarié déclaré ayant une surdité professionnelle peut encore
être exposé au bruit, mais son patron doit isoler le local et fournir des protections
auditives. Comme nous l'avons vu précédemment, les employeurs doivent
insonoriser les locaux et fournir des protection auditives, en fonction du niveau
sonore, comme cela est précisé dans le code du travail. Dans ces conditions, la
personne déclarée au tableau peut continuer à travailler, malgré sa surdité, tout en
étant protégé. Mais par crainte de l'employeur et du licenciement, il arrive que les
sujets hésitent à faire reconnaître leur surdité.
Un patient nous a fait part de son hésitation quant à la reconnaissance de sa
surdité en tant que surdité professionnelle du fait que s’il la déclare en tant que telle,
il se verrait dans l’obligation de prendre des dispositions contraignantes pour
l'exercice de sa profession. En effet, la reconnaissance de la surdité est acceptée si
le patient n’est plus exposé au bruit. Généralement, si les normes sont bien
appliquées, les protections individuelles et collectives permettent une protection
optimale contre les effets du bruit. Mais il peut arriver que l'employeur demande à ce
que le travailleur change de poste pour un autre moins bruyant mais qui ne
correspond pas forcément aux envies et ambitions de la personne. Il se pose
également le problème financier dû à l'insonorisation des locaux, notamment
concernant les travailleurs indépendants. Il n’est alors pas étonnant de constater
22
qu’une partie des personnes atteintes de surdité professionnelle hésitent à se faire
reconnaître aux différents tableaux de la sécurité sociale.
Cependant, un salarié qui vient d’être déclaré au tableau n° 42 du régime de
la Sécurité Sociale ne peut être licencié pour cette raison. Si la surdité existe déjà à
l’entretien d’embauche, l’employeur risque tout de même d’être réticent quant à son
engagement dans l’entreprise.
Nous en venons alors à savoir si une personne sourde est considérée comme
handicapée. Si oui, cela peut encourager les employeurs à recruter des individus
ayant une surdité professionnelle puisque chaque entreprise doit avoir un certains
nombre de personnes handicapées par rapport au nombre de salariés. De plus, cette
reconnaissance pourrait offrir d'autres droits à la personne atteinte de surdité
professionnelle. Cela peut aussi avoir un effet dévalorisant pour le travailleur qui se
voit reconnaître comme handicapé.
En effet, avant toute réhabilitation de l'audition, il est important que le sujet
prenne conscience de son handicap, le comprenne et enfin l'accepte. Pour cela, il est
indispensable que cette personne soit bien informée par le médecin qui le suit ou qui
le déclare au tableau de la Sécurité Sociale ou par un autre biais. Par la suite, il
pourra envisager une prise en charge audioprothétique et trouver une légitimité à ses
problèmes auditifs et à ses conséquences relationnelles.
Dans le cas où cet individu est embauché avec une audition normale, il est
considéré comme non handicapé. Par la suite, il vient à être reconnu comme atteint
de surdité professionnelle à cause de son exposition journalière au bruit. Son statut
reste celui qui a été reconnu à l’embauche donc il n'est pas considéré comme
handicapé.
Nous pouvons également citer le problème financier. Bien souvent les patients
déclarés pensent que leur patron va payer leurs appareils auditifs alors que la loi
prévoit seulement une compensation financière. A eux ensuite de faire la démarche
auprès d’un audioprothésiste et d'engager les frais nécessaires. En revanche, la
consultation en médecine du travail est prise en charge par l’entreprise. Ceci facilite
le dépistage de surdités et évite la réticence des salariés pour aller consulter.
En ce qui concerne l'appareillage, ce sont souvent des personnes exposées à
la poussière ou autres particules. Il est donc nécessaire de contrôler le bon
fonctionnement des appareils régulièrement et peut-être d'expliquer au patient
comment changer lui-même les filtres qui protègent les micros contre la poussière, si
23
le modèle de prothèses auditives porté le permet. En général, il faut choisir l'interface
en fonction de son mode de vie mais surtout son mode de travail: possibilité de
mettre en veille, télécommande afin de ne pas toucher l'appareillage avec des mains
sales...
Il est important de souligner le fait que la surdité professionnelle provoque, la
plupart du temps, des acouphènes. Les patients en souffrent et demandent une
solution. C'est alors le rôle des audioprothésistes d'adapter les appareils auditifs afin
d'apporter une aide à ce sujet.
Au final, nous remarquons que les personnes atteintes de surdité
professionnelle présentent quelques particularités qu'il est indispensable de prendre
en compte lors de l'appareillage.
D. PROTOCOLE d’ETUDE :
a) Hypothèse: Notre hypothèse d'étude dans un premier temps était simplement que
l'appareillage des surdités professionnelles est possible et efficace. Ceci devait se
prouver en étudiant une population de personnes avec surdités professionnelles
appareillées depuis plus d'un an avec une population de patients atteints de surdités
de type professionnel non appareillées. Le fait est que nous disposions d'un trop
faible nombre de patients non appareillés volontaires (trois) pour nous aider dans
notre démarche. L'hypothèse a alors été modifiée pour devenir la suivante:
l'appareillage des surdités professionnelles apporte autant d'efficacité que celui des
presbyacousies. C'est-à-dire que nous obtenons les mêmes résultats prothétiques au
niveau des seuils. Cela sert à prouver qu'avec l'évolution des prothèses auditives,
l'appareillage des surdités professionnelles n'est plus impossible comme nous
l'avons vu précédemment. Nous avons choisi les patients presbyacousiques car ils
sont nombreux dans les centres d'audioprothèse. C'est donc un type de surdité
souvent appareillé par les audioprothésistes et pour laquelle nous obtenons de bons
résultats prothétiques. Ainsi, la presbyacousie nous a semblé être un bon point de
comparaison. Nous avons tout de même conservé les résultats des trois patients non
appareillés et allons les étudier par la suite.
24
b) Protocole:
L’étude a donc été établie sur deux types de population : les patients
appareillés (population A) et les patients non appareillés (population B) d'abord. Puis,
nous avons décidé de contacter des personnes presbyacousiques appareillées
(population C) afin de les comparer avec la population de patients avec surdités
d’origine professionnelle appareillées.
Notre travail a d’abord été de sélectionner des patients afin d’obtenir dix cas
dans chaque catégorie. Les personnes de la population A ont été retenues par
rapport à :
- leur âge qui doit être inférieur à soixante ans pour que la presbyacousie
n’intervienne pas ou le moins possible,
- l’aspect de leur audiogramme tonal où doit apparaître un scotome bilatéral sur la
fréquence 4000 Hz spécifique au traumatisme sonore,
- le fait de ne pas être appareillé pour ne pas avoir d’expérience prothétique,
- leur passé auditif qui doit contenir une exposition au bruit dans leur profession et
que la surdité n’ait pas d’autre origine que professionnelle.
La population B a été sélectionnée selon :
- l'âge des patients qui doit être inférieur à soixante ans pour que la presbyacousie
n’intervienne pas ou le moins possible,
- l’aspect de leur audiogramme tonal où il doit apparaître un scotome bilatéral sur
la fréquence 4000 Hz spécifique au traumatisme sonore,
- le fait cette fois d’être appareillé pour étudier leur démarche et les résultats,
- leur passé auditif qui doit contenir une exposition au bruit dans leur profession et
que la surdité n’ai pas d’autre origine que professionnelle.
La population C a ensuite été désignée en fonction de :
- l'audiogramme tonal des patients qui doit présenter une perte de type
presbyacousie (la presbyacousie est une « détérioration lente de la fonction
auditive résultant d’un processus de vieillissement et affectant l’homme ou la
femme à partir de 55-60 ans »13) ;
- le fait qu’ils soient appareillés depuis au moins un an.
13Référence bibliographique : Phrase prise dans « les surdités de perception » aux éditions Masson, page 105.
25
Afin de pouvoir comparer les résultats, la perte moyenne des patients de la
population C doit correspondre à celle des patients de la population B. Nous avons
donc calculé la perte auditive moyenne pour chaque oreille et pour chaque patient de
la population B. Ensuite nous avons procédé à une moyenne qui était de 38,44 dB.
La perte auditive des patients presbyacousiques doit alors se situer à plus ou moins
5 dB de cette moyenne générale, soit entre 33,44 dB et 43,44 dB. Ce qui reste une
perte auditive légère à moyenne de premier degré selon la classification du BIAP14.
Les critères sont sensiblement les mêmes d’une population à l’autre afin de
pouvoir les comparer. Les quelques différences entre les populations entraînent des
modifications en ce qui concerne les questionnaires.
Lors de leur première visite, tous les patients ont reçu un questionnaire à
remplir me permettant de mieux les connaître, ainsi que leur vécu. (Voir annexes
p. 50)
Avant de commencer les tests, une otoscopie a été réalisée et les appareils
ont été nettoyés.
Ces personnes ont ensuite été soumises à différents tests. Tout d’abord, nous
avons réalisé une audiométrie tonale au casque visant à rechercher le seuil
d’audition ainsi que les seuils de confort et d’inconfort. Nous avons ensuite procédé
à une audiométrie tonale en champ libre oreilles nues puis oreilles appareillées pour
les patients appareillés. Les patients non appareillés ont été soumis au même
examen, c'est-à-dire une audiométrie au casque pour les seuils d'audition, de
confort et d'inconfort, puis une audiométrie en champ libre mais seulement oreilles
nues. L’examen oreilles appareillées a été effectué par la suite, à la fin de chaque
essai d’appareillage.
Des audiométries vocales dans le silence et dans le bruit nous ont également
semblé utiles afin de trouver les 100 % d’intelligibilité et de se rendre compte des
difficultés rencontrées dans une ambiance bruyante. Cet examen permet de vérifier
une bonne corrélation entre les audiogrammes tonal et vocal et de vérifier la
présence ou non de troubles centraux pouvant limiter l’efficacité prothétique. De
plus, les intensités de 40 dB, 55 dB et 70 dB sont très importantes car elles
14Référence bibliographique: Classification du BIAP : Précis d’audioprothèse Tome I : l’appareillage de l’adulte, pages 285 et 286.
26
représentent la vie sociale du patient : 40 dB correspond à une voix faible, 55 dB
correspond à une voix moyenne et 70 dB à une voix forte. Donc cet examen permet
de mettre en exergue la réelle difficulté rencontrée par les patients ainsi que la
qualité de la réhabilitation prothétique. Pour cet examen, nous avons utilisé les listes
de mots dissyllabiques de J-E Fournier qui sont réunies sur un c.d. calibré par
Audition Conseil France. De même, pour l’audiométrie vocale dans le bruit, ce
même c.d. regroupe les listes de mots dissyllabiques de Fournier et un bruit de
cocktail party avec un rapport Signal/Bruit=0 (c’est une onde vocale globale, plus
précisément l’association de deux conversations de deux couples homme/femme
français et anglais, modulée en amplitude de façon à ce que l’on ne comprenne pas
les conversations).
Et enfin un Tone Decay Test pour les patients atteints de surdité
professionnelle afin de voir s’ils souffrent de fatigue auditive sur la fréquence 4000
Hz. Ce test est la recherche de l’adaptation au niveau du seuil tonal. Après avoir
déterminé le seuil tonal de cette fréquence, on envoie un stimulus pendant une
minute. Si le patient signale que le son a disparu, alors on augmente de 5 dB. Tant
que le son ne reste pas perçu pendant une minute, on renouvelle l’opération. On
relève sur un graphique en abscisse le temps (0 à 60 secondes) et en ordonnée
l'intensité. Le test est pathologique si le seuil se détériore de plus de 20 dB en moins
d’une minute. Il est normal si le son reste perçu à la même intensité pendant une
minute.
Pour tout test, il est important de veiller à ce qu’il soit fiable et reproductible.
Pour cela, les consignes doivent être toujours les mêmes pour obtenir des réponses
les plus précises possibles. Il est également indispensable de définir des conditions
de passation et de les appliquer avec précaution, c’est pourquoi il a été établi un
protocole de travail. L’influence du testeur doit être contrôlée pour ne pas interférer
sur les réponses du sujet. Afin de comparer les résultats entre eux, la même cabine
a été utilisée pour tous les tests, avec la même calibration.
Les résultats ont été regroupés par patient puis rentrés dans des tableaux
pour les tests statistiques. Par la suite nous allons les traiter pour en faire ressortir
les principales caractéristiques de ce type de surdité.
27
E. RESULTATS et COMPARAISON des questionnaires et tests:
1. Résultats des questionnaires :
Comme nous l’avons vu précédemment, chaque patient a reçu un
questionnaire à remplir. Il convient maintenant d' étudier les résultats.
a) Population A: Tout d’abord les patients de la population A ont moins de 60 ans comme
prévu dans le protocole. Leurs professions rentrent dans le tableau de
reconnaissance des surdités professionnelles. Ils l’ont exercé pendant 20 à 35 ans et
deux ont arrêté depuis plus d’un an, le dernier étant encore actif. Du fait que nous
n’avons pu tester que trois personnes, il est difficile d’établir des moyennes. Nous
allons alors prendre les résultats individuellement.
Lors de l’exposition au bruit, aucune personne ne portait de protection alors
qu’ils étaient exposés pendant 7 à 8 heures par jour, à part le militaire qui était
protégé au moins 2 heures par jour.
Les acouphènes n'affectent pas tous les patients, l’un d’entre eux n’en souffre
pas.
Leur surdité n’a pas d’autre origine que l’exposition au bruit. Donc leur surdité
provient très probablement d’un traumatisme sonore.
Par ailleurs, ils ont tous négligé de se faire appareiller puisqu’ils sont gênés
depuis 1 à 10 ans mais ne sont toujours pas équipés. A cela, il existe plusieurs
raisons : le premier trouve l’appareillage dévalorisant, le deuxième craint de perdre
son emploi ou ne plus être considéré de la même manière, le troisième est réticent
par rapport à l’esthétisme des prothèses auditives. Nous voyons qu’il y a encore des
progrès à faire pour que l’appareillage soit totalement accepté par les malentendants
mais aussi par l’entourage et la population en général. Il y a parfois une connotation
de handicap lorsque nous abordons le problème de surdité, ce qui peut gêner les
personnes intéressées.
28
b) Population B: Les personnes de la population B ont également 60 ans ou moins pour ne pas
avoir l’influence de la presbyacousie. Tous ont travaillé pendant au moins 30 ans
(sauf un patient qui est encore actif et qui n’a exercé que 18 ans pour le moment)
dans une profession où ils étaient exposés à des bruits forts et traumatisants, et ont
cessé leur activité depuis un an ou plus. Le patient encore actif porte actuellement un
casque antibruit sur son lieu de travail contrairement aux autres qui n’ont eu aucune
protection alors qu’ils travaillaient pendant 7 à 8 heures par jour. Les militaires ne
portaient pas non plus de protection auditive alors qu'ils étaient exposés que
ponctuellement mais à des bruits tout aussi traumatisants que les autres travailleurs.
60 % de ces personnes ont des acouphènes et aucune ne signale d’origine
connue de leur surdité outre le bruit.
Tous ces patients portent des prothèses auditives depuis au moins un an
avec, pour 80 % d’entre eux, un appareillage de type mini-contour avec des tubes
fins. Les autres ont ; l’un des appareils avec l’écouteur dans le conduit auditif et
l’autre des intra-auriculaires.
Le délai d’attente avant l’appareillage varie beaucoup d’une personne à
l’autre. Deux personnes ont fait la démarche dès qu’ils ont senti une gêne, les autres
ont attendu entre quelques mois jusqu’à plusieurs années. Une fois la démarche
faite, 80 % se sont adaptés à leur appareillage tout de suite. L'un d'eux a eu un peu
plus de difficultés et même aujourd’hui, il ne les porte que ponctuellement. Un autre a
eu des problèmes d’allergies mais est actuellement très satisfait. Le jour du
questionnaire, tous les patients disent être très satisfaits par les prothèses auditives
même si l’un d’entre eux affirme avoir peur de les perdre à cause de leur petite taille
et de leur légèreté.
c) Population C:
La dernière population comporte les personnes presbyacousiques. Elles ont
plus de 60 ans et leur surdité n’a pas d’origine connue à part la vieillesse naturelle
des cellules de l’oreille interne. Nous remarquons que 30 % de ces patients ont des
acouphènes contre 60 % précédemment pour la population B. Les personnes
presbyacousiques semblent donc moins atteintes par les acouphènes que celles
avec une surdité d’origine professionnelle.
29
Ces personnes sont appareillées depuis au moins un an, comme le veut le
protocole, et avec des appareils de type mini-contour avec des tubes fins pour 80 %
d’entre eux comme pour la population B. Les autres ont des prothèses avec des
écouteurs déportés pour l’un et des contours d’oreille traditionnels pour l’autre.
En ce qui concerne le temps d’attente avant l’appareillage, nous retrouvons le
même cas de figure que pour la population précédente : deux personnes se sont
décidées tout de suite après la découverte de la gêne auditive tandis que les autres
ont attendu de quelques mois à plusieurs années.
90 % des personnes interrogées ont répondu s’être adaptées rapidement à
leur appareillage, ce qui est également proche des résultats des patients avec une
surdité d’origine professionnelle. En revanche, lorsque nous demandons si les
appareils auditifs sont satisfaisants aujourd’hui, 20 % disent ne pas l’être
complètement et 30 % émettent une réserve (« un peu juste au cinéma »,
« entourage doute de l’efficacité », « pas complètement »).
Nous notons alors que les résultats de ces trois populations sont proches
même s’il est difficile de comparer la population A avec les autres du fait que nous
avions seulement trois patients.
2. Résultats des tests :
Après avoir rempli le questionnaire, le patient était soumis à différents tests
auditifs dont nous allons analyser les résultats en comparant les personnes avec
surdités professionnelles appareillées et les personnes presbyacousiques. Les trois
patients non appareillés atteints de surdité professionnelle ont été ajoutés aux
patients présentant une surdité professionnelle.
a) Populations comparables statistiquement:
Il a d'abord fallu vérifier que ces deux populations étaient statistiquement
comparables. Nous avons effectué un test T de student pour chaque fréquence (250,
500, 1000, 2000, 4000 et 8000 Hz) mais dans ce cas, les populations ne sont pas
comparables, les surdités sont trop différentes. Nous avons alors essayé de refaire le
test en coupant en trois la bande de fréquence: les basses fréquences, 250 et 500
Hz, les moyennes fréquences 1000 et 2000 Hz, et les hautes fréquences 4000 et
30
Schéma A:
Pertes tonales de chaque population par bande de fréquences
0
20
40
60
80
100
120
250/500 Hz 1000/2000 Hz 4000/8000 Hz
surdités professionnelles - seuilauditionpresbyacousies - seuil audition
8000 Hz. De cette manière et en retirant une personne du groupe des personnes
présentant une surdité professionnelle, nous avons abouti à deux populations
statistiquement comparables pour les moyennes et hautes fréquences mais
différentes au niveau des basses fréquences. En effet, nous obtenons p=0,000529%
pour les basses fréquences, et α= 0,05 % donc p<α, la différence est significative.
Pour les moyennes et hautes fréquences, nous obtenons respectivement p=0,214%
et p=0,152% donc tous deux sont supérieurs à α. Voir schéma A ci-contre.
Tous les schémas suivants montrent les valeurs moyennes ainsi que les
barres d'erreurs qui s'y rapportent. De plus, lors du test T de student, α sera toujours
fixée à 0,05%. Lorsque p sera inférieur à α, la différence sera significative, lorsque p
sera supérieur à α au contraire, la différence ne sera pas significative.
Si nous considérons les pertes tonales moyennes de chaque oreille et que
nous effectuons le test T de student sur ces valeurs, il n'y a pas de différence
statistique: p=0,071%, avec α=0,05%, p>α.
Ces deux types de surdités sont différentes: la surdité professionnelle a une
fréquence de coupure à 1000 Hz alors que la presbyacousie se caractérise plutôt
avec une pente légère, progressive. Nous pouvons noter une autre différence entre
la presbyacousie et la surdité professionnelle: la première est due au vieillissement
donc son origine est endo-cochléaire mais aussi centrale, alors que la surdité
professionnelle est seulement due à l'exposition au bruit, son origine est uniquement
endo-cochléaire. D'autre part, la presbyacousie ne présente pas d’encoche sur la
fréquence 4000 Hz, et pas de remontée sur le 8000 Hz.
Toutefois, leurs pertes tonales moyennes étant comparables nous allons
poursuivre la présentation des résultats en tenant compte de cette différence,
notamment sur la fréquence 1000 Hz où il demeure environ 10 dB d'écart. L'étude se
réalisera donc en comparant un groupe de 12 personnes ou 24 oreilles atteintes de
surdités professionnelles avec un groupe de 10 personnes ou 20 oreilles avec une
presbyacousie.
b) Tone Decay Test: Pour commencer l’étude comparative, nous pouvons noter que le Tone Decay
Test ne montre jamais de fatigue auditive. En effet, le seuil ne se détériore pas de 20
dB en moins d’une minute. Ceci vient du fait que les personnes testées ne sont plus
exposées au bruit pour la plupart et donc la phase de fatigue auditive est passée.
31
Schéma B:
Seuils d'audition et d'inconfort de chaque population
0
20
40
60
80
100
120
250 500 1000 2000 4000 8000
surdités professionnelles
presbyacousies
surdités professionnelles
presbyacousies
Schéma C:
Champ dynamique auditif moyen de chaque population
0
20
40
60
80
100
120
500 1000 2000 4000
surdités professionnelles
presbyacousies
c) Seuils d'audition et d'inconfort: Par la suite, tous les audiogrammes tonals des patients ayant des surdités de
type professionnel montrent un scotome centré sur la fréquence 4000 Hz, spécifique
du traumatisme sonore. En revanche, les courbes des patients de la population C
montrent bien une presbyacousie avec une pente légère. Comme nous l'avons vu, la
forme des courbes audiométriques de ces deux types de surdité est différente.
Le schéma B ci-contre montre la différence de seuil (pour les fréquences 500,
1000, 4000 et 8000 Hz, il y a une différence significative) mais aussi les seuils
d'inconfort. Ainsi, nous pouvons évaluer le champ dynamique auditif de chaque
population. Dans les fréquences graves, son amplitude est semblable pour l'une et
l'autre population. Par contre, au niveau de la fréquence 4000 Hz, le champ
dynamique auditif est plus pincé pour les surdités professionnelles. Nous pouvons
étudier plus précisément ce phénomène en effectuant un test statistique sur les
valeurs des champs dynamiques de chaque population. Ces valeurs sont calculées
en soustrayant au seuil d'inconfort le niveau du seuil d'audition. Nous obtenons le
schéma C ci-contre.
En effet, le champ dynamique auditif de ces deux populations est
statistiquement semblable pour les fréquences 500, 1000 et 2000 Hz puisque nous
obtenons respectivement: p500Hz=0,196%, p1000Hz=0,151% et p2000Hz=0,129% donc
p500Hz,1000Hz,2000Hz > α ( α=0,05%). En revanche, le champ dynamique est, comme vu
précédemment, plus étendu sur la fréquence 4000 Hz pour la presbyacousie (55,5
dB en moyenne) que pour la surdité professionnelle (environ 38 dB en moyenne). A
cette fréquence, p4000Hz=1,021E-06% donc p4000Hz< α, l'erreur est significative. Ceci
vient sans doute du fait que les personnes atteintes de surdités professionnelles ont
une encoche sur cette fréquence, ce qui provoque une hypersensibilité aux sons
forts. L'étendue du champ dynamique est importante puisqu'elle définit les limites de
l'amplification à apporter par les prothèses auditives.
d) Seuil de confort: Le seuil de confort a également son importance. Grâce à lui, nous pouvons
observer à quel niveau le patient ressent un confort d'audition. Le champ dynamique
auditif du patient peut aussi être établi entre le seuil de confort et le seuil d'inconfort.
32
Schéma D:
Seuils de confort en dB SL de chaque population
0
5
10
15
20
25
30
35
500 1000 2000 4000
surdités professionnellespresbyacousies
Schéma E:
Seuils tonals, oreilles appareillées
0
20
40
60
80
100
120
250 500 1000 2000 4000 6000
surdités professionnelles
presbyacousies
Nous pouvons observer grâce aux courbes ci-contre (schéma D) les différences de
seuil de confort entre les deux populations.
Nous remarquons que les seuils sont très proches sur les fréquences 500,
1000 et 2000 Hz. En effet, les seuils pour les surdités professionnelles sont
respectivement de 26,5dB SL, 28dB SL et 19 dB SL contre 29dB SL, 26,5dB SL et
19,5dB SL pour les presbyacousies. La différence est infime et non significative
(p500Hz=0,305%, p1000Hz=0,510% et p2000Hz=0,862% donc p500Hz,1000Hz,2000Hz>α). En
revanche, la fréquence 4000Hz présente un important écart: environ 10dB SL pour
les surdités professionnelles alors que le seuil des presbyacousies se situe à 17dB
SL (p4000Hz=0,0002%, p<α, la différence est significative). Cela coïncide avec
l'hypersensibilité des personnes avec surdités professionnelles sur cette fréquence.
Au final, nous remarquons que tous les patients ont besoin de plus de
puissance sur les basses fréquences que sur les hautes fréquences. Cela revient à
dire qu'ils sont plus sensibles aux hautes fréquences et sont rapidement gênés par
un son aigu. On observe donc du recrutement sur les fréquences aiguës.
e) Seuil tonal oreilles appareillées: En ce qui concerne tous les seuils avec oreilles appareillées, nous n'avons
pris en compte qu'un seul type d'appareil pour les trois patients de la population A.
En effet, les résultats ne variant que très peu, le type d'appareil sélectionné est le
Vigo Pro Rite d'Oticon.
De la même manière que pour les seuils d'audition, les seuils tonals en champ
libre montrent une différence entre les deux populations, comme le montre le
schéma E ci-contre.
Seules les fréquences 500 et 2000 Hz ne sont pas significativement
différentes (p500Hz=0,192%, p>α, et p2000Hz=0,668%, p>α). C'est toujours sur la
fréquence 4000 Hz que l'écart est le plus important : le seuil des surdités
professionnelles est d'environ 50 dB contre 35 dB pour les presbyacousies
(p4000Hz=7,423E-06%, p<α). Sur le 6000 Hz, nous constatons une différence
significative de 10 dB entre ces seuils (45,8 dB pour les surdités professionnelles
contre 35,5 dB pour les presbyacousies avec p6000Hz=0,012%, p<α).
Si nous réalisons le test statistique sur les trois bandes de fréquences
(basses, moyennes et hautes fréquences), les résultats montrent presque toujours
une différence significative. Dans les basses fréquences, nous avons un seuil de 13
33
Schéma F:
Seuils vocaux, oreilles nues, dans le calme
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
35 40 45 50 55 60 65 70
surdités professionnelles
presbyacousies
dB environ pour les surdités professionnelles contre 17,5 dB pour les presbyacousies
avec p250/500Hz=0,006%, p<α. Malgré la petite différence (4dB), l'écart est significatif.
Cependant, dans les deux cas nous obtenons une audition oreilles
appareillées de bonne qualité. Concernant les moyennes fréquences, l'écart est
minime et non significatif (22 dB pour les surdités professionnelles contre 24 dB pour
les presbyacousies avec p1000/2000Hz=0,405%, p>α). De plus l'audition reste
relativement bonne si nous admettons qu'un seuil inférieur à 30 dB correspond à une
audition « normale ». Les hautes fréquences marquent une importante différence (48
dB pour les surdités professionnelles contre 35 dB pour les autres) et le test
statistique montre qu'elle est significative (p4000/6000Hz=1,448E-06%, p<α). Nous
remarquons également que, cette fois, l'audition n'est pas satisfaisante puisque nous
dépassons le seuil de 30 dB.
Enfin si le test statistique se réalise en fonction des pertes tonales moyennes,
c'est-à-dire le seuil aux fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hz divisé par 4, alors la
différence entre les seuils n'est plus significative. Nous obtenons une moyenne de
26,5 dB pour les surdités professionnelles et une moyenne d'environ 24 dB pour les
presbyacousies. L'écart est faible et p=0,154% donc p>α. Ces seuils correspondent à
une audition normale. Mais il faut tout de même tenir compte des résultats
précédents qui montraient une baisse notable sur les hautes fréquences autant pour
la population B que pour la population C.
f) Seuil vocal oreilles nues dans le calme:
Nous allons maintenant nous intéresser aux résultats des audiométries
vocales.
Tout d'abord, nous avons ci-contre (schéma F) une courbe montrant les seuils
vocaux oreilles nues et dans le calme des deux types de surdités.
Dans un premier temps, il est utile de savoir si l'audiométrie tonale est en
accord avec l'audiométrie vocale. Ici, pour les deux courbes, nous avons un seuil à
35 dB environ correspondant à 0% d'intelligibilité. Par ailleurs, la perte tonale
moyenne de la population B est de 38 dB et celle de la population C est de 36 dB.
Les différentes audiométries sont bien corrélées.
Nous pouvons ensuite observer que les deux courbes sont similaires, il n'y a
que très peu de différences. Avec les tests statistiques, nous constatons qu'il n'existe
aucune différence de seuil significative.
34
Schéma G:
Seuils vocaux, oreilles appareillées, dans le calme
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
35 40 45 50 55 60 65 70
surdités professionnelles
presbyacousies
Nous allons donc nous intéresser plus particulièrement aux intensités les plus
importantes qui sont 40 dB correspondant à une voix faible, 55 dB correspondant à
une voix parlée normale et 70 dB qui correspond à une voix forte. Ces intensités
reflètent les réelles difficultés rencontrées par les patients.
A 40 dB, nous voyons que les résultats ne sont pas très bons. Les personnes
atteintes de surdités professionnelles ont une moyenne de 21 % d'intelligibilité et les
personnes avec une presbyacousie sont autour de 16 %. Il y a une faible différence
mais elle n'est pas significative statistiquement (p40dB=0,651% donc p40dB> α). Il
persiste donc des difficultés de compréhension à basse intensité. Cependant, il est
difficile de mesurer le pourcentage d'intelligibilité à 40 dB en champ libre, cette
intensité est faible compte tenu du bruit de fond de la salle d'examen. Nous resterons
donc prudent quant à l'interprétation des résultats à cette intensité.
Les résultats sont meilleurs à 55 dB: 83% d'intelligibilité pour la population B et
C. Il n'y a donc aucune différence. De plus, nous ne sommes pas à 100% mais nous
obtenons tout de même une compréhension de bonne qualité.
La population B obtient 97,5 % d'intelligibilité à 70 dB contre 100% pour la
population C. Les personnes atteintes de surdités professionnelles semblent alors
avoir un léger retard puisqu'elles atteignent les 100% à une intensité un peu plus
élevée que l'autre population. Cependant cette différence n'est pas significative
(p70dB=0,219% donc p70dB> α). Nous pouvons en conclure que tous les patients ont
une bonne intelligibilité pour une voix forte.
Par ailleurs, les courbes vocales ne montrent pas de recrutement et sont
corrélées aux courbes tonales, nous ne détectons alors pas de troubles centraux.
g) Seuil vocal oreilles appareillées dans le calme: De même que précédemment, les deux courbes se touchent et ne montrent
aucune différence. Voir le schéma G ci-contre.
Cela se confirme par les tests statistiques qui ne montrent aucune différence
significative. Notamment sur les fréquences qui nous intéressent: p40dB=0,838%,
p55dB=0,185%, donc p est toujours supérieur à α. A 70 dB, les deux populations
atteignent 100% d'intelligibilité donc il n'y a pas d'écart.
En outre, à 40 dB nous obtenons un seuil d'intelligibilité aux alentours de 50%
(48 % pour la population B et 51 % pour la population C). Contrairement au seuil
oreilles non appareillées, nous obtenons une intelligibilité de bonne qualité pour une
35
Schéma H:
Seuils vocaux, oreilles nues, dans le bruit
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
45 50 55 60 65 70 75 80
surdités professionnelles
presbyacousies
voix faible. Pareillement, à 55dB nous n'atteignons toujours pas les 100%
d'intelligibilité pour la majorité des patients mais un seuil de 96% pour les surdités
professionnelles et 99% pour les presbyacousies. Ces résultats sont satisfaisants
puisque cela signifie que les patients peuvent suivre une conversation à voix
« normale » sans trop de difficultés. Enfin, cette fois les 100% d'intelligibilité sont
atteints à 70dB pour les deux populations ce qui montre qu'elles n'ont pas de
troubles de la compréhension à un niveau élevé.
Finalement, une moyenne de 100% d'intelligibilité est atteinte par les deux
populations à partir de 60 dB et les courbes ne font pas apparaître de recrutement
par la suite. Nous ne mettons pas non plus de troubles centraux en évidence ici.
h) Seuil vocal oreilles nues dans le bruit: Nous allons maintenant étudier les résultats des tests vocaux en présence de
bruit de fond. Ce test est difficile et les patients avaient du mal à répondre
correctement, le bruit ambiant étant très gênant.
Cependant, les résultats des personnes presbyacousiques sont semblables à
ceux des personnes atteintes de surdités de type professionnel. Les courbes ci-
contre (schéma H) montrent bien la corrélation entre les deux populations.
Le peu de différence n'est pas significatif selon ce schéma et selon les tests
statistiques. Cette fois, il est difficile de prendre en compte les mêmes intensités de
référence que celles des examens vocaux dans le silence. Nous allons nous appuyer
sur les intensités 55dB, 70dB et 80dB. Une intensité de 40 dB serait trop faible dans
cette ambiance sonore. Ainsi nous avons respectivement une voix parlée
« normale », une voix forte et une voix criée, très forte. Nous pouvons ainsi observer
la compréhension correspondante à ces intensités par le patient, dans le bruit.
A 55 dB, les surdités professionnelles présentent un seuil d'intelligibilité à 25%
alors que les presbyacousies atteignent 21%. Il n'y a quasiment aucune différence
(p55dB=0,680% donc p55dB>α) et ce seuil n'est pas très bon. Pour ce qui correspond à
une voix moyenne dans le bruit, les patients ont beaucoup de difficultés à suivre la
conversation.
Pour une voix forte, nous obtenons 53% et 52% pour respectivement les
surdités professionnelles et les presbyacousies. Ces deux populations ont le même
seuil d'intelligibilité lorsqu'il s'agit d'un niveau d'intensité de 70 dB (p70dB=0,849%,
p70dB>α). A ce niveau, les résultats sont satisfaisants mais il demeure d'importantes
36
Schéma I:
Seuils vocaux, oreilles appareillées, dans le bruit
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
45 50 55 60 65 70 75 80
surdités professionnellespresbyacousies
difficultés de compréhension risquant de faire perdre le fil de la conversation aux
sujets.
Enfin, pour une intensité de 80 dB, nous obtenons toujours les mêmes
résultats pour l'une et l'autre population: 41,5% pour la population B et 47% pour la
population C (p80dB=0,579%, p80dB>α). Nous remarquons qu'à une intensité très forte
les résultats ne sont pas meilleurs, il y a même une légère baisse de compréhension.
Cette baisse à forte intensité reflète un phénomène de recrutement.
D'une part, il faut rappeler que le bruit de fond et le niveau du signal ont un
rapport signal sur bruit égal à 0. Cela signifie que le bruit est de plus en plus
perturbant. Nous avons pu observer que les patients étaient de plus en plus en
difficulté lorsque le niveau sonore augmentait. Cela se répercute donc sur les
résultats constatés.
Ici, nous obtenons le meilleur pourcentage d'intelligibilité pour un niveau de 70
dB.
i) Seuil vocal oreilles appareillées dans le bruit: Ce dernier schéma (voir ci-contre, schéma I) montre la qualité de la
réhabilitation prothétique en milieu bruyant. Comme tous les autres examens vocaux,
nous ne constatons aucune différence entre les résultats des personnes
presbyacousiques et les personnes atteintes de surdités professionnelles.
Nous observons la même forme de courbe que celles mesurées dans le bruit
oreilles nues. C'est-à-dire que nous n'obtenons pas les 100% d'intelligibilité et qu'à
une forte intensité les résultats ne sont pas meilleurs. Ceci montre également la
présence de recrutement.
Si nous reprenons nos intensités de référence, nous obtenons un seuil
d'intelligibilité de 46,5% pour les surdités professionnelles et 48% pour les
presbyacousies, à 55dB. Cette légère différence n'est pas significative
(p55dB=0,873%, p55dB>α). Contrairement aux seuils à cette intensité avec oreilles
nues, avec les oreilles appareillées nous obtenons des résultats satisfaisants pour
une audition dans le bruit. En effet, les 50% d'intelligibilité sont presque atteints pour
une intensité de voix plutôt faible compte tenu du niveau de bruit de fond.
A 70 dB, la population B obtient un seuil de 69% et la population C un seuil de
65%. Nous ne pouvons déduire une tendance favorable à l'une ou l'autre population
puisque tantôt l'une est meilleure, tantôt c'est l'autre qui montre de meilleurs
37
résultats. Donc à cette intensité la population B montre un pourcentage un peu plus
élevé que la population C mais la différence n'est pas significative (p70dB=0,525%,
p70dB>α).
Enfin à 80dB, il n'y a qu'un décibel de différence (60% pour l'une et 61% pour
l'autre population) ce qui n'est pas significatif (p80dB=0,899%, p80dB>α). De même que
l'examen oreilles nues, les résultats sont un peu moins bons qu'à un niveau
d'intensité de 70 dB.
Les résultats sont donc meilleurs qu'avec le même examen oreilles nues et ne
montrent pas non plus de différence statistiquement significative. Nous remarquons
également que l'audition dans le bruit des patients testés est assez mauvaise compte
tenu du bruit de fond qui augmente en même temps que le signal de parole.
En conclusion, nous constatons que, malgré leur différence au niveau des
seuils d'audition, les résultats prothétiques des personnes atteintes de surdités
professionnelles sont semblables à ceux des personnes presbyacousiques. De plus,
les deux populations présentent les mêmes difficultés en présence de bruit
perturbant.
F. APPAREILLAGE de la POPULATION A:
1. Appareillage :
Cette partie va concerner le choix prothétique optimal en fonction de ce que
les résultats des tests ont mis en exergue, puis le déroulement de l’appareillage de la
population A.
La sélection prothétique débute par la voie de conduction. La voie osseuse est
préconisée en présence d'un problème d'oreille moyenne, opérée ou non opérable,
pour lesquels les résultats en conduction aérienne seraient médiocres, ou en
présence de problèmes infectieux d'oreille, opérée ou non opérable, avec la plupart
du temps des écoulements d'oreille contre-indiquant le port d'un embout. La voie
osseuse est nécessaire pour les surdités de transmission. Or dans le cas des
surdités professionnelles, on est face à une surdité de perception. La voie aérienne
est la plus répandue et la mieux adaptée aux surdités professionnelles. D'autre part,
38
la voie aérienne présente divers avantages tels que la fiabilité des prothèses, la
haute qualité sonore et l'esthétique.
Ensuite le choix se porte sur la sélection d’un appareillage binaural ou
monaural. Ici, nous nous trouvons face à une surdité symétrique, d’apparition
simultanée donc l’appareillage binaural est le meilleur choix s’il n’y a aucune contre-
indication médicale. De plus, quand cela est possible, il faut privilégier une audition
binaurale à une audition monaurale afin de retrouver un équilibre auditif. Cela permet
d'augmenter le gain et l'intelligibilité globale, d’avoir une meilleure sélection de la
parole dans le bruit et d'obtenir la possibilité d'orientation et de localisation sonore
spatiale.
Nous remarquons que les surdités de type professionnel présentent une perte
plus importante dans les fréquences aiguës et pas ou peu de perte dans les
fréquences graves. Dans ce cas, il paraît préférable de conseiller un appareillage de
type ouvert afin que les fréquences graves soient perçues par l’oreille
« naturellement ». L’intra-auriculaire a l’inconvénient d’obturer le conduit à cause de
l’électronique qui prend beaucoup de place et donc de donner une sensation
« d’oreille bouchée » désagréable. Un contour d’oreille classique peut être envisagé
avec un embout ouvert. Par ailleurs, l’amplification est nécessaire principalement
dans les hautes fréquences donc les mini-contours, plus discrets, peuvent être
sélectionnés avec des tubes fins ou avec des écouteurs dans le conduit. Ainsi le
confort est assuré.
Les appareils auditifs numériques permettent l'accès à un choix plus important
de paramètres de réglages pour une adaptation plus fine. Le fait d’amplifier les
aiguës provoque un risque de larsen. C’est pourquoi les prothèses numériques sont
mieux adaptées car elles permettent de disposer d’un système anti-larsen que les
prothèses analogiques ne possèdent pas. Les systèmes de limitation des niveaux de
sortie ou la compression permettent un meilleur confort pour les patients présentant
une intolérance aux sons forts marquée.
Il se pose ensuite la question de l’interface de l’utilisateur. Un potentiomètre
ou des programmes multiples peuvent être utiles si le patient est exposé à des
environnements sonores variés. Un interrupteur peut faciliter l’arrêt de l’appareil
auditif si nécessaire, par exemple, lors de travaux bruyants ne nécessitant pas
d’amplification. La télécommande est un accessoire pratique permettant un accès
plus aisé aux fonctions des prothèses. Sur son lieu de travail, le patient peut avoir
39
Schéma J:
Seuils de confort en dB SL avant et après l'appareillage
0
5
10
15
20
25
30
35
500 1000 2000 4000
Avant
Après
besoin de changer de programme ou d’utiliser le potentiomètre. Cependant, s’il
pratique une profession manuelle, il peut avoir les mains sales et risque de boucher
ou endommager l’appareil s’il le touche. Dans ce cas, la manipulation de la
télécommande résoudra ces problèmes. Nous pouvons aussi offrir la possibilité de
remplacer les piles par des accumulateurs. Dans ce cas, il n’y a plus besoin de
manipuler, il suffit de poser l’appareil auditif sur le chargeur pour recharger les
accumulateurs.
Pour notre étude, nous avons choisi de tester deux types d’appareils : un mini-
contour avec des tubes fins et un mini-contour avec écouteur déporté. Tous deux
étant adaptés avec des dômes ouverts. Ces appareils paraissent être les mieux
adaptés compte tenu des caractéristiques des patients atteints de surdité de type
professionnel. Les personnes de la population A ont alors pu essayer pendant deux
à trois semaines deux appareils OTICON Vigo Pro BTE avec des tubes fins puis des
appareils OTICON Vigo Pro Rite pendant la même durée. Nous avions fixé des
rendez-vous toutes les semaines afin d’adapter les réglages en fonction de leur
sensation et de leur demande. Les tests réalisés à chaque premier rendez-vous sont
refaits au terme de chaque essai d’appareillage, nous permettant par la suite de
pouvoir comparer les résultats.
2. Résultats : Les résultats des trois patients non appareillés étaient pris en compte dans les
résultats précédents. Nous allons donc ici seulement interpréter les résultats
concernant les seuils de confort et d'inconfort avant et après l'appareillage, ainsi que
les résultats comparatifs entre les deux types d'aides auditives. Ceci correspond à
des résultats propres à ces patients et n'ont donc pas encore été traités.
a) Seuils de confort: Ce seuil a été testé avant la mise en place de l'appareillage et à la fin des
essais des deux types d'appareils. Nous allons observer les résultats afin de mettre
en évidence une différence significative ou non entre ces mesures.
Ces courbes (voir ci-contre schéma J) ne montrent pas de différence
statistique. L'écart le plus important est sur la fréquence 1000 Hz où nous observons
40
Schéma K:
Seuil d'audition et Seuils d'inconfort avant et après l'appareillage
0
20
40
60
80
100
120
250 500 1000 2000 4000 8000
AvantAprès
Seuil d'audition
Schéma L:
Seuils tonals oreilles appareillées
0
20
40
60
80
100
120
250 500 1000 2000 4000 6000
Vigo Pro RiteVigo Pro Bte tubes fins
un seuil à 27,5 dB SL avant et 23 dB SL après, mais cette différence n'est pas
significative (p1000Hz=0,415%, p1000Hz>α).
Le fait d'appareiller ces patients n'a pas eu d'influence sur leur seuil de
confort.
b) Seuils d'inconfort: La mesure de ce seuil a été faite de la même manière que le seuil de confort.
Les courbes ci-contre (schéma K) montrent les différents seuils d'inconfort et
le champ dynamique des patients de la population A. Ces courbes ont un écart de 5
dB au maximum. Seul l'écart sur la fréquence 500 Hz est significative, nous avons un
seuil à 93 dB avant et il passe à 98 dB après l'appareillage (p500Hz=0,007%,
p500Hz<α). Sur la fréquence 1000 Hz, nous obtenons 95 dB avant et 100 dB après, et
sur la fréquence 2000 Hz nous obtenons respectivement 96 dB et 100 dB. Ces
différences ne sont pas significatives (p1000Hz=0,081%, p2000Hz=0,259%,
p1000Hz,2000Hz>α). Sur la fréquence 4000 Hz, la différence est vraiment infime (2 dB).
Nous remarquons donc que le seuil d'inconfort est plus bas après
l'appareillage qu'avant, même si les écarts ne sont pas significatifs. Cela signifie que
le fait d'appareiller la surdité professionnelle élargit le champ dynamique auditif des
patients. Les sons forts sont mieux supportés. Ce phénomène est souvent retrouvé
pour les autres types de surdités.
c) Seuils tonals oreilles appareillées: Maintenant nous allons aborder l'étude comparative entre les différents types
d'appareils. Voyons d'abord les seuils tonals à l'aide des courbes ci-contre (schéma
L).
Pour ces seuils, les deux courbes sont strictement les mêmes sauf sur la
fréquence 4000 Hz où il y a un écart minime de 1,5 dB (p4000Hz=0,373%, p4000Hz>α).
Nous pouvons remarquer également que le seuil est bon dans les fréquences graves
puisqu'il est inférieur à 30 dB mais qu'il se dégrade ensuite. Les fréquences aiguës
sont mal récupérées, surtout sur le 4000 et 8000 Hz.
Au final, avec l'une ou l'autre prothèse auditive, les résultats prothétiques
tonals sont les mêmes. Les deux courbes montrent des difficultés à distinguer les
sons aigus.
41
Schéma M:
Seuils d'intelligibilité oreilles appareillées dans le calme
0102030405060708090
100
35 40 45 50 55 60 65 70
Vigo Pro Rite
Vigo Pro Bte tubes fins
Schéma N:
Seuils d'intelligibilité oreilles appareillées dans le bruit
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
45 50 55 60 65 70 75 80
Vigo Pro Rite
Vigo Pro Bte tubes fins
d) Vocale oreilles appareillées dans le calme: Nous continuons avec les examens vocaux et plus particulièrement avec
l'audiométrie vocale dans le silence, oreilles appareillées.
Ces courbes (voir ci-contre, schéma M) montrent qu'à partir de 60 dB le seuil
d'intelligibilité à 100% est atteint pour les deux types d'aides auditives. De plus, nous
remarquons que les courbes se ressemblent et ne présentent aucune différence
significative.
A 40 dB, la voix faible est relativement bien perçue puisque les seuils sont aux
alentours de 50% d'intelligibilité (53% pour les deux courbes).
La voix « normale » à 55 dB est parfaitement perçue puisque les seuils
atteignent presque 97 % pour le Vigo Pro Rite et 100 % pour le Vigo Pro Bte en
tubes fins.
Enfin, une voix forte à 70 dB est également parfaitement compréhensible
puisque nous avons vu précédemment que le 100% d'intelligibilité était atteint à 60
dB.
Le Vigo Pro Rite montre un meilleur seuil à 35 dB (50% au lieu de 30% pour le
Vigo Pro Bte) mais cette différence n'est pas significative (p35dB=0,584%, p35dB>α).
Nous obtenons donc des résultats satisfaisants et semblables avec les deux types
d'appareils.
e) Vocale oreilles appareillées dans le bruit: Pour finir, nous allons interpréter les résultats de l'audiométrie vocale oreilles
appareillées dans le bruit. Comme précédemment, le bruit de fond est très
perturbant.
Effectivement, nous constatons (voir ci-contre schéma N) que le meilleur seuil
d'intelligibilité se situe à 70 % pour les deux types de prothèses auditives à un niveau
d'intensité de 70 dB. De la même manière que les résultats en audiométrie vocale
dans le bruit des populations B et C, les seuils diminuent au-delà de 70 dB, ce qui
est une preuve de recrutement. De plus, les tests statistiques ne montrent aucune
différence significative.
A 55 dB, les seuils sont à 43 % pour le Vigo Pro Rite et à 30 % pour le Vigo
Pro Bte en tubes fins. Cet écart important n'est cependant pas significatif
(p55dB=0,116%, p55dB>α). Nous pouvons ajouter que ce seuil est satisfaisant pour une
audition en milieu bruyant.
42
Le meilleur pourcentage d'intelligibilité se situe à 70 dB comme dit
précédemment.
53% pour le Vigo Pro Rite et 50% pour le Vigo Pro Bte en tubes fins sont les
pourcentages d'intelligibilité à une intensité de 80 dB. L'écart est faible et non
significatif (p80dB=0,643%, p80dB>α).
Nous pouvons mettre en évidence des difficultés de compréhension
importantes en milieu bruyant mais similaires entre les deux types d'appareils
auditifs.
Pour conclure cette étude, nous avons montré qu'il n'existe pas de différence
significative entre le Vigo Pro Rite et le Vigo Pro Bte en tubes fins. Les résultats
prothétiques sont tout aussi satisfaisants avec l'un ou l'autre appareillage.
Cependant, du fait que l'étude porte seulement sur trois patients, il est difficile
d'établir des tests statistiques. Les résultats auraient peut-être été différents si nous
avions pu tester plus de sujets.
G. DISCUSSION :
Grâce aux études réalisées, nous allons pouvoir répondre à notre hypothèse
que nous rappelons: l'appareillage des surdités professionnelles apporte autant
d'efficacité que celui des presbyacousies.
La presbyacousie et la surdité professionnelle présentent plusieurs
différences. D'abord, nous avons vu que leurs seuils pris fréquence par fréquence ne
sont pas comparables. La surdité professionnelle présente un scotome important sur
la fréquence 4000 Hz et une fréquence de coupure à 2000 Hz alors que la courbe
audiométrique d'une presbyacousie montre plutôt une pente légère. L'étude de
messieurs Rosenhall, Pedersen et Svanborg15 montre également une nette
différence dans les hautes fréquences entre les sujets exposés et non exposés à des
bruits forts sur leur lieu de travail. Ils montrent de même que les personnes non
exposées ont une meilleure audition sur les basses fréquences mais que la
15Référence bibliographique: ROSENHALL U.; PEDERSEN K.; SVANBORG A., Presbycusis and Noise-Induced Hearing Loss, 1990.
43
différence n'est pas aussi marquée que sur les aiguës. Enfin leur étude explique que
cette différence diminue avec l'âge qui augmente: à 79 ans, la différence de seuil
auditif n'est plus significative.
Nous avons également cité l'origine de ces surdités. Cependant, en 1962,
Rosen et al avaient publié une étude montrant que la presbyacousie est due à
l'exposition au bruit pendant plusieurs décennies16. Ceci montre qu'ils avaient trouvé
des ressemblances entre ces deux types de surdités. Dans notre étude nous avons
montré que les pertes tonales moyennes étaient comparables statistiquement.
Par ailleurs, le champ auditif plus pincé sur la fréquence 4000 Hz pour les
personnes atteintes de surdités professionnelles montre leur hypersensibilité aux
sons aigus. Ceci se retrouve avec le seuil tonal oreilles appareillées puisque nous
avions noté la difficulté de récupération de cette fréquence. De même avec les seuils
de confort qui sont plus bas dans les fréquences aiguës. Ceci montre qu'une faible
intensité (en dB SL) à la fréquence 4000 Hz apporte une sensation de confort au
patient, et dès que le niveau est trop élevé, il se trouve gêné. Ce phénomène est
moins marqué chez les personnes presbyacousiques.
Cependant, malgré cette baisse des surdités professionnelles dans les hautes
fréquences en audiométrie tonale, les résultats en audiométrie vocale sont plutôt
satisfaisants. Nous avons obtenu les même seuils entre les population B et C. Cela
confirme notre hypothèse: les seuils prothétiques sont les mêmes.
Nous observons par la suite une bonne corrélation entre l'audiométrie tonale
et vocale. Les courbes d'intelligibilité dans le calme ne montrent pas de trace de
recrutement.
En plus d'être similaires, les résultats prothétiques montrent une bonne
compréhension dans le calme puisqu'à une intensité de 40 dB, nous avons déjà 50%
d'intelligibilité. A une voix parlée « normale » nous avons obtenu un seuil qui atteint
presque 100%, ce qui est très satisfaisant. Il n'y a pas de recrutement, donc le seuil
de 100% d'intelligibilité ne redescend pas à de fortes intensités.
Par contre, la compréhension dans le bruit reste difficile pour l'une et l'autre
population. Le pourcentage d'intelligibilité maximum est de 60 à 70 % oreilles
appareillées et nous observons un phénomène de recrutement. Cela confirme ce
que présente monsieur Hétu : les surdités professionnelles présentent « un problème
16Référence bibliographique: ROSENHALL U.; PEDERSEN K.; SVANBORG A., Presbycusis and Noise-Induced Hearing Loss, 1990.
44
de discrimination manifeste même si la perte de sensibilité est relativement faible et
limitée aux sons aigus »17.
Les résultats de l'étude ont donc confirmé l'hypothèse : l'efficacité de
l'appareillage des surdités professionnelles est la même que celui des
presbyacousies.
CONCLUSION : En 1981, monsieur Hétu était sceptique quant à l'appareillage des surdités de
type professionnel. Il citait l'aspect important de cette surdité qui est la baisse de la
sélectivité du système auditif et la difficulté pour le patient à décoder un signal dans
le bruit18. De plus, il avait constaté que cette surdité était mal comprise et encore mal
connue, et était souvent interprétée comme étant un problème d'attitude et de
comportement. Aujourd'hui, ce type de surdité est reconnue par la Sécurité Sociale
et tend à être mieux connue.
Nous avons montré le cadre de reconnaissance des surdités professionnelles
et avons mis en exergue plusieurs points qui pourraient être améliorés. Malgré tout,
les personnes atteintes de ce type de surdité sont de mieux en mieux prises en
charges. Elles peuvent aujourd'hui, grâce à l'arrivée des appareils numériques dans
le domaine de l'audioprothèse, avoir accès à un appareillage leur permettant
d'obtenir une bonne réhabilitation de leur audition.
L'étude comparative réalisée avec l'aide de patients presbyacousiques a
montré l'efficacité de l'appareillage des surdités de type professionnel puisque la
qualité de la réhabilitation prothétique est la même pour les deux populations. Il était
aussi intéressant de montrer que malgré les différences de seuils d'audition, ces
deux types de surdités obtiennent les mêmes seuils oreilles appareillées. D'autre
part, les tests audiométriques ont fait apparaître de réelles difficultés de
compréhension dans le bruit. Ceci reste un problème majeur dans l'appareillage des
surdités professionnelles.
17Références bibliographiques: Hétu R., La surdité professionnelle : un handicap sensoriel trop discret, 1981. 18 Hétu R., La surdité professionnelle : un handicap sensoriel trop discret, 1981.
45
Cette étude a également mis en évidence la différence de champ auditif
dynamique, principalement, entre le moment où le patient n'est pas appareillé et
après un mois de port des aides auditives. De plus, les mini-contours avec embouts
ouverts semblent être le type de prothèses auditives le mieux adapté à ce type de
surdité. Les résultats auraient sans doute été plus fiables si l'étude avait été réalisée
avec un plus grand nombre de patients.
Par ailleurs, ma rencontre avec le docteur Duclos a été très instructive, je l'en
remercie. Cela me donne à penser qu'une étude réalisée avec des médecins du
travail pourrait être enrichissante. Suivre des consultations et observer les différents
rôles de ces médecins en allant dans les entreprises permettrait de mieux cerner le
cadre des surdités professionnelles avec ses origines, le vécu des travailleurs et les
dispositions à mettre en œuvre.
Le Maître de Mémoire: VU et PERMIS D'IMPRIMER
Monsieur Chanteur Philippe LYON, le 8 octobre 2010
Professeur Lionel COLLET
Responsable de l'Enseignement
d'Audioprothèse
Le Directeur délégué à l'Enseignement
Gérald KALFOUN
46
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In La revue du praticien. Volume 59. 20 Mai 2009. P 632-638.
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surdité professionnelle et de l'évolution des techniques d'analyse de l'audition. 20 p.
Mémoire présenté pour l'obtention du diplôme universitaire d'audiologie
audioprothétique approfondie. Lyon: Université Claude Bernard, Lyon I, 2008.
ROSENHALL U.; PEDERSEN K.; SVANBORG A.: Presbycusis and Noise-Induced
Hearing Loss. Ear and Hearing, 1990, Vol. 11, No. 4. p 257–263.
VUILLEROD M.: Président de thèse: Pr. TOLOT F.. La surdité professionnelle.
Normes et Règlementations européennes. Propositions d'Harmonisation. 147 p.
Thèse présentée pour l'obtention du doctorat en médecine. Lyon: Université Claude
Bernard, Lyon I, 1981.
50
ANNEXES
Questionnaire destiné à la population A :
• Quelle profession exercez-vous ou avez-vous exercée ? Avez-vous utilisé une
machine bruyante ?
• Pendant combien de temps l’avez-vous exercée ? Depuis quand avez-vous arrêté ?
• Avez-vous été exposé à des bruits forts dans votre profession ou en dehors? Si oui, quel type de bruit (continu, discontinu, à quel niveau à peu près si vous le savez, walkman, …) ? Quelle était la provenance du bruit ?
• Si vous avez été exposé, vos oreilles étaient-elles protégées ? Par quel type de protection ?
• Combien de temps avez-vous été exposé à ce ou ces bruit(s) ?
• Avez-vous des acouphènes (bruits dans la tête) ?
• Votre surdité a-t-elle une origine connue outre le bruit (oto-toxicité médicamenteuse, antécédents familiaux, traumatisme, …) ?
• Depuis combien de temps vous sentez-vous gêné par votre baisse d’audition?
• Si ce n’est pas récent pourquoi avez-vous attendu ? Avez-vous des appréhensions ?
Questionnaire destiné à la population B :
• Quelle profession exercez-vous ou avez-vous exercée ? Avez-vous utilisé une machine bruyante ?
• Pendant combien de temps l’avez-vous exercée ? Depuis quand avez-vous arrêté ?
• Avez-vous été exposé à des bruits forts dans votre profession ou en dehors? Si oui, quel type de bruit (continu, discontinu, à quel niveau à peu près si vous le savez, walkman, …) ? Quelle était la provenance du bruit ?
• Si vous avez été exposé, vos oreilles étaient-elles protégées ? Par quel type de protection ?
• Combien de temps par jour avez-vous été exposé à ce ou ces bruit(s) ?
51
• Avez-vous des acouphènes (bruits dans la tête) ?
• Votre surdité a-t-elle une origine connue outre le bruit (oto-toxicité médicamenteuse, antécédents familiaux, traumatisme, …) ?
• Depuis combien de temps êtes-vous appareillés ?
• Avec quel type d’appareil ?
• Avez-vous attendu entre le moment où vous avez senti une baisse d’audition et le moment où vous avez décidé de vous faire appareiller ?
• Si oui, combien de temps ? Pourquoi ?
• Vous êtes-vous adaptés à votre appareillage rapidement ?
• Aujourd’hui, l’appareillage vous satisfait-il ?
Questionnaire destiné à la population C :
• Avez-vous des acouphènes (bruits dans la tête) ?
• Votre surdité a-t-elle une origine connue (oto-toxicité médicamenteuse, antécédents familiaux, traumatisme, …) ?
• Depuis combien de temps êtes-vous appareillés ?
• Avec quel type d’appareil ?
• Avez-vous attendu entre le moment où vous avez senti une baisse d’audition et le moment où vous avez décidé de vous faire appareiller ?
• Si oui, combien de temps ? Pourquoi ?
• Vous êtes-vous adaptés à votre appareillage rapidement ?
• Aujourd’hui, l’appareillage vous satisfait-il ?
52