des réalisateurs n°30 - groupe 25 images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre...

19
LA LETTRE DES n°30 Réalisateurs RÉDACTEURS EN CHEF Dominique Attal, Dominique Baron, Philippe Venault ONT PARTICULIÈREMENT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO Gilles Abrant, Christophe Andréi, Dominique Attal, Dominique Attal, Dominique Baron, Luc Béraud, le Bureau, Lise Delahaut, Dominique Baron, Luc Béraud, le Bureau, Lise Delahaut, Christophe Douchand, William Gotesman, Philippe Laïk, Christophe Douchand, William Gotesman, Philippe Laïk, Julia Mattioli, Nicolas Picard-Dreyfuss, Julia Mattioli, Nicolas Picard-Dreyfuss, Sisyphe, Philippe Venault. Philippe Venault. GROUPE 25 IMAGES ASSOCIATION DE RÉALISATEURS DE FILMS DE TÉLÉVISION 147 rue Blomet - 75015 Paris [email protected] Tél : 01 42 50 64 30 WWW.GROUPE25IMAGES.FR Steven Spielberg, à la cérémonie de remise des prix du Festival de Cannes 2013 : L’exception culturelle est le meilleur moyen de préserver la diversité du cinéma. 2 HITCH Luc Béraud 3 EDITO Sébastien Grall, Philippe Venault 4 SHOWRUNNER ? WAS IST DAS ? Dominique Baron 6 QUESTIONS À A. K. OLESEN, S. KRAGH-JACOBSEN, BORGEN Christophe Andréi 10 QUESTIONS À JOHN DAVID COLES, ELEMENTARY Christophe Andréi 13 ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSS Dominique Attal, Dominique Baron, Philippe Venault 26 ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE DOUCHAND Dominique Baron, Philippe Venault 31 MARGINAL INTEMPESTIF Philippe Laïk 32 FRANCE TÉLÉVISIONS, NOUS Y CROYONS ENCORE Sisyphe 33 MÉCHANTES LANGUES Le Bureau 34 COMPOSITEUR ? Roland Manuel 35 LA MUSIQUE DE NOS FILMS Dominique Baron 32 DÉESSE AGESSA William Gotesman 36 LA BASTIDE ENDORMIE - FORMATION 25 IMAGES Sommaire juin 2013

Upload: others

Post on 09-Sep-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

LA LE

TTR

E D

ES

n°30Réalisateurs

RÉDACTEURS EN CHEF Dominique Attal, Dominique Baron, Philippe Venault

ONT PARTICULIÈREMENT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

Gilles Abrant, Christophe Andréi, Dominique Attal, Dominique Attal, Dominique Baron, Luc Béraud, le Bureau, Lise Delahaut, Dominique Baron, Luc Béraud, le Bureau, Lise Delahaut, Christophe Douchand, William Gotesman, Philippe Laïk, Christophe Douchand, William Gotesman, Philippe Laïk, Julia Mattioli, Nicolas Picard-Dreyfuss, Julia Mattioli, Nicolas Picard-Dreyfuss, Sisyphe, Philippe Venault.Philippe Venault.

GROUPE 25 IMAGESASSOCIATION DE RÉALISATEURS

DE FILMS DE TÉLÉVISION

147 rue Blomet - 75015 Paris [email protected]

Tél : 01 42 50 64 30

WWW.GROUPE25IMAGES.FR

Steven Spielberg, à la cérémonie de remise des prix du Festival de Cannes 2013 :

L’exception culturelle est le meilleur moyen de

préserver la diversité du cinéma.

2 HITCH

Luc Béraud

3 EDITO

Sébastien Grall, Philippe Venault

4 SHOWRUNNER ? WAS IST DAS ?Dominique Baron

6 QUESTIONS À A. K. OLESEN, S. KRAGH-JACOBSEN, BORGEN

Christophe Andréi

10 QUESTIONS À JOHN DAVID COLES, ELEMENTARY

Christophe Andréi

13 ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSS

Dominique Attal, Dominique Baron, Philippe Venault

26 ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE DOUCHAND

Dominique Baron, Philippe Venault

31 MARGINAL INTEMPESTIF

Philippe Laïk

32 FRANCE TÉLÉVISIONS, NOUS Y CROYONS ENCORE

Sisyphe

33 MÉCHANTES LANGUES

Le Bureau

34 COMPOSITEUR ?Roland Manuel

35 LA MUSIQUE DE NOS FILMS

Dominique Baron

32 DÉESSE AGESSA

William Gotesman

36 LA BASTIDE ENDORMIE - FORMATION 25 IMAGES

S o m m a i r e j u i n 2 0 1 3

Page 2: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 3www.groupe25images.fr 2 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Comme tous les réalisateurs qui aiment les acteurs et ne se contentent pas de leur indiquer des places ou répéter les directives du chargé de programme, Sébastien Grall a été tenté par l’aventure théâtrale.

Ce n’est pas par prudence qu’il a choisi une pièce qui a le cinéma pour sujet mais parce que la pièce écrite par Alain Riou et Stéphane Boulan est très bien construite, d’une durée resserrée, pleine de malice et fourmillant de considérations et de références sur notre métier.

Le Hitch Book, comme il est chic d’appeler le magnifique livre que Truffaut a consacré à Hitchcock, est devenu la bible de tout apprenti cinéaste, parce que là, mieux qu’ailleurs, c’est un artiste qui interroge un confrère sur ses secrets de fabrication. Et comme chez le maître du suspense tout passe par la mise en scène, jusqu’à assumer les invraisemblances du scénario, c’est une leçon de cinéma que reçoit le lecteur attentif.

Alain Riou et Stéphane Boulan n’ont pas disserté sur les bienfaits du livre (qui devrait être remboursé par la Sécurité sociale des réalisateurs), mais se sont amusés à imaginer la rencontre du maître et de l’élève.

Le grand cinéaste anglais devenu roi de Hollywood reçoit le patron de la Nouvelle Vague, ancien critique et thuriféraire de son œuvre.

Mais Hitchcock est un farceur et il s’amuse avec Truffaut comme un chat avec une souris.

En fait ce jeu un peu cruel cache une peur réelle du cinéaste à succès devant le regard fin et intelligent mais un peu trop intellectuel (élitiste) qui risque de le déconsidérer aux yeux de ses patrons hollywoodiens, pour qui le cinéma est une

distraction avant d’être un art et en conséquence plutôt un moyen d’engranger des bénéfices que de décrocher des palmes ou des décorations. Le jeune Truffaut est ainsi baladé de farces en surprises et de mystifications en mythifications.

Sébastien Grall s’est jeté avec gourmandise sur cette jolie pièce pleine de rebondissements et nous embobine avec le personnage de François, auquel nous nous identifions, dans les jongleries du couple Alfred et Alma (sa femme et muse).

Mathieu Bisson, tout en timidité retenue, impressionné par le maître, est un sosie troublant du regretté Truffaut. Jo Sheridan étale une faconde perverse avec délectation et talent ajouté à une ressemblance réelle avec le grand Alfred et Patty Hannock est une Alma qui rentre ses griffes pour afficher son rôle d’épouse, mais on voit bien qu’elle tient son Hitch par la barbichette.

Un homme qui en sait trop face à des enchaînés, laisse planer l’ombre d’un doute. Et si les sueurs ne sont pas vraiment froides parce que c’est une comédie, il n’en demeure pas moins que le crime serait presque parfait s’il n’était une blague pour déchirer le rideau d’un cinéphile trop empressé qui risque avec ses soupçons de ruiner sa carrière. En fait, un complot de famille.

Après le succès de la pièce au Lucernaire puis à Avignon et une tournée à l’étranger, Sébastien (produit par notre déléguée générale, Dominique Attal, qui a fait ça en dehors de ses heures de bureau…) a tourné son spectacle et ça donne un film au cordeau où les changements de plans ne répondent pas à un métronome qui hache le film toutes les quatre secondes, mais cherchent à capter au mieux les émotions des acteurs. Le fond noir du décor restitue une certaine abstraction qui, là encore, serre au plus près le jeu et donc la mécanique du récit et ses rebondissements. Hitch, quand Truffaut affronte Hitchcock est maintenant un DVD et Blu-ray qui est actuellement en vente et devrait intégrer les DVDthèques des réalisateurs-cinéphiles.

HITCH Luc Béraud

© Claire Riou

La pièce sera à nouveau à l'affiche en 2014, en attendant, le film est disponible dans les grands magasins et sur internet .

HITCH, QUAND TRUFFAUT AFFRONTE HITCHCOCK

Combo BluRay-Dvd édité par Les Films du ParadoxeS.T. anglais - 70' - Extraits www.diezeprod.fr/hitch

EditoRÉALISATEUR " TOUT COURT "Sébastien Grall, Philippe Venault

Cette « Lettre des Réalisateurs » est la dernière avant le changement de présidence à la tête du Groupe 25 Images.

Nous l’avons voulue presque exclusivement consacrée au travail du réalisateur.

Du réalisateur « tout court » comme en témoigne le prix du Meilleur Film qui vient d’être attribué à Philippe Niang pour Toussaint Louverture au dernier festival de cinéma de New York.

Auteurs de longs-métrages, de documentaires et de séries télévisuelles, les réalisateurs de Borgen, série danoise remarquée et d’Elementary, nouvelle série américaine, mettent en avant cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion.

Ce rapprochement entre réalisateurs(trices) « multigenres » est une nécessité dans notre pays afin de créer une force commune, un lieu d’échanges et de confrontation. Il est en cours.Sa concrétisation officielle sera l’œuvre de la nouvelle équipe.

Dans cette perspective, nous devons nous féliciter de voir que deux membres du Groupe 25 Images représentent les réalisateurs « tout court », au sein de la Fédération européenne des réalisateurs de l’audiovisuel.

Le chemin parcouru depuis deux ans aura été semé d’embûches et de combats difficiles pour affirmer la place du réalisateur et faire reconnaître inlassablement son apport créatif.

La scripted-réalité, l’emploi, la création, les pratiques abusives, un peu plus de solidarité par ces temps moroses, la représentation des réalisateurs au sein des instances officielles et des organisations professionnelles, nos participations à diverses manifestations auront été au cœur de nos actions.

Mais les chantiers ne manquent pas. Parmi eux, la place des femmes réalisatrices, et toujours ce long combat pour obtenir plus de diversité éditoriale, plus de diversité dans l’approche des genres et dans les personnages. Les actions pour obtenir un meilleur financement de notre télévision publique afin qu’elle soit le reflet le plus riche et le plus juste possible de notre société, sont au cœur du prochain calendrier.

Après Série Series en juillet, aura lieu le Festival de la Fiction TV de La Rochelle en septembre. C’est un rendez-vous précieux pour exposer nos films et ceux de nos camarades français et étrangers. Un lieu que nous aimerions, plus qu’une vitrine un peu officielle de nos diffuseurs, un espace d’exposition hardie.

Nous serons présents pour y poursuivre nos entretiens, avec celles et ceux qui sont au cœur de la création audiovisuelle. Ces entretiens sont un modèle d’écoute et de réflexion. Ils sont enviés à juste titre et nous vous invitons à aller les voir sur notre site.

Nous souhaitons de beaux jours à notre association sous la houlette d’une nouvelle équipe.

Venez nombreux à notre prochaine assemblée générale.

Amitiés

Sébastien et Philippe.

Page 3: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 5www.groupe25images.fr 4 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Ces dernières années, la « crise de la fiction » a fait se tourner beaucoup de diffuseurs, de producteurs, de scénaristes et de chroniqueurs télé vers ce qu’ils ont cru être la panacée : le modèle américain. Et c’est ainsi que le showrunner, cet étrange animal 3D, a envahi notre galaxie, sacralisé par des scénaristes injustement maltraités et, à leurs côtés, par ceux qui leur infligent pourtant des douleurs industrielles ! Le microcosme se réfugiant derrière l’injuste et restrictif rapport Chevalier, qui oublie que la réalisation est une écriture majeure et que la crise ne vient pas du tout d’un passif créatif, les scénaristes et réalisateurs français restant parmi les plus doués au monde.

Non, cette dépression de la fiction française est le résultat de bien d’autres dérives :

En premier lieu, l’omniprésence lucrative des séries américaines en primetime. Faut-il rappeler que de grands pays d’Europe les ont sciemment écartées du début de soirée, parfois avec l’arme législative, par volonté de préserver leur fiction nationale ?

La prolifération absurde des chaînes de la TNT, qui ne financent que 1,6 % de la création pour près de 25 % du marché, dispersent l’audience et paupérisent la culture.

La volonté des groupes industriels, sous couvert de rayonnement international et de coproduction, de concentrer entre leurs mains l’essentiel des séries en production, au détriment de dizaines de petits producteurs créatifs désormais pieds nus sur la paille. Et le récent rapport du sénateur Plancade, s’il est suivi, ne va rien arranger !

L’effondrement budgétaire qui a relégué, en dix ans, le financement de notre fiction à la moitié de sa sœur anglaise et au tiers de sa cousine allemande.

La paresse des politiques à garder le financement de la culture, donc de l’audiovisuel, au centre d’une société d’avenir. Et pourtant, « la culture, c’est la paix », disait Léopold Sedar Senghor.

Leur peur d’augmenter la redevance de l’audiovisuel au-delà de quelques euros de survie, alors que la sœur et la cousine l’ont fait largement, mais en expliquant au public que ce n’est pas un impôt et en imposant la qualité aux chaînes publiques.

Une méconnaissance de nos métiers par beaucoup de ceux qui les régissent, qui a entraîné une disparition dommageable des producteurs indépendants, réalisateurs, scénaristes, femmes et hommes de lettres, aux postes clés des grandes chaînes

Une errance et des revirements douloureux des lignes éditoriales qui tanguent au gré des perpétuels changements de directions au sein de France Télévisions.

La dictature de l’audience jamais aussi forte que depuis la fin de la pub. Un comble !

Et, en corollaire, un manque de liberté des responsables de fiction face à un bridage marketing inquiétant de leurs idées et de leurs intuitions créatives.

Donc, n’en déplaise à ses avocats, on devine que l’invasion du showrunner ne changerait rien à la liste ci-dessus. De plus, il correspond rarement à notre façon de créer. Il faut en finir avec cette naïveté de croire que, parce qu’on a écrit, on doit contrôler tout le reste. Trop d’échecs récents ont mis à mal cette

Showrunner ?

WAS IST DAS ?Dominique Baron*

théorie. Le vrai bon modèle est celui de Un village français, où un producteur, un scénariste et un réalisateur, incontestables, se sont associés dans l’harmonie et incarnent un showrunner virtuel, à la française. Chez nous, la gestion globale des séries restera l’apanage du producteur, qui n’abandonnera jamais sa légitime mission financière et le contrôle des étapes créatrices. Quant au final-cut, inscrit dans la loi au crédit du réalisateur, il lui échappe déjà depuis plus de dix ans dans les séries télé et en cinéma commercial. Tandis que le scénario sera toujours au centre.

Alors, pour des scénaristes français malmenés qui souhaiteraient tout maîtriser, il n’y a qu’une seule voie satisfaisante : il faut savoir produire et (ou) réaliser soi-même, deux métiers de terrain complexes et éprouvants.

Après avoir réalisé sept épisodes d’une série anglo-australienne tournée en partie à Londres et deux téléfilms au Canada, j’affirme que, là-bas, le réalisateur et le showrunner avancent main dans la main et que ce dernier accorde beaucoup d’autonomie au director à tous les étages du film. Le producer showrunner expérimenté sait faire confiance.

Steven Spielberg : « En tant que producteur, lorsque je choisis un réalisateur, je le laisse travailler et je ne vais pas sur son plateau. Si je suis obligé d’y aller, c’est que je l’ai mal choisi et que je suis donc un mauvais producteur. »

Ce sont tous ces éléments que nous allons évoquer dans les entretiens qui suivent, avec cinq réalisateurs et scénaristes passionnants. Deux Danois, Annette K. Olesen et Søren Kragh-Jacobsen, de Borgen, un Américain, John David Coles, créateur de la série Elementary, les Français Christophe Douchand, qui a réalisé les 4 épisodes pilotes de Candice Renoir, et Nicolas Picard-Dreyfuss, remarqué pour Nicolas Le Floch et réalisateur des épisodes 5 à 8 de Candice Renoir.

De ces conversations émerge une évidence : autour de l’écriture originelle, l’entente entre tous les intervenants est réconfortante et essentielle dans la réussite d’une œuvre, qu’elle soit série longue ou courte, mini-série ou unitaire. Il n’y a pas d’affrontements quand la compétence est présente à tous les étages et que chacun respecte le territoire de l’autre.

Et si vous avez raté fin avril 2013 Série Mania, ne manquez pas Série Series à Fontainebleau, du 3 au 6 juillet. Vous y verrez des séries incroyables et rencontrerez des scénaristes, des réalisateurs, des producteurs de toute l’Europe, qui vous expliqueront d’autres modèles de création et prouveront que, malgré les obstacles énumérés plus haut, nous sommes faits pour tous nous entendre. Le vivier français est bien en vie et la renaissance est en cours !

Entretiens à suivre pages suivantes.

*Réalisateur, scénariste, producteur associé, cadreur, monteur, coach d’acteurs, accessoiriste, capitaine de chalutier, dresseur de teckels, figurant, initiateur des économies de tournage, détecteur de fautes de goût, météorologue, infirmier sportif, responsable de l’audience si elle n’est pas bonne, médiateur tous azimuts, etc., donc showrunner. :-))

Série Series est un événement 100% séries, pensé par ceux qui les font.

Auteurs (scénaristes, réalisateurs, compositeurs) et producteurs composent le Comité Editorial de ce Rendez-vous international convivial basé sur la découverte, l’enthousiasme et le plaisir de partager notre goût pour les séries.

Projections de séries inédites, rencontres professionnelles, ateliers et événements grand public font le programme de ces quatres journées dédiées au meilleur de la création française, européenne, et internationale.

DU 3 AU 6 JUILLET 2013

Page 4: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 7www.groupe25images.fr 6 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

GR.25.I. : Comment êtes-vous devenu(e) réalisateur ?

Annette K. Olesen : J’ai étudié à l’École nationale du film du Danemark de 21 à 25 ans. Quatre années très importantes pour moi. J’ai vu énormément de films et j’ai pu m’éclater partout avec ma caméra sans être supervisée ni jugée.

Søren Kragh-Jacobsen : J’ai commencé à faire des films en Super 8 dès mes 14 ans. Puis j’ai étudié à l’école de cinéma de Prague, la Famu. J’ai passé toute mon enfance et mon adolescence dans des salles de cinéma.

SCÉNARIO ET PRODUCTION

GR.25.I. : Quand a eu lieu votre premier contact avec la production de Borgen ?

Søren : Le scénariste Adam Price et la productrice Camilla Hammerich m’ont contacté en 2008. J’ai refusé après qu’ils m’eurent résumé le projet. Puis j’ai lu le premier scénario et là, j’ai dit oui. J’ai trouvé le texte très important et très excitant.

Annette : Il y a quatre ou cinq ans, j’ai parlé avec Camilla – je crois autour d’un café – qui m’a raconté l’idée de série qu’elle avait avec Adam. Je lui ai immédiatement demandé de ne pas m’oublier s’ils arrivaient à produire le projet. L’idée d’ensemble me paraissait à la fois vraiment fantastique et impossible à produire : offrir de la politique aux Danois à l’heure du dîner du dimanche soir, à 20 heures, face aux éternels programmes d’évasion de la chaîne DR. A l’époque, les Danois haïssaient la politique et les politiciens. Ce projet me semblait audacieux et important.

GR.25.I. : Qui a été le premier en contact avec la production ? Annette ou vous ?

Søren : Annette est « réalisatrice d’épisodes », notamment des 5 et 6. J’ai eu la chance d’être le « réalisateur pilote » du concept. J’ai dirigé les deux premiers épisodes, après avoir été chargé du casting et du style. J’ai travaillé neuf mois sur le projet.

GR.25.I. : Comment avez-vous travaillé avec les autres réalisateurs de la série ?

Søren : J’ai écrit pour eux une bible de réalisation : les grandes lignes à respecter sur Borgen.

Annette : Les relations étaient faciles. On se connaît tous au Danemark, aussi je n’ai eu qu’à appeler Søren et Rumle Hammerich (ép. 3 et 4), qui m’ont précédée. Nous avons parlé du concept, des personnages, des choix qu’ils avaient faits et des difficultés rencontrées.

Questions à ANNETTE K. OLESEN ET SØREN KRAGH-JACOBSEN Christophe Andréi

On ne présente plus Borgen, subtile série danoise créée par Adam Price, qui expose les rouages du pouvoir et de la démocratie danoise, à travers la vie politique et les sacrifices personnels de Birgitte Nyborg, une femme Premier ministre, interprétée par la formidable Sidse Babett Knudsen. Borgen a triomphé en France sur Arte et a été primée dans le monde entier, au point de faire bientôt l’objet d’un remake sur la chaîne américaine NBC. Adam Price a été le créateur de l’idée originale de Borgen, en 2010. Il en était aussi le producteur exécutif, dans l’esprit d’un showrunner à l’américaine, aidé dans cette tâche par ses deux co-scénaristes : Jeppe Gjervig Gram et Tobias Lindholm. (Tous les trois ont reçu, le 17 juin, le Prix Européen SACD 2013) Trois réalisatrices et quatre réalisateurs ont pris les commandes des 30 épisodes. Deux d’entre eux répondent à nos questions :

Annette avec Sidse Babett Knudsen

GR.25.I. : Avez-vous, ainsi que les autres réalisateurs, été consultés pendant l’écriture ?

Søren : J’ai été impliqué à partir de la version 2 du scénario pilote et j’ai eu de nombreuses conversations avec Adam Price pour trouver de l’épaisseur aux personnages et définir le style visuel de la série, dès le départ.

Annette : Oui, évidemment… J’ai lu les versions de mes épisodes longtemps avant la préparation. Nous avons eu des rendez-vous avec Adam ainsi qu’avec les acteurs principaux pour évoquer les thèmes et l’évolution des personnages. C’était le principal enjeu des dix premiers épisodes. Mais les deux derniers épisodes de la saison 1 (9 et 10), que j’ai aussi réalisés, étaient beaucoup trop longs dans la dernière version. Nous n’avons eu la version définitive que trois jours avant le tournage, ce qui créa un vrai challenge.

GR.25.I. : Qui choisissait les réalisateurs ?

Søren : La productrice Camilla Hammerich et un peu l’actrice Sidse Babette Knudsen

Annette : Je pense aussi que Camilla et Adam se mettaient d’accord sur les réalisateurs qu’ils avaient envie d’inviter à bord. Mais je ne connais pas les arguments de leurs choix…

ECRITURE ET MISE EN PRODUCTION

GR.25.I. : Comment avez-vous travaillé avec les scénaristes ?

Annette : Nous avons eu des rencontres, parfois même avec les acteurs afin d’entendre leurs commentaires, pour parler des scripts. J’ai interrogé Adam et le co-auteur de mes épisodes, Tobias Lindholm, sur leurs intentions et sur le fond politique ou sentimental. J’ai suggéré des idées de scènes, des dialogues et proposé de valoriser certains personnages. Nous partagions les mêmes points de vue. J’ai eu de chauds débats à propos de scènes intimes. Je préférais plus de politique que de blabla amoureux. Mais Adam avait raison. C’est la combinaison des deux qui a rendu Borgen si populaire. Après nos réunions, je me sentais en accord avec les scénaristes et, pour le reste, nous échangions par mail ou par téléphone jusqu’à la version définitive.

GR.25.I. : Pensez-vous avoir travaillé « sous influence » d’Adam Price, agissant comme un showrunner à l’américaine ? De même que les deux co-scénaristes ?

Søren : Évidemment, puisqu’ils ont pondu cette histoire.

Annette : Je suis désolé, mais je ne sais pas vraiment comment fonctionne un showrunner. En revanche, la plupart des discussions à propos du scénario définitif ont bien eu lieu avec Adam (c’est lui qui « lissait » la dernière version, sans que je puisse affirmer s’il l’a fait sur tous les épisodes. Sinon, je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « sous influence » ? Mais je devine… Évidemment que j’ai travaillé sous influence d’Adam Price et Tobias Lindholm : ils ont tout écrit. Tout inventé. J’ai eu la chance qu’on me donne la

possibilité de porter ces mots vers une réalité physique. Ayant dit cela, j’ai la ferme impression qu’ils se sont aussi nourris de mes avis et ont respecté le fait que donner vie à leurs textes demande évidemment des aménagements sur le plateau. Je n’ai jamais entendu le moindre reproche à propos d’une modification de séquence ou d’un changement de dialogues. Il semble que tous aient respecté l’apport de chacun de façon que le projet soit sur les bons rails et arrive à bonne destination.

GR.25.I. : Quelle part avez-vous jouée dans le développement artistique de la série (look général, atmosphère, décors, lumière, évolution des personnages… ?

Søren : Comme réalisateur des pilotes, j’étais naturellement très impliqué dans tout ça.

Annette : Søren ayant piloté le concept de réalisation, les grandes lignes étaient établies. Du prêt-à-porter. J’en ai profité pour avoir beaucoup d’échanges avec les acteurs sur leur vécu des personnages. Je dirais que ma principale influence a été de consolider leurs acquis, leurs expériences et la direction d’acteurs (suivant leurs besoins et la nécessité) après 4 épisodes pour assurer la continuité et consolider leurs investissement.

GR.25.I. : Avez-vous, ainsi que les scénaristes, été influencés par la série américaine West Wing (en français, À la Maison-Blanche) ?

Søren : Je ne sais pas… mais je pense que oui.

Annette : Bien sûr, qui ne l’a pas été ? Mais Borgen était aussi potentiellement destiné à un public plus large, moins ciblé que les spectateurs américains.

GR.25.I. : En 2012, lors de Série Series, à Fontainebleau, Charlotte Sieling, une réalisatrice danoise de la série Brön (The Bridge), nous a expliqué qu’en Suède le réalisateur est le responsable du look et du développement artistique, contrairement au Danemark et aux USA où le showrunner est le patron. Comment vous situez-vous sur Borgen ?

Søren Kragh-Jacobsen

Page 5: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 9www.groupe25images.fr 8 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Søren : Charlotte Sieling a réalisé les épisodes 21 et 22 de Borgen. Personnellement, je pense qu’il n’y a aucune différence entre la production suédoise et danoise. Dès que le script est entre les mains du réalisateur, il en devient le patron.

Annette : Je n’ai fait aucune autre série que Borgen, puisque depuis dix ans j’ai passé la plupart de mon temps à réaliser des longs-métrages. D’après moi, Adam Price n’est en rien comparable à ce que l’on appelle un showrunner, si ce mot symbolise un dictateur qui ne serait pas ouvert à l’expérience et aux connaissances d’un réalisateur. De toute façon, il m’est impossible d’envisager de collaborer avec quelqu’un qui n’accepterait pas de me laisser agir et être critique. Collaborer et échanger avec tous, les acteurs, le directeur photo, le monteur, le mixeur… justifient ma passion d’exercer ce métier. J’ai besoin qu’on me renvoie cette passion pour le projet. Pourquoi ? Si je ne ressens pas ce besoin et une véritable sensibilité dans le scénario que j’ai lu, si je sens que quelqu’un tente de manipuler mes sentiments, alors je cherche à corriger son erreur en le poussant à aller vers de vraies émotions. C’est mon devoir, mon travail. Un scénariste qui serait trop fier pour accepter de dialoguer avec moi sera mieux avec quelqu’un d’autre.

GR.25.I. : Y a-t-il des scènes réécrites après le début du tournage ?

Søren : Pendant le tournage, comme réalisateur-concepteur, je modifie toutes les répliques qui sonnent faux en répétition.

Annette : Oh oui, beaucoup. Je ne pense pas que ce soit une erreur : si c’est nécessaire, vous devez en passer par là quand quelqu’un propose une bonne idée. Cela peut venir du scénariste, de moi ou des acteurs. Et de toute façon, on revoit ça au montage. Tout ceci fonctionne si votre base, le scénario, est suffisamment solide, que tout le monde sait où nous allons et que les points clés, l’essence du projet, les principales scènes, sont clairement définis. Mais j’ai aussi travaillé à l’aveugle sur des scènes qui nous étaient distribuées quelques heures avant le tournage. Il y a alors un sentiment d’humiliation. C’est irrespectueux vis-à-

vis de toute une équipe, qui ne peut fournir le meilleur faute de temps pour se préparer. Je ne sais pas pourquoi certains scénaristes agissent ainsi. C’est de l’ignorance et ce n’est pas dans leur intérêt, ni dans celui du film…

LE TOURNAGE

GR.25.I. : Combien de jours de tournage ?

Søren : Treize ou quatorze jours de tournage de huit heures pour des épisodes de 58’. Nous chevauchions parfois des épisodes pour certaines séquences ou décors.

Annette : Je ne me rappelle plus exactement. Nous tournions par groupe de deux épisodes. Je pense que cela se faisait sur vingt-huit jours.

GR.25.I. : Répétez-vous avec les acteurs avant le tournage ? Ou faites-vous des lectures ?

Søren : En effet, les réalisateurs des épisodes ont des lectures programmées sur une journée. En tant que réalisateur pilote, j’avais tout le temps que je désirais.

Annette : Nous avons eu des lectures du script au début de la préparation. J’ai aussi fait quelques répétitions durant cette préparation, si les acteurs ou moi en ressentions le besoin. Le plus souvent pour accueillir un nouveau comédien.

GR.25.I. : Et les répétitions sur le plateau avec les acteurs ?

Søren : Oui, nous commençons par une solide mise en place.

Annette : Il y a toujours une répétition sur le plateau. Je me rends souvent au maquillage ou aux costumes pour faire des italiennes, pour resituer les personnages et discuter avec eux du sens de la scène, pendant que l’équipe technique se prépare. Puis retour sur le plateau pour une mise en place avec l’équipe image et son. Enfin, une répétition finale avant de tourner.

GR.25.I. : Le tournage a t-il eu lieu uniquement en décors naturels ?

Søren : Non, il y avait quatre décors en studio : la maison de Birgitte Nyborg, son bureau et ceux des collaborateurs, un petit appartement et le couloir rouge de Christiansborg.

Annette : Søren a répondu. Tout le reste était en décor naturel.

GR.25.I. : Combien de prises en moyenne pour chaque plan ?

Søren : Entre deux et quatre prises.

Annette : Parfois deux, parfois cinq. Cela dépendait du temps et des difficultés. J’essayais souvent une version différente, même quand la première prise était bonne. Si on a le temps.

GR.25.I. : Comment avez-vous travaillé avec les autres réalisateurs de la série pour maintenir une continuité artistique ?

Annette sur le tournage de Borgen

Annette : Comme je l’ai souligné plus haut, nous avons discuté entre nous. Et évidemment, j’ai regardé les premiers épisodes.

GR.25.I. : Avez-vous travaillé avec votre directeur photo habituel et a-t-il travaillé sur les autres épisodes ?

Søren : J’étais avec mon directeur photo habituel qui n’a pas continué ensuite. Et c’est avec lui que nous avons décidé de filmer au Steadicam les scènes de walk and talk (NDLR : conversations filmées en travelling).

Annette : Mes deux directeurs photo (NDLR : Annette a réalisé 4 épisodes) avaient précédemment travaillé sur Borgen. Cela rassure, car je n’avais pas besoin de leur rappeler le concept visuel et ils connaissaient d’avance la majorité des décors. Les scènes de walk and talk sont à la base du concept visuel mis au point par Søren. Ce n’est pas toujours évident à faire, parce que certains décors n’étaient pas assez grands pour cela. Aussi, il fallait travailler les arrêts ou les respirations.

GR.25.I. : Avez-vous cadré et comment utilisez-vous les objectifs ?

Søren : Je ne cadre jamais et je change fréquemment de focale, mais ce n’est pas le cas de tous mes collègues.

Annette : Je ne cadre pas, mais mon directeur photo le fait, ce qui est le cas sur la majorité des films au Danemark. Avec lui, j’analyse la séquence pour qu’il en saisisse le fond émotionnel afin d’aller au cœur de ce que nous devons exprimer. Parfois, nous entamons ce dialogue dès la préparation, mais on se fait un rappel sur le plateau. Puis nous déterminons quels sont les besoins visuels avant d’établir les différents angles et les cadres dont nous avons besoin. Concernant les objectifs, cela dépend de la taille des décors, donc des possibilités offertes. Le plus souvent, j’aime travailler à la longue focale en jouant des amorces : à travers les portes, les fenêtres ou en jouant avec un personnage. Mais ce n’est pas possible partout.

GR.25.I. : La façon de tourner la série est souvent simple, sans exagérer les effets stylistiques. Était-ce une volonté pour ne pas détourner l’attention des spectateurs ?

Annette : Le but était de s’approcher au plus près d’une réalité qui interpelle les spectateurs de Borgen sur le jeu politique et montre comment le pouvoir agit sur leur quotidien. Être au plus proche de la vérité supposait la simplicité.

GR.25.I. : Avez-vous supervisé le montage de vos épisodes ?

Annette : Évidemment, le montage est une pièce sacrée pour moi. C’est là que vous détectez toutes les erreurs pour mieux les balayer tout en ne perdant pas de vue toute votre matière. Trouver le rythme et les respirations. Je ne laisserai jamais personne, à part le monteur, le faire derrière mon dos.

GR.25.I. : Parlez-nous des choix musicaux ? Était-ce la responsabilité d’Adam Price ? Sinon, qui a décidé ? Qui a travaillé avec le compositeur ?

Søren : J’ai trouvé et travaillé avec le compositeur surtout pour la séquence générique que j’ai réalisée. Le compositeur Halfdan et moi avons collaboré de façon très proche.

Annette : Halfdan faisait partie du projet à l’origine, et c’est bien ainsi.

GR.25.I. : Comment avez-vous été payés ? À partir de quel moment et jusqu’où ? Est-ce sur une base d’exclusivité ? Ou étiez vous salarié à la semaine ?

Søren : J’ai été sous contrat pour dix mois, en quatre périodes.

Annette : On est tombés d’accord sur un montant pour un bloc forfaitaire de 2 épisodes. J’ai fait deux blocs. Il y a un accord entre DR (la chaîne danoise) et notre Guilde de réalisateurs sur un salaire de base. Vous pouvez évidemment en discuter en fonction de votre CV. J’ai aussi été payée d’une semaine de préproduction anticipée (lecture des scénarios et quelques rendez-vous). Puis trois semaines de préparation, vingt-huit jours de tournage et cinq semaines de post-production. J’ai aussi reçu un supplément pour les épisodes 9 et 10, car les scénarios étaient vraiment trop longs et nous avons eu besoin de plus de temps au montage.

GR.25.I. : Question indiscrète : pouvez-vous nous donner un ordre d’idée sur le paiement d’un réalisateur pour un épisode ?

Annette : 280 000 couronnes danoises (37 500 euros) pour un bloc de 2 épisodes, plus les royalties en cas de rediffusion et les ventes DVD. C’est la moyenne, la base de discussion.

GR.25.I. : Connaissez-vous le coût par épisode de Borgen ?

Annette : Non. J’ai souvent demandé, mais, chez nous, les budgets ne sont pas accessibles, ou difficiles à interpréter, car le commanditaire, la chaîne danoise DR, y inclut des membres de son personnel, ainsi que du matériel et d’autres arrangements qui sont partie intégrante de l’économie de la chaîne. Il faut demander à la productrice, Camilla Hammerich. (note du traducteur : Nous sommes là dans un système assez comparable à France 3 Régions.)

GR.25.I. : Comment décrivez-vous votre expérience sur Borgen comparée à d’autres séries auxquelles vous avez collaboré ?

Søren : C’est exactement la même chose que de se lancer sur un long-métrage.

GR.25.I. : Avez-vous d’autres projets de séries ?

Søren : Non, j’arrête les séries TV…

Annette : Oui, on m’a approchée pour de nouveaux projets, mais aucun ne s’est concrétisé pour l’instant. Nous verrons…

Questionnaire réalisé par mail en avril 2012

Page 6: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 11www.groupe25images.fr 10 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Questions à JOHN DAVID COLESChristophe Andréi

Encore inédite en France, mais plus pour longtemps car M6 l’a achetée, Elementary est diffusée depuis fin septembre 2012 sur la chaîne américaine CBS et au Canada sur le réseau Global. Après une première commande de 13 épisodes, CBS est passée à 24 devant le succès recueilli.

Concept : Après quelques ennuis, le célèbre détective Sherlock Holmes s’installe à New York. À peine sorti d’une cure de désintoxication, il est contraint de cohabiter avec son sobre entraîneur, le docteur Joan Watson, ancienne femme chirurgien reconvertie. Les capacités d’observation et de déduction de Holmes et l’expertise médicale de Watson vont résoudre les affaires les plus insolubles du NYPD.

Avant de devenir « showrunner » de cette série, et de travailler aussi comme coproducteur sur Homeland, Six Feet Under ou Dexter, John David Coles a réalisé de nombreux épisodes de West Wing, Sex and the City, Desperate Housewives, Grey’s Anatomy, Damages, Law and Order, recueillant nombre d’Emmy Awards. Pas vraiment un débutant !

Créateur d’Elementary, dont l’une des particularités est que chaque épisode est confié à un scénariste et à un réalisateur différents, John David Coles répond à nos questions :

John David Coles, réalisateur et créateur de la série Elementary

Groupe 25 images : Comment êtes-vous devenu réalisateur ?

John David Coles : J’ai débuté dans la réalisation après avoir été contacté par un ami lorsque j’étais encore étudiant. Il envisageait de faire un remake du célèbre film Casablanca. Un projet situé dans un lycée qui suivait la trame de l’original, permettant ainsi de tourner en dérision les préoccupations des jeunes New-Yorkais qui avaient du mal à se rendre en cours...

ÉCRITURE ET MISE EN PRODUCTION

GR.25.I.: Et comment êtes-vous devenu showrunner ?

J. D. C. : Après de nombreuses années comme réalisateur de télévision, j’ai souhaité progresser en m’impliquant plus sur le long terme des séries, particulièrement sur le plan créatif.

GR.25.I. : Quel but poursuiviez-vous ainsi ?

J. D. C. : Je souhaitais avant tout développer ma propre série. J’écris peu moi-même, mais je collabore avec des scénaristes sur des idées que nous développons ensemble.

GR.25.I. : Est-il habituel qu’un réalisateur devienne showrunner, ou ce rôle est-il plutôt destiné aux producteurs ou aux scénaristes ?

J. D. C. : Durant les dix dernières années, il y a de plus en plus de réalisateurs qui sont devenus showrunners. La raison principale est que les scénaristes sont souvent submergés par le nombre de paramètres à connaître et à superviser (en particulier la post-production, qu’ils ne maîtrisent pas). Une autre raison est que le nombre de séries tournées dans différentes villes des USA alors que l’écriture et le montage ne s'effectuent pas sur place, donc un showrunner réalisateur est vraiment plus utile pour les acteurs et la production.

GR.25.I. : Comme showrunner, ressentez-vous une différence entre votre approche de réalisateur et celle des producteurs ou des scénaristes ?

J. D. C. : J’ai un sentiment bizarre vis-à-vis des scénaristes, car ils ne pensent pas toujours en termes visuels (ni même parfois dramatiques) et cela peut occasionner des frictions. Mais j’ai souvent travaillé avec des scénaristes qui ne venaient pas sur le plateau et laissaient aux réalisateurs et producteurs, les décisions importantes de production et de casting.

GR.25.I. : Pouvez-vous préciser ?

J. D. C. : Il faut savoir que si le showrunner est réalisateur, il sera le metteur en œuvre technique et artistique de la série. Il – ou elle – aura un regard global sur la continuité et la faisabilité du projet dans le budget prévu, il sera présent aux côtés des réalisateurs lors des sessions de casting, il discutera le temps qu’il faut du ton et du style de tournage et suivra parfois les repérages pour trouver les meilleurs décors. Il travaillera aussi avec le décorateur sur les décors qui doivent être construits, avant d’avoir son mot à dire sur le montage final…

GR.25.I. : Est-ce vous qui décidez des réalisateurs travaillant sur vos séries et quelles relations entretenez-vous avec eux ?

J. D. C. : Je choisis la plupart des réalisateurs avec lesquels je travaille. J’essaie de leur faire partager les éléments de style ainsi que l’approche visuelle, les entretiens sur les acteurs et je leur fais comprendre qu’ils trouveront toujours en moi un allié.

GR.25.I. : Quand vous n’êtes que réalisateur sur d’autres séries, quelle est votre relation avec les showrunners ?

J. D. C. : Cela dépend du projet et des personnes impliquées. Mais je cherche toujours à respecter la dynamique et la politique qui ont prévalu à la création de la série, et je travaille en respectant ces paramètres, mais sans négliger mon apport artistique.

GR.25.I. : Quels sont vos rapports avec le producteur de la série (j’entends par producteur, la société de production) ?

J. D. C. : Mes relations avec les producteurs varient en fonction des personnalités, mais je m’efforce toujours de trouver le juste équilibre pour les rendre heureux et impliqués, tout en préservant mes besoins de réalisateur, et sans oublier les contraintes budgétaires.

GR.25.I. : Et vos rapports avec les diffuseurs ?

J. D. C. : J’ai peu de contacts avec les diffuseurs, ce qui ne nous empêche pas d’échanger fréquemment sur les scénarios et le casting. Les diffuseurs nous adressent des notes sur ces points ainsi que sur le montage des épisodes.

John David Coles

Page 7: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 13www.groupe25images.fr 12 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Il s’agit plutôt d’un échange et, à moins qu’un point les irrite particulièrement (comme trop de violence ou de sexe), nous dialoguons et nous en sortons le plus souvent par une entente à l’amiable.

GR.25.I. : A quel moment de l’écriture faites-vous partie de l’équipe et comment ?

J. D. C. : Comme je l’ai dit, je joue un rôle important dans toute la chaîne de création, œuvrant avec tous les départements dès le début, déco, costumes, photo, etc. Le diffuseur a toujours le dernier mot, mais les grands axes restent définis par le créateur/auteur de la série. L’écriture dépend de la façon dont la production est montée. Généralement, je travaille sur des séries qui sont tournées à New York, mais écrites par un pool de scénaristes basé à Los Angeles. Mon implication dans les épisodes dépend donc de la géographie. Si je suis absent, je manque nombre de discussions. Sur certaines séries, j’ai eu la possibilité d’échanger une masse abondante de notes qui m’ont permis d’avoir une vraie influence sur les scénarios. Cela varie avec chaque projet.

LE TOURNAGE

GR.25.I. : Êtes-vous souvent présent sur le plateau ou y dépêchez-vous un de vos adjoints ?

J. D. C. : J’essaie de rester le plus possible en dehors du plateau en me concentrant sur la préparation de la suite. C’est comme ça que fonctionne le dispositif : j’aime que le réalisateur sache que le plateau reste son territoire !

GR.25.I. : Combien de jours pour un épisode ?

J. D. C. : Huit jours de préparation pour huit jours de tournage. (NDLR : les journées de tournage américaines sont de 10 à 12 heures de plateau, hors déplacements. Soit l’équivalent de 10 à 12 jours en « heures françaises », avec des moyens bien supérieurs, comme on le verra par ailleurs…)

GR.25.I. : Les tournages de certains épisodes peuvent-ils se chevaucher ?

J. D. C. : Il peut arriver parfois que nous fassions un jour « tandem » durant lequel une deuxième équipe interviendra. Mais nous n’utilisons cette alternative que pour une date de diffusion proche ou des considérations financières.

GR.25.I. : Avez-vous des répétitions avec les acteurs avant le tournage ?

J. D. C. : Nous faisons une lecture, si le planning le permet, mais rarement des répétitions autres que celles du plateau technique.

GR.25.I. : Supervisez-vous la post-production de la série ?

J. D. C. : Non, mais je regarde le montage des épisodes et je transmets des notes aux réalisateurs.

GR.25.I. : Parlez-nous des choix de la musique ?

J. D. C. : Le choix des plages musicales est fait par le monteur et le réalisateur au cours de leur montage. Puis le compositeur travaille à partir de ces propositions.

GR.25.I. : Pour Elementary, quel budget avez-vous par épisode ?

J. D. C. : La série revient à un peu moins de 4 millions de dollars par épisode. (NDLR : à peu près 3 millions d’euros…)

GR.25.I.: Quelle est l’importance de la première saison pour une nouvelle série ?

J. D. C. : C’est là qu’il faut faire la différence… Ça passe… ou ça casse, si vous n’y parvenez pas la première année !

GR.25.I.: Y’a-t-il des « recettes » pour s’assurer d’une seconde saison ?

J. D. C. : Pas vraiment ! Il faut avoir la chance de décrocher un bon Audimat !

GR.25.I. : Est-ce que les producteurs et les scénaristes travaillent déjà sur la deuxième saison d’Elementary ou attendez-vous la diffusion ?

J. D. C. : Ils sont tous à fond sur l’écriture… du prochain épisode ! Il y a sept scénaristes permanents et deux consultants complémentaires. Mais la série se vend partout et, bien entendu, nous réfléchissons à une deuxième saison.

Questionnaire réalisé par mail en avril 2012

John David Coles

Entretien avecNICOLAS PICARD-DREYFUSSDominique Attal, Dominique Baron, Philippe Venault

Nicolas Picard-Dreyfuss a réalisé en 2001 un premier téléfilm très remarqué, La Victoire des vaincus, où cinq enfants, en 1940, entrent en résistance à leur façon. Quelques années plus tard, après son deuxième téléfilm, Drôle de Noël, Nicolas a assuré la réussite des saisons 2, 3 et 4 de la série Nicolas Le Floch.

Il vient de réaliser les épisodes 5 à 8 de Candice Renoir (ép. 1 à 4 par Christophe Douchand), une série policière créée par Robin Barataud, Brigitte Peskine, Solen Roy-Pagenault, et produite par Boxeur de lune.

Cette équipe, renforcée d’un casting fort, dont l’excellente Cécile Bois dans le rôle titre, a offert à France 2, un gros succès d’audience qu’elle n’avait pas rencontré depuis Les Hommes de l’ombre, de Frédéric Tellier.

Membre du Groupe 25 Images, Nicolas Picard-Dreyfuss se confie :

© Christophe Polin - Nicolas Picard Dreyfuss sur le tournage de Drôle de Noël

Page 8: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 15www.groupe25images.fr 14 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

GR.25.I. : Nicolas, quel a été ton parcours, en dix points et en moins d’une minute (rires) ?

Nicolas Picard Dreyfuss : J’ai commencé en 1984 au laboratoire Telcipro, où pendant cinq ans je suis passé par tous les postes techniques : du tirage au développement, à la projection, au suivi des rushes. J’ai ainsi eu la chance de rencontrer beaucoup de réalisateurs, producteurs, directeurs de la photo, ingénieurs du son. En 1989, Nicolas Traube et Jean Bigot, de Hamster Productions, m’ont proposé le suivi technique d’une nouvelle série, en me disant : « Voilà, on fait six épisodes, on te confie la post-prod, si la série continue, on te garde, si elle s’arrête on ne pourra pas. » J’en avais marre du labo et je suis donc arrivé chez Hamster, et la série c’était Navarro ! Je me suis ainsi retrouvé pendant plusieurs années chez Hamster Productions, où j’ai suivi plus de 40 Navarro et 35 téléfilms en tant que responsable de post-prod. C’était un temps où ça tournait très fort.

GR.25.I. : Vingt-cinq unitaires par an chez Hamster, à l’époque.

N.P.D. : Oui, c’était énorme, Hamster Productions tournait à plein régime. À cette époque-là, au développement et à la production, en plus de Pierre Grimblat, Nicolas Traube et Gaspard de Chavagnac, il y avait beaucoup de monde qu’on a retrouvé plus tard dans d’autres sociétés ou dans les unités de fiction des chaînes, comme Jacques Salles, Sophie Révil, Martine Chicot, Thomas Anargyros, Jean Bigot, Anne Holmes. Certains sont aussi passés à la réalisation, Michaëlla Watteaux ou Dominique Baron. C’est ce qui m’attirait le plus : les tournages, la réalisation. Un jour, j’ai eu l’opportunité de partir sur un plateau et j’ai travaillé sur plusieurs séries et films unitaires en tant que régisseur-adjoint et comme second assistant-réalisateur.

GR.25.I. : Avec un indispensable et énorme bagage technique !

N.P.D. : Oui, disons avec certaines connaissances. J’ai fait un peu comme le saumon, j’ai remonté le courant ! Et puis le réalisateur John Lvoff m’a proposé un film en tant que premier assistant. Après John, j’ai enchaîné avec Fabrice Cazeneuve, Maurice Frydland, Gérard Marx, Patrick Jamain, Dominique Baron, Mickaël Perrotta. J’essayais de changer de réalisateur assez souvent, pour voir d’autres façons de travailler. En 2000, j’ai recroisé par hasard Jean Bigot, qui venait de quitter France 2 et retournait à la production. « Qu’est-ce que tu deviens, Nicolas – Je suis assistant, j’ai un projet de réalisation, est-ce que ça t’intéresse ? », et il me dit : « Oui. » Je lui donne mon ébauche, une adaptation de deux romans de Raymond Vuillemin. Cela lui plaît, il le propose à Perrine Fontaine qui était à l’époque responsable de la fiction de France 3. Elle demande à voir mes courts-métrages. Et puis on est reçus avec Jean par Perrine. Elle écoute mes arguments et me dit : « OK, tu écris et tu tournes ! »

Avec Lara Guirao, on a écrit cette adaptation des deux livres qu’il fallait resserrer en une fois 90 minutes. C’est devenu mon premier téléfilm, La Victoire des vaincus, pour France 3 et le premier film de Jean en tant que producteur indépendant. Ça se passe dans les années 40, dans un petit village, une histoire vraie où des enfants veulent libérer leur village. On est en Franche-Comté. C’est là que suis né, au cul des vaches, et je retrouvais mon enfance dans ces romans, un peu dans l’humeur de La Guerre des boutons.

GR.25.I. : Il y a une belle thématique, celles des enfants dans la guerre, qui a été aussi déclinée en 2010 par Jacques Fansten dans La République des enfants.

N.P.D. : Les enfants dans la guerre, c’était le premier roman. Dans le deuxième tome, on retrouvait les enfants à la fin de la guerre. Ils avaient grandi et rentraient tous par des chemins différents dans la Résistance en se rendant compte que la guerre n’était plus un jeu. J’ai fait ce film en 2001. Je m’en souviens parfaitement parce que je tournais le 11 septembre 2001. C’est une date que personne ne peut oublier ! Ce jour-là, j’étais dans une grange en Haute-Loire.

GR.25.I. : Loin des Twin Towers de New York.

N.P.D. : Loin de tout. Je me souviens aussi que mon film a été diffusé à une autre date clé : la veille du deuxième tour de 2002, le duel Chirac-Le Pen sans Jospin. Un premier film marqué par des dates dont on se souvient, et moi encore plus ! Le film a vraiment bien marché, la première diffusion France 3 avait fait plus d’audience que TF1 ! Depuis ils l’ont rediffusé deux fois. Ils étaient contents, moi aussi et je me suis dit : « Enfin, me voilà réalisateur ! » Eh bien non ! Après ça, pendant six ans, je n’ai pas tourné. (rires)

GR.25.I. : La prime au succès !

N.P.D. : Je ne sais pas ce qui s’est passé. Les deux premières années, j’ai rencontré beaucoup de producteurs, à qui je disais : « Non, je ne suis pas un réalisateur qui ne sait faire que des films avec des

La Victoire des vaincus

enfants en 1940 ! Je sais faire autre chose. J’ai été assistant sur plein de films différents, des séries, des polars, des films d’auteur, j’ai travaillé pour Arte, pour toutes les chaînes. » Rien à faire, pendant six ans je n’ai pas tourné. Donc au bout de deux-trois ans je me suis retrouvé dans les problèmes de survie professionnelle et familiale, qu’on a presque tous aujourd’hui.

GR.25.I. : Comment as-tu fait ?

N.P.D. : Je suis redevenu assistant. Je n’ai pas trouvé ça trop dur parce que pour moi ce n’est pas le même métier. J’adorais être assistant. C’est vraiment un job que j’aimais beaucoup et j’y suis retourné avec plaisir avec des réalisateurs que j’appréciais, et notamment sur un gros 2 fois 90 minutes d’Euzhan Palcy qui se tournait à La Réunion. Film d’époque, très intéressant à faire, très lourd.

GR.25.I. : Les mariées de l’Isle Bourbon. On se souvient. Tu étais premier assistant, réalisateur deuxième équipe et un peu médiateur.

N.P.D. : Oui, c’était compliqué par l’ampleur. Tourner des films d’époque à La Réunion, c’est difficile, même avec la grande Euzhan aux commandes ! Et après ça, je me suis dit : « Bon, maintenant, ça suffit, je dois revenir à la réalisation ! ». France 3 m’a alors proposé de reprendre SOS 18 en saison 5. C’était une série que je connaissais bien parce que Dominique (Baron) m’avait appelé pour faire ses secondes équipes dans les saisons 1 et 2. C’était très agréable de revenir aux commandes, même si ces épisodes se tournaient trop rapidement. 52 minutes en sept jours et demi, sans heures supplémentaires, à une époque où PJ avait dix jours en studio ! Avec deux cascades ou catastrophes par film, une petite et une grosse, il ne fallait pas mollir, tenir son tournage et avoir de l’inventivité.

GR.25.I. : Après cela est venu Nicolas Le Floch, où ton rôle a été primordial.

N.P.D. : Primordial, je ne sais pas, mais c’est heureusement possible d’exercer son métier en

apportant sa part de création, en trouvant sa place et en respectant les règles du jeu. C’est de ça que je veux parler. Mais avant Nicolas Le Floch j’ai fait un film unitaire, Drôle de Noël. France Télévisions cherchait une fiction pour Noël, et j’ai proposé un film écrit par Sylvie Blotnikas. C’était l’adaptation d’une pièce de théâtre, une comédie dont l’action se situe en lointaine banlieue, le soir du réveillon de Noël. Plusieurs couples dont on va suivre les aventures arrivent par le train du soir. L’histoire dure jusqu’au lendemain matin, où un train repart vers Paris et les couples qui sont arrivés ne sont pas forcément les couples qui vont repartir. Il y a des croisements dans les soirées. Un film avec beaucoup de rôles ou j’ai eu envie de faire un casting à l’envers.

J’ai rencontré et proposé chaque rôle à un seul comédien à la fois, en expliquant à chacun que j’avais très envie de tourner avec lui et que si le rôle lui plaisait, il était choisi ! C’est comme ça que j’ai convaincu Valérie Benguigui, Frédérique Bel, Grégori Dérangère, Elodie Navarre, Lara Guirao, Salomé Lelouch, Esther Gorintin, Julien Rochefort, Michaël Cohen, Pierre-Loup Rajot, Jean-François Garreaud. Ils avaient tous quatre ou cinq jours, dans un film choral tourné en vingt et un. C’est une belle expérience, mais c’est très lourd, parce que les comédiens doivent tout donner en cinq jours, et tu ne peux pas leur dire : « Cette scène-là, je la tourne vite ! ». Car chaque séquence est forte.

© Christophe Polin - Tournage de Drôle de Noël

© Christophe Polin - Drôle de Noël, Lara Guirao, Michaël Cohen

Page 9: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 17www.groupe25images.fr 16 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

C’est vraiment cinq histoires différentes et convergentes, dont tu dois maîtriser l’écriture et la mise en scène. Je parle de ça par rapport à l’éternel débat sur « Un film de » et « Un film réalisé par ». Drôle de Noël, c’est « Un film de », parce que j’en étais à l’origine. Et ce film a également bien marché.

GR.25.I. : Très bonne comédie poétique. Pour en revenir à Nicolas Le Floch.

N.P.D. : J’ai rencontré Jean Labib de Phares et Balises. Il faisait une « sélection » de réalisateurs. Les deux premiers épisodes avaient été réalisés par Edwin Bailly. La première saison avait été tournée en 49 jours, 4 fois 52 minutes que France 2 a fait ensuite regrouper en deux fois 90 minutes. Il y a eu donc plusieurs réalisateurs sollicités et puis, assez vite, Jean Labib m’a dit : « C’est toi ! Tu y vas ! » Quand j’ai repris, on est passés à quarante-deux jours, soit vingt et un par film de 90 minutes, toujours sur des adaptations d’Hugues Pagan. C’était pour moi un lourd défi, parce que c’était une grosse machine : film d’époque, combats, épées, cavalerie. Pour le réalisateur, c’est un investissement à 400 % ! Tourner un film d’époque en vingt et un jours, c’est du sport !

GR.25.I. : Hugues Pagan est une référence, une « pointure ». Tu as travaillé avec lui ?

N.P.D. : Oui, bien sûr. Je suis allé très vite chez lui et on a parlé des scénarios. On a travaillé ensemble sur ce qu’il était possible de faire, sur ce qui était trop lourd dans des temps de tournage ramenés à vingt et un jours. Hugues Pagan avait déjà écrit les premiers et il maîtrisait tous les ressorts. Dans son adaptation,

pourquoi avait-il enlevé ça, ou pourquoi avait-il gardé ça. ? Ça me passionnait. Quand on lit le scénario on se dit : « Mais pourquoi ce personnage fait-il soudain cela ? Quel était son chemin avant ça. et après ? Et pourquoi disparaît- il ? » Pour moi, c’est vital de maîtriser les récits et donc de travailler avec le scénariste.

GR.25.I. : Le premier assistant et le réalisateur expérimenté que tu es peut donc, dès la première lecture, savoir où il faut faire des propositions pour que cela soit tournable ?

N.P.D. : Oui ! Tournable et valorisé aussi ! Par exemple, je me rappelle qu’il y avait, dans un de mes premiers épisodes, une séquence où Nicolas Le Floch tombait dans une embuscade et j’ai dit à Pagan : « Mais ce serait mieux, au lieu qu’il se fasse attaquer par un seul homme, s’ils étaient plus nombreux. » Alors Hugues m’a dit : « Oui, moi je veux bien, mais tu trouves déjà que c’est trop lourd !.. » Je lui ai répondu : « Oui, mais là, je me débrouille. Sur cette scène-là, tu m’écris simplement : Nicolas Le Floch combat à un contre cinq. » Et j’ai ajouté : « Je n’ai pas besoin de détails. Fais-moi confiance. » C’était Michel Carliez qui gérait les cascades. Et j’avais la chance d’avoir dans le rôle principal Jérôme Robart qui, en plus d’être un formidable comédien, monte très bien à cheval, peut et veut faire les sauts, les chutes, fait de l’escrime ! Donc c’était un plus ! Et je suis vraiment allé dans ce sens. En revanche, par rapport aux premiers épisodes réalisés par Edwin, la demande était de faire quelque chose de plus lumineux. Edwin avait tourné en hiver, moi je tournais au printemps, et la production et la chaîne voulaient un Nicolas Le Floch plus solaire, plus Fanfan La Tulipe.

© Bernard Barbereau - France 2 Nicolas Le Floch

© Christophe Polin - Tournage de Drôle de NoëlJ’ai donc essayé d’emmener Nicolas Le Floch vers ce côté solaire.

GR.25.I. : Hugues Pagan était d’accord sur cette demande ou ça lui était indifférent ?

N.P.D. : C’était son navire amiral, à Pagan ! Ça ne lui était donc pas indifférent ! Mais on a eu de longues discussions. Hugues n’est pas forcément quelqu’un de très solaire dans son univers. Mais il a accepté d’y aller, et c’était vraiment plaisant ! Je crois qu’il a été très content de mes deux premiers épisodes.

GR.25.I. : Tu veux dire qu’il l’a fait sous ton impulsion ? Sans diktat ?

N.P.D. : Oui ! On a eu des vraies conversations et j’ai passé plusieurs jours chez Hugues à discuter du matin au soir, et c’était intérréssant de travailler avec lui, parce qu’il maîtrisait bien son sujet. C’était parfois des conversations hautes en couleur. On ferraillait bien, il me disait : « Non, non et non ! ». Et puis le lendemain matin il me disait « Pour ça, oui, tu n’as peut-être pas tort, mais pour ça, non ! »

GR.25.I. : Professionnel.

N.P.D. : Assurément. Mais c’est vrai que pour moi, la pré-production et la préparation, c’est vraiment le moment où on peut tout se dire, jusqu’au dernier moment. C’est indispensable.

GR.25.I. : Ça suppose d’intervenir très en amont. Sur les séries, c’est sans doute devenu rare.

N.P.D. : C’est devenu trop rare. Mais est-ce que ça ne l’a pas toujours été ?

GR.25.I. : La clé du problème, c’est aussi la volonté commune d’y parvenir, sans doute. Ça rejoint l’interview de Fred Tellier qui nous avait dit : « Plus le scénariste est de haut niveau, plus la collaboration avec lui est fructueuse. Pas forcément facile, mais fructueuse ».

N.P.D. : Oui, bien sûr. On ne tourne jamais qu’une histoire écrite par un scénariste, et c’est quand même la base de tout. Nous, on propose des changements. Autre exemple, Hugues avait écrit une séquence où le roi était assis devant la cheminée et il y avait quatre pages de texte avec le roi planté là. Alors quand j’ai tourné la scène, j’ai fait démarrer le roi dans une salle, puis descendre les grands escaliers et il a fini par traverser la moitié du château de Versailles !

GR.25.I. : Et Pagan ne t’a pas collé un procès (rires).

N.P.D. : Non, au contraire ! Il était content. Et c’est pour ça que c’était assez plaisant. Mais c’est vrai qu’une fois qu’on a le scénario en main et qu’on donne le premier « Moteur ! », c’est à nous, réalisateurs, de faire des choix. Et je peux comprendre que ça peut parfois être assez violent pour un scénariste.

GR.25.I. : Bien sûr. Parce que tu es amené à modifier son scénario par ta mise en scène. De même que les acteurs interprètent les rôles. Nous, on interprète le texte. Mais sans le trahir.

N.P.D. : Sans le trahir. Pour moi, ces discussions avec les scénaristes sont essentielles. Je leur dis toujours que ce qui m’importe, c’est la crédibilité de la situation et des personnages. Et souvent, dans les premières lectures avec Hugues Pagan, quand j’intervenais quelque part, il en tenait compte.

…ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSS…

© Bernard Barbereau-France 2 Tournage de Nicolas Le Floch, Jérôme Robard

Page 10: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 19www.groupe25images.fr 18 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Parce qu’il sait bien que dans son écriture, de temps en temps, il a omis un petit truc. Et quand tu arrives et que tu appuies dessus il se dit : « Il m’embête, là, mais il a raison ! » Pour moi, ces conversations sont primordiales parce que ça permet d’en savoir plus sur les personnages et leurs trajectoires. D’où ils viennent et où ils vont.GR.25.I. : En même temps, ça suppose que le scénariste laisse de la place au réalisateur. C’est un bon exemple, le roi au coin de la cheminée pendant quatre pages ! Que fais-tu si un scénariste te dit : « Non, c’est écrit, il est au coin de la cheminée et il n’est pas question qu’il bouge ! »

N.P.D. : Si c’est justifié par des arguments incontestables, pourquoi pas ? Mais j’ai peut-être eu de la chance, je ne suis jamais tombé sur un scénariste qui me dise ça.

GR.25.I. : D’où la nécessité impérieuse de ce dialogue préalable à la dernière version de tournage. Est-ce qu’il y avait une direction littéraire sur Nicolas Le Floch ?

N.P.D. : C’était Ariane Gardel qui s’occupait de la direction littéraire. Et Jean Labib, avec qui je me suis bien entendu, a vraiment joué son rôle de producteur. Il y a quelques années, quand j’ai démarré, je me souviens que Pierre Grimblat disait : « Nous on est producteurs, il y a un diffuseur, on a choisi un scénariste, on a choisi le réalisateur, alors laissons-le faire ! Qu’il fasse son film ! ». Son discours mettait le réalisateur à sa vraie place. Chez Hamster, j’ai vu beaucoup de réalisateurs tourner ainsi en confiance, face à leurs responsabilités. Que ce soit une série ou un film unitaire, c’est le même engagement, le même travail, la même passion qu’il nous faut. Je me souviens du premier jour de Nicolas Le Floch, devant la cathédrale du Mans. Je suis arrivé très tôt, il y avait déjà 150 figurants, 5 carrosses, des chevaux et des camions partout et je me suis dit : « Mais ce n’est pas possible, il doit y avoir un autre

tournage ! » Je me suis sauvé ! Je suis parti dans les rues du Mans et je me suis dit : « Bon, allez, ne regarde pas la montagne, tu sais ce que tu dois faire dans ta journée, tes séquences, donc démarre ton premier plan, et voilà. » Mais ça me faisait peur ! Et je crois que ça me fait toujours peur. L’habitude n’y change rien. J’ai travaillé avec Patrick Jamain, qui a dû faire 120 films et épisodes de séries et qui avait toujours ses petites angoisses. Et je me disais : « Mince, si même lui a peur. »

GR.25.I. : Sur le plan du dialogue, est-ce qu’on peut dire que, au même

titre que le scénariste, plus le producteur a d’envergure, plus il donne de liberté au réalisateur ?

N.P.D. : Là, j’étais avec un producteur qui faisait vraiment confiance, comme Pierre Grimblat, comme Jean-Pierre Guérin. Ce n’était pas évident pour Jean Labib de dire au début : « C’est Nicolas Picard-Dreyfuss que je veux. » D’autres réalisateurs, beaucoup plus expérimentés, avaient été pressentis pour faire la suite. Et il a décidé : « Ce sera lui. » Il m’a vraiment fait confiance, il m’a mis en contact avec Pagan, et m’a dit « Voyez-vous, discutez ! » Il a fait son boulot de producteur. J’ai aussi ce discours de dire aux productions : « Je vais travailler avec vous, pas contre vous. On se dit les choses, on échange. Je sais bien qu’on n’a pas les moyens de Harry Potter, mais on a quand même de quoi bien faire ».

GR.25.I. : Le réalisateur d’expérience a une bonne gestion des paramètres contradictoires que sont argent, temps et création, et il est le mieux placé pour résoudre ces problèmes de la meilleure façon possible. Ça surprend beaucoup les gens de cinéma, qui parfois regardent et apprécient nos films et disent : « Mais comment vous avez fait pour faire ça en vingt et un jours ? »

N.P.D. : Oui, et dans mon parcours, quand j’entends un directeur de production, un régisseur ou un assistant me dire : « On ne peut pas », je réponds : « Pourquoi non ? Il faut que tu me dises pourquoi. Parce que si je te dis qu’on peut, c’est que j’en suis sûr. » Après être passé par ces postes-là, je sais si c’est possible ou non. Parfois, sur Nicolas Le Floch, l’assistant me disait : « Mais comment on va arriver à faire tout ça ? ». Je lui répondais : « Eh bien, on va faire plusieurs châteaux dans le même château. Et avec le directeur de photo, on va anticiper, de manière que, quand j’ai fini un décor, j’enchaîne sur l’autre. » Et quand je dis : « On fait la mise en place, et moteur ! », tout est déjà prêt.

© Bernard Barbereau-France 2 - Tournage de Nicolas Le Floch

GR.25.I. : Il est très important de dire que le réalisateur est le plus à même de trouver les solutions à un problème donné. Et que de nous exclure de ce processus en nous disant : « Ça ne vous regarde pas » est une énorme erreur en termes économiques et artistiques ! Et c’est très important, ce que tu dis, parce que c’est au cœur du processus, en télévision.

N.P.D. : Bien sûr ! Et cette participation le plus tôt possible en amont d’un projet, même sur une série, c’est vital pour moi. Parce qu’avant même d’entrer en préparation on a imaginé des choses et on a déjà des solutions à donner à l’assistant, au directeur de prod, à la déco. Parce qu’on y a réfléchi.

GR.25.I. : Et puis parce qu’on l’a déjà fait 25 ou 50 fois, comme premier assistant, et surtout comme réalisateur.

N.P.D. : Exactement. J’ai donc tourné la saison 2 de Nicolas Le Floch, et pendant les finitions Jean Labib m’a proposé de faire la saison 3 ! Et me voilà reparti avec Hugues Pagan. Au final, ça m’a donné trois années de travail non-stop. Trois ans au XVIIIe siècle, c’était ultra-plaisant. Mais, au-delà de tout l’aspect technique dont on a parlé, et du miracle de réussir à tourner des films d’époque en vingt et un jours, il reste pour moi une chose primordiale : quand on tourne, on tourne une histoire, d’où le travail avec les scénaristes, et puis après, c’est le travail avec les acteurs. Parce qu’on a beau avoir la galerie des Glaces de Versailles ou le château de Chantilly, ce qui reste, ce sont les acteurs. Le plus plaisant, le plus excitant, une fois qu’on a démarré le tournage, c’est de voir s’incarner les personnages, de les voir évoluer, d’imaginer plein de choses avec eux, et de s’amuser. J’ai fait de belles rencontres d’amitié, et trois ans, ce n’est pas rien ! On est un peu dans une bulle, d’ailleurs, parce que curieusement, sur les films d’époque, tu n’as pas trop d’interventions extérieures. Parce que le tournage leur échappe. La maîtrise des chevaux, des cascades. Comment le réalisateur va-t-il faire pour que deux carrosses, c’est-à-dire huit chevaux, puissent se doubler au milieu de la forêt, sur un chemin étroit ? La gestion des perruques, des costumes, des armes à poudre d’époque, etc., tout ça les dépasse ! Pour tout ça on ne vient pas t’embêter. Pas besoin de showrunner ! (rires)

GR.25.I. : C’est pour ça que les grands showrunners, dans une économie américaine qui peut

les financer, ce qui n’est pas notre cas, sont souvent des scénaristes, qui ont également réalisé, produit et pratiqué tous les métiers de terrain.

N.P.D. : Ce n’est pas forcémént la même chose sur des films contemporains, mais sur Nicolas Le Floch, une fois qu’ils avaient donné leur accord sur le texte, j’avais une paix assez royale. Même sur le casting, qui était insolite, parce que j’avais besoin de comédiens particuliers. Il y avait une langue d’époque que tous les comédiens ne pouvaient pas utiliser. Et il y avait les duels, l’équitation, même si certains acteurs ont dit qu’ils étaient « Galop 4 » confirmés, alors qu’il étaient à peine « Tapis de selle 2 ». (rires). Enfin, même si je suis sorti au bout de trois ans un peu lessivé, ce travail avec les acteurs était pour moi vraiment un grand plaisir. Donc après trois saisons et d’un commun accord avec Jean Labib, j’ai dit que j’arrêtais. C’était bien pour tout le monde, pour Hugues, mais aussi pour les comédiens, d’avoir un nouvel interlocuteur, d’avoir une autre vision de réalisation. C’est Philippe Béranger qui a pris la suite, et je sais qu’il est aussi allé travailler chez Pagan.

…ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSS…

© Bernard Barbereau - France 2 Tournage de Nicolas Le Floch

Page 11: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 21www.groupe25images.fr 20 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

GR.25.I. : C’est un peu notre cheval de bataille au Groupe 25 images, d’affirmer qu’au sein des séries le fait de renouveler les réalisateurs tous les 2 ou 4 épisodes, ça régénère et ça stimule. Ce qui n’empêche pas de revenir plus tard. C’est un réel enrichissement. Les Américains l’ont bien compris. Dans leurs séries, tous les 2 ou 4 épisodes, ils changent.

N.P.D. : Oui et quand il y a un showrunner à la française qui s’agite derrière un combo, à mon avis, tu n’es plus là que pour régler la circulation des comédiens, pour leur dire : « Tu avances, je panote et tu sors par la porte. »

GR.25.I. : Tu connais la célèbre réponse d’un puissant showrunner américain à la question : « Qu’est-ce qu’un réalisateur ? » « It’s a traffic cop. » Un flic qui règle la circulation. (rires) Mais encore faut-il que la circulation existe.

N.P.D. : Heureusement, je n’ai jamais vécu cela. D’ailleurs, le combo m’énerve. Aujourd’hui, avec les temps de tournage réduits, il faut souvent deux caméras et tu es obligé de voir ce qu’il se passe sur les deux, alors il y a les gros combos à distance derrière lesquels il y a d’ailleurs toujours trop de monde. Quand on est derrière des combos éloignés, à « Coupez ! », le comédien cherche ton regard, et tu n’es pas là ! Et même avec un petit combo portatif, cela te rapproche des caméras, mais ça ne règle pas le problème. Il m’est arrivé une fois d’avoir un comédien cadré en place par une caméra, et de lui parler machinalement dans le combo ! Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je parlais à l’écran (rires). Là je me suis dit : « Ce n’est pas possible, cet appareil me rend fou. » Mais je n’ai pas encore trouvé le bon truc pour gérer

cette rapidité des tournages à deux caméras et me débarrasser des combos. Mon premier film, je l’ai fait à l’ancienne, assis près de la caméra, avec les acteurs, et ça, c’est la meilleure place.

GR.25.I. : Parlons maintenant de Candice Renoir. Nouvelle série France Télévisions, gros succès à la diffusion ! Une réussite. Alors, comment es-tu arrivé sur la série ?

N.P.D. : Après mes aventures au XVIIIe siècle, j’ai pris un peu de temps pour moi. Pas mal de producteurs voulaient me connaître, même s’ils n’avaient pas tous des choses à me proposer. J’ai ainsi rencontré Caroline Lassa et j’ai aimé la façon dont elle me parlait de sa future série Candice Renoir. Elle m’a proposé d’y participer mais j’avais un autre projet. J’ai quand même lu ce qui était écrit et j’ai appelé Caroline pour lui dire ce que ce que j’aimais et comment je trouvais les personnages. On s’est dit qu’on se reverrait sur d’autres aventures. Et puis l’autre proposition ne s’est pas faite avec moi. Et là, Caroline Lassa m’a appris que France Télévisions lui en avait commandé 4 de plus qu’elle souhaitait me confier. Comme j’avais aimé notre rencontre, la bible et les épisodes écrits, j’ai dit oui.

GR.25.I. : Est-ce que le choix de l’actrice principale, la délicieuse Cécile Bois, a influencé ta décision ? Est-ce que tu y as participé ?

N.P.D. : La première fois que j’ai rencontré Caroline Lassa, elle m’avait déjà parlé de Cécile Bois. Et je lui avais dit : « C’est vraiment une bonne idée. » Je n’avais jamais travaillé avec elle, mais par son jeu, son rire, son physique, elle était le personnage, tel qu’on pouvait l’imaginer.

© Bernard Barbereau-France 2 - Tournage de Nicolas Le Floch

GR.25.I. : On trouve tous que c’est une bonne idée. Les téléspectateurs aussi, semble t-il.

N.P.D. : Et encore plus après avoir tourné avec elle. Elle à vraiment pris ce rôle a bras-le-corps, elle l’habite, elle est surprenante ! Sinon, les comédiens principaux ont été choisis par Christophe Douchand, en accord avec Carole Le Berre de France 2 et Caroline Lassa.

GR.25.I. : Tu as rencontré Christophe ?

N.P.D. : Je l’ai rencontré sur son tournage, pendant ma préparation. La série se tournait à Sète, où Christophe m’a très bien reçu. On a eu des conversations, bien qu’il soit immergé dans son tournage, à la fin duquel les comédiens se sont arrêtés quinze jours, avant ma reprise. Je les avais à peine salués qu’ils sont tous partis, sans que je puisse faire de lecture avec eux. Et quand ils sont revenus pour moi : « Bonjour, moteur. » Mais ils avaient déjà fait avec Christophe une solide mise en place des personnages. Candice Renoir est rejetée quand elle débarque dans ce commissariat, mais à partir de l’épisode 5, son groupe commence à reconnaître son travail et leurs relations évoluent.

GR.25.I. : Du point de vue faisabilité, comment as-tu travaillé avec la directrice littéraire, Solen Roy-Pagenault ?

N.P.D. : Je crois qu’au départ il y a eu plusieurs scénaristes sur cette série. Et puis Solen est arrivée, amenée par Caroline. C’est elle qui a retravaillé les 4 premiers épisodes. Sur les 4 suivants que j’ai tournés, il y avait des scénaristes différents sur chaque épisode. Et Solen a effectivement assuré une direction littéraire de l’ensemble.

GR.25.I. : Ce qui est légitime dans ce cas.

N.P.D. : J’ai rencontré certains scénaristes, mais c’est avec elle que j’ai travaillé sur chaque histoire. Quand je parlais, à propos de Pagan, de cette forme de violence que peuvent être, pour les scénaristes, certaines de nos remarques, je crois que Solen la ressentait. Je comprends leur souffrance, quand ils lâchent le script pour le tournage. Je ressens la même le dernier jour du mixage, quand je me dis : « C’est fini, je ne peux plus agir sur rien. »

GR.25.I. : De même que les acteurs sont amenés à te surprendre, le réalisateur est amené à surprendre le scénariste et c’est bien pour le film. Moi, ça ne m’est pas arrivé souvent, mais un scénario que j’ai écrit a été tourné par Philippe Triboit. Evidemment, je ne l’aurais pas tourné comme ça. J’étais le propre spectateur d’un truc qui ne m’appartenait plus. Mais, à la fin, le film est réussi et tu es surpris : « Ah ben oui, ah ben non, ah tiens, il a pris cet acteur ? Pourquoi pas ». Tu t’es donc intégré rapidement dans la série ?

N.P.D. : Bien sûr ! Que ce soit sur une série ou un unitaire, j’ai la même implication. Au départ de Candice, je me disais : « Reculer une voiture de police, ça va être plus simple que de reculer un carrosse ! » Mais ce n’est pas le cas. C’est plus rapide, différent, mais pas plus simple. D’autant que je passais au 52 minutes, alors que je venais du 90 minutes. Ce ne sont pas les mêmes rythmes, pas les mêmes découpages. Dans Nicolas Le Floch, tu as des décors sophistiqués, des scènes longues, tandis que dans Candice Renoir, tu es dans des scènes courtes, rythmées, avec des actions parallèles. Donc c’est assez différent.

GR.25.I. : Comment se sont passées tes relations avec les acteurs déjà installés ?

N.P.D. : Les premiers jours, les comédiens reviennent après quinze jours de repos, ils ont changé de réalisateur, tu ne les as pas choisis, ils sont sur une série, on tourne vite et sur les premières scènes, c’est normal, ils viennent un peu vers toi pour savoir qui tu es, ce que tu veux. Alors je leur disais : « Vas-y, joue et après on discutera ! » Je leur ai vraiment lâché la bride, et je me suis beaucoup amusé avec eux. Avec Cécile et « la bande », ça a vraiment été un grand plaisir humain et artistique. C’est plus sur la technique qu’on a eu des discussions serrées, par exemple sur le changement de chef-opérateur.GR.25.I. : Tu veux dire que vous avez changé de chef-opérateur au milieu ?

N.P.D. : Oui, entre Christophe Douchand et moi. On m’a alors objecté qu’il fallait une continuité, et j’ai répondu : « Mais, vous changez bien de réalisateur ? C’est quand même énorme par rapport au chef-opérateur ! » On tourne dans un commissariat et on sait bien que le nouveau chef-opérateur ne va pas jouer à faire scintiller une boule à facettes au plafond !

GR.25.I. : Tu as eu raison de te battre là-dessus.

…ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSS…

© Fabien Malot - Tournage de Candice Renoir

Page 12: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 23www.groupe25images.fr 22 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

N.P.D. : Pierre Milon, avec qui j’ai travaillé, a rencontré l’autre chef-op, ils ont discuté. Pierre a proposé d’autres façons d’éclairer le commissariat, sans modifier l’artistique, il avait d’autres techniques, d’autres solutions. Et comme j’ai déjà travaillé avec Pierre, il sait ce que je veux.

GR.25.I. : Et à la fin, les épisodes sont très cohérents entre eux, comme sur Engrenages où on a toujours changé de chef-op. Sur les séries américaines, les réalisateurs et les chef-ops changent souvent. Et bien malin celui qui saurait dire : « C’est lui qui a fait ça. »

N.P.D. : Sur les premières séries que j’ai suivies chez Hamster, que ce soit Navarro ou L’Instit, ça changeait sans cesse de réalisateur, de chef-opérateur, et d’une partie de l’équipe.

GR.25.I. : Sur la série US Elementary (voir page 10), le scénariste et le réalisateur changent à chaque épisode. C’est un enrichissement pour la série. Et on ne devrait pas à avoir à se battre pour ça.

N.P.D. : C’est vrai. Quand j’arrive, moi réalisateur, sur une série comme Candice Renoir, j’y mets toute mon énergie, toute mon expérience, j’arrive pour six mois avec mes exigences et pour certaines personnes timorées, je suis le gars qui va mettre le coup de pied dans la fourmilière. Ils se disent « Mais de quel droit demande-t-il ça, lui qui vient d’arriver ? » Mais on pose des questions parce qu’on a notre expérience.

GR.25.I. : Oui, c’est-à-dire qu’on est dans la projection de ce que va être le film terminé et on est donc le premier regard du spectateur. Et quand on arrive sur un projet dont on n’a pas participé à l’écriture, on est les seuls à avoir la capacité de voir déjà les images terminées.

N.P.D. : Exactement, et je fais toujours attention à ma première lecture, parce que c’est celle du spectateur. Après, quand on travaille avec la scripte, le chef déco, les costumes, on a lu cinquante fois le scénario, avant de dire : « Moteur ! » C’est pour ça que le réalisateur, par rapport au diffuseur, à la production,

à ces fameux showrunners, a un œil perpétuellement novateur. Il apporte sa créativité et son énergie au service du regard du futur spectateur.

GR.25.I. : Est-ce que tu attaches une grande importance au son, qui est souvent le parent pauvre aussi bien sur le plateau qu’en période de finitions ? Parce qu’ils essaient de réduire les temps de mixage, que les chef-monteurs s’arrêtent avant la fin, etc.

N.P.D. : Bien sûr que le son est essentiel. Quand tu as fait cinq ans de post-production, tu le sais. Sur Candice Renoir, c’est la première fois que je n’ai pas mon ingénieur du son habituel et c’est assez

dérangeant.

GR.25.I. : Et on sait qu’à deux caméras ce n’est pas facile et ça va très vite.

N.P.D. : Ce n’est pas simple. Tu es un peu large sur une caméra et serré sur l’autre et tu vois ton ingénieur du son qui commence à transpirer. Deux caméras, deux perchman, et parfois un gros bazar ! Il faut anticiper, dès la préparatioN les moyens nécessaires et tenter de laisser du temps au son. J’y fais très attention et si l’ingénieur du son me dit qu’il a un souci, je ne discute même pas, je refais une prise, c’est moins long que la discussion. Et aujourd’hui, au-delà du talent, les moyens techniques récents sont étonnants. Sur Nicolas Le Floch, j’ai travaillé avec mon fidèle Yvan Daquet, et je n’ai eu qu’une journée de post-synchro avec les comédiens, sur deux fois 100 minutes de film d’époque, dans le foutoir sonore de Paris et de la région parisienne. Chapeau ! Donc quand Yvan me dit : « Nicolas, on refait ? » Je refais. J’aime beaucoup le son et je vais toujours voir les monteurs son, pour discuter avec eux. Film d’époque ou non, j’aime faire vivre l’extérieur et ne pas avoir un son réduit au décor. Même si on est à l’intérieur du commissariat, j’essaie d’avoir une vie à l’extérieur, pour donner plus de largeur. J’aime quand il y a des surprises, quand c’est riche. Le son est primordial, autant que l’image.

GR.25.I. : Et la musique ?

N.P.D. : Les musiciens, c’est pareil, c’est essentiel. Il y en a un que j’adore, Patrick Sigwalt, avec qui j’ai fait un film unitaire, et j’ai aussi travaillé avec Marc Perrone, avec Stéphane Moucha qui faisait tous les Nicolas Le Floch. Ce sont des collaborateurs artistiques de haut niveau, qu’il faut avoir avec soi en amont.

GR.25.I. : Et sur Candice Renoir ?

N.P.D. : J’ai travaillé avec Vincent Stora, qui avait été proposé par Christophe Douchand. Aujourd’hui, quand on montre nos films à la chaîne, au premier bout-à-bout ou au premier montage, on nous demande très souvent de mettre de la musique, mais hélas pas la

© Fabien Malot - Tournage de Candice Renoir

bonne, qui n’est pas encore prête parce qu’on bataille pour son financement. Ce ne sont que des maquettes. Alors que, quand j’étais à la post-production d’Hamster, chaque réalisateur montrait son film brut de décoffrage, ou sa copie de travail sans rien.Aujourd'hui on te demande presque que la maquette provisoire soit déjà un film terminé.

GR.25.I. : C’est ce que contestaient récemment les monteurs et les compositeurs de musique à une conférence à laquelle participait le Groupe 25 Images. Les monteurs regrettaient beaucoup de devoir obligatoirement mettre des musiques provisoires, qui sont hélas mémorisées et qui gâchent, ou pourrissent parfois, le travail futur du compositeur.

N.P.D. : Moi, maintenant, je refuse. Si tu mets provisoirement un morceau des Beatles, et qu’à la fin on t’impose un morceau de Charlie Oleg, là c’est la mort ! Après, ta séquence, tu ne peux plus jamais la voir.

GR.25.I. : Oui, c’est exactement ce qu’ils disaient à ce colloque. Et c’est terrible.

N.P.D. : Bien sûr, dans le cas de séries, au bout d’un moment, tu disposes d’un portefeuille de musiques que tu maîtrises. Elles sont en grande partie récurrentes et à ta disposition pour les visionnages. Mais je suis perplexe. Je ne sais pas pourquoi on accepte presque tous ces maquettes musicales factices pour rassurer les diffuseurs. Je pense qu’il faudrait revenir aux présentations sans musique. Ou alors disposer des compositions presque définitives. Ce qui veut dire anticiper et financer suffisamment la musique. Et à propos du montage, autre inquiétude : sur Candice Renoir, c’est la première fois de ma vie professionnelle que les monteurs, à la fin du montage image, me disent au revoir. Pour moi, c’était très bizarre, cette fois-ci, qu’ils ne soient pas là jusqu’à la fin. Tu n’arrêtes pas de parler de tout avec eux pendant le montage, on est obligés de monter très vite, et quand tu leur dis : « Tiens, au bruitage il faudrait faire ci ! », ils te répondent : « Mais je ne serai pas là au bruitage », « Ah zut ! ». « Et au mixage ? » « Non plus ! »

GR.25.I. : C’est désespérant, parce que c’est pour économiser une semaine ou deux de salaire ! Mais qu’est-ce qu’une semaine de salaire d’un chef-monteur qui est la mémoire du film, sur un budget de 2 ou 4 millions d’euros ? Une goutte d’eau ! Et on voit l’évolution des génériques. Le chef monteur a été rétrogradé monteur, et maintenant monteur image.

N.P.D. : Et le réalisateur se retrouve tout seul en post-synchro, au bruitage. Sur Candice je ne suis passé qu'au bruitage des épisodes 7 et 8, parce qu’il avait lieu en

même temps que le mixage des épisodes 5 et 6. Et là, on me demande : « Comment il s’appelle, celui-là ? C’est quoi son rôle ? » Ils avaient déjà bruité deux épisodes sans pouvoir comprendre les personnages ! Pas de chef-monteur pour les renseigner. Mais comment faire ? Quand j’ai vu le planning post-prod de Candice, j’ai dit à la responsable de Telfrance : « Mais dis donc, je dois être au bruitage, à l’étalonnage et en post-synchro la même semaine ? Comment je fais ? Parce que moi, je ne peux pas être partout à la fois ! » Avant le chef-monteur était là pour nous seconder.

GR.25.I. : C’est délibéré de programmer ainsi les post-prods. Pour livrer plus vite ?

N.P.D. : Sur Candice, j’ai terminé le tournage trois mois avant la diffusion. C’était court ! Et pour avoir fait beaucoup de post-prod, je peux comprendre l’urgence du timing quand il n’y a pas le choix. Mais le danger, pour nous, c’est de ne pouvoir être partout et finalement d’être nulle part, si on ne peut plus déléguer. Heureusement, le chef-opérateur est à l’étalonnage. Donc, le soir, après ta journée de synchro ou de mixage, tu y vas. Mais fatigué, tu n’es pas dans les meilleures conditions de travail.

GR.25.I. : Il y a aussi ceux qui enchaînent les tournages. Mais c’est un autre problème. Si un réalisateur veut bien faire son job, au-delà de 2 fois 90 minutes par an, ce n’est pas possible.

N.P.D. : Oui, hélas, je connais quelques réalisateurs boulimiques, qui nous ont emmenés là où on en est aujourd’hui. Mais les problèmes d’équipes techniques, de temps de tournage, de temps de post-production font partie de notre métier, surtout quand tu acceptes de travailler sur une série. Quand j’ai rejoint Candice Renoir, on m’a fait visionner une série US, Life, qui se passe à Los Angeles, au soleil. Et comme on tournait dans le sud, à Sète, on me l’a montrée pour ça.

…ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSS…

© Fabien Malot - Candice Renoir, Grégori Derangère

Page 13: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 25www.groupe25images.fr 24 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Mais j’ai surtout retenu le bonus du DVD, avec les commentaires du réalisateur, des acteurs principaux et du producteur. Ils expliquent : « On a tourné le premier épisode, 52 minutes, on l’a monté, mixé, mis en musique, puis on l’a projeté à 500 personnes d’un public choisi, et on l’a présenté à d’autres producteurs. »

Et après les résultats du test, ils ont retourné plus de la moitié du premier épisode ! Puis ils ont remonté, remixé, et ce premier épisode a coûté en fin de compte le prix de deux 52 minutes ! C’était du sérieux ! À la fin, tout le monde était d’accord : « Allez, on lance la série ! » Alors quand j’entends en France : « On va le faire à l’américaine », un début de sourire me vient.

GR.25.I. : On peut faire beaucoup plus fort chez nous : par exemple, un diffuseur montre à 15 spectateurs inconditionnels de série américaine, deux épisodes de la série Duo. Mais non mixé, sans musique, en image

pourrie de sortie AVID ! Ils détestent et la chaîne décide que la série ne marchera pas ! Alors que Duo était une série de comédie policière qui avait un vrai potentiel ! Résultat, ils l’ont « destockée » à minuit. Voilà, ça c’est une étude à la française !

N.P.D. : Mais on en est souvent là. J’en ai parlé avec plein de réalisateurs et de monteurs.

GR.25.I. : Ça frise la téléréalité. Parlons d’avenir. Que veux-tu faire maintenant ?

N.P.D. : Continuer à prendre du plaisir, que ça soit sur des films personnels ou sur des séries. Continuer à faire mon métier de réalisateur. C’est-à-dire avoir des choix, avoir des discussions artistiques avec une production, des scénaristes, un chef décorateur, une costumière, sentir cette énergie formidable, au milieu des gens qui s’impliquent et qui vont t’aider à raconter ton histoire. Alors, peu importe si c’est la tienne ou non. Même si tu sors toujours lessivé d’un tournage, au bout d’un moment sans plateau, sans ton équipe et tes comédiens, tu te dis : « Aïe, il y a quelque chose qui me manque ! » Cela doit être très dur pour ceux qui ne tournent plus du tout. Les unitaires me manquent aussi. Moi qui ai connu la période des Collections Hamster, Haute Tension, Sentiments, Série noire, Série Rose, L’Ami Maupassant, Les Mercredis de la vie de Prune Berge, sur France 2. Tout ça manque aujourd’hui. Je rencontre beaucoup de réalisateurs, de scénaristes, qui ont de belles histoires qui plairaient au public. Et le principe de ces collections te garantissait toujours de découvrir une histoire.

GR.25.I. : Il y a des bibliothèques entières qui sont inexploitées, ou bradées !

N.P.D. : J’ai vu dernièrement le film d’Olivier Langlois, Les Pirogues des hautes terres, et Mon ami Pierrot, d’Orso Miret, hélas bradés le samedi à 22 h 30. Mais ils sont passés, ils existent ! Le problème vient des choix des programmateurs. Ce sont des gens qui évitent le contact avec

nous, réalisateurs. On essaie de faire nos films le mieux possible, avec le plus d’envie, mais dès la fin du mixage, le film nous échappe totalement. Les bandes-annonces sont plutôt souvent bien faites, mais on ne peut surtout pas discuter de la programmation.

GR.25.I. : Il y a des « goûteurs » qui choisissent. Sont-ils compétents ? Grande question.

N.P.D. : Alors est-ce que le fait d’être diffusé à 22 h 30, c’est bien ou non ? Est-ce que c’est dommage pour nos films ? C’est une conversation que pourrait avoir le Groupe 25 Images avec les diffuseurs. Mais c’est sûr qu’ils vont nous dire : « Si on installe une collection

© Fabien Malot - Candice Renoir, Cécile Bois

…ENTRETIEN AVEC NICOLAS PICARD-DREYFUSHaute Tension à 22 h 30, vous allez vous retrouver avec des budgets très faibles. ». Et nous, déjà réalisateurs de miracles budgétaires, ayant les idées et l’expérience pour arriver à réduire les coûts, on va être obligés de trouver comment les réduire encore plus.

GR.25.I. : Sauf si l’écriture se fait en fonction. Les exemples de collections tardives à succès ne manquent pas ! Cinéma 16, V comme vengeance sur France 3, Caméra de chambre de l’INA, avec un lieu unique, Les Petites Caméras d’Arte. La collection, pour nous, c’est un regret. C’est une garantie de continuité parce qu’il y a une thématique globale forte, avec des histoires et des personnages différents. Les grandes collections d’Hamster dont on a parlé l’ont prouvé. Mais ils ne veulent plus en entendre parler ! « Ça ne marchera pas ! Les collections, c’est dangereux, c’est segmentant. » Le fameux mot qu’on entend partout.

N.P.D. : Ils croient que les téléspectateurs ne s’attachent qu’à un personnage récurrent, mais je ne suis pas sûr. Ils s’attachent plus aux histoires. Je pense sincèrement que le public est assez curieux et initié pour aller voir autre chose, si on le lui propose. « Non, ça ne marchera pas. » L’éternel refrain. Mais s’ils n’essaient pas, alors, on ne saura jamais si ça plaît !

GR.25.I. : Dans une interview, tu as déclaré : « J’aime travailler sérieusement, mais dans le plaisir. » Ça peut être une bonne conclusion.

N.P.D. : Jamais dans la douleur, non, non ! Pour moi justement, que ce soit avec la prod ou d’autres personnes, le conflit nuit au projet. L’énervement est néfaste.

GR.25.I. : C’est une énergie gaspillée qui ne se se reporte pas ailleurs. Alain Resnais a dit récemment : « Si vous saviez le temps que j’ai gagné sur la vie en gardant mon calme. »

N.P.D. : On est là pour raconter des histoires, on n’a pas les mêmes responsabilités que Barack Obama. It’s just a movie ! Si tu te retrouves dans les conditions de séries comme celles que j’ai connues sur Nicolas Le Floch ou Candice Renoir, tout va bien ! Ce que je voudrais redire pour conclure, c’est que sur ces séries, j’ai eu la chance d’avoir des producteurs qui ont tenu leur place. C’est-à-dire qui ont eu confiance en moi, m’ont laissé travailler, et sont intervenus à bon escient, que ce soit dans mes rapports avec la chaîne ou avec les scénaristes. Quand chacun est à sa place et fait son métier avec envie et passion, tout fonctionne. Mais quand d’un seul coup, l’un veut prendre la place de l’autre ou le contrôler, ça ne marche plus. Parce qu’on arrive au conflit.

GR.25.I. : Oui mais comme tu l’as dit tout à l’heure, les producteurs qui ont une vraie passion de la fiction ne t’embêtent pas de cette façon-là.

N.P.D. : Oui, c’est une culture et une expérience.

GR.25.I. : Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des gens qui ont une vraie connaissance de leur métier et des nôtres. Il y en a peu qui maîtrisent l’ensemble du processus de fabrication d’un film. Avec en plus une hauteur de vue suffisante.

N.P.D. : Absolument. Et le bon producteur qui a géré son projet, série ou non, depuis deux ou trois ans, quand il choisit son réalisateur, il lui accorde sa confiance. C’est pour ça que je ne travaille pas contre, mais avec, et que nous ne nous cachons rien, ni sur le budget, ni sur l’artistique. Je sais aussi que les producteurs ont besoin de faire vivre leur société, pour financer des projets. À partir du moment où on te dit honnêtement : « Le budget, c’est celui-là », tu fais tout pour le respecter. En revanche si tu découvres qu’il y a tromperie, alors là tu as le droit de dire : « Vous vous fichez de moi quand même un peu ! » L’important est que les choses se disent, même si ça n’est pas toujours avec un grand sourire.

GR.25.I. : Tout cela rejoint un de nos grands entretiens du Groupe 25 images, où Jean-Pierre Guérin nous disait : « J’ai toujours travaillé en équipe parce que je trouve que nos métiers sont faits pour ça et ne peuvent s’en passer. Personne ne doit représenter à lui seul la voix des autres ou se l’accaparer. Ma conviction s’est encore renforcée aux Ateliers Fiction de La Rochelle, où des Scandinaves et des Anglo-Saxons nous ont expliqué que, chez eux, personne ne marche sur les plates-bandes des autres. C’est-à-dire que le producteur fait son boulot de producteur, le scénariste son boulot d’écriture, le réalisateur, son boulot de mise en scène, la chaîne, son boulot de diffusion, et tout le monde est très content. Ça donne des films et des séries qui marchent bien, puisqu’ils se vendent partout ! »

Voilà, tout est dit. Ça renforce ce que disait Pierre Grimblat en son temps et ça confirme ce que nous défendons tous. C’est une digne conclusion à tout ce dont on a parlé, Nicolas.

Entretien réalisé à Paris le 25 avril 2013

MIAA www.miaa.fr Le Mouvement d’Intermittents d’Aide aux Autres fonctionne toute l'année et compte sur vous (Dons, maraudes, aide en cuisine)

CONTACT : [email protected]

Page 14: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 27www.groupe25images.fr 26 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Entretien avecCHRISTOPHE DOUCHANDDominique Baron, Philippe Venault

En dehors de ses comédies unitaires à succès telles que L’amour vache, Dix jours pour s’aimer, Ni vu ni connu ou L’homme de ses rêves, Christophe Douchand est un spécialiste reconnu de la réalisation de séries. Il était un des piliers des Enquêtes d’Eloïse Rome, de RIS Police scientifi que ou Les Bleus : premiers pas dans la police. Il a réalisé en 2012 les quatre épisodes fondateurs de Candice Renoir qui vient de rencontrer le succès. En complément de l’entretien avec Nicolas Picard-Dreyfuss, il nous parle de son métier et de la naissance de cette série à l’image.

Groupe 25 Images : Mis à part le récent succès de Candice Renoir, quelle est ton actualité, Christophe ?

Christophe Douchand : Je termine l’écriture d’un scénario de long-métrage. Sur une idée qui m’est venue pendant le tournage de Candice Renoir, justement.

GR.25.I. : Pascal Chaumeil et Nicolas Cuche, entre autres, ont montré que des réalisateurs de télévision étaient « aussi » des réalisateurs de cinéma. Cette distinction, une exception culturelle française, nous empoisonne.

C.D. : Oui, eff ectivement… Même si je n’ai pas vraiment l’impression d’être une exception culturelle.

Après quelques fi lms comme assistant réal, j’ai failli faire un fi lm de cinéma en 2001, mais il a été interrompu trois semaines avant le tournage, à cause d’un problème de fi nancement. C’est comme ça, ou grâce à ça d’ailleurs, que j’ai fait de la télévision. Un mois après cet échec, Didier Le Pêcheur, avec qui je travaillais depuis plusieurs années et qui me poussait sans cesse à franchir le cap, m’a proposé d’être assistant et cadreur sur la 2e saison des Enquêtes d’Eloïse Rome. Assistant et cadreur… Les producteurs nous ont regardé avec des yeux ronds et nous ont donné une semaine... Avec le recul, je les comprends... Ça a duré sept semaines… Disons que Didier avait vu juste et que j’étais prêt. Mais sans sa

générosité et la confi ance que Sophie Révil, Denis Carot, Frédéric Lary et Christine Citti, l’héroïne d’Eloïse Rome ont eue en moi, j’aurais pu attendre encore un bon moment…Et puis, plus tard, j’ai de nouveau essayé de monter un long-métrage. Mais là, j’ai abandonné en raison de problèmes familiaux. J’ai donc laissé cette envie entre parenthèses pendant presque dix ans… Maintenant mes enfants vont mieux et je me dis que je pourrais peut-être retenter l’aventure.

GR.25.I. : Retourner vers le cinéma quand on a fait beaucoup de télévision, ça doit être très compliqué, non ?

C.D. : On apprend énormément à la télévision… On se confronte à tout ce qui fait un fi lm, quel qu’en soit son mode de diff usion. Seulement, la rapidité de préparation de tournage et de montage fait qu’on peut rapidement devenir plus expert dans la gestion des contraintes que réellement inventif. Au cinéma, j’ai la sensation qu’il faut mettre son vécu de côté pour pouvoir se lancer dans quelque chose de nouveau et que ce qu’on attend d’un réalisateur de télé qui fait un long-métrage n’est pas lié à son savoir faire. L’expérience est rassurante, ça peut convaincre, peut-être, mais ça ne suffi t pas. Il faut avoir quelque chose à dire et à se prouver. Je ne suis pas dans un rythme interne de réalisateur de cinéma, où on attend pendant un an ou plus que des personnes veuillent ou non faire le fi lm. J’écris pour mon plaisir quand je n’ai pas de projet télé immédiat. Et comme j’adore tourner, la télévision me convient parfaitement. Je ne sais pas ce que c’est, ne l’ayant jamais expérimenté, d’espérer faire un long-métrage et de ne pas tourner pendant un, deux, trois ans si ce n’est plus. Je ne sais pas si je pourrais le faire sans fi nir par construire une maison pierre par pierre ou creuser une piscine à mains nues…

GR.25.I. : Revenons à la télé… C’est toi qui a réalisé le début de la série Candice Renoir. Est-ce que tu pourrais nous dire quelle est la place, le travail, l’apport d’un réalisateur qui entame une série ? Par exemple, est-ce que tu es intervenu sur le casting ? Est-ce que tu as été mis en concurrence avec d’autres réalisateurs ?

C.D. : Non, je ne crois pas avoir été mis en concurrence sur les quatre premiers. Mais on ne m’a peut-être pas tout dit… Ça a été très rapide, on m’a appelé et on m’a présenté un concept environ six mois avant le tournage. Il y avait deux scénarios fi nalisés sur les quatre épisodes. Tout était là : Candice est policière, plutôt belle femme, elle a quatre enfants, elle est divorcée, elle revient de l’étranger où elle est restée dix ans sans exercer. Elle est drôle, sympathique, féminine, elle parle à tout le monde, est attendrissante… Quelqu’un qu’on a envie d’aimer, ce qui, pour une héroïne, est un bon début… Au-delà du texte, j’ai vu dans ce personnage quelque chose qui était déjà une des caractéristiques d’Eloïse Rome, l’hyperactivité mentale. Quelqu’un qui pense « en dehors de la boîte »… Un axe puissant pour créer et installer le personnage et la série. Même si c’était un peu casse-gueule parce que le mot hyperactivité fait peur à beaucoup et qu’on imagine souvent quelqu’un qui ne tient pas en place, limite Zébulon bourré de tics…

Etant moi-même hyperactif, sa manière de réfl échir et de communiquer sa pensée aux autres avec les diffi cultés que ça représente me « parlait » totalement. Quand vous êtes conscient de ne pas penser exactement comme tout le monde, il y a des moments où vous doutez d’être simplement compris… Disons qu’on passe assez facilement d’une surchauff e neuronale où on est « à fond », sautant d’une idée à une autre sans lien apparent à une crise de confi ance en voyant tout le monde qui vous regarde sans comprendre un mot de ce que vous venez de dire… Ça peut être très drôle à observer de l’extérieur et parfois très angoissant de l’intérieur… Je voulais vraiment essayer de traduire en images et dans la direction d’acteur ce que c’est que d’être comme ça, en digression permanente, dans une sorte de pensée arborescente, qui voyage, comme lorsque vous vous retrouvez à passer cinq heures sur Internet sans vous rappeler pourquoi et par quoi vous avez commencé. À la fois passionné au-delà du raisonnable et incapable de s’arrêter de penser… Pas toujours simple pour les gens autour… Pour le casting, on m’a fait voir les essais de Cécile Bois qui avaient été faits quelques semaines avant que je n’arrive, et c’était une évidence… C’était elle ! J’ai fait ensuite le casting des autres rôles, ses enfants, ses collègues policiers, son amant… Là, j’ai insisté pour qu’on aille au-delà de la simple défi nition de la bible, les personnages devaient tous être attachants, même et surtout ceux qui détestent Candice, qui la contredisent toujours. Il fallait qu’ils soient drôles ou sympathiques pour qu’on les apprécie. C’est essentiel pour la création d’une série que même les antagonistes soient eux aussi attirants, sinon on se tire une balle dans le pied parce que le public s’en désintéresse rapidement. On ne doit rater personne ! En les rendant plus séduisants, leurs relations, leurs confl its s’expliquaient et se comprenaient. Ce n’était plus perçu comme de la méchanceté gratuite ou une opposition de principe, mais plutôt mais comme des aff rontements d’idéaux. Quelque chose d’incarné. J’ai aussi proposé un rajeunissement du rôle joué par Raphaël Lenglet qui devait au départ avoir 40-45 ans, ça me semblait plus payant qu’elle ait un adjoint qui soit plus jeune qu’elle, qui soit loin de ses problématiques de mère de famille de 40 ans et la regarde comme une espèce inconnue sans savoir comment la gérer. Rajeunir le rôle rendait, en contrepoint Candice plus « exotique »...

GR.25.I. : Est-ce que tu as fait modifi er les scénarios ?

C.D. : Un peu, mais il n’y avait pas de grosses modifi cations à apporter, j’ai comme d’habitude demandé des coupes quand des séquences étaient fi nancièrement trop lourdes ou, par exemple, quand un des traits du personnage principal devenait trop dominant par rapport aux autres. Ou encore quand il y avait des ellipses trop brutes et incompatibles avec le montage. Je proposais directement les modifi cations à Caroline Lassa qui me donnait son avis et validait mes demandes ou en proposait d’autres. C’était une phase riche parce que cela générait une relecture du texte de sa part, un changement d’angle.

Page 15: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 29www.groupe25images.fr 28 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

GR.25.I. : Au-delà de l’écrit et des personnages, est-ce que tu avais, en tant que metteur en scène, des idées précises, des images de la manière dont tu voulais que cela soit fi lmé ou découpé ?

C.D. : Oui, j’avais pas mal d’idées, en particulier sur le rythme, sur la nécessité d’entraîner le spectateur dans une narration qui ne soit pas forcément survitaminée au montage comme d’habitude en 52’. Sur la lumière aussi, je voulais une ambiance totalement opposée aux séries policières habituelles. Quelque chose qui soit à la fois méridional, doré et très féminin, doux, enveloppant. Sergio Dell’Amico et Ludovic Colbeau Justin, mes deux directeurs photo, ont apporté, je trouve, beaucoup de fi nesse et de détails à cette idée, c’est solaire, rassurant… Et pas du tout réaliste en fait ! A l’opposé, le décor de la salle d’interrogatoire, qui est un rendez-vous classique du polar, est purement symbolique, une table, des chaises, une boîte à lumière en douche, des murs presque noirs… L’ambiance est crue, froide, comme un ring de boxe, et fi nalement beaucoup plus dure que d’habitude. On a beaucoup travaillé la mise en scène dans l’espace, aussi… Au fi l des quatre épisodes, Cécile passe d’isolée, souvent seule dans le cadre, loin des autres dans les trois premiers épisodes, puis progressivement respectée et acceptée par les autres, donc fi lmée beaucoup plus au milieu d’eux… Ça parait une évidence, a priori, mais souvent, pour des histoires de rythme, on fi nit par marcher sur ce genre de principe au montage… Chaque réalisateur de télévision a vécu ce grand saut dans le vide que représente le passage à l’image… Comment réussir à respecter le scénario, tout en le dépassant. Il faut que l’ensemble reste vraisemblable et surtout devienne séduisant ! Parce qu’à l’écrit tout l’est après des mois d’eff orts, et de réunions… Le passage à l’image, c’est une remise à zéro… On doit tout réinventer dans un cadre… Qui devient alors l’« image » de la série par opposition à l’« écrit »… Ce qui reste... Par exemple, on a eu un débat sur les accessoires. Candice est une femme très féminine, elle a toujours son sac sur elle, son sac qui contient toute sa vie de femme et de mère, et c’est d’ailleurs ça qui est drôle ! Mais il y avait un fantasme installé sur un sac immense et rose fuchsia, qui montrait l’inadaptation du personnage à sa nouvelle vie. J’aimais beaucoup l’idée. Mais j’ai fait remarquer qu’il était impossible d’échapper au rose fuchsia dans une image et que ce sac aurait un peu trop focalisé l’attention du public au détriment des personnages. Il y avait des choses plus importantes à comprendre ou à ressentir que la présence de ce sac… De plus, si le spectateur n’aime pas le rose vif, le fait de voir tout le temps ce sac aurait fi ni par lui donner la migraine. Donc on a fi nalement opté

pour trois sacs quand même très féminins pour garder ce côté inadapté au travail de policier, mais on les a choisis avec des couleurs plus passées, plus cendrées. C’était symptomatique du passage à l’image. Candice peut être ridicule, c’est son charme, mais le problème est de savoir à quel point…

GR.25.I. : Cette inadaptation du personnage à son univers professionnel commence d’entrée avec les talons qu’elle porte. Comme dans la scène sur la falaise où elle marche dans l’herbe en se tordant les chevilles, c’est très drôle !

C.D. : C’était une très bonne idée. Comme de la faire démarrer dans son uniforme de fl ic dont elle casse la fermeture éclair, parce que ça fait dix ans qu’elle ne l’a pas mis, et qu’elle s’est un peu arrondie. Dans ce premier épisode, elle passe la moitié du temps avec sa veste autour de sa taille à cause de cette fermeture éclair cassée. Ce qui la rend à la fois fragile et presque asexuée, donc en danger par rapport à qui elle est depuis dix ans… On a beaucoup discuté de sa garde-robe aussi. En eff et, elle revient après dix ans passés à Singapour où elle était à la fois femme au foyer et la « femme trophée » d’un homme qui gagnait bien sa vie. Et quand elle sortait de chez elle, c’était pour aller à des cocktails, à des soirées où elle était soignée, élégante. Donc elle a des tenues adaptées à Singapour qui sont totalement incongrues en France ou bien des tenues européennes habillées qui le sont trop.

Cette garde-robe, c’est l’histoire du personnage. Elle repart de zéro... On comprend rapidement que le regard qu’elle porte sur sa féminité est inapproprié pour son métier. Cécile Bois n’avait peur de rien. Elle essayait les tenues et nous disait : « Oh ça j’aime bien, c’est pas trop, je trouve ça bien. » De fi l en aiguille, on a fi ni par défi nir cette Barbie qui était décrite dans le texte, cette fi lle trop habillée, trop coiff ée et pas là où elle doit être. Mais il ne fallait pas que ça lasse en durant trop longtemps. On s’est donc servi du troisième épisode, où elle se fait agresser et où elle se retrouve à l’hôpital pour

© Fabien Malot - Tournage de Candice Renoir

lui faire retrouver une garde-robe plus « standard ». C’est pareil pour les chaussures, elle ne met plus de talons, où alors seulement des compensés, ce qui lui permet de bouger plus facilement. On a beaucoup rigolé en discutant de ça. Cécile ne reculait devant aucune épreuve. Franchement, passer des journées entières avec 10 centimètres de talons alors que dans la vie on est plutôt bottes et basket, c’est une piqûre…

GR.25.I. : Tu parles plus de la production que des scénaristes…

C.D. : A ce stade, les scénaristes étaient en train de travailler sur la suite et mon seul interlocuteur était la productrice, Caroline Lassa. De plus, elle portait le projet depuis l’origine et elle était donc pour moi le garant de l’esprit initial. Quand tu parles à un auteur, parfois il défend bec et ongles tout ce il a écrit ou réécrit, c’est humain. Je réagirais pareil. La productrice, qui a porté son projet depuis des mois ou des années, est plus dans le mouvement, dans la concrétisation de tous ces eff orts, dans une pensée positive, les modifi cations de texte ne sont pas vécues comme des sanctions mais comme des atouts supplémentaires de réussite… Caroline venait faire les repérages avec nous, on regardait le casting ensemble, elle était sur le plateau à côté de moi pendant le tournage, on sentait tous qu’elle prenait un plaisir immense à voir la série se fabriquer. C’était fi nalement très naturel et très joyeux, tout ça.

GR.25.I. : Etait-il alors utile que la productrice ait une directrice littéraire, puisque tu allais directement voir la production qui en faisait offi ce ?

C.D. : Ce n’est pas que j’allais directement voir la production par principe, c’est à l’usage que ça s’est passé comme ça. J’ai eu les premières discussions sur le projet avec Caroline. Il faut confronter les avis pour servir au mieux le projet, et un seul point de vue ne suffi t pas. Caroline avait un goût assez affi rmé, original et plutôt drôle, mais surtout, il me semblait essentiel que celle qui allait produire la série puisse avoir le plaisir de partager son avis et de défi nir avec moi les couleurs, les costumes, les formes… Parce que, quand on a une héroïne qui revient de Singapour, qui essaie de trouver sa place, qui est en fait un peu « bancale », il faut trouver le juste point ou ça plaît et pas seulement à moi…

GR.25.I. : La présence d’un showrunner est-elle vraiment indispensable… ?

C.D. : Honnêtement, je n’en sais rien, je n’ai jamais travaillé avec un showrunner. Ce qu’on essaie de faire exister en France et qu’on appelle directeur ou producteur artistique vient, comme toujours, des Etats-Unis où leur manière de produire n’a rien à voir avec la nôtre, les Anglo-Saxons considèrent le scénario comme un outil, une étape sans cesse perfectible,

là où chez nous, la longueur du développement et l’absence de pilote font que la mise en production est une reconnaissance, un accomplissement et qu’on considère, en général bien sûr, que le texte est quasi parfait. Aux Etats-Unis, passé la première saison, entre le début de l’écriture d’un épisode et la fi n du montage du même épisode, il se passe en moyenne, six à huit semaines… C’est un rouleau compresseur, ils sont 10 à travailler ensemble douze heures par jour. Chacun a son périmètre : certains sont responsables d’un seul personnage, d’autres des séquences action, ou des scènes intimes, de certains décors, des dialogues personnalisés, etc. C’est très pyramidal et ça ressemble plus à un cabinet d’architectes qu’à un auteur seul à son bureau qui peste contre les changements que lui demande la production ou le réal.Donc, pour passer à l’image et fabriquer à la vitesse où il le font, ils ont besoin de quelqu’un qui s’approprie le texte vis-à-vis de tous… Même si ça continue à travailler en coulisses et livre chaque jour des scènes réécrites, en rose, jaune, bleu, violet… La version fi nale d’un scénario de série américaine ça ressemble à un nuancier de chef déco… Comme dans cette organisation, les réalisateurs sont engagés sur des périodes très courtes, un ou deux épisodes max, que leur prépa est réduite au minimum et qu’ils participent peu au montage parce que le plus souvent, ils sont partis tourner autre chose, le showrunner est la référence éditoriale, le trait d’union. Au même titre le montage est plus collégial qu’en France et les directeurs de la photographie font assez souvent la majorité des épisodes d’une saison… Les réalisateurs ne font que passer diriger les acteurs fi nalement… Que les compétences initiales du showrunner se soient étendues parce qu’il est le seul permanent au fi l des saisons est assez naturel. En France, on ne travaille pas comme ça. Une série comme Candice Renoir m’a pris presque un an, là où un réalisateur américain n’aurait été mobilisé que trois mois… Quand on a une productrice qui connaît aussi bien le projet qu’elle propose, elle est le showrunner de fait. Comme Caroline Lassa, et d’autres bien entendu…

…ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE DOUCHAND…

Générique de Candice Renoir

Page 16: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 31www.groupe25images.fr 30 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Lorsque j’ai commencé, sur Eloïse Rome, Sophie Révil travaillait de la même façon, elle était ma seule interlocutrice et je ne crois pas qu’elle ait changé depuis… Bien entendu, ça réclame au producteur d’être immergé dans le projet, ce qui n’est pas toujours possible, mais bon, ça c’est un autre débat. La vraie question pour moi, c’est de savoir quel espace de décision conserve le réalisateur… Mais, passé la première saison, la question s’est toujours posée sur les séries que j’ai faites… Je ne crois pas qu’on puisse s’inventer showrunner au sens où les Américains l’entendent. Dans leur défi nition, ce métier réclame une expérience très complète et des compétences très transversales, scénariste, producteur, directeur de production, assistant, décorateur, chef-opérateur, réalisateur… Ça fait beaucoup… Tout le monde rêverait d’être J.J Abrams, mais bon, il a commencé vingt ans avant Lost et fait a peu près tout ce qu’on pouvait faire dans ce métier, scénariste, producteur, réalisateur, musicien… De toute façon, donner un titre de producteur ou de directeur artistique à quelqu’un ne m’empêchera pas d’être d’accord avec lui… Ou pas…

GR.25.I. : Donc ton premier spectateur était la productrice ?

C.D. : Bien sûr ! Et c’était un vrai plaisir de voir à quel point confronter nos avis était fructueux. Nous n’étions jamais dans une situation confl ictuelle, on avançait ensemble dans la réfl exion. Son adhésion au personnage rejoignait la mienne. Et inversement. Profondément, je ne crois pas trop à la concentration des décisions dans une seule tête. La meilleure idée n’est pas la mienne, c’est… La meilleure idée ! Elle peut venir du premier ou du second assistant, de la scripte, du directeur de production, du régisseur ou de l’ingénieur du son… De tout le générique, presque ! Mais pour que ça fonctionne, il faut que chacun ait un espace d’intervention et de décision et à mon avis sur des champs et des temps diff érents. Scénaristes, producteurs et réalisateurs… Par exemple, pour en revenir à l’hyperactivité mentale du personnage, qui n’était pas énoncée dans le texte

initial, j’ai dit à Caroline que si on poussait un peu ce trait de caractère, il fi nirait par être rassurant. C’est vraiment drôle, que, un an après, quand le générique a été confi é à Nicolas Cléry-Melin, il l’a naturellement conçu autour de la tête de Candice avec toutes les idées qui se croisent dans ses hémisphères entre ses vies professionnelle et personnelle. Ce qui est caractéristique de l’hyperactivité. Ce qui pouvait être entendu au départ comme un défaut et donc redouté est devenu quelque chose d’intrigant et porteur qui défi nit le personnage, et la série.

GR.25.I. : C’est pour montrer ce trait de caractère que tu as passé du temps (et Nicolas Picard-Dreyfuss dans les épisodes suivants) sur les regards, leurs changements de direction et les diff érentes expressions du visage ?

C.D. : Oui, exactement, il fallait que le regard de Cécile « sorte » du récit pur et se perde dans un détail quelconque de la situation dans laquelle elle se trouvait, avec tous les personnages qui la regardent en se demandant ce qu’elle pense, alors qu’elle ne dit rien ! Lui donner le temps de jouer cela impliquait aussi de générer un rythme très soutenu tout le long des fi lms. En contraste. On a monté quelques scènes avec un métronome et joué entre rondes, blanches et noires… C’était un challenge aussi de demander au public de ne pas comprendre les méandres de la pensée arborescente de Candice. De jouer à un jeu dont il n’a pas les règles parce qu’elles changent tout le temps. Finalement le spectateur se retrouve dans la position de l’équipe de Candice, un peu paumé, mais fasciné, sous le charme… C’est pour ça qu’il fallait qu’ils soient eux aussi « sympathiques »… Que le spectateur se dise je suis comme eux, je ne comprends pas mais bon…

GR.25.I. : C’est sûrement ça qui a fait aussi le succès de la série, cette manière diff érente et nouvelle de fonctionner sur ses enquêtes. Cette héroïne ne fait pas de déduction, elle se trouve catapultée dans ses pensées.

C.D. : Oui ça a dû jouer dans la réussite, l’enveloppe est rassurante et la pensée est déroutante. Le dosage n’était pas toujours simple. Par exemple, très tôt dans le premier épisode, pendant la scène dans la cuisine où elle fouille dans les placards sans se soucier de la peine du mari de la victime. C’est le premier moment où on la voit partir dans ses pensées et fi nalement poser une question étrange qui n’a rien à voir avec l’enquête. On n’a pas monté cette scène comme elle était écrite, parce qu’il ne fallait pas qu’elle risque de devenir antipathique d’entrée. Toujours ce saut dans le vide du passage à l’image… Ça marche sur le papier, c’est drôle, quand on le tourne on a un doute, quand on le monte on se dit que le spectateur va la détester

© Fabien Malot - Tournage de Candice Renoir

…ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE DOUCHANDd’être aussi imperméable à l’émotion… Il ne faut pas oublier que c’était la première d’enquête de « polar classique»… Là où on l’attend en tant que fl ic… Alors on dose, entre originalité et accessibilité… Pour cette scène comme pour plein d’autres, on a fait des réglages sans cesse, sur le plateau, et au montage… C’est l’essence même de notre métier… A lire dans la presse télé les compliments faits à Cécile et l’adhésion au personnage, j’ai l’impression d’avoir réussi ce que je cherchais à faire.

GR.25.I. : Est-ce qu’il vous est arrivé de retourner des scènes pour des problèmes de réglages ?

C.D. : Non, mais, en revanche, le montage avait lieu sur place. On tournait en province, à Sète, et j’étais installé avec mon assistant, mon monteur et l’assistant-monteur dans une grande maison super-agréable. Du coup, chaque matin, Vincent Zuff ranieri commençait à monter ce qu’on avait fait la veille. C’était vraiment passionnant de sortir d’une journée de tournage et de vérifi er presque en temps réel la justesse, ou non d’ailleurs, de ses choix… Vincent étant un complice, il voyait très bien ce que je voulais au fi l des prises. Ce qui me ressemblait, fi nalement. Ça donne une énergie dingue… Ça m’a permis d’affi ner en permanence la mise en scène, de voir jusqu’où on pouvait aller en direction d’acteur, pour ne pas qu’elle paraisse non plus inaccessible parce que trop « barrée » et aussi de voir rapidement les forces et les faiblesses des histoires. En montrant très rapidement à Caroline énormément de séquences déjà montées, ça lui a donné beaucoup d’indications et d’écueils à éviter pour les scripts suivants qu’elle était en train de faire écrire.

GR.25.I. : C’est probablement un des facteurs de réussite de tes premiers épisodes.

C.D. : J’en suis persuadé ! En tout cas, sur le travail que j’ai fait, ça a été essentiel.

GR.25.I. : Avais-tu déjà travaillé avec Caroline Lassa avant ? Est-ce que tu penses que votre travail a été facilité du fait que ce soit une productrice plutôt qu’un producteur ?

C.D. : C’était une rencontre. Je ne me suis jamais posé cette question… Mais peut-être qu’avec un producteur, on se serait heurté à deux visions diff érentes de la séduction. C’est-à-dire qu’il aurait fallu un arbitrage entre ce qui nous séduit en tant qu’homme et ce qui est admissible, attirant pour une femme qui regarde la séduction d’une autre femme. Il y avait quelque chose de très féminin à évoquer quand on pensait au personnage de Candice, une fl ic qui était perdue dans son parcours de femme et sans doute que Caroline et moi on a été complémentaires… On dirait, en tout cas, vu l’accueil du public. Féminin et masculin.

GR.25.I. : Est-ce qu’il y a une suite prévue ?

C.D. : Tout à fait, dix épisodes vont être tournés à partir de septembre. Stéphane Malhuret, mon assistant va faire partie des réalisateurs... J’espère que ça va être confi rmé ! La boucle est bouclée et ça me fait tellement plaisir que l’histoire se répète…

Entretien réalisé à Paris le 22 mai 2013

« Marginal intempestif », ainsi se définissait Guy Lessertisseur. Il est mort.

Beaucoup d’entre vous ne l’ont pas connu.

À sa sortie de l’IDHEC, conseillé par Jacques Krier (un grand), il rejoint la télé. Il est l’assistant de deux pionniers, Claude Loursais, père des Cinq Dernières Minutes et Stellio Lorenzi, père de beaucoup… dont La Caméra explore le temps. En 1958 il devient réalisateur. Il plonge dans l’actualité, il filme pour Cinq colonnes à la une.

Il passe au direct dans les variétés (L’École des vedettes d’Aimée Mortimer, les Carpentier…), la fiction : Lorenzi, Loursais lui donnent SES chances : La Caméra explore le temps, Les Cinq Dernières Minutes, et beaucoup de scénarios originaux.

Et puis, au début des années 60, du magnétoscope, du film, des œuvres plus personnelles, originales. Il adapte de grands auteurs : Büchner, Pirandello, Strindberg, travaille avec Jean Cosmos, Jean-Claude Brisville, Youri, il adapte aussi Gert Hofmann. Il réalisera deux feuilletons avec comme coscénariste le comédien Armand Meffre. Je ne peux que recopier ce qu’écrivait l’ami Bosséno à propos de ces feuilletons : La genèse de La-haut les quatre saisons (1971-1972) et La Fin du marquisat d’Aurel (1980), tous deux consacrés au monde rural…

« Au départ le propos, très vague, s’appuie sur l’envie de faire un film sur le Queyras, sans scénario ni sujet préconçus. Il obtient six semaines pour aller interroger les gens et rechercher des histoires authentiques à partir desquelles il pourra écrire un scénario… ». Diffusion, rediffusions, succès.

Il fera partie de l’aventure Cinéma 16 initiée par Maurice Cazeneuve. Il écrit avec Roger Souza Si la Garonne avait voulu… qu’il réalise : « Peut-être son film le plus personnel, le plus achevé », toujours selon Bosséno, victime du « censeur » qui ne voulait pas dire son nom, il est diffusé un 15 août ! Éternelle méthode !

Il aura vu défiler sur son plateau Catherine et Pierre Arditi, Pierre Vaneck, Jacques Serres, Roger Souza, Bernard Fresson, Michel Bouquet, Odette Piquet, Paul Crauchet et des dizaines et dizaines d’autres.

C’était un créateur rigoureux, qui filmait avec élégance, d’une grande humilité, attentif aux changements qui s’opéraient, dénonçant avec force et fermeté les dérives qu’il observait.

Marginal INTEMPESTIFPhilippe Laïk - 17 mai 2013

Page 17: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 33www.groupe25images.fr 32 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

Plus de 10 000 collaborateurs permanents, des milliers de collaborateurs occasionnels, intermittents et pigistes, d’autres milliers de professionnels attachés à des sociétés de production ou exerçant les métiers solitaires de la création, s’interrogent.

Depuis janvier 2008, quand Nicolas Sarkozy annonça son intention de supprimer la publicité sur les chaînes de France Télévisions, le désarroi n’a cessé de grandir. De réforme en réforme, de coupes sombres en coupes sombres dans ses moyens budgétaires, France Télévisions semble aujourd’hui ne pas savoir où elle va. Malgré un récent organigramme qui prend un parti exactement inverse de celui qui fut mis en place par le PDG à son arrivée. Qu’est-ce qui justifie ce tête-à-queue ?

En lieu et place de la loi annoncée, une augmentation de la redevance qui ne viendra pas à bout d’un déficit qui continue de se creuser mois après mois, une organisation de moins en moins lisible et performante, des personnels démobilisés.

Quant aux producteurs et autres « sous-traitants » de la création, ils ne sont guère plus libres de demander des comptes : on leur répète depuis si longtemps que l’heure est à la concentration, on annonce la fin de centaines de sociétés trop petites pour y survivre. Les grosses sociétés de production protègent leurs commandes et serrent les coûts, la voix des autres s’éteint dans l’indifférence…

Et en toile de fond, le subtil entretien d’un antagonisme entre les intérêts supposés inconciliables des collaborateurs internes et des collaborateurs externes, entre productions faites « à la maison » et commandes extérieures : comme si l’enjeu n’était pas d’abord de délivrer à leur juste prix de marché des programmes à haute valeur ajoutée.

Comparée aux grands pays voisins, la France est en sous-production audiovisuelle : la rationalisation des modes de financement, une meilleure exploitation des contenus, une véritable ambition pour l’export, une approche pour partie industrielle de la production sont autant de leviers à activer pour relever le niveau de production et servir le développement de l’emploi.

Alors, qu’attend-on pour relancer un véritable processus créatif porteur de conséquences économiques positives profitables à l’ensemble du secteur ? L’avenir de la télévision publique est-il compromis ? Son histoire est controversée, entre le génie créateur des pionniers de l’Ecole des Buttes-Chaumont et la montée en puissance du TV business, entre

dévouement des uns et enrichissement sans cause de certains, entre culture populaire et programmes racoleurs, entre performances techniques hors normes sur les routes du Tour de France et gabegie hallucinante dans l’emploi des deniers publics.

Cette ambivalence la condamnerait-elle à une cure de rigueur sans précédent ?

Et si on reprenait le sujet par le bon bout, si on se demandait en quoi la télévision publique est défaillante au regard de sa place centrale dans le paysage médiatique, et comment il conviendrait de la rappeler à ses missions fondamentales ?

Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens, le fameux COM annoncé depuis des mois comme nouvelle feuille de route de France Télévisions, ne sera probablement qu’un projet conçu en chambre par des non-professionnels de la télévision, faute de projet clair et mobilisateur de la part du groupe public. Pas de stratégie claire et offensive, pas de vision politique et anticipatrice de l’avenir du média, pas de mesure pertinente des enjeux, le COM est mort-né avant même sa signature.

Non, l’enlisement de France Télévisions n’est pas une fatalité.

Non, la télévision publique n’est pas un repaire de nantis qui ne songeraient qu’à protéger leurs acquis.

Non, la télévision ce n’est pas que le journal de 20 heures et ses petites phrases réductrices, mais un formidable moyen d’accompagner la communauté nationale et son besoin d’espérer, de rester mobilisée et unie, de s’émouvoir et de partager de grandes heures de création, de divertissement, de débat public, d’événements de toute nature, d’entrer aussi dans son siècle autrement que par la petite porte.

Que nous soyons collaborateurs de l’entreprise, contributeurs extérieurs à la conception et à la production de ses contenus, simples amis de la télévision publique ou encore simples citoyens, nous avons une conviction : il ne faut pas que la télévision publique s’enfonce silencieusement dans l’ornière de l’inutilité, emportant avec elle talents, projets, références et repères pour tant de Français qui n’ont qu’elle comme fenêtre sur la vie, sur le monde.

Alors, que faire ? Espérer que les gouvernants et parlementaires prennent enfin leurs responsabilités dans l’intérêt des téléspectateurs-payeurs de la redevance.

Que les créateurs fassent entendre leur voix.

Que les relais d’opinion, les observateurs, les journalistes exigeants manifestent leur attente d’un rebond et d’une belle ambition pour le pays et pour ces dizaines de millions de téléspectateurs qui ont droit à une télévision publique audacieuse, intelligente, créative, surprenante, enrichissante, mobilisatrice.

Sans doute espérons-nous un peu de tout cela, en ces temps troublés, en ces temps de montée de l’indifférence et du repli sur soi, terreau trop fertile pour l’exacerbation des tensions sociales et de tous les extrémismes.

Nous y croyons encore…

France Télévisions,NOUS Y CROYONS ENCORESisyphe - 25 avril 2013

Sisyphe, un collectif de professionnels, composé d’anciens dirigeants de l’audiovisuel public et de producteurs indépendants, a choisi Marianne et La Lettre des Réalisateurs du Groupe 25 images pour délivrer un plaidoyer en faveur de la télévision publique, dont la situation est plus qu’inquiétante, ce qui aff aiblit son rôle dans la société.

L’autre jour, sur le boulevard, l’affiche de deux de nos comiques nationaux vantant les mérites d’une quelconque assurance a attiré notre attention. Elle nous a rappelé l’existence d’une rumeur récente parcourant les landes de notre paysage audiovisuel. Autant le dire en préambule, cette rumeur est nécessairement infondée et nous allons ici expliquer pourquoi.

Le ouï-dire, le qu’en-dira-t-on et les mauvaises langues prétendent qu’un film récemment diffusé à France Télévisions aurait connu une genèse pour le moins particulière. Un beau jour, un scénario finalisé, accompagné d’un budget et de dates de tournages, a atterri sur le bureau de la direction de la fiction de France 3, comme une sorte de paquet cadeau avec en prime nos deux comiques nationaux en tête d’affiche. Il s’agissait bien sûr pour la direction de la fiction de s’exécuter et de mettre en chantier le film sans poser de questions.

Bon, déjà on se dit que cette histoire ne tient pas debout. Quand on sait le parcours du combattant qu’il faut affronter pour avoir la chance de voir aboutir un projet à France Télévisions, chemin qui peut se chiffrer en années, on n’imagine pas comment un film pourrait court-circuiter toutes ces étapes. Impossible !

A moins que la direction du groupe… Impossible encore, car, quand nous avons rencontré la direction en place au moment de sa nomination, il nous a bien été précisé que, si de telles pratiques avaient peut-être existé lors de la direction précédente, jamais, au grand jamais, sous cette direction actuelle, il n’y aurait de « parachutage » de projets.

Car nous avons changé d’époque, l’ère de la transparence est arrivée ! C’en est fini de ces méthodes de république bananière où les procédures officielles de sélection étaient bafouées pour permettre des arrangements entre copains et coquins.

Notre démocratie est bien plus saine aujourd’hui. N’oublions pas que France Télévisions est financée principalement par l’argent public, vous imaginez bien qu’aucun dirigeant n’oserait prendre le risque de fausser les règles de l’institution ! Rappelez-vous les grands scandales de la fin du siècle dans le domaine du bâtiment et les procès retentissants qui s’en sont suivis. Non, vraiment, pour une simple question de bon sens, aucun dirigeant responsable, à l’ère du numérique, ne pourrait se permettre de prendre de tels risques.

Là où cette rumeur confine à l’absurde, c’est quand nous entendons dire que la direction de la fiction de France 3 n’a même pas eu le droit de donner son avis sur les rushes et sur le montage. Bref, qu’elle n’a été consultée sur rien. Vous voyez bien qu’on se trouve en face de vulgaires calomnies. Que le film en question ait fait une audience calamiteuse et qu’il ait reçu des critiques peu amènes, que certains l’aient même taxé de raciste, prouve bien qu’on est face à un acharnement caractérisé.

Car enfin, si une telle aberration avait bien existé, alors la direction de France 3 aurait certainement démissionné d’un bloc en signe de protestation, ou mieux, elle aurait répandu l’histoire dans le métier pour que le scandale éclate au grand jour. Mais non, le calme règne au fronton des palais et cette rumeur malsaine est en train de s’évanouir dans l’azur, comme tant d’autres avant elle…

Dormez en paix, braves gens.

NDLR : toute ressemblance avec des personnages existants ne serait que purement fortuite...

MÉCHANTES LANGUESLe bureau

Harvey WeinsteinHarvey Weinstein, distributeur de The Artist aux USA, défend l’exception culturelle européenne face au puissant lobby hollywoodien :

« Les films qui ont marqué le cinéma sont souvent ceux qui sont les plus ancrés dans leur culture. Un grand succès se fait en marquant sa différence. Il faut préserver la diversité culturelle parce que c’est bon pour le business. Et si les européens essaient d’imiter nos films, nous ne les achetons pas car nous les faisons mieux ! ».

Page 18: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 35www.groupe25images.fr 34 • La Lettre des Réalisateurs n° 30 www.groupe25images.fr

« On fait appel à nous comme on engage un ouvrier-peintre pour opérer des “raccords” dans un appartement tout installé où on veut emménager le lendemain. Tous les corps de métier y ont travaillé avant vous. Il faut faire vite à tout prix. Il faut faire riche, à peu de frais…

Et voici qu’un beau matin le malheureux compositeur se trouve face à l’irrémédiable : le metteur en scène lui fait savoir que le lever du soleil, à 57’10” et 3 images, requiert une symphonie descriptive de 22” et 15 images, d’autant plus nécessaire qu’il n’y a pas de son, car cette séquence a été tournée en muet ; que, par ailleurs, la fanfare du village ayant été filmée dans les mêmes conditions, cela implique de réinventer une musique similaire et synchrone. À cet instant, le producteur surgit de l’ombre noire. Péremptoire et soucieux, il entraîne le compositeur à l’écart et lui dit, sous le sceau du secret, que la mort de la vieille dame, sur laquelle on comptait pour émouvoir les foules, est réalisée de telle façon qu’elle fera rigoler tout le monde. Impossible de la couper. Mais un beau solo de violoncelle arrangerait sûrement les choses, sauf qu’il n’a plus de budget pour engager un musicien…

Le compositeur apprend ensuite que l’enregistrement de la musique est d’ores et déjà fixé à la semaine suivante, et qu’on lui donnera d’ici quelques jours un montage sur lequel il faudra concevoir et réaliser 40’ de musique …

Jour et nuit, notre homme s’affaire, fréquemment interrompu par les appels de la chef-monteuse qui lui signale que la scène d’amour est raccourcie de 10”, que les séquences 27 et 91 sont purement et simplement supprimées et que par conséquent, la musique n’est pas nécessaire : elle était, bien entendu, déjà composée !

Pour rien…

Vient l’enregistrement. Le chef d’orchestre est habile, mais il n’a pas pu regarder la partition, pour la bonne raison qu’on lui en apporte les morceaux au fur et à mesure de l’achèvement du travail de copie. Pas le temps de corriger les fautes. Le compositeur s’entend interpeller en même temps par le basson qui lui demande si le do est dièse à la quatrième mesure du numéro 48, et par le metteur en scène qui trouve cette musique triste et ferait meilleur effet transportée au début de la scène du chemin creux, si on pouvait toutefois l’accélérer…

La séance enfin terminée, on se jure, en buvant un pot, de se donner rendez-vous pour le mixage, suprême épreuve.

De longs jours passent, et des semaines. Le compositeur s’étonne de n’entendre plus parler du mixage, ni de rien, quand il reçoit un carton qui l’invite à l’avant-première du film !

Et là, surprise : la pelleteuse offusque et éclipse complètement la symphonie essentielle qui devait évoquer les rumeurs de la ville. La musique élisabéthaine destinée à la représentation de Shakespeare a été reportée sur la scène de la dispute au bureau de poste : trouvaille charmante de l’assistant metteur en scène. Et la musique de la scène d’amour a été coupée en son milieu, brutalement, de manière peu musicale.

Le compositeur s’enfuit avant la fin de la projection. La tête lui tourne un peu. Son épreuve est finie. Il n’ose pas croire à son bonheur. »

Compositeur et musicologue français, né en 1891 et décédé en 1966, Roland Manuel étudia la composition sous la direction de Vincent d’Indy et d’Albert Roussel. Proche d’Erik Satie puis de Maurice Ravel, dont il devint le disciple, l’ami et le biographe, il collabora aussi avec Stravinsky. En 1947, il fut nommé professeur d’esthétique musicale au Conservatoire de Paris. Humaniste d’une rare culture, il produisit aussi des émissions musicales pour la radio. Comme compositeur, il a légué principalement des opéras comiques et des musiques de cinéma, pour les films de Jean Grémillon, Julien Duvivier, Léo Joannon ou Henri Decoin.Le compositeur Greco Casadesus, fondateur de l’U.C.M.F. (Union des compositeurs de musique de films, www.ucmf.fr), a retrouvé et actualisé ce texte délicieux où Roland Manuel décrivait, avec un humour irrésistible et désolé, le parcours difficile d’un musicien de film :

COMPOSITEUR ?Roland Manuel

De grands films n’auraient peut-être jamais atteint leur notoriété légendaire sans la musique qui les y a élevés.

Au hasard : le beau Thème de Camille, du grand George Delerue, dans Le Mépris de Godard (Brigitte Bardot : « Tu les trouves jolies, mes fesses ? »). Apocalypse now, qui s’ouvre sur l’énorme This is the End, des Doors. L’Exorciste, porté par Tubular Bells, de Mike Oldfield. L’universel L’homme à l’harmonica, d’Ennio Morricone, dans Il était une fois dans l’Ouest. Godfather, de Nino Rota, l’inoubliable thème du Parrain, de Coppola. Et tant d’autres depuis tant de décennies !

Et n’oublions surtout pas les films et séries de télévision, où la musique tient depuis toujours l’un des trois rôles principaux avec le scénario et la mise en scène.

Une place capitale, pas encore reconnue par assez de producteurs ou diffuseurs qui ne la considèrent parfois que comme un accélérateur de rythme ou un pléonasme nécessaire. Heureusement, cela évolue positivement avec la montée en puissance des séries modernes, où l’art musical prend de plus en plus d’importance…

Confrontés comme eux à la baisse des financements, très proches des musiciens, les réalisateurs du Groupe 25 Images les soutiennent pour qu’ils ne soient plus ceux qui font des miracles avec les dernières pièces

jaunes du budget, pour en finir avec la « musique au mètre » et pour que leur travail soit financé à la hauteur de leur talent.

La musique sait être si forte et si douce, si tonique et poétique, si angoissante ou romantique, si belle et émouvante, quand on lui fait confiance pour grandir le film, en accompagnant le langage cinématographique du metteur en scène… Et cela dans l’harmonie du duo réalisateur/musicien qui traduit l’univers du scénario, en télévision comme au cinéma.

Comme le scénariste ou le réalisateur, le compositeur a droit à la reconnaissance et à la lumière, pour ce qu’il apporte au-delà du texte, des images et des comédiens…

Après la musique classique, le cinéma avait déjà accueilli la musique populaire, le chant, le rock, la danse.

Désormais, l’ère numérique apporte la fusion des univers numériques et symphoniques, la mixité de l’électronique et des instruments classiques, qui permettent d’échapper à l’uniformité par une nouvelle créativité.

Les réalisateurs s’en réjouissent avec leurs amis compositeurs de l’UCMF.

LA MUSIQUE DE NOS FILMSDominique Baron

LA DÉESSE AGESSAWilliam Gotesman

La déesse Agessa quitte son piédestal.

Nos petits bras ont forcé le destin. Voilà que la déesse, qui si souvent nous malmenait, jette sur nous un regard bienveillant.

Ce n’est pas de bonne grâce, car on l’y a forcée. Voilà que, avec nos puissants voisins, la SACD et la SCAM, notre petite armée (plus de 200 pétitionnaires tout de même) et l’action du Groupe 25 Images ont fait bouger les lignes.

Du mouvement, vers l’avant car il n’est pas de retraite… pour défendre nos retraites !

Nous sommes allés en la rue de Valois faire valoir nos droits auprès des rapporteurs.Les ministres intègres de la Culture et du Travail ont délégué des émissaires afin de régler ce conflit. Une commission est maintenant au travail pour assagir et rendre efficace la déesse Agessa récalcitrante.

Et nous autres, blanchis dans des travaux guerriers, auront, les augures sont bons, des nouvelles bientôt de cette ère de justice où nos droits légitimes seront reconnus.

Déclarez, je vous prie, votre volonté d’une affiliation rétroactive à l’Agessa même si vous avez pris votre retraite, car tout n’est pas encore réglé. Restons vigilants.

Sur la colline, au terme d’une première bataille, du haut de laquelle nous contemplons l’avenir, le repos du guerrier n’est pas encore venu !

Page 19: DES Réalisateurs n°30 - Groupe 25 Images · 2013. 7. 23. · cette absence de frontière entre les genres et les supports de diffusion. Ce rapprochement entre réalisateurs(trices)

La Lettre des Réalisateurs n° 30 • 36www.groupe25images.fr

Notre ami Charles Nemes, sort La Bastide endormie aux Presses de la Cité :Choc des mondes entre une équipe de télévision parisienne et les habitants d'un village aveyronnais. D'autant que le tournage repose sur une supercherie totale orchestrée par quelques élus et un maire zélés en mal de notoriété !

Quand ils topèrent, les Parisiens étaient persuadés de sacrifi er à un usage local ; les Aveyronnais, eux, l'avaient vu faire à la télévision.

Ainsi commence un singulier jeu de dupes entre des producteurs parisiens en quête de terroir « authentique » et les édiles de Sauvagnac, bastide rurale confi te dans la nostalgie de sa splendeur perdue. Pour que leur bourgade devienne une vedette du petit écran, les élus se sont autorisé quelques libertés avec la réalité...

Et quand la mascarade fait naître une irrépressible histoire d'amour, la bastide de Sauvagnac se réveille tout à fait.

FORMATION 25 IMAGES

Stages de réalisation fi ction TV

DU 10 AU 21 JUIN 2013 - DU 25 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 2013 -

Initiation prises de vue HD grands capteursDU 1 AU 6 JUILLET 2013 - DU 14 AU 18 OCTOBRE 2013

Jeu et direction d'acteurs

DU 8 AU 26 JUILLET 2013 - DU 18 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 2013

Programmes sur www.groupe25images.fr

FORMATION 25 IMAGES

147 rue Blomet 75015 Paris Tél : 01 42 50 64 30 - [email protected]

LA BASTIDE ENDORMIE

Nous sommes à votre disposition pour tout renseignement.

Dominique Attal et William Gotesman

Nos stages ont la particularité d’être intégrés au monde professionnel de l’image.

Tous les stages se déroulent à Paris et sont conventionnés par l'AFDAS