devoir participation politique

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ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ Sciences sociales et politiques Il est demandé au candidat de répondre à la question posée par le sujet : en construisant une argumentation ; en exploitant le ou les documents du dossier ; en faisant appel à ses connaissances personnelles. II sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation. Ce sujet comporte deux documents. Le comportement électoral s'explique-t-il uniquement par les variables lourdes ? DOCUMENT 1 Orientation politique déclarée par les individus selon leur position religieuse En % Catholiqu es pratiquan ts au moins une fois par mois Catholiqu es pratiquan ts irrégulie rs Catholiqu es non pratiquan ts Autre religion Sans religion Ensemble Autoposit ion échelle politique : Gauche 23 22 31 45 49 36 Centre 18 22 21 18 19 20 Droite 56 51 44 31 28 39 Sources : Cumul des enquêtes TNS Sofres – TriÉlec – 2012. Champ : enquêtes réalisées d'octobre 2011 à mars 2012 auprès d'un échantillon représentatif de la population. Note de lecture : 23% des catholiques pratiquant leur religion au moins une fois par mois se positionnent à gauche. DOCUMENT 2 L’électeur n’est ni totalement libre, ni totalement déterminé, ni prisonnier des variables sociologiques, ni ballotté au gré de la conjoncture. Son choix est le fruit d’un processus où se mêlent facteurs sociaux et politiques,

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Page 1: Devoir Participation Politique

ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉSciences sociales et politiques

Il est demandé au candidat de répondre à la question posée par le sujet :en construisant une argumentation ;en exploitant le ou les documents du dossier ;en faisant appel à ses connaissances personnelles.

II sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation.

Ce sujet comporte deux documents.

Le comportement électoral s'explique-t-il uniquement par les variables lourdes ?

DOCUMENT 1

Orientation politique déclarée par les individus selon leur position religieuse

En %

Catholiques pratiquants

au moins une fois par mois

Catholiquespratiquantsirréguliers

Catholiquesnon

pratiquants

Autrereligion

Sansreligion Ensemble

Autoposition échelle politique :

Gauche 23 22 31 45 49 36

Centre 18 22 21 18 19 20

Droite 56 51 44 31 28 39 Sources : Cumul des enquêtes TNS Sofres – TriÉlec – 2012.

Champ : enquêtes réalisées d'octobre 2011 à mars 2012 auprès d'un échantillon représentatif de la population.

Note de lecture : 23% des catholiques pratiquant leur religion au moins une fois par mois se positionnent à gauche.

DOCUMENT 2

L’électeur n’est ni totalement libre, ni totalement déterminé, ni prisonnier des variables sociologiques, ni ballotté au gré de la conjoncture. Son choix est le fruit d’un processus où se mêlent facteurs sociaux et politiques, structurels et conjoncturels, à long terme et à court terme. La socialisation politique ne s’arrête pas avec l’enfance, c’est un phénomène cumulatif. Chaque individu appartient simultanément et successivement à une multitude de groupes aux sous-cultures(1) spécifiques. Ces influences diverses et parfois contradictoires forment des sensibilités de droite ou de gauche. Quels que soient l’élection, ses enjeux, l’espace où elle se joue, les candidats en présence, (…) les ouvriers [votent] plus à gauche que les patrons. Mais ces potentialités ne se réalisent que dans le cadre d’un scrutin particulier qui laisse place aux stratégies spécifiques des électeurs. Libre à eux de voter ou de ne pas voter, de participer aux deux tours ou à un seul, d’exprimer un vote ou de déposer dans l’urne un bulletin blanc ou nul, de préférer le candidat A ou le candidat B, d’émettre un vote « pour » ou « contre ».

Source : « Les variables lourdes en sociologie électorale », MAYER Nonna et BOY Daniel, Enquête, Débats et controverses, 1997.

(1) Sous-cultures : cultures particulières de groupes sociaux au sein d'une société.

Page 2: Devoir Participation Politique

Correction

L’échec de Lionel Jospin au premier tour des Présidentielles de 2002 est souvent expliqué par le rôle des médias qui ont focalisé leur attention sur les problèmes de sécurité. Les médias auraient donc un rôle essentiel dans la formation des choix électoraux. Or, cette analyse se révèle en totale contradiction avec l’analyse de P.Lazarsfeld qui considère que le vote dépend de variables lourdes, c’est-à-dire d’éléments sociaux s’imposant à l’individu. Les individus sont-ils, lors des élections, totalement déterminés par leur groupe social  ? Ou bien ont-ils une marge de manœuvre et votent en fonction des enjeux ? Selon N.Mayer et D.Boy, « L’électeur n’est ni totalement libre, ni totalement déterminé, ni prisonnier des variables sociologiques, ni ballotté au gré de la conjoncture »

Un comportement électoral influencé par des variables lourdes

Le rôle des variables lourdes

A partir des années 1940, les sociologues vont montrer que le vote ne dépend pas des campagnes électorales mais des groupes sociaux d’appartenance. Dans le modèle de l’université de Columbia, Paul Lazarsfeld étudie les effets d’une campagne sur le vote. A l'occasion de l'élection présidentielle américaine de 1940, il va interroger de manière répétée un échantillon représentatif d'habitants de l'Ohio tout au long de la campagne et s'apercevoir que la grande majorité d'entre eux avait arrêté son choix avant même l'ouverture de cette campagne sans s'en départir par la suite. Le modèle de Lazarsfeld est déterministe. La conclusion est qu' « une personne pense politiquement comme elle est socialement». Plus encore, ils remarquent que cette orientation initiale était étroitement liée au groupe d’appartenance de chacun, défini par son statut social, sa religion et son lieu de résidence.La religion a encore un poids important pour expliquer le choix électoral (doc 2) :56% des catholiques pratiquants au moins une fois par mois votent à droite, 49% des sans religion votent à gauche, pour les élections présidentielles de 2012..Deux grandes explications peuvent être avancées :structurelle : La culture catholique a toujours valorisé le devoir d'aller voter (il n'y a d'ailleurs eu dimanche que 10 % d'abstentionnistes chez les catholiques pratiquants réguliers), mais elle a aussi toujours soutenu la famille traditionnelle, le besoin d'autorité et d'ordre social, la possession d'un patrimoine, le sens du travail, la liberté d'entreprendre ; conjoncturelle : les positions de la gauche sur le mariage gay, l'homoparentalité, l'euthanasie ont probablement contribué à dissuader les catholiques convaincus de voter pour François Hollande. Le sociologue américain Robert Alford a aussi montré qu’il existait un vote de classe : les ouvriers votent à gauche, les classes aisées à droite : « Quels que soient l’élection, ses enjeux, l’espace où elle se joue, les candidats en présence, (…) les ouvriers [votent] plus à gauche que les patrons. »

Expliqué par la socialisation politique

Cette influence des variables lourdes sur le choix électoral s’explique par le fait que la famille est la principal agent de socialisation politique. Le cadre domestique familial est le lieu principal de la socialisation politique. Tout d’abord parce qu’elle intervient en premier au moment où l'enfant a alors tout à apprendre : ce qui est transmis par inculcation restera alors de manière durable. Ensuite, parce que c'est le moment où l'individu est le plus malléable, et que cette transmission s'opère dans un contexte affectif : il va s’imprégner de dispositions familiales transmises de manière inconsciente dont il aura du mal à se défaire. Enfin, parce que les interactions sont généralement très fréquentes et très intenses dans le contexte familial. L’enfant est largement imprégné des raisonnements de ses parents, y compris en dehors des grands débats politiques. Par l'observation de leurs pratiques concrètes (vote, lecture du journal, abstention…), voire par des pratiques partagées (accompagner les parents dans les manifestations, …), dans les interactions quotidiennes (positionnement sur l'actualité...), il apprend aussi à déchiffrer et à repérer les choix politiques de ses parents et ainsi à structurer sa propre façon de penser la politique et de se situer sur l’échiquier politique.

Mais la famille ne détermine pas mécaniquement les attitudes politiques des individus, car il y a d’autres agents de socialisation politique

D’autres variables jouent

Page 3: Devoir Participation Politique

Une remise en cause de l’influence des variables sociales

Or, « la socialisation politique ne s’arrête pas avec l’enfance, c’est un phénomène cumulatif.  » L’individu n’est pas passif face à al socialisation politique. Il est un acteur qui peut faire des choix . « Chaque individu appartient simultanément et successivement à une multitude de groupes aux sous-cultures spécifiques ». Ces choix vont donner lieu à des stratégies de la part des électeurs

Une stratégie des électeurs

« Libre à eux de voter ou de ne pas voter, de participer aux deux tours ou à un seul, d’exprimer un vote ou de déposer dans l’urne un bulletin blanc ou nul, de préférer le candidat A ou le candidat B, d’émettre un vote « pour » ou « contre ».Les électeurs vont donc se décider, non plus seulement en fonction de leur statut social, mais en fonction des enjeux. Lors d’une élection, certains problèmes vont devenir un enjeu. Pour qu’un problème le devienne, 3 conditions sont nécessaires : c’est un problème important pour les électeurs, les opinions sont tranchées, les partis ont des avis divergents sur la questionCette moindre prégnance des variables lourdes peut s’expliquer par plusieurs raisons : une augmentation du nombre d’individus appartenant aux classes moyennes salariés, une population plus instruite qui se sent capable de décider de manière autonome, le développement des valeurs post-matérialistes (Inglehart)

Une influence des médias

Cette plus grande liberté des électeurs génère alors une volatilité électorale : le vote est instable c'est-à-dire qu’il y a une proportion croissante d'électeurs qui entre deux scrutins consécutifs, passaient de gauche à droite ou vice versa. Les médias jouent alors un rôle essentiel sur les 3 facteurs que l’électeur prend en compte avant de voter : les enjeux, la personnalité du candidat, les valeurs

Lors des élections, les citoyens sont donc déterminés en partie par leur origine sociale et familiale, mais ils ont aussi une marge de liberté : leurs choix sont donc en partie déterminés. Or, connaître les déterminants du vote des électeurs est essentiel pour les hommes politiques lors des élections : cela leur permet d’adopter la stratégie la plus pertinente.