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CPPAP n° 59083 – ISSN 1279 – 2829 www.larche.org Décembre 2014 N° 135 Retour vers l’avenir * A la une ??? Lettres de Un magazine publié par la Fédération Internationale des Communautés de L’Arche

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Page 1: Décembre 2014 N° 135 Lettresdeinter.larche.org/f/nf6143ai/larche_135_fr.pdf · L’équipe de direc-tion, réunie au Kenya en octobre 2013, en prenant la décision d’arrêter

CPPAP n° 59083 – ISSN 1279 – 2829

www.larche.org

Décembre 2014 N° 135

Retour vers l’avenir*

A la une???

Lettres deUn magazine publié par la Fédération Internationale des Communautés de L’Arche

Page 2: Décembre 2014 N° 135 Lettresdeinter.larche.org/f/nf6143ai/larche_135_fr.pdf · L’équipe de direc-tion, réunie au Kenya en octobre 2013, en prenant la décision d’arrêter

sommaire Note: Une terminologie respectueuse vis-à-vis des personnesqui sont au cœur de L’Arche et pour lesquelles L’Arche a étéfondée varie d’un pays à l’autre. Nous vous invitons à substi-tuer les termes utilisés par nos auteurs par ceux qui sont appli-cables et acceptables dans votre pays.

Equipe d’édition: Eileen Glass, Jim Cargin,Louis PiloteTraductions: Maria Lefort, Hortense de VillersRelecteurs: Michel Bacq, Arno ThijsGestion: Laurent LeflondMaquette: Daniel Moriamé, Attipik, BruxellesImprimé en France par I.D.P.

03 Editorial

Dossier04 A la une – L’Arche et la quête de la paix dans le monde – JIM CARGIN08 Enquêtes – Le jubilé d’or de L’Arche – HAZEL BRADLEY

La Federation12 A propos… – Le rôle de L’Arche aujourd’hui – PATRICK FONTAINE 15 A propos… – La fondation d’une communauté de L’Arche au Kenya –

GABRIELE PIPINATO18 Bloc-notes – Les artistes de nos communautés22 L’exposition d’art – L’exposition d’art en ligne du Jubilé d’or de L’Arche –

JACQUIE BOUGHNER

Rendez-vous24 Portrait – Jean-Pierre Crépieux: «L’Arche m’a confié une mission» – JIM CARGIN

Opinion26 Opinion 1 – «Vers une solidarité délibérée et efficace» –

JEAN-CHRISTOPHE PASCAL28 Opinion 2 – Quelques échos d’inclusion à travers la Fédération –

ANNE CHABERT D’HIÈRES31 Opinion 2 – Autorité de service – JOHN SARGENT

Une pensee de Jean Vanier34 La spiritualité de L’Arche, a-t-elle changé? – JEAN VANIER

L’Arche Internationale 25, rue Rosenwald - 75015 Paris - FranceTel: +33 (0)1 53 68 08 00Fax: +33 (0)1 42 50 07 [email protected]© L’Arche InternationalSeptembre 2013CPPAP n°59083 – ISSN 1279 – 2829

Photo de couverture:Réunion à Rome, March 2014,© L'Osservatore Romano* Titre du livre de Ruth Patterson

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Editorial

Editorial

Chers amis,

C’est mon 1er

éditorial dansle cadre desLettres deL’Arche et

comme direc-teur de la com-

munication deL’Arche Internationale

et c’est pour vous annoncer la fin de cetteaventure qu’auront été les Lettres de L’Arche.Quel paradoxe!

Ce support, qui a principalement été dévelop-pé pour donner de l’information, en interne eten externe à nos amis, est le reflet de notrehistoire et de notre identité. Du 1er numéro enjanvier 1971 à aujourd’hui, c’est plus de 43ans de nouvelles, de réflexions, d’histoire et dequestionnement qui auront jalonné ce par-cours. Il aura permis à ses lecteurs de décou-vrir L’Arche et ses membres dans toute leurdiversité.

Alors, pourquoi arrêter? Parce que, le monde,et nous dans ce monde, avons beaucoupchangé. À l’ère des web-média, des réseauxsociaux, des smartphones, des selfies, desTedTalk, les manières de donner des nouvelles,de raconter des histoires, de réfléchirensemble, de transmettre l’expérience ontradicalement changé. Force est de constaterque, comme beaucoup de médias papier, lesLettres de L’Arche ont subi une diminutionconstante de leur lectorat ce qui n’a fait queconfirmer ces changements. L’équipe de direc-

tion, réunie au Kenya en octobre 2013, enprenant la décision d’arrêter leur publication,n’a fait que prendre acte de cette réalité.

Les communautés n’ont pas attendu la dispa-rition des Lettres de L’Arche pour développerde nouveaux supports de communication. Jesuis toujours émerveillé de voir combien lespersonnes sont beaucoup plus rapides que lesorganisations à s’adapter, créer, innover dansle monde qui les entoure. Les sites web descommunautés, les lettres de nouvelles électro-niques, les films, tellement de créativité sontvenus enrichir notre capacité à transmettre.Bien sûr, je pourrais me dire que ces nouvellestechnologies, qui poussent aux relations vir-tuelles, aux informations superficielles vontdénaturer notre projet communautaire basésur la relation, la transformation et la trans-mission et il y a bien évidemment des risques.Mais j’aime à penser que L’Arche est un mou-vement fondé sur l’expérience, que notre pro-jet est inspiré par notre capacité à écouter lavie.

En cette année de jubilé, il aurait été irrespon-sable de décider d’arrêter les Lettres deL’Arche sans donner accès à ce trésor d’ar-chives que représentent toutes ces annéesd’aventures. Par conséquent, tous les numé-ros, sauf quelques exceptions que nous conti-nuons de rechercher, sont accessibles surnotre site internet, avec classement par numé-ro et par mots clés.

Bonne lecture !

Louis Pilote

Retour vers l’avenir

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Dossier

A la une

«L’Arche est importante! L’Arche est nécessaire!»Quand est-ce que vous avez entendu dire ceci pourla dernière fois? Pour ma part, j’adorerais nousl’entendre dire, chanter, et écrire bien plus souvent.Ce serait un bon début, si ne serait-ce qu’une per-sonne trouvait un encouragement dans ce sensgrâce à cet article. Maisne nous arrêtons pas là.Car à moins que suffi-samment d’entre noussoyons d’une certainemanière convaincus del’importance de L’Archeet de la nécessité pourelle de se faire entendre,alors je crois que notreidentité essentielle entant que communautéaura vraiment des diffi-cultés à survivre: lesvagues de pression pourque L’Arche soit autredeviendraient simplement trop puissantes, et nousserions submergés.

Loin de moi cette idée, mais ce serait sans douteplus que dommage: car rares sont les lieux qui valo-risent véritablement la beauté des relations entreles personnes qui semblent si différentes en appa-rence, et qui se révèlent pourtant si semblables àl’intérieur. Rares sont les espaces où nous pouvons

sortir de la vulnérabilité pour franchir le no man’sland et prendre le risque de faire la paix. Ces 50dernières années, même avec tous ses hauts et sesbas, L’Arche s’est révélée constituer un tel espace.C’est la conclusion de nombreux personnagespublics, dont certains sont cités ci-dessous:

L’Arche aide les gens àprendre des mesurespour la paix. Il y aquelque chose d’in-croyablement beau etfragile là-dedans. Ne lelaissons pas nous filerentre les doigts.

Mais d’abord, quelle estla raison de notre propreréticence?

Des raisons d’hésiter

On pense, par modestie naturelle, que L’Archeappelle à l’humilité, à ne pas se vanter. Ou bien,encore une fois, peut-être que nous ne considé-rons pas vraiment L’Arche comme importante ounécessaire d’une manière spéciale: bien sûr, la com-munauté peut être source de plaisir, de solidesamitiés; ou, soyons honnêtes, elle peut aussi êtreun poids parfois… les réunions, la bureaucratie, lescrises et les tensions. Peut-être que nous la voyons

Peut-être que certains vont penser que la question que pose cet articleest superflue: pourquoi L’Arche est-elle nécessaire? Pour beaucoup depersonnes ayant un handicap accueillies à L’Arche, et pour leurs proches, la réponse estparfaitement évidente. L’Arche, avec sa reconnaissance du don de chaque personne, deson besoin d’appartenance et d’une véritable relation, est souvent apparue comme uneréponse à une prière. Mais, quelle est la leçon essentielle de ces relations inhabituelles, etcomment pouvons-nous partager cela au-delà des communautés? Jim Cargin, éditeur àL’Arche Internationale, prend position.

A la uneL’Arche et la quête de la paix dans

le monde – JIM CARGIN

Viviane et Philippe, L’Arche BruxellesPhoto: Jim Cargin

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Dossier

A la une

d’acceptation, de spontanéité et de joie. Aentendre Jean parler de cette époque, ce qui trans-paraît c’est l’impression d’imprévu, de surprise,lorsqu’il y a eu un déclic.

«J’ai découvert qu’il était vital que les personnes soientaccueillies et qu’elles trouvent un lieu d’appartenance.Nous appartenons les uns aux autres. Mais cette prisede conscience a été progressive. Je pense que ma forceétait que je ne savais pas vraiment ce que je faisais. Sivous ne savez pas ce que vous faites, vous suivez lamusique en quelque sorte. Vous vous laissez porter. Les

gens viennent. Certainsrestent. D’autres partent.Des gens sont transfor-més. Pourtant, pendant cetemps, un projet a grandi.Je pense que c’est unmiracle.» Jean Vanier,numéro d’août 2006 deU.S. Catholic (Vol. 71,n°8, pages 18-23).

C’est comme si cetesprit leur avait renduvisite à l’imprévu et defaçon inattendue. Ils ontentendu la «musique» et

ont ouvert leur porte en signe de bienvenue: la«musique» est alors entrée pour vivre avec eux,s’asseoir et dîner avec eux, habiter leurs murs, res-pirer dans leur vie commune. Ils ne l’ont pas créée,mais ils ont sans aucun doute reconnu sa valeur,car la musique est ce qui a rapidement transforméle groupe disparate en communauté: L’Arche joue lamême partition aujourd’hui. C’est devenu la défini-tion de L’Arche, où que ce soit, une vision illustréedans tous nos documents clés, d’une façon ou d’une autre: la Charte, la Constitution, lesénoncés de notre Identité et mission sont touscomposés dans l’objectif de permettre à cet esprittoujours surprenant de continuer à habiter noscommunautés. En bref, en ayant reçu L’Archecomme un don inestimable, pourquoi donc notrepremière réaction ne serait-elle pas de la pure gra-titude humble?

simplement comme un lieu où gagner sa croûte, etalors que nous lui en sommes très reconnaissants,«ça s’arrête là, tu vois». Mon Dieu, avec tous lesmoments de joie, les moments difficiles et le travail,qui a le temps d’une réflexion hypothétique sur lepourquoi et le comment de l’importance deL’Arche? Et encore, ceux qui radotent un peu tropsur leur lieu de travail sont un peu suspects, non?

Arrêtons-nous un instant et examinons nos réac-tions à cette affirmation étonnante, voire irritante:«L’Arche: difficile, agréable – mais aussi importante.Et nécessaire.» Toutd’abord, de l’embarras.Ensuite, du scandale:avons-nous fini parmettre l’humilité à lapoubelle? Mais, une foisencore, l’humilité doit-elle être sacrifiée surl’autel de l’importance?Aujourd’hui, je ne lecrois pas, pour uneseule raison: le don!

L’Arche, un donsurprenant!

C’est vrai: L’Arche se présente à chacun de nouscomme un don. Autrement dit, L’Arche n’est pasquelque chose que nous avons créé ni possédé,même si aujourd’hui nous nous en sentons profon-dément responsables: L’Arche est surtout quelquechose que nous avons reçu, qui nous a été confié.Qui a créé L’Arche? Ce n’est pas nous. Qui a formécet esprit dans lequel nous essayons de vivre?Encore une fois, pas nous. Même si cet étrangepetit groupe de pionniers qui se sont réunis àTrosly-Breuil il y a eu 50 ans en août dernier neprétendraient jamais avoir créé l’esprit de L’Arche!Voici ce qu’ont fait Raphael, Philippe, Jean et lesautres: très simplement, ils ont commencé à vivreensemble, à faire connaissance les uns avec lesautres, à passer du bon temps, à s’entraider, à man-ger et à prier ensemble. Et ce faisant, ils ont com-mencé à vivre dans un certain esprit: d’ouverture,

Jean-Pierre, Raphaël, Jean et Philippe, © Association Jean Vanier

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Dossier

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Et la deuxième réaction? Un sentiment d’immenseresponsabilité. La petite lueur d’espoir que L’Archereprésente nous a aujourd’hui été transmise. Nousdevons l’entretenir, puis la transmettre à d’autres ànotre tour. Nous n’avons pas créé cette lueur, maisnous pouvons l’aider à briller davantage et inviterd’autres personnes à venir partager sa lumière et sachaleur.

«…Nous voir comme les autres nousvoient»

Paradoxalement à notrehésitation, bon nombre degens, qui ne sont pasmembres de L’Arche,connaissent bien les com-munautés et ont écrit sur cequ’ils apprécient. Les cita-tions suivantes viennentd’universitaires, de person-nages publics et d’autrespersonnes souhaitant nom-mer Jean Vanier pour le PrixNobel. Naturellement, ilss’attachent à Jean Vanier,mais étant donné la proximi-té de la relation entre l’hom-me et son travail, ils nousaident à mieux apprécierL’Arche elle-même. Comme le fait remarquerChristine Pohl, professeur de théologie etd’éthique sociale au séminaire d’Asbury: «Comme[Vanier] vit ce dont il parle dans ses livres, il reconnaîtet traite des obstacles permanents à la paix et laréconciliation.»

Ils voient L’Arche comme un point de ralliement.Dans le cadre des nombreux conflits et confusionsde notre monde, ils reconnaissent L’Arche commeune véritable tentative de vivre des valeurshumaines bien ancrées. Il est intéressant d’écouter,par exemple, les propos du lieutenant-généralRoméo Dallaire, sénateur au Parlement canadien:

«Jean Vanier et L’Arche affichent des valeurs qui

contrastent radicalement avec les valeurs des sociétésactuelles, qui pour la plupart sont fondées sur la com-pétition et la quête de pouvoir. Au cœur du travail deJean Vanier se trouve sa conviction que chaque person-ne a des dons à partager avec les autres, et qu’enquelque sorte, la personne marginalisée, une personneayant un handicap par exemple, est particulièrementimportante et même prophétique dans notre mondeindividualiste et compétitif.»

Et quelles sont ces valeurs? Le Professeur MarcDumas, de l’université de Sherbrooke, est convain-

cu: L’Arche est synonyme de«accueil, ouverture, dialogue,partage, tolérance… joie, jus-tice et paix.»

Comme l’explique TimothyShriver, président-directeurgénéral des Jeux Olympiquesspéciaux, la base de L’Arche,c’est son engagement parrapport à l’une des questionspressantes auxquelles lemonde doit faire faceaujourd’hui: comment réagirà la faiblesse et la vulnérabili-té? Le point de départ dechaque communauté deL’Arche, ce sont les besoins

des personnes ayant une déficience intellectuelle,qui «sont les personnes les plus faibles et les plus margi-nalisées dans toutes les sociétés actuelles, et qui souf-frent énormément de cette marginalisation. Sans voix,elles sont victimes de rejet, de violence et d’exclusion.»

Mais, comme Shriver le fait rapidement observer,L’Arche ne se contente pas d’offrir «un havre de paixet un lieu où les personnes ayant un handicap peuventgrandir et s’épanouir, avoir leurs propres projets etintérêts et apporter une contribution à la société… lemessage de L’Arche transcende le monde du handicap.Le travail de Jean Vanier est source d’inspiration pourtous les hommes, y compris les personnes ayant desdéficiences intellectuelles. Dans un monde où nousavons peur des différences et où nous ne nous compre-

Tim Shriver, Photo: Robert Laskowiecki

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nons pas, où nos religions génèrent trop souvent de laméfiance les uns envers les autres, Jean Vanier s’estservi de la foi et de ses valeurs pour établir la paix etdécouvrir ce qu’il y a de plus beau chez l’homme.»

Il est évident qu’un des aspects centraux de l’im-portance de L’Arche tient au fait qu’elle s’adressenon pas à un petit nombre mais à l’humanité toutentière, c’est une réponse visible à l’une des ques-tions clés d’aujourd’hui: étant donné la diversité dumonde et la douloureusehistoire de méfiance, com-ment les hommes peuvent-ilsavancer ensemble?

La diversité comme unoutil

C’est le don de notre proprediversité: c’est peut-être sur-prenant, mais c’est une par-tie de la solution.Confrontés aux différencesdans et entre les communau-tés, nous sommes parfoisperdus et ne savons quefaire. Les écarts semblenttrop importants à combler.Mais imaginez l’alternative:au lieu d’une communauté de L’Arche, nous aurionsun «club» de L’Arche de personnes partageant lesmêmes idées, de milieux sociaux et religieux simi-laires, probablement confinées au continent denotre fondation. C’est précisément parce queL’Arche n’a pas eu peur de prendre le large et d’ac-cueillir la riche diversité de notre monde qu’elleattire l’attention d’un personnage public commeRowan Williams, ancien archevêque de Canterbury:«…dans un monde qui sait comment diviser et se sen-tir divisé, nous avons besoin de gens qui savent vivreensemble, embrasser la diversité, s’apprécier, s’aiderles uns les autres et apprécier la beauté de notre huma-nité commune.»

Finalement, la meilleure raison de continuer à avan-cer avec notre diversité est la suivante: notre

monde en a besoin. La tâche peut être difficile,mais quelle est l’alternative? La peur, la méfiance etfinalement la violence. Ceux qui parlent de paix ontbesoin de communautés comme L’Arche qui pas-sent vraiment de la parole aux actes. Pourreprendre les termes du Professeur StanleyHauerwas de l’université de Duke, «dans un mondeoù les convictions religieuses et idéologiques présententdes menaces de violence au nom de la sécurité, JeanVanier s’élève en guide pour nous aider à voir et à

mieux comprendre ce à quoiressemble la paix. Je suis théo-logien et je suis engagé dans lapratique de la non-violencechrétienne. De par mon enga-gement, on me demande sou-vent de dire où une telle non-violence existe réellement.Depuis de nombreuses années,je renvoie ceux qui posent cettequestion au travail de JeanVanier.»

N’oublions pas que toutcommence par la vulnérabili-té d’une seule relation!Lorsque vous voyez une per-sonne tendre la main à uneautre, risquer une relation

avec quelqu’un de très différent, vous entendez lamême musique que celle qui a donné naissance àL’Arche, dans toute sa fragilité. On nous a confié unnouveau-né fragile. C’est à nous de chérir tendre-ment cette vie fragile dans chaque communauté,quelles que soient nos cultures, nos langues ou noscroyances. Nous découvrirons à nouveau que cepaquet de fragilité sans défense a le pouvoir detransformer non seulement nos cœurs, mais notremonde. Oui, L’Arche est un don pour nous, maisau-delà de nous, nous en sommes égalementdépositaires pour le monde. Chérissons-la!Laissons l’esprit de notre jubilé nous encourager àouvrir largement nos portes et à chanter, en toutehumilité mais avec confiance, «Attrape ce rêve, pourque chaque personne sur la Terre entende lamusique de la paix!»

7A la une

Dossier

Batik fait par Asha Niketan (L’Arche) en Inde

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Dossier

Enquête

Souvent, la tradition veut que lorsque le moment fati-dique se rapproche, nous fassions retentir haut et fort leson des cors. Car il y a eu 50 ans cet été, L’Arche nais-sait! Mais qui à Trosly-Breuil en France, ce jour d’août1964, aurait pu prédire la taille et la forme, ou mêmel’existence de L’Arche telle qu’elle est aujourd’hui? CarL’Arche n’était que l’une des très nombreuses commu-nautés fondées à cette époque de vague d’optimisme audébut des années 1960, quandbeaucoup de choses semblaientpossibles: combien ont survécupour voir leur 50e année? Etpourtant, pour des raisons quenous ne pouvons qu’imaginer, ila été donné à L’Arche d’at-teindre ce moment clé, notrejubilé d’or! Un jubilé est bienévidemment bien plus qu’unecélébration de la longévité, maistout d’abord, qu’est-ce qu’estvraiment un jubilé?

Dans le livre du Lévitique, onpeut lire «Vous ferez de cette cin-quantième année une année sain-te… Ce sera pour vous le jubilé.» L’auteur du Lévitique écri-vait il y a plus de 2000 ans, mais le sens du jubilé n’a paschangé: «un moment ou une saison de réjouissance, un anni-versaire particulier». Le terme lui-même vient du mothébreu désignant la corne de bélier utilisée pour annon-cer l’année du jubilé. Les Romains ont repris cette idée etont créé le mot latin jubilare, qui signifie «crier de joie».C’est un moment de restauration, de retour aux racineset de chant, pour rendre grâce pour ce que nous avonsreçu à L’Arche. Comment allons-nous «crier de joie»?Comment allons-nous célébrer l’année du jubilé d’or deL’Arche? Je voudrais partager quelques idées dans cetarticle.

Ouvrir les yeux

Quel est le sens d’une fête sinon de nous ouvrir les yeuxsur le cadeau qui a été fait, de mieux le voir sans jamaisle voir complètement? Nous ne pouvons célébrer que ceque nous voyons, ce dont nous sommes conscients, ceque nous connaissons. Cette année est donc une invita-tion à ce que chacun de nous apprécie le cadeau de

L’Arche, en prenne davantage lamesure et saisisse mieux cequ’est L’Arche et les fruits quiont mûri en 50 ans de vie parta-gée en communauté.

La fête est un cadeau exception-nel de L’Arche. En français, letitre du célèbre ouvrage de JeanVanier sur la communauté,publié en anglais sous le titre«Community and Growth», signifie«La communauté: lieu du pardonet de la fête». Il parle souvent defête et de l’image d’évangile quidécrit le royaume comme lebanquet où tout le monde est

invité, un lieu de fête.

«Tu parles le même langage que moi!»

Nous avons l’habitude de fêter les anniversaires àL’Arche. Chaque communauté, chaque foyer ou lieu detravail a ses propres traditions, mais quoiqu’il arrive, lapersonne dont c’est l’anniversaire est mise à l’honneur.On invite à voir la personne avec un nouveau regard, àtravers les yeux de Dieu, pour appréhender la réalité dela personne plus en profondeur, avec tous ses dons etses blessures. Il y a toujours un moment où chacun parledes cadeaux que la personne apporte à la communauté.

EnquêteLe jubilé d’or de L’Arche

HAZEL BRADLEY

En plus d’être coordinatrice de la vie de foi de L’Arche London auRoyaume-Uni, Hazel s’est vue confier la tâche de coordonner le jubiléinternational. En expliquant le véritable sens du jubilé et sa capacité à renouveler notre viecommunautaire, elle expose ici plusieurs événements du jubilé qui ont eu lieu ou sont encours.

Premières années L’Arche© Association Jean Vanier

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Dossier

Enquête

3. Laisser la terre en jachère, c’est-à-dire pratiquer lesabbat

4. Le renouvellement au niveau de notre spiritualité5. Se réjouir en faisant confiance à l’appel et la mission

A la base de tous ces courants, le 6e est celui de la fête!

Récemment, Ruth Patterson, pasteur méthodiste desministères de la restauration en Irlande du Nord, a écrit

un livre intitulé «Looking back totomorrow». C’est une excellentefaçon de vivre l’année du jubilé,une invitation à revenir sur notrehistoire bénie afin d’approfondirles courants choisis du jubilé, àsavoir:

1. Rendre grâce pour toutes lesgrâces données et les fruitsrécoltés.

2. Reconnaître les échecs, lesblessures, les coups donnéset reçus et demander par-don.

3. Prendre le temps de pratiquer le sabbat, à savoir vivredans le présent, en se posant afin de se préparer à larécréation en communauté.

4. Relire l’histoire de notre fondation, le charismedonné au début, pour que nous puissions approfon-dir notre compréhension de l’identité et de la mis-sion de L’Arche et pour se ressourcer au niveau de laspiritualité.

5. Enfin, en contemplant ainsi le passé, nous pourronsnous tourner vers l’avenir avec confiance.

6. Chaque membre de L’Arche, chaque communauté,chaque pays est invité à explorer ces courants toutau long de l’année, à sa façon. Une invitation a étéenvoyée pour demander aux gens de contribuer auxressources (poèmes, liturgies, prières, titres de livre,images, idées de réflexion…). Tout ceci est mis sur lesite intranet de L’Arche: http://inter.larche.org etpourrait constituer une ressource précieuse pour lesannées à venir. Jean Vanier a fait une courte vidéo (enfrançais et en anglais) pour présenter chaque cou-rant.

Trosly, en France, où L’Arche a été fondée, a lancé sonannée de jubilé par la Journée de la famille en octobre2013, en jouant un poème allégorique soufi du 14esiècle, adapté pour l’occasion. Dans la version jouée par

Ceci doit être fait en vérité et en toute humilité.

Maggie Smith de L’Arche Kent parle d’une fête d’anni-versaire pour John Grist il y a des années. John était tri-somique, ne parlait pas et était très lourdement handi-capé. Comme John ne s’exprimait pas avec des mots, lerepas a été partagé en silence, avec John au centre. Ils’est éveillé et s’est réjoui. Maggie raconte que c’étaitcomme s’il se disait «Au moins ils parlent le même langageque moi!» Il semblait de plus en plus heureux. Sa mère aremarqué les relations entre ceuxqui se trouvaient autour de la tableet son fils et a dit «Je savais quej’aimais John, mais je ne pensaispas que d’autres en feraientautant!»

De la même façon, lorsqu’ungroupe d’assistants de L’ArcheUK a organisé une célébrationpour le lavement des pieds pourla première fois, Maggie raconteque les personnes ayant un han-dicap regardaient attentivementles pieds de chaque personne,entièrement plongées dans la prière comme si elles aussipensaient «Ils parlent notre langage, enfin!», un langageplus profond que les mots, un langage de présence, lesuns avec les autres, un langage respectueux, mutuel etsacré.

Cette année, chaque communauté et chaque pays oùL’Arche est présente est donc invité à trouver sa proprefaçon de célébrer le jubilé dans sa réalité, dans soncadre, dans sa culture et pour ce faire, puisera dans sespropres traditions et dons de célébration. Ceci rempla-cera un grand rassemblement de la Fédération interna-tionale qui réunirait des délégués de chaque communau-té du monde entier et qui impliquerait simplementquelques personnes pour des célébrations de façon pri-vilégiée.

Les courants de vie du jubilé

Nos Responsables Internationaux, Patrick Fontaine etEileen Glass, ont identifié 6 courants du jubilé desquelsnous pouvons nous inspirer, ainsi que nos communautés,tout au long de l’année:

1. L’action de grâces2. Le pardon et la restitution

L’Arche El Rusc, EspagnePhoto: Jonathan Boulet-Groulx

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Dossier

10 A la une

les personnes de Trosly, un vol d’oiseaux entreprend unlong voyage vers la communauté idéale, guidé par lacolombe. Ils passent par différentes vallées:

La vallée de l’histoire de L’Arche (présentationPowerPoint de photos des débuts de L’Arche avec despersonnes se remémorant leurs souvenirs. La présenta-tion sera mise à disposition sur l’intranet…)

La vallée du pardon: un assistant long terme parle demoments difficiles, de pardon reçu et du pardon dans lacommunauté. Comme nous le savons tous, la commu-nauté n’est pas simple!

La vallée du développement:une carte est projetée avecdes flèches indiquant com-ment L’Arche Trosly a contri-bué à la fondation de nom-breuses communautés de lafédération, et la mesure danslaquelle elle a aidé beaucoupd’autres au fil des années enenvoyant des assistants et enassurant des formations pourd’autres communautés.

La vallée de la fête dans laquelle les personnes ayant unhandicap entraînent tout le monde dans une joyeusedanse tout en couleurs et en rires!

La vallée du partage d’histoires dans laquelle de petitsgroupes se forment et où chacun est invité à raconterson histoire sacrée, intimement liée à l’histoire de la com-munauté.

La vallée de la table de la compagnie et de la présencedans laquelle de bons plats et d’excellentes boissons ontété partagés ! Comme Jean Vanier n’hésite jamais à lerappeler, le symbole du royaume du paradis dans lesévangiles est un banquet, une fête où tout le monde estinvité!

Lorsque les oiseaux arrivent à leur destination, ils sontaccueillis par un miroir qui renvoie leur image, pourdécouvrir qu’ils forment déjà la communauté qu’ils sontvenus chercher. Au bout de 50 ans d’histoire et d’expé-rience partagées, ils savent maintenant qu’il est possiblede commencer par un rêve, de se pardonner les uns lesautres, de grandir, de célébrer, de rendre grâce, de parta-

ger, de créer, finalement de vivre dans une communautéoù chacun est valorisé.

Christine McGrievy, responsable de la communauté deTrosly, a invité la communauté tout au long de l’année à:

• Dire merci de plus en plus souvent: les uns aux autres,pour notre vie ensemble et pour la vie qui nous entou-re

• Approfondir le pardon, essayer de demander de plusen plus pardon et de pardonner aux autres

• Entretenir nos relations, en étant de plus en plus déli-cats les uns avec les autres etenvers nous-mêmes.

Tout le monde a alors répétéune simple prière avec desgestes:

• Seigneur, nous te rendonsgrâce pour L’Arche.

• Seigneur, aide-nous à êtrefidèles à ton appel dans nosvies.

• Seigneur, nous t’offronsnotre communauté aujour-d’hui et pour l’avenir.

Le monde entier vient à Trosly !

Tout au long de l’année à Trosly, chaque fête et chaqueévénement ont porté la marque des thèmes du jubilé.L’année s’est terminée par une semaine de célébrations àlaquelle deux personnes de la première communauté dechaque pays ont été invité à participer. Il y a eu une«chasse aux trésors» de l’histoire de Trosly, un partage dela foi, de bons repas, des interventions de Jean Vanier,des célébrations liturgiques et une mission pour l’avenirpar nos Responsables Internationaux actuels, PatrickFontaine et Eileen Glass.

Il y a eu ensuite une journée internationale de la prièrepour L’Arche le 4 octobre, où chaque communauté a étéinvité à organiser une prière spéciale à 11h heure locale,l’heure où Trosly a organisé sa dernière célébration et aété missionné par Patrick et Eileen à appréhender l’ave-nir au titre de communauté fondatrice.

L’Arche en France a commencé par une célébration natio-nale à Paray-le-Monial. Celle-ci a été suivie d’un pèleri-

Célébration à TroslyPhoto: Rafal Kusminski

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nage dans toute la France;pendant plusieurs semaines,chaque communauté a renduvisite à une autre dans uneautre région. Chaque commu-nauté a choisi son propre par-rain pour l’année, et les par-rains ont des histoires trèsvariées!

Enfin, il y a eu une grande fêteà Paris, avec la distributiond’un gâteau du jubilé à toussur les Champs-Elysées!

Exposition virtuelle internationaled’oeuvres d’art

Le mois de décembre verra l’ouverture d’une expositiond’oeuvres d’art en ligne de peintures de personnes deL’Arche ayant un handicap. Le jubilé a été un catalyseurpour cette exposition de talents des personnes ayant unhandicap. Surveillez les nouvelles sur cette expo!

Autres ressources

Des cartes de prière du jubilé ont été réalisé (voir la priè-re ci-dessous) et sur le site Web, vous trouverez des sec-tions avec:

• Des images d’arches envoyées par les communautés(icônes, dessins humoristiques, arches fabriquées enatelier, dessins de personnes ayant un handicap etd’autres artistes….)

• Vidéos de personnes qui ont vécu à L’Arche et n’yvivent plus mais qui ont été touchées et influencéespar la vie de partage en communauté avec les per-sonnes ayant un handicap.

• Des nouvelles de ce que chaque communauté/paysprépare ou a fait pour que les autres puissent prieravec eux et profiter de leurs idées!

• Des ressources pour les 6 thèmes

Dans «La communauté, lieu du pardon et de la fête», JeanVanier écrivait:

«Il y a trois éléments de communauté. Le premier est la prière ou la communion, le deuxième, la présence et le service aux pauvres, et le troisième, la conscience d’être lié dans un même corps.»

Cette année du jubilé est unmoment idéal pour réfléchir ànotre fidélité, dans nos com-munautés, à ces trois aspects.

En conclusion, je vous invite,tout au long de cette année, àdire notre prière du jubilé, quirésume simplement les thèmesque nous avons été invités àapprofondir. Elle est basée surla prière utilisée pendant lesannées de travail sur les énon-cés Identité et Mission:

Prière du jubilé

Béni sois-tu Dieu,Pour l’amour dont tu nous combles

Béni sois-tuPour la vie que tu nous as donnée,

Pour les frères et soeurs Avec qui nous cheminons

Dans L’Arche,Depuis le début jusqu’à ce jour.

Pour la mission que tu nous as confiée.

Accorde-nousDe ne jamais nous lasser

De boire à ta source,D’écouter ton souffle en nous,De te voir dans ceux et celles

Qui nous entourent,De rendre grâce pour tes bienfaits,

De nous pardonner les uns aux autres,Nos faiblesses et nos erreurs,

De te faire confianceEt d’accueillir chaque jourDans la Foi, l’Espérance

et la Charité.

11A la une

Dossier

Célébration, la première veilléePhoto: Kayte Brimacombe

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12 A propos…

Au moment où L’Arche entre dans sa cinquantiè-me année, nous pouvons nous poser plusieursquestions. Sa mission est-elle encore, aujour-d’hui, ajustée aux besoins du monde? Et si c’estle cas, quels sont lesenjeux auxquels elle estconfrontée en 2014,comme organisation etfamille internationale?

En 1964, la considérationpour les personnes avecun handicap dans lemonde se traduisait sou-vent par le rejet ou lamise à l’écart. En Franceles grandes structuresasilaires dominaient. Lesrares petites structuresd’accueil comme le Val Fleuri étaient pionnières.L’ouverture d’une Communauté comme L’Archeétait prophétique.

L’Arche a-t-elle encore quelque chose deneuf à proposer?

En 2008, quarante cinq ans après, la ConventionInternationale des Droits des PersonnesHandicapées a été ratifiée par les pays membres del’ONU. Elle leur fait obligation de tout mettre enoeuvre pour la liberté, l’éducation, le travail, l’inclu-

sion et le bien être des personnes handicapées. Les états signataires s’engagent même à«prendre les mesures immédiates et efficacespour mieux faire connaitre les capacités et

contributions des per-sonnes handicapées ».Cette décision futcontemporaine de celle,très semblable, que laFédération des commu-nautés de L’Arche a priseà Calcutta, «NotreMission est de faireconnaitre le don des per-sonnes avec un handicapintellectuel».Voilà que notre priorité,ce que nous croyions êtrenotre spécificité s’inscrit

aujourd’hui presque banalement dans l’engage-ment commun de tous les états du monde…L’Arche a-t-elle encore quelque chose de neuf àproposer?

Force est de constater que les états peinent, en2014, à mettre en oeuvre leur noble engagementqui veut répondre jusqu‘au sommet de la pyra-mide des besoins de l’être humain. Ici c’est lapauvreté extrême du pays qui impose de donnerpriorité aux besoins plus élémentaires. Là c’est ladécroissance économique qui réduit, bien en

50 ans après notre fondation, L’Arche peut-elle encore apporterquelque chose de vital et de spécial ? C’est la question que traitePatrick Fontaine, Responsable International, dans cet article qui donne à penser… Il pro-pose trois défis jubilaires à relever pour, à la fois renouveler la vie des communautés etredynamiser leur environnement.

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A propos…Le rôle de L’Arche aujourd’hui

PATRICK FONTAINE

François Grizaud annonce les résultats de votes à Kolkata (2008) Photo: Elodie Perriot

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A propos…

amont de cet objectif, les moyens donnés auxorganisations d’accueil. Ailleurs c’est la cohéren-ce même de cette politique qui est interrogée:Comment concilier le désir de promouvoir lescapacités et contributions de la personne avecun handicap dès sa naissance, avec la décisionde retarder jusqu’à cette même naissance la limi-te légale de l’interruption de grossesse en cas dehandicap? Face à ces limites et contradictions,L’Arche peut modeste-ment indiquer un chemin.Cette annonce du don,longtemps faite par Jeanseul, les communautés,sont peu à peu capablesde la mettre en oeuvre.

Quitter les murs descommunautés

La transmission de leurexpérience de cette rela-tion qui transforme peutavoir un effet multiplica-teur. Elle peut contribuer à faire advenir cette«mutation» des attitudes désirée par les pays. Celasuppose de quitter les murs des communautés. Unsavoir-faire est déjà acquis çà et là et se développedans la Communication, la prise de parole médiati-sée, l’organisation d’évènements publics où se ditcette expérience. Plus quotidiennement, commedes paysans travaillant leur terre, plusieurs commu-nautés ont inventé et mis en oeuvre des initiativesqui bousculent les préjugés autour d’elles. Le plussouvent il s’agit de l’envoi répété en mission horsles murs, d’un assistant et d’une personne ayantl’expérience du handicap. Ces duos visitent deslieux de souffrance, de solitude, d’exclusion. La per-sonne avec un handicap y manifeste son don d’ac-cueil, de compassion, de tendresse. L’«assistant»porte bien son nom dans cette entreprise toutesimple. Tous deux vivent à l’extérieur, la relation quiles unit au quotidien à l’intérieur...

Si cela se fait déjà dans une prison du Kenya,dans une banque alimentaire de Vancouver, dansun hôpital de Palestine, c’est que cela peut sefaire partout ailleurs, dans les camps de Roms,les bidonvilles, auprès des réfugiés des sans-papiers, auprès des mamans qui ont mis aumonde un enfant fragile… Il y a tant de situa-tions de souffrance et tant de variété de dons …

Ce défi de l’Ouverture, dela Communication, nepeut être relevé sansqu’au-dedans nous vivionsen vérité ce qui nousfonde: La confiance enDieu. L’Arche s’estconstruite sur la démarchespirituelle de Jean qui vou-lait donner sa vie à Dieuen la donnant auxhommes. Le soin porté à lavie spirituelle de chacunet de l’ensemble est unepriorité centrale dans la

plupart de nos communautés. Nous savons quec’est aussi un espace fragile, toujours à recons-truire. Tout le monde n’avance pas au mêmerythme, n’a pas la même histoire avec Dieu, toutle monde n’est pas croyant et il y a bien des«demeures» et bien des traditions représentéesdans L’Arche. Cette diversité est une source derichesse qui fait la joie de ceux qui en sonttémoins.

Partager notre trésor spirituel

Notre histoire commune, les rituels et les sym-boles de nos communautés qui nous parlent deDieu, les célébrations qui nous sont un cheminvers Lui, notre prière, les mots que nous avonsmis sur notre spiritualité, année après année,cherchant à les rendre plus justes, plus appuyéssur la vérité de nos vies… Ce qui fait cette spi-

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L’Arche Vancouver, Lorne et Mary font des biscuits pour la banque alimentaire

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14 A propos…

ritualité et l’expression que nous lui donnonsensemble… sont d’une immense richesse. Elleest un trésor, certes fragile, qui donne sens ànotre vie commune. Sans elle, privée de sa sour-ce, L’Arche mourrait. Nous sommes en relationdepuis une année avec une organisation quiaccueille mille personnes avec un handicap men-tal ici et là, dans 13 villes de Chine. Il s’y vit desvaleurs comparables aux nôtres, et ses deux fon-dateurs voudraient construire un partenariatavec L’Arche. Ils nous disent «nous savons quoifaire lorsque nousmanquons d’argent,ou quand nous man-quons d’assistants…mais comment pou-vons-nous faire pourdévelopper la viespirituelle de notreorganisation?».

L’Arche est appelée àprendre soin et deson trésor spirituel… et peut être, en2014, à le partager un peu plus.

Approfondir le leadership de service

Le troisième grand défi de L’Arche dans sa cin-quantième année concerne le Leadership. Lejubilé nous permet d’aborder la question du lea-dership à L’Arche, plus particulièrement sousl’angle du pardon et de la réconciliation. Parmiles blessures de la vie communautaire, celle liée àl’autorité est la plus répandue. Elle est aussi laplus délétère. Elle est ressentie comme une tra-hison de la relation, elle érode la vie fraternelle etuse le sens de l’engagement. Une demande depardon peut stopper ou inverser le processus.Mais qui a spontanément conscience de toutesles blessures qu’il provoque?

Nous étions récemment réunis en ConseilInternational de Réflexion, sur le thème duLeadership de Service à L’Arche. Une personneayant l’expérience du handicap, a fait remarquer,en évoquant la vie de son foyer «Avant on parta-geait la table et on décidait»… silence… «Ondécide parfois sans partager la table». Il n’y avaitpas d’amertume dans ses paroles, simplement dela tristesse. Cette remarque se révélait très fine.Elle fut vite assortie d’un petit dessin (voir illus-tration)…

La qualité du lea-dership de servicese joue sur le posi-tionnement du res-ponsable, sur lamanière dont il estun parmi lesmembres, dont ilécoute, et dont ilassocie celui quisera concerné à ladécision qu’il doitprendre. C’est en

cela que L’Arche se distingue des ONG non communautaires qui recherchent et valorisentdavantage la nature pyramidale et efficace desprocessus managériaux. Le Leadership de Serviceest le premier des principes fondamentaux deL’Arche. Il est appelé, par notre décision commu-ne à Atlanta, à inspirer l’évolution et les réformesde nos structures de gouvernance.

A cinquante ans, la mission de L’Arche coïncideau plus juste avec les besoins du monde. Elletente modestement de répondre à ces besoinsen cherchant à être Signe. Pour y parvenir, elledevra faire face à trois défis: Celui de la sortiehors les murs, celui de l’Affermissement et dupartage spirituel, celui du Leadership de Service.

1 Article 8-1-c de la Convention relative aux Droits desPersonnes Handicapées

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Comme j’étais présent à la naissance de L’ArcheKenya et que je me suis engagé pour qu’elle sedéveloppe, on part souvent du principe que j’ensuis le fondateur. Ceci me semble étrange. Imaginezsi je désignais un arbre etposais la question «Qui est lefondateur?», que répondriez-vous? Peut-être diriez-vousqu’il a été fondé par les mainsqu’ils l’ont planté? Et s’il a étéplanté par le vent? En vérité,vous seriez probablement unpeu désorientés par ma ques-tion car le concept de «fonda-teurs» ne s’applique pas vrai-ment à un arbre. Un arbreexige bien plus qu’un fonda-teur; il ne peut pas être fondé par un individu, maisuniquement par un environnement.

L’Arche au Kenya, fondée par son environnement

Je pense qu’on pourrait en dire de même pournotre communauté de L’Arche Kenya; elle a été fon-dée par un environnement, et pas un individu. Il estmême difficile de retrouver le moment exact oùnous avons commencé; c’était peut-être en 1997lorsqu’un homme, Thomas, libéré après avoir étéemprisonné pendant 34 ans à cause de son handi-cap, a transformé mon cœur et le cœur de la popu-lation de Nyahururu; c’était peut-être lorsqueL’Arche Bangladesh a accepté de nous ouvrir sesportes pour nous permettre de voir à quoi ressem-

blait une communauté de L’Arche avant que nousnous lancions; c’était peut-être pendant les vio-lences politiques au Kenya, lorsque nous avonsenvisagé d’abandonner l’idée, jusqu’à ce qu’une

femme nous dise qu’elle avaitrêvé de notre combat et devaitnous dire que même si nousn’avions ni argent, ni volontaires,ni personnes accueillies, il nenous manquait qu’une chose: lafoi. Ou c’était peut-être lorsquePaul, notre première personneaccueillie, nous a révélé son désirde quitter sa maison et de venirvivre avec nous.

Des volontaires quicréent des liens de solidarité

Ce qui est sûr, c’est qu’un environnement favorablea été créé par un groupe de volontaires qui s’estréuni à Saint Martin, après avoir rencontré Thomas,qui avait alors 34 ans. Ces volontaires sont passésde village en village. Petit à petit, ils ont trouvé despersonnes ayant un handicap qui avaient été reje-tées à cause de leurs déficiences. Les volontairesont commencé à faire un travail de sensibilisation àcette réalité, en créant des possibilités de forma-tion dans les écoles, en impliquant des volontairespour s’occuper des personnes ayant un handicapdans leur voisinage. Leur objectif? Créer des liensde solidarité où les plus faibles pourraient contri-buer à la transformation des plus forts et où lesplus forts pourraient aider les plus faibles à grandir.

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A propos…

Si ce n’était que lui-même ne croit pas à une telle description, il seraitnormal de parler de Fr. Gabriele Pipinato comme du fondateur de

L’Arche au Kenya. Lisez cet article pour comprendre son propos: qui fonde vraiment unecommunauté? D’où vient-elle? Quand commence-t-elle véritablement? Ce sont de bonnesquestions, pas seulement pour L’Arche, mais pour tous ceux qui espèrent voir une com-munauté naître dans leur région.

A propos…La fondation d’une communauté de L’Arche au Kenya – Gabriele Pipinato

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Musa et Paul, notre première personne accueillie – Photo: Dominik

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16 A propos…

La cible suivante était les parents, le plus souventles mères. Ces mères étaient convaincues qu’elleset leurs enfants étaient maudits. Cette idée leuravait été transmise par leur culture. Leurs maris lesavaient abandonnées. Lorsqu’elles cherchaient dela consolation auprès de l’Eglise, ce message étaitsouvent confirmé; que le handicap de leur enfantétait une malédiction, que celle-ci venait certaine-ment d’un péché, qui devait être commis par unpécheur. Par conséquent, les pécheurs devaient sesentir coupables.

Lucy, une bénédiction

Je me souviens de Lucy. Lucyest trisomique. Elle estmembre de notre commu-nauté; Lucy est pleine detendresse et de joie. Un jour,sa mère l’a emmenée voir unchef religieux qui prétendaitavoir le pouvoir de la guérir.On a placé Lucy au milieud’une foule, on lui imposé lesmains et on a dit une prière pour qu’elle soit libéréede l’esprit malin qui était en elle. Elle était terrifiée.Elle était convaincue que l’esprit du mal vivait en elle;un esprit qui avait une présence si forte que mêmeun saint homme était incapable de l’expulser.

Vous comprenez à présent combien il était impor-tant pour les mères de personnes ayant un handi-cap d’entendre, pour la première fois, ce qu’ellesavaient toujours ressenti au plus profond d’elles-mêmes, la proclamation de «la Bonne nouvelle»:«Heureux les pauvres… Dieu a choisi le faible…» Vousimaginez l’importance de ces mères qui décou-vraient que Dieu est notre Père, un père qui nemaudit pas mais qui se préoccupe davantage desfaibles: que leurs enfants n’étaient pas maudits parDieu mais bénis ; que ces enfants n’étaient pas unehonte mais une bénédiction. «Ni lui ni ses parents nesont responsables de sa cécité ; mais c'est afin que lagloire de Dieu soit manifestée en lui…» (Jean 9).

Néanmoins, après avoir reçu cette «Bonne nouvel-le», ces mères se retrouvaient à nouveau face à la

réalité de la solitude ; personne ne voulait partagerle fardeau avec elles, personne ne voulait recevoir lamême bénédiction.

Pourrais-je partager un verre d’eau aveceux?

Personnellement, j’étais heureux de proclamer cette«Bonne nouvelle». C’était comme donner un verred’eau à quelqu’un qui avait soif. Mais en réalité, lapersonne qui avait soif retournait dans le désert.

Etait-il possible qu’au lieude simplement proclamer la«Bonne nouvelle», je puisseégalement partager ce verred’eau avec elle? Que jepuisse faire plus que simple-ment dire avec mes motsque leurs enfants étaientune bénédiction, pour ren-trer chez moi et retourner àma liberté sans partagerleur bénédiction et leur far-deau?

Il était temps pour nous de mettre en œuvre notreconviction; nous devions être témoins de ce quenous proclamions. Non pas parce que nous vou-lions être plus crédibles ou plus convaincants, maissimplement parce que nous nous devions de lefaire. Le rêve de vivre avec des personnes ayant unhandicap et de partager notre vie avec elles prenaitforme. Mais tout d’abord, nous devions trouver del’inspiration quelque part, pour voir ce que nousaspirions à être. Nous avons alors trouvé les livresde Jean Vanier. Ils ont nourri notre faim. Nous avonsrapporté ses livres d’Inde, nous en avons partagé lecontenu en groupe, pour laisser le rêve grandir ennous. Beaucoup ont commencé à en tomber amou-reux et à partager cette vision.

Nous avons alors commencé à réfléchir à la façonde faire de ce rêve une réalité. Tout comme à lanaissance de St. Martin, un comité de volontairess’est réuni pour voir si la création d’une commu-nauté était réaliste. Pendant ce temps, Jean-Christophe Pascal, Tim Kearney, Jean Vanier et

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Lucy – Photo: Elodie Perriot

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A propos…

enfin Patrick Fontaine sont venus nous rendre visi-te et nous encourager. Ils sont venus en amis, faireun bout de chemin avec nous, nous aider dansnotre discernement sur ce que le Seigneur atten-dait de nous.

Nous avons trouvé une vieille maison, très prochedu centre-ville, idéale pour notre rêve. Nous avonscommencé à la rénover et à en faire un foyer. Lecomité a élaboré une longue liste de personnesaccueillies potentielles,celles qu’il connaissait déjà,d’environ deux mille per-sonnes ayant un handicapdont s’occupaient lesvolontaires de Saint Martin.Les membres du comitésont allés rendre visite àtoutes ces personnes pourvoir qui pourrait faire partiede notre communauté.

Le programme desensibilisation

Pendant ce temps, nous avons lancé un programmetrès intense de sensibilisation dans les églises, lesécoles et les institutions. Tout le monde devait êtreimpliqué. Nous avons senti dès le début que nousavions une mission dans notre communauté : fairechanger l’attitude envers les personnes ayant unhandicap et contribuer à la transformation de cha-cun. Je prie pour que ce don d’impliquer la com-munauté reste un style caractéristique de L’ArcheKenya.

Notre ouverture a eu lieu un beau dimanche enso-leillé. Les personnes avec un handicap sont venuesaccompagnées de leurs ‘communautés’ et tous ontété accueillis par la communauté de la ville deNyahururu. Ce jour-là, tout le monde est venu fairela fête : les enfants des rues et les autorités locales,les responsables des différentes Eglises et desdétenus de la prison, des entrepreneurs et des tra-vailleurs saisonniers… tout le monde était heureux.Nous nous sentions tous chez nous, appelés à «êtreouverts» dans notre premier foyer appelé «Effatha».

Il se trouve que nous avons ouvert notre commu-nauté juste après les conflits tribaux de 2008.L’évêque de l’Eglise anglicane a parlé dans son ser-mon de l’importance de notre petite communauté;il était touché par la possibilité d’accueillir une per-sonne différente dans notre vie: reconnaître etcélébrer nos différences comme des dons et desopportunités. Il a souligné l’aspect prophétique dela communauté à un moment où notre paysconnaissait la division, la haine et la violence entre

frères et sœurs.

Des divisions naîtl’unité

L’évêque de l’Eglise catho-lique a également étéimpressionné par la compo-sition de notre communau-té: des gens de différentesEglises priaient ensemble,ceux de différentes tribusvivaient dans l’unité, en se préoccupant plus des

relations présentes que des divisions passées. Il l’a dit de façon très simple et spontanée, nousvivions l’œcuménisme qu’il avait cherché toute savie, en ajoutant qu’il était fier de nous avoir dans saville.

Un an après l’ouverture du foyer «Effatha», nousavons ouvert l’atelier «Marleen Workshops», où despersonnes accueillies de la communauté environ-nante se joignaient à celles d’Effatha dans le cadred’un programme de jour. Au bout de quelquesannées, nous avons eu la joie d’ouvrir le foyer«Betania», un deuxième foyer de l’autre côté de laville, mais à distance de marche du premier.

Le mûrissement de notre rêve a été long et ce n’estque maintenant que je vois combien il était impor-tant de laisser la graine pousser et prendre racinedans nos cœurs. Aujourd’hui, nous sommes en traind’ouvrir «Maranatha», qui sera un lieu d’accueil pourles personnes comme vous, qui avez eu la patiencede lire ce long article et d’en savoir un peu plus surnous.

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Le projet de boulangerie à l’atelier MarleenPhoto: Elodie Perriot

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18 Bloc-notes

Il va sans dire que vivre à L’Arche est un art à proprement parler ! Il n’en demeure pasmoins que la communauté peut révéler l’artiste qui est en chacun de nous: combiend’entre nous, en arrivant, avions un jour imaginé pouvoir être source rafraîchissante decréativité pour les autres? Ou les autres pour nous? Pourtant, en dehors du mélange dejoie et de souffrance en chacun, une beauté unique est née pour être accueillie et parta-gée. Nous vous invitons ici à prendre le temps de contempler ces images, envoyées par descommunautés du monde entier pour l’exposition d’œuvres d’art en ligne de L’Arche. Dansles Lettres de L’Arche, l’espace limité ne nous permet de n’en présenter que quelques unes.Mais vous pouvez voir toutes les peintures, notamment celles qui ont été choisies par lejury, à l’adresse suivante: http://art.larche.org. Bonne découverte !

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Bloc-notesLes artistes de nos communautés

El Arca Buenos Aires (Argentine), Yanet Elizabeth Pereyra, Trade of Rain

L’Arche Cork (Irlande), Angela Burchill, Ange de mystères

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Bloc-notes

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L’Arche Irenicon (Etats Unis), Katie Benulis, Hannah L’Arche Mymensingh (Bangladesh), Muhammad Munna,Nous sommes de Petites Fleurs

L’Arche Zagreb Project (Croatie), Zdravko Kresic, Le monde de L’Arche, des personnes ensemble

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20 Bloc-notes

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L’Arche Brisbane (Australie), Andrew Pemberton, Poisson des récifs

L’Arche Wroclaw (Pologne), Katarzyna Mierzwiak, La joie

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Bloc-notes

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L’Arche Nongr Maasem (Burkina Faso), Rouamba Kouka Gildas, Sans titre

Al Fulk (Egypte), Hani Zaki Habeeb, Déplacé à cause de troubles en Egypte 2013

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22 L’exposition d’art

Pour ses célébrations du Jubilé, L’Arche internatio-nale a formé le projet d’une exposition d’art enligne, avec des oeuvres de personnes présentantune déficience intellectuelle. Cette présentationd’oeuvres d’art montre les divers talents en artvisuel venant des 147 communau-tés du monde, et illustre le don deL’Arche à travers la vision artis-tique de personnes qui ont uneperspective unique et qui connais-sent ce don à un niveau intuitif etau niveau du coeur.

Depuis la fondation de L’Arche en1964, Jean Vanier a souligné com-bien il est important pour les per-sonnes qui viennent des institu-tions de pouvoir exercer leur créa-tivité et d’avoir des activités quiaient du sens. Durant les 50 années qui ont suivi,de nombreuses communautés ont créé des atelierset studios d’art pour l’expression créative en artsvisuels.

L’art respire la vie

L’art est une extension du corps, et le corps estquelque chose que L’Arche comprend, tout simple-ment parce que les gens à L’Arche vivent souventavec des limites physiques, ou ont besoin d’aidepour prendre soin de leur corps. Un chorégraphe adécrit un jour l’acte de créer comme «le corps en

chute libre, et puis rattrapé» – cette sensation delâcher prise et faire confiance. Nous n’intellectuali-sons pas ce travail de prime abord comme un récit– nous le sentons physiquement comme un geste.Les artistes de L’Arche savent cela et le célèbrent,

permettant aux élans les plus pro-fonds de notre réalité humaine dese réaliser, d’être exprimés par lacréativité. La créativité fait partiede notre condition humaine.

Dans l’art il y a l’indéfinissable quifait qu’une oeuvre respire. C’estune tension mystérieuse entre latête et le coeur, qui donne vie.L’art des membres de L’Arche quiont une déficience intellectuelle,c’est vraiment cette respiration etcette vie qu’on trouve dans le

mouvement du corps, dans l’acte de mettre de lacouleur sur une surface, ou de dessiner une ligneavec immédiateté et intensité. Il représente unengagement à vivre pleinement dans le momentprésent. L’art est vivant, et nous réagissons à ce quidonne vie en lui.

Ces artistes de la sagesse nous offrent des intui-tions sur le don de l’art, et sur la vie dans ce don.L’acte créatif, de par sa nature vulnérable –unefaible valeur intrinsèque– est un acte de courage etd’espérance dans l’avenir, et de confiance quequelque chose de nouveau sera donné.

Jacquie Boughner est membre du Conseil de Surveillance Internationalde L’Arche et membre de L’Arche Daybreak. En tant qu’artiste pro-fessionnelle et conseillère artistique, elle a organisé des expositions d’art publiques et pri-vées, dont plusieurs pour L’Arche au Canada. Dans son article, Jacquie montre commentl’art aide une communauté à respirer, en révélant une certaine vulnérabilité et en nousamenant ainsi à entrer en relation plus profondément.

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L’exposition d’artL’exposition d’art en ligne du Jubilé d’or

de L’Arche – Jacquie Boughner

‘Amour’, Maud Mélinat (L’Arche Brest, France)

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L’exposition d’art

L’exposition d’art en ligne du Jubilé

L’information concernant la participation à l’expo-sition d’art en ligne du Jubilé a été envoyée ennovembre 2013, et chaque communauté de L’Archea été invitée à envoyer une oeuvre d’art exécutéepar un de ses membres ayant une déficience intel-lectuelle. Il y a deux galeries sur le site web. L’une a desoeuvres d’art représentant toutes les communautés,et l’autre consiste en une sélection de ces oeuvrespar un jury. Chaque oeuvre d’art est identifiée parartiste et par communautéet il y a un lien vers la pré-sentation de l’oeuvre avecbiographie et photo del’artiste, et la page d’ac-cueil du site web de la com-munauté de l’artiste.L’oeuvre soumise estsélectionnée par la com-munauté et choisie parcequ’elle est représentativede son talent artistiquepar rapport à divers sujets et images.On demande des oeuvres bidimensionnelles (parex. peintures, dessins, collages, etc.), quelle quesoit la technique employée (par ex. crayonsfeutres, acrylique, encre, etc.).Les oeuvres soumises sont accompagnées du nomde l’artiste, du titre de l’oeuvre, de l’année où ellea été exécutée, de ses dimensions, et de la tech-nique utilisée, pour donner une description com-plète de chaque oeuvre, ainsi que de la biographieet la photo de l’artiste.Pour poursuivre la discussion sur la valeur et lespropos des artistes de L’Arche, on a sollicité de lapart de personnes de L’Arche et de l’extérieur deL’Arche des réflexions sur l’art de L’Arche; celles-cisont disponibles sur le site pour permettre leur uti-lisation dans les célébrations communautaires,lettres de nouvelles, etc.Les oeuvres d’art, les biographies et les photos desartistes, ainsi que le catalogue général de l’exposi-tion, sont téléchargeables à partir du site webinternational de l’exposition pour impression sur

papier ou pour affichage sur écran; cela peut servirà des présentations locales organisées par la com-munauté. Toute demande concernant la vented’une oeuvre d’art est envoyée au site web ou à lapersonne contact de la communauté.L’exposition d’art est disponible sur l’adressehttp://art.larche.orgDans l’exposition d’art en ligne du Jubilé, lesoeuvres d’art de partout dans le monde sont aussivariées et uniques que les cultures dont elles sontissues, et par leurs images puissantes elles articu-lent universellement le don de L’Arche par l’inter-

médiaire de ceux et cellesqui vivent ce don du coeurà chaque jour.

L’art révèle notrehumanité profonde

Dans son dernier livre «Lessignes des temps», JeanVanier écrit: «La communau-té est le lieu où l’on manifestela communion et où l’on

grandit dans la communion. C’est un lieu qui est pro-fondément humain. Pour être une communauté il fau-drait que, de temps en temps, tous se rencontrent pourse parler et se communiquer quelque chose de person-nel.»… «Au coeur de notre vie [à L’Arche] réside la joiede la communion.»Un des lieux où cette «joie de la communion» estmanifestée – où les dons sont partagés en commu-nauté - est l’expression créative de ceux et celles quiont une déficience intellectuelle. L’art est complétépar celui qui le regarde –c’est un lieu de relation etde communion. Les arts visuels à L’Arche sont despanneaux indicateurs érigés pour rendre l’invisiblevisible et l’abstrait concret, révélant «un lieu d’huma-nité profonde» qui parle du don de la créativité -ledon d’être humain- en chacun de nous.L’exposition d’art en ligne du Jubilé de L’Arche estune occasion de partager ce don avec le monde.

Pour les questions d’ordre général, merci decontacter Jacquie Boughner à:[email protected]

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Diane Vincent avec sa peinture, L’Arche Mauricie

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Rendez-vous

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PortraitJEAN-PIERRE CRÉPIEUX:

«L’ARCHE M’A CONFIÉ UNE MISSION» – JIM CARGIN

C’est un moment historique !! Car ce n’est certainement pas tous les jours qu’un pays décer-ne sa plus haute distinction publique à une personne ayant une déficience intellectuelle. Maisaujourd’hui, en cette année du jubilé de L’Arche, le Président de la République Française, M.Hollande, va remettre la Légion d’honneur à Jean-Pierre Crépieux, membre à long terme deL’Arche Ambleteuse, pour sa contribution à L’Arche et au développement social des hommeset des femmes ayant une déficience intellectuelle.

Arrivée à L’Arche

Né le 16 juillet 1944, Jean-Pierre Crépieux a étéaccueilli à L’Arche en décembre 1964. C’étaientles tout premiers jours de la communauté nais-sante, quatre mois seulement après que JeanVanier ait invité deuxhommes, Raphael Seuxet Philippe Simi, à quitterleur institution et à venirvivre avec lui à Trosly-Breuil. Jean Vanier sesouvient: «Jean-Pierreplaisantait toujours, ilavait toujours une blagueà raconter».

Avant de venir à L'Arche,Jean-Pierre vivait avec safamille, à Choisy-le-Roi,non loin de Paris. Sonpère avait travaillé chezun vitrier, puis à l’usine.Sa mère avait égalementtravaillé dans la vitrerie, jusqu’à ce qu’un éclat deverre la blesse à l’œil. De 5 à 13 ans, Jean-Pierreest parti vivre dans une institution pour enfantsayant une déficience intellectuelle à Sainte-Geneviève-des-Bois, parce que, comme il le ditlui-même, «Je n’arrivais pas à apprendre.» A l’âgede 13 ans, il est rentré chez lui et est allé à l’écolejusqu’à 14 ans. Par la suite, il passait son temps

dehors et donnait un coup de main sur le marchélocal. Un jour, son assistant social a suggéré «et situ essayais L’Arche ?». Jean-Pierre ne l’a jamaisregretté !

Bien que plutôt réservé à son arrivée le 7décembre 1964, il arapidement commencé àse détendre, à profiterau maximum de la viecommunautaire, de l’ou-verture aux voisins, desallées et venues et desnombreux voyages etpèlerinages de la com-munauté. Sa relation deconfiance avec JeanVanier et le Père Thomaslui a apporté une certai-ne assurance et l’a aidé àtrouver sa place. Depuis,doté d’un grand sens del’humour, Jean-Pierre ritet chante à de nom-

breuses occasions et s’épanouit dans les discus-sions avec des amis, anciens et nouveaux. Mais ilne serait pas juste de penser que Jean-Pierres’intéresse seulement aux fêtes et aux ren-contres. Son cœur est empli d’un sentiment pro-fond de justice et de solidarité avec ceux quisouffrent.

Au début de L’Arche © Association Jean Vanier

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25Portrait

Rendez-vous

Une bonne surprise

C’est en partie pour cetteraison que, après avoir vécuà L’Arche Trosly pendanthuit ans, Jean-Pierre a étéinvité à faire partie dugroupe fondateur d’unenouvelle communauté àAmbleteuse, une petitebourgade sur la côte fran-çaise près de Boulogne. Il aimmédiatement accepté. Ilétait évident pour tous, ycompris pour Jean-Pierre,qu’il possédait certains destalents nécessaires pourlancer cette nouvelle fon-dation. Lorsqu’on lui ademandé par la suite quelleétait sa motivation, il arépondu: «J’avais apprisL’Arche, je pouvais donc par-tir.» Cette invitation a dûapporter à Jean-Pierre unejoie immense, même si elleétait teintée de tristesse aumoment de quitter ses amisà Trosly. Pour le jeunehomme qui était parti vivredans une institution audépart «parce qu’il n’arrivaitpas à apprendre», n’était-cepas finalement sa propreremise de diplôme?Maintenant il avait «apprisL’Arche» et sa communautélui confiait la mission d’allerailleurs pour apprendre àd’autres à faire de même.On ne peut qu’imaginer lafierté qu’il a dû ressentir le jour où il est partipour Ambleteuse.

Si sa communauté avait permis à Jean-Pierred’avoir confiance en lui et en ses capacités

innées, il ne fait aucun douteque Jean-Pierre a considérable-ment contribué à faire deL’Arche ce qu’elle est aujour-d’hui. Il a accompli ceci enétant simplement lui-même, enpartageant ses dons de convi-vialité, de plaisir et de joie àfaire de nouvelles rencontres :il n’y a sans doute que peu degens à Ambleteuse, mêmeparmi les touristes, qui n’aientpas rencontré Jean-Pierre ! Ilest comme ça ! Aujourd’hui âgéde 70 ans, il déborde desagesse, de tendresse et depatience.

En 2009, Jean-Pierre a publiéun ouvrage fascinant, lesmémoires de sa vie à L’Arche, àce jour disponible uniquementen français, intitulé «Je n’ai paspeur de devenir vieux!» Il yreconnaît sa propre place deco-fondateur de L’Arche: «sansnous, écrit-il, Jean Vanier n’auraitpas été en mesure de créerL’Arche.» Et c’est parce queJean-Pierre a consacré sa vieentière à la création d’unecommunauté pour que beau-coup d’autres trouvent laconfiance en soi que lui a trou-vée, qu’il recevra la plus hautedistinction publique de sonpays, la Légion d’honneur.L’ensemble de L’Arche seraavec toi ce jour-là par la pen-sée, Jean-Pierre ! Mille mercis !

Jean-Pierre Crépieux Photo: Ellen Teurlings

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Les gestes de solidarité sont nombreux tant au niveaude la vie communautaire, que de celle de la Fédération.Dans la vie quotidienne chacun est heureux de donnerun coup de main, de rendre service, de faire un peu plusque ce qui est attendu, d’aller au-delà de ce qui estdécrit comme sa tâche. Plusieurs communautés comp-tent sur un réseau important de volontaires et de béné-voles. C’est souvent ce petit plus, ce qui est donné gra-tuitement et sans attente de retour, qui frappe le visi-teur ou le nouvel arrivant à L’Arche.

Il en est de même pour les relations entre les commu-nautés; je pense à laforte mobilisationautour de la recons-truction à Port auPrince après le séismede 2010, à l’envoid’assistants d’expé-rience pour aider lescommunautés nais-santes en Palestineou au Kenya, ou dansle besoin comme à Chantal, ou encore aux nombreuxliens spontanés entre communautés, liens s’exprimantpar des visites, des correspondances, la création d’évè-nements communs comme les retraites ou pèlerinagesentre les Amériques, et surtout la prière.

Tout cela n’a rien de surprenant, tant la solidarité estau coeur du projet de L’Arche, et en tout premier lieudans la vie quotidienne. Les relations fraternelles quenous avons les uns avec les autres ne relèvent-ellespas de la conviction de notre humanité commune etde l’interdépendance qui en découle, qu’au-delàd’une relation fondée sur la pitié ou la générosité,existe le potentiel d’une relation mutuelle, empreinte

de compassion réciproque, dans laquelle chacundonne et reçoit et en ressort grandi? Il en va de mêmepour les relations entre les communautés.

Des obstacles

La question de la raison d’être de la solidarité semblesuperflue, même inutile tant la solidarité relève de l’éco-logie de la création, comme si elle allait de soi. Noussavons l’interdépendance qui est inscrite dans la natu-re; nous le savons aussi de ce qui est de l’humain et deces perspectives elle relève davantage de la nécessité.

Pourtant comme ledit St Paul: «Le bienque je veux, je ne lefais pas, et le malque je ne veux pas,je le fais». La façondont notre mondese développe enest une bonneillustration.

Il peut facilement en être de même pour nous tantnos vies sont remplies de préoccupations et du soucid’une efficacité immédiate. La solidarité peut deveniralors ce petit plus que l’on fait par devoir et qui vients’ajouter à la longue liste de choses à faire, alorsqu’elle est fondamentale, intrinsèque à la vie, et loind’être à la périphérie puisque qu’au coeur et à l’origi-ne de toute vie.

Engagées les unes envers les autres, solidaires et res-ponsables, elles (les communautés) forment une gran-de famille internationale . La solidarité s’exprime parles relations et le soutien réciproque suscité par les

Jean Christophe Pascal est pour le moins enthousiaste quand il évoquesa nouvelle responsabilité de Directeur de la Solidarité pour L’ArcheInternationale! Comme il le dit lui-même, la solidarité est constituti-ve de L’Arche depuis ses débuts. Aujourd’hui il s’agit de voir comment renouveler ce quiest porteur de tant de vie pour la Fédération: Jean-Christophe nous trace les grandeslignes de ses projets.

Opinion 1«Vers une solidarité délibérée et efficace»

JEAN CHRISTOPHE PASCAL

Le foyer de L'Arche Carrefour reconstruit peu après le tremblement de terre de 2010

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écarts engendrés par les différences principalementd’âge, de contextes culturels et socio économique descommunautés. Souvent ces écarts vont au-delà du rai-sonnable, ou de l’acceptable, et sont une entrave àvivre pleinement la mission de L’Arche.

Le chemin à parcourir

La mission qui m’est confiée aujourd’hui consiste àdévelopper ce maillage inter- communautaire, essen-tiellement en favorisant les échanges et le soutienmutuels, et ceci dans le but d’aider les communautésà vivre pleinement leur mission. Dans ce sens ma mis-sion relève d’une action délibérée et collective.

Notre expérience est riche, etil ne sera pas difficile de conti-nuer à construire sur les nom-breux acquis. L’intention n’estpas de se substituer à ce quiexiste, mais de favoriser lepartage des ressources quinous sont données en abon-dance. Au cours des pro-chaines années la solidaritésera plus délibérée et explici-te, trois activités existantesseront redéployées et intensifiées:

• Le jumelage entre communautés existe depuisnotre fondation, souvent d’une manière organique etspontanée. Le nombre de communautés et leur dis-persion appelle une action plus délibérée et inten-tionnelle. Nous nous laisserons interpeler dans l’inter-prétation faite jusqu’à présent car en effet nousl’avons vécu essentiellement dans l’esprit d’une actiond’aide des communautés nanties vers celles moinsfavorisées, dans des rapports «nord/sud». Ce lien pri-vilégié, mutuel et durable, porté dans la prière, faitd’échanges concrets et réciproques peut s’établiraussi entre communautés, vivant des réalités cultu-relles, ou socio économiques différentes, mais aussiimplantées dans le même hémisphère! Une campagnede jumelage a été lancée au début 2014 en invitant lescommunautés qui le désirent à joindre un projet pilote de jumelage inter communautaire. L’expérienceacquise avec ce projet pilote nous aidera à étendre lejumelage à l’ensemble de la Fédération.

• De nombreuses communautés ont profité, pendantdes années, du mouvement d’assistants au sein de la

Fédération. Ces mouvements entre communautésvenaient d’une initiative personnelle ou étaientencouragés ou demandés par L’Arche. Ils ont nourriles assistants, renforcé la Fédération grâce aux rela-tions personnelles qui se sont créées, et ont permis lepartage des talents et expertises, tant au niveau dusavoir être que du savoir faire. Depuis quelque tempsces mouvements sont devenus moins fréquents etplus difficiles à organiser car la Fédération a grandi,est devenue plus complexe, et les communautés sontmaintenant plus réglementées et organisées en ce quitouche les législations d’emploi et bénéficessociaux… sans évoquer les difficultés à obtenir desvisas ce qui constitue une réelle entrave à la mobilité.

Des communautés sont à larecherche d’assistants d’expé-rience pour les aider à décou-vrir et vivre plus authentique-ment L’Arche. L’expériencenous a appris que des per-sonnes d’expérience, abordantune réalité de L’Arche différen-te dans une attitude d’humilitépouvaient apporter beaucouppar leur façon d’être et devivre L’Arche. Nous voulons

privilégier, sur le modèle de cette présence formatrice,la mobilité entre les communautés. Des processusseront mis en place pour permettre à la fois d’identi-fier les besoins, et favoriser la mobilité d’assistantsd’expérience entre les communautés.

• Enfin de nombreuses communautés bénéficient del’aide financière que ce soit pour leur fonctionnement(791K) ou pour des dépenses d’immobilisation (615K).Après avoir révisé le processus de demande et d’alloca-tion d’aide financière, tout sera mis en oeuvre pourcontinuer et développer la solidarité financière sur unebase équitable, transparente et efficace. Sur ce point, necessons pas de rendre grâce pour l’engagement de nom-breux donateurs à qui nous devons la vie et le dévelop-pement de nombreuses communautés.

Le Créateur a voulu son oeuvre riche, abondante, débor-dante de ressources. Et pourtant toute communauté,sans exception, vit une forme de précarité qui interpelle.C’est une saine tension. Il nous revient de faire bonusage des ressources et talents qui nous sont confiés enabondance bien au-delà de ce dont nous avons besoin,afin que chacun puisse vivre en plénitude et dignité.

Elargir son horizon: Martin de Trosly avecMelvin de L’Arche Choluteca

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L’inclusion transforme la relation d’aide

Certaines équipes d’assistants apprennent àrenoncer à «leur projet sur la personne», pourconstruire avec la personne «son projet d’accompa-gnement». Par exemple, le Levain expérimente unclasseur de projet personnalisé qui appartient à lapersonne concer-née. Elle peut lecompléter et lemontrer à qui elleveut. Le classeur enest enrichi de beau-coup! Il n’y figurepas uniquement lesaspects médicauxou interdits liés àl’hygiène. Mais lapersonne y évoqueses ressources:amis, talents, goûts,plaisirs, expé-riences…

Pour cela, il fautapprendre à se parler et ce n’est pas facile ! Carderrière leur désir d’aider, les assistants oublientqu’ils ont un pouvoir qui peut assujettir. Et en vou-lant satisfaire, les personnes qui ont un handicappeuvent renoncer à l’énergie qu’il faut pour parleren son nom.

J’ai admiré la détermination de Maurice l’autre jour: Fin de repas. Maurice nettoie la table un peu mal-adroitement, à cause de son handicap. Fiona, saréférente s’apprête à le faire pour lui. «Non, c’estmon travail», dit Maurice. Fiona se met en retrait. Etpuis, elle commence à rassembler les miettesdevant lui, «pour lui faciliter la tâche». «Non, je le fais

tout seul», ditMaurice. Fiona seremet de côté.Bientôt, elle deman-de: «Mais à quoi jesers, alors ?».Maurice répond: «Taprésence est trèsagréable. Onpapote.». QuandMaurice a fini latable, il reste àbalayer… Fiona faitun geste vers lebalai. «Non, c’est moiqui fait.» reprendMaurice. Quellepatience!

L’inclusion nous apprend à réfléchirensemble

Le Conseil International de réflexion est mixtemaintenant: experts théologiens, responsablesnationaux ou de communautés et personnes qui

Pour les personnes qui ont l’expérience de vivre avec une déficienceintellectuelle, l’inclusion, porte sur deux dynamiques : être inclus dans les réflexions quiconcernent son projet de vie, les décisions qui sont prises pour soi et concernent sesbesoins individuels. Et être inclus dans la société comme un citoyen partenaire qui parti-cipe aux conversations où s’élaborent les projets de société et prend part à la construc-tion de la vie commune. La Fédération de L’Arche travaille dans ces deux directions. Voiciquelques exemples, offerts par Anne Chabert d’Hières, chef de mission «Inclusion».

Opinion 2Quelques échos d’inclusion à travers

la FédérationANNE CHABERT D’HIÈRES

Dessins, photos et panneaux ont servi à tous les groupes. Ici,Laurence Lamy l’animatrice du travail, Patrick et Eileen nos respon-

sables. L’inclusion nécessite que tous parlent différents langages,afin de pouvoir élaborer ensemble.

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ont l’expérience de vivre avec un handicap. Il a tra-vaillé autour du leadership de service. Voici l’échodes trois personnes qui vivent avec un handicap.

«Une sagesse que je retiens, c’était de travailler enpetits groupes, avec des photos. Choisir l’image qui vabien. C’était très important, car ça me mettait en têtece que je voulais dire. Et pour chacun de nous, quellehistoire on va dire. Et puis on rapportait aux autres.Patrick disait que le leadership parfois n’est pas bon,qu’il y a du désagrément pour les gens. Le leader abesoin d’aide. Il n’est pas tou-jours le bon leader qu’il veutêtre.» (Tim Stone des USA)

«Y’avait une bonne ambiance.Je me suis fait une amie. On apris des photos en mimant desattitudes du responsable:prier, ouverture, attitude posi-tive, respect… J’ai fait monretour de notre séjour. J’aimontré les photos devant toutle monde. J’ai parlé de l’écou-te avec une grande oreille des-sinée. Maintenant, je prendsun rôle de responsabilité: jevais faire un témoignage dansle journal de la communauté,sur l’esprit de la communau-té.» (Marie-Esther Leuthold,de Suisse)

«On parlait sur les décision d’aider les autres, d’aimerles autres. C’est super important. Leur faiblesse, parexemple, les aimer, c’est pas toujours évident. On aparlé du leader: je trouve que c’est intéressant d’êtreécoutée aussi. Pas que sur le «je», sa petite personne.C’est important de se faire écouter et d’écouter la viedes autres. Et on a parlé des limites. C’est la chose laplus difficile. Parce qu’on peut avoir des limites.Comment travailler sur nos limites? Comment accepterles autres vraiment?» (Anne-Laetitia Delattre)

L’inclusion implique que chacun parle enson nom

La culture anglo-saxonne a développé depuis desannées l’art de la «self-advocacy» qu’on traduirait

en français par l’art de parler pour soi, en son nom.Les «self-advocate» organisent des rencontres entrepersonnes qui ont l’expérience de vivre avec unhandicap. Ces rencontres pour «parler haut et fort»ont trois buts principaux

• S’informer sur ses droits, les possibles, et se for-mer à prendre la parole sur différents sujets.

• Se sentir moins seul, isolé, humilié et opprimé,mais renforcé par la présence d’un groupe soli-

daire qui se tientdebout et assumefièrement sonexpérience.

• Se fairee n t e n d r eauprès despolitiques etdécideurs.

Luca Badetti etMike qui co-pré-sident l’équipeinclusion pourL’Arche USA, sontallés à l’une deces rencontres ennovembre 2013 àSpringfield. Au

sommaire divers ateliers comme: «Internet, un outilfun», «Comment défendre ses droits à sa vie sexuelle?»«Parlons avec les législateurs», «Tout le monde tra-vaille!», «S’intégrer dans les réseaux locaux»,…

L’inclusion, ça s’apprend

Il existe des groupes nationaux d’écoute et deparole qui rassemblent des délégués de chacunedes communautés, pour échanger, se former à lareprésentation des collègues et travailler à l’inclu-sion. Par exemple, lors de leur dernière session, lesdélégués australiens ont travaillé leur prise deparole en public. Ils ont fait de nombreux exercices,se sont filmés afin de voir ce qui pouvait être amé-lioré.

Luca (à l’étiquette rouge) et Mike (manche avecun C), et d’autres membres de L’Arche Chicago

rencontrent le gouverneur de l’Illinois, Pat Quinn, à la conférence.

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L’inclusion est un travail

Certaines communautés se sont attelées à traduiredes documents administratifs et législatifs en lan-gage simplifié, afin de mettre à la disposition despersonnes qui ont une déficience intellectuelle, cesinformations qui les concernent au premier chef.Par exemple, la communauté parisienne a créé ungroupe qui commente la «Charte des droits etlibertés» promulguée dans tous les établissementssanitaires et sociaux français. Voici un extrait desimpressions de Florence sur ce travail.

«C’est bien d’être entre nous, ça montre qu’on peutprendre la parole, réfléchir sans toujours votre aide.

C’est bien que vous êtes juste deux pour nous aider. Ilfaut trouver une idée tous ensemble. Si on n’est pasd’accord, on s’adapte, on discute. C’est pas facile dene pas faire plaisir, oser dire ce que je pense si lesautres ne sont pas d’accord. Maintenant, c’est mieux,c’est plus facile qu’avant. Je sais pas pourquoi c’estplus facile, peut-être que j’ai confiance ? On est moti-vés et présents le plus possible ! Et on plaisante aussi,on se marre ! C’est intéressant, enrichissant en mêmetemps. Ça nous permet de travailler sur un texte de loiqui est pas facile à comprendre. On simplifie les idées.C’est bien d’avoir les dessins, les photos, les picto-grammes et les mots. C’est important pour moi detransmettre. J’ai montré à mon travail et ils ont bienaimé. On a montré aux permanents de la communau-té, à notre rencontre communautaire et à la formationdes assistants.»

L’inclusion est une collaboration

La communauté du Bengladesh fait régulièrementdes visites dans les villages alentour, à des famillesdont un membre a une déficience intellectuelle.Des personnes handicapées accompagnent lesassistants à ces visites, témoignant comme ellesseules savent le faire de la vie qui leur est donnée.

L’inclusion se passe aussi dans les réseaux associa-tifs locaux:

La Root Soup de Belfast où les membres de L’Archecuisinent des soupes, du pain et des gâteaux avecdes gars sortis de la rue. La chorale de L’ArcheKenya qui va chanter dans des prisons avec les per-sonnes incarcérées. Ou les personnes de L’ArcheVancouver qui visitent des maisons de personnesâgées voisines…

L’inclusion est aussi…

Impossible de dire en 1000 mots tout ce qui sepasse dans nos communautés. Les initiatives, leséchecs, les sagesses récoltées, les techniquesutiles… C’est pourquoi je suis contente qu’on dis-pose maintenant de sites qui peuvent relayer cesinformations plus facilement. Chacun pourra lescompléter au fur et à mesure de nos expériences.Car on est au début de ce chantier. Il reste encorebeaucoup à apprendre ensemble.

Voici un bref résumé des conseilsqu’ils ont travaillés.

Comment bien parler devant les autres:

1. Relaxe… pense à destrucs qui te mettent àl’aise.

2. Parle de choses qui tepassionnent, tu serasconvaincant.

3. Entraîne-toi… Essayesouvent et tu feras desprogrès.

4. En essayant, tu appren-dras à régler ta voix, taprononciation, ta prépa-ration…

5. Crée ton style et étonneles gens à ta manière…Ils seront intéressés.

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Pourquoi parlons-nous «d’autorité de service»?

Le Mandat international et le programme nous appel-lent à identifier et soutenir le sens et les qualitésessentiels de l’autorité de service à L’Arche et àencourager la pratique des processus participatifs etde prise de décisions communautaire. La Constitutioninternationale cite sept valeurs d’autorité. Celles-cicomprennent les principes stipu-lant que les rôles et les structuressont au service de la mission; queles responsables sont nomméspour des durées de service suiteà des processus de discernement;et que les responsables gagnenten sagesse en écoutant et enprenant conseil. Comme PatrickFontaine le précise dans sa récen-te lettre suite à la réunion duConseil de réflexion en Suisse, il ya souvent un fossé entre notreidéal d’autorité de service et la réalité.

Définition

Qu’entendons-nous par «autorité de service»?

Le mot «leader» – celui qui dirige – donne l’idée d’uneorientation, un objectif, un but, une destination.Robert Greenleaf, dans son ouvrage intitulé«L’autorité de service», écrit que «l’essence même duleadership consiste à aller devant pour montrer lavoie...le leader se hasarde à dire: «Je me lance, sui-

vez-moi!» Le programme d’autorité de service deL’Arche au Canada définit le leadership comme «unemesure efficace prise pour arriver à un résultat».

Le mot «serviteur» – celui qui sert – donne l’idéed’une relation, une relation à l’autre, que ce soit unepersonne ou un objectif. Un serviteur est en relationavec quelqu’un ou quelque chose (un objectif/une

mission), plus grand et extérieurà lui.

Une «autorité de service» concer-ne donc celui qui «prend unemesure qui sert l’objectif de lamission» (The Grubb Institute).

Nous voyons immédiatement etclairement qu’être une «autorité»dans ce sens ne se résume pas àdes rôles structurels. Tout unchacun est appelé à «prendre une

mesure qui sert l’objectif de L’Arche». Ouvrir la porteen souriant pour accueillir l’invité inattendu, c’estprendre le leadership. Lancer le processus internatio-nal Identité et Mission, c’est prendre le leadership.

«L’autorité de service» met l’accent du leadership sur leservice, le service de la mission et le service d’autres per-sonnes. Le leadership n’est pas pour soi, mais pourl’autre. Robert Greenleaf explique que le meilleur testd’autorité de service consiste à poser la question suivan-te: «Ceux qui bénéficient du service grandissent-ils en tantque personnes? Sont-ils alors en meilleure santé, plus

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Opinion

Opinion

Si l’on observe de près les sept valeurs clés répertoriées dans laConstitution internationale, l’erreur consisterait à imaginer qu’elles

ont été tirées d’un chapeau au hasard! Ce n’est pas non plus un accident si l’autorité deservice vient en premier, comme le reflète cet article de John Sargent. John, responsablenational de L’Arche au Royaume-Uni et responsable d’équipe du groupe de travail sur ledéveloppement de l’autorité de service, explique que cette valeur est véritablement unmode de vie qui touche chaque membre d’une communauté et qu’elle est au centre denotre mission dans le monde.

Opinion 3Autorité de service

JOHN SARGENT

L’Arche El Rusc Photo: Jonathan Boulet-Groulx

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sages, plus libres, plus autonomes, plus susceptibles de semettre eux-mêmes au service des autres? Et quel est l’ef-fet sur les moins privilégiés dans la société? En bénéficie-ront-ils ou en seront-ils au moins pas plus privés?»

L’objectif de L’Arche est de révéler les dons des per-sonnes ayant un handicap, d’être un signe que tout lemonde a sa place et a un don à offrir. Ensemble, notremission consiste à construire une société plus humai-ne. Cette vision du bon côté de chaque individu, dubien commun, du «royaume de Dieu», est le but deL’Arche, notre destination. Le rôle du leader est deservir cette mission.

Les origines de l’autorité de service

Le concept d’autorité de service aune longue histoire. Cinq cent ansavant Jésus-Christ, des textes chi-nois parlaient du chef idéal commed’un serviteur discret de leurs sujets.Dans l’Evangile, Marc rapporte lesparoles suivantes de Jésus: «Vous lesavez: ceux que l’on regarde commechefs des nations les commandenten maîtres; les grands leur font sen-tir leur pouvoir… Parmi vous, il nedoit pas en être ainsi. Celui qui veutdevenir grand parmi vous sera votreserviteur. Celui qui veut être parmivous le premier sera l’esclave detous: car le Fils de l’homme n’est pas venu pour êtreservi, mais pour servir…» (Marc 10:42-45)

(Ailleurs, Jésus dit «Je ne vous appelle plus serviteurs...je vous ai appelés amis» (Jean 15:15). Nous devrionspeut-être parler de «leadership d’amitié»?)

«Une rose d’un autre nom…»

Nous devons prendre en compte la question du lan-gage. Le langage que nous utilisons pour désignernotre expérience du leadership est important.Beaucoup de termes peuvent être, et sont, utiliséspour communiquer l’expérience. «Leader», «manager»,«directeur», «coordinateur» ne sont que quelquesexemples courants. Nous avons étudié le terme «lea-der» ci-dessus. Le terme «manager» vient du mot mainet a le sens de gérer, contrôler. «Directeur» signifie

celui qui dirige et contrôle. Un «coordinateur» signifiecelui qui rassemble dans l’ordre. Le terme que nouschoisissons implique des indications subtiles de l’ex-périence que nous désignons, nos attentes et nosespoirs.

Nous devons être conscients de la question de tra-duction entre nos différentes langues. Au Royaume-Uni, nous parlons de «Community Leaders» mais enFrance, on utilise l’expression «Responsable de com-munauté». Les mots «leader» et «responsable» ont-ils lemême sens? Quel est leur rapport avec l’expression«autorité de service»? Je ne suis pas linguiste, je nepeux donc pas répondre à cette question, mais j’en-courage la prise de conscience dans toutes nos diffé-

rentes langues des termes que nousutilisons et du rapport qu’ils ontavec l’expérience que nous tentonsde communiquer.

Des histoires et desimages

Quelles sont les histoires qui par-lent de «l’autorité de service»?L’histoire classique des Evangilesest celle de Jésus lavant les pieds deses disciples. Laver les pieds desinvités et des voyageurs était latâche du serviteur. Toucher lespieds sales, couverts de poussière

de la route, et pire encore, revenait à se rendre impur.Marie-Madeleine avait déjà lavé les pieds de Jésusavec ses larmes et les avait séchés avec ses cheveux, etmaintenant Jésus suit son geste, s’agenouille devantses disciples, renversant ainsi l’ordre accepté deschoses. Tout comme les bergers impurs avaient été lespremiers à entendre parler de la naissance de Jésus etles premiers à visiter l’étable de Bethléem. Il n’est pasétonnant que le Pape François ait appelé les pasteursde l’Eglise à être pénétrés de «l’odeur de leurs brebis».

Le lavement des pieds reste une image et une pratiqueclés pour nous à L’Arche. Il souligne le service des unsaux autres. En participant au rituel, nous exerçonstous notre leadership. Le lavement des pieds est unsacrement de L’Arche. Un sacrement est un symbolequi amène ce qui est symbolisé. Le lavement des piedssymbolise notre service les uns aux autres et amène

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Opinion

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véritablement ce service. Le rituel construit la com-munauté et l’autorité de service.

Dans des temps plus modernes, le concept «d’autori-té de service» a été souligné par Robert Greenleaf.Celui-ci a utilisé l’histoire d’Herman Hesse, «Le Voyageen Orient», pour illustrer le fait que le grand leader estd’abord serviteur. L’histoire raconte qu’un pèlerinage aété entrepris et que le groupe était accompagné d’unserviteur, Leo, qui faisait la cuisine et assurait l’anima-tion grâce à ses chansons et ses histoires. Tout sepassait bien jusqu’à ce que, au milieu du voyage, Leodisparaisse. Le groupe a commencé à perdre sa cohé-rence et a fini par se disloquer.Bien des années plus tard, le nar-rateur découvre que le serviteurLeo était en réalité à la tête del’ordre puissant qui avait organiséle pèlerinage. Le leader en tantque serviteur avait été un facteurindispensable de la réussite duvoyage.

Une autre image de L’Arche est lefait de manger ensemble autourd’une table commune. Nous nousrassemblons en un seul corps pourpartager des repas, des conversations, nos vies. LeConseil de réflexion en Suisse en novembre 2013 asouligné l’aspect central du fait de manger ensembleautour d’une table et l’importance du fait que nos lea-ders structurels soient à la table, pour que les déci-sions prises et les actions menées proviennent de latable commune. La table commune symbolise le faitque chaque personne a sa place et sa voix. C’est unlieu privilégié pour écouter et faire partie de l’en-semble. Pour les responsables d’organisations, il estimportant de ne pas oublier que les organisations,systèmes et structures ne se préoccupent pas d’eux,mais des personnes. Les responsables ne peuvent pasgérer et contrôler le système, ils ne peuvent qu’inspi-rer et accompagner les personnes. (cf David BSchwartz). Une fois encore, manger ensemble autourde la table est un sacrement de L’Arche; la pratiquerégulière construit la communauté et l’autorité de ser-vice.

Des histoires de Jésus à table, mangeant et buvantavec d’autres, sont souvent racontées dans les

Evangiles. L’Evangile de Saint Jean associe le dernierrepas de Jésus au lavement des pieds.

D’autres histoires parlent du pouvoir des tables com-munes. Les légendes du Roi Arthur et de ses chevaliersracontent que le Roi a introduit une grande tableronde pour que ses chevaliers se réunissent autourpour symboliser l’idée que chacun avait une place etune voix égale dans les discussions. La table ronde estdevenue le symbole d’un gouvernement participatifsage.

Jean Vanier a dit récemment que le silence, la prière etl’écoute étaient essentiels pourles responsables («Pour la suite dumonde»). L’écoute profonde del’autre est fondamentale à L’Arche.Cette écoute reflète un véritablerespect de l’autre. En écoutant,nous découvrons le don de la per-sonne et ses besoins. L’écoutedemande à celui qui écoute decréer un espace, un silence où larencontre avec l’autre peut avoirlieu. Une pratique régulière d’es-pace et de silence renforce lacapacité à écouter; à s’écouter

soi, à écouter l’autre et les autres. C’est pour cette rai-son que L’Arche est fondamentalement une commu-nauté contemplative, une communauté d’écoute pro-fonde.

Lorsque nous nous écoutons les uns les autres, créonsun espace pour chacun, nous découvrons que noussommes tous faits pour être les uns avec les autres etque nous pouvons construire le bien communensemble, nous pouvons bâtir le «royaume».

Allons-y! Viendrez-vous?

Robert Greenleaf, ‘Servant Leadership: A Journey into thenature of legitimate power and greatness’, 1977, Paulist Press

David B Schwartz, ‘Who Cares: Rediscovering Community’,1997, Westview Press

L’Arche Canada, «Pour la suite du monde», volume 12, numé-ro 4, hiver 2013

The Grubb Institute, ‘The Transforming ExperienceFramework’, http://www.grubb.org.uk/consultancy/52

A la même “table..” Neelchand etRajesh, Asha Niketan Kolkata

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34 Une pensée de Jean Vanier

La première inspiration

J’ai fondé L’Arche autour d’une petite communautéchrétienne avec le soutien de mon père spirituel, lePère Thomas Philippe. Je voulais créer, avec RaphaelSimi et Philippe Seux, unepetite famille où nouspourrions tous grandirdans la liberté et l’amour.Nous vivions et priionsensemble dans l’esprit del’Eglise catholique. Pourmoi, c’était un engage-ment à rester toute ma vieavec ceux qui avaient étéhumiliés et rejetés et jesentais le besoin d’êtresoutenu par mon Eglise.Des assistants sont venusme rejoindre parce quenous étions une commu-nauté de foi, « qui vivaitpauvrement avec lespauvres ». D’autres per-sonnes ayant un handicapque nous avonsaccueillies, petit à petit, se sont intégrées assezrapidement à notre vie de foi, de plaisir et de tra-vail, chacun librement, selon ses désirs et sesbesoins. Notre objectif était d’être comme unefamille, dans l’esprit de Jésus.

De nouvelles communautés, de nou-velles cultures, une même essence

Au fil des années, de nouvelles communautés sontnées au Canada, en France, en Haïti, au Honduras,

en Inde, en Côte-d’Ivoire, etc. sou-vent à la suite d’une retraite dans latradition catholique romaine,ouverte à tous, quelle que soit satradition religieuse. L’essentiel étaitde vivre avec ceux qui avaient étérejetés et humiliés, dans un espritd’amour, de liberté, de respect, deprière et de confiance en Dieu.

Ces nouvelles communautés reflé-taient, dans leur façon de vivre etde prier, la foi religieuse de ceuxqui étaient accueillis. Daybreak àToronto était oecuménique, la plu-part des membres étant anglicans.Asha Niketan à Bangalore étaitinterreligieux. Nous voulions tousvivre ensemble, prier, travailler etprendre du bon temps ensemble.Nous voulions nous aimer les uns

les autres, quel que soit notre handicap ou notreaffiliation religieuse, et nous aider les uns les autresà trouver la paix intérieure. Chacun était accueillicomme quelqu’un de précieux, un enfant bien-aiméde Dieu. Nous nous sentions guidés par la main

Une pensee de Jean Vanier

La spiritualité de L’Arche, a-t-elle changé?

Photo : Diane Eve Cros

De son point de vue unique de fondateur, Jean Vanier pense que laspiritualité de L’Arche n’a pas changé au fil des années, même lorsqueL’Arche rencontre des cultures très différentes de celle de ses racines. L’essentiel reste tou-jours d’accueillir tout un chacun librement, quelle que soit sa tradition religieuse, et dechercher à grandir ensemble dans un esprit de confiance en Dieu et de respect mutuelalors que l’on vit avec des personnes ayant un handicap et que l’on s’autorise à en êtretransformé. Pour l’avenir, le défi consiste à continuer de découvrir la sagesse du vivre etde l’apprendre ensemble, en approfondissant le sens de l’amour pour chaque personne,dans ses différences et ses faiblesses, sans limite.

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35Une pensée de Jean Vanier

aimante de Dieu, qui chérit spécialement les plusfaibles, les plus vulnérables et les plus humiliés.

Des communautés liées par la qualité del’amour

Au fil du temps, les choses ont un peu changé, alorsque L’Arche s’est développée dans différentesEglises et religions et alors que des assistants sontarrivés avec peu de foi religieuse; c’est à ce momentque la vie de prière et les célébrations sont deve-nues moins visibles; la qualité de l’amour qui devaitse trouver à chaque niveau de la communauté estcependant restéecentrale. Une com-munauté n’était pasun simple rejetond’une Eglise chrétien-ne ou d’un groupereligieux: c’était laqualité de l’amour quiliait tous les membresde la communauté quila caractérisait. Cetamour ne se résumepas à «faire du bien»aux plus faibles, mais ilconsiste à entrer dansune véritable relationd’amitié avec eux. Nous avons commencé à voir quenotre vie ensemble transformait non seulement lespersonnes ayant un handicap mais également lesassistants. Les préjugés par rapport à la classe, la cul-ture, la religion, la réussite individuelle et la supério-rité ont commencé à disparaître, on a commencé àvoir que l’essentiel de l’être humain est de grandirdans l’amour, d’ouvrir son coeur à chaque personneet de donner la même importance à chacun. Enmême temps, les liens de chaque communauté avecune foi religieuse étaient entretenus par un aumô-nier, un prêtre ou un pasteur qui animait les temps deprière et les célébrations de la communauté et aidaitles personnes à grandir dans leur foi.

Grandir dans l’amour n’est pas facile. Ceci signifiefaire face à nos sentiments de méfiance par rapport

aux autres, ne pas les juger ni les mettre de côté. Aucontraire, il s’agit d’éradiquer de notre coeurtoutes les graines de haine envers les autres. Ils’agit d’accepter chaque personne dans la commu-nauté telle qu’elle est et de l’aider à être elle-même.

S’aider les uns les autres à surmonter lesobstacles

Etty Hillesum, une jeune femme juive hollandaisetuée pendant l’Holocauste, dit qu’elle a découvertqu’elle était un puits. Au fond de ce puits il y avaitDieu, mais aussi d’autres choses, des pierres, des

déchets, qui l’empê-chaient d’être avecDieu. Comment nousdébarrasser de cespierres et cesdéchets qui nousempêchent d’être encontact avec ce qu’ily a au plus profondde nous?

Nous découvronstous que le fait dedevenir amis avec lesplus faibles, sanschercher à montrer

que nous sommes supérieurs à eux ni aux autres,nous transforme; ils nous donnent alors des leçonsd’humilité, d’amour et d’acceptation de nos fai-blesses. L’amour et la vie ne viennent pas simple-ment des assistants envers ceux qui ont un handi-cap ; c’est un processus à double-sens. Nous nousaidons les uns les autres. Les plus faibles nousapprennent à accepter nos faiblesses, notre impa-tience, nos peurs, nos colères et nos blocages; ilsnous entraînent vers une libération de tout ce quiempêche la vie de bien se dérouler.

Le fait de grandir dans l’amour est certainementune affaire personnelle; ceci l’a toujours été, mêmesi nous appartenions tous à la même Eglise et lamême religion. Grandir dans l’amour, c’est laissernos coeurs s’ouvrir. La vie de la foi étant moins

Une pensee de Jean Vanier’

La prière à L’Arche Trosly Photo: Elodie Perriot

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Une pensee de Jean Vanier

visible dans certaines communautés, chaquemembre de la communauté, et en particulier lesassistants, doivent trouver leur propre chemin pourgrandir dans l’amour. Il est certain que de nom-breux assistants et personnes accueillies grandis-sent véritablement dans une vie de prière etd’union avec Dieu, mais d’autres doivent trouverd’autres moyens de grandir dans la spiritualité del’amour, une spiritualité où nous nous sentons gué-ris par l’amitié que nous entretenons avec lesfaibles, au bas de l’échelle de la hiérarchie de l’hu-manité. Leur appel àl’amour nous invite àl’amour, l’humilité etla fidélité.

Apprendreensemble, lasagesse del’amour

Pendant les pre-mières années deL’Arche, la plupartdes assistants arri-vaient avec leur foireligieuse qui lesaidait à grandir enspiritualité, dans laprière et l’amour, accompagnés par des gens deleur église ou de leur religion. Les assistants quiarrivent aujourd’hui ont moins ce sentiment. Bonnombre d’entre eux n’ont ni foi religieuse ni idéalde vie particulier. Ils trouvent que L’Arche est unbon lieu de vie: pour eux, c’est une expérience richequi les a changés à de nombreux égards.Cependant, ils ne sont pas convaincus de l’impor-tance de L’Arche comme lieu de transformationpermanente réelle de leurs coeurs et un lieu de paixoù les valeurs de nos sociétés (l’individualisme mar-qué, le besoin d’être fort et de gagner) peuventchanger. Beaucoup viennent à L’Arche avec lebesoin d’être guéris, parce qu’ils ont vécu un échecou une forme de souffrance. Pour beaucoup, vivre«une spiritualité de L’Arche» a peu ou pas de sens.

Beaucoup admettront qu’ils ont changé; mais com-ment les aider à découvrir que ce ne sont que lespremiers pas vers l’amour? Pour grandir ainsi, il estimportant qu’ils trouvent la bonne formation, unediscipline interne, une réelle intériorité et l’aide quipeut les mener à un amour universel. Ils doiventêtre accompagnés dans leur cheminement par desgens de foi et de sagesse, qui les aident à prendreconscience non seulement de tout ce qui doitchanger en eux (leur ego, leur besoin d’être supé-rieur, leur soif de pouvoir, etc.) mais également à

trouver la nourriturespirituelle nécessairepour continuer surcette voie. Commenttrouver la force degrandir en sagesse etdans un amour définipar Saint Paul commede la patience, duservice: tout suppor-ter, tout excuser pourtout espérer et toutcroire? Il s’agit degrandir dans la liber-té intérieure, l’humili-té et l’ouverture auxautres; il s’agit d’ai-mer l’ennemi et d’ac-

cepter les personnes telles qu’elles sont. Il s’agit dedevenir des messagers de paix et de pardon.

La spiritualité de L’Arche implique également queles assistants soient conscients des besoins despersonnes accueillies de grandir dans un amourqu’ils trouvent dans leur Eglise et leur religion. Pourbeaucoup, grandir dans l’amour veut dire devenirami de Jésus et ami de Dieu.

Je ne suis pas sûr que la spiritualité de L’Arche aitchangé. Ce dont je suis sûr, c’est que la vie de nospersonnes accueillies peut nous changer et nousmener à la sagesse. Nous avons tous besoin d’aidepour le découvrir comme une spiritualité del’amour.

Syd Fraser et Chris Sadler, L’Arche Inverness (Royaume-Unis)Célébration du Jubilé Photo: Jim Cargin