DEVENIR HUMAIN:ANTHROPOLOGIE THÉOLOGIQUEET INGÉNIERIE DE LA VIE

Réflexions chrétiennes pour pousser

plus loin la discussion

Préparé par la CommissionFoi et Témoignage duConseil canadien des Églises

DES QUESTIONS À SE POSERDES QUESTIONS À SE POSER

Peut-on utiliser le tissu (les cellules souches, par exemple)Peut-on utiliser le tissu (les cellules souches, par exemple)d’un fœtus humain dans la recherche d’un remède à lad’un fœtus humain dans la recherche d’un remède à lamaladie d’Alzheimer?maladie d’Alzheimer?

Les scientifiques peuvent-ils cloner les êtresLes scientifiques peuvent-ils cloner les êtreshumains pour l’unique raison que la chose esthumains pour l’unique raison que la chose estpossible?possible?

L’être humain peut-il manipuler l’environL’être humain peut-il manipuler l’environ--nement à sa guise, peu importe lesnement à sa guise, peu importe lesconséquences pour les autres espèces?conséquences pour les autres espèces?

Les chrétiennes et les chrétiens devraient-Les chrétiennes et les chrétiens devraient-ils être préoccupé(e)s par la coucheils être préoccupé(e)s par la couched’ozone?d’ozone?

La Fermière chrétienne et le fermier chrétien peuvent-ilsLa Fermière chrétienne et le fermier chrétien peuvent-ilscultiver des aliments génétiquement modifiés?cultiver des aliments génétiquement modifiés?

La brochure que voici est proposée comme une ressource et une amorce dediscussion pour les chrétiennes et les chrétiens désireux de réfléchir ensemble surles questions que soulève de nos jours la biotechnologie. Elle recourt à des thèmeset à un langage théologique permettant aux diverses traditions chrétiennesd'exprimer les réalités profondes que nous partageons.

Dessin: Maria Zamora-CrosbyFoormat: Jasmine Mayfair Li

Lorsqu’on a demandé à la Commission Foi etTémoignage du Conseil canadien des Églisesde se pencher sur des questions si

importantes, si troublantes et si complexes, noussommes remontés jusqu'aux fondementsmême de notre foi. Aucune des questions, eneffet, n'est abstraite, toutes sont urgentes, car ils'agit de réalités qui nous touchent de près. Leursconséquences, bien plus importantes qu'elles n'yparaissent, nous imposent de faire ces choix, etc'est en les faisant que nous révélons notrehumanité.

Dans cette brève brochure préparée àl'intention des croyants et croyantesordinaires - et de toute personneintéressée et préoccupée - nousne pouvons, bien entendu, toutdire des nouvelles sciences ettechnologies génétiques ni de lamanière dont les activitésscientifiques et industriellesaffectent la terre et toutes sesrichesses (Psaume 24, 1-2)*.Nous pouvons cependant parler dece qui est essentiel et commun à tousceux qui, comme nous, débattent de cesquestions. Les questions posées ci-dessusmarquent seulement un début. Nous ne soulevonspas, en effet, toutes les questions possibles. Nousn'offrons pas, non plus, de réponse « universelle »aux questions que nous soulevons. Nous proposonscette publication comme un guide d'exploration,d'étude et de réflexion. Nous vous encourageons àvous tenir le plus au courant possible de l'avenirscientifique qui nous attend; mais pour ne citerqu'un exemple, il n'est pas besoin de posséder unegrande expertise technique ou scientifique pourentamer une sérieuse réflexion éclairée par notrefoi sur le génie génétique.

Les membres de notre Commission appartiennent àune variété de familles chrétiennes. Nous différonsdonc par nos traditions, nos modes de pensée, decompréhension et d'expression, ainsi que par nosfaçons de prier. Et pourtant, notre réflexion

commune nous enseigne que nos approches puisenttoutes à la même source. Cette source, ce sensfondamental de ce que nous sommes, noushumains, devant la face de Dieu, elle estpartagée par toutes et tous. Et c'est à partir decette source commune que nous examinons cespassionnantes mais difficiles questions. Comme ledisait un poète d'expérience à une jeuneenthousiaste : « apprenez à aimer les questions. »Même dans notre questionnement, nous apprenonsà aimer Dieu et à nous aimer les uns les autres.

Chacun de nous doit se débattre à samanière avec ces questions, mais il faut

d'abord nous entraider pourcomprendre «ce qu'est

l'humanité», si nous voulonsprendre des décisions quidonnent la vie et la respectent.Nous croyons qu'assumer notrecondition humaine fait partie de

ce que signifie à la fois êtrehumain et être chrétien. Chaque

génération doit répondre auxquestions de sa propre époque.

Pourtant, et c'est là un des merveilleuxmystères de la nature humaine, nous apprenons àvivre dans des temps nouveaux en s'inspirant duDieu vivant et unique de tous les temps, de tous lesâges et de tous les lieux. Ce Dieu unique est laTrinité autorévélatrice: Père, Fils et Saint-Esprit.

ALORS

Avant de prélever du tissu fœtal, il faut sedemander, d'une part, si le fœtus est un êtrehumain, donc un membre de la communautéhumaine et morale, et, d'autre part, ce que supposeet implique ici le mot 'prélever'.

Le débat sur la couche d'ozone est-il une simpleaffaire de sécurité et d'économie écologiques, ouplutôt de responsabilité morale? Plus encore, uneaffaire de justice et de souci d'autrui?

Et ainsi de suite.

* Toutes les citations bibliques sont tirées de la Traduction œcuménique de la bible (TOB). Le signe // symbolise les

passages parallèles tirés d'autres évangiles..

ÊTRE HUMAIN: ANTHROPOLOGIETHÉOLOGIQUE

Notre propos est d'exprimer ici en termessimples et clairs la source, les fondementsvers lesquels les chrétiennes et les chrétiens

se tournent pour acquérir la sagesse et la directionnécessaires pour faire face à ces brûlantes questionsde notre temps. Nous espérons que ces réflexionsvous aideront à aborder ces questions qui nousinterpellent.

Qui sommes-nous, dans le monde, en tant qu êtreshumains? Quelle est notre relation à Dieu, sarelation à nous? Voilà des questions qui relèvent de«l’ anthropologie théologique.» Les chrétiennes etles chrétiens cherchent ensemble les prescriptionsdu Verbe que Dieu nous communique : dans leChrist, dans les Écritures, dans l'Église, dans notreêtre, dans notre vie de prière, dans tout ce quiexiste.

Voyons un peu, dans les enseignements de la foi, ceque signifie «être humain».

Dieu est créateur de tout ce qui existe. Voilàune vérité si grande que nous arrivons à peine àl'entrevoir. Nous naissons dans un monde qui n'estpas notre œuvre. Nous ne nous sommes pas faitsnous-mêmes, nous ne sommes pas la source denotre existence; en d'autres termes, nous sommes

appelés à exister. Si nous sommes appelés, si lemonde qui nous entoure est un don, c'est que cemonde a une origine : quelqu'un, Celui qui «donne la vie ». Voilà à quoi pense Paul lorsqu'ilaffirme, dans sa Lettre aux Romains, que le mondequi nous entoure est rempli des signes du Créateur(1,19,21). Rien de ce qui fut ne fut sans Dieu (Jean1,3); dans le Christ, toute chose a une vie. Lastructure moléculaire exacte des choses, leur ADN,leur physique, leur physiologie, leur biologie, leurchimie : voilà des réalités scientifiques qui aident àéclairer ce que Dieu a fait, ce à quoi il a donné vie.Et pourtant, elles n'infirment en rien la vérité selonlaquelle toutes les choses réelles appartiennent àDieu, car c'est Lui qui leur confère vie, forme etexistence, qui soutient la création. On peut doncdire qu'exister, c'est être en relationconstante avec Dieu : voilà la vérité secrèteau cœur de toute réalité.

L'être humain est créé à l'image et à laressemblance de Dieu. Le don de Dieu est laréalité fondamentale de tout ce qui existe, mais il adonné aux humains de la terre (nous ne tenons pascompte, ici, des éventuelles créatures moralesintelligentes de l'univers) quelque chose d'unique.Nous pouvons affirmer, en nous inspirant de laGenèse 1,26, que les humains - mâles et femelles -sont créés à l'image et à la ressemblance de Dieu.

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Les chrétiennes et les chrétiens ont trouvé, au coursdes siècles, bien des façons d'exprimer le sens decette phrase. On pourrait dire, en toute simplicité :«nous ressemblons à Dieu»ou «voir un être humain,c'est entrevoir ce qu'estDieu.» Pareillesaffirmations s'efforcent detraduire par des motsl'éblouissante,l'inexprimable vérité de ceque nous sommesvéritablement. C'est là quenous nous découvronsincapables de comprendrece que signifie être humain,à moins de comprendrequ'être humain signifieêtre en relation avecDieu, voire être commeDieu. Nous ne pouvons pleinement comprendre ceque nous sommes sans connaître Dieu. DécouvrirDieu, c'est en effet découvrir qui nous sommes (1Jean 3,2). Nous ne pouvons pas pénétrer lemystère de l'existence de Dieu, car Dieu seul estDieu et nous sommes autres que Dieu. Il nous

arrive souvent, à nous humains, de nous cacher lesuns aux autres, dans la crainte de nous donner oude nous révéler. Dieu se répand pourtant pour

nous en un amour qui tendla main à l'autre, un amoursi intime qu'il se fait chair.Dieu choisit de nousmontrer et de partager avecnous la vie de la Trinitédivine.

C'est par-dessus tout leChrist qui nous montrepleinement l'image de Dieusous une forme humaine.Le Verbe divin s'est faitchair dans l'incarnation duChrist. Dans le Christ, laSagesse de Dieu revêt toutce que signifie être humain,

parfaitement et en permanence; le Christ nousenseigne également comment porter l'image deDieu (Colossiens 2,9-10). Étrange réalité, le Christ,en portant l'image divine, révèle que notre véritablehumanité est à la fois conférée et acquise, à la foisdon et réalisation.

4Devenir Humain

Je suis, ô toi qui t'inquiètes.

Ne me sens-tu pas, prêt à éclore à lavie à ton simple toucher?

Mes murmures de leurs ailesombreuses t'entourent.

Ne me vois-tu pas, debout devant toi,Drapé d'un silence immobile?

Mon désir n'a-t-il pas mûri en toiDès le départ, tel le fruit sur le

rameau?

Rainer Maria Rilke

Le péché est une réalité de notre monde; ilaffecte tout ce qui arrive. Les différentesfamilles chrétiennes traitent différemment del'origine du péché, de son intrusion dans nos vies etdes façons de le vaincre. Mais nous convenons tousqu'il est présent parmi nous, qu'il nous faittrébucher, qu'il nousempêche de devenir ceque Dieu veut que nousdevenions et de prendrefidèlement soin de lacréation. (Même ce quenous appelons«humanité » fait partiede la conditionhumaine). Il faut nous rappeler, dans toutes nosdécisions, qu'il nous arrive constamment de ne pasaimer, de ne pas être pleinement ce que noussommes appelés à être, de ne pas être à la hauteurde notre vocation. Tout cela fait également partiede la réalité humaine. Nous croyons que le Christ avaincu le péché et nous a appris à nous rétablir et ànous renouveler.

En refusant de tenir compte de l'omniprésenteréalité du péché, nous nous rendons encore plusvulnérables à l'erreur, à l'égoïsme, à la destructionet au conflit. Lorsque nous sommes rachetés, noussommes appelés à tenir compte du péché. Commenous semblons attirés par le mal comme unemouche par la charogne, nous devons acquérir deshabitudes de prudence, d'humilité et d'autocritique.Nous sommes rachetés pour pouvoir compléter lacréation, pour poursuivre l'éternelle œuvre créatricede Dieu. Notre humanité ne se révélera qu'à laconsommation du monde; d'ici là, nous sommesdes intendants, des donneurs de soins, desscientifiques et artistes, placés dans le jardin poury être féconds et prolifiques (Genèse 1,28). C'estainsi que nous pouvons devenir comme le Christ.

Crucifié et ressuscité, transfiguré etglorifié, le Christ nous révèle l'image et laressemblance de Dieu. Si nous mourons avecle Christ, c'est pour ressusciter avec lui (Romains 8,1, 10-11).

«Mourir pour ressusciter avec le Christ» : voilà lavision particulière de toutes les chrétiennes et detous les chrétiens, notre croyance particulière selon

laquelle lorsque Dieu nousenseigne comment porterl'image divine, c'est-à-direêtre véritablement humain,sa leçon inclut l'inévitabletragédie de la Croix(Matthieu 16,21//). Tout ceque nous venons de dire estl'héritage commun de

l'humanité entière : Toutes les femmes et tous leshommes de la terre sont créés à l'image de Dieu ettoute action authentiquement créatrice doit être enmesure de poursuivre les desseins créateurs quenourrit Dieu pour le monde. Mais forts de leur foidans le Christ, les chrétiennes et les chrétiens ontsaisi que le partage de la créativité divine comporteun fardeau de responsabilité. Nous venons de dire

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Si l'homme n'est fait pour Dieu,pourquoi n'est-il heureux qu'en Dieu?

Si l'homme est fait pour Dieu,pourquoi est-il si contraire à Dieu?

Blaise Pascal, «Pensées»

que porter l'image divine était un « don » et une«réalisation»; le don et la réalisation - oserions-nous dire l'accomplissement? - consistent àprendre sa croix avec le Christ (Matthieu 16, 24).

Reconnaître etaccepter la croixcommepersonnellementnôtre, dimensionnécessaire de notrevie créatrice en tantque porte-Dieu, c'estvoir changer du toutau tout notreperspective sur lanature humaine.Celle-ci exige quenous acceptions devoir toute la joie que nous procure notre pouvoircréateur mesuré au moyen de ce même sens deresponsabilité tragique qui a mené Dieu, qui «a tantaimé le monde», à donner même son Fils uniquesur la Croix (Jean 3,16). Comment pouvons-noussaisir que la Croix et la Résurrection représententl'acte le plus créatif de Dieu? que cet acte, parconséquent, doit devenir pour nous tous la mesurevéritable de notre créativité? enfin, que dansl'application de cette mesure, la première étapeconsiste à saisir la réalité du péché? L'ingénieriegénétique se pratique dans un monde brisé,désordonné et moralement désorganisé qui gémitdans les douleurs de l'enfantement. (Romains 8,22)

Notre créativité même fait partie de ce quiest image de Dieu en nous. Nous voyons dansle Christ la participation de Dieu à l'humanité, toutcomme la participation humaine à la vie de Dieu(voir Philippiens 2,5-11). Voici notre héritage etnotre vocation: nous sommes créatures et créés,découverts et découvreurs, bénéficiaires etintendants responsables.

Dieu est créateur; en nous faisant à son image, ilnous a faits créatifs. Nous croyons qu'il se réjouitde nous voir exercer notre capacité de créer, quenous soyons scientifiques ou musiciens de «blues».

Contrairement àDieu, nous nepouvons fairequelque chose derien, mais nouspouvons prendre cequ'il a donné, pouren créer quelquechose de beau et denouveau. Nousosons même direque les humainssont créés co-créateurs. Lorsquenous sommes

pleinement humains, nous créons bien, nousembellissons le monde, mais il faut apprendre àdistinguer entre la véritable créativité et la

6Devenir Humain

Oiseaux, bêtes, tous les êtres l'adorent, chacun à sa façon:

clameur immense, hymne sacrée, harmonie, universel accord et symphonie de la nature. La prière,

c'est le monde à l'unisson, une voix éthérée, une liesse vocale

dont l'écho est la félicité du ciel.

Henry Vaughan, «The Morning Watch»

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destruction, ou lamanipulation oul'oppression.Nous donnonsnotre pleinemesure lorsquenous agissons avechumilité, respect,émerveillement etsagesse et quenous incorporonsces aptitudes danstout ce que nouscréons. Qu'on leveuille ou non,nous avons dupouvoir, un pouvoir donné par Dieu. Faute d'enfaire usage, nous n'arriverons pas à devenir ce quenous sommes destinés à être; si au contraire nousl'utilisons, il faut nous rappeler que toutes chosessont bénies depuis l'origine. Les choses sont sacréesparce que remplies de Dieu, parce que c'est l'Espritde Dieu dans la création qui leur donne vie. Ce quenous appelons «nature» est sacré, comme nous lereconnaissons dans nos théologies de l'incarnationet du sacrement, par exemple; il ne s'agit donc pasd'une simple matière mise à notre disposition.

Dieu a confié aux humains la responsabilitéparticulière de connaître la création, del'aimer et d'en prendre soin. Dire cela, c'est endire plus encore que nous ne pourrons jamais encomprendre. Cela nous enseigne toutefois quel'être humain ne vit pas dans l'isolation : nousappartenons tous les uns aux autres, car nousappartenons tous au seul Dieu. Nous sommes faitsde la même « pâte » que la terre, les plantes et lesanimaux, les arbres, les étoiles, les amibes, les ventset les nuages. (Psaumes 8, 148). Nous leurappartenons et ils nous appartiennent. Ce qui estcréé est à Dieu, de Dieu et pour Dieu, mais pourtantautre que Dieu. Notre joie, notre tâche consistent à

prendre soin detout ce qui existe.Nous necomprenons pastoujours ce quecela signifie ni àquoi cela peutressembler, maisnous nousefforçons de bien lefaire. Que signifiele commandement,donné par Dieu, de«dominer» lacréation (Genèse1,28)? La science a

commencé par nommer les créatures, ce quiexigeait d'Adam, qui signifie «genre humain» qu'il

Dieu créa l'hommeOui - Il le créa à l'image de Dieu.Il le créa selon Sa resemblance:

Pour la rencontre, la miséricorde et l'amour,Afin que Dieu en Son image

Sur la terre prenne le pouvoir contreLe désordre qui sévit dans le monde.

Et la bonté de l'homme entra en function contre labasesse,

L'amour entra en function contre l'indifférence,La miséricorde entra en function contre l'égoïsme.

Frère Immanuel Jacobs OSB

discerne ce que Dieu avait fait (Genèse 2,20,Romains 8,10). Nous faisons des choix, nousprenons des décisions, certaines sages, d'autresinsensées; nous prions pour obtenir la grâce.

Foi et culture. Tout comme nous créons des loiset des routes, nous créons aussi des structures.Chaque peuple exprime sa vie dans l'histoire encréant sa propre culture. Cela fait partie de notretâche humaine, Dieu ayant créé des co-créateurs.Mais l'être humain est enclin au péché, de sorte quenous ne pouvons échapper à la vérité selon laquelleces structures sont viciées par lui. Comment, eneffet, assainir ce qui, dans nos actions, est faux,brisé, tordu? C'est ce que nous appelons la

«rédemption», c'est-à-dire la présence réelle duChrist dans toutes ces choses, présence qui lesouvre au pouvoir créateur de Dieu. La science,cette part puissante de notre héritage et de notreavenir culturel, peut-elle être «rachetée»?

Foi et Science. Les chrétiens disposent de biendes manières de comprendre et d'exprimer en quoila création est un don et de communiquer avec lesdécouvertes et les explorations scientifiques. Nousconvenons cependant qu'il n'est pas nécessaire quela foi soit en contradiction avec la science : si nousrecevons ces deux dons avec créativité, courage etcompassion, nous pouvons tous y gagner. Ce quenous réclamons, ce n'est pas un arrêt de l'activitéscientifique ou technologique. On accuse souventles scientifiques de «jouer à Dieu», mais leurtravail peut nous aider à «devenir humain», pourvuque nous n'oublions pas notre rôle d'intendants.Nous avons pour vocation d'augmenter, plutôt quede nous contenter d'exercer, notre capacité de faireune chose simplement parce que nous pouvons lafaire, comme l'enseignait Jésus : «Si quelqu'un veutêtre le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave»(Matthieu 20, 26-27). Il faut donc nous réjouir descapacités humaines, qui ont tant donné à la société.

Sans déifier ni diaboliser la science, il faut enreconnaître la non-neutralité. En tant que pratiquesociale, elle comporte des valeurs, des intérêts etdes idéologies. Une science présumée «objective»,sans conscience peut facilement devenir

8Devenir Humain

Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnesoeuvres que Dieu a préparées d'avance pour que nous les pratiquions.

Éphésians 2,10 (la Bible de Jérusalem)

destructrice plutôt que créative. Ce que Dieu veutpour le monde, c'est le shalom, dans le sens intégraldu terme. Nous appelons donc les humains à serappeler et à recouvrer nos ressources morales etthéologiques et à aller de l'avant, en connivenceavec Dieu et en poursuivant son oeuvre, en tant quecréatures, au sein de la nature.

Plus encore, dans la poursuite de notre immensepotentiel de découverte, d'intuition etd'intervention scientifique et théologique, la visionchrétienne du Seigneur sur la Croix doit nouséclairer de cette lumière constante qui permet demesurer la vérité et la valeur de notre travailcréateur. Clairement essentielle, la responsabilité

morale impose des limites et des contrôles au nomde ce qui est juste et bon. La Croix nous transporte,par delà la responsabilité, voire par delà toutelogique de justice, dans un monde où Dieuaccomplit son œuvre créatrice et rédemptrice. Celanous impose une exigence dépassant la maîtrise denous-mêmes : il faut créer dans l'humilité (Marc10,43-45). Quand nous essayons de répondre à unequestion scientifique aussi precise comme, parexemple, la valeur experimentale ou thérapeutiquede l'utilisation du tissu foetal, ceci doit être faitdans la lumière de la croix. Il en va ainsi de toutesles questions dont nous avons parlé, comme detoutes celles qu'on se pose au nom de cette notionde «devenir humain».

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10Devenir Humain

Créer notre monde. Tout ce que nous sommesexiste dans le temps et l'espace. Des mots telsque «mystère» et «éternel» montrent la grandeurde ce dont nous faisons partie, mais nous lesrecevons dans l'intimité de la chair, dans lesmains, les orteils et les paupières, les bicyclettes,les micropuces et les algorithmes; en somme,dans cette réalité physique dont nous faisonsaussi partie. Voilà pourquoi il est si importantque les chrétiennes et les chrétiens prennent soinde la création, ce qui implique d'aider à bâtir deshôpitaux, des écoles et des soupes populaires, dese faire techniciens en informatique, nettoyeursde rues et astrophysiciens. Cela signifie aussis'immerger dans le désordre, la beauté,l'imprévisibilité et la joie du monde où nousvivons. Notre monde est souvent un lieu de lutte,voire de chaos, mais c'est aussi un lieu où Dieunous donne sa grâce en abondance, pour qu'ellefructifie avec notre participation.

Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus:Lui qui est de condition divine

n'a pas revendiqué son droit d'être traité comme l'égal de Dieumais il s'est dépouillé

prenant la condition d'esclave.Devenant semblable aux hommes

et reconnu à son aspect comme un hommeil s'est abaissé

devenant obéissant jusqu'à la mortà la mort sur une croix.

Philippiens 2,5-8 (la Bible de Jérusalem)

ALORS, ET CES QUESTIONS?

Nous vous invitons à examiner ces penséessur ce que signifie être humain et, à leurlumière, à vous demander comment nous

pourrions répondre aux questions que latechnologie et la science, particulièrement lagénétique, nous posent. Nous le faisons dans laprière, la confiance et la foi en la bonté de Dieu etde sa création.

QUESTIONS POUR DISCUSSION

Revoyons, à la lumière de tout ce qu’on a ditjusqu’ici, nos questions initiales.

1) Peut-on utiliser le tissu (les cellules souches, parexemple) d’un fœtus humain dans la recherched’un remède à la maladie d’Alzheimer?

. Le fœtus, voire l’embryon, est-il un «êtrehumain»?

. Quelle différence cela fait-il?

.Nous voyons dans le don d’organes ungeste généreux; en est-il autrement pour lefœtus? Pourquoi?

. Que pensons-nous de la concurrence entreles besoins humains? L’un devrait-il primersur l’autre? Est-il justifiable, par exemple,de sacrifier une vie au profit d’une autre?

.Si nous «traitons» les humains (ou lesanimaux ou les plantes) comme des«choses», comment le faire avec sagesse ethumilité?

2) Les scientifiques peuvent-ils cloner les êtreshumains pour l’unique raison que la chose estpossible?

.Qui assume la responsabilité décisionnelle decréer une vie? d’en prendre soin par lasuite?

.Y a-t-il une différence entre cloner des brebiset des êtres humains?

.Existe-t-il des limites morales à la liberté dela recherche scientifique? Comment recon-naîtriez vous ces limites?

.Si nous, chrétiennes et chrétiens, partageonsles vues exprimées dans la présentebrochure, que devons-nous enseigner auxscientifiques?

. Que veut dire notre affirmation selon laquelleles scientifiques «jouent à Dieu»? (Celareprésente sûrement plus que «détenir lepouvoir de vie et de mort», puisque cepouvoir, nous l’avons toujours détenunaturellement.)

Conseil canadien des Églises11

3) L’être humain peut-il manipuler l’environementà sa guise, peu importe les conséquences pour lesautres espèces?

.Pouvons-nous «être humains» indépen-damment de l’ensemble du monde naturel?

.Si Dieu a confié aux humains une respons-abilité particulière à l’égard de la création,qu’est-ce que cela exige aujourd’hui denous?

. Si nous aimions la création autant que Dieul’aime, comment agirions-nous à sonendroit?

.Comment faire du monde un paradis?(«Eden» ne signifie pas «Utopie».)

4) Les chrétiennes et les chrétiens devraient-ils êtrepréoccupé(e)s par la couche d’ozone?

.Devrions-nous nous en préoccuper par égard pour nous, ou par égard pour elle?

.Où s’en va la création? Dans notre approche de la science, reconnaissons-nous etservons-nous les desseins de Dieu à l’égardde la création? À quoi nous exposons-nousen ne tenant pas compte des intentions deDieu?

5) La fermière chrétienne et le fermier chrétienpeuvent-ils cultiver des aliments génétiquementmodifiés?

.Qu’entendent les chrétiens par «progrès»?

.De quels problèmes d’éthique faut-il tenircompte en abordant le sujet des alimentsgénétiquement modifiés? La sécuritéhumaine, la sécurité environnementale, lecontrôle, la chosification, le pouvoiréconomique, par exemple.

.Devrait-on breveter des organismes vivants eten être propriétaires?

12Devenir Humain

Conseil canadien des Églises13

AUTRES LECTURES ET RESSOURCES

Voici quelques-unes des nombreuses publications

disponibles à ce sujet. Nous avons choisi celles qui

reflètent l’éthique de la biotechnologie dans la

perspective de nos Églises chrétiennes.

LIVRES ET PÉRIODIQUES

Anderson, Ray S. On Being Human: Essays inTheological Anthropology. Eerdmans, 1983.

Breck, John. The Sacred Gift of Life. St. Vladimir’sSeminary Press.

__________. God With Us. St. Vladimir’s SeminaryPress.

Caplan, Arthur. Moral Matters: Ethical Issues inMedicine and the Life Sciences. 1995.

Carroll, Amber and Chris Skidmore, eds. InventingHeaven: Quakers Confront the Challenges of GeneticEngineering. Reading, UK: Sowle Press andBedfordshire General Meeting, 1999.

Chapman, Audrey R. Unprecedented Choices: ReligiousEthics at the Frontiers of Genetic Science.Minneapolis: Fortress Press, 1999.

Giussani, Luigi. The Religious Sense. Trans. JohnZucchi. McGill-Queen’s, 1997.

Gregorios, Paulos. The Human Presence: an OrthodoxView of Nature. WCC, 1978.

Grenz, Stanley J. The Social God and the Relational Self:a Trinitarian Theology of Imago Dei. WestminsterJohn Knox Press, 2001.

Bouma, Hessel III, Douglas Diekema, Edward Langerak,Theodore Rottman, and Allen Verhey. Christian Faith,Health, and Medical Practice. Grand Rapids, MI:Eerdmans, 1989.

Hill, Edmund. Being Human: A Biblical Perspective.Continuum, 1984.

Holland, Suzanne, Karen Lebacqz and Laurie Zoloth,eds. The Human Embryonic Stem Cell Debate:Science, Ethics, and Public Policy. Cambridge: MITPress, 2001.

Ignatius IV. The Resurrection and Modern Man . St.Vladimir’s Seminary Press.

Kilner, John F. Bioethics and the Future of Medicine: AChristian Appraisal. 1995.

Kilner, John F., Nigel M. de S. Cameron, and David LSchiedermayer. Bioethics and the Future of Medicine:

A Christian Appraisal. Grand Rapids, MI: Eerdmans,1995.

Kilner, John F., C. Christopher Hook, and Diann B.Uustal, eds. Cutting-Edge Bioethics: A ChristianExploration of Technologies and Trends. GrandRapids: Eerdmans, 2002.

Laver, Eugene and Joel Mlecko, eds. A ChristianUnderstanding of the Human Person. Paulist Press,1982.

Meilaender, Gilbert C. Bioethics: A Primer forChristians. 1996.

__________. Body, Soul, and Bioethics. Notre Dame:University of Notre Dame Press, 1998.

__________. The Limits of Love: Some TheologicalExplorations. 1987.

O’Donovan, Oliver. Begotten or Made? Oxford:Clarendon Press, 1984.

Pannenberg, Wolfhart. Anthropology in TheologicalPerspective. T & T Clark, 1999.

Peters, Ted. For the Love of Children: GeneticTechnology and the Future of the Family. 1996.

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Peterson, James C. Genetic Turning Points: The Ethicsof Human Genetic Intervention. Grand Rapids, MI:Eerdmans, 2001.

Shultz, F. LeRon. Reforming Theological Anthropology.Eerdmans, 2004.

Society of Christian Ethics. The Annual. 1998 vol. 18.Des essais de Ron Hamel, Audrey R. Chapman,Charlene A. Galarneau et Sondra Fly Wheelerconstituent de bonnes introductions à la documenta-tion disponible à ce sujet.

Walters, LeRoy and Julie Gage Palmer. The Ethics ofHuman Gene Therapy. 1997.

Wolff, Hans Walter, Anthropologie de l’AncienTestament. Genève: Labor & Fides, 1974.

FILMS

CBC, 5th Estate, 28 janvier 92: Films nazis surl'euthanasie.

Office national du film du Canada, On the Eighth Day:Perfection Mother Nature. Première partie : MakingBabies. Deuxième partie : Making Perfect Babies.Direction Gwynne Basen. Numéros de commanderespectifs : C 9192 045 et C 9192 046.

La Commission Foi et Témoignage réunit des représentants etreprésentantes des 20 différentes confessions représentées au Conseil.Nous travaillons ensemble à réfléchir, dans une optique théologique, surles questions d'actualité qui nous préoccupent et sur celles qui revêtentaux yeux des Églises un intérêt historique. Relevons, parmi nosréalisations des récentes années : une déclaration sur l'euthanasie et lesuicide assisté; une trousse documentaire publiée annuellement pouraider les Églises à célébrer la Semaine de prière pour l'unité chrétienne;un forum sur les dialogues œcuméniques au Canada; enfin, un manuelsur le mariage dans nos Églises. Pour obtenir la documentation ci-dessusou toute autre publication, on est prié de consulter notre site Web.

La présente ressource a été produite et est distribuéegratuitement par la Commission Foi et Témoignage. Sivous désirez nous aider à récupérer nos frais, nous vousprions d'adresser vos dons au Conseil (chèques à l'ordredu Conseil canadien des Églises, à l'attention de Foi etTémoignage). Les fonds recueillis nous aideront àpoursuivre notre travail dans ce domaine.

Nous apprécierions que vous nous fassiez part de vosréactions et que vous précisiez quel usage vous avez faitde la présente ressource.

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