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Date : 01/09/2014Pays : FRANCEPage(s) : 66-69Diffusion : (202300)Périodicité : MensuelSurface : 311 %

Le silenceà tout prixDÎNER AU RE5T0 SANS ÉCHANGERUN MOT,SE METTRE À LAMÉDITATION OU À L'APNÉE, DANSER EN BOÎTE AVEC UN CASQUESUR LES OREILLES, TESTER LA CHAMBRE QUI ABSORBE 99,9 7oDES SONS... LE SILENCE FAIT DE PLUS EN PLUS PARLER DE LUI.

VPARMAUREEN DIAMENT

our moi qui travaille en open space, le silence quel'on trouve au fond de l'eau est précieux», confieClémentine, cadre dans une banque et adepte del'apnée depuis quatre ans. «Enfin un endroit où personne ne parle et ne me parle !Pendant la séance,plus rien, plus personne ne compte,on se concentresur soi et sur ses sensations. On setait, et on laisseparler son corps. On apprend ainsi à mieux l'écouter.»Clémentineest loin d'être la seule à s'entraînerpour jouer le remake du Grand Bleu -le côté dramatique en moins- puisque depuis deux ans, sonclub parisien voit sa liste d'attente s'allonger àchaque rentrée. Et ce n'est pas la douce odeur duchlore des piscines qui attire les foules. À l'instardes casques anti-bruit ou des retraites méditatives,tous les moyenssont bons pour s'isoler du vacarmepermanent qui nous entoure et nous tape sur lesnerfs.À tel point qu'on a parfoisdu mal à se retenird'insulter la personne qui braille dans son portableà l'heure de pointe dans le métro ou le voisin quipasse la tondeuse à 9h du mat' le dimanche. On estmême à deux doigts de renoncer à nos excursions

shopping depuis que le volume de la musique dansles magasins est plus proche de celui des boîtes denuit que du léger fond sonore. Pour Jean-MichelDelacomptée, écrivain et auteur de Petit élogedesamoureuxdu silence(éd. Folio),tout celan'a rien desurprenant : «Trop peu d'initiatives ont été prisespour limiter la pollution sonore qui n'a cessé d'augmenter. L'excèsde décibelsdans lequel nous vivonsa desconséquencesnéfastes sur notre santé.En particulier sur le cœur et le cerveau. La quête de silenceest une véritable nécessité, tant sur le plan physiologique que psychologique.»Du coup, les apôtres du silence, considérés hiercommeune bande derâleurs asociauxet égocentrés,sont aujourd'hui devenusdes avant-gardistes inspirés. «Dans notre monde hyper connecté, le silenceest le nouveau cri de ralliement, analyse MathildeGaist,planneur stratégiquechez FutureBrand Paris.Il est plébiscité dans les domaines de la mode, delasanté, des voyagesou de l'art de vivre,et ne cessedemuter pour répondre à des besoins réels ou créés detoutes piècespar les professionnels du marketing. »

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Une journée sans le sonPuisqu'il est quasiment impossible de faire cesserle bruit extérieur, onpeut déjà essayer de se débarrasser de celui qui nous pollue de l'intérieur. C'estl'un des préceptes de la méditation qui a, entreautres, pour objectif d'enseigner à faire le silenceen soi. Comprendre: ne plus prêter attention au flotincessant, et pas toujours très positif, de nos pensées. Unmoyen parmi d'autres de décrocher du tumulte environnant et de mettre son esprit au calme.«Une fois par mois, j'éteins mon portable et monordinateur et je médite en silence pendant unegrande partie dela journée, explique Louise,consultante en communication. Se taire et se couper dumonde decette façon est une expériencetrès intensequi m'aide à me ressourcer et à retrouver ma sérénité. Mais ce n'est pas toujours évident. Parfois, onse sent mal à l'aise et on a juste envie de tout rallumer pour se rassurer et se sentir à nouveau encontact avec les autres». «Le silence "magistral",celui que l'on retrouve en forêt ou dans les monastères par exemple,fait peur à beaucoup de gens caril invite à l'intériorité», confirme le sociologue etanthropologue DavidLe Breton*.Pour concilier enviede calmeet hantise de se confronter à soi-même,il a doncfallu innover.«On assiste à l'émergence denouvelles formes de silence, souvent pratiquées engroupe. Si elles découlent de la méditation, elles ne

(ILE SILENCEPOURFAIREPARLERDESOI

^ C'est le pari de la dernière campagnede l'Office du tourisme finlandais, quinous invite àvenir découvrir « la beautédu silence» de ce paysoù «les lacs sontnombreux, les gens beaucoup moins».Dans un registre différent, le grandmagasin Selfridges de Londres a, lui,lancé une opération intitulée «no noise»,qui permet aux clients de profiter d'unepièce silencieuse pour faireune pause pendant leurs achats.

laissent que peu de place à l'introspection. Plus épicuriennes, elles mettent l'accent sur l'expériencesensorielle et nous invitent à nous concentrer surnos autres sens: gustatif, olfactif et même... auditif !»,précise Mathilde Gaist.*Auteur de Marcher,éloge des cheminset de la lenteur [éd. Métailié).

Chut, on mange!En septembre 2013,le restaurant new-yorkais Eutdécidait d'instaurer un dîner mensuel silencieux.L'idée? Sefocaliser sur le goût et l'esthétique desplats au lieu de se concentrer sur la conversation.Un coup de génie pour ce restaurant à la cuisineassezmoyenne (si l'on en croit les critiques), qui estdésormais booké six mois à l'avance par une bandede végécaliens (végétariens -i-locavores),accros auyogaet papes auto-proclamés de la coolitude.ÀParis, le premier dîner en silence et en pleineconscience a eu lieu le 30juin 2014dans le hall del'Electric, au sommet du Parc d'expositions de laPorte de Versailles. Organisé par CocoBrac de LaPerrière, familière de la méditation, il a réuni plusde 200convivesinvités à rester muets afin de vivreun moment unique. Pour Laurène, graphiste, quifaisait partie des happyfew, l'ensemble a été plutôtétonnant: «J'y allais en pensant quele silence,c'étaitl'absence de bruits... Mais pas du tout! En fait, c'estbien plus ça. Il y a des silences très différents. Pendant la soirée, il y a eu des silencesjoyeux avec desrires étouffés,mais aussi d'autres pesants, nerveux.C'était très marrant d'observer comment les autresconvives appréhendaient le silence :yeux ouvertsou fermés, en s'ennuyant ou en grimaçant, en s'en-

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dormant ou ne tenant pas en place, en jouant. .. Lesexercices deméditation en pleine consciencequi ontrythmé la soirée nous ont permis de nous concentrer sur le moment présent, sur notre corps, sur ceque l'on avait dans notre assiette... Même si, il fautbien l'avouer, après trois heures de mutisme, letemps paraissait un peu long».

La musique, le bruit en moinsVous pensiez être trop vieux pour faire une partiede roi du silence entre amis? Erreur! D'après lesrègles du jeu version 2014,on peut jouer partoutsans passer pour une bande de potes qui n'ont rienà se dire.En boîte, par exemple, lors de soirées «WeLoveSilence».Un casque sur les oreilles, on choisitsoncanal et on danse sur le mix d'un des 3DJ's présents dans la cabine (insonorisée, celava sans dire).« Si l'on ne se parle pas, on communique quandmême par les gestes ou les regards. Et lorsqu'onenlève le casque, onpeut échanger sans avoir à hurler ce qui, dans une boîte de nuit, est rarement lecas», explique Corrine, une trentenaire qui a testéle conceptmais reconnaît avoireu dumal à s'immerger dans l'ambiance et à se lancer comme sur unevraie piste dedanse. Ceuxqui préfèrent les concertsne sont pas en reste puisque plusieurs groupes,dontMetallica, ontdéjà utilisé lemême procédé lors d'undeleurs shows.Le Festival Solidaysa également misen place depuis plusieurs années une session baptisée Silent Disco,où l'on peut observer une foule sedéhancher en rythme mais en silence... «D'une cer

taine façon, cespratiques sont un peu ironiques. Sefocaliser sur un sens empêche de débrancher complètement. On est plus dans une visite guidée sur ceque l'on doit ressentir que dans une expérience totalement libre», souligne DavidLe Breton. En plus, ànotre grand regret, le seul appareil qui semble vraiment utile n'est pas commercialiséen France. L'iDe-vice est un micro pour karaoké à la formebizzaroïdequi «avale» instantanément les sonsqui sortent denotre bouche sans laisser filtrer une note. Onauraitenfin pu laisser notre ado faire ses vocalises surAdèle sans avoir les oreilles qui saignent.

0 décibel, une utopie?Alors que certains cherchent à apprivoiser ou àtransformer le silence, d'autres se sont mis en têtede créer le calme absolu. Des scientifiques américains deMinneapolis ont ainsi construit la chambreanéchoïque. Cette pièce, également appelée«chambre sourde», absorbe 99,9"Ade sons.Du coup,les seules choses que l'on entend sont celles qui sepassent à l'intérieur nous: battements du cœur, airqui passe dans les poumons, sang qui circule dansles veines, ou encore articulations qui couinent àchaque mouvement. Pourtant, à en croire ceux quil'ont testée,la chambre anéchoïque n'est pas legraaltant convoité. Ils parlent même d'un véritable supplice tant ces bruits internes désorientent et perturbent. D'ailleurs, personne n'a réussi à y resterplus de 45minutes d'affilée. Comme quoi, la quêtedu silence absolu est loin d'être terminée, m

(IGADGETSANTI-BRUIT,CEQUINOUSATTEND

Voitures hybrides, wagons de TGV iDzenou casquesanti-bruit... Lesaccros au calmesont des consommateurs de plus en pluscourtisés. L'arrivée de nouvellestechnologies apporte dessolutionsinnovantes [et plus ou moins farfelues)pour tenter de limiter les décibels.^ Le portable qui se met au parfum.L'entreprise nipponne Scenteepropose unpulvérisateur à adapter sur son portable quiémet un pschitt de lavande, caféou fraise àla place dechaque sonnerie, scentee.com^ La fenêtre filtrante. En émettant uncontre-bruit, elle fait taire voitures et

musique du bar d'à-côté mais laisse passerle chant des oiseaux. Développée parTechnofirst, l'entreprise qui a déjà inventéle sèche-cheveux ultra silencieux.^ Les enceintes coupent le son. Encoreà l'état de prototypes, ces hauts-parleurs,de la même taille que des enceintesd'ordinateurs et baptisées Ipno, captentles fréquences audibles par l'oreille etémettent un bruit blanc. Conçues pour aiderà dormir dans un environnement bruyant,on sevoit bien les mettre au bureaupour ne pasentendre les conversationsde tout l'open space.

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