décroissance démographique et planification du territoire à ......cjrs/rcsr 39(1/3) 2016 5151...

CJRS/RCSR39(1/3) 2016 5151

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Lespériodesdedéclinetdecroissancesesontsuccédéesdansl’évolutiondesvilles. Dès la fin des années 1930, deschercheurs commeHoyt (1939) consi-déraient le déclin urbain comme unprocessus naturel de développement.Malgré une période de développe-ment économique sans précédent etun contexte de stabilité politiqueaprès laSecondeGuerremondiale,deplus en plus de villes ont connu despériodes de décroissance (Rieniets2006).Jusqu’auxannées1990, lephé-nomène semblait surtout associé à ladésindustrialisation dans les pays dé-veloppés comme les États-Unis, leRoyaume-Uni et l’Allemagne.Au tour-nant des années 2000, on remarquetoutefois que près du quart des villesde plus de 100 000 habitants àl’échelle mondiale sont affectées parune diminution de leur population(Rieniets 2006). Selon les NationsUnies, 40 % des villes des pays déve-loppés et 10 % des villes des pays endéveloppement sont alors affectéespar la décroissance démographique(UNHabitat2008).

Dans un contexte de développe-ment urbain, la croissance démogra-phique et économique entraîne deschangements dans lamorphologie duterritoire. La croissance multiplie lesbesoins d’usage du sol. Elle entraînel’aménagement et la transformationde l’espace. Elle semanifeste surtoutparledéveloppementimmobilieretlaconstruction d’infrastructures pu-bliques. À l’opposé, la décroissanceéconomique et démographique af-fectepeulaformedelaville.Lepatri-moine bâti s’ajuste mal à la décrois-sance (Glaeser & Gyourko 2005).Comment organise-t-on alors le déve-loppementdesvillesdansuncontextededécroissancedémographique?

Comme le mentionnent Donald &Hall (2010), la décroissance s’accom-pagnesouventd’unsentimentd’échecdans les villes touchées par le phéno-mène. Les politiques urbaines ne trai-tent de la décroissance que dans uneperspective de renversement de ten-danceouderetouràlacroissance(Al-becker et al. 2010). Très peu de villes

se résignent àplanifierundéveloppe-ment fondé sur des prévisions démo-graphiques faibles ou déclinantes. Lalittérature sur les villes en déclin enappellepourtantàunchangementdeparadigme des politiques urbaines(Nuissl&Rink2005),àenvisagerladé-croissance commeunpotentielde re-développement (Oswalt 2005), voirecomeunechancepourreconstruireunnouveau modèle urbain (Kabisch,Haase,&Haase 2006). Il existeégale-ment des outils pour organiserl’aménagement du territoire dans untelcontexte.Cesoutilsfontappelauxconceptsdeplanificationorientée surladécroissance,dedécroissance intel-ligente (smart decline), de dévelop-pement qualitatif ou de développe-ment contrôlé (Albecker et al. 2010 ;Donald & Hall 2010;Hall 2009; Hol-lander&Németh2011;Popper&Pop-per 2002). Entre les énoncés théo-riques et la pratique, un certain déca-lagesembletoutefoispersister.

Au Canada, le nombre de re-cherches portant sur la décroissancedes villes est relativement restreint(Donald&Hall2010;Hall&Hall2008).Certains chercheurs s’intéressent auphénomènede la décroissance régio-nale, commePolèse & Shearmur(2002, 2003, 2006). D’autres s’intér-essent au sort des villes mono-industrielles, comme Leadbeater(2009). Le processus de planificationurbainede lavilledeSudbury,dont lapopulationadéclinéedefaçon impor-tanteentrelesannées1970et2000,aété analysé parHall (2009) et Schaltz(2010).Lesenjeuxdémographiquesdudéveloppementurbain sontaussi trai-tés dans les travaux de Leo& Ander-son(2006)surWinnipegetdeLewis&Donald (2010) sur Kingston. Dans uncontexteoùladécroissancedémogra-phique touche plus du tiers des ag-glomérations urbaines canadiennesentre 1996 et 2006 (Donald & Hall2010),ilestétonnantquelesujetn’aitpassuscitéplusd’intérêt.

Cetterechercheapourobjectifdecontribuer au développement desconnaissancessurleprocessusdepla-nificationterritorialedansuncontextede décroissance démographique auCanada. Elle propose, pour ce faire,une analyse du cas de la région mé-

DécroissancedémographiqueetplanificationduterritoireàSaguenay

MichaëlTremblay,Jean-PhilippeMeloche,etFranckScherrer

Écoled’urbanismeetd’architecturedepaysage,UniversitédeMontréal,MontréalQC.Adressezvoscommentairesà[email protected]

Soumis7avril2016.Accepté6octobre2017.

©CanadianRegionalScienceAssociation /Associationcanadiennedes sciences régio-nales2016.

Tremblay,M,Meloche,J-P,&Scherrer,F.2016.Décroissancedémographiqueetplanifi-cationduterritoireàSaguenay.CanadianJournalofRegionalScience/Revuecanadiennedessciencesrégionales39(1/3),51-60.

Depuis les années 1980, Saguenay au Québec est l’une des rares régions métropoli-tainescanadiennesàavoirconnuunepériodededécroissancedémographiquesurplusde 15 ans. Cette recherche vise à vérifier dans quelle mesure cette réalité démogra-phique influence les processus de planification du territoire. Des entrevues réaliséesauprèsd’acteurs locaux liésà l’aménagementurbain, audéveloppementéconomiqueet au pouvoir municipal ont permis de constater que la planification du territoires’orientetoujourssurleretouréventueldelacroissance.Cependant,àl’échelledecer-tainsquartiers,desactionsconcrètesontétémenéespourrépondreauphénomènededécroissance.

52 Tremblay,Meloche,&Scherrer Décroissancedémographique


tropolitaine de Saguenay au Québec.Des entrevues réalisées auprès d’ac-teurs locaux, l’analyse textuelle duschéma d’aménagement et de déve-loppement (SAD) et l’observation di-recteontpermisdedégagerdescons-tats sur la prise en compte des pers-pectives démographiques faibles oudécroissantes dans le processus deplanification.

L’articlesediviseentroissections.La première présente le contexte dé-mographique de la région métropoli-taine de Saguenay. La deuxième pro-pose une analyse du schéma d’amén-agement et de développement ainsiquedudiscoursdesacteursde lapla-nificationsur lapriseencomptede laréalitédémographiquedansleproces-sus de planification du territoire. Unregard approfondi sur le secteur dePort-Alfred,unexempledesecteurendéclinàSaguenay,estensuiteprésen-tédanslatroisièmeetdernièrepartie.

Saguenay,unevilleendécroissance?La décroissance urbaine est l’objetd’unevastelittératurescientifique,re-levée notamment dans les ouvragessynthèses de Oswalt (2005), Pallagstetal.(2009),Baronetal.(2010),Wach-ter& Zeuli (2014), ou dans le numérospécial de la revue International Jour-nal of Urban and Regional Research(vol. 36, no. 12, 2012). Malgré cela, ladéfinition de l’objet de recherche lui-même–lavilleendécroissance–n’estpastoujoursdéfiniclairement.Commele mentionnent Cunningham-Sabot et

al. (2010), Olsen (2013) ou Tighe &Ganning(2015), iln’existepasdedéfi-nition consensuelle de la ville en dé-croissance. La décroissance peutprendre plusieurs formes: écono-mique, démographique, ou une com-binaisondesdeux(Hall2006).Lephé-nomène peut affecter une ville en-tière, un quartier, ou bien l’ensembled’une aire métropolitaine (Pallagst etal. 2009). Le rythme de décroissanceou la période sur laquelle le phéno-mène s’étale varient aussi considéra-blementd’uneétudeàl’autre(Tighe&Ganning 2015). Le phénomène peutdonc évoluer à différents rythmes, àdifférenteséchellesettoucheràlafoisles composantes et les bases écono-miques, démographiques, sociales,environnementales et politiques d’unterritoire (Olsen 2013).Malgré cela, lalittérature s’attache surtoutà l’aspectdémographique du phénomène.Comme le font remarquer Tighe &Ganning(2015),celas’expliqueenpar-tie parce que les indicateurs écono-miques sont généralement corrélés àlavariationdepopulationdesvilles.

Même si la population représentel’indicateur central des études sur ladécroissance urbaine, l’échelle d’anal-yse et la période d’observation in-fluencent grandement les conclusionssur l’évolution démographique. Cer-tainsauteursétudientlesenjeuxdeladécroissance à l’échelle de quartiers,alors que d’autres jugent que seulel’échelle régionale permet de captertous les aspects de la décroissance

(Murgante & Rotondo 2013). Commele font remarquer Cunningham-Sabotet al. (2010), «à partir dumomentoùladécroissancedémographiquesegé-néraliseà l’ensembledu territoire [ré-gionaloumétropolitain], les réponseslocales deviennent improductives siellesnesontpascoordonnéesàunni-veau supérieur».Dans ce cas, lemar-queurprincipalde ladécroissancede-vrait ànotreavis reposer sur l’échellemétropolitaine, même si la mise enœuvredespolitiquesd’aménagementet de planification se fait surtout àl’échelle des municipalités, voire desquartiers.

Dans l’histoire du Canada, la dé-croissance démographique des ré-gions métropolitaines est un phéno-mène relativement récent. Il semani-feste subtilement, dans le sens où ladiminution de population est propor-tionnellement faible et étendue dansle temps. Des 33 régions métropoli-taines de recensement(RMR) quecomptait le Canada en 2011, sept ontconnudepuis 1991despériodesdedi-minutiondepopulationentredeuxre-censements; trois ont connu unebaisse démographique sur une pé-riode d’aumoins 10 ans, et une seulesur une période de 15 ans, soitla ré-gion métropolitaine de Saguenay, auQuébec. La taille des agglomérationssembleservirde rempartà ladécrois-sance. Suivant l’analyse de Donald &Hall (2010) sur la période 1996-2006,prèsde80%desagglomérationsayantconnuunepertedepopulationauCa-nada avaient moins de 50000 habi-tants et aucune n’avait plus de500000habitants.

La région métropolitaine de Sa-guenayest localiséeàquelque200ki-lomètresaunorddelaVilledeQuébecet à 500 km deMontréal1. Son déve-loppement économique s’amorce aumilieu du 19e siècle avec le début del’exploitation forestière et du com-merceduboisd’œuvre (Proulx2007).L’exploitation forestière et l’abon-dance de l’énergie hydroélectrique,liée à son important réseauhydrogra-phique,yfavorisel’essordel’industriepapetière et des alumineries. Ce sontdes capitaux étrangers qui dominentle développement économique local.La production est surtout dédiée à

Figure1.Évolutiondelapopulationentre1976et2011,RMRdeSaguenayetleQuébec

Note:Populationde1976=100.FrontièresdesRMRde2011.Sourcedesdonnées:RecensementsdeStatistiqueCanada,1976à2011.

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l’exportation.AprèslaSecondeGuerremondiale,larégionentredansunepé-riode de croissance économique sansprécédent. Les emplois industrielssontnombreuxetbien rémunérés. Ilspermettent à la population régionaled’entrer dans l’ère de la consomma-tiondemasse (Girard&Perron 1995).Une classe d’affaires locale, œuvrantprincipalement dans le domaine dudétail et dans le secteur manufactu-rier,faitalorssonapparition.

Les premiers signes d’essouffle-ment de l’économie locale apparais-sentdanslesannées1980.Àpartirdudébut des années 1990, ce ralentisse-ment entraîne unedécroissance de lapopulationquisepoursuitau-delàdesannées2000.Surlapériodequisépareles recensements de 2001 et 2011, lapopulationdelarégionmétropolitaineest passée de quelque 165000 habi-tantsàmoinsde158000,soitunedé-croissancedel’ordrede4,2%2.Entrelesommet atteint en 1994 et le creuxobservéen2007, la chuteestde6,1%(voir figure 1). Malgré un retour à lacroissance au tournant des années2010, la population de la région mé-tropolitaine demeure, vingt ans plustard, inférieure à celle du début desannées 1990.Lephénomèneestdoncrelativement persistant. C’est d’aill-

eurs cette persistance qui justifienotre choix d’étudier ici le cas de larégionmétropolitainedeSaguenay.

Lecasde la régionmétropolitainedeSaguenaysedifférencieégalementpar un déclin démographique à plu-sieurs échelles territoriales. Toutd’abord, la région administrative duSaguenay-Lac-Saint-Jeanavusapopu-lationdiminuerentre1991et2011,toutcomme la RMR de Saguenay et saprincipale composante, la ville de Sa-guenay. Les trois arrondissements dela ville ont également vu leur popula-tiondécroître. Il fautaller jusqu’àuneéchellemicro-territoriale pour trouverune croissance démographique. Cer-tains secteurs de recensement, quicorrespondentengrosàdesquartiersouàdesvillageshorsdeslimitesdelaville de Saguenay, présentent desdonnées plus positives. Ainsi, sur les37 secteurs de recensement quecompte laRMRdeSaguenay,70%ontvuleurpopulationdécroîtreentre1991et2011.3

L’ampleur de cette décroissancereste somme toutemodeste en com-paraison des observations relevéesdans d’autres régions dumonde (Pal-lagst et al. 2009). Elle n’est pas nonplus accompagnée d’une diminution

du nombre de ménages sur le terri-toire.SelonTighe&Ganning(2015),ladécroissance de population devientsérieuselorsqu’elleestplusrapidequeladiminutiondunombredepersonnesparménage.Dansuntelcas,larégions’expose à une chute de la demandebruteenlogement,doncàuntauxdevacanceélevéouà l’abandondebâti-ments.AuQuébec,entre2001et2011,la décroissance du nombremoyen depersonnesparménageaétéde-11,5%,soit un taux largement sous celui ob-servépourlapopulationdelaRMRdeSaguenay4. Ainsi, malgré la décrois-sance de la population, le territoiremétropolitainurbanisédeSaguenayacontinué de progresser. La figure 2 il-lustrecephénomène.

Le déclin démographique de laRMR de Saguenay apparaît donccomme un phénomène relatif. La ré-gion a connu une période de décrois-sancedesapopulation,maisplusieursindicateurs socioéconomiques sontdemeurés positifs. Son déclins’observe surtout dans l’écart de va-riation avec sa province d’appar-tenance (voir figure 1). Si la décrois-sancen’estpascriante, laRMRdeSa-guenayafficheclairementunestagna-tion persistante depuis le début desannées1980etundéclassementdans

FIGURE2Évolutiondunombredelogementsetdeménagesparrapportàl’évolutiondelapopulationentre1981et2011

Sourcedesdonnées:RecensementsdestatistiqueCanada1981-2011,etInstitutdelastatistiqueduQuébec.



la hiérarchie urbaine nationale. Sesperspectives de croissance démogra-phique sont également relativementmodestespourl’avenir.L’InstitutdelastatistiqueduQuébec(ISQ2014)tablesurunscénariode référencedecrois-sance de l’ordre de 2 % entre 2011 et2036, soit un taux insuffisant pour luipermettre de retrouver à long termesonniveaudepopulationdudébutdesannées 1990. La fourchette de crois-sance attendue se situe entre -2 % et6,5%sur25ans,avecunretourprévueàladécroissanceàpartirde2031danslescénarioderéférence.

Cette situation démographiquelaisse entrevoir un enjeu important àplus long terme, soit celui du vieillis-sement de la population. S’il est at-tendu que la population totale de laRMR de Saguenay croit de 2 % entre2011 et 2036, celle des personnes enâgede travailler (20 à65 ans)devraitchuter de 17 % au cours de la période(selon le scénario de référence – ISQ2014).Enfait,lacroissancefuturedelapopulation à Saguenay serait essen-tiellement nourrit par l’accroissementde la population de 65 ans et plus,dont on estime le taux potentiel decroissance à 80 % entre 2011 et 2036.Ce vieillissement provoquera ultime-ment un retour de la décroissancepourlaRMRdeSaguenay.

L’objectifdecetterecherchen’estpas d’étudier les facteurs ayant con-duit à la situation de décroissance oude stagnation de la population de laRMR de Saguenay. Ces facteurs ontété analysés directement et indirec-tementparplusieursauteurs,dontPo-lèse & Shearmur (2002), Tremblay &Vézina (2004), Simard & Gauthier(2004), Proulx (2007) et Ouellet(2009). Les problèmes soulevés dansla région s’apparentent à ceux ayantaffectéd’autresvillesendécroissanceailleurs dans le monde: la désindus-trialisation, une localisation excen-triqueparrapportauxgrandesmétro-poles, la manque de diversificationéconomique, un marché local del’emploi dominé par la grande entre-prise, la mécanisation des processusde production, l’obsolescence de cer-tains produits locaux (le papier no-tamment),etc.Nousnecherchonspasicià remettreenquestioncesétudes.

NousprésentonsplutôtledéclinoulastagnationdelapopulationdelaRMRdeSaguenaycommeun«fait».Àpar-tir de là, nous nous intéressons à laprise en compte de ce «fait» dans laplanificationterritoriale.

CadreméthodologiqueMalgréleconstatétablidanslasectionprécédente, il n’est pas évident quel’évolutiondémographiquede laRMRde Saguenay ait entraînée un réelchangement de perspective dans leprocessusdeplanificationduterritoiredepuislesannées1990.Lesétudesan-térieures montrent que les interven-tionsterritorialesdesrégionsenpertede vitesse demeurent généralementfocalisées sur des projets visant la re-lanceou le retourà lacroissance(Do-nald&Hall2010;Albeckeretal.2010).Trèspeuadoptent lecheminde ladé-croissance raisonnée (ou du «smartdecline») telle que proposé par Pop-per & Popper (2002) ou Hollander &Németh (2011)5.Noussouhaitonsvéri-fiersicettehypothèses’appliqueéga-lement à la région métropolitaine deSaguenay.

Cette recherche s’intéresse auprocessus de planification du terri-toire,etplusspécifiquementàlaplani-fication et l’aménagement du terri-toireurbaindansuncontextedefaiblecroissance ou de décroissance démo-graphique. Plutôt que de faire la syn-thèse d’informations provenant deplusieurscasdocumentéssur le sujet,commel’ontfaitDonald&Hall(2010),nous avons choisi d’approfondir plusen détail un seul cas, soit celui de larégionmétropolitainedeSaguenay.Cechoixs’expliquepar le faitqu’ilexistetrès peude cas documentés auCana-dasur laplanificationurbainedansuncontextededécroissanceoudefaiblecroissance et que les données trans-versales disponibles actuellement nepermettent pas d’approfondir l’anal-yse du phénomène. Notre recherches’inspireàceteffetdestravauxdeHall(2009), Lewis & Donald (2010) etSchaltz (2010 et 2013), qui ont plutôtoptépourdesétudesdecas.

Lecadreméthodologiquedelare-cherche s’appuie sur les principes del’analyse de cas élaborés par Yin

(2009). Les données analysées sontdes données qualitatives et relèventde trois sources différentes. La pre-mière de ces sources est celle de ladocumentation officielle de la planifi-cation urbaine, qui se résume ici auSchéma d’aménagement et de déve-loppement(SAD)de laVilledeSague-nay (2011). Le choix d’étudier ce do-cument de planification découle d’uncontexteparticulier.Àlasuitedelafu-sionmunicipale de 2001, l’exercice vi-santlamiseenplaceduSAD,quiadé-buté par l’élaboration d’une visionstratégique en 2007, constitue la pre-mièredémarchedeplanificationunifi-catrice à l’échelle du territoire de laVille de Saguenay. Lors de la réalisa-tion de l’étude, il constituait aussi ledocument de planification le plus ré-cent avec le plan d’urbanisme (2012),dont les dispositions reprennentmas-sivement les grandes lignes du SAD,mais à l’échelle plus locale des unitésde planification (quartiers). Le statutde Ville-MRC de Saguenay expliquel’interrelation entre ces deux docu-ments. Notre approche ne vise doncpas à montrer l’évolution des conte-nus d’un ensemble de documents deplanification ou leurs contradictions.Le contenu textuel d’un seul docu-ment, celui qui nousparaissait le plusimportant en matière d’aménage-ment du territoire, a été analysé afind’en faire ressortir le traitement ac-cordé au thème de l’évolution démo-graphique

Ladeuxième sourced’informationest tiréed’entrevuesauprèsd’acteursconcernés par le développement etl’aménagement du territoire. Nousavonsdoncprocédéàunesériede 13entrevues semi-dirigées auprès d’ac-teurslocaux.Cesentretiensonteulieuau cours de l’automne 2012. Trois ca-tégoriesd’acteursontétéciblées: lesélus municipaux, les agents de déve-loppement économique et les urba-nistes.Cescatégoriesd’acteursetleurpoids dans les entretiens ne préten-dent pas refléter une réalité quel-conque (l’échantillonnage n’est nialéatoire ni pondéré). Le but est sur-tout d’assurer la diversité des pointsdevue.Lechoixdesacteursconsultésest notamment inspiré deHall (2009)et Schatz (2010), ce qui permet une

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certaine comparabilité des résultatsavec ces études. Les entrevues vi-saientàconnaîtrel’opinionoulesper-ceptionsdesacteurssurlesthèmesdudéveloppement urbain et des chan-gements démographiques. Les rap-portsd’entrevueontétésoumisàuneanalyse thématique. L’objectif decette analyse était de valider la priseen compte du phénomène de la dé-croissancedémographiquedansledé-veloppement urbain à Saguenay6. Lenombre total d’entretiens, bien quelimité, a permis d’observer une cer-taine saturationde l’informationpourdeuxgroupesd’acteurs(lesélusetlesaménagistes).Ceconstatsuggèrequel’ajout d’entretiens aurait été redon-dant7. Cela dit, étant donné la naturede l’échantillon et le nombre limitéd’entretiens,nousn’employonspasdeméthode de quantification ou de hié-rarchisationdesopinionssaisies.Noustentons plutôt de faire ressortir leséléments faisant l’objet de consensusoudedivergencesparmi lespointsdevueexprimés.

La troisième source d’informationestcellede l’observationdirecte.Lorsdesentrevues,lesparticipantsontétéinvitésàidentifierunsecteurdelavilleplus affecté par la décroissance dé-mographique. Nous avons ensuiteparcouru le territoire désigné afind’observer le signes apparents de dé-clinou lesmesuresconcrètesd’amén-agement du territoire qui permettentde composer avec ce déclin. La grilled’analyse du territoiremisait sur troiséléments importants: les propriétésvacantes ou abandonnées, les signesapparentsdedégradationdesproprié-tésoudesinfrastructureslocalesetlesnouveaux aménagements. Le dernierélémentaétéanalyséenrapportavecl’usage antérieur des lieux pour véri-fier laprésencedemesuresdemitiga-tiondeseffetsdudéclindansl’espaceurbain.Lesecteuridentifiélorsdesen-trevuesaétéceluidePort-Alfred.

Comme le suggère Yin (2009), ilest préférable qu’une analyse de casnereposepasseulementsur l’analysed’une seule source d’information. Ladiversité des sources permet la trian-gulationdesrésultats,etrenforceainsiles conclusions de l’analyse. Dans lessous-sections qui suivent, nous pré-

sentons les principaux constats quiressortent de l’analyse textuelle duSADdelaVilledeSaguenay(2011),ain-siquedel’analyseducontenudesen-tretiens. Les résultats sont regroupésentroisthèmes:lesoutilsdeplanifica-tion, la prise en compte de la réalitédémographique, et les interventionssurleterritoire.L’analysetiréedesob-servationsdirectesdans le secteurdePort-Alfred sont présentées dans lasectionsuivante.

La difficile prise en compte de la dé-croissanceCettesectionprésentelesconclusionsquiressortentdel’étudeduSADdelaVilledeSaguenay(2011).Ledocumentillustre une certaine ambivalencequant à la prise en compte de la dé-croissance démographique. Certainesphrases laissent croire que la réalitédémographique locale y est pleine-mentassumée:

- «Depuis les années 1980, la villeest marquée par une tendancelourdedediminutiondelapopula-tion.»(p.1-18)

- «…entre 1981et2006, lapopula-tion de Saguenay a diminué de11912citoyens».(p.1-18)

- «… on voit un essoufflementmarqué de l’augmentation dunombre de ménages à partir de2012.»(p.1-22)

- «… à partir de 2026, on constatemême une baisse du nombre deménages.»(p.1-22)

D’autresélémentsprésententtou-tefois la décroissance comme s’ils’agissait d’un sort qu’il fallait à toutprixéviter:

- « … la simple perspective de dé-population peut agir comme unaccélérateur entraînant la stagna-tion économique, qui à son tourpeut provoquer une émigrationsupplémentaire, aggravant d’au-tantladépopulation.»(p.1-23)

Deux paragraphes qui se suiventsur une même page illustrent bienl’ambigüité qui règne autour de laquestion. Le premier marquel’idéeque «la Ville désire projeter l’image

d’une ville en croissance disposantd’un potentiel pour les individus, lesentreprises et les investisseurs» (p.2-1), alors que dans le paragraphe sui-vant émet le constat que la « popula-tion totale du territoire de la ville abaissé au cours des dernières annéeset [que] les perspectives démogra-phiques laissent entrevoir une dé-croissance continueau coursdespro-chainesannées»(p.2-1).

Malgréundiagnostic relativementclair et lucide sur la situation démo-graphique,lavision,lesobjectifsetlesorientations du SADdemeurent, pourla plupart, dirigés vers un retour à lacroissance.Unseulobjectifsembleenphase avec le diagnostic sur la situa-tion démographique, soit celui de «Stabiliser lapopulationdeSaguenayàmoyenet long termeetà s’adapteràson vieillissement à court et moyenterme » (p. 2-2). Les explications quisuivent montrent cependant quel’effet visé est plutôt celui de renver-ser la tendance et de raviver la crois-sance: «On consentira des efforts àfreiner la diminution de populationobservée ces dernières années et àl’accroître, à moyen et long terme, àun plateau de 150 000 personnes [en2011, la population de la Ville de Sa-guenay était de 144 000 habitants]»(p.2-2).

La décroissance démographiquesemble être un sujet délicat à Sague-nay. Alors que certains acteurs inter-rogés abordent aisément le sujet,d’autres préfèrent l’éviter. Face auxprévisions de croissance démogra-phiques plutôt modestes, certainsémettent des doutes ou affichent unmalaise. Un élu a même admis qu’iln’aimaitpasaborderlesujet.Selonunparticipant, le déclin démographiqueest « quelque chose que l’on ne veutpas trop savoir». Des acteurs vontjusqu’àdirequ’ilestdifficiled’évoquerl’éventualitéd’unedécroissance.Pourun élu, « si quelqu’un va à l’encontredudiscours[surlacroissance],ilsefaittraiter de tous les noms par leschambresdecommerce.»D’autresaf-firment pourtant le contraire: « Toutlemonde est au courant, ça fait déjà30ansquec’est commeça.Et cedis-cours-là, ce n’est pas juste les urba-nistesquiledisent.[…],.Cen’estplus



un tabou ». La situation aurait mêmetellementétémédiatiséeaudébutdesannées 2000, qu’elle serait, selon cer-tains,pleinementassumée.

On remarque toutefois que la dé-croissance passée est plus aisémentreconnue et mieux assimilée par lesacteurs que l’éventualité d’une dé-croissance future.Ainsi,pourunema-joritéd’acteursl’acceptationaumoinspartielledudéclindémographiqueestplus facile lorsqu’il est question dupassé. La plupart rejette toutefois lapossibilité que ce déclin puisse sepoursuivredansl’avenir.Certainsvontmêmejusqu’àremettreenquestionlacrédibilité des prévisions démogra-phiquespourleterritoire,pointantno-tammentlefaitqueparlepassé,ellesse sont avérées inexactes. Cette non-priseencomptedel’éventualitéd’unedécroissance future montre donctouteladifficulté,pourlesacteurs,deconcevoir une planification du terri-toire qui miserait sur l’absence decroissance.

Parmi l’ensemble des acteurs ren-contrés,lesélussontceuxdontledis-coursétaitleplusaxésurlacroissanceet les politiques de développement.Ces derniers se félicitent de la stabili-sationde la situationdémographique.Lorsqu’il est question de l’avenir, ilsonttendanceàêtretrèsoptimistesetà vanter les infrastructures, le poten-

tiel de développement, la qualité devie, les politiques et les interventionsmunicipales. Les acteurs qui évoluentdans ledomainede l’urbanismeetdela planification du territoire, en re-vanche, sont ceux qui s’inquiètent leplusdelasituationprécairedelaville.Dans leurs tâches professionnelles, ilsdoivent prendre acte des données etdes perspectives démographiquesproduites par les agences officielles.Ils portent donc un regard beaucoupmoins optimiste sur l’avenir que lesélus. Le discours des acteurs écono-miques, quant à lui, se situe à mi-chemin entre celui des acteurs poli-tiques et celui des aménageurs.S’appuyant sur la légèrecroissanceetl’amélioration de certains indicateurs,lesacteurséconomiquesprojettentunportrait relativement positif de la si-tuation actuelle et font généralementpreuve d’optimisme pour l’avenir. Ilsmentionnent plus fréquemment lesopportunités qu’offre le territoire enmatière de développement ets’attendentàdesretombéespositivesdans un horizon plus ou moins loin-tain.

Lesacteursétanttrèsdiviséssurlaquestionde ladécroissancedémogra-phique, il n’est pas étonnant qu’ils lesoient tout autant sur les interven-tions à mettre en place pour y faireface. Dans bien des cas, il aurait été

surprenant qu’ils aient mis en placedes mécanismes visant à faire face àune problématique qu’ils ne recon-naissent pas. On constate cependantquelesacteurs locauxonttendanceàmultiplierlesinterventionssurdesen-jeuxquiysontassociés,sanslesrelierentre eux ni les associer au phéno-mène de déclin. Aucun des acteursrencontrés n’admet d’ailleurs l’exis-tence d’une stratégie ou d’une poli-tique officielle enmatière de décrois-sance. Les interventions à cet égarddemeurentponctuelles.

Consciemment ou inconsciem-ment, la situation démographique in-fluence toutdemêmecertaines inter-ventions sur le territoire. Les acteurss’y attaquent indirectement. Ainsi, lesouhait de changer l’image du terri-toire, s’appuie surtout sur la volontéd’attirer des investissements privés,de développer le tourisme et de frei-ner l’exodedes jeunes.Laréformedela gouvernance locale visait essentiel-lement à mettre fin à la compétitionentre les municipalités et à améliorerl’équité territoriale. Les efforts de re-développementdespôlescentrauxsefait surtout en réaction au déplace-mentdesactivitéscommercialessurleterritoire. Toutes ces interventionsnesont pas concertées et ne visent pasl’atténuation des effets de la décrois-sance démographique sur le dévelop-

Figure3.Localisationdel’anciensecteurdePort-Alfred

Sources:AtlasélectroniqueduSaguenay-Lac-Saint-Jean

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pementde laville,maisellesont toutdemêmecommeeffetde fournirdesréponses à la problématique. Nousabordons quelques exemples plusspécifiques d’interventions dans lasection qui suit. Ces interventions seconcentrent surtoutdans les secteursles plus susceptibles d’être touchéspar lesconséquencesdudéclindémo-graphique. Le secteur de Port-Alfredenfaitpartie.

Port-Alfred: l’impact visible de la dé-croissanceComme nous l’avons mentionné, le

secteur ancien de Port-Alfred a étéidentifié par les intervenants commeétantunquartierenprocessusdedé-vitalisation (voir carte de la figure 3).Afin de valider les interventionsd’aménagement dans un contexte dedécroissanceplus saillant, nous avonschoisi de faire un relevé d’obser-vationssurceterrain.Cerelevésertàmettreenparallèle lediscoursdesac-teurs et les interventions d’aménage-mentdanslecontexted’unterrainoùla décroissance démographique estplus difficile à ignorer. Comments’articulent alors ces interventions?Quepeut-onobserver?

LesecteuranciendePort-Alfredsesituedansl’arrondissementdeLaBaieetenconstituel’undestroisquartiers.Historiquement, il s’agissait d’un vil-laged’usine. Ilaétéconstituéen1917par laCompagniedepulpedeChicou-timi.Sondestinétaitliédeprèsàceluide l’usine. En 2004, la crise del’industrie papetière a forcé l’usine àfermersesportes,entraînantlamiseàpied de près de 600 travailleurs. Plu-sieurs ménages décidèrent alors dequitter le quartier. Entre les recense-ments de 2001 et 2011, la populationdu secteur a diminué de 12,4% et lenombre de ménages de 3,8%8. Quel-

Figure4.SpatialisationdessignesdedéclinurbaindanslesecteurdePort-Alfred

Source:CarteréaliséeparlesauteursàpartirdesobservationssurleterrainetdesdonnéessourcesdelaVilledeSaguenay,duCLDSaguenay,etdel’AtlasélectroniqueduSaguenay-Lac-Saint-Jean.



que dix ans après la fermeture del’usine, les traces de ces mutationséconomiques et démographiques serépercutentdanslepaysageurbain.

Selon Cunningham-Sabot et al.(2010), lorsque le déclin se fait sentirsurunterritoire, lespremierssecteursaffectés sont les quartiers les pluspauvres,cequiaccentuelesinégalitésà l’intérieur de la ville. Selon ces der-niers,cettepaupérisationsemanifesteaussisurleterritoireparunebaissedel’activité économique, une hausse duchômage,unedégradationdes infras-tructures,unediminutiondesservicesoffertsà lapopulationetpar lamulti-plicationdesfrichesurbaines.L’anciensecteur de Port-Alfred regroupetoutes ces caractéristiques. Il s’agitd’un secteur défavorisé où le revenumédiandesménagesaprès impôtsen2005 était de 10000$ inférieur à celuil’ensemble de la RMR de Saguenay.9Letauxchômageyétaitaussipluséle-vé. Ce dernier s’établissait à 18,8% en2001età14,5%en2006,contrerespec-tivement12,4%et8,8%pourlaRMR.

Ladésindustrialisationdusecteuragénérél’apparitiondefrichesurbainesdanslepaysage.Laplusimposanteestsans contredit le site qu’occupaitl’ancienne usine papetière. Cettefriche de 40 hectares est située enplein cœurdu secteur sur les rivesdela Baie des Ha! Ha! L’usine a été dé-manteléedeuxansaprèssafermetureet le site est vacant depuis 2007.Quelquesprojetsde reconversionontété soumis depuis, mais sans succès.Ladécontamination,lecoûtduterrain,lesdifférendsentre lepropriétaireac-tueletlaVille,lesaspirationsdelapo-pulation et la valeur hautement sym-boliquedulieusontautantd’élémentsquifreinentsatransformation.

La perte du moteur économiquelocal a engendré une diminution desactivitéscommercialesdanslesecteur.Ainsi, il est possible de constater unnombreimportantdelocauxcommer-ciauxvacants.Danscecas-ci,lereposi-tionnement des activités commer-ciales à l’échelle de l’arrondissementdeLaBaieaaccentuéladévitalisation.Eneffet,lesactivitéscommercialesdel’arrondissement se sont déplacéesdesanciensnoyauxvillageois,pourse

positionneràuncarrefourstratégiquedetransportplusàl’ouest.Cetespaceest facilementaccessibleetdotéd’unnombreimportantdestationnements.

Le secteur de Port-Alfred est éga-lement affecté par la fermeture decertains services: bureau de poste,église, école, etc.À la lecturede la fi-gure4, ilestpossibledeconstaterunnombre importantdeterrainsvacantsetdefrichesurbainessur leterritoire.La dévitalisation des activités com-mercialessefaitsurtoutsentiraucroi-sementdel’avenueduPortetdubou-levard de la Grande-Baie. À cet en-droit, plusieurs commerces ont étédémolis. Certains ont été rasés à lasuited’unincendiepournejamaisêtrereconstruits. Un autre a été transfor-mé en place publique. Le déclin estaussiperceptibledansladétériorationdes infrastructures. Nos observationssur le terrainontpermisde constaterque l’espace public, la chaussée, lesparcs et les trottoirs sont dégradés àplusieursendroits.

Nos observations à Port-Alfredmontrentquecesecteurdelavilleesten processus de dévitalisation. Con-trairement à ce qui ressort de notreanalysedudiscoursdesacteurs sur laquestiondeladécroissance,ilestinté-ressant de constater que la plupartdes interventions urbanistiques dansce secteur misent surtout sur la miti-gationdeseffetsdeladécroissanceetnonsurleretouràlacroissance.Deuxexemples peuvent être cités à cet ef-fet: la transformation du terrain del’école Sainte-Cécile en terrain de sta-tionnement, et la transformation duterrain d’une station-service en placepublique (voir figure 4). Ces deuxexemples visent clairement à mitigerleseffetsvisiblesdudéclinetnesontpas du tout orientés vers un retouréventuel à la croissance. Ce constatsuscite la réflexion quant à l’effet del’échelle sur le paradigme de la crois-sanceendéveloppementurbain.Dansun quartier de la ville où le déclin estplus apparent, on accepte davantagede prendre en compte cette décrois-sancedanslaplanificationetlesinter-ventionsquiendécoulent.

Conclusion

LarégionmétropolitainedeSaguenayest un exemple de ville stagnante.Malgré la diminution démographique,le tissu urbanisé et le nombre de lo-gements y ont cru au cours des der-nières décennies. Le nombre d’em-ploisaaugmenté,letauxdechômageadiminuéet lesrevenusdesménagessont en hausse. Le déclin y apparaîtsurtout commeun phénomène relatif(par rapport aux autres régions mé-tropolitaines canadiennes). La dé-croissancedémographique y est aussifaible et étalée dans le temps (-3,4 %sur 30 ans, -4,2 % sur 20 ans). La plu-part des acteurs locaux considèrentd’ailleurs cette décroissance commepassagère.Parconséquent, lesstraté-giesdedéveloppementetd’aménage-ment du territoire en tiennent peucompte.Ceconstatestcohérentavecles recherches antérieures à deux ni-veaux.Ilmontred’abordqueledéclinurbains’accompagneaujourd’huid’unétalement continu, qui stimule lessymptômes de la décroissance (Os-wald2005;Pallagstetal.2009).Ilcon-firme ensuite que l’intégration decibles de faible croissance ou de dé-croissance dans la planification de-meure un phénomène rare qui nes’observe que dans des situations ex-trêmes (Albecker et al. 2010; Dewar,Kelly&Morisson2013).

À l’échelle du quartier de Port-Alfred, la décroissance semble cepen-dant plus urgente à prendre encompte. Les signes de déclin y sontapparents, donc plus difficiles à igno-rer.Lesinterventionsd’aménagement,sans être nommées ainsi, y sont da-vantageorientéessurlamitigationdeseffets de décroissance plutôt que surleretourà lacroissance.Danslerestede laville, le faitque ledéclins’opèrelentement empêche cette prise encompte. L’un des dangers de ce posi-tionnement est d’exacerber à longterme le déclin des quartiers les plussensibles comme celui de Port-Alfred.Lapoursuitedudéveloppementetdel’étalement urbain à un rythme troprapide ailleurs sur le territoire exerceunepressionsurcequartier,quirisquedevoir le tauxd’abandondesesbâti-mentscroîtreaucoursdesprochainesannées.

Cette recherche met en évidence

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plusieursambigüitésdansleprocessusdeplanificationetd’aménagementduterritoiredansuncontextededécrois-sance ou de faible croissance démo-graphique. Le principal document deplanification du territoire de Sague-nay, le SAD, se fonde sur une lecturelucide de la réalité démographique,mais reste vague dans ses proposi-tionspoury faire face.Lesacteurs lo-cauxadmettentlasituationdedépart,maisdivergentsubstantiellementdansleurs anticipations quant à l’évolutiondémographique de leur ville au coursdes prochaines années ou des pro-chaines décennies. Personne n’iden-tifiedepolitiquesd’aménagementquiprendraient pour acquis le déclin dé-mographique alors que nos observa-tions montrent que des mesures demitigation du déclin ont été sciem-ment implantées dans le quartier dePort-Alfred. Ces mesures donnentd’ailleurs l’impression d’une stratégiederepli:unesortedechirurgie localenécessaire,maisnonplanifiée.

Si nos résultats rejoignent desconstats déjà établis ailleurs (Hall2009), nous demeurons conscientsqu’ils doivent être interprétés avecdiscernement. L’analyse d’un seul casne permet aucune généralisation.Notre analyse reste d’ailleurs sensibleà la sélection des participants et aucontexte dans lequel ont eu lieu lesentrevues. Les recherches futures,souhaitons-le, permettront de répli-quer ce type d’analyse dans d’autresvilles canadiennes; et par la multipli-cation des cas, il sera éventuellementpossiblederéaliserdesétudescompa-rativesoutransversalesplusrobustes.Notre étude contribue en ce sens audéveloppement d’un volet de re-cherche dont l’objectif est de mieuxcomprendre lesmécanismes de plani-fication et d’aménagement du terri-toiredans le contextedes villes cana-diennesendécroissance.

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2011.CeterritoirecomprendlavilledeSaguenayainsiqueseptautresmunicipalités,soit:Larouche,Saint-Charles-de-Bourget,Saint-David-de-Falardeau,Sainte-Rose-du-Nord,Saint-Félix-d’Otis,Saint-FulgenceetSaint-Honoré.3Lenombredesecteursderecensementestbasésurceuxexistanten2006.Surles37secteursderecensement,5ontétécrééseulementen2001.Nousavonsdoncutilisélesdonnéesde2001plutôtque1991àtitredecomparaisonavec2011pources5secteurs.4LenombremoyendepersonnespasménageauQuébecestpasséde2,6à2,3entre1991et2011(RecensementsdeStatistiqueCanada).Pourentraînerunediminutiondunombredeménages,ilfautdoncquelapopulationdiminueenmoyenneplusrapidementqueleseuilde-11,5%aucoursdecettepériode.5Schatz(2013)décritd’ailleurslecasdeYoungstown(Ohio,États-Unis)commeexceptionnelpouravoirdélibérémentchoisideplanifierladécroissanceurbaine.6Bienquel’analysedeladécroissanceportesurlaRMR,lesacteursrencontrésinterviennentpourlaplupartsurleterritoiredelaVilledeSaguenay.L’échelled’interventiondesacteursdiffèredonclégèrementdeceluiduportraitprésentédanslasectionprécédente.LaVilledeSaguenaycouvre43,9%duterritoiredelaRMR(limitesde2011),maisregroupe91,7%desapopulation.7Onpeutnoteràceteffetquelenombred’entretiensréalisésàSaguenay(13entretiens)s’apparenteàceluideLewis&Donald(2010)àKingston(15entretiens)oudeSchaltz(2010,2013)àSudburyetYongstown(33entretienspourlesdeuxvilles).Latailledesrégionsurbainesexpliquenotammentlenombredeparticipantspotentielsàcegenred’étudedanslesvillesciblées.8Àtitredecomparaison,lapopulationadiminuéde7,1%dansl’arrondissementdeLaBaie,de1,6%danslaVilledeSaguenayetde1,1%danslaRMRdeSaguenaysurlamêmepériode(RecensementsdeStatistiqueCanada).9SelonlesdonnéesdurecensementdeStatistiqueCanada,lerevenumédiandesménagesaprèsimpôtss’établissaità26641$en2005àPort-Alfred,contre40512$pourl’ensembledelaRMRdeSaguenay.

décroissance démographique et planification du territoire à ......cjrs/rcsr 39(1/3) 2016 5151...

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