des bâtiments productifs en milieu urbain, est-ce un atout pour des villes plus durable?
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Emmanuelle Le Nezet-‐Creyssels
DEVELOPPER DES BATIMENTS PRODUCTIFS EN VILLE.
UN ATOUT POUR DES VILLES PLUS DURABLES ?
Sous la direction de Benjamin CHAVARDES
Architecture nourricière
Urbanisme durable
Biodiversité
Paysages
Circuits courts
Ecole Nationale d’Architecture de Lyon, 2014
Développer les bâtiments productifs en villes. Un atout pour des villes plus durables ?
Emmanuelle Le Nezet-‐Creyssels FPC M2 – ENSAL 2013/2014 – 2
Pour qu’un jour mes enfants observent les oiseaux depuis nos fenêtres…
Sans oublier celles et ceux qui les gardent pendant que j’écris ces lignes.
MERCI
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INTRODUCTION : ............................................................................................................................................. 6
PARTIE 1: ........................................................................................................................................................... 8
L’AGRICULTURE URBAINE, UTOPIE OU SOLUTION POUR NOS VILLES? ...................................... 8 1: UN SYSTEME AGRICOLE QUI ATTEINT SES LIMITES : ................................................................................... 10 1.1 : DES AGRICULTEURS QUI PEINENT A SURVIVRE: ..................................................................................................... 10 1.2 : L’AGRICULTURE, UNE NUISANCE POUR NOTRE ENVIRONNEMENT: .................................................................... 11 1.3 : COMMENT PEUT-‐ON NOURRIR LA PLANETE DEMAIN: ........................................................................................... 12 2: UNE VILLE DURABLE PEUT-‐ELLE NAITRE DES TERRITOIRES URBAINS DE PLUS EN PLUS VASTES ? .......... 14 2.1 : L’ETALEMENT URBAIN, QUAND LA VILLE GRIGNOTE LE TERRITOIRE : .............................................................. 14 2.2 : L’EVOLUTION DES ESPACES DE NATURE EN MILIEU URBAIN : ............................................................................. 16 L’évolution du paysage en milieu urbain : ............................................................................................................. 16 Le modèle des cités jardins : ........................................................................................................................................ 17 2.3 : CHEMINEMENT VERS UNE VILLE PLUS DURABLE : ................................................................................................. 18 3 : L’AGRICULTURE URBAINE, EN QUOI EST-‐CE PERTINENT DE LIER LA VILLE ET L’AGRICULTURE : ............ 20 3.1 : CONTEXTE ..................................................................................................................................................................... 20 Définition de l’agriculture urbaine ........................................................................................................................... 20 3.2 PERTINENCE DE LIER LA VILLE ET L’AGRICULTURE : .............................................................................................. 22 L’agriculture urbaine comme réponse nourricière : ......................................................................................... 22 L’agriculture urbaine comme outil pédagogique : ............................................................................................. 23 L’agriculture urbaine comme outil d’aménagement : ...................................................................................... 24 L’agriculture urbaine, vectrice de résilience : ...................................................................................................... 28 L’agriculture urbaine pour favoriser la présence de biodiversité urbaine : ........................................... 32
PARTIE 2: ........................................................................................................................................................ 34
PERTINENCE DE POSITIONNER L’AGRICULTURE SUR LE BATI, MISE EN ŒUVRE ET ETUDE DE CAS ............................................................................................................................................................. 34 1 : COMMENT POSITIONNER L’AGRICULTURE SUR LE BATI: ........................................................................... 36 1.1 : DIFFERENTS TYPES DE CULTURE POSSIBLES SUR LES BATIS : ......................................................................... 38 1.2 : COMMENT INVESTIR LES DIFFERENTES ZONES DE CONSTRUCTION : ................................................................. 40 Positionner l’agriculture au pied du bâti : ............................................................................................................. 40 Positionner l’agriculture en façade : ........................................................................................................................ 41 Cultiver les toitures : ....................................................................................................................................................... 44 Intégrer des serres dans le bâti : ............................................................................................................................... 48 Culture à l’intérieur du bâti, sans aucun lien avec la nature : ....................................................................... 51 2: QUELLES SONT LES REPONSES POSSIBLES DU BATIMENT PRODUCTIF ? .................................................... 54 2.1 : EXEMPLE DE BATIMENTS PRODUCTIFS : ................................................................................................................. 55 Des bâtiments productifs pour intégrer les animaux en ville : .................................................................... 55 Des bâtiments productifs pour raccourcir les échanges: ................................................................................ 58 Des bâtiments productifs vecteurs d’insertion : ................................................................................................. 59 2.2 : QUAND L’AGRICULTURE DEVIENT LE MOTEUR DU PROJET DE CONSTRUCTION OU D’AMENAGEMENT : ...... 60 2.2 : A L’ECHELLE GLOBALE, QUAND LA VILLE DEVIENT PRODUCTIVE : ..................................................................... 64 2.3 : QUELQUES LIMITES DE L’AGRICULTURE URBAINE : ............................................................................................... 66
CONCLUSION .................................................................................................................................................. 68
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................... 70
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INTRODUCTION : Cultiver la ville pour qu’elle nous fournisse ce que nous mangeons est aujourd’hui complexe à imaginer. Cela semble même contradictoire. Pourquoi : d’abord par la pollution, également par le manque d’espace disponible, et par la valeur marchande de la terre urbaine. Et pourtant, le sujet est de plus en plus abordé Que ce soit par des citoyens, des architectes, des urbanistes, des travailleurs sociaux… La question de la cohabitation du béton et de la nature est omniprésente. Pour répondre à une urbanisation croissante, à l’augmentation de la population, ou à la volonté de sortir d’une agriculture trop intensive. Il est aujourd’hui nécessaire de repenser la ville dans son ensemble, de transformer nos espaces urbains pour les rendre plus durables, et de trouver une réponse pertinente aux nouveaux impératifs mondiaux que sont la crise énergétique, environnementale et économique. Actuellement, 75% de la population européenne habite en milieu urbain. Ce mode de vie n'est pas sans conséquences, et nous devons réfléchir aux scénarios alimentaires possibles dans les prochaines années. En réponse, nous posons l’hypothèse de l’augmentation des circuits courts qui nécessitera le développement massif d’agriculture urbaine et périurbaine, et nous proposons de réfléchir à une manière pertinente de l’implanter pour qu’elle soit en lien avec nos milieux urbains. Effectivement, la mise en place d’agriculture urbaine dans nos pays développés nécessite de considérer la culture et l’agriculture autrement. Les espaces accueillants sont restreints. La culture devra s’adapter à ces nouveaux sites accueillants. En Europe, et en tenant compte des ressources existantes, est-‐il cohérent de développer ce phénomène ? Globalement, la baisse généralisée des ressources naturelles et la constante dégradation de l’environnement nous amène à réfléchir à de nouvelles manières de nous nourrir.
La mise en place d’agriculture urbaine répond à ces problématiques, même si, de manière massive elle reste de l’ordre de l’utopie. Dans les années 90, une des réponses s’est illustrée par la construction d’éco quartiers ou de quartiers durables. Cette solution s’est avérée pertinente, mais elle n’apporte que des réponses partielles à certains de ces enjeux. Il s’agit aujourd’hui de trouver comment passer du quartier à la ville durable, en intégrant la tendance des politiques urbaines souhaitant mettre en place une ville densifiée, afin de préserver la ressource en territoires agricoles ou naturels. De plus en plus de projets d’agriculture urbaine voient le jour et se positionnent comme une solution nouvelle pour développer des espaces urbains plus durables. Cependant le territoire disponible en milieu urbain reste une denrée rare. La question est de trouver comment lui laisser une place conséquente au sein même de la ville tout en l’économisant. Une réponse est apportée par l’architecte Nicolas Gilsoul, co-‐commissaire de l’exposition, « La ville fertile » à la cité de l’architecture et du patrimoine, où il se pose la question du devenir de la biodiversité. Selon lui, la densification des milieux urbains entrainera l’investissement de toutes les dents creuses par du bâti. Ce qui laissera une place dérisoire à
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la nature en ville, et donc à la biodiversité urbaine. Logiquement, il en vient à se demander si l’architecture ne peut pas elle-‐même devenir support de biodiversité.1 La ville durable, même si ce n’est pas l’intégralité de son fondement, se doit de laisser une place importante au végétal en son sein ; pour respecter notre environnement, stopper l’artificialisation des sols et promouvoir les continuités vertes. Les problématiques nourricières nous incitent plus spécifiquement à utiliser les zones disponibles comme des espaces vivriers afin d’optimiser le territoire. Dans tous les cas, il est nécessaire de penser le développement de l’agriculture urbaine sans entamer le territoire destiné à d’autres fonctions, aux fonctions urbaines. C’est pourquoi, après avoir analysé la pertinence d’intégrer l’agriculture en milieu urbain, nous verrons comment les constructions peuvent prendre la forme de bâtiments productifs et quelle réponse cela peut apporter, en se demandant plus spécifiquement si la généralisation de ce type de dispositifs dans nos villes françaises peut cheminer vers des espaces urbains durables. L’objectif principal de cette étude est de définir si l’agriculture urbaine peut prendre la forme de bâtiments productifs et si ce type de dispositif rendrait nos villes plus durables. Cela permettrait de multiplier les espaces accueillants l’agriculture en milieu urbain, engendrerait un rapport avec des objets architecturaux différents et de nouveaux paysages urbains. A terme, cela modifierait les rapports entre l’homme, le bâti, la ville, la nature et la culture. Ce qui place l’agriculture urbaine au-‐delà d’une réponse nourricière : comme un vecteur de lien entre les citadins et leur nourriture.
1 GILSOUL Nicolas, 2011
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Partie 1: L’agriculture urbaine, utopie ou solution pour nos villes? L’agriculture urbaine peut s’illustrer par la reconquête des liens entre l’homme, la ville, la nature et la nourriture. Cependant, penser l’agriculture ailleurs que dans son milieu accueillant classique suppose des modifications importantes sur les bases et les conceptions agricoles que nous avons. Engendrant par là de nouveaux rapports entre l’homme, la ville, la nature et l’agriculture. A ce jour, malgré la diversification croissante des activités humaines, la production de denrées alimentaires demeure le secteur d’activité le plus répandu sur notre planète, et le nombre d’agriculteurs continue de croître. Près de 43 % de la population active mondiale travaille dans l’agriculture. Et, quand on considère le secteur agroalimentaire, 55 à 60 % de la population active mondiale répond à la nécessité de nous nourrir.
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1: Un système agricole qui atteint ses limites :
1.1 : Des agriculteurs qui peinent à survivre: Au niveau global, le système agricole et alimentaire mondial est complexe et composé d’un ensemble d’activités économiques et d’acteurs qui concourent à la satisfaction des besoins alimentaires humains. A l’intérieur de ce système, plusieurs « stades » d’agriculture trouvent leur place, et correspondent à la façon dont les hommes s’organisent et organisent l’espace afin de produire et de consommer leur nourriture. -‐ Le stade agricole, où l’autoconsommation locale est prédominante. Ce système est très largement répandu dans le monde en particulier dans les campagnes, et notamment dans les pays pauvres. -‐Le stade artisanal, qui consiste en la transformation des produits agricoles et où leur commercialisation prend quelque importance, même si les échanges restent limités et les approvisionnements encore locaux. -‐Le stade agro-‐industriel, où les industries agroalimentaires transformatrices prennent une place croissante jusqu’à jouer un rôle prépondérant dans le pilotage de l’ensemble du système alimentaire. Les approvisionnements deviennent nationaux et internationaux. À ce stade, à peine 30 % en moyenne du prix final des produits alimentaires revient aux producteurs agricoles, 40 % revenant aux industries agroalimentaires. -‐Le stade agro-‐tertiaire, où seulement 10 % du prix final des produits alimentaires revient aux agriculteurs alors que le pilotage du système alimentaire se trouve effectué par les acteurs de la distribution. Actuellement, le système agricole apparaît totalement lié au marché mondial. Il est fragilisé et en danger. Les revenus des agriculteurs fluctuent énormément d’une année sur l’autre. Ces fluctuations freinent les indispensables investissements dans la modernisation et le développement durable de la production. Face à la libéralisation croissante des échanges, promue par l’organisation mondiale du commerce, les petites exploitations ont de grandes difficultés à se maintenir. Et il est nécessaire de trouver des solutions nouvelles pour mettre en place un système agricole plus durable. Les populations agricoles sont devenues marginales dans les campagnes européennes. En France, les agriculteurs représentent désormais moins de 4 % de la population active, mais aussi moins de 10 % de la population des campagnes. Si, dans les espaces ruraux, l’agriculture continue d’occuper, avec les forêts, la plus grande part des superficies, d’autres activités l’emportent, l’activité résidentielle, récréative et touristique, la production industrielle. L’agriculture mondiale est constituée de plus de 1,3 milliards d’exploitations très différentes. A cause de l’existence d’un marché du commerce mondialisé, ces exploitations sont toutes en compétition. Ce qui n’a pas grand sens car la productivité par unité de main d’œuvre varie énormément selon les exploitations, cette compétition pénalise, voire condamne les exploitations qui n’entrent pas dans le productivisme. Le système de marché est aujourd’hui
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indispensable, mais pour conserver une variété de productions, il est nécessaire de l’encadrer et de le moduler avec une politique agricole forte et flexible. Entre 2006 et 2008 les cours d’une majorité de produits agricoles ont doublé, voire plus, avant de retomber rapidement. Ce phénomène rend extrêmement difficile le développement des exploitations agricoles, notamment les plus petites ou les plus fragiles, car ce contexte instable ne permet que peu d’investissements ou de modernisation. Elles peinent à survivre. La politique agricole s’oriente vers de grosses productions et le marché mondial n’encourage pas les autres voies. En Europe et en France, le nombre d’exploitations, et notamment les plus petites, tend à diminuer. Ce qui encourage le commerce des matières premières à l’échelle mondiale. Ceci engendre principalement des problématiques environnementales et nourricières. 2
1.2 : L’agriculture, une nuisance pour notre environnement: L’agriculture productiviste se préoccupe principalement des résultats techniques et économiques et néglige les retombées sociales et environnementales. Elle engendre souvent la généralisation d’un modèle d’exploitations, une moto-‐mécanisation puissante et détruit les paysages agraires pré existants. Elle porte atteinte, de manière plus ou moins grande, à notre environnement. Nous sommes face aux conséquences de ce type d’agriculture. Nous sommes également face aux multiples pollutions que cela a générées. La pollution de l’eau, des sols, de l’air, les phénomènes d’érosion... Plus généralement la mise en danger de la biodiversité et de notre environnement. Il est actuellement nécessaire de freiner, voire de stopper ce fonctionnement afin de maintenir un développement soutenable. Le monde agricole semble avoir pris conscience de la nécessité de respecter l’environnement dans ses pratiques, notamment dans les pays développés. Mais les résultats restent fluctuants. Une amélioration au niveau des intrants chimiques est constatée, mais peu de modifications en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre et l’emploi de pesticides. L’agriculture biologique n’apporte pas de réponse acceptable car elle n’est pas apte à nourrir toute la population. La politique agricole commune (PAC) commence à prendre en compte ces problématiques environnementales. Dans ce contexte, de nouvelles évolutions sont envisagées entre 2014 et 2020 : cette politique au départ essentiellement agricole, a progressivement développé un volet environnemental et un volet rural. Aujourd’hui, « un tournant vert » est nécessaire, mais il ne faut pas oublier la nécessité d’une production alimentaire conséquente. Dans cette lignée, l’élevage est remis en question, trop consommateur de matières premières alimentaires et il génère beaucoup de gaz à effet de serre (18%). Mais pour faire de ce tournant une réelle réponse, il est nécessaire d’investir massivement dans des recherches techniques. Les agricultures écologiquement intensives ou doublement vertes n’en sont qu’à leurs débuts. Pour que l’agriculture continue de répondre à sa fonction première, celle de nous nourrir, il est indispensable de développer ses capacités productives tout en gérant au mieux la durabilité de notre environnement. Il ne s’agit pas d’opposer la gestion de l’environnement de manière durable et l’augmentation de la productivité agricole, mais bel et bien de mener des recherches afin de permettre de lier ces deux entités pour augmenter 2 CHARVET, Jean-‐Paul, 2010
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le rendement, et parallèlement se tourner vers des formes d’agriculture plus durable et meilleures gestionnaires de l’environnement.3
1.3 : Comment peut-‐on nourrir la planète demain: Dans la majeure partie du globe, et, notamment dans les pays peu développés, il se pose la question de la manière dont chacun pourra se nourrir demain. En France et dans la majorité des pays développés cette problématique est moins cruciale. En revanche, la question du coût nourricier et de la qualité alimentaire est réelle. Aujourd’hui, nous sommes face à une agriculture industrielle mondialisée et une spéculation grandissante sur les produits alimentaires de base. Il est cohérent de se demander comment les choses peuvent évoluer afin de trouver des solutions, plus respectueuses, plus pérennes. Car, le futur de l’agriculture est une problématique concernant chaque individu. Depuis les années 70, les superficies des terres cultivées ont augmenté. Depuis une trentaine d’années, la progression est beaucoup plus faible. Les superficies cultivées ont progressé en faveur de pionniers agricoles en Asie du sud-‐est, en Afrique et en Amérique latine, en particulier au Brésil. Elles ont parallèlement reculé en de nombreux endroits de la planète en raison des problèmes environnementaux, sans oublier l’étalement urbain souvent mal contrôlé. La nourriture du terrien moyen était produite sur 0,45 ha en 1960 contre 0,25 ha en 2000. En 2050 il faudra pouvoir survivre sur 0,15 ha. La terre cultivable devient une ressource stratégique. Cette raréfaction et les contextes commerciaux actuels ont développé à l’échelle planétaire la délocalisation de production agricole. Dans ce contexte, il est indispensable de penser une réponse alimentaire plausible. Car, l’urbanisation croissante et l’accroissement démographique constituent, à l’échelle mondiale, une composante majeure de la demande alimentaire et il est nécessaire de trouver un moyen de nourrir la population future (3 milliards de personnes supplémentaires). Nous devons soit modifier nos régimes alimentaires, diminuer l’élevage, en allant vers une alimentation principalement végétarienne. Soit, trouver d’autres systèmes de productions, plus respectueux de l’environnement, tout en restant autant ou plus productifs. Nous parlons de transition nutritionnelle. La question de pénurie alimentaire est mise en avant pour les années à venir, mais dès aujourd’hui, 2 milliards de personnes souffrent de malnutrition. Soit en raison de régimes alimentaires déséquilibrés, soit faute de nourriture suffisante. Il est nécessaire d’amorcer une réponse dès maintenant afin de rendre la sécurité alimentaire de la planète soutenable. La sous nutrition affecte surtout les pays en développement. Mais parallèlement, nous observons l’augmentation de personnes suralimentées. Il s’agit de déficit alimentaire d’ordre qualitatif. La consommation alimentaire des français évolue, le pain et les pommes de terre régressent, les fruits et légumes, les viandes et les produits laitiers augmentent. Cette évolution est à mettre en parallèle avec l’évolution des modes de vie, en particulier l’augmentation de la consommation des produits transformés et préparés par les industries agroalimentaires. L’alimentation des français demeure différente selon les catégories sociales et les niveaux d’éducation. 4 A ce jour, la transition nutritionnelle est en route, mais un grand nombre d’incertitudes demeurent. Dans toutes les hypothèses, il sera nécessaire de trouver un moyen d’organiser 3 CHARVET, Jean-‐Paul, 2010 4 CHARVET, Jean-‐Paul, 2010
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l’approvisionnement des villes qui regroupent désormais plus de la moitié de la population mondiale, et notamment l’approvisionnement des agglomérations urbaines géantes. Plusieurs pistes sont évoquées : possibilité de développer un système agricole encore plus mondialisé ou au contraire de renforcer les circuits courts. Nous partons de l’hypothèse que la transition alimentaire prendra l’image d’un développement agricole au cœur des territoires urbains. C’est une hypothèse qui entre en cohérence avec la pensée de Geneviève Savigny. Agricultrice, ingénieure en agriculture, elle s’est largement investie dans les différents syndicats agricoles au cours de sa carrière. Elle nous donne son point de vue sur le contexte agricole actuel et sur la pertinence de mettre en place un territoire urbain productif. Il est question de produire de la nourriture en ville, au plus près des populations. Voire d’exercer une activité économique. C’est avec l’ensemble de ces valeurs qu’il faut considérer ces projets. Il est tout d’abord nécessaire de rappeler qu’actuellement les agriculteurs ont beaucoup de difficultés à obtenir des revenus corrects. Ce phénomène encourage ces derniers à soutenir le modèle productiviste. Il empêche souvent les agriculteurs de reprendre des exploitations agricoles et il encourage la baisse de la sécurité alimentaire. Face à ces constats, la proposition d'introduire une production alimentaire en ville est pertinente. 5 L’urbanisation qui a été longtemps le fait des pays industrialisés, où 75 % des habitants sont citadins, s’est développée depuis les années 1960 dans les pays du sud. Cette explosion urbaine a été et demeure à l’origine de la transformation des habitudes alimentaires ainsi que d’un accroissement de la demande alimentaire. Ceci alors que l’étalement urbain mange de plus en plus de terres agricoles. En France par exemple, nous assistons à un recul des terres agricoles de 200 ha par jour. Quant aux ceintures maraîchères et fruitières présentes jadis autour des villes, elles ont largement disparu pour laisser place à des approvisionnements plus lointains.
5 SAVIGNY Geneviève, 2011
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2: Une ville durable peut-‐elle naître des territoires urbains de plus en plus vastes ? La ville durable est souvent synonyme de nature en ville. Ce n’est pas forcément le cas. Une ville pour être durable doit disposer d’un environnement de qualité, notamment en ce qui concerne la nature, et être un espace viable de production de richesses. Afin d’apporter une réponse pertinente, des villes ont constitué plusieurs documents d’urbanisme afin de mutualiser leurs objectifs et mettre en place un cadre de vie « durable » à une échelle plus globale. Ces dispositifs entrent souvent dans la composition des « Agendas 21 ». Cependant, la ville durable échappe à une définition et à une formalisation stricte. À l’instar du développement durable dont elle se réclame, la ville durable ne peut être un modèle unique. Elle implique un développement économique respectant les critères du développement durable, elle nécessite l’équité sociale et la qualité environnementale : préservation des ressources et du patrimoine. Elle renvoie donc à la mixité fonctionnelle et sociale, à la question de la densité et à celle de l’étalement urbain.
2.1 : L’étalement urbain, quand la ville grignote le territoire : L’étalement urbain est l’extension urbaine plus rapide que la croissance démographique : la surface consommée par habitant s’accroît, découplant croissance démographique et artificialisation du sol. On parle donc d’étalement urbain quand le processus d’urbanisation conduit à une diminution de la densité des zones urbanisées, du fait du développement de zones d’urbanisation moins denses en périphérie et/ou, parfois, d’une diminution de la population en centre ville. En France, l’étalement urbain se place aujourd’hui sur le devant de la scène. Notamment par sa forte présence au Grenelle de l’environnement. Et par l’annonce à l’issue de celui-‐ci, d’un plan national de lutte contre l’artificialisation des sols. L’augmentation démographique mondiale va nécessairement augmenter les surfaces artificialisées et accroître les besoins en produits agricoles. Sachant que parallèlement les effets du changement climatique entraineront une désertification ou semi-‐désertification de certaines zones urbaines ou agricoles. Face à cela, la lutte contre l’étalement urbain s’affiche comme une priorité et des dispositifs sont mis en avant. Au niveau de l’Union européenne, la stratégie thématique pour l’environnement urbain devrait être suivie d’une directive sur les sols. Plusieurs pays ont déjà mis en place des politiques pour faire face au phénomène de l’étalement. L’Allemagne notamment, qui s’est fixée, en 1997, un objectif de division par dix de la consommation annuelle d’espace naturel ; les Etats-‐Unis, avec le Brownfield program (programme de réhabilitation des friches urbaines et des sols pollués). Les Pays-‐Bas ont institué la politique ABC (Accessibility profile of urban location), favorisant la ville compacte, la densification, la combinaison des politiques de construction et de transport, la localisation dense des activités à fort flux à proximité des transports collectifs. En Grande-‐Bretagne, les Planning Policy Guidance fixent aux autorités locales un cadre global pour augmenter la densité, freiner l’étalement et les commerces en périphérie. Les politiques de maîtrise de l’étalement urbain se conduisent aussi à l’échelon local : plusieurs villes ont obtenu des résultats et certaines ont vu leur densité résidentielle s’accroître entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1990 (Bilbao, Munich). Ces politiques ont généralement utilisé des outils de
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planification du territoire et de l’urbanisme, de préservation de l’agriculture périurbaine, de limitation de la consommation d’espaces naturels et de réhabilitation des friches industrielles. En Europe ce phénomène a pris de l’ampleur à partir des années 1950 et tend à s’accélérer aujourd’hui. Effectivement, durant ces 20 dernières années, l’étalement urbain a été très important en France. Entrainant l’artificialisation d’environ 600 km2 par an, soit quatre fois plus rapide que la croissance démographique, avec des chiffres en constante augmentation. Ce phénomène est quasiment irréversible, et, s’explique en partie car la moitié des nouvelles constructions se font dans des communes de moins de 2000 habitants, souvent peu qualifiées pour gérer les problématiques de croissance urbaine. Ce qui a pour conséquence immédiate des problèmes d’imperméabilisation des sols, mais également des problématiques sociales, économiques et environnementales. D’un point de vue économique, notamment agricole, l’étalement urbain et la construction des zones périurbaines concurrencent la production, en générant inévitablement une diminution des zones agricoles périurbaines et /ou urbaines, un morcellement et une instabilité à long terme des espaces agricoles les plus productifs et les plus proches des centres de consommation. L’étalement urbain met en cause la possibilité de développer des circuits courts. Du point de vue environnemental, les conséquences sont nombreuses et malheureusement irréversibles. L’extension urbaine et plus spécifiquement l’étalement urbain, entraine une diminution des espaces naturels, et une atteinte à la biodiversité. Notamment en ayant des effets de coupure et de fragmentation des corridors écologiques ou en les diminuant. Ce qui entraîne également un mitage du paysage, l’imperméabilisation des sols avec pour conséquence l’accroissement des risques d’inondation, des nappes phréatiques qui peinent à se remplir et qui se polluent, un lessivage brutal des particules de pollution déposées sur ces sols imperméabilisés. Certains assimilent à tort la maîtrise de l’étalement urbain et la densification, à la disparition des espaces verts et à la multiplication de grands ensembles de logements. Pourtant, les quartiers de tours ne sont pas toujours les plus denses. La maîtrise de l’étalement urbain ne se positionne pas contre le développement de toutes les typologies d’habitats. En revanche ces nouveaux bâtis doivent être correctement placés. En matière de développement durable, l’étalement urbain va à l’encontre de la majorité des principes de celui-‐ci. Effectivement, le développement d’une ville durable préconise d’éviter les irréversibilités, de découpler la croissance économique des ressources naturelles, matières premières et facteurs de production employés, et de payer les coûts réels. Or, l’étalement urbain s’affiche en opposition à ces trois principes. Notamment celui d’éviter les irréversibilités, car les sols artificialisés sont rarement reconquis en tant qu’espaces verts et constituent en ce sens un legs négatif pour les générations futures. 6
6 SAINTENY Guillaume, 2008
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2.2 : L’évolution des espaces de nature en milieu urbain :
L’évolution du paysage en milieu urbain : A l’antiquité, les jardins étaient principalement utilisés comme des espaces cultivés. Ils étaient idéalisés, assimilés à des espaces paradisiaques. Au 12ieme siècle, les architectes commencent à mettre en scène le paysage. Et c’est au moment de la révolution industrielle, avec la densification des villes et la hausse de la pollution dans celles-‐ci qu’est apparu le besoin de nature au cœur des villes et que sont nés les premiers parcs urbains et les avenues arborées. Longtemps, les espaces verts hérités des parcs et jardins présents dès l’Antiquité dans les villes européennes, ont été réservés à la royauté et à l’aristocratie. La notion de nature accessible au peuple apparaît en Europe dès la seconde moitié du 19ème siècle. Ce qui a amené les paysagistes à commencer à façonner la ville. Mais la réelle prise en compte du paysage a eu lieu en France à partir de la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, c’est une nécessité écologique de laisser une plus grande place à la nature en ville. Et de relier la ville à la campagne proche par des liaisons et des corridors verts. 7
Le thème du paysage en ville, ou du moins lié à la ville est apparu au 20ieme siècle et se place aujourd’hui comme une des composantes centrales de l’aménagement urbain. Cette question a été amorcée au début du siècle par Eugène Hénard, urbaniste à l’origine de la création des parcs urbains à Paris. Nous pouvons également considérer comme précurseur la ceinture verte proposée pour l’aménagement du Grand Londres par Patrick Abercrombie dès 1943. Suite au Grenelle de l’environnement, les formes spatiales du vert en ville sont largement déclinées en Europe en anneau vert, coulée verte et plus récemment en rayon vert animant une trame verte en France. Mais à ce jour, les projets réalisés restent anecdotiques. Les
7 AUDOUY, Michel, PENA, Michel, 2011
Antiquité 17ieme s.
1415
Révolution industrielle19 ième s.
Aujourd’hui
jardins, paradisjardins cultivésjardins idéalisés
Naissance du terme paysage en Europe
1716
Saint Petersbourg met en place son premier plan
d’urbanisme. C’est la première organisation
urbaine fortement in!uencée par le végétal.
1945, Après la 2nde GM
Dans le sillage de la charte d’Athènes.
1917
Tony Garnier met en place sa citée industrielle où les
espaces verts trouvent une place importante.
Gilles Clément dans le jardin planétaire
«Ensembles, nous décidons que la terre est un seul et
même petit jardin»
Amorce de mise en scène du paysage par
les architectes
La ville plus dense et l’arrivée de plus de pollution amorce la
mise en place de nature en ville. Début des parcs urbain et
des avenues arborées
Les paysagistes façonnent la ville
On crée des parc publics et des avenues arborées. La ville
Haussmanienne fait entrer l’air et le soleil.
Aujourd’hui, c’est encore très structurant à Paris
Nécessité écologique de développer plus de nature
en ville
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anneaux, les coulées et les rayons verts s’épanouissent principalement sur les documents de planification urbaine. Dans le cadre de cette volonté de positionner plus d’espaces de nature en milieu urbain, il est intéressant de se remémorer le modèle des cités jardins.
Le modèle des cités jardins : L’anglais Ebenezer Howard autour de 1900 a travaillé à l’aménagement de villes nouvelles. Il propose d’organiser la ville sur le polycentrisme plutôt que sur l’étalement. Une ville centre d’environ 60 000 habitants, puis des villes satellite d’environ 30 000 habitants. Toutes extrêmement bien reliées. Chacune conçue selon sa vision de la cité-‐jardin. Dans l’idéal une cité-‐jardin devait pouvoir accueillir de 30 000 à 50 000 habitants en autosuffisance. Le plan était circulaire. Autour, s’articulaient du centre vers la périphérie, différents quartiers dotés de différentes fonctions. Au centre, principalement les bâtiments publics. Cette zone centrale était fermée par une trame commerciale couverte. Une série de boulevards desservait les quartiers d’habitation. Les limites de la ville étaient définies par la présence d’industries le long d’une voie ferrée. Au-‐delà, une ceinture verte de champs et de fermes fournissait l’approvisionnement en produits agricoles et limitait la zone d’extension urbaine, évitant ainsi que les cités ne se rejoignent par un effet de débordement. L’expansion urbaine était ainsi contrôlée et planifiée. A une échelle plus importante, il était prévu de raccorder les cités jardins à la ville centre par des radiales ferroviaires et de les relier entre elles par un anneau ferroviaire. Ce schéma polycentrisme contient les concepts qui ont guidé et qui guident encore la planification de nombreuses villes.8 Ce principe permet la maîtrise publique du foncier, le maintien de la ceinture agricole à proximité de toute la ville et la présence d’équipements de proximité pour tous du fait de la poly centralité. Ebenezer Howard a mis en application ces principes dès 1903 en réalisant la cité-‐jardin de Letchworth, à 60km au Nord de Londres. Ces idées seront également reprises après guerre dans le développement du Grand Londres ainsi que dans la réalisation de villes nouvelles autour de Paris ou de Lille. Depuis, on qualifie souvent de « cités jardins » par erreur les espaces urbains qui marient ville et nature.
8 LE GOIX, Renaud, VEYRET, Yvette, 2011
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2.3 : Cheminement vers une ville plus durable : Le terme « ville durable » est utilisé en français. Dans les autres langues, nous parlons de ville soutenable, ou de résilience. Ce terme a l’avantage de mettre en exergue la notion de durabilité et replace la résilience dans la durée. Cette approche devrait être présente dans la manière de concevoir le renouvellement urbain. Un renouvellement, une résilience qui prend en compte le passé et le devenir de nos villes. Dans ce contexte, le durable ne peut pas se limiter à l’approche de la nature en ville ni à l’impact de l’urbanisation sur les équilibres naturels. La ville durable n’est pas seulement une ville écologiquement viable, mais une ville où le développement humain, urbain et écologique s’équilibrent. Un territoire où l’habitabilité urbaine est cohérente. Au cours de l’histoire, nos territoires urbains n’ont cessé de gagner en qualité de vie. Les améliorations sont considérables entre la ville médiévale et la ville contemporaine. Le XIXe siècle est marqué par l’hygiénisme, les utopies sociales et urbaines, et, constitue un tournant majeur. L’urbanisme moderne, fonctionnaliste, est apparu avec le mouvement moderne mené principalement par les architectes Gropius et Le Corbusier. Il a été illustré en 1933 par la Charte d’Athènes. Celle-‐ci prône des directives éloignées de la conception de la ville durable d’aujourd’hui. La Charte d’Athènes met en avant le principe de la table rase. Les constructions comme la ville n’ont pas à être intégrées au cadre territorial, au paysage. Alors que la ville durable se doit d’associer passé et futur, de prendre en compte l’existant dans les projets urbains et architecturaux et d’insérer le bâti dans son environnement ; la Charte d’Athènes, elle, propose des bâtiments adaptables dans tous les territoires. La ville durable propose de généraliser la mixité fonctionnelle afin de réduire les déplacements, tandis que la Charte d’Athènes prône le zonage et la séparation des fonctions. La ville durable favorise les modes de circulation doux et propose la juxtaposition des modes de déplacements contrairement au modernisme qui préconise leur séparation. La Charte d’Athènes pense que, l’urbanisme ne peut être que le fait de ceux qui savent rationaliser la ville, alors que la ville durable s’appuie sur une urbanisation participative, prenant en compte les souhaits des habitants. En Europe, jusqu’à la fin du XXème siècle, le territoire urbain était considéré comme antinature, comme artificiel, et son investissement par les habitants, comme une dégradation. Il faut attendre la fin de cette période pour que la question du développement durable soit posée dans le développement de la ville. En 1994, l’union européenne a adopté la « charte d’Aalborg », initiant la mise en place d’ « Agenda 21 » locaux, selon les principes définis à Rio en 1992. Les villes signataires s’engagent à établir les « Agendas 21 » en suivant un certain nombre d’orientations et de principes. C’est un acte volontaire de la part des communes, mettant en exergue la volonté des collectivités locales de prendre en compte le développement durable de leur territoire. Ce sont elles qui proposent les différents dispositifs économiques, sociaux et environnementaux, et qui surveillent le processus de planification. Elles définissent ce qu’elles souhaitent mettre en place afin de permettre le développement durable et viable de leurs territoires pour une quinzaine d’années, dans l’optique d’en proposer une gestion plus économe, plus équitable, plus intégrée. C’est un projet mené sur une démarche participative. Le Grenelle de l’environnement, quant à lui, insiste sur la nécessaire
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reconquête des centres villes souvent en déclin, la construction d’éco quartiers, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre d’indicateurs destinés à mesurer le recul des espaces agricoles et naturels en périphérie urbaine. Les propositions de Le Corbusier tel que le « Plan Voisin » n’ont jamais pu voir le jour. Elles étaient l’illustration parfaite de sa pensée, et semblaient permettre un avancement pour les territoires urbains. Aujourd'hui, les conditions urbaines sont très différentes et la notion environnementale, s’affiche comme la priorité. Ces systèmes sont radicalement opposés, mais s’inscrivent tous les deux à leur manière dans la ville durable. Ils prennent en compte les conditions d’un territoire afin d’y répondre de manière cohérente. L’organisation spatiale et politique des villes évolue, et est de plus en plus fondée sur des principes de densification, de mobilités douces, avec un travail important sur l’articulation des échelles. Il s’agit aujourd’hui de développer la poly centralité et la mixité des fonctions urbaines. Mais la tâche est complexe car nous sommes confrontés à une multiplication des acteurs qui peuvent agir en faveur du développement durable. Par exemple, les communes conservent des compétences liées à la proximité, et l’intercommunalité traite du développement économique et des transports, tandis que les syndicats mixtes élaborent les schémas de cohérence territoriale et se voient confier la planification territoriale. Les communes conservent avec le PLU des prérogatives puissantes en matière de droit du sol. Mais une planification efficace vers un développement plus durable implique la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Les objectifs principaux sont les suivants : l’équilibre entre espaces urbains et zones rurales, la mixité sociale, le choix de la ville compacte. A ce jour, la ville durable doit également contribuer au renouvellement des ressources naturelles alentour, au fonctionnement des écosystèmes, ainsi qu’aux grands équilibres régionaux et planétaires indispensables au développement durable, dans le but de préserver les capacités de vie et les potentialités de choix des générations futures.9
9 LE GOIX, Renaud, VEYRET, Yvette, 2011
19901992
19961994 1997
La charte d’Aalborg émane de la première conférence européenne sur les villes durables
organisée au Danemark sous l’égide de la commission européenne, de l’ICLEI et des
associations de villes et de gouvernements locaux.
Elle marque l’engagement des signataires en faveur de l’établissement d’un programme
stratégique local à long terme pour le 20eme siècle (Agenda 21)
Remise du premier rapport «villes durables européennes» à la commission européenne qui
lance le projet Urbain
La commission européenne publie «la
question urbaine, orientation pour débat
européen»
Publication du livre vert sur l’environnement urbain qui amorce le passage de la «ville écologique à la ville durable»
Un groupe d’experts crée par le conseil européen lance pour trois ans le projet «villes durables» pour promouvoir la durabilité dans les aggloméra-tions européenne
Un groupe d’experts crée par le conseil européen lance pour trois ans le projet «villes durables» pour promouvoir la durabilité dans les agglomérations européenne
2eme conférence européenne des villes durables à Lisbonne.Le plan d’action de Lisbonnes «de la charte à l’action» issu de cette conférence àa pour but la
mise en place concrète de la charte d’Aalborg
1998
Quatre conférences régionales permettent de préparer la conférence europénne de
Hanovre (2000)1998: conférence en Finlande et
en Bulgarie1999: Conférence en Espagne et
aux Pays-bas
1991
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3 : L’agriculture urbaine, en quoi est-‐ce pertinent de lier la ville et l’agriculture :
3.1 : Contexte L’agriculture urbaine a toujours existé. Nous savons par exemple qu’elle était déjà présente au moyen âge. En revanche, aujourd’hui elle revêt une fonction différente qui lui permettra peut être de prendre une dimension beaucoup plus importante. Cette fonction est à ce jour très différente selon les différents pays accueillants. Dans les pays en développement, son rôle est principalement économique et alimentaire. Elle devient même un des uniques moyens de subsistance pour les citadins démunis. Quant aux pays développés, elle affiche plutôt une fonction de loisirs, d’échanges, de rencontres… En conservant une fonction nourricière. Historiquement ces zones agraires ont trouvé leur place comme un espace «ceinture» afin de nourrir la zone urbaine voisine. Aujourd’hui, cet emplacement « ceinture » tend à être réinvesti afin de stopper l’urbanisation. On peut également remarquer les jardins ouvriers, dispositifs fréquents depuis de longues années au cœur de nos espaces urbains. Ils ont toujours eu plusieurs rôles à la fois, celui d’espace vivrier, mais également d’espace de rencontres, d’espaces verts…
Définition de l’agriculture urbaine L’agriculture urbaine englobe les formes variées d’agriculture localisée en ville ou en périphérie des villes. Les produits agricoles et les services annexes qu’elle fournit sont en majeure partie à destination des villes dont elle utilise des ressources (foncières, de main d’œuvre, d’eau, de capital etc.) en concurrence mais aussi en complémentarité avec des usages urbains. Le terme définit le fait que cette agriculture existe pour et avec la ville. L’agriculture « urbaine » est très diversifiée dans ses formes entre pays, villes et contextes. Elle peut par exemple occuper des champs périurbains, avec des systèmes de production variés, s’infiltrer dans des interstices urbains, sur le bâti. Une caractéristique omniprésente est sa multifonctionnalité. Elle a toujours une vocation nourricière, mais également souvent productrice de fonctions économiques et sociales pour la ville, par la mise en place de nouveaux circuits courts et les emplois générés, les liens sociaux qu’elle peut tisser voire parfois des dispositifs de réinsertion sociale. Elle revêt également des fonctions environnementales, par la mise en place de corridors verts et d’action sur les sols. Pour finir, elle peut jouer un rôle paysager et de cadre de vie. Dans les pays du nord, on lui voue également une fonction pédagogique et ludique. Cette fonction est très importante et justifie souvent sa présence car il semblerait que nous ayons un besoin de nous reconnecter avec l’alimentaire, avec la nature, la terre.10 L’agriculture urbaine revêt ces différentes images, mais nous avons peu de retours argumentés sur sa présence. Car peu de structures forment des professionnels compétents 10AUBRY, Christine, 2013
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pouvant fournir des études et des recherches fiables. Les projets d’agriculture urbaine sont principalement menés par des non agronomes, par des architectes, des urbanistes ou des travailleurs sociaux. La seule formation en France aujourd’hui est dispensée par AgroParisTech. Elle s’intitule, « ingénierie des espaces végétalisés en ville, spécialisée en agriculture urbaine ». Afin d’avoir des retours plus globaux et de favoriser la mise en place pertinente d’agriculture dans nos villes, il est nécessaire de réviser les concepts et les méthodes classiquement utilisés dans la recherche agricole. Inversement, la conception de la durabilité des systèmes urbains peut s’enrichir de la prise en compte des dynamiques agricoles.11
11 MARGETIC Christine, TOUSSAINT-‐SOULARD Christophe, VALETTE Elodie, 2011
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3.2 Pertinence de lier la ville et l’agriculture : L’avantage de développer l’agriculture urbaine est notamment d’accroître les surfaces potentiellement cultivables, de cultiver à proximité des zones d’habitat, d’activités…des zones de vie, et de créer un lien entre l’urbain et l’agricole qui tend à disparaître. La mise en place d’agriculture peut également œuvrer à la restauration des sols urbains dégradés, grâce aux amendements et à l’ajout de compost. Et permettre d’augmenter la pollinisation tout en fixant le carbone grâce à la présence végétale. La mise en place de ce type d’agriculture permettra également de lutter contre l’uniformisation engendrée par les grandes cultures industrielles. Elle aidera au maintien et à la conservation des variétés ancestrales menacées ou déjà disparues. Elle permettra à certaines populations de s’auto suffire ou de pallier à un manque de nourriture. Elle favorisera le lien social entre habitants d’un même quartier en permettant la participation des riverains et du voisinage. Selon Chris Younès, philosophe, professeur d’architecture et responsable d’un laboratoire de recherche, les milieux habités sont définis par un équilibre entre zones urbaines et zones agraires. Ce qui permet d’investir un environnement « habitable ». Auparavant, la ferme était uniquement dédiée aux environnements ruraux. Mais, les modifications de notre manière de vivre et de notre environnement engendrent la renaissance de l’agriculture urbaine. Aujourd’hui, la FAO (l’organisation des nations unis pour l’alimentation et l’agriculture) prône ce type de dispositifs pour pallier la perte des terres agricoles et répondre à la nécessaire sécurité alimentaire. L’agriculture urbaine commence par le développement de jardins individuels ou collectifs mais peut également explorer d’autres typologies comme l’agriculture verticale. Il s'agit d'imaginer des possibles entre les dynamiques de la culture et de la nature par la mise en œuvre de synergies d'un autre type. En ce sens, les accords entre agriculture et milieu urbain sont des plus significatifs.12 La mise en place, même massive, de territoires urbains productifs n’attend pas une réponse uniquement nourricière, mais le dépassement du clivage urbain/rural afin d’intégrer dans un ensemble cohérent les différents types de territoires, sans toutefois créer un territoire urbain qui n’aurait plus besoin du rural. 13
L’agriculture urbaine comme réponse nourricière : Manger c’est faire le lien entre notre corps et notre environnement. Dans les pays en développement la fonction nourricière est prépondérante. Elle apporte une réponse indispensable pour les produits frais et périssables, dont le transport depuis des zones plus rurales est très complexe. La contribution nourricière de ces territoires urbains en développement est considérable et trouve sa place sous différentes formes : intra et péri-‐urbaines, d’autoproduction ou de productions commerciales. Le développement de l’agriculture au cœur des villes permet de continuer à répondre à la demande de nourriture malgré la disparition de certaines zones agraires péri-‐urbaines. Des études ont montré que les producteurs agricoles urbains seraient plus résistants aux fluctuations du prix des 12 YOUNES Chris, 2010 13 BAUDOUIN Thierry, 2010
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denrées alimentaires, et, que les productions de l’agriculture urbaine peuvent être complémentaires dans le temps. Cette fonction alimentaire de l’agriculture urbaine est moins significative dans les pays du nord, du fait de l’internationalisation forte des marchés, y compris pour les produits frais. On constate cependant dans tous les pays industrialisés un regain d’intérêt des consommateurs pour des circuits courts d’approvisionnement alimentaire, même s’ils sont aujourd’hui très diversifiés. Elle utilise le biais nourricier pour combler d’autres attentes. C’est ce qui se passe avec les formes suivantes plutôt innovantes de transformation des espaces verts urbains en espaces vivriers dans la lignée du mouvement des « Incredible Edible » (Incroyables comestibles) qui a vu le jour ces dernières années à Todmorden en Angleterre. Le principe consiste à planter tout végétal comestible en libre service dans les interstices verts urbains, des pieds d’arbres aux plates-‐bandes des édifices publics, en passant par l’éventuel désalphatage de trottoirs. Ce qui donne naissance à des espaces vivriers, mais surtout des espaces d’échanges et de liens sociaux.14
L’agriculture urbaine comme outil pédagogique : Plusieurs dispositifs pédagogiques permettent de sensibiliser les urbains à la nature. Car, afin d’être pérenne, il est nécessaire d’expliquer la gestion écologique aux usagers. Les jardins et les espaces verts sont des espaces pédagogiques pertinents. Le développement d’un territoire urbain productif créera un lien fort entre les urbains et les dispositifs de productions alimentaires. C’est également un moyen de fournir aux scientifiques de nombreuses données sur la biodiversité au cœur des différents territoires. Ce rôle pédagogique permet de pallier l’absence de lien entre l’homme, la nature et la nourriture. Lien qui auparavant se faisait naturellement par la filiation : les urbains avaient souvent un membre de leur famille dans des territoires ruraux et plus spécifiquement au cœur d’exploitations agricoles. Cette filiation entraînait un respect pour la culture de la terre et pour l'élevage, ainsi qu’une connaissance des produits, de la nourriture. Ce qui est une véritable lacune chez de nombreux jeunes urbains aujourd’hui. Cette fonction pédagogique permettra une plus grande connaissance des cultures par l’homme et la diminution du gaspillage de la nourriture, car selon Nicolas Vannier, « on protège et on ne gaspille pas ce que l’on a produit et ce que l’on a vu grandir ».15 A ce jour, il est opportun de rappeler qu’environ le tiers de la production agricole mondiale est perdue ou gaspillée ; aux Etats-‐Unis, près de 40 % des quantités d’aliments disponibles sont jetés.16 L’introduction de l’agriculture urbaine permettrait par cette fonction pédagogique de revaloriser les aliments. Ce qui mettrait en avant la saisonnalité, la différence entre des produits cueillis à maturité ou non, ainsi que des produits locaux. Ces éléments revaloriseraient la profession d'agriculteur, aujourd’hui en déclin en France, alors qu’ils nous
14 AUBRY, Christine, 2013 15 VANIER Nicolas, 2010 16 CHARVET, Jean-‐Paul, 2010
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fournissent, par leur travail, la nourriture, élément indispensable à notre survie. 17
L’agriculture urbaine comme outil d’aménagement : L’agriculture en milieu urbain génère souvent un aménagement du territoire spécifique. Sa multiplication accentuera ce phénomène. Par exemple, les jardins partagés de New-‐York sont apparus dans un contexte particulier. En 1970, la ville connaît une crise financière et urbaine. Au départ certains Newyorkais brûlaient volontairement leurs maisons afin de ne plus payer d’impôts et touchaient des primes d’assurances. Les terrains devenaient alors propriété des banques ou de l’état, et de nombreuses friches sont apparues au cœur de New York. L’artiste Liz Christie a alors commencé à fleurir ces zones en lançant des bombes d’argiles remplies de graines. Peu à peu les populations ont souhaité récupérer de la nourriture et ce fut la naissance de jardins partagés vivriers. Aujourd’hui, ces nombreux jardins (environ 600) toujours existants créent des espaces de respiration nécessaires au cœur d’un territoire urbanisé très dense.18 En Europe, les jardins ouvriers ainsi que la majorité des espaces verts publics au coeur de la ville sont nés lors de l’industrialisation pour permettre à l’homme de conserver un lien avec la nature, de pallier la pollution et d’obtenir une aide économique par sa propre production. Dernièrement de nouveaux rapports hommes / nature sont apparus, avec l’absence de filiation agricole, ainsi qu’un rapport très différent à l’écologie, à la nourriture et à l’habitat. L’investissement des milieux urbains par des zones de productions permettra de redéfinir un lien fort entre l’homme et la nature tout en créant de nouveaux paysages. Aujourd’hui, ce type de dispositifs reste anecdotique en tant que bassins nourriciers conséquents, mais leur multiplication leurs donnerait un poids supplémentaire. Cependant, le territoire urbain vierge disponible manque pour mener à bien ce type d’actions. C’est pourquoi nous prônons d’utiliser les espaces verts aujourd’hui paysagés pour devenir des espaces vivriers, ou la mise en place d’un territoire multifonctionnel, en investissant massivement le bâti existant et à venir. Car l’agriculture peut également jouer un rôle de paysage. Le fait de l’intégrer au coeur même des villes permettra non seulement d’offrir une architecture et un urbanisme productif, mais également aux urbains de se retrouver au coeur d’éléments naturels et d’être plus régulièrement en présence de paysages agricoles, de paysages agricoles urbains. Cependant, cela nous rappelle le processus d’urbanisation des banlieues américaines qui afin de permettre aux habitants d’avoir un contact plus important avec la nature, a créé des étendues de zones pavillonnaires, qui grignotent de l’espace agricole, ce qui va à l’encontre de la ville durable. Le développement massif de l’agriculture urbaine dans cette étude doit être un outil pour repenser l’architecture et la ville dans une logique de durabilité, sans uniquement créer une image de la nature en ville.
Exemple de la ville de Lille : La ville de Lille souhaite utiliser les espaces verts afin d’aménager son territoire. Il est donc envisageable de proposer l’optimisation de ces espaces verts positionnés logiquement sur le
17 VANIER Nicolas, 2010 18 Basset Fréderic, Baudelet Laurence, Le Roy Alice, 2008
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territoire, en les remplaçant peu à peu par des espaces vivriers. Ce qui serait totalement cohérent avec un territoire aux problématiques sociales importantes. Lille souhaite pallier l’étalement urbain et créer une ville dense qualitative. Aujourd’hui marquée par son héritage industriel, elle a besoin de définir de nouvelles orientations, rapidement, et c’est sur la culture et le durable que la ville souhaite appuyer sa résilience. Les orientations du schéma directeur prônent le renouvellement urbain en régénérant les anciens quartiers industriels à travers une approche transversale et durable, associant emploi, qualité urbaine, amélioration de l’habitat et de l’environnement, tout en limitant le développement de l’habitat périurbain. C’est le concept de ville intense et compacte qui est affirmé, reposant sur plus de mixité fonctionnelle et sociale. Dans ce cadre, la biodiversité constitue un enjeu local, les espaces verts sont entretenus en gestion différenciée et mettent en place des corridors écologiques intégrés au projet urbain de Lille Sud. Dans l’ensemble du territoire la gestion optimisée des espaces verts est mise en place, tout en les liant entre eux notamment grâce à un maillage doux cohérent et un maillage collectif optimal. Ces éléments permettent de rendre la ville dense et compacte plausible, et place Lille comme un territoire capable d’accueillir massivement de l’agriculture en son sein.19 A ce jour, il existe déjà au cœur du quartier d’Euralille la ferme pédagogique Marcel Dhenin. Celle ci permet à tous la découverte des animaux de la ferme, et plus particulièrement de races régionales de bovins, ovins, volailles... Elle propose de nombreuses animations destinées à un large public, dans un souci de sensibilisation au patrimoine régional, tant au niveau des végétaux que des espèces animales. Elle travaille en collaboration avec les écoles locales afin de sensibiliser le jeune public à l’agriculture. Et s’adresse également aux particuliers qui souhaitent se promener au cœur du parc et voir des animaux. A deux pas de la gare de Lille Europe et de la rocade, à proximité immédiate du centre ville Lillois. L’agence d’architectes SOA propose d’aller plus loin et d’investir la totalité du parc des Dondaines, emplacement de la ferme actuelle. Ce projet aujourd’hui reste utopique, mais il pourrait voir le jour dans les années à venir. Il positionne l’agriculture comme point de convergence de la culture, de la pédagogie… Et également comme pont pour traverser une frontière créée par la rocade.
19 LE GOIX, Renaud, VEYRET, Yvette, 2011
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A ce jour, le parc des Dondaines cumule, superpose et croise différents usages, différents publics et différentes vocations. Il s’agit de proposer la mise en place d’une forme simple, facile à appréhender et pratique à l'usage, tout en étant très éloignée de la serre agricole classique. La serre a une vocation didactique et met en scène différents types de culture en terre ou hors sol. L’espace propose également un la vente des produits poussés sur place, ainsi qu’un bar/restaurant. Une halle de marché trouve également sa place et doit être en mesure d’accueillir d’autres événements que la vente. Il s’agit de mettre en place un espace mixte et polyvalent. Tous les publics peuvent observer les processus de culture au cœur d’un espace culturel, de consommation, de rencontres et d’échanges. La ferme en elle-‐même s'inscrit dans un bâtiment vertical composé de l'accueil du public, des locaux administratifs, des locaux pédagogiques, d'une basse-‐cour et d'un poulailler, d'un logement, d'une ascension et son belvédère. Son implantation, sa hauteur et sa forme en font un bâtiment signal à l'échelle du parc traduisant une réinterprétation de la ferme traditionnelle dont elle s'inspire. Surplombant le périphérique, la ferme se compose de volumes superposés, de mouvements de sol et de différences de niveau. Elle se signale depuis la ville et elle intrigue depuis le périphérique. Sa position en surplomb fédère et accompagne les autres bâtiments animaliers dispersés sur le site. Le bâtiment se développe sur 4 niveaux et s'achève par une plateforme. Depuis l'étable, le cheminement s'enroule autour du bâtiment et mène jusqu'au point culminant : le belvédère. 20
20 Laboratoire d’urbanisme agricole
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La ville de Berlin, s’est également beaucoup constituée autour de parcs, comme le Tiergarten qui permet de lier les différents quartiers. Certains espaces comme le « Jardin des Princesse » ont commencé à cultiver l’espace vert public. L’intérêt réside dans la position centrale du site : les berlinois sont au cœur d’un espace cultivé et retrouvent un lien, un contact, un regard avec leur nourriture. Et dans la diversité des cultures en lien avec les urbains. C’est un espace qui prône une nouvelle manière de vivre en intégrant massivement le recyclage et l’autosuffisance alimentaire. Le site récupère ce que les habitants considèrent comme des ordures afin de les recycler et de leur donner une nouvelle vie. Dans cet espace, presque tout provient du recyclage, et presque tout trouve un moyen d’être recyclé. Le restaurant sert des plats rapides végétariens cuisinés majoritairement à partir des produits qui poussent dans le jardin adjacent. Cependant, la production reste aujourd’hui anecdotique et la véritable vocation est de concevoir un espace agricole comme un espace public afin d’aller dans le sens de la préservation et l’intégration de ce type de lieu au système urbain. Il contribue à redéfinir localement la nature du lien ville-‐agriculture.21
Parallèlement, Augustin Rosensthiehl, co-‐fondateur de l’agence d’architecte SOA et membre du laboratoire d’urbanisme agricole pose la question de la transformation des espaces publics paysagers en espaces vivriers. Pour lui, ce type de dispositif ne représente pas forcément de surcoûts.
21 BERROU, Jean-‐Hugues, 2013
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L’agriculture urbaine, vectrice de résilience : Depuis longtemps, l’agriculture urbaine contribue très largement à l’alimentation des villes dans les pays en développement. Suite aux différentes crises économiques et à la paupérisation urbaine dans les pays développés, l’agriculture urbaine peut y apporter une réponse pertinente. Notamment par la multiplication des circuits courts et à travers une multitude de formes dont les conquêtes du bâti urbain. Le développement de villes plus productives peut contribuer à plus de sécurité alimentaire face à l’évolution démographique, peut accompagner les transitions alimentaires, et permettre aux villes de s’adapter aux changements climatiques en réduisant l’empreinte écologique urbaine.22 De nombreux dispositifs liés à l’agriculture, particulièrement à petite échelle, la positionnent comme vecteur de liens sociaux, d’échanges entre différentes populations qui participent aux travaux agricoles, et d’insertion pour des publics parfois marginalisés. Le cheminement vers plus d’agriculture peut amener au cœur des villes un nouveau vivier d’emplois, de nouveaux dispositifs d’insertion et économiques permettant aux villes d’acquérir de nouvelles compétences. Ceci s’illustre avec l’exemple de la ville de Détroit où la mise en place d’agriculture urbaine permet à la ville de ne pas sombrer totalement. Détroit est le berceau de l’industrie automobile américaine. Depuis la seconde guerre mondiale, cette industrie est en fort déclin. La désindustrialisation a commencé dans les années 50. Les industries ont peu à peu rejoint la banlieue et le centre s’est progressivement désertifié. La crise industrielle de 2008 a anéanti ce territoire. Aujourd’hui, le centre ville est un désert d’emploi, (taux de chômage de 29% en moyenne allant jusqu’à 50% dans certains quartiers), c’est également un espace abandonné par les transports en commun : la gare « Michigan Central Station » a été abandonnée totalement depuis 1988, et laisse ce territoire urbain sans gare ni train de banlieue, totalement soumis à des déplacements via l’automobile. Parallèlement, c’est également un désert alimentaire car il n’y a presque aucune proposition de vente de produits frais. Toutefois, la transition vers une ville plus productive s’est amorcée à la fin du 19ieme siècle avec son maire Hazen Stuart Pingree, qui a souhaité utiliser les espaces laissés vacants par la structure de la ville. Il a mis en place une politique d’agriculture urbaine afin de répondre à la pauvreté et au manque de nourriture. A l’époque, la fin de la crise a estompé le mouvement. Aujourd’hui Détroit s’étend sur 350km2 (soit 3 fois Paris) et 150km2 de sol sont en jachère. Le potentiel est conséquent, mais peu valorisé par les politiques. Le mouvement est réamorcé par les citoyens qui tentent de sauver leur territoire en utilisant l’agriculture urbaine. Nous trouvons par exemple le projet de « Brother Nature Farm », qui a été créé par un ancien enseignant et qui emploie aujourd’hui 3 personnes. La volonté est nourricière, mais vise également un rapport différent entre l’homme et la nourriture. D’autres initiatives ont vu le jour dans des buts sociaux, des espaces nourriciers destinés à des personnes dans le besoin. Elles permettent des formations dans le maraichage et l’utilisation de la terre pour se réapproprier la nourriture. Ces initiatives engendrent de nouvelles vocations et de nouvelles initiatives. Concrètement, ces dispositifs ont donné naissance à de nouvelles
22 AUBRY, Christine, 2013
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solidarités de quartier, à de nouveaux rapports entres les habitants. C’est surtout la volonté de créer une communauté résiliente aux événements extérieurs, une volonté d’autonomie. Un nombre important de jardins partagés dans le but nourricier intègrent également pleinement la volonté de faire revivre les différents quartiers de la ville. Des investisseurs souhaitent profiter de ces potentiels, notamment de projets d’agricultures industrielles type « Hantz Farm » visant la mise en place d’une nouvelle économie verte à Détroit. D’importants investissements sont réalisés afin de placer l’agriculture urbaine bien au delà des jardins partagés, avec de réels souhaits économiques. A ce jour, la ville de Détroit est considérée en faillite. Le développement de l’agriculture ne permet pas une résilience totale de la ville, mais il apporte le principal élément nécessaire à la survie : la nourriture, et il favorise la sécurisation de la ville. Une volonté d’investissement à but économique amènera à terme de nouveaux emplois au cœur de ce territoire délaissé. L’agriculture seule ne suffit pas, mais amorce un processus et met en place de nouveaux rapports entre les habitants. 23
23 CHAPELLE Sophie, 2011
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L’agence Soa a pensé un dispositif à petite échelle qui potentiellement peut s’intégrer dans des territoires urbains délaissés, des territoires urbains en crise afin d’apporter de la nourriture, ou de nouveaux emplois. Ce dispositif consiste en l’aménagement d’une « mini ferme » qui pourrait accompagner la résilience de certains territoires.
La Mini Ferme est un prototype d’exploitation agricole de faible production qui intègre un commerce de proximité. Sa petite échelle peut favoriser sa mise en réseau avec d'autres Mini Fermes permettant la diversité des cultures et nourrissant l'idée d'une production agricole diversifiée. C'est un bâtiment léger de structure modulaire d'une emprise au sol de 125m2 se développant sur trois à quatre niveaux. La faible profondeur du bâtiment optimise son ensoleillement. Elle combine deux types de cultures complémentaires : des cultures traditionnelles de type potager en extérieur et des cultures hors-‐sol en serre. Très économique, la structure de la Mini Ferme est entièrement modulaire. Elle s'inspire de la technique des serres horticoles et des échafaudages pour offrir différents modes constructifs en kit. De la technique des serres horticoles, elle emprunte la finesse et la légèreté des profilés métalliques pour l'optimisation de l'ensoleillement, la modularité de la construction pour ajouter un niveau, et la rapidité de mise en œuvre. Les passerelles ajourées remplacent les planchers et s'inspirent des échafaudages métalliques. La petite échelle du bâtiment permet même d'envisager une enveloppe en bâche plastique, plus économique.
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La morphologie de la Mini Ferme et son besoin d'espace, exigent son implantation dans un tissu urbain dégagé : friches urbaines, dents creuses, îlots ouverts... Son fonctionnement en réseau et sa vocation commerciale la prédestinent à s'implanter le long d'axes de circulation : rues, quais, canaux, voies de tramway... Le gabarit des constructions combiné à leur fonctionnement en réseau permet de créer un alignement, de fabriquer des rues animées afin d'opérer des coutures urbaines variées entre les bâtiments massifs et éloignés. La Mini Ferme permet d'imaginer le renouveau d'un secteur d'activité agricole urbain ouvert à tous. La taille de l'exploitation est à l'échelle d'une petite entreprise. La mise en réseau des « Mini Fermes » favorise à la fois l'entraide et la concurrence qui garantissent au consommateur une diversité des productions et donc un choix attractif. La Mini Ferme reprend le système du jardin ouvrier en le poussant vers une pratique plus productive. 24
24 Laboratoire d’urbanisme agricole
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L’agriculture urbaine pour favoriser la présence de biodiversité urbaine : La biodiversité correspond à la diversité du vivant végétal et animal. Les interactions qui se produisent entre toutes les formes de biodiversité permettent la formation d’un écosystème. Son respect et son développement sont les premiers moyens à mettre en place pour cheminer vers une ville durable. Effectivement, une des conséquences directes de l’urbanisation est la fragmentation de l’espace, l’imperméabilisation des sols, l’épuisement des ressources… qui entraine inexorablement une pression de plus en plus importante sur la biodiversité. Dans le contexte actuel de pression foncière forte, il est nécessaire de préserver le patrimoine naturel existant, de le restaurer, de le réhabiliter et de recréer les fonctionnalités écologiques qui tendent à disparaître. C’est une des conditions pour que la mise en place d’agriculture massive au cœur des milieux urbains ne reste pas anecdotique et constitue une réelle avancée vers la ville durable. Sachant que la mise en place d’agriculture ne suffit pas à favoriser la biodiversité, il faut mettre en place une agriculture « durable ». Le domaine de la construction est concerné par le maintien de la biodiversité. Tout d’abord car la filière consomme des matières premières en quantités significatives et à un rythme rapide. Ces matières premières proviennent de l’action d’une communauté vivante ou sont fabriquées à partir de produits de base extraits puis transformés. La préservation de notre environnement est indispensable pour les conserver. De plus, le fait d’insérer de la végétation au cœur du bâti améliore la qualité de vie des habitants qui l’occupent. La végétation offre aussi des services de régulation du climat local. Son omniprésence sur le bâti ou à proximité favorise le développement de la biodiversité, offre un refuge à certaines espèces et contribue à préserver les qualités esthétiques et récréatives des milieux bâtis. La filière du bâtiment, bien que dépendante des matières premières, est en partie responsable de sa dégradation. Principalement par la fragmentation des espaces générée par les constructions, mais également par la perte de zones végétalisées. Aujourd’hui, il est nécessaire de mettre en place une approche globale qui prend en compte la biodiversité lors de la conception, de la construction, de l’utilisation, voire de la déconstruction du bâti.
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Afin de favoriser le développement de la biodiversité en ville, il est tout d’abord nécessaire de revoir nos rapports à la nature, culturels, alimentaires, ou écologiques. La démarche de restituer la nature à la ville doit s’inscrire dans une volonté d’amélioration sociale en répondant aux besoins réels des citoyens, mais aussi dans une logique économique afin d’assurer sa pérennité. La mise en place massive de l’agriculture urbaine pourra permettre de maintenir ou de créer de nouveaux corridors écologiques. De redonner leur place à certaines espèces disparues, d’amener plus de porosité au niveau des sols et de lutter contre les ilots de chaleur urbaine. L’inévitable urbanisation et les problématiques qu’elle engendre, nécessitent de penser un nouveau modèle de développement territorial. Aujourd’hui, les projets intégrant des formes innovantes d’agriculture urbaine mettent en exergue la contribution au développement de la biodiversité ainsi que la captation des eaux de pluies par les surfaces productives à ciel ouvert et la réduction des îlots de chaleur urbaine. Cependant, certaines formes d’agricultures urbaines comme les serres hydroponiques, restent encore très consommatrices d’énergies.25 Pour favoriser le développement de la biodiversité, il est nécessaire de permettre des échanges parmi le milieu vivant. Or, les bâtiments, les routes… créent des barrières infranchissables. Les populations animales et végétales sont les premières touchées par la fragmentation du territoire. Une directive européenne demande aux différentes régions de cartographier leurs territoires afin de répertorier les liaisons « vertes » à préserver ou à recréer entre les habitats naturels. Les corridors existants doivent être préservés, mais quand la fragmentation existe, la mise en place d’agriculture au cœur de nos villes peut permettre des raccordements entre ces différentes zones. Il est possible par exemple de concevoir judicieusement les bâtiments en conservant des espaces verts et des zones de nature au sol, et en maintenant des liaisons via les toitures ou des murs végétalisés ou cultivés. Il est également nécessaire d’orienter les bâtiments et les investissements paysagers de manière à respecter les continuités paysagères. Par exemple dans les milieux urbains denses, où l’intégration paysagère présente des coupures, un projet de construction qui intègre de la végétation peut en lui-‐même permettre des continuités. Il est également nécessaire de penser et de prévoir le franchissement des infrastructures de transports qui à ce jour créent souvent des barrières. 26 Cette analyse met en exergue la multiplicité des facettes de l’agriculture urbaine. Cependant, le territoire n’est pas extensible. La seconde partie de cette étude se centrera donc sur les bâtiments productifs.
25 AUBRY, Christine, 2013 26 NATURPARIF, 2012
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PARTIE 2: Pertinence de positionner l’agriculture sur le bâti, mise en œuvre et étude de cas A la base, les bassins nourriciers ont favorisé l’implantation humaine. Mais l’industrialisation et les nouveaux modes de déplacements et de transports ont modifié le lien hommes / nourriture. Aujourd’hui, les espaces de production alimentaire dans les zones urbanisées ont pratiquement disparu, alors que les expérimentations mettent en exergue de nombreux effets favorables du développement agraire en milieu urbain. Aujourd’hui, les terres agricoles péri-‐urbaines sont bien souvent des réserves foncières immobilières. Alors qu’à la base, elles sont cultivées pour des raisons spécifiques : la richesse de leur sol, leur exposition climatique… Lorsqu’elles sont artificialisées, la perte est quasi-‐irréversible. Cependant, la nécessité de s’abriter pour se loger, travailler, est réelle. Donner plusieurs fonctions à un même territoire peut dans ce contexte, s’afficher comme une solution pertinente. Devant la faible disponibilité au cœur de nos territoires urbains, la présence massive de l’agriculture au cœur de nos zones urbanisées, sans se positionner contre les services urbains, est possible en remplaçant tout d’abord les espaces publics par des espaces vivriers, mais également en utilisant massivement le bâti comme support d’agriculture. Celle-‐ci permettrait de lutter contre l’étalement urbain en s’inscrivant comme une solution de densification. Elle pourra prendre parfois des formes très simples ou, au contraire, plus élaborées. Après avoir défini ce que l’agriculture a à gagner en s’inscrivant au coeur des territoires urbains, et ce que la ville peut développer en accueillant l’agriculture, nous allons étudier comment elle peut trouver sa place sur les bâtis eux-‐mêmes et illustrer ces propos d’exemples construits ou simplement évoqués dans le cadre de recherches. L’architecture agraire peut se définir comme un levier de résilience urbaine qui permet de repenser le fonctionnement et la forme de la ville en optimisant son territoire. Ce dispositif dictera inéluctablement l’architecture accueillante. Celle-‐ci devra avant tout être conçue ou réhabilitée afin d’accueillir l’agriculture et de permettre à celle-‐ci d’être productive. L’image qu’elle renverra sera également soumise aux aléas agricoles. Ces dispositifs permettront la mise en place d’une architecture nourricière, au cœur d’une ville respectueuse et pourvoyeuse de biodiversité. Au cours de la première partie nous avons identifié la présence d’agriculture urbaine principalement au sol comme outil pédagogique ou comme outil d’aménagement urbain, voire parfois vecteur de résilience. Au cours de cette seconde partie, nous allons développer comment celle-‐ci peut évoluer sur les éléments bâtis et si ce type de dispositifs peut s’afficher comme une réponse aux problématiques actuelles.
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1 : Comment positionner l’agriculture sur le bâti: L’intégration de culture dans la conception d’un projet nécessite une conception architecturale spécifique et globale, de la conception formelle du bâti à son emplacement et à son emprise. Afin d’économiser le territoire et les ressources naturelles, l’usage du sol doit être préservé ; les besoins en matières premières et en énergie réduits lors de la construction et durant le fonctionnement. Pour optimiser les bénéfices dûs à la densification, il est souhaitable par exemple d’encourager la rénovation plutôt que la construction neuve, et privilégier l’extension en hauteur afin de préserver au maximum les sols. La prise en compte de la biodiversité et de la création de bâtiments productifs peut donner l’impression de coûter cher. Cependant on s’aperçoit que le dispositif anticipé et prévu au moment de la conception permet de limiter les surcoûts et peut même s’avérer rentable.27 L’environnement urbain met en exergue la problématique de la pollution, et donc des dangers encourus par les consommateurs de l’alimentation produite en ville. Dans les pays du nord, les risques de pollution ont d’abord été étudiés à travers les sols urbains, supports fréquents d’installation de jardins associatifs, dont la vocation alimentaire croît: des travaux montrent que certains de ces sols peuvent être fortement contaminés par des métaux lourds, du fait d’usages industriels préalables. Les pollutions d’ordre atmosphérique ont été quant à elles moins étudiées. Des produits issus de l’agriculture urbaine révèlent des teneurs très contrastées en métaux lourds en fonction de leur zone de production. Dans l’expérimentation sur le toit d’AgroParisTech on a pu montrer en 2012 que les teneurs en plomb et cadmium des salades et tomates produites étaient au moins 5 fois moindres que les seuils réglementaires européens pour leur commercialisation. Le développement des cultures urbaines doit impérativement s’accompagner d’études pertinentes sur le sujet afin d’orienter les collectivités et/ou les entreprises dans le choix des sites d’installation des productions.
27 NATURPARIF, 2012
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Ina Saumel, biologiste au sein de la Technische Universitat de Berlin a travaillé sur les risques de pollutions urbaines. Elle conseille de conserver la terre locale, sauf si elle est support de pollutions très importantes. Afin de se protéger des pollutions urbaines, il s’agit de mettre en place une barrière végétale d’environ 3 mètres de large sur les bordures de l’espace investi. Puis, de planter des arbres fruitiers car les fruits accumulent peu les métaux lourds. Ensuite il est possible de cultiver toutes sortes de tubercules et, dans l’espace le plus protégé, toutes sortes de verdures car celles-‐ci sont plus sensibles aux pollutions que les fruits ou les racines. Si les bâtiments sont recouverts de peintures contenant du plomb ou d’autres polluants, il est nécessaire de respecter une certaine distance (environ 5 mètres) entre les façades polluées et la culture de « verdures ». Dans le cas où une récupération des eaux de pluies depuis la toiture est effectuée, il est important de mettre en place un filtre végétal afin que l’eau des toitures soit filtrée par un système aquatique et qu’elle soit purifiée avant d’arroser les plantes. La toiture peut être investie par n’importe quelle plantation. Quant aux façades, des études montrent que les métaux lourds arrivent jusqu’au balcon du premier étage, mais à partir du second étage la pollution est déjà fortement réduite. 28
28 BERROU, Jean-‐Hugues, 2013
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1.1 : Différents types de culture possibles sur les bâtis :
La culture classique Le sol est le support de la croissance des plantes. Grâce à la biodiversité qu’il accueille, il assure de manière invisible des fonctions vitales. La composition et les propriétés physico-‐chimiques du substrat ont un impact primordial sur les végétaux. Une épaisseur moyenne de substrat d’au moins 10 cm, des hauteurs variables de cinq à 25 cm voir autour de 1 m pour créer différents habitats, doivent être privilégiées. Les matériaux artificiels ou non renouvelables sont à éviter. Il s’agit d’utiliser si possible de la terre prélevée in situ lors des travaux de terrassement, enrichie en compost issu de déchets verts. Un sol naturel et riche en biodiversité transforme les débris végétaux en une matière organique complexe et diversifiée qui profite à la fertilité. Il est également important de conserver la banque de graines déjà présentes dans la terre prélevée in situ et donc adaptée au substrat pour limiter les apports en végétaux extérieurs. 29 La culture dite hors sol : Pour que les végétaux poussent de manière optimale, ils ont besoin de lumière, d’une température stable et tempérée, d’une hygrométrie de l’air suffisante ainsi que d’une oxygénation satisfaisante des racines, enfin d’une nourriture adéquate en suffisance composée d’eau, de sels minéraux et d’oligo-‐éléments. Les cultures hors-‐sol se déroulent sans terre, se libérant ainsi des contraintes liées aux cultures terriennes classiques. Les techniques de production dites « hors-‐sol » sont très variées et en pleine évolution. Elles sont à définir en fonction du milieu accueillant, particulièrement lorsqu’elles se situent sur le bâti lui-‐même, en tenant compte des cultures souhaitées, de l’investissement technique, financier et de fonctionnement que l’on souhaite développer. Le public visé a également son importance, par exemple l’hydroponie est développée et défendue par les consommateurs aux Etats Unis alors qu’elle a plutôt mauvaise réputation en France dans le cadre de la vente directe. Actuellement, une expérimentation se développe sur les toitures de l’école AgroParisTech pour cultiver des légumes sur substrats organiques locaux composés de compost de déchets verts, de bois fragmentés et de marc de café. Les premiers résultats sont encourageants sur le plan de la production.30 L’hydroponie englobe une grande variété de techniques de culture qui n’emploient pas la terre comme source de nutriments, bien qu’un grand nombre d’entre elles se servent d’un substrat qui ressemble à de la terre. On utilise aujourd’hui de nombreux systèmes hydroponiques différents, allant des jardinières de fenêtre que l’on fabrique soi-‐même aux exploitations agricoles d’un coût considérable. L’aquaponie, un dérivé de l’hydroponie, présente la particularité d’intégrer des animaux au cycle de la production, en général des poissons dont les déjections servent de nutriments
29 NATURPARIF, 2012 30 AUBRY, Christine, 2013
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aux plantes. De cette façon, un seul système permet une production d’aliments plus diversifiée et de meilleurs rendements. L’aéroponie consiste à vaporiser des solutions nutritives sur les racines des plantes et offre une très bonne productivité. Ces techniques permettent de s’affranchir du poids de la terre, d’avoir un contrôle sur toutes les phases de la production tout en conservant un rendement optimal. Cependant elles sont souvent très énergivores. Ces technologies peuvent accompagner l’intégration de la production alimentaire dans l’environnement urbain, en transformant des surfaces traditionnellement inertes en espaces productifs. Des applications telles que les « murs vivants », les serres hydroponiques sur les toits, les murs double-‐peau à l’intérieur desquels les plantes poussent, peuvent toutes employer ce type de technologies et devenir des espaces productifs. Ces dispositifs permettent en outre d’améliorer la qualité de l’air à l’intérieur et de réduire la pollution des engrais. De nombreux projets de « toits verts », « murs vivants » et surfaces végétalisées ont été récemment conçus pour être intégrés au bâti à l’aide de ces technologies. Plusieurs fermes hydroponiques commerciales ont été créées en milieu urbain, au Japon, à Singapour… La France est aujourd’hui au stade de projets. Ces procédés présentent de nombreux avantages: la réduction de la consommation d’eau, la culture rapide et contrôlée avec une maîtrise supérieure des attaques (nuisibles, maladies…). La culture hydroponique permet surtout une automatisation de la culture et peut être comparée à une « machine à cultiver » qui peut nous paraître très éloignée du cheminement vers une ville durable. D’ailleurs, ces atouts en ont favorisé un développement important au détriment de l'environnement, les rendements obtenus étant supérieurs aux rendements des cultures «normales», les coûts et la quantité de travail nécessaire moindre. Paradoxalement, ce type de production est énergivore et contribue au réchauffement climatique. Il nécessite également des matières premières polluantes pour la construction des serres notamment, ainsi que des engrais chimiques et l’emploi de chauffage nécessaire pour produire à contre-‐saison. Cette technique réduit considérablement le nombre de variétés explorées car certaines n’y sont pas adaptées. Son développement à terme remettrait fortement en question l’existence des variétés « non rentables ».
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1.2 : Comment investir les différentes zones de construction :
Positionner l’agriculture au pied du bâti : Le sol urbain est le support de la ville, et donc le support des nombreuses activités urbaines. Malheureusement, nos sols urbains sont souvent majoritairement imperméabilisés et pollués. Alors que le sol d’une ville durable doit être stable et de qualité. Les sols urbains servent également de support physique aux plantes, et constituent une réserve de nutriments et de minéraux permettant à ces dernières de s’alimenter. Enfin ils stockent une très grande quantité de carbone sous forme de matières organiques mortes issues des résidus végétaux et de leur transformation. L’investissement de ces espaces par l’agriculture et par des zones végétales permet de conserver, voire de redévelopper ce potentiel naturel et de préserver une biodiversité riche et variée. L’analyse des différents usages des pieds d’immeubles plantés, met en avant la nécessité d’utiliser ces espaces principalement dans des buts de développement écologique, filtration d’eau, mise en place de porosités. Principalement afin de préserver les sols de l’imperméabilisation largement présente en milieu urbain. Pour cela, Il est important de conserver des espaces extérieurs perméables à l’eau de pluie et accueillant de multiples espèces animales et végétales. Il faut privilégier des surfaces semi perméables sablées et stabiliser les revêtements comme les copeaux de bois ou les graviers. La mise en place de noues permet de gérer le surplus d’eau et facilite l’insertion de l’eau de pluie dans les sols. L’étanchéisation systématique et à éviter. Mettre en place des dispositifs simples permettant de rétablir les échanges entre l’eau, la végétation, le sol et l’atmosphère. A proximité des bâtis, il est également nécessaire de conserver des espaces poreux et végétalisés. Dans l’idéal, et notamment dans les zones sujettes aux fortes pluies, il est intéressant de concevoir des bâtiments surélevés afin d’optimiser l’infiltration des eaux de pluie et permettre le maintien des déplacements des différentes espèces aux sols. La construction sur pilotis est effectivement économe en imperméabilisation des sols. 31 Nous avons vu précédemment que la végétation au pied des bâtiments favorise la biodiversité. Il est nécessaire de positionner, et surtout de lier les zones végétales. Nous avons également vu qu’il est important de placer les constructions sur pilotis afin de laisser une zone « vierge » sous le bâtiment et de limiter l’imperméabilisation des sols. Les plantations au pied du bâti doivent principalement être constituées de plantes grimpantes afin de permettre le passage de l’air, de l’humidité et des différentes espèces animales sauvages. Si la hauteur dégagée au niveau du sol est importante, il est possible de mettre en place des cultures sous le bâti à condition que celles-‐ci ne nécessitent pas d’apport lumineux naturel. Dans les zones urbaines qui peuvent s’y prêter, l’élevage est possible ainsi que des barrières poreuses laissant le passage à la biodiversité sous le bâti. En revanche, la végétation en pied de bâti sera idéalement composée de plantations à but paysager. Selon l’emplacement exact de la construction, cette zone étant potentiellement polluée. 31 NATURPARIF, 2012
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Le bâti positionné sur pilotis peu laisser un espace de stationnement sous les espaces de « vie ». Cependant, il faudra veiller à ne pas imperméabiliser les sols et à utiliser un gravier stabilisé ou un autre revêtement poreux qui permettra de fournir un endroit accessible et utilisable, tout en permettant au sol de remplir ses fonctions en faveur de la biodiversité. Parfois, des systèmes de récupération d’eau de pluie en toiture nécessitent la mise en place de bassin de rétention au pied des immeubles. Les pieds de bâti seront donc destinés à des plantations grimpantes paysagères en intégrant des bacs de rétention d’eaux pluviales en provenance des toitures. Des plantes spécifiques peuvent être positionnées pour permettre la filtration des eaux de pluie.
Dans ce sens, nous pouvons analyser le travail d’Elodie Stephan, designer indépendante qui a imaginé un procédé de végétalisation en pied d’immeubles intitulé « Bocage urbain ». Celui-‐ci s’intègre au pied des descentes de gouttières et alimente une douve avec de l’eau de pluie. Un talus développe une frontière végétale en puisant dans la réserve aquatique de la douve. Le système végétal qui s’y développe filtre et draine les eaux pluviales récupérées. Par un principe de micro-‐perforations, l’eau s’infiltre dans le sol et le surplus s’écoule dans le réseau urbain. Ce procédé peut s’adapter au pied de tous les bâtis accueillant de l’habitat ou
de l’industrie afin de filtrer les eaux pluviales. Dans le cadre d’un bâtiment productif, il peut permettre de dépolluer l’eau de pluie récupérée pour irriguer les cultures. 32
Positionner l’agriculture en façade :
Les façades offrent quant à elles, la possibilité de réellement être végétalisées, donc de potentiels supports de cultures. De plus, cet investissement peut mettre en place des continuités vertes et donc des corridors de biodiversité. Plusieurs systèmes peuvent permettre de les investir, le plus simple étant la mise en place au niveau des sols des rez-‐de-‐chaussée et des différents balcons, d’espèces grimpantes jusqu’aux plus sophistiquées. La différence entre une façade végétalisée et une façade cultivée se fait surtout par la nécessité d’entretien, de plantation et de récolte. La façade doit être orientée de manière cohérente avec la culture mise en place, mais également accessible pour permettre la récolte. Concernant les façades non investies directement par les cultures, celles-‐ci doivent permettre la continuité « verte » et le passage de la biodiversité. Pour cela, des matériaux supports favoriseront la présence des espèces : par exemple, il est intéressant de prévoir des façades pouvant accueillir des plantes grimpantes, d’intégrer des structures nichoirs dans les charpentes pour les oiseaux observés sur le site, et d’éviter les surfaces trop lisses ou à effet miroir responsables des collisions. Il est possible de créer sur les surfaces extérieures comme du crépi, de la porosité pour favoriser la présence de certaines espèces
32 Végétalisation innovante
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comme les mousses, lichens, insectes, oiseaux. Les murs recouverts de végétaux réduisent l’îlot de chaleur urbain et les murs creux permettent aux oiseaux de nicher. 33 Nous pouvons illustrer les façades cultivées par les exemples suivants :
Paris sous les fraises, qui propose la mise en place d’une façade support de fraisiers en culture « hors sol ». Les fraisiers sont installés sur un système modulaire de membranes de végétalisation verticale et sont alimentés par des engrais biologiques. Ce dispositif préconise la culture de fraisiers couplés à des plantes aromatiques et des plantes vivaces afin de favoriser la biodiversité. Ce système est une structure de végétalisation autonome et amovible de 2kg/m2 brut et de 10kg/m2 planté. Il peut être installé sur des façades déjà existantes et peut être ensuite retiré. Il doit cependant être raccordé à l’eau et à
l’électricité, et être positionné sur une surface accessible en vue d’une récolte manuelle. Le côté démontable peut ouvrir ce type de dispositif à des constructions éphémères de type barrière de chantier. 34 Le même type de procédé peut être mis en place sur des façades en terre cuite. Avec des dispositifs non démontables plutôt destinés à une végétalisation d’agrément. Si la façade est correctement située et reste accessible pour les récoltes, des cultures variées peuvent se substituer aux plantations d’agrément. Le bardage en terre cuite ou la mise en place de système similaire rapporté sur le bâti est nécessaire afin de permettre la ventilation de la façade. Le système « Wild on Wall » est doté d’un substrat végétal innovant, constitué à partir de déchets locaux, dans des contenants fixés au mur, favorisant la biodiversité. Les bardages en terre cuite rapportés sur le bâti permettent d’améliorer la performance énergétique et contribuent à la réduction des îlots de chaleur urbaine. Pour fonctionner, il est nécessaire de raccorder le dispositif à l’eau courante et à l’électricité et pour être cohérent avec le but de ce dispositif, il est important de mettre en place un système de récupération des eaux de pluie. Il est nécessaire d’être face à une façade accessible pour qu’elle soit cultivable.35
33 NATURPARIF, 2012 34 Végétalisation innovante
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Un autre système permet de cultiver les façades, en utilisant comme substrat de la terre végétale. Il s’agit de mettre en place une technique de murs végétalisés « double peau ». L’installation a lieu suite à l’ajout d’une étanchéité et d’une nappe de protection de drainage des parois enterrées. Ce procédé permet de limiter la consommation d’eau par la présence de terre naturelle et d’apport en eau de pluie par des gouttières. Il est plutôt mis en place pour une végétalisation paysagère, mais peut être cultivé si la paroi est accessible. Il nécessite un faible entretien et permet de planter des façades ou des murets. 36
D’autres systèmes de culture sur les façades sont envisageables, avec un dispositif beaucoup plus complexe proposant la production de biomasse algale à visée alimentaire. Celui-‐ci permet une amélioration importante des performances énergétiques du bâti et peut être mis en œuvre sur des façades sud, sud-‐est ou sud-‐ouest non ombragées. Il peut être rapporté sur un bâtiment existant. Il s’agit de fixer un mur rideau intégrant des photos réacteurs à 60 cm de la façade existante par des aiguilles métallique. Il est nécessaire de mettre en place une coursive technique pour permettre la maintenance nécessaire de manière hebdomadaire. Le système doit être raccordé à l’eau et à l’électricité. Les premiers prototypes de photo bioréacteurs intégrés à un mur rideau ont été mis en place en mai 2013 et suivent actuellement un processus de test. 37
35 Végétalisation innovante 36 Végétalisation innovante 37 Végétalisation innovante
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Cultiver les toitures : Dans le centre comme en périphérie des villes, la densité humaine et l’architecture favorisent l’émergence d’une nouvelle forme de culture pour les citadins : les toitures, offrant des espaces propices au développement de l’agriculture urbaine. En installant à l’échelle de l’immeuble, de la résidence, du quartier, de la ville, des jardins supplémentaires, les toitures végétalisées ou cultivées permettent de drainer les eaux pluviales notamment. Comme le sol et les façades, elles peuvent jouer un rôle important dans le maintien et le développement de la biodiversité en ville. La végétalisation des toitures contribue à améliorer les fonctionnalités écologiques dégradées par l’artificialisation des sols. Il est important pour développer des espaces pérennes de disposer sur celles-‐ci une végétation adaptée aux conditions locales et disposée sur un substrat de hauteur suffisante et de qualité proche d’un sol naturel. Il est nécessaire de diversifier les plantes, pour contribuer à attirer divers colonisateurs et oiseaux. Les caractéristiques de développement des plantes, comme la profondeur des racines, le rythme de croissance et les déchets végétaux qui peuvent boucher les évacuations, doivent être prises en compte. Pour les toitures peu porteuses, les plantes sélectionnées seront moins imposantes, comme les graminées, des plantes à bulbe ou encore des légumineuses. Pour les toits suffisamment porteurs, la plantation d’arbres ou d’arbustes peut être envisagée. Dans tous les cas, plus les espèces sont nombreuses, plus elles utilisent efficacement les ressources disponibles à proximité et résistent aux contraintes extérieures. L’importance de la portance et la pente conditionnent le type et l’épaisseur du complexe de végétalisation. Les toits faiblement porteurs peuvent accueillir des milieux de type prairie plutôt que des tapis de sédum. Dans tous les cas, il est nécessaire de définir très en amont le projet, afin que la structure soit conçue, dimensionnée et budgétée en conséquence. Et dans le cas d’un bâtiment existant, en adaptant l’épaisseur de la végétalisation à sa structure et à son importance. Il est possible de travailler sur des épaisseurs différentes selon le positionnement des piliers et des structures porteuses, certains espaces pouvant supporter des charges plus importantes, du moins localement, notamment au-‐dessus des murs porteurs. Un diagnostic du bâtiment pour connaître la charge réelle de portance est la première action à mener.
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A New-‐York, en mai 2010, d’importants travaux ont été réalisés pour implanter un nouvel ensemble d’habitations, « Via Verde », dans le quartier de Melrose au sud du Bronx. Le projet comprend l’aménagement de différents types de jardins sur l’ensemble des toits. Auparavant, une gare de triage et une station d’essence occupaient les 6.000 m2 de terrain dans un quartier en réaménagement depuis les années 1990 ce qui offre un accès aux transports en commun et à d’autres équipements urbains. Le site a été l’objet du premier concours de conception de logements abordables et durables de la ville de New York, auquel 32 équipes d’architectes et promoteurs du monde entier ont participé. Les travaux se sont achevés fin 2012. La forme étagée du bâtiment montre un exemple d’intégration du paysage à la ville: le complexe est organisé autour d’un jardin multifonctionnel qui, au niveau de la rue, prend d’abord la forme d’une cour et d’une esplanade, puis remonte en spirale en une suite de toits-‐jardins exposés au sud, aboutissant au niveau d’un toit en terrasse. Environ 3.700 m2 d’espaces ouverts, notamment des toits verts, une cour centrale accessible aux résidents, des cours extérieures et même une plantation de sapins de Noël. La série de toits verts sert à récupérer l’eau de pluie, à cultiver des fruits et des légumes et à offrir de l’espace en plein-‐air aux résidents.
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D’autres exemples sont moins impressionnants, mais constituent aujourd’hui la plus grande toiture parisienne cultivée à ce jour : la toiture du centre commercial Beaugrenelle, (15e arrondissement de Paris) toiture cultivable de manière classique, de 7000 m2 au-‐dessus d’un centre commercial, dans le but notamment de créer un espace accueillant une faune jusqu’alors absente. Cette toiture cultivée accueille d’un côté un tapis de 40 cm de terre, arrosé à partir d'eau de pluie, support de culture de fleurs. Ensuite, un espace de 800 m² est réservé à un "jardin partagé". La surface restante n’est pas accessible au public afin de laisser un espace accueillant la faune: de nombreux insectes, des mésanges, des rouges-‐queues ou des pinsons qui peuvent s'y alimenter, se reposer et se reproduire. Pour attirer les volatiles, des nichoirs seront bientôt installés à côté d'une dizaine de ruches.38
38 GARRIC Audrey, 2013
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Pour illustrer les toitures cultivées à l’air libre, nous pouvons également nous intéresser au projet de SOA, la « Ferme Montparnasse », qui reste dans le domaine de l’utopie. Il met en
exergue une manière de recréer un espace naturel sur une toiture, et va bien au delà de la simple mise à disposition d’espace cultivable. Il modifie le rapport à la nature de la totalité du quartier et définit un nouvel espace public cultivable dans la ville. À l'occasion de la restructuration complète de l'îlot de la Tour Montparnasse, ce projet consiste à recouvrir la toiture du centre commercial par une couche de terre suffisamment épaisse pour avoir les caractéristiques d'un terrain naturel. Il s'agit de transposer un terrain fertile de la campagne au cœur de la ville et de réinterroger la notion de culture hors-‐sol. Ce terrain est à la fois déconnecté de son territoire d'origine et préservé des pollutions de sol urbaines. Il est par principe hors-‐sol mais sa dimension et le paysage qu'il constitue lui donnent presque le statut d'un territoire. La « Ferme Montparnasse » fonctionne sur le modèle de la cueillette et invite sa clientèle à venir se fournir directement à la source. La Ferme est envisagée comme un territoire naturel qui remodèle le relief autour de la Tour Montparnasse sous forme d'une voûte imposante. Une gigantesque voûte abrite l'extension du centre commercial redynamisé à des dimensions plus standard. Enfin, la forme de cette toiture traitée en terrasses est adaptée aux cultures maraîchères puisqu'elle partitionne les variétés et profite d'un système d'irrigation gravitaire. La construction est entièrement réalisée en béton grâce à un système de plateaux, dimensionnés pour supporter deux mètres de terre. Au travers des cultures, des cheminements publics permettent la traversée du territoire agricole et assurent la connexion avec le centre commercial. Si cet espace voit le jour, il génèrera un nouvel aménagement de l’ilot, du quartier, et à plus grande échelle, de la ville de Paris. 39
39 Laboratoire d’urbanisme agricole
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Intégrer des serres dans le bâti :
D’autres dispositifs peuvent générer des bâtiments productifs, en créant des serres en lien avec la fonction principale du bâtiment. Ce qui est illustré par l’exemple « Agro-‐Housing », un immeuble d’appartements élaboré par le bureau d’architecture israélien Knafo Klimor Architects. C’est le projet lauréat pour un site chinois présenté lors du deuxième concours international d’architecture Living Steel, en 2007.
« Agro-‐Housing » propose de s’attaquer à la considérable pénurie de logements en Chine, où l’afflux massif de migrants des zones rurales vers les villes provoque une expansion urbaine sans précédent. Les résidents auraient accès à un espace de culture alimentaire sur place, pour leur consommation ou dédié à la vente. L’objectif serait de favoriser l’interaction communautaire et de conserver les compétences et valeurs rurales que de nombreux citadins ont récemment perdues. Le projet d’immeuble comprend différents espaces communautaires et semi-‐privés qui visent à créer un sentiment d’identité et des lieux agréables dans un immeuble densément peuplé. Au centre du bâtiment, une grande serre s’élève sur plusieurs étages. Un grand nombre de procédés écologiques sont prévus pour réduire l’empreinte du bâtiment sur l’environnement, notamment le recyclage des eaux usées, l’utilisation d’une pompe à chaleur géothermique et un système passif de chauffage et de ventilation via l’exposition au sud de la serre. La structure et les matériaux ont été choisis non seulement dans une optique économique et de recyclage. Le projet «Agro-‐Housing» propose une réflexion sur l’importance de conserver des cultures et des traditions rurales au sein des environnements urbains denses du futur, et positionne les bâtiments productifs comme vecteurs de résilience. Il fournit également un espace prenant en compte l’adaptation culturelle lors de phénomènes d’urbanisation rapide.40
40 Carrot City, Designing for Urban Agriculture
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La serre du projet «Agro-‐Housing » se positionne en façade. D’autres exemples mettent en scène des serres en toitures, ou à plusieurs endroits du bâti. C’est le cas de la « Ferme sur les toits » à Romainville pensée par l’agence SOA dont les travaux devraient débuter.
Située à proximité de Paris, à Romainville, la cité HLM Marcel Cachin est un grand ensemble typique des années 50, avec d’importantes barres de logements et quelques immeubles de moindre hauteur. La cité fait l’objet à partir de 2001 d’une Opération de Renouvellement Urbain, dont l’objectif est d’intégrer le quartier au centre-‐ville via des interventions architecturales, urbaines et paysagères. Aujourd’hui, après la destruction de bâtiments, le réaménagement des voies de circulation et la création d’une plaine centrale ouverte et aménagée, le quartier accueille des équipements neufs ou transformés. Engagée dans une démarche durable et innovante, la municipalité a commandé au laboratoire d’urbanisme agricole 41(LUA) constitué notamment par l’agence d’architecte SOA, une étude de faisabilité pour la construction d’une « Ferme sur les toits » de trois barres de logements, potentiellement appropriées à ce projet. Une technique de culture hors-‐sol sera utilisée : des bacs superposés laissant passer la lumière et des sacs de terre suspendus à la structure pour faire pousser des plantes grimpantes. Un système technique de recyclage de l’eau et une mise en jachère permettent de reproduire les conditions naturelles de cultures en terre. Un portique en béton enveloppant les barres d’immeubles existantes soutiendrait les serres implantées au sommet des immeubles. Des dalles de béton, courant le long de la façade, permettraient de créer des balcons/loggias à chaque étage. Les fruits et légumes produits seraient distribués localement. LUA estime que 1500 m2 de terre cultivable permettraient des rendements suffisants pour faire vivre un agriculteur à plein temps sur ce type d’exploitation basée sur des techniques de pointe.42 L'espace dédié aux cultures est divisé en trois zones sous serres en polycarbonate, chacune sur le toit d'un bâtiment différent. Les serres sont constituées de poutres et de poteaux métalliques légers. Les cultures choisies nécessitent trois environnements climatiques différents permettant de cultiver différents légumes toute l'année, sans interruption. C'est pourquoi, les trois serres sont chauffées en hiver à des températures différentes : 8° C, 12° C, et 18° C. Elles sont toutes trois reliées par des passerelles en caillebotis.
41 Laboratoire d’urbanisme agricole 42 Carrot City, Designing for Urban Agriculture
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Dans les serres, les cultures sont organisées sur deux niveaux et poussent en terre dans des bacs selon la technique Courtirey43. Les dimensions des bacs et leur espacement ont été calculés de manière à permettre à la lumière d'y pénétrer sans gêner la croissance des fruits et des légumes. L'espacement entre les bacs permet à l'agriculteur de se déplacer dans les allées et d'y faire passer un chariot de travail. Ponctuellement, des élargissements dans les circulations autorisent d'y faire stationner les chariots et d'y ranger le matériel de travail. Au niveau bas de la ferme, un jardin filtrant par serre est aménagé pour filtrer l'air extrait des VMC des logements au dessous. Chaque serre dispose de deux niveaux de cultures. Le niveau supérieur est toujours accessible par l'escalier hélicoïdal et la cage d'ascenseur de l'entrée. Les consommations énergétiques des serres sont optimisées grâce au choix d'une enveloppe thermique performante, de la mise en place d'écrans thermiques mobiles, d'un ordinateur central pour la gestion de l'énergie et du climat intérieur des serres, des températures de consigne différentes pour chaque serre, de la diminution des infiltrations d'air, de la récupération des eaux pluviales et d'un stockage d'eau chaude. Le bâtiment existant ne pouvant supporter aucune charge importante, la ferme s'appuie sur un portique en béton qui enveloppe l'existant, contreventé par des dalles en béton situées le long de la façade du bâtiment. Cette structure, permet d'offrir une extension à chaque logement sous forme de balcons et de jardins d'hiver, de chaque côté de la façade. Les appartements disposent d'une surface plus importante dans le prolongement, d'un côté des cuisines et salles de bains, de l'autre des chambres et séjours. Les balcons ont des surfaces généreuses, sont bien orientés puisqu'ils regardent vers le sud-‐est. A l'arrière, les jardins d'hiver tempérés permettent de donner un espace de stockage. La réunion d'une ferme et de logements dans un même bâtiment encouragerait sans aucun doute les échanges entre ces deux programmes. Ainsi, alors que la ferme prévoit un traitement de l'air extrait des VMC, elle produit des fruits et légumes consommables directement sur place par les habitants, selon un système de vente à définir 44
44 Laboratoire d’urbanisme agricole
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Culture à l’intérieur du bâti, sans aucun lien avec la nature : Parfois les cultures investissent l’intérieur du bâti et n’entretiennent plus aucun lien avec l’extérieur, la nature. C’est le cas de « Chicago O’Hare », qui trouve sa place au cœur de l’aéroport de Chicago.
En 2011, est installé le premier jardin aéroponique du monde dans un aéroport. On y cultive principalement des salades et des tomates hors sol, dans des « tours » apportant automatiquement une solution nutritive aux cultures. Au total, vingt-‐six tours et plus de 1100 points de plantations. Des plateaux remplis de substrat permettent aux plants de germer avant d’être repiqués dans les tours. Trente-‐trois ruchers ont également été installés à l'extérieur des terminaux. Cette méthode de culture permet une production élevée, locale, avec une consommation d'eau réduite. Elle offre également au cœur de l’aéroport un espace public. La production est destinée aux restaurants présents au cœur de l’aéroport. Cet espace est grandement apprécié par le public, qui découvre une autre approche de la culture, même s’il semble ne pas réellement créer de lien entre l’homme et la nature.45
« Pasona 02 » est également un espace cultivé hors contexte naturel, dans le sous-‐sol d'une tour de 27 étages du quartier d’affaires de Tokyo. C’est un mode de culture de plus en plus utilisé au Japon, car elle permet de contrôler le climat, la lumière qui, dans ce cas, est fluorescente et réfléchie par les feuilles d'argent positionnés sur les murs. La ferme permet de fournir les restaurants installés dans le bâtiment. Mise en place en souterrain, la ferme vise à reconnecter les citadins à la production alimentaire, et démontre par sa présence qu'elle a sa place dans la ville. Le projet démontre que des espaces parfois sous-‐utilisés peuvent être investis par la culture.
45 Foodurbanism
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L’exemple de la "Ferme du Chef" reprend le concept de la machine à cultiver au cœur des zones distribuant des produits frais, type restaurants, primeurs… Cette petite serre hydroponique peut produire 20 000 laitues par an. La « Ferme du Chef » est livrée avec cinq lits de nutriculture, sur lesquels les graines de laitue sont plantées dans des « éponges ». Les structures métalliques sont déplacées de droite à gauche en fonction de la pousse des légumes. Les graines sont plantées dans le cadre de droite, et les légumes cultivés sont récoltés dans le cadre de gauche.46
En France, il existe la culture de pleurotes avec « U-‐Farm ». Cette entreprise vise la production agraire en pleine ville. Des champignons poussent dans des containers sur du marc de café. Celui-‐ci est récupéré lors des collectes existantes sur des machines automatiques. Cette société évoque une volonté de croissance inclusive, soit une logique de production, de rentabilité, en ayant la volonté de partager cette rentabilité avec l’intégralité des maillons de la chaîne. Les champignons sont conçus pour être consommés localement. Ils sont plus qualitatifs bien que moins transportables. Les champignons sont particulièrement bien adaptés à ce type de culture car la production est à forte valeur ajoutée et nécessite peu d’espace. De plus, le recyclage de marc de café réduit les coûts de production et les ordures ménagères. Suite à la production, il résulte du marc de café enrichi en miscillium, engrais prisé pour fertiliser les sols. A ce jour, l’entreprise fonctionne en collaboration avec des personnes en déficience mentale, et remplit parallèlement un rôle d’insertion sociale. 47
46 Foodurbanism 47 La boîte à champignons
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2: Quelles sont les réponses possibles du bâtiment productif ? Quand nous commençons à imaginer les bâtiments urbains productifs, nous les classons en deux catégories distinctes. Les bâtiments uniquement dédiés à la production comme les fermes verticales. Et ceux qui proposent un ou des usages spécifiques, et qui réservent une partie de leur surface à de l’agriculture sous différentes formes. Effectivement, les bâtiments productifs peuvent endosser de multiples rôles et générer des cultures très variées. Cependant ceux qui souhaitent s’inscrire dans une logique de rentabilité doivent développer des productions spécifiques. Généralement des cultures à forte valeur ajoutée car les espaces urbains à investir sont souvent restreints et plus coûteux que les espaces ruraux. Les pleurotes en sont le parfait exemple. L’agriculture de proximité peut ainsi proposer des produits cueillis à maturité, souvent plus qualitatifs, ou très fragiles comme les fleurs comestibles ou certaines variétés de fruits ou légumes, nécessitant d’être distribués dans un délai très court. Ces dispositifs peuvent être un moyen de faire renaitre ou de maintenir des variétés anciennes quasi disparues. Idéalement, la production doit se faire en petite quantité pour s’adapter sur les nouveaux supports. Et, dans un souhait de rendre nos villes plus durables, les bâtiments productifs doivent généralement être un support à d’autres fonctions, écologiques, culturelles, d’aménagement... par le biais d’études de cas. Nous verrons tout d’abord que la ville productive n’accueille pas uniquement la culture, mais également l’élevage. Nous observerons également comment ce type de dispositifs peut servir de connecteurs entre l’homme et la production de sa nourriture, puis comment l’agriculture urbaine peut endosser des fonctions très spécifiques comme la réinsertion. Après des exemples où l’agriculture est reliée à d’autres fonctions, suivrons des exemples où l’agriculture est le moteur du projet de construction. Tout d’abord à l’échelle d’un bâtiment avec les fermes verticales, puis à des échelles plus vastes, comme celle de la ville.
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2.1 : Exemple de bâtiments productifs :
Des bâtiments productifs pour intégrer les animaux en ville : Pour accompagner la gestion de leurs espaces publics paysagers, certaines communes remettent en place le pâturage. Choix redonnant une place aux animaux en ville sans les contraintes d’un élevage intensif ni ses nuisances. Les moutons du jardin du « Clos Garcia » à Paris, en sont un exemple. Fabienne Giboudeaux, adjointe au maire de Paris, chargée des espaces verts et de la biodiversité, souhaite qu’une vitrine de la nature permette progressivement la création de paysages. Ce qui est aujourd’hui anecdotique a un potentiel notable. Pour d’autres adjoints parisiens, ce type de dispositif, afin d’aboutir, doit être amorcé par les habitants. La technique de pâturage stimule la croissance des végétaux, fertilise et aère le sol par le piétinement et favorise le développement de la biodiversité. C’est ce que nous retrouvons dans des études techniques qui énoncent une augmentation significative du nombre d’espèces végétales et de la biomasse des lombrics. Cette technique permet un entretien des espaces verts « doux ».48La mise en place d’animaux herbivores et améliore également la flore. Tous ces atouts amènent aujourd’hui des professionnels à mettre à disposition plusieurs animaux selon la zone à investir. Ces dispositifs favorisent le lien entre les riverains, les passants, les promeneurs… Et notamment le jeune public étonné et ravi de la présence des animaux au cœur de leur ville. Des espaces urbains et plus particulièrement les toitures ont intégré les abeilles. Une ruche prospecte un territoire urbain d’un rayon de 3 km. On les retrouve naturellement au « Jardins des Princesses » au cœur de Berlin. Malgré les éventuelles possibilités de piqures, la production de miel assure un bon accueil aux abeilles. À Paris, des apiculteurs ont démontré que le miel urbain peut être de qualité supérieure à celui des campagnes en raison de la diversité de la flore urbaine. Ce constat a même donné naissance à une appellation spécifique : « le miel béton ». 48 NATURPARIF, 2012
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Autre proposition qui fait son apparition : le poulailler avec l’exemple du « Kippen House ». Un poulailler modulaire qui peut s'adapter dans de petits espaces, l’objet est multifonctionnel grâce à la création de jardinières sur le haut des perchoirs, la toiture et l’entourage. Son esprit modulaire et mobile propose des animations de l’espace urbain à plus ou moins long terme. Ce dispositif alliant design et réponse vivrière au cœur des territoires urbains crée une fonction nouvelle au cœur de nos villes.49
Une infrastructure plus étonnante en ville, le « dôme aquaponique » qui, comme son nom l’indique, met en œuvre l’aquaponie. Ce système propose d’investir un dôme par un mini écosystème composé de plantes filtrant l’eau dans laquelle vivent des poissons. Les déjections des poissons fertilisent ces mêmes plantes. Ce prototype permettra de nourrir 16 personnes toute l'année avec une récolte estimée à 400kg de légumes et 100 kg de poissons par an. La structure supportera le poids de l'aquarium, et permettra l'installation sur les toits terrasse sans engendrer de surpoids, et donc sans modifier la structure des bâtiments accueillants. Des panneaux sur l'extérieur de la coupole fournissent l’ombre et l'isolation afin de s’intégrer dans tous les environnements. Ce système en kit peut ainsi être expédié facilement dans des territoires très divers. Ces dispositifs sont intégrables simplement dans différents milieux et place l’élevage urbain dans le domaine du possible. D’autres exemples s’ancrent plus dans la recherche et l’utopie.
49 Foodurbanism
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C’est le cas de « Pig city » qui a été imaginé aux Pays–Bas en 2000. Dans ce pays, le porc est la viande la plus consommée. Mais l’élevage intensif tel qu’il est pratiqué développe des maladies qui questionnent sur cette consommation. Deux hypothèses sont envisageables, stopper la consommation de viande ou trouver un mode de production plus sain, plus durable. Le pays est vite confronté au manque d’espace nécessaire pour mener à bien des systèmes de production plus sains. Il est estimé que la production actuelle nécessite 664m2 de terrain pour élever un porc, à augmenter de 130% pour l’élevage biologique. Aux Pays-‐Bas, le territoire par habitant est très limité, et les habitants très consommateurs de cette viande, entre 15 à 20 millions de tonne par an. Si aujourd’hui tous les porcs étaient élevés dans le contexte biologique, 75% de la superficie des Pays-‐Bas y serait consacrés. La solution se trouve peut-‐être dans la proposition suivante. 50
Concentrer la production de porcs dans des fermes verticales, évitant ainsi le transport et la distribution inutile, et réduisant la propagation des maladies. 44 tours produiraient suffisamment de porc pour maintenir les niveaux actuels de la consommation des Pays-‐Bas. Ces tours occuperaient environ 5 pour cent de la superficie néerlandaise, et, afin de minimiser le transport, seraient positionnées près d'un port.
50 Foodurbanism
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Des bâtiments productifs pour raccourcir les échanges:
L’agriculture urbaine peut également favoriser le développement, la conservation et la mise en route de nouveaux circuits de distribution appelés les circuits courts. Actuellement, ce type de distribution est déjà présent sur notre territoire souvent à petite échelle. La mise en place d’agriculture en ville dynamisera les échanges producteur/consommateur. Elle peut également créer un nouveau lien, producteur/distributeur. Ceci est illustré dans l’exemple suivant : « La Super-‐Ferme » de l’agence SOA est un projet pouvant trouver sa place dans nos villes futures : un supermarché qui intègrerait la production des produits frais. La « Super Ferme » est une ferme maraîchère de production intensive pouvant s’implanter sur les toitures des grandes surfaces commerciales. Ce processus permet d'associer lieu de production et lieu de vente à l'échelle de la grande distribution. Le rez-‐de-‐chaussée accueille la surface commerciale. La toiture, les serres agricoles, ainsi en contact avec la lumière naturelle. La superposition avec l’association de ces deux
programmes habituellement très horizontaux génère de nouveaux gabarits dans ou aux portes de la ville. A l’intérieur du dispositif, on retrouve également un univers inédit où l’éclairage naturel et le végétal trouvent une grande place. Ces deux programmes s’associent particulièrement bien par la mutualisation possible de leurs fonctions. D’autant plus qu’un supermarché et une serre maraîchère utilisent des systèmes constructifs proches, une structure légère capable de dégager un maximum de volume et de mettre en place des circulations distribuant un maximum de rayonnages ou de sillons cultivés, dans une logique économique forte. La « Super-‐Ferme » permet de lier production, distribution et consommation, mais elle n’apporte pas un réel lien entre l’homme et sa nourriture car l’espace cultivé reste peu visible par les passants. En revanche, le lien est bel et bien existant depuis l’espace commercial. L’intérêt réside dans l’association de ces deux programmes qui pourrait prendre une forme architecturale plus accessible par tous.
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Mais, pour conserver une logique de rentabilité, la culture hors-‐sol devra être privilégiée, et les variétés produites risquent d’être encore plus formatées dans la mesure où le distributeur deviendra le responsable du produit de la production jusqu’à la distribution. Ce modèle tel qu’il est présenté n’est donc pas forcément intéressant d’un point de vue social et culturel, ni dans une logique de cheminement vers une ville plus durable. En revanche, on peut plutôt l’envisager comme une alternative à la grande distribution, où d’autres formes d’échanges commerciaux pourraient être mis en place. 51
Des bâtiments productifs vecteurs d’insertion :
Il est possible d’imaginer des bâtiments productifs avec une vocation précise, comme le montre l’exemple de jardin sur le toit du «Gymnase Vignole » dans le 20ieme arrondissement de Paris. Un projet porté par le bailleur social « Paris Habitat » et conçu par le cabinet d’architecte TOA. Le bâtiment support intègre des logements, un gymnase, et, une
toiture conçue comme un « jardin suspendu ». La structure comprend des poutres en béton précontraint, sur lesquelles sont placés, à même le sol, des bacs rectangulaires en bois de 30cm de profondeur remplis de terreau. Des espaces de rangements collectifs dédiés à l’association investissant le site, trouvent leur place aux extrémités des jardins. L’association utilise ce toit-‐jardin comme support pour accueillir des personnes en situation d’isolement ou en détresse. L’objectif est de favoriser l’insertion sociale et professionnelle. Des parcelles sont également dédiées à une association d’habitants du quartier, « Le Jardin Perché ». Les écoles du quartier, les centres de loisirs et les centres sociaux mènent eux aussi des projets
pédagogiques sur l’espace qui leur est réservé. Ce jardin offre à ses utilisateurs et à tous les riverains un espace calme végétalisé avec vue sur le paysage urbain parisien, au cœur d’un quartier particulièrement dense. Ce projet illustre la multiplicité des rôles que peut remplir l’agriculture, celle de production, de réinsertion, de rencontres et d’échanges, d’outil pédagogique et d’aménagement du territoire. Particulièrement favorisés par le vecteur « culture ».
51 Laboratoire d’urbanisme agricole
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2.2 : Quand l’agriculture devient le moteur du projet de construction ou d’aménagement : L’agriculture peut également être à l’initiative d’un projet de construction, à l’échelle du bâti, avec l’exemple des fermes verticales. Pour exister de manière cohérente, ces bâtiments productifs doivent prendre en compte le territoire accueillant avec toutes ses spécificités. Ils doivent s’intégrer dans le respect du paysage, de l’environnement, de la culture et de l’image de la ville. Leur mise en place nécessite de recréer un équilibre entre culture urbaine et culture agricole, et donc entre nature et artifice. Auparavant, la construction des fermes prenait en compte le milieu accueillant en terme de climat, d’écosystème… Aujourd’hui, cette prise en compte doit continuer même si le milieu accueillant est tout autre. Ces nouveaux bâtiments productifs ne doivent pas s’imposer en rupture, mais comme les éléments intégrés porteurs d’une transition. 52 Le premier projet de ferme verticale est né à New-‐York d’après l’idée de Dickson Despommier, microbiologiste à l’université de Columbia, pour qui ce type de dispositif sera prochainement indispensable. Ils apparaissent d’ailleurs au Japon où les habitants sont de plus en plus méfiants envers leur nourriture depuis la catastrophe de Fukushima. Ceux-‐ci souhaitent désormais visualiser les espaces de production. Les cabinets d’architectes rivalisent d’ingéniosité pour concevoir les projets les plus cohérents mais jusqu’alors les plus énergivores, qui restent principalement dans le domaine de l’utopie. Dikson Despommier justifie également la nécessité de ces projets à New-‐York où le climat ne favorise pas la culture tout au long de l’année et où les serres hydroponiques d’optimisent les productions, tout en protégeant ces dernières des maladies et des nuisibles ... Selon lui, les fermes verticales permettent de recréer à la perfection n’importe quel milieu et pallie le rôle du sol.53
Ceci s’illustre avec la «Ferme Pyramidale », imaginée par Eric Ellingsen et Dickson Despommier. Le principe s’inscrit dans celui de l’agriculture urbaine et, plus généralement, dans une remise en cause de l’opposition villes -‐ campagnes. Aujourd’hui, les villes intègrent de plus en plus d’espaces cultivés. Après les jardins potagers, on voit apparaître les
toitures, les façades cultivées. Et, afin de s’adapter à son nouveau milieu accueillant, la ferme se construit en hauteur pour réduire l’emprise au sol et la culture se fait hydroponique. Plusieurs architectes ont présenté des projets, des tours de plusieurs dizaines d’étages, largement éclairées par des façades vitrées ou des puits de lumière intérieurs, portant différentes cultures hors-‐sol, avec des systèmes de recyclage d’eau, en général en sous-‐sol, et des productions d’énergie locale, par des cellules solaires ou des éoliennes. Pour l’instant, aucune ferme authentiquement verticale n’a été érigée. Mais à Chicago, la ferme « The Plant », dirigée par John Edel, prévoit la production de légumes, l’élevage de tilapias, des poissons d’eau douce assez dociles en captivité et faciles à nourrir. Ces unités de production ne ressemblent plus du tout à des fermes mais à des usines. Le véritable changement culturel via ce type de projets est marqué par les ouvriers remplaçant les paysans et la technologie remplaçant le soleil, l’eau et la terre.
52 YOUNES Chris, 2010 53 BERROU, Jean-‐Hugues
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Le travail de l’agence SOA expose sa vision des fermes verticales. Une utopie où le mode de culture guide le projet formel, le projet constructif. La « Ferme Cactus » est une exploitation agricole de production intensive divisée en plusieurs modules fixés sur un mât central. C’est un projet polyvalent qui permet la cohabitation de plusieurs fermes. Un bâtiment léger de structure modulaire, d’une emprise au sol de moins de 100 m2 se développant sur une cinquantaine de niveaux. Sa disposition en tripale optimise son ensoleillement. Les différents modules garantissent plusieurs milieux clos et donc plusieurs environnements climatiques possibles hors-‐sol, sur substrat. L’ossature fine projette ses modules dans l’espace pour dépasser les contraintes azimutales et réduire les ombres. Comme dans une exploitation horticole, le plan structure des allées en longueur. Bien que divisé en plusieurs unités, l’ensemble forme un bâtiment à l’échelle d’une tour urbaine. Inspirée d’infrastructures techniques comme les poteaux télégraphiques. La « Ferme Cactus » est modulable, économique et rapidement constructible. Ce type de dispositif peut potentiellement trouver sa place dans des espaces délaissés, des interstices urbains… Et pourrait investir le ciel parisien de son paysage productif. Ce dispositif reste discret à la base et structurellement n’occupe pas totalement la parcelle accueillante. Il permet donc d’y intégrer une multitude d’autres usages, en exposant ses surfaces verticales cultivées. « Tel un arbre à l’échelle de la ville, la Ferme Cactus expose ses cultures de façon spectaculaire. Sa hauteur et sa singularité en font un repère urbain. » Ces spécificités positionnent en conséquence le paysage des toitures de la ville comme le nouveau sol urbain. La « Ferme Cactus », bien qu’efficace en terme de production, transformerait le paysage urbain en paysage technique, et son gabarit imposant transformerait radicalement notre environnement. Elle peut aussi constituer un équipement de production d’appoint ou être retravaillée dans une échelle moindre, car son emprise au sol faible entre en cohérence avec la volonté de donner au sol urbain de multiples fonctionnalités. 54
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Afin d’analyser le paysage urbain que pourrait renvoyer une ville autosuffisante, l’agence SOA a proposé l’étude d’une ferme de production ultra intensive qui produirait l'ensemble des denrées nécessaires à l'alimentation de la population d'une ville. C’est la « Ferme Générique », une réponse aux recherches de Dickson Despommier.
Cette unité de production sans conception formelle spécifique, transforme l’exploitation agricole en usine alimentaire. La gestion énergétique des flux et des déchets est gérée par des programmes annexes. Le bâtiment est conçu pour accueillir de grands circuits de production, céréales, fruits, légumes, élevage, et le plan doit présenter le moins d'obstacles possibles. Cependant, l'emprise au sol de ce projet le rend quasi-‐impossible à implanter dans nos villes, car son volume représente celui d’une centrale nucléaire. Son fonctionnement repose sur un recyclage quasi perpétuel. Des matières solides sont extraites des eaux noires, puis transformées en combustible, des
pellets. Ces pellets alimentent, avec les déchets des cultures, une production électrique qui alimente à son tour les lampes de croissance des cultures. Une fois les solides extraits, l'eau grise est traitée aux ultraviolets afin de pouvoir alimenter les cultures qui, après l'avoir absorbée, la restitueront sous forme potable après évaporation. Cette réponse à Dickson Despommier engendre une construction qui n’entretient aucune relation avec le sol, avec l’environnement… Avec le territoire existant. Nous sommes bel et bien face à une machine à nourrir, qui ne dialogue absolument pas avec l’existant, c’est une machine technique qui recycle, consomme et produit des calories. « Une tour générique pour une ville générique ».55
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2.2 : A l’échelle globale, quand la ville devient productive : Des études menées par AgroParisTech ont démontré que Paris intramuros offre une surface potentiellement productive, en toiture notamment, de 80 hectares, soit environ 4000 tonnes par an. Cette estimation est nettement supérieure lorsque la petite couronne est englobée. Car elle offre beaucoup plus de vide, de toitures plates. A ce jour l’Ile de France consomme 100 000 tonnes de produits frais par an. Ces chiffres placent la ville productive comme un complément, et non comme un moyen de production à l’encontre de l’agriculture classique. D’autres architectes ont mené leurs études à partir de la ville de Londres. La société Bohn & Viljoen a développé le concept de « Continuous Productive Urban Landscapes » (CPULs), « Paysages urbains de production continue » vise une introduction cohérente de l’agriculture urbaine dans des villes, à travers la création d’espaces productifs reliés entre eux, afin de créer un environnement urbain produisant de la nourriture saine, et d’aller à l’encontre de la surconsommation des ressources. Un environnement urbain avec la nourriture et pour la nourriture. Pour cela, cette société a établi une carte des espaces potentiellement productifs, et a proposé des solutions d’insertion dans le tissu urbain dans tous les quartiers de la ville en ayant l’objectif de les lier entres eux.56 Le projet Agropolis à Munich :
A Munich, la reconstruction après-‐guerre a inclus des espaces productifs. La volonté globale a été de préserver une ville compacte, avec ses espaces verts existants, tout en intégrant la réhabilitation des friches industrielles par le développement de zones mixtes, raccordée par un réseau collectif et doux performant. L’objectif a été de limiter l’extension du réseau routier en fonctionnant sur une échelle de territoire large. Cette stratégie métropolitaine place « Agropolis » comme un projet qui réinvente les relations ville/alimentation en
56 Carrot City, Designing for Urban Agriculture
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souhaitant développer une culture alimentaire durable au cœur d’une infrastructure accueillante adaptée. Ce système intègre donc la production, la distribution et la consommation. Afin de sensibiliser les habitants à l’importance d’avoir un contact avec la nourriture, l’équipe d’Agropolis souhaite dès que possible investir les terrains vacants pour les cultiver dans le but de mettre en avant l’importance du lien homme-‐nourriture. Ce projet utopique est conçu pour la ville de Munich, mais il va bien au delà, il s’agit d’un prototype d’une ville plus durable capable de s’adapter à n’importe quel environnement urbain. Nous pouvons constater que ce projet répond à plusieurs problématiques mises en exergue précédemment. Premièrement celle de multiplier les espaces de production afin d’augmenter le territoire productif. Limiter l’imperméabilisation des sols urbains et développer un réseau vert, corridor de biodiversité à l’échelle de la métropole. Ce projet qui multiplie l’usage du sol permet de reconnecter l’urbain avec la nourriture. Ce principe est en soit, une réponse parfaite adaptée à la ville plus durable que nous avons définie précédemment. 57
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2.3 : Quelques limites de l’agriculture urbaine :
L’idée d’intégrer massivement de l’agriculture en ville, nous amène rapidement aux limites qu’elle peut engendrer. La présence d’élevage en ville nous amène à réfléchir au traitement des odeurs, du bruit et des risques sanitaires qui en découlent. Et la végétation importante peut générer un développement de certaines espèces invasives.
Les espèces invasives : L’idée d’intégrer massivement de l’agriculture en milieu urbain nous invite à réfléchir à son acceptabilité sociale. Ainsi, s’il est facile d’envisager dans ce milieu des productions maraîchères, qu’en est-‐il de l’élevage ? Sans oublier les risques sanitaires envisageables liés à la concentration des animaux et/ou des végétaux en ville. La mise en place de nombreuses zones de cultures et de biodiversité en ville engendrera inévitablement un développement de ces espèces invasives : blattes, araignées, rats, souris, serpents. Ces espèces prolifèrent généralement lorsque les écosystèmes sont dégradés ou perturbés et que les interactions biologiques sont altérées. Dans un écosystème en bonne santé, diversifié et riche d’interactions complexes, aux fonctions intactes, les proliférations restent brèves ou font partie du cycle de l’écosystème. Le développement d’une ville plus productive dans le respect de la biodiversité doit normalement générer un écosystème sain et pallier à cette problématique. C’est le même souci et la même réponse avec les espèces invasives végétales comme les mauvaises herbes.
La problématique énergétique : Les fermes verticales notamment et les cultures sous serre posent la question de l’énergie nécessaire à leur fonctionnement. La production de végétaux repose sur un phénomène naturel, la photosynthèse, qui permet de transformer le gaz carbonique et l'eau en matières végétales, avec quelques sels minéraux fournis pas le sol, grâce à l'énergie lumineuse captée par les feuilles. Cette énergie, fournie par le soleil est illimitée et gratuite. A ce jour, l'accumulation du gaz carbonique dans l'atmosphère provoque, avec d'autres gaz, l'effet de serre et le changement climatique. Or l’utilisation de carbone fossile issu du pétrole ou du charbon relâche dans l'atmosphère des milliards de tonnes de CO2. Les fermes verticales et leur alimentation énergétique posent pleinement ce problème. Les réponses sont souvent dans l’utilisation du biogaz, mais à ce jour, des recherches complémentaires sont nécessaires pour vérifier la cohérence. Cette question de l’énergie revient avec la nécessité de transporter les éléments nécessaires à la mise en place de fermes verticales. 58
La problématique qualitative : L’analyse des différents projets nous pousse à nous questionner sur la qualité de certains produits, notamment ceux qui poussent sans terre, sans soleil, sans air. Et sur l’aspect industrialisé de cette production qui s’inscrit paradoxalement dans une logique de circuits courts, de proximité et de nourriture saine.
58 SAVIGNY Geneviève, 2011
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La problématique sociale : D’un point de vue social voire sociétal, la mise en place de bâtiments voire de villes productives met en avant une réponse différente en fonction des situations. Les usines agricoles posent la question du positionnement face aux agriculteurs actuels. La mécanisation et l’automatisation renvoient à un management d’entreprise. La grande distribution exerce déjà beaucoup de pression sur les agriculteurs, et des projets la liant à la production lui donneront un pouvoir plus important. Les espaces plus restreints, plus naturels semblent des réponses plus sociales comme les jardins partagés trouvant parfois leur place sur le bâti, et qui sont une réponse d’insertion ou d’animation de la ville extrêmement qualitative et adaptée aux besoins actuels. La qualité du lien homme/nature et homme/nourriture est une nécessité aujourd’hui et est présente dans presque tous les projets.
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Conclusion Le système agricole traverse une crise économique, environnementale et surtout nourricière. Personne ne sait comment nous pourrons nourrir la planète demain. D’ores et déjà, une grande partie de la population souffre de problèmes nutritifs d’ordre quantitatif ou qualitatif. Fort de ce constat, il est nécessaire de modifier le système nourricier et de trouver des solutions durables. Parallèlement, nos espaces urbains ont atteint certaines de leurs limites. Nos villes s’étalent en grignotant les terres fertiles, donnant naissance à des zones urbaines toujours plus vastes où les citadins n’entretiennent plus aucun lien avec la nature. Il s’agit aujourd’hui de développer des villes plus compactes, plus mixtes afin de préserver les capacités de vie et les potentialités de choix des générations futures. Face à ces deux entités en crise, tisser des liens entre eux en intégrant de l’agriculture en ville s’affiche comme une solution pertinente. Cela permettra de reconnecter les hommes et la culture tout en requalifiant l’image des agriculteurs. Ainsi, l’augmentation du territoire productif amorcera une réponse nourricière, tout en offrant des respirations aux territoires urbains qui pourront se densifier en proposant une meilleure qualité de vie et une réponse environnementale plus « durable ». La transformation des zones paysagées urbaines en zones vivrières peut amorcer le phénomène. Mais l’espace disponible étant rare et cher, cette étude s’intéresse à la transformation de nos constructions en bâtiments productifs. A ce jour, le panel d’expérimentation doit être complété. Des études doivent être menées par des agronomes spécialisés dans ce type d’agriculture. Et l’association de ces acteurs avec les architectes, les urbanistes, les travailleurs sociaux qui expérimentent déjà ces dispositifs, donnera naissance à des projets de bâtis, voire de villes productives ayant l’envergure de sortir de l’anecdote ou de l’utopie. Le développement de ville productive modifiera totalement l’environnement auquel nous faisons quotidiennement face. Et le fait de pouvoir l’intégrer au cœur même du bâti modifiera le rôle du concepteur. Car la conception devra prendre en compte les contraintes agricoles, et devra gérer les différentes fonctions des bâtis ainsi que leurs interactions. Sans oublier que le cadre de vie à l’intérieur de ces espaces sera différent. A l’échelle de nos villes, le paysage urbain sera lui aussi grandement modifié, et l’analyse de ce type de dispositif montre un impact important sur les échanges, les rapports sociaux, les rapports entre l’homme et ce nouvel environnement. L’analyse de ces projets réels ou utopiques met également en exergue le risque que l’agriculture urbaine transforme les « fermes » en machines à cultiver et génère des problématiques similaires à celles engendrées par l’agriculture classique: pollution, coût énergétique important, standardisation des cultures. Afin de faire naître des villes productives au cœur d’un environnement urbain durable, force est de constater qu’il n’existe pas une solution cohérente mais des solutions adaptées à chaque problématique.
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L’agriculture urbaine est en mesure de s’afficher comme un vecteur de résilience au cœur de notre société confrontée à une crise multiforme. Sa réponse économique à travers le développement des circuits courts et sa réponse nourricière, répondent à l’augmentation de la paupérisation. Il est nécessaire de choisir des dispositifs agricoles permettant d’apporter une réponse environnementale pertinente. Ceci nécessite dans un premier temps la multiplication des recherches et des actions pour analyser les impacts réels, les risques et les avancées. Les principaux atouts sont la mise en place d’un nouveau lien fort entre le citadin et sa nourriture, et le futur tissage entre la ville et la nature, sans concurrencer les espaces agricoles existants, mais en leur redonnant une véritable fonction. La reconnexion entre les citadins et leur nourriture générera une approche différente de celle-‐ci. Les circuits courts seront dynamisés et le recours aux marchés mondiaux diminués. A terme, cette transformation permettra de ne plus voir la ville qui s’étale en détruisant la biodiversité, la ville qui grignote peu à peu les terres fertiles, mais la ville productive qui intègre une partie de l’espace rural afin de le transformer. L’agriculture en devenant urbaine s’artificialise et s’affranchit du sol, tout en rendant la ville plus « verte », plus « fertile », plus durable. Pour compléter cette analyse, il sera intéressant de concevoir un bâtiment productif lors du projet de fin d’étude. En commençant par définir la stratégie la plus adaptée à un secteur et à un programme spécifique. Ce qui permettra de visualiser concrètement quelle image peut offrir un bâtiment ou un quartier productif, et en quoi cela peut augmenter la durabilité d’un territoire.
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