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Tous droits réservés © Les Éditions Histoire Québec, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 30 août 2021 19:31 Histoire Québec Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les Fenians Laurent Busseau Volume 19, numéro 3, 2014 URI : https://id.erudit.org/iderudit/71063ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Histoire Québec La Fédération Histoire Québec ISSN 1201-4710 (imprimé) 1923-2101 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Busseau, L. (2014). Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les Fenians. Histoire Québec, 19(3), 10–14.

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Page 1: Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les Fenians · Document généré le 30 mai 2021 02:58 Histoire Québec Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les Fenians Laurent

Tous droits réservés © Les Éditions Histoire Québec, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 30 août 2021 19:31

Histoire Québec

Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les FeniansLaurent Busseau

Volume 19, numéro 3, 2014

URI : https://id.erudit.org/iderudit/71063ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Éditions Histoire QuébecLa Fédération Histoire Québec

ISSN1201-4710 (imprimé)1923-2101 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleBusseau, L. (2014). Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les Fenians.Histoire Québec, 19(3), 10–14.

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PAGE 10 – HISTOIRE QUÉBEC VOLUME 19 NUMÉRO 3

par Laurent Busseau

Des miliciens des Cantons-de-l’Est contre les Fenians

Le 25 mai 1870, une bataille rangéese déroule à Eccles Hill, proche duvillage de Frelighsburg. Une milicede fermiers locaux, The Red Sashes,et deux bataillons d’infanterie de lamilice canadienne s’opposent àl’inva sion de centaines de soldatsirlandais, les Fenians, venus des États-Unis. Plusieurs volontaires cana diensparticipent aux combats. Ces mili-ciens ont joué un rôle important quileur a valu d’être reconnus commevétérans de guerre.

En 1861, la guerre civile américaineéclate entre le Nord industriel et leSud agraire esclavagiste, provo-quant une rupture diplomatiqueentre l’Angleterre et le gouverne-ment de Washington. Plusieursincidents entachent les relationséconomiques et politiques entre leCanada britannique et son voisin

américain en guerre1. Parallè le -ment, le gouvernement de Londrescherche à limiter les dépenses mili-taires pour ses colonies améri-caines, estimant que les provincescanadiennes doivent assumer seulesle budget militaire. En février 1862,le gouverneur général Lord Moncknomme une commission d’enquêtepour que soient évalués le systèmede fortifications et la condition destroupes pour la défense du Canada-Uni (Ontario-Québec)2. S’ensuit unprojet de loi du gouvernement cana -dien préconisant une augmentationen hommes et en matériel, pour uncoût minimal de 500 000 dollars.

La réalité géographique du Canadaconstitue un véritable casse-têtepour Londres. Le fleuve Saint-Laurent représente une voie de com-munication vitale que la suprématie

navale de l’Angleterre permet deprotéger. Cependant, les troupesbritanniques et canadiennes devrontrester dans les villes, transforméesen blockhaus, laissant les villagesfrontaliers sans protection contreune éventuelle invasion américaine,ce qui suscite l’inquiétude des villa-geois. Pour le gouvernement deLondres, comme pour celui duCanada, l’apparition de la menacefénienne rend encore plus néces-saire la confédération des coloniesbritanniques.

Les Fenians passent à l’attaque

Entre 1840 et 1860, les nouvellesmétropoles américaines – NewYork, Portland, Boston, Philadel -phie et Washington – sont deve -nues des points d’ancrage pourplus de deux millions d’Irlandais.Ils ont fui la misère, la famine et legouvernement de la Grande-Bretagne qu’ils jugent responsablede leur malheur et de leur exil.Leur rancoeur se cristallise dansun nouveau mouvement de lutte,la Fenian Brotherhood3.

Cette société secrète ayant déclaré laguerre à l’Angleterre en Amé riquedu Nord, les colonies britanniquesdu Canada vivent dans la crainted’une invasion militaire à partir desÉtats-Unis. Endurcis par la guerrede Sécession, des milliers de vété -rans d’origine irlandaise se rallientau mouvement fénien à la fin de ceconflit en 1865. Des politiciens etmilitaires américains influentssoutien nent les projets irlandais paresprit revanchard.

Laurent Busseau est membre d’Héritage Sutton. Il a complété sa formation universitaire en histoire au Québec et en France.Chercheur indépendant, il est connu sous le label Historien sans Frontière. En plus de publier, il donne des conférencespédagogiques et des cours d’histoire dans le cadre de l’Université du troisième âge de l’Université de Sherbrooke, ainsi quepour plusieurs sociétés d’histoire et organismes culturels des Cantons-de-l’Est et de Montréal. Une première version de cetarticle a paru dans le numéro 13 des Cahiers d’histoire / History Sketchbooks que publie deux fois l’an la société d’histoireHéritage Sutton.

Bataille du 25 juin 1870 à Eccles Hill selon une gravure de John Henry Walker pour le journal anglophone montréalais The Canadian’s illustrated de juin 1870. (Source :

Invasion des Fenians, John Henry Walker, vers 1870, Musée McCord, M930.50.8.376)

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HISTOIRE QUÉBEC VOLUME 19 NUMÉRO 3 – PAGE 11

Profitant du laxisme du gouverne-ment fédéral américain, les troupesirlandaises franchissent les fron-tières canadiennes en juin 1866, enOntario, au Nouveau-Brunswick,en Nouvelle-Écosse et au Québec4.

Commandés par un ancien généralnordiste, Samuel Spear, les Fenianstraversent la frontière québécoise àEccles Hill entre Saint-Armand etFrelighsburg.

Des centaines de vétérans et marau -deurs progressent le long de la fron-tière sans rencontrer de résistancemilitaire britannique et plantent leGreen Flag irlandais à Frelighsburg.Après trois jours de pillage desfermes de la région, les Fenianssont finalement chassés du terri-toire par des troupes de cavalerie,venues de Montréal par trainjusqu’à Stanbridge Station. Cetépisode a fait une victime innocentedu côté canadien : MargaretVincent, une femme âgée de 71 ans,est atteinte par le tir d’un soldatbritannique parce que, étant sourde,elle n’a pas entendu qu’on l’inter-pellait.

Le renforcement de la frontière

Les milices volontaires sont trèsprésentes dans l’histoire militaire cana -dienne, aussi bien sous le régimefrançais que sous le régime britan-nique. Depuis le début du 19e siècle,elles ont notamment été à l’œuvrele long de la frontière canado-américaine lors de la guerre de 1812contre les États-Unis et de la révoltedes Patriotes en 1837-1838.

En 1866, au lendemain de la premièreinvasion des Fenians, l’adjudantgéné ral du Canada, Patrick Mac -Douglas, entreprend de réorganiserles troupes régulières et la milicecanadienne en un seul corps d’ar-mée. La tunique rouge britanniquedu fantassin professionnel de l’ar-mée régulière de Sa Majesté devientégalement celle de tous les volon-taires canadiens5. MacDouglasinnove en créant sept brigades

composées chacune de trois batail-lons de volontaires et d’un bataillonbritannique de métier.

Ainsi intégrés dans des compagniesdirigées par des officiers britan-niques expérimentés, les volontairescanadiens changent de mentalité et

acquièrent une assurance militaireau contact des soldats d’expérience.Des camps d’entraînement de huitjours sont organisés durant l’étépour initier les nouveaux bataillonsaux rudiments de la guerre et culti -ver l’esprit de corps. Une rému -nération est allouée aux miliciens

Le Bivouac militaire du 52e baitaillon à Cook’s Corner sur le chemin Eccles Hill selon unegravure d’Adolph Vogh pour le journal francophone montréalais L’opinion publique dejuin 1870. (Source : Journal Opinion publique 1870, Fond micro-film Bibliothèque et

Archives nationales du Québec)

Un milicien canadien, entouré de soldats américains, pose devant le corps du Fénien JohnRowe tué sur le chemin frontalier d’Eccles Hill (Frelighsburg), le 25 juin 1870.(Source : Fond d’archives de la société d’histoire Missisquoi-Stanbridge East-Qc)

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pour chaque journée de serviceactif. Un sergent porte-drapeau(color-sergeant) reçoit 40 cents parjour, un sergent, 35 cents, un caporal,30 cents et un soldat (private), 25 cents.Tous ont aussi droit à 25 cents de rationpar jour.

Les cantons participent au finance-ment des compagnies de miliciens,comme l’atteste un procès-verbaldu conseil des maires du comté deBrome de juin 1870 qui fait état descoûts assumés par ce comté : « Atthis date the Council passed a by-law to appropriate a sum of moneynot exceeding $ 1,475 to pay 25 centsa day to each volunteer of compa-nies 4, 5, 6, 7, and 8 of the 52nd batta -lion for every day of active in themonth of April, May and June ofthis year. However, this was after-wards increased to sum of $ 1,600 andlevied in the several Township ».

Le renforcement de la frontièrepasse aussi par la modernisation del’armement et du matériel de cam-pagne. L’utilisation du fusil d’infan-terie Snider-Enfield avec percuteurà cartouche, dont le chargement sefait par une culasse et non par le

canon, se répand. Avant 1866, quel -ques régiments seulement étaientmunis de ce fusil à canon rayé; àpartir de juillet 1867, 30 000 Snider-Enfield sont fournis gracieusementpar l’Angleterre pour soutenir lajeune Confédération canadienne.

Des miliciens des cantons au cœurde l’action

Au lendemain des incursions desFenians, l’adjudant général de lamilice à Montréal, le colonel WilliamOsborne Smith, prend en charge lesbataillons de volontaires canadiensdu Québec. Cet officier de carrière del’armée britannique est un vétérande la guerre de Crimée. En soldatd’expérience, il se tient informé parOttawa et Londres des projets de laFenian Brotherhood, que les servicessecrets anglais ont infiltrée6. Entreavril et juin 1870, plu sieurs télé-grammes sont échangés entre lequartier général de Mont réal et lespostes télégraphiques de Granby,Knowlton et Frelighsburg. Cettecorrespondance entre le colonelSmith et le lieutenant-colonel Miller,commandant en chef des bataillonsdes comtés de Brome, Missisquoi et

Shefford, indique le rappel des mili-ciens et leur déplacement straté -gique le long de la frontière améri-caine entre Sutton et Saint-Armand.

Sur le plan militaire, les attaquesirlandaises ont démontré l’impor-tance tactique des petites unitésmobiles implantées localement. Defait, les anciennes milices ruralessont désormais regroupées en compa -gnies, elles-mêmes structurées enbataillon autour d’un officier britan -nique aguerri. Dès juin 1866, le gou-vernement recrute des volontairespour garder la frontière au sud deMontréal. Les miliciens de Suttonsont intégrés au 52e bataillon d’infan -terie, qui réunit huit compa gniesprovenant de Granby (1ére), Waterloo(2e et 3e), Abercorn (4e) Knowlton(5e), Sutton (6e) East-Farnham (7e) etMansonville (8e). Le capitaine AsaFrary, qui est maire du canton deSutton et préfet du comté de Brome,commande la 4e com pagnie des volon-taires d’Aber corn; le capitaine JamesFlannery, un carrossier établi àNorth Sutton, qui a été maire deSutton de 1862 à 1866, dirige la 6e com -pagnie de Sutton. En 1870, ces deuxcompa gnies sont toujours actives ausein du 52e bataillon. Celle d’Aber -corn compte 30 soldats et 8 officiers,celle de Sutton 35 soldats et 8 offi ciers.7

Devant la menace fénienne, deshabitants de Dunham, Frelighsburget Sutton se sont aussi regroupés enune milice privée, The Red Sashes,pour défendre leurs maisons etleurs biens sans l’aide et le soutiendes autorités militaires. N’ayant pasd’uniforme particulier, ils se recon-naissent à la bande de tissu rougequ’ils portent de l’épaule gauche àl’aisselle droite, d’où leur nom.

Tous ces hommes, soldats réguliers,miliciens intégrés à l’armée et mili-ciens privés, ont combattu côte à côtelors de l’affrontement du 25 mai 1870qui a mis fin à l’aventure fénienneen territoire canadien.

Le fusil d’infanterie Snider-Enfield avec percuteur à cartouche, dont le chargement se fait par une culasse et non par le canon.

(Collection Ross Jones)

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HISTOIRE QUÉBEC VOLUME 19 NUMÉRO 3 – PAGE 13

Des soldats du régiment VictoriaRifles et du régiment de cavalerieont été dépêchés de Montréal laveille et sont stationnés à Stan -bridge. Durant la nuit, les bataillonsdes milices locales se sontregroupés à Eccles Hill, entre Saint-Armand et Frelighsburg, où déjàdes membres des Red Sashes ontpris position. Ces derniers réussis-sent à contenir les Fenians jusqu’à

l’arrivée des troupes régulières.Effrayés par ce déploiement mili-taire, les Fenians retraversent lafrontière. Les miliciens du 52e batail-lon demeurent en alerte pendantquelques jours après la retraite desenvahisseurs. En témoigne une lettrede Sherman H. Boright, un com-merçant de Sutton, à sa femmeMary Olmstead dont nous citons unlarge extrait en encadré.

Médaille de commémoration à l’effigie dela reine Victoria remise aux miliciens

ayant combattu les Fenians.(Source : Fond d’archives de la société

d’histoire Missisquoi-Stanbridge East-Qc)

En 1902, les vétérans toujoursvivants de cet épisode de l’histoiremilitaire canadienne sont honoréslors d’une cérémonie devant lepalais de justice de Sweetburg(Cowansville). Ils reçoivent unesomme de 100 dollars et unemédaille à l’effigie de la reineVictoria, spécialement créée pourcommémorer les raids des Feniansde 1866-1870.

Cette reconnaissance tardive n’estpas innocente. En effet, le Domi nionbritannique joue la carte patrio tiquedans une tentative pour faireaccepter une guerre colonialeimpopulaire en cours en Afrique duSud, contre les fermiers afrikanersd’origine hollandaise et allemande,les Boers. La guerre des Boersimpli que plusieurs contingentscanadiens et divise politiquementfrancophones et anglophones.Ironie de l’histoire, des unités deguérilla irlandaise de l’IRA (IrishRepublican Army) sont présentesen Afrique du Sud pour luttercontre l’Angleterre.

Frelighsburg May 28th 1870

The war is over & I am still able to write I should have written before but havebeen very busy until the present moment. We were at dinner at Dunham the daywe left Sutton when the news came that the Fenians had crossed the line to attackour friends on their Old Camping ground & before I had done dinner a troopercame from Colonel Smith with orders for the 52nd to hurry up and move down.Ours were the only Co that had arrived at Dunham; therefore we were sent downbut when we were within one mile of line were ordered to Frelighsburg (in themean time the Battle was over) When we arrived at Frelighsburg I was sent on theWhitny road with a small squad to keep a look out on that road about sun down.We heard firing down at the line when it was almost impossible to keep the menfrom going down. We were about two miles away. (It proved to be nothing but aFire to protect a party that went down to the line to get the dead Fenian that fellon this side of the line. They got him and he is buried on this side of the line abouta third of a mile & a big pile of stones over him). About nine O’clock that eveningCapt Hall of Farnham came up and relieved me but not the men.

I went down to the village had supper and went to bed at the same place a littletired & perfectly satisfied that the war was over (at this time our Battallion hadarrived at Frelighsburg) About three O’clock in the morning we were called outand paraded at the flag staff & fifty men were ordered to reinforce ColonelChamberlain at the line.

Capt Cook with myself and lieutenant Mains as subalterns we arrived on theground a little before five O’clock & found the Fenians busted and going towardsSt Albans. The volunteers were all sent back except those that came down in themorning.

In the evening Capt. Frary & Manson Co came down at this line we heard all kindof rumors. Colonel Smith afraid to credit them & took all precautions as if heexpected an attack every moment. We all lay on the ground all night – nearly halfof the men without overcoat they having left everything except their rifles &ammunition at Dunham. The next morning at three O’clock the piquets were allcalled in and all the men were posted behind the rocks mostly out of sight & laythere until seven looking for what I think they will never see. ...

S. N. Boright

Lettre de S.N. Boright à sa femme

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Sources archives et artefacts

1 L’incident le plus sérieux est l’attaque, en 1864, d’une banque de St Albans au Vermont organisée depuis Montréal par plusieurssoldats sudistes. La violation de la frontière américaine entre les villages de Saint-Armand et Frelighsburg ainsi que le laxisme desautorités canadiennes contre les responsables sudistes arrêtés et jugés au Québec, provoquent le courroux de Washington et relan-cent l’idée d’annexer le Canada.

2 Les experts militaires britanniques, sous la direction d’un colonel du génie, John W. Gordon, recommandent la construction deseize fortifications évaluées à neuf millions de dollars canadiens. Ils préconisent aussi la mise sur pied d’un contingent régulier de65 000 soldats britanniques et volontaires canadiens. Le plan prévoit également la construction stratégique du chemin de fer pourpermettre le déploiement rapide des troupes et la mise en place d’un réseau de lignes télégraphiques le long de la frontière pourassurer une communication active de renseignement.

3 Fondée sur le même mouvement d’insurrection existant en Irlande, l’Irish Republican Brotherhood, la confrérie FenianBrotherhood est créée le jour de la Saint Patrick 1858, à New York, par deux nationalistes irlandais, James Stephens et JohnO’Mahony. Le projet initial des clubs irlandais est de rassembler, former et armer des milliers de sympathisants à la causenationale pour retourner libérer l’Irlande du joug britannique. L’insurrection échoue. Le nom Fenian (Fénien en français) adop-té par le mouvement de renouveau nationaliste irlandais en Amérique du Nord, est issu de la racine gaélique Finn qui a aussi étéutilisée pour former le nom du groupe légendaire de chevaliers errants Fianna, au service des rois chrétiens d’Irlande au 3e siècleaprès Jésus-Christ.

4 Parallèlement, en Ontario, le colonel irlandais John O’Neill et quelques centaines d’hommes défont deux régiments de milicienscanadiens mal préparés à Ridgeway et à Fort Érié, avant de retourner aux États-Unis. Au lendemain des attaques féniennes, JohnMacDonald profite de la situation pour faire approuver son projet de Confédération en juillet 1867, afin de mieux renforcer leCanada politiquement et militairement.

5 Le choix de garder la tunique rouge vise à encourager cette intégration en conférant aux milices canadiennes le prestige militairebritannique. Il vise aussi à tromper l’ennemi sur l’origine des troupes en confondant les troupes d’élite de l’Angleterre et celles desvolontaires locaux. La nouvelle tunique rouge de la milice canadienne est agrémentée d’un col et de garnitures aux manches bleufoncé avec des poignets en pointe décorés d’un nœud autrichien en passepoil blanc. Cet uniforme standard sera en vigueur jusqu’àla fin du 19e siècle.

6 Le docteur Henri Le Caron, de sa véritable identité Thomas Billis Beach, est l’un des meilleurs agents britanniques à avoir infiltréles structures irlandaises de New York. Né à Londres, Beach part aux États-Unis pour participer à la guerre civile américaine sousune fausse identité française... bien qu’il ne parle pas un mot de français. À la fin de la guerre, il devient le bras droit du colonelirlandais John O’Neil, tout en servant l’Angleterre.

7 Un registre conservé à la Brome County Historical Society liste les volontaires sous les drapeaux lors des raids fenians de 1870.

Notes

Sociétés d’histoire Missisquoi àStanbridge East, Québec. FeniansRaids Medals 1866-1870, I-66-28.1Brome County Society-Knowlton,Québec. Centre d’archives du Musée McCord- Fonds Boright-Rodger Family. P027.BUSSEAU, Laurent, 2012, Frelighsburgdans la tourmente, Société Histoire etpatrimoine Frelisghsburg, Québec.HEREWARD, Senior. 1991. The LastInvasion of Canada: The Fenian raids1866-1870, Toronto. JACKSON, Kathleen. 1982. Our DavisonLine: Beginnings. A family history,Laconia, New Hampshire. PLEMMONS, Michael, 2009, Fianna,3A publishing, Chigago.TAYLOR, Ernest. 1908. Histoire ducomté de Brome. Vol.1, John Lovelland Sons. Montréal. THOMAS, Cyrus. 1866. Contributionsto the History of the EasternTownships, John Lovell and Sons,Montréal.

Un milicien canadien garde la sépulture temporaire du Fénien John Rowe avant son rapatriement à Burlington au Vermont (É.-U.)