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- 1 - DEBUT DE L’ELECTRIFICATION DANS PARIS Après les expériences des premières années 1880, les édiles parisiens manifestèrent une étonnante incompréhension des contraintes et des cxigences de l'innovation technique. Elle contraste avec le discours « progressiste « qui se développe à l'occasion de l'Exposition univer- selle de 1889. Elle montre en tout cas que l'histoire technique ne saurait s'interpréter sans référence à l'histoire institutionnelle. L'histoire de l'électricité dans la capitale, à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, est directement liée à ses usages. I1 y avait d'un côté une production destinée aux tramways et au métropolitain, dont nous reparlerons, et il y avait de l'autre, nous l'avons dit, six réseaux totalement distincts jusqu'en 1906 qui concernaient essentiellement l'éclairage public et domestique. Entre ces six concessions, il n'y avait aucune harmonisation quant à la production ou à la distribution ; de plus, ces autorisations n'avaient été octroyées aux fournisseurs que pour une durée limitée de dix-huit ans. Ce partage excessif de l'espace, pour quelques années seulement, fut l'une des raisons de la lenteur avec laquelle les compagnies ont procédé pour équiper Paris. Ce n'est qu'après la réunification des secteurs en 1907 que le retard a été progressivement comblé. Les débuts de l'électricité à Paris se situent en 1873 lorsque Z. Gramme décide d'installer un éclairage permanent de son usine par une lampe à arc voltaïque destinée à remplacer 25 becs de gaz ; naturel- lement le courant devait provenir dé la dynamo qu'il avait mise au point quelque temps auparavant. Par la suite, plusieurs industriels parisiens ont cherché à imiter cet exemple, et lorsqu'en 1876, M. Jablochkoff, un ancien officier du génie du tsar de Russie, a réussi à fabriquer une lampe à arc qui ne nécessitait plus un réglage manuel permanent de la distance entre les électrodes, les expériences se sont multipliées, en particulier grâce à la municipalité, qui a éclairé l'avenue de l'Opéra (62 lampes) en 1878 à l'occasion de l'Exposition universelle. Pourtant, la municipalité montra vite qu'elle ne désirait pas se ruiner dans une expérience industrielle qui, bien entendu, présentait des risques pécuniaires. Ne déclarait-elle pas, lorsqu'il s'agissait de prolon- ger dans le temps l'expérience de l'avenue de l'Opéra, que dans l'espoir peut-être chimérique d'arriver un jour à un éclairage plus parfait et en même temps plus économique, il ne fallait pas non plus, au détriment de ses finances, développer outre mesure la continuation des essais de manière surtout à payer un éclairage à des prix tels qu'il en résulterait une véritable subvention à des compagnies d'éclairage nais- santes Aussi la ville garda-t-elle par la suite une attitude négative : refus de l'octroi d'une concession et de l'autorisation de raccordement pour les particuliers ( il paraît convenable d'écarter d'une manière absolue toute question d'où pourraient surgir des difficultés impré- vues ) et surtout, par volonté de payer l'électricité au prix du gaz, baisse continue des tarifs consentis à la Société générale d'électricité (système Jablochkoff). Alors qu'en 1878 cette société percevait 1,25 franc par foyer et par heure, deux ans plus tard elle n'avait plus droit qu'à 0,30 franc! Quand l'expérience eut définitivement échoué, la

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DEBUT DE L’ELECTRIFICATION DANS PARIS Après les expériences des premières années 1880, les édiles parisiens manifestèrent une étonnante incompréhension des contraintes et des cxigences de l'innovation technique. Elle contraste avec le discours « progressiste « qui se développe à l'occasion de l'Exposition univer- selle de 1889. Elle montre en tout cas que l'histoire technique ne saurait s'interpréter sans référence à l'histoire institutionnelle. L'histoire de l'électricité dans la capitale, à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, est directement liée à ses usages. I1 y avait d'un côté une production destinée aux tramways et au métropolitain, dont nous reparlerons, et il y avait de l'autre, nous l'avons dit, six réseaux totalement distincts jusqu'en 1906 qui concernaient essentiellement l'éclairage public et domestique. Entre ces six concessions, il n'y avait aucune harmonisation quant à la production ou à la distribution ; de plus, ces autorisations n'avaient été octroyées aux fournisseurs que pour une durée limitée de dix-huit ans. Ce partage excessif de l'espace, pour quelques années seulement, fut l'une des raisons de la lenteur avec laquelle les compagnies ont procédé pour équiper Paris. Ce n'est qu'après la réunification des secteurs en 1907 que le retard a été progressivement comblé. Les débuts de l'électricité à Paris se situent en 1873 lorsque Z. Gramme décide d'installer un éclairage permanent de son usine par une lampe à arc voltaïque destinée à remplacer 25 becs de gaz ; naturel- lement le courant devait provenir dé la dynamo qu'il avait mise au point quelque temps auparavant. Par la suite, plusieurs industriels parisiens ont cherché à imiter cet exemple, et lorsqu'en 1876, M. Jablochkoff, un ancien officier du génie du tsar de Russie, a réussi à fabriquer une lampe à arc qui ne nécessitait plus un réglage manuel permanent de la distance entre les électrodes, les expériences se sont multipliées, en particulier grâce à la municipalité, qui a éclairé l'avenue de l'Opéra (62 lampes) en 1878 à l'occasion de l'Exposition universelle. Pourtant, la municipalité montra vite qu'elle ne désirait pas se ruiner dans une expérience industrielle qui, bien entendu, présentait des risques pécuniaires. Ne déclarait-elle pas, lorsqu'il s'agissait de prolon- ger dans le temps l'expérience de l'avenue de l'Opéra, que dans l'espoir peut-être chimérique d'arriver un jour à un éclairage plus parfait et en même temps plus économique, il ne fallait pas non plus, au détriment de ses finances, développer outre mesure la continuation des essais de manière surtout à payer un éclairage à des prix tels qu'il en résulterait une véritable subvention à des compagnies d'éclairage nais- santes Aussi la ville garda-t-elle par la suite une attitude négative : refus de l'octroi d'une concession et de l'autorisation de raccordement pour les particuliers ( il paraît convenable d'écarter d'une manière absolue toute question d'où pourraient surgir des difficultés impré- vues ) et surtout, par volonté de payer l'électricité au prix du gaz, baisse continue des tarifs consentis à la Société générale d'électricité (système Jablochkoff). Alors qu'en 1878 cette société percevait 1,25 franc par foyer et par heure, deux ans plus tard elle n'avait plus droit qu'à 0,30 franc! Quand l'expérience eut définitivement échoué, la

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municipalité reconnaîtra qu' en dehors de la question de la publicité il est évident que la société faisait une affaire désastreuse pour ses intérêts. Durant les années 1880, quelques essais d'électrification comparés (les parcs, par exemple), mais isolés et souvent sans lendemain, furent réalisés dans la capitale. Les bénéfices de l'Exposition internationale d'électricité de 1881 auraient dû donner naissance dans les meilleurs délais à un laboratoire d'électricité sur le modèle de celui de Berlin. Mais il faut attendre 1887 pour qu'il voit le jour, et encore ses dimen- sions restent-elles bien modestes par rapport à son homologue alle- mand. Alors qu'on dénombrait 62 becs électriques dans la capitale en 1878-1880, il n'en reste plus que 28 en 1882 (contre 45 815 réverbères à gaz en 1880). Les périodiques spécialisés dans l'information et la propagande électriques se désolent : « A Paris, les quelques installations d'éclairage électrique qui avaient été faites avant toutes les autres grandes villes du monde sont supprimées un peu partout. On ne peut plus essayer aujourd'hui une comparaison quelconque entre la capitale de la France et les principales cités des autres pays au sujet de l'éclai- rage de la voie publique par les procédés électriques, car chez nous tous les essais, quelques résultats qu'ils aient fournis, ont été peu encouragés et presque toujours abandonnés après une période de fonctionnement plus ou moins longue » C'est dans une certaine mesure les initiatives privées (les cafés, les grands magasins, les gares, quelques industriels...) qui montrèrent le plus d'audace. Mais il s'agit de points isolés car les tentatives de créer de petites stations centrales, comme dans le quartier du Palais-Royal en 1885-1887, échouent, faute d'un nombre suffisant de consommateurs et également par le peu d'empressement des capitaux à s'engager. Aussi l'aspect promotionnel des tarifs pour les grands éta- blissements publics passe-t-i1 quelquefois avant le strict équilibre du compte d'exploitation. C'est le cas pour les théâtres municipaux, où la Ville se réjouit des tarifs électriques : « C'est une très bonne affaire de l'obtenir au prix du gaz. Je dois même dire que les opérations de ce genre ne sont pas rémunératrices pour des compagnies qui font des conditions exceptionnelles aux grands théâtres parce qu'elles en retirent une puissante réclame « En 1886, le conseil municipal a décidé d'éclairer de manière stable une partie de l'Hôtel de Ville grâce à des dynamos et de prévoir en plus un éclairage intermittent pour la salle des fêtes et les bancs. C'est à ce propos que le conseil a demandé un rapport à un membre de sa Commission des beaux-arts et d'architecture, M. Voisin, et ce dernier, après avoir comparé les avantages respectifs du gaz, des accumulateurs et de la vapeur, a suggéré aux édiles de maintenir une installation

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permanente comprenant six générateurs Naeger pour alimenter le millier de lampes de la salle à manger, des trois grands salons et de la galerie ; quant à la partie intermittente, qui comprenait un autre millier de lampes pour la salle des fêtes et les éclairages extérieurs, le conseil a décidé qu'au lieu de surajouter encore de la vapeur dans les bâtiments principaux ,qui risquait de noircir les murs, il ferait installer des accumulateurs dans la caserne Lobau mitoyenne de la mairie. A cette occasion, 2 000 lampes Edison à 1,50 franc pièce environ ont été commandées, et une somme de 231000 francs a été votée pour couvrir toutes les dépenses. Cet épisode montre qu'une demande publique importante existait déjà dans la capitale. En vérité, c'est l'incendie de l'Opéra-Comique le 27 mai 1887 qui a précipité le mouvement. L'éclairage au gaz a été incriminé ; dès lors, mettre l'électricité dans tous les théâtres parisiens était devenu une affaire de sécurité publique, et, progressivement, il a été recommandé d'en faire bénéficier tous les citoyens. La nécessité d'introduire l'électricité dans les lieux publics et surtout l'approche de l'Exposition universelle de 1889 (qui risquait de montrer au monde entier que la Ville lumière méritait bien peu son nom...) accélérèrent les discussions du Conseil municipal pour doter la capitale d'un service électrique. Fin 1887, un projet de cahier des charges avait été élaboré (la commission dite du cahier des charges datait quant à elle de 1881, signe patent des longues hésitations du conseil). Après la constatation du retard parisien sur la province, le projet s'élevait nettement contre l'idée d'un nouveau monopole privé pour l'électricité : · Les longues luttes que le conseil municipal a dû soutenir contre les détenteurs de monopole à Paris l'ont suffisamment éclairé, et il ne consentira jamais à abdiquer ses pouvoirs entre les mains d'une société puissante qui deviendrait libre ensuite d'exploiter à son aise les consommateurs et les contribuables parisiens. L'exemple de la Compa- gnie du gaz, de celle Compagnie des eaux, de celle Compagnie des omnibus, sufFit ; une quatrième tentative serait coupable et tout le monde l'a si bien compris qu'on n'a jamais osé présenter aucune proposition dans ce sens , L'exploitation directe par la Ville était souhaitée mais aurait exigé une somme de 250 à 500 millions de francs alors que les choix techniques à prendre n'apparaissaient pas encore

clairement. Donc le rapporteur proposait un système mixte donnant iznmédiatement aux Parisiens la lumière électrique qu'ils réclament, ne compromettant pas l'avenir et mettant pour le présent les consomma- teurs à l'abri de trop lourdes exige nces de la part des sociétés . Il fallait donc que les futurs concessionnaires privés acceptent de prendre des risques, sachent que leurs bénéfices seraient limités et que la municipa- lité z-eprendz-ait le service électrique dans un délai rapproché. La dispro- portion des conditions pouvait faire dire sans exagération que les

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conditions du contrat étaient léonines. En pratique, le projet prévoyait des concessions concurrentes se partageant Paris, mais « sans monopole ni privilège aucun « ; une durée maximale de concession de dix-huit ans après lesquels la Ville récupérerait les installations ; un secteur munici- pal aux Halles qui servirait de creuset au futur système unifié ; un sévère encadrement des tarifs et d'importantes redevances au bénéfice de la ville ; la desserte obligatoire si un usager en fait la demande. L'article 21 stipulait que les installations pouvaient être rachetées au bout de dix ans, ce qui raccourcissait encore la période d'amortissement pour les concessionnaires. Les débats de mars 1888 sur le futur régime de l'électricité à Paris furent confus les premiers jours. Partisans et adversaires du monopole s'opposèrent vigoureusement. Paul Brousse, un socialiste ( possibi- liste , pensant que les sociétés de concurrence se transforment en monopoles (par ententes ou par élimination) qui - en dernière analyse - se confondent avec le service public, fit l'éloge de ce dernier : Organisation républicaine de l'industrie, c'est-à-dire un monopole au proEit du public où tout le monde est électeur.Léon Donnat lui répondit et se fit le héraut de l'entreprise privée, car « vous n'avez pas l'exemple d'une administration publique ayant pris un brevet utile « . Il dénonça l'idée d'un tarif uniforme en prenant l'exemple des prix américains, qui dépendent de la position géographique, de l'heure, de la quantité, de Ia nature de l'utilisation, etc., et qui en conséquence demandent une souplesse que seule l'industrie privée possède. I1 sou- ligna aussi les conséquences de la loi de 1882 sur les distributions d'électricité en Grande-Bretagne, où les municipalités pouvaient reprendre le matériel des compagnies d'éclairage électrique au bout de vingt et un ans à leur valeur réelle : « Un an après l'apparition de cet acte, plus de douze compagnies dans Londres cessèrent leurs afÈaires et se transportèrent sur le continent « La voix des industriels, quelque peu affolés par le projet lui-même et par la tournure des débats, se fit entendre alors dans la presse spéciali- sée. Ils stigmatisaient « le manque absolu de sécurité pour les capitaux engagés dans une entreprise de ce genre, sous le régime du bon plaisir que le projet semble inaugurer « , et « les prétentions fiscales et tracasse- ries administratives auxquelles les compagnies d'éclairage seraient soumises` ». La discussion reprit à l'Hôtel de Ville sur un ton plus mesuré, et, en fin de compte, les grandes lignes du projet furent votées. Paul Brousse obtint cependant in cxtremis un amendement qui préci- sait que les réseaux concédés auraient la forme de segments de cercle (sic) allant du centre à la périphérie ; c'est l'acte de naissance des secteurs. Puisque les compagnies pourront éclairer pendant quatre ans les uartiers où elles pourront faire des bénéfices on eut bien leur imposer d éclairer la périphérie , déclarait le leader socia- liste.

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Presque immédiatement les sociétés en lice pour les concessions protestèrent contre les conditions du cahier des charges, en particulier à propos de l'absence de monopole ou de privilège quelconques qui donnait le droit à la Ville d'accorder des autorisations à 1 intérieur même du périmètre des concessions sans avoir à craindre la moindre pénalité sous forme d'indemnité à verser au concessionnaire. Les diffi- cultés de plusieurs sociétés à réunir les capitaux nécessaires à la seule caution sont symptomatiques du faible empressement à investir dans un domaine à la rentabilité peu assurée. Le conseil municipal le constata lui-même : »Les capitalistes semblent hésiter à hasarder leurs capitaux dans la nouvelle industrie » A quoi les milieux économiques ne cessèrent de répondre : » Si, à l'heure actuelle, les compagnies d'électricité ne prennent pas tout le développement qu'elles pourraient avoir si elles ne peuvent fournir l'électricité à bon marché, c'est que les prétentions fiscales de la Ville sont exorbitantes44. « Finalement, la Ville de Paris décida d'installer une usine municipale pour l'alimentation des Halles et des quartiers proches, puis accorda en 1888 des « permissions « pour une durée de dix-huit ans. Mais en vérité, en conservant un petit secteur de distribution communal, elle montrait qu'elle ne renonçait pas à l'idée d'une gestion totalement municipale de cette distribution. Les conditions faites aux sociétés distributrices jouèrent contre la progression du service public. L'histoire ultérieure des réseaux pari- siens, que nous retracerons plus loin avec quelque détail, en témoigne, Qû il suffise pour le moment de noter que les conseillers municipaun eux-mêmes prirent conscience de leur erreur. Un rapporteur devant lf conseil municipal constate en 1891 que le secteur des Halles n'eu aucune réalité commerciale : « On n'est préoccupé que d'une chose c'est de placer toute la puissance productrice pour n'avoir pas à faire cette corvée fort peu administrative de chercher des abonnements . Les ingénieurs de la Ville préféraient aller travailler dans les société privées ; les forfaits se révélaient catastrophiques, et en 1901 le secteu des Halles ne représentait que 1,5 % du total des abonnés parisiens Après les dix premières années de la concession à partir du moment o il existait un risque de rachat par la Ville et où les négociations sur un prolongation de l'autorisation après 1907 ne se concrétisaient pas,1 rythme de pose des canalisations se ralentit très nettement et se limil aux quartiers du centre et de 1’ouest.

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Deux ans avant la fin de la concession, les responsables du secteur Edison déclaraient à leurs actionnaires : » Devant l'éventualité d'une prochaine dépossession, il nous faut réduire les nouvelles dépenses de premier établissement au strict nécessaire » L'obligation de desserte ne fut guère plus respectée et se prêtait à un dialogue peu constructif entre les sociétés et le concédant. Ainsi, lorsque la municipalité pari- sienne faisait remarquer que les demandes des habitants de la rue Doudeauville, dans le XVIIIt arrondissement, justifiaient l'électrifica- tion de cette voie, les industriels répondaient : « Nos recherches ne nous ont pas révélé l'existence d'une consommation rendant nécessaire l'ins- tallation de cette canalisation et nous ne pourrions prendre une décision tant que le conseil municipal ne se sera pas prononcé sur les projets de prolongation de concession qu'il examine en ce moment ». En 1907, donc à la fin de la première concession parisienne, le XX` arrondisse- ment, excentré et ne disposant pas d'une clientèle aisée, ne possédait pas la moindre canalisation électrique ! Au contraire, à Berlin, le mono- pole était complet dans un rayon de 2,5 kilomètres (porté à 30 kilo- mètres en 1899). La compagnie d'électricité concessionnaire (filiale de l'A.E.G., mécanisme presque inconnu en France) jouissait d'autre part de l'assurance de ne pas être rachetée au-dessous de sa valeur estimée pendant vingt-huit ans (pour une concession d'une durée totale de trente ans). Les capitaux pouvaient ainsi s'engager sans crainte. Il n'en allait pas de même en Angleterre puisque Londres possédait en 1902 soixante-cinq sociétés électriques différentes dotées de spécifications techniques distinctes. Au point que les ingénieurs électriciens écrivirent au Board of Trade au début de ce siècle pour se plaindre des multiples frontières d'origines ecclésiastiques ou médiévales qui gênaient la pro- gression des systèmes électriques dans la capitale britannique. Le cas de Londres a plus d'un point commun avec celui de Paris. Les inconvénients du cloisonnement sont particulièrement perceptibles dans l'histoire des six secteurs parisiens.

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Les six secteurs parisiens Les six sociétés Rappelons qu'un premier réseau municipal avait été créé et exploité par la Ville de Paris en dehors des six secteurs attribués ; il comprenait simplement quelques petites usines pour éclairer par exemple l'Hôtel de Ville, dont nous avons parlé, ou encore le parc Monceau. L'usine du quartier des Halles était déjà plus importante ; elle fournissait du courant continu en basse tension (3 fils, 2 fois 110 V) mais aussi du courant alternatif à haute tension (2 400 V) qui était transformé en 110 V par des postes situés dans les différents immeubles équipés. En avril 1888, quatre premiers secteurs ont été adjugés jusqu'en 1907, avec toutefois, la possibilité d'être rachetés par la mairie dans les dix ans. I1 s'agissait (voir carte n" 1) : - Premièrement, du secteur de La Villette, attribué à la Société anonyme d'éclairage et de force par l'électricité. I1 comportait un espace de 700 hectares et une population de 257 000 habitants inégalement répartie entre les gares du Nord et de l'Est et la rue de Turbigo. Pour répondre aux besoins de sa future clientèle, la société a installé quatre usines, dont trois à l'intérieur des murs de Paris. Une première machine à pistons, avec une dynamo, a été simplement rachetée rue de Bondy ; elle servait déjà à illuminer quelques théâtres du quartier de la porte Saint-Martin. Par contre, les usines de La Villette et de la Fille-Dieu ont été construites par le concessionnaire ; ces trois centrales fournissaient du courant à 110 V. Le quatrième établissement a été judicieusement construit à Saint- Ouen, afin d'éviter de polluer les rues de la capitale. Cette option allait bientôt s'imposer à tous comme une solution nécessaire à l'électrifica- tion de Paris. Dans un premier temps, Saint-Ouen avait été équipé de huit dynamos de 75 kW chacune pour produire du courant continu à haute tension (2 400 V) qui était ensuite acheminé par une ligne aérienne sur des poteaux en bois jusqu'aux fortifications ; au-delà, celle-ci était enterrée et courait en direction du boulevard Barbès et de la rue Saint-Denis, où deux sous-stations avaient été montées. Ce courant, qui alimentait donc toute la partie nord-ouest du secteur, était alors transformé en I10 V et un groupe d'accumulateurs servait au réglage de la tension et de réserve en période de pointe. En 1900, l'augmentation de la demande a incité les dirigeants à élever la puissance de la centrale de Saint-Ouen ; mais désormais le courant continu était considéré comme dangereux à la suite d'une explosion qui avait eu lieu en 1891 près de la Madeleine(3,) et il était bien connu que son transport occasionnait des pertes importantes. C'est pourquoi la société a opté pour la production de courant alternatif à 40 périodes par seconde, sous 6 000 V. Peu après, les anciennes dynamos ont été rempla- cées par des alternateurs et la puissance totale installée dans l'usine en 1902 dépassait 2 000 kW. Cependant, les utilisateurs n'ont cessé d'avoir . du continu à 110 V, grâce à des transformateurs-redresseurs qui avaient été installés dans les anciennes sous-stations. Lorsqu'en 1906 le conseil d'administration a jugé que la production

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était de nouveau insuffisante, il a cependant hésité à investir encore une 1 fois, en raison de la proximité de la fin du contrat qui le liait à la Ville. a préféré acheter de l'énergie à la Société d'électricité de Paris (S.E.P.), qui venait d'installer une centrale à Saint-Denis pour alimenter en premier lieu le métropolitain de Paris. Le courant livré au secteur de La Villette était alors de l'alternatif diphasé de 12 300 Volts et de 42 périodes par seconde.

- Le deuxième secteur était celui qui avait été concédé à la Compagnie Continentale Edison : la population y était très dense - 218 000 habitants sur 420 hectares, soit 500 habitants à l'hectare (4). Dans cet espace quatre usines ont été également équipées ; les trois premières, encore une fois, dans Paris, et la quatrième à Saint-Denis, mais plus tardive- ment. La clientèle recevait du courant continu 110 V par un réseau de 3 fils (2 x 110 V). La première centrale s'appelait « Drouot « : elle était située rue du Faubourg Montmartre et avait été construite en 1887, puis rachetée par la société Edison. La deuxième a été installée avenue Trudaine et la troisième dans la cour d'honneur du Palais Royal. Dans chacune de ces usines il y avait deux dynamos de 110 V montées en série. En 1893, les 3. II s'agissait du restaurant Larue, où il y eut le 2 mars 1891 une explosion due vraisemblablement .. à des infiltrations de gaz d,éclairage - mais les conduits électriques avaient été attaqués par un phénomène d,électrolyse. Voir Ch. Malégarie, G,Electricité à Paris, Paris, Ch. Béranger, 1947, p.17. , Dans la revue de L,Industrie électrique du 10 ortobre 1892, le jeune ingcnieur - 22 ans à I,époque - Georges Claude préconisait déjà de remplacer le courant continu par de I,alternatif.

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trois réseaux de ces centrales ont été réunis en un seul, et depuis les dynamos débitaient en série. Du côté de la distribution, la technique adoptée était très originale puisque les lignes qui alimentaient les lampadaires, notamment des boulevards, ne comportaient pas de feeders, mais les sections des câbles étaient dans un sens décroissantes, en allant vers les extrémités du réseau, et l'inverse pour le retour par le compensateur (5) ; tout cela bien entendu pour éviter des chutes de tension en ligne, sans pour autant être économique. Après avoir longtemps hésité à augmenter sa puissance installée, en utilisant à titre de palliatif des groupes d'accumulateurs placés dans les sous-stations, la compagnie a finalement décidé, en 1898, de construire une centrale hors de Paris à Saint-Denis. Le courant qui y était produit était du continu à 2 200 V qui était à son tour transformé en 110 V dans Paris. Pour répondre par la suite à une demande encore accrue, la société a également acheté du 12 300 V, toujours à la S.E.P., qui avait elle aussi son usine à Saint-Denis. - Le troisième secteur, à l'est de Paris(6), a été alloué à la Compagnie parisienne de l'air comprimé(7). Celui-ci était assez considérable puisqu'il couvrait 2 000 hectares ; par contre, il ne comptait que 818 000 habitants. A l'origine le projet, de cette entreprise était de fournir de la force motrice grâce à de l'air comprimé, mais il a été rapidement abandonné au profit de deux grandes centrales à vapeur - rue Saint-Fargeau et boulevard Richard Lenoir - qui produisaient du courant continu de haute tension pour le répartir dans une vingtaine de sous-stations ; au-delà, ces dernières fournissaient du 110 V à 2 fils à de petits réseaux en forme de boucle ou de rayons. Dans chaque sous- 4. Ce secteur comprenait, au nord, la ruo de Clignancourt, le boulevard de Rochechouart les rues Bergcre ct d'Enghien à l'est ; les grands boulevards au sud ; la rue de la Chaussée-d'Antin la rue dc Clichv, l'aver,ue dc C.lichv et l'avenue de Saint-Ouen à l'ouest. Le sous-secteur du Palais-Roval était resté longtemps indcpcndant. 5. Ch. Malégarie, L'Eleclrtc·ité à Parfs, op. cit., p. 22. 6. Cc secteur dc l'Est partait de la Concorde pour aller à l'est jusqu'aux fortiEications ; il avait pour limites au sud la Scine et au nord, les grands boulevards jusqu'à la République, la rue du Faubourg-du-Tcmple eL la rue de Bellcvillc. 7. Ancieimcmcnt Victor Popp.

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station, il y avait deux séries de batteries d' accumulateurs ; pendant que l'une débitait, l'autre se chargeait, mais ce système n'était guère rentable ni efficace au moment des pointes. En 1893, pour renforcer le réseau, une sous-station d'un nouveau modèle a par conséquent été montée, rue Saint-Roch ; elle alimentait cette fois une canalisation à 5 fils (4 x 110 V). Deux ans après, cette solution s'avérant insuffisante, une nouvelle centrale à courant continu (4 x 110 V) a été construite quai de Jemmapes et mise en parallèle avec Saint-Roch, puis trois nouvelles stations - Mauconseil, Sévigné et Beaubourg - ont été ajoutées, dans un second temps, pour recevoir de l'alternatif à 12 300 V produit bien entendu par la S.E.P. - Enfin, le quatrième secteur concerné par la décision d'avril 1888 était celui de la place de Clichy, qui a été attribué à la Société électrique du secteur de la place Clichy. Cette zone, avec 200 000 habitants sur 487 hectares, était très dense, et par conséquent la basse tension, en courant continu, y était relativement bien adaptée. L'unique usine qui alimentait ce secteur était cependant située rue des Dames, c'est-à-dire parfois à plus de 2 km de certaines rues placées à l'extrémité du réseau; pour égaliser les tensions tout au long du parcours, la centrale des Dames produisait du 440 V transmis par feeders à 2 fils vers une série de sous-stations comportant chacune des groupes de 4 dynamos qui alimentaient, à leur tour, un réseau à 5 fils sur lequel l'abonné se branchait sur 2 fils seulement pour avoir du 110 V. Comme dans les autres secteurs, vers 1900, la production était insuffisante et il a fallu acheter du courant. Cette fois c'est la société du Triphasé qui a été sollicitée ; elle avait son usine à Asnières et livrait du 5 500 V qui était transformé en 390 V dans les sous-stations de la Société de Clichy. La Société de la Place Clichy et le Triphasé avaient, comme nous le verrons, d'importants liens finan- ciers. - En 1890, deux autres secteurs ont donné lieu à « permission « , toujours pour dix-huit ans ; l'un à l'ouest de la Seine et l'autre au sud. Ainsi, le cinquième secteur était celui dit des Champs-Elysées (9); il comportait une centrale hors de Paris, à Levallois-Perret, qui avait été intelligemment construite, en 1892, le long de la Seine pour pouvoir recevoir plus facilement son combustible. L'usine fournissait de l'alter- natif, monophasé, à 3 000 V et à 40 périodes seconde ; ce qui permettait la mise en parallèle des alternateurs et l'utilisation de transformateurs à faible perte à vide. Le courant était ensuite transporté vers l'Etoile, où le réseau était en boucle et où chaque immeuble équipé comportait son 8. Le secteur de , Clichy " était compris cntre le secteur Edison à l'est, la Compagnie par·isienne dc l'air comprimé au sud, les fortifications au nord et les rues du Faubourg-Saint-Honoré, Miromesnil, l'avenue de Messine et la rue de Prony à l'ouest. 9. Le secteur dcs Champs-Elysces avait été initialement attribué à la société Mildé et fils. Il était situé entrc Ics fortifications à l'ouest, la Seine au sud-ouest et le boulevard Malesherbes au nordouest, où il v t,vait une rone commune avec le secteur de la place Clichy.

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propre transformateur pour obtenir du 110 V. La puissance fournie aux abonnés pouvait varier entre 1 à 25 kVA, de sorte que l'utilisateur avait la faculté d'utiliser des moteurs à courant alternatif de 300 à 4 000 tours par minute. Ce n'est que vers 1909 que des transformations ont été apportées : des sous-stations ont été équipées pour être alimentées en courant diphasé à 12 500 V et pour venir au secours de l'usine de Levallois. - Le sixième secteur, enfin, celui de la rive gauche, s'étendait sur 2 700 hectares et comportait une population très disséminée ; aussi les travaux d'équipement n'ont-ils commencé que tardivement, en 1895. Une première petite usine a été établie près du Panthéon, puis une seconde a été installée en 1896 à Issy-les-Moulineaux. Cette dernière produisait du 3 000 V, en alternatif monophasé, .qui était distribué par 8 feeders vers 6 sous-stations, où le courant était transformé en 110 V et redistribué par deux fils dans des caniveaux. Les inconvénients du découpage en six secteurs La description des différentes zones attribuées permet de se rendre compte du manque total d'harmonisation technique qui a présidé à la mise en place de ces premiers réseaux. Ce désordre a duré jusqu'en 1907, année de l'expiration des contrats accordés par la municipalité. Jusqu'à cette date, les procédés employés et le matériel adopté dans les centrales se sont très vite révélés peu rationnels et coûteux ; de plus, la puissance installée est devenue rapidement insuffisante. Quant à la distribution, l'emploi du courant alternatif ou continu, l'utilisation de canalisation à deux, trois ou cinq fils, la forme circulaire ou longitudinale des lignes de transport selon les quartiers ont rendu impossible tout raccordement et par conséquent empêché des accords de compensation entre les différentes sociétés. En période de forte consommation, il n'y avait donc aucun remède aux carences qu'éprouvaient les abonnés placés aux extrémités des réseaux ; de fait, ajouter des batteries d'accumulateurs ne résolvait pas vraiment les problèmes. Le système des « permissions « est alors apparu comme incompatible avec les besoins croissants de la population. Les compagnies ont très tôt compris qu'elles ne pouvaient plus dans ces conditions aller de l'avant ; pour elles, ce n'est pas tant le monopole qu'elles avaient qui était un frein que la durée limitée de leur bail - dix-huit ans -, parce que l'incertitude sur leur avenir ne les incitait pas à s'entendre entre elles ni à construire des usines à plus grande échelle. Toutes, en effet, se heurtaient aux mêmes difficultés. Au début leurs tarifs sont apparus comme excessifs à certains utilisateurs potentiels puisque les installations particulières de production ont continué à croître en nombre et que la puissance installée chez ces producteurs individuels est passée de 12 000 ch environ en 1889 à 25 000 en 1895.

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Selon La Lumière électrique en 1883, « les installations isolées ont donné et donnent presque partout de meilleurs résultats que le système actuellement expérimenté à New York de stations centrales (10 ) « . I1 va de soi que les industriels qui avaient déjà dans leurs ateliers de la force mécanique ont pendant longtemps préféré une solution individuelle pour leur éclairage. Le coût élevé du kilowattheure a été sans doute une des raisons qui a fait que, malgré le nombre élevé d'abonnés par rapport à d'autres capitales, la consommation par usager, à Paris, est restée en moyenne très modeste. Il est vrai que lors de l'obtention de leur autorisation de distribution, les six sociétés de secteur s'étaient engagées à ne pas dépasser un maximum de 1,15 F par kilowattheure pour l'éclairage, et de 0,62 F pour la force motrice, et que les prix ont baissé selon les secteurs, de 75 % entre 1889 et 1906 pour lés quartiers du Nord-Est, et de 12 % seulement pour la Société des Champs-Elysées (11). Mais comme les prix de revient avant 1906 étaient élevés (0,50 à 0,70 F pour les secteurs parisiens), que les gros frais de premier établissement devaient être rapidement amortis et qu'en plus chaque secteur s'était engagé à payer une redevance à la ville de 100 F par an et par kilomètre de canalisation utilisé, plus un prélèvement de 5 % sur leur produit brut d'exploitation dans le cas où leurs génératrices étaient situées dans Paris et de 6 % lorsqu'elles étaient à l'extérieur, on comprend que leur situation de monopole ne les ait pas incité à baisser très vite leurs prix. S'éclairer à la lumière électrique restait donc une opération coûteuse et de prestige ; quant aux autres usages, qui ne représentaient que 16 % de la production des secteurs en 1904, ils étaient encore peu développés. D'ailleurs, dans certains quartiers pauvres ou peu peuplés, les sociétés ont, malgré la volonté du conseil municipal, cherché à limiter la prolongation de leur réseau, et surtout, à partir de 1900, elles ont renoncé à construire elles-mêmes de nouvelles centrales de production et préféré acheter leur courant. Jusqu'au début du XX siècle, en plus des deux usines du réseau municipal (Halles et Hôtel de Ville), les six sociétés avaient construit douze usines (Saint-Ouen, rue des Filles-Dieu, La Villette, Drouot, Tru- daine, Palais-Royal, rue des Dames, rue Saint-Fargeau, boulevard Richard Lenoir, quai de Jemmapes, Levallois-Perret et Issy) équipées de machines à pistons dont la puissance installée par groupe en service ne dépassait pas 500 ch. A ces stations centrales édifiées en vue de la distribution, il convient d'ajouter l'usine du quai de la Rapée, construite par la Société du métropolitain pour fournir dès 1900 la force nécessaire 10. Cité par A. Beltran, Les débuts du réseau électrique dans les villes : 1880- 1920 , 8ulletin d'histoire de l'électricité, n" 7, juin 1986, p. 85. 11. Id., ibid., p. 89. 12. A. Beltran, ibid., p. 89, citc un journaliste d'un mensuel électrique qui a calculé que vers 1895 l'utilisation de 60 lampes de 40 watts pendant I 000 heurcs revenait à 4 000 francs; somme qti il compare au gain annuel d'un conseiller d'Etat, qui était de 1 600 Erancs en 1884.

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au transport des voyageurs. Cette centrale comportait une puissance installée totale de 11400 kW grâce à 8 machines à pistons Corliss plus conséquentes, dont 4 étaient de 1500 kW et 4 de 2100 kW. Malgré la lenteur du développement de la demande que nous avons signalée tant pour la force que pour l'éclairage, à partir de 1900 la consommation a tout de même augmenté et très vite la production de toutes ces usines est apparue insuffisante : de nouveaux investissements devenaient néces- saires. Or les six secteurs avaient déjà dépensé pour les centrales, les canali- sations, les réseaux, une somme avoisinant, en 1907, les 25 à 28 millions de francs sur un capital social versé de plus d'une trentaine de mil- lions (13). La compagnie qui avait fait le plus gros effort était celle de l'Air comprimé (14), son capital était à peu près le double de celui des autres « permissionnaires « ; avec 30,5 % du total de la production parisienne, elle se taillait la part du lion ; mais il faut ajouter qu'elle avait pour clientèle une bonne partie du centre de Paris (voir carte no 1) où résidaient les plus forts consommateurs avec en 1907, 2000 kilowat-theures en moyenne par an par abonné. La seule entreprise qui faisait bonne figure, face à la précédente, était la compagnie Continental Edison (15), qui produisait environ 19,2 % du total parisien et dont les abonnés consommaient en moyenne 1200 à 1300 kWh par an. Quant aux quatre autres compagnies, leur production oscillait pour chacune entre 11 à 13 % du total ; toutefois, la moyenne de la consommation par abonné était beaucoup moins élevée, de l'ordre de 400 kWh par exemple pour le secteur des Champs-Elysées (16). Lorsque s'est posé pour chacune d'entre elles le besoin d'augmenter sa capacité de production, devant l'imminence de la fin du contrat qui les liait à la municipalité, elles ont 13. Pour Ch. Malégarie, L'Electrfcité à Paris, op. cit., p. 541-545, il y avait eu, en 1908, 25 millions de

francs de dépenses cumulées de premier établissement et 37,5 millions de capitaux ir vestis par les actionnaires. 14. La Compagnic parisienne de l'air comprimé avait été constituée en 1887, son siège était 5, rue de Berlin, et son capital en 1914 était de 25 millions de francs. Elle était présidée par le comte de Plancy et son vice-président était A. Benac. Voir l'Annuaire de l'Electrtcité de 1914. 15. La Compagnie Continentale Edison avait été créée en février 1882 ; son siège était 28, rue de Châteaudun ct son capital de 10 millions de francs en 1914. Son président était E.L. Richemond, L. Rau était vice-président, parmi les membres de son conseil il y avait L. Bruneau, A. Ellisen et 0. Siegel. Le directeur en était F. Mever. 16. Voici quelques renseignements sur les 4 compagnies de secteur de Paris. 1- La Compagnie d'éclairage électrique du secteur des Charops-Elvsées avait en 1914 un capital de 3 millions de francs seulement. Son siège était 2, rue des Ternes. Elle était présidée à cette époque par le baron M. Baeven ; les membres du conseil étaient : le marquis de Frondeville, L. Lion, Th. Morit et M. Orban. 2- La Compagnie électrique de la rive gauche avait un capital de 9 roillions de francs en 1914 ; elle avait été fondéc cn 1893 seulement ; son siège était 124, boulevard Saint-Germain ; le président était E. Dollot, le vice-président M. Propper ; parmi les membres du conseil, citons G. Cahen. Après 1910, ce conseil avait été toutefois totalemcnt renouvelé. 3- La Srx iété d'éclairage du secteur de la place Clichy, filiale de la S.L.E.E. avait son siège 53, rue des Dames, son capital en 1914 était de 6 millions de francs. Son président était A. Lalance (S.L.E.E.), son vice-président A. Petsche (gcndrc du précédent); les membres du conseil étaient A. Koechlin (parent de A. Lalance par la mère de ce dernier), H. Lc Roux, Rossier (C.C.F). Le directeur général en était H. Widmer,

futur dirigeant pendant la Première Guerre mondiale de la Scx iété Paul Girod d'Ugine. 4- La Société d'éclairage et de force par l'électricité, au capital de 10 millions, datait de 1890, son siège était 26, ruc Laffitte ; son président était Griolet. Parmi les membres il v avait Sartiaux, de la Compagnie dcs chemins de fer du Nord (banque Rothschild), et le directeur en était P. Eschwege.

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toutes préféré acheter le complément d'énergie nécessaire à deux grosses sociétés de production situées hors de Paris plutôt que d'accroître leurs capitaux propres. Production et distribution dans la région parisienne Le courant nécessaire a désormais été acheté à deux sociétés dont nous avons déjà parlé : la Société d'électricité de Paris (S.E.P.) et la société le Triphasé. La première avait été constituée en 1903 avec un capital de 5 millions par le groupe Empain et l'appui de la famille Berthelot (17). L'objet en était de construire, pour 1905, une grande centrale à Saint-Denis, appelée par la suite Saint-Denis I, équipée pour la première fois de turbogroupes de 6 000 kW (voir tableau no 3). Les turbines en question atteignaient 750 tours par minute ; la température de la vapeur surchauffée montait à 300° C et la pression à 12 kg. Dans ces conditions la consommation en charbon par kilowattheure est descendue au-dessous de 1 kilo et, dès lors, le prix de revient devenait très intéressant et sans concurrence dans la région parisienne. C'est pourquoi la S.E.P. a pu vendre facilement son énergie à la Société du métropolitain et aux différentes compagnies de distribution parisienne. Signe de sa réussite : dès 1908 elle a attribué un premier dividende à ses actionnaires. La S.E.P. reste cependant, avec le recul du temps, le premier exemple dans la région parisienne de la division des activités de distribution et de production, qui était la conséquence à la fois du système juridique de la concession, ou de la permission, en matière de distribution et de la nécessité de produire à grande échelle pour obtenir un prix de revient du kilowattheure intéressant. Dans ce cas, le nouveau problème qu'il fallait résoudre était celui de la diversification de la consommation au cours de la journée afin d'éviter de faire tourner les machines uniquement pour la période de pointe : en livrant à la fois leur courant au métropolitain et aux secteurs parisiens, la S.E.P. ouvrait la voie à une forme de production beaucoup plus économique. Avec la société Le Triphasé (18), qui fournissait du courant au secteur de la place de Clichy, nous entrons dans un autre cas de figure, celui de la 17. La Société d'électricité de Paris, dont le siège était 25, boulevard Malesherbes, était présidée par D. Berthelot ; les membres du conseil étaient A. Berthelot, R. Boulvin, A. Dclla Ricia, G. Orens et F. Sarrat (Voir Répertoire des industries du gaz et de 1'électrscité, édité par M. Gcrmain en 1910, p. 411). Par la suite, l'int7uence de la Société du métropolitain (Empain) s'cst renforcée à la S.E.P. 18. Dans la société Le Triphasé, comme dans le secteur de la place de Clichv où à la société Nord-Lumière, ce sont toujours les mêmes hommes de la Société lyonnaise des caux et de l'électricité (S.L.E.E.) que l'on retrouve : 1- Le Triphasé avait son siège, comme le secteur de la place Clichv, 53, rue des Dames; il était présidé par A. Lalance. Les liens avec la Banque suisse et française (futur C.C.F) étaient très marqués au début. 2- Nord-Lumière avait son siège initialement à Asnières, son capital à l'origine était de 2 millions de francs. Les membres du conseil étaient : Ch. Blech, L. Ewald, A. Koechlin, H. Le Roux, E. Mejà, A. Petsche, J. Sieglried, L. de Sinçay, P. Speizer-Sarasin. L'évolution de structures du groupe est compliquée : Le Triphasé au début était producteur et Nord-Lumière distributeur. En 1914 Le Triphasé est devenu producteur et distributeur à la place de Nord-Lumière ; mais en 1919 il a vendu sa centrale d'Asnières à l' Union d'électricité qui venait d'étre créée par 1a S.L.E.E. et en 1924 Nord-Lumière s est occupé de nouveau de la distribution dans son secteur.

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stratégie de groupe. Cette société, comme celle de la place Clichy, était l'émanation de la Société lyonnaise des eaux et de l'électricité (S.L.E.E.), fondée par Auguste Lalance et dirigée à partir de 1914 par son gendre Albert Petsche. Le groupe avait créé en 1889 le secteur de la place de Clichy en vue de la distribution dans Paris ; après de nom- breuses difficultés techniques pour l'alimentation de son réseau, il décidait de créer en avril 1898 la société Le Triphasé, au capital initial de 6 millions de francs, porté en 1909 à 14 millions, en vue de construire une usine de production à Asnières pour fournir du courant à la place de Clichy. La centrale était située non loin de ce secteur, sur les bords de la Seine ; avant 1914, elle avait déjà une puissance installée de 46 000 kW et fournissait du triphasé de 6 500 Volts à 25 périodes par seconde. Par la suite la S.L.E.E a fondé la société Nord-Lumière et l'Electrique de Montmorency en vue de la distribution de la force et de l'électricité dans les départements de la Seine-et-Oise et de l'Oise, au nord de Paris. Ce groupe a eu un avenir brillant, dont nous reparlerons ; sa stratégie consistait à lier financièrement des sociétés de production et de distri- bution tout en leur donnant un statut juridique autonome. Cela permet- tait par exemple au secteur de la place de Clichy, très peuplé, de faire d'excellentes affaires en bénéficiant d'un courant bon marché pour le revendre dans Paris à un tarif relativement élevé. Le Triphasé, après avoir cherché à vendre sa force au métropolitain, a tout de même eu l'avantage de pouvoir connecter une zone à consommation urbaine avec une banlieue industrielle ; ce qui lui permettait également d'étaler plus facilement ses livraisons au cours de vingt-quatre heures. TABLEAU No 3 L'USINE DE SAINT-DENIS 1 L'usine de Saint-Denis I était l'oeuvre de la Société d'électricité de Paris (S.E.P.). Sa construction avait été décidée en 1903 et sa mise en route a eu lieu au milieu de l'année 1905. Elle constituait une véritable révolution dans la technique de production car elle était, dès son origine, équipée de quatre groupes turbo-alternateurs de 5 000-6 000 kW tournant à 750 tr/ min. Elle a servi pendant très longtemps de modèle pour les futures constructions, grâce à la hardiesse de sa conception. Dès 1906, six nouveaux turbo-alternateurs de 5 000-6 000 kW ont été ajoutés et une deuxième chaufferie a été construite. La puissance installée est alors passée de 20 000 à 50 000 kW. En 1911, la S.E.P. a ajouté un nouveau groupe de 12 500 kW et en 1919, aux anciens groupes de 5 000- 6 000 kW à 750 tr/min ont été substitués de nouveaux groupes de 12 000- 15 000 kW à 1 500 tr/min. Quelques années plus tard, ce sont des groupes allant jusqu'à 20 000 kW à 3 000 tr/min qui ont été mis en place, et les fréquences ont été unifiées. En 1926, une quatrième série de 8 chaudières de 1000 m 3 à 22 kg/cm2 et 375°C a été implantée : elle utilisait du charbon pulvérisé. A cette date,18 cheminées immenses dominaient l'usine. En 25 ans, ce sont donc 130 000 kW utiles qui ont été mis à la disposition des usagers de la région parisienne.

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II faut en effet se rappeler que, si le partage en secteurs dans Paris donnait à chacune des compagnies distributrices un territoire bien déterminé - sauf dans une partie du VIIIe arrondissement -, la question de la fourniture de l'énergie dans la banlieue n'avait pas été réglée pour autant. Or, souvenons-nous que la croissance de la population de la capitale se faisait désormais dans les communes suburbaines et que déjà les principales industries - en particulier mécaniques - avaient tendance à s'installer dans cette première couronne périphérique. Pour permettre le transport quotidien de la population laborieuse, un réseau très dense de voies de tramways, en forme d'étoile, s'était tissé au tournant du siècle et chaque ligne avait sa propre station de production de force. La banlieue devenait donc une zone très intéressante pour les producteurs revendeurs de courant, d'autant qu'ils pouvaient s'installer dans ces communes plus facilement sur de grands espaces. Les grandes centrales qu'ils ont construites le long de la Seine étaient plus rationnelles du point de vue du transbordement de la houille et avaient le mérite de polluer beaucoup moins les quartiers habités. Progressivement la grande banlieue parisienne a été partagée à son tour en cinq secteurs (voir carte no 2). Une première vaste région a été prise en main par la société Nord-Lumière, émanation de la S.L.E.E ; et lorsque les possibilités de transport se sont perfectionnées, celle-ci a cherché à s'imposer au nord de Paris, dans l'Oise, en tissant son réseau vers Creil et les autres villes de ce département. Dans ce mouvement de pénétration, elle a, comme les autres sociétés de la banlieue, rencontré l'opposition des compagnies gazières qui avaient obtenu auparavant la concession de l'éclairage dans ces cités, et, pour rompre le monopole, elle a fini par leur verser des indemnités à la suite d'arrangements à l'amiable. Citons ensuite, pour le département de la Seine, le secteur de la Compagnie d'électricité d'Est-Lumière (19), créée en 1900 avec un capital initial de 6 millions porté peu après à 8 millions, pour édifier et exploiter l’usine d'Alfortville afin de distribuer la force et la lumière dans cette zone. La centrale d'Alfortville avait, avant 1914, une puissance installée de 23 000 kW et produisait du courant triphasé de 5 500 V à 50 p/s. Cette compagnie avait à ses débuts des liens étroits avec la Société générale électrique et industrielle, qui s'occupait de construction et de gestion de lignes de tramways. Le secteur de l'Ouest-Lumière(20) avait été créé en 1900 pour distribuer 19. La compagnie Est-Lumière était jusqu,en 1909 présidée par Genty, président également de Ia Société générale électrique et industrielle, 4, cité d,Antin ; à cette date, son actif était de 16,6 millions de francs et son passif comportait, outre un capital de 6 millions, un emprunt de 8 millions. Avant 1914, l,équipe dirigeante avait totalement changé ; le président était alors Dreyfus-Brodsky, le vice-président F. Meyer (directeur de la Continentale Edison) et parmi les membres du conseil on pouvait remarquer L. Loucheur, de Loire et Centre. 20. La Compagnie de l,0uest-Lumière, dont le siège était 73, boulevard Haussmann, était présidée par Camille Krantz ; son vice-président était Eugène Lattès, les membrcs du Conseil : Ad. Baux, Beauvois-Devaux, E. Bernheim (l,Alsacienne de Mulhouse), A. Boissonnas (administrateur de la Franco-Suisse et de sa filiale Force et Lumière de Grenoble), G. Delbruck, F. Hérard, Etienne Mallet (banquier en relation étroite avec la Franco- Suisse), Ch. Mildé (ancicn " p rmissionnaire " du secteur des Champs-Elysées), G. Pictet et Edgar de Sincay (liés au groupe Suisse).

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l'électricité dans la banlieue ouest de Paris, notamment dans les communes de Levallois-Perret, Neuilly, Boulogne, Clamart, Colombes, Courbevoie, Puteaux, Saint-Cloud, Garches, Sèvres, Ville-d'Avray , Marnes, Meudon, Chaville, Vaucresson.. 12 millions de francs, avait été porté à 25 millions avant l9l4 en bonne partie grâce à l'appui de la Société financière franco-suisse de Genève. Elle avait pu ainsi construire à Puteaux une centrale de 45 000 kW fournissant du garant triphasé de 10 000 V à 53 p/s. II s'agissait là d'une des compagnies les plus puissantes de la couronne parisienne, et ses liens avec I étranger lui donnaient un caractère tout à fait original dans le thermique de la région. Quant aux compagnies du Nord-Est parisien et de Sud-Lumière, dont les communes étaient encore essentiellement rurales elles ne possédaient pas de centrales et achetaient leur courant à des producteurs,

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comme la Compagnie générale de distribution d'énergie électrique (2l) très liée à Thomson-Houston et à l'Energie électrique du littoral méditerranéen (E.E.L.M.), qui fournissait, grâce à ses usines de Vitry (36 000 kW) et de Billancourt (22 000 kW), du courant triphasé de 3 500 V à 25 p/s en particulier à Sud-Lumière (22). A partir de 1900, lorsque commence la structuration des secteurs de distribution dans la région parisienne, l'impression générale qui se dégage est que, dans l'ensemble, les unités de production de la périphérie étaient d'une plus grande ampleur que dans la capitale. Déjà la spécialisation entre la production et la distribution était apparue mais elle s'accompagnait parfois de liens financiers entre les différentes parties prenantes, ou d'accords de livraison avec les secteurs de Paris. Des jonctions existaient également avec les sociétés de transport en commun, comme le métropolitain, les compagnies de tramways ou encore les réseaux de chemins de fer, dont les installations électriques particulières devenaient insuffisantes. Désormais, la complémentarité de la fourniture de lumière et de force pour les usages domestiques et industriels était recherchée par les producteurs afin d'amortir par une production plus régulière les coûts fixes très lourds de leurs grosses centrales. Il n'empêche que si des mouvements de régulation d'ensemble s'amorçaient par tâtonnement, l'anarchie régnait encore dans les voltages et les périodes fournis... La concurrence restait vive et se traduisait par des propositions alléchantes aux plus gros consommateurs, voire par des offres d'éclairage gratuit sur la voie publique afin d'obtenir plus facilement la concession de la distribution dans certaines communes. Bref, les territoires des différents secteurs étaient encore flous. Une restructuration plus rationnelle de la production et de la distribution s'imposait dans la banlieue comme à l'intérieur de la ville. Mais c'est dans la capitale que son urgence se faisait le plus sentir la nécessité de repenser en 1907 les liens juridiques entre la municipalité et les distributeurs allait permettre de franchir une nouvelle étape dans l'électrification de Paris. Les débuts de la Compagnie parisienne de distribution d'électricité (C.P.D.E.) et l'entente régionale Autour des années 1906-1907, de grands changements sont perceptibles dans le développement de l'industrie électrique en France. Trois facteurs doivent être pris en compte pour expliquer la croissance de la production à partir de ces années : - des améliorations techniques importantes, notamment dans le 21. La Compagnie générale de distribution d,cncrgie Iectrique, dont Ic sicge était 31, rue

Tronchet, avait un capital de 12 millions de francs cn 1914. Son président éttrit Thurnauer vice- présidents : Renaud et Siry ; mcmbre du conseil : E. Blondcl, Gourv dc Roslan (E.E.L.M.) et Ch. Rcbuf- fel (E.E.L.M.). 22. On pourrait mime citer la Compagxrie de distribution d,éncrgie élcctrique d,lssy-les-Mouli· neaux au capital de 200 000 francs seulen,ent qui dattrit dc 191 I. Son président était Essig. Elle avait une petite usine (8 000 kW) et desservait quelqucs réseaux dc la banlicue sud cn courant diphasé

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domaine du transport grâce au courant alternatif de forte tension (60 000 V), ont permis la mise en place d'un premier réseau régional de connexion ; - une législation nouvelle qui, en 1906, mettait fin à un système principalement de contraintes en matière de distribution, affirmait l'utilité publique des travaux de construction, de transformation et de distribution, et créait, en plus de la concession municipale et de la permission de voirie, la concession d'Etat. Elle autorisait l'expropria- tion pour cause d'utilité publique, spécifiait le cahier des charges des concessionnaires et prévoyait la constitution d'un « Comité d'électri- cité « national (23) . - enfin, une prise de conscience s'est opérée parmi les syndicats professionnels (24) et surtout les responsables des collectivités locales, concernant la nécessité d'introduire une uniformisation des modèles et des formes d'installation de la distribution. Dans ces conditions, on comprend qu'avec les premiers dividendes versés par les sociétés électriques les perspectives de bénéfices aient entraîné un mouvement d'investissement plus conséquent, mais désormais la tradition du profit devait s'accommoder des exigences du service public. A Paris, la municipalité, prévoyant la fin du régime des permissions en 1907-1908, a mis en place dès 1904 une commission chargée de lui proposer des modalités techniques pour centraliser la production et uniformiser la distribution. Le rapport a été remis en 1905, et dès cette année-là, sur les conseils de A. Sartiaux (25), il a été pratiquement décidé de confier une concession unique à un consortium formé par les compagnies des six anciens secteurs, aidé par la Société d'étude pour l'exploitation de l'énergie électrique à Paris (Schneider et Mildé). La nouvelle convention de concession a été signée en septembre avec l'Union des secteurs. Elle prévoyait qu'après une période transitoire de cinq ans la Compagnie parisienne de distribution d'électricité, émanation de ce consortium, prendrait directement à sa charge la gestion des services. Les nouveaux plans et la période transitoire Sur proposition de la commission technique, critiquée par A. Sar- tiaux (26), voici ce qui a été retenu. Etant donné qu'il était prévu qu'en 1914 les besoins pour la ville de Paris se situeraient autour de 75 000 kW I 500 V à 50 p./s. II s'agissait vraisemblablement d'une émanation de l'ancien secteur de la rive gauche. Il ne faut pas confondre cette dernière avec l'Energie électrique de la région parisienne, qui possédait une usine à Nanterre (20 000 kW) et une autre à Issy les Moulineaux (31000 kW). Elles alimentaient Ies chemins de fer de l'Etat (Paris-Orléans, repris en 1908) un courant triphas de 5 500 V à 25 p./s. 23. Voir J.- C. Colli, , Cent ans d'électricité dans les lois ", numéro spécial du Bulletin d'hfstoire de lëlectricité, 1986, p.15-18. 24. En avril 1907 est créé l'Union des syndicats de l'électricité (U.S.E.), qui regroupc le Svndicat professionnel des industries électriques et celui des Usines d'électricité; dès juillet 1907 cst mis en place le Comité électrotechnique français, chargé dc proposer une normalisation de I,appareillctge cl des installations. 25. A. Sartiaux était directeur de la Compagnie des chemins de fer du IVord, memhre du conseil d'administration de la Société d'éclairage et de force par l'électricité et du svndicat professionnel des industries électriques du nord de la France. Il s était particulièrement attaché à ce que les centralcs soient édifiées près des voies de chemin de fer. 26. Sur ces questions voir Ch. Malégarie, L'ELectricité à Parfs, op: cit., p. 34-59.

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installés, il fallait construire deux usines de production, l'une au nord, à Saint-Ouen, de 50 000 kW, et l'autre de 25 000 kW au sud, à Issy-les- Moulineaux ; les deux unités de production devaient être prêtes à fonctionner à la fin de la période transitoire. Pour Issy, trois groupes de turbo-alternateurs de 10 000 kW chacun ont été commandés, plus vingt chaudières pour les alimenter; à Saint-Ouen, il s'agissait de huit groupes de 10 000 kW et de quarante chaudières. Le courant alternatif devait être de 12 300 Volts, et finalement, malgré quelques partisans du 50 périodes c'est le 42 périodes par seconde qui a été choisi. Naturelle- ment, les sites prévus étaient à proximité de la Seine, non seulement en raison des possibilités d'approvisionnement en charbon, mais égale- ment pour bénéficier d'énormes quantités d'eau froide nécessaire aux chaudières. Les deux grandes centrales devaient être reliées entre elles pour pouvoir se porter secours, mais la marche en parallèle n'avait pas été conseillée. Quant à la distribution, si en théorie le courant alternatif triphasé de 220 V avait été reconnu plus logique pour alimenter à la fois les lampes et les moteurs des usagers, par réalisme et pour éviter de refaire toutes les installations, les études ont tenu compte de ce qui existait. C'est ainsi que, dans les secteurs les plus densément habités, il a été convenu de maintenir le courant à 3 fils (2 fois 110 V) ou à 5 fils (4 fois 110 V) ; par contre, à la périphérie de la ville, c'est le courant alternatif diphasé à 5 fils (4 fois 110 V) ou monophasé 3 000 V qui a été retenu (voir carte no 3). Partout des sous-stations ont été équipées pour la transformation du courant d'abord en 3 000 V puis en aval en 110 V. En 1906, au centre de Paris, il existait environ 420 km de canalisation en courant continu, dont 280 à 5 fils ; cette situation explique le maintien par la suite du courant continu dans certains quartiers du centre ; mais à la périphérie, là où la clientèle était disséminée, l'équipement n'avait guère progressé ; c’est pourquoi il a été décidé d'établir au moins 600 km de canalisations nouvelles jusqu'en 1914, généralement en alternatif. Toutes les lignes souterraines devaient être soigneusement armées et isolées. Sécurité, régularité et généralisation de la distribution devenaient donc, sous l'impulsion des pouvoirs publics, les maîtres mots de la deuxième phase de l'électrification. Le coût global des nouvelles opérations concernant les centrales, les sous-stations, les canalisations, les transformateurs, les colonnes mon- tantes, était estimé à 110 millions de francs pour les cinq ans de transition, et, au total, il fallait compter environ 180 millions de francs dans les vingt ans pour parfaire les installations dans Paris. Or, en même temps que cette vaste opération était mise en chantier, les tarifs maximaux pour la période du 1er novembre 1907 au 31 décembre 1913 étaient abaissés et fixés pour l'éclairage à 0,70 F par kWh et à 0,30 F pour les autres usages (27). Les conditions faites par la ville à l'Union des 27. Pour Ies abonnés qui avaient souscrit avant le 1`'' janvier 1907 à des tarifs inEérieurs, il a été décidé que les priz seraient inEérieurs. Pour dcs polices souscrites à 0,7.5 Eranc par kWh, le tariE scrait ramené à 0,675 franc ; pour des polices à 0,70 Eranc, le kWh serait ramené à 0,65 tranc et pour des

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secteurs et à la future compagnie de distribution paraissaient très dures mais elles étaient susceptibles de contribuer à la consommation de masse de l'électricité. La convention signée le 5 septembre 1907 définissait d'ailleurs une concession très restrictive puisque tous les biens acquis pour l'installation de la production et de la distribution devenaient immédiatement propriété de la commune de Paris. La production de l'énergie nécessaire à la traction électrique des transports en commun ri entrait toutefois pas dans cet accord : elle suivait toujours un régime particulier. La concession à la C.P.D.E. était prévue jusqu'au 30 juin 1940. Quant aux installations des anciennes compagnies « permissionnaires « , qui étaient normalement revenues en toute propriété à la ville en 1907, elles étaient louées à la nouvelle société pour un montant égal à 10 % de la recette lors de la nouvelle année, et ce montant devait augmenter de 2,5 % par an par la suite, avec un maximum de 25 % du chiffre d'affaires. La municipalité tirait donc des avantages substantiels du futur concessionnaire. En ce qui concerne tous les frais de premier établissement assumés par les anciens secteurs, ou à effectuer par leur « Union « jusqu'au ler janvier 1914, ils devaient être couverts par trois emprunts d'un total de 100 millions de francs à émettre avant la fin de la période intermédiaire et par les réserves faites par le concessionnaire. A partir de 1914, la C.P.D.E. devait reprendre à sa charge ces emprunts ; on voit par conséquent que la C.P.D.E. ne devait être qu'un simple gestionnaire du domaine électrique de la Ville de Paris. Et un bon connaisseur de cette compagnie comme Ch. Malégarie devait finalement affirmer que cette concession était tout bonnement «exorbitantens « (28) Une nouvelle donne pour Paris et sa région (1914-1920) La C.P.D.E., instituée dès 1907(29), a donc hérité en 1914 d'un instrument de production et de distribution à peu près terminé selon les plans prévus. Elle réunissait dans son conseil presque tous les anciens secteurs, mais la S.L.E.E., la Compagnie de l'air comprimé et celle de la Place Clichy y étaient particulièrement bien représentées. Sous l'égide des pouvoirs publics, la nouvelle structure avait donc créé une sorte polices à 0,65 franc, le prix serait ramené à 0,625 franc. En outre, il était admis qu,à partir du l r janvier 1914 les tariEs maximaux seraient baissés une seconde Eois à 0,50 franc pour l,éclairage et à 0,30 (ranc pour la force. Pour les abonnés alimentés directement en courant primaire à 12 500 volts (grosse industrie ct transports collectiFs), une réduction de 25 % était encore prévue. Voir Ch. Maléga- rie, L,Electricfté à Paris, op. cit., p. 202-203. 28. Ch. Malégarie, I.,Electricfté à Paris, op. ctt., p. 198. 29. La C.P.D.E., fondée en 1907, avait son siège rue de Vienne, son capital était de 100 millions. Elle avait pour présidcnt, en 1914, E.L. Richemond (président de la Continentale Edison). Les vice- présidents étaient A. Benac (vice-président de la Compagnie de l,air comprimé) et L. Villar (président de la Coropagnie des Champs-Elysécs). Les membres du conseil étaient A. Berthelot (S.E.P.), Javal (Chemin de Eer du Nord). L. Lion (Champs- Elysées), A. Petsche (S.L.E.E.), G. I Ioblemaire (P.L.M.), Salin (Triphasé), de Plancy (Air comprimé). L,ingénieur en chef était H. Widemer (Place Clichy), futur dirigeant des aciéries P. Girod d, Ugine pendant la Première Guerre mondiale et initiateur de l,absorp- tion de ces deniières par la Société d,électrochimie de H. Gall.

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d'entente entre les premières grandes affaires d'électricité à Paris. Il est vrai que désormais la gestion, à l'aval, d'un vaste espace de distribution soumis à des impératifs très fermes sur le plan à la fois technique, juridique et financier n'offrait d'intérêt que dans la mesure où, à l'amont, la fourniture de matériel, d'études, de force et de capitaux permettait d'asseoir un pouvoir dynamique sur l'ensemble de cette industrie. Rendue nécessaire pour des raisons « politiques « , la division des tâches par objectif impliquait en réalité de nouvelles formes plus complexes de maîtrise de l'ensemble, qui vont se tisser progressivement et par tâtonnements. Il est certain que la guerre survenant sur ces entrefaites a largement figé l'évolution de la situation parisienne. Le développement de la C.P.D.E. a en effet souffert de 1914 à 1920 du conflit. La puissance de pointe en 1914 - 65 000 kW - n'a été suffisante que parce que les deux premières années de guerre ont provoqué une stagnation de la consommation, mais en 1919 il fallait déjà disposer d'une puissance de pointe de presque 100 000 kW et elle n'a pu être obtenue que par des achats à d'autres producteurs. A partir de 1916, en raison des besoins de la mobilisation économique, la production et les achats sont en conséquence passés de 112 millions de kilowattheures à 228 millions. Ce doublement de la consommation était pour une grande part dû à la demande de haute tension, qui a triplé. En pleines restrictions il a donc fallu prolonger les canalisations de 237 km ; longues de 2000 km début 1914, elles ont atteint 2237 km fin 1919. Entre-temps, le nombre des abonnés était passé de 192 620 à 208 276.

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Cet effort a bien entendu été suivi d'une augmentation des recettes, qui, de 27,7 millions de francs en 1914, ont atteint 58,8 millions de francs courants. Mais en francs constants cette augmentation n'a pas du tout suivi la croissance de pouvoir d'achat puisque l'indice du prix du kilowattheure à usage domestique en francs constants est passé de l'indice 100 en 1914 à 29 en 1919. Or, de fin 1913 à fin 1919, les dépenses de premier établissement ont progressé de 40 millions de francs, dont 22 millions fournis par les actionnaires, et l'effort n'a pas été payé en retour puisque les bénéfices totaux sont passés de 5,7 millions en 1914 à 3,8 en 1919 en francs courants. Un dividende brut de 4 millions de francs a tout de même été distribué régulièrement chaque année ; par contre, la rente de la Ville de Paris, de 3 millions de francs en 1914, s'était élevée à 9,5 millions en 1919. En conclusion, la nouvelle concession n'avait pas été très fructueuse pour les gestionnaires. Pourtant, la guerre avait eu une conséquence positive ; elle avait surtout montré que Paris ne pouvait pas se passer des producteurs privés de la périphérie. C'est ainsi que la Compagnie générale de distribution d'énergie électrique, avec son usine de Vitry, avait été largement mise à contribution. De même, la S.E.P., avec sa centrale de Saint-Denis, avait été sollicitée, dès 1907, pendant la construction d'Issy et de Saint-Ouen, puis pendant la guerre, pour aider la C.P.D.E. à franchir les pointes, alors que sa principale fonction était d'alimenter le métropolitain. Naturellement, l'usine d'Asnières du Triphasé avait tenu le même rôle. Mais, pendant le conflit, la demande de consommation de la banlieue avait également augmenté et après 1919 certaines vieilles usines comme Asnières, Puteaux, Billancourt et Alfortville n'étaient plus du tout rentables et demandaient à être déclassées. I1 fallait par conséquent repenser totalement la production dans la région pari- sienne. En 1919, sur l'instigation de A. Petsche et d'E. Mercier - tous deux de la S.L.E.E. - et sur le modèle de l'Union des secteurs qui avait fonctionné entre 1907 et 1914, a été créée l'Union d'électricité (U.D.E.) en vue de réorganiser la production et d'unifier la distribution, en triphasé à 50 périodes, dans l'ensemble du Bassin parisien. La première grande centrale qui a été projetée par cette Union était Gennevilliers : cette usine grandiose, imaginée par E. Mercier, a vu le jour en 1922 seulement ; mais elle a marqué le début d'une troisième étape d'électrification du coeur de la France qui devait se poursuivre très rapidement par l'interconnexion entre le thermique parisien et l'hydraulique du Massif central. Une page était tournée puisqu'un développement purement ponctuel de l'électricité n'était plus concevable.