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Gwenaële Barussaud Nurse certifiée D e si ch a r m a n ts ba m bins F l e u r u s

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Gwenaële Barussaud

Nurse certifiéeDe si charmants bambins

Gwenaële Barussaud

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Fleurus

Gwenaële Barussaud

Nurse certifiéeDans leur château normand, monsieur et madame de Grandville sont désespérés : leurs charmants bambins,

Godefroy et Charlotte, multiplient les bêtises et font fuir les gouvernantes.

Heureusement, la célèbre école de nurses anglaises, la prestigieuse Perfect Children’s Academy,

a promis de leur envoyer une demoiselle à la hauteur de la situation, l’excellente Daisy Dashwood.

Avec ses diplômes fl ambant neufs et son réputé fl egme britannique, Daisy Dashwood semble dotée de toutes

les qualités requises. Mais il ne faut jamais sous-estimer l’incroyable résistance des enfants français….

Caprices en pleine rue, batailles de mottes de terre, odeurs de camembert, pianiste myope et dressage de marcassin réussiront-ils à déstabiliser la jeune nurse anglaise ?

14,90 € France TTCwww.fleuruseditions.com

Daisy Dashwood

Le majordome

Charlotte de Grandville

Godefroy de Grandville

La cuisinière

Le jardinier

9782215132479_MEP_NURSEDACHWOOD.indd 1-5 25/07/2016 17:45

Illustration de couverture et cabochons : Pauline Duhamel

Direction : Guillaume ArnaudDirection éditoriale : Sarah MalherbeÉdition : Claire Renaud, assistée de Sanandra CollardDirection artistique : Élisabeth HebertDirection de fabrication : �ierry DubusFabrication : Axelle Hosten

Composition et mise en pages : Text’Oh !

© Fleurus, 2016Site : www.fl euruseditions.comISBN : 978-2-2151-3247-9Code MDS : 652 551

Tous droits réservés pour tous pays.« Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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Gwenaële Barussaud

Nurse certifiée

Fleurus

De si charmants bambins

Gwenaële Barussaud

Nurse certifiée

Fleurus

De si charmants bambins

Gwenaële Barussaud

Nurse certifiée

Fleurus

De si charmants bambins

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Pour mon si charmant Choubidou

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– M iss Dashwood ! Miss Dashwood !

On tambourinait à la porte. Daisy Dashwood alla

ouvrir, non sans curiosité. Elle était très étonnée : on

était le premier jeudi du mois, c’est-à-dire le free Thursday,

jour de congé pour toutes les élèves de la célèbre école de

nurses londonienne : la Perfect Children’s Academy. Qui

donc pouvait bien frapper à la porte de sa chambre ce

matin-là à dix heures ? Daisy était un peu contrariée. Elle

Chapitre un

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avait beau être l’une des meilleures élèves de l’académie,

l’une des plus sérieuses et des plus assidues, elle espérait

bien pouvoir s’échapper quelque temps des murs de

l’école pour profiter un peu de ses heures de liberté

mensuelles. N’importe quelle autre élève un peu rusée

ou un peu moins sérieuse se serait tue, aurait fait la

« morte ». Mais Daisy Dashwood était consciencieuse :

elle ouvrit.

Une servante rougeaude et essoufflée se tenait sur le

seuil :

– Miss Dashwood ! Mrs Stenford a demandé à vous

voir.

– Comment ? s’écria Daisy. Mrs Stenford veut me

voir ?

– Oui, elle dit que c’est très urgent ! Elle vous attend

dans son bureau ! ajouta la servante, qui détala aussitôt

dans le couloir.

Daisy demeura un instant sur le seuil, fort déconcertée

par cette apparition. Mrs Stenford était la directrice très

respectée de la Perfect Children’s Academy. Il ne lui était

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pas coutumier d’envoyer chercher ses élèves dans leur

chambre, encore moins un jour de congé. Qu’est-ce que

cela signifiait ?

Tandis qu’elle parcourait les longs corridors qui

menaient au bureau de la directrice, Daisy chercha quels

motifs de mécontentement elle avait pu donner à ses

professeurs. Elle n’en vit aucun. Lundi, elle avait parfai-

tement réussi le test « Je me fais obéir des enfants les plus

insupportables sans crier ni user d’instruments comme le

fouet ». Mardi, elle s’était révélée l’une des meilleures à

l’atelier « J’invente des jeux de plein air pour aérer les

poumons des enfants des villes en évitant de maculer

leur toilette de taches d’herbe ». Mercredi, elle avait

montré une inventivité sans pareille pour « Enseigner les

bonnes manières en s’amusant, sans passer pour une

affreuse rabat-joie », cours réputé pour être un des plus

difficiles du cursus des nurses. Non, vraiment, Daisy

avait beau passer et repasser dans sa tête les occupations

des derniers jours, elle ne trouvait rien qui expliquât sa

convocation soudaine dans le bureau de Mrs Stenford.

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Néanmoins, ce ne fut pas sans trembler un peu qu’elle

frappa à la porte.

– Entrez, Miss Dashwood, je vous attendais !

Mrs Stenford était une directrice exemplaire. Fonda-

trice de la Perfect Children’s Academy, elle avait longtemps

travaillé au service des rejetons du duc de Cornouailles,

cousins éloignés des enfants de la reine Victoria elle-

même. Quoiqu’elle fût naturellement modeste, personne

n’ignorait sa prestigieuse expérience au sein de la famille

royale et on murmurait dans les couloirs qu’elle avait été

décorée par la reine pour services rendus à l’Empire

britannique. Mais surtout, ce qui impressionnait les

élèves de l’académie, c’était sa parfaite connaissance

de l’éducation et ses qualités pédagogiques hors pair.

Mrs Stenford maîtrisait tous les types d’enfants : les déso-

béissants, les coléreux, les maniérés, les hypocrites, les

paresseux, les menteurs, les gourmands, les agités : il

n’était pas un seul bambin dont elle ne venait à bout, pas

une colère qu’elle ne savait désamorcer, pas une dispute

qu’elle ne pouvait apaiser. Et tout cela dispensé sur un

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ton toujours égal, avec le sourire, sans jamais montrer le

moindre signe d’impatience ni d’exaspération. Elle avait

rédigé un ouvrage remarquable que chacune des élèves

recevait en cadeau d’adieu à la fin de ses études : Le guide

de l’éducation parfaite à l’usage des nurses qui veulent se

faire obéir et aimer des enfants, tout en satisfaisant leurs

parents. On pourra objecter que le titre était un peu long

et difficile à mémoriser, mais cet ouvrage était une mine,

une véritable bible ! Il répondait à toutes les questions

que pouvaient se poser les nurses débutantes, résolvait

tous les problèmes rencontrés et dispensait de merveil-

leux préceptes. Cela justifiait largement qu’il eût un titre

long comme le bras et qu’il pesât le poids d’une enclume.

– Miss Dashwood, depuis combien de temps êtes-vous

élève à la Perfect Children’s Academy ? demanda Mrs Sten-

ford en observant son élève par-dessus ses lunettes.

– Bientôt trois ans madame.

– C’est cela, trois ans… Cela signifie qu’il ne vous reste

plus que quelques mois d’étude à accomplir chez nous…

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– Oui, madame. Je quitterai l’école en juin, si vous me

jugez apte à devenir nurse.

– Voyez-vous, Miss Dashwood, il est des situations où

les études demandent à être un peu… raccourcies,

dirons-nous.

Elle adressa à son élève un large sourire. Daisy était

dubitative : elle ne voyait vraiment pas où Mrs Stenford

voulait en venir.

– Vous ne voyez pas ? demanda Mrs Stenford, comme

si elle pénétrait dans les pensées de son élève.

– Non, madame.

– Eh bien voilà, expliqua la directrice en dépliant une

lettre manuscrite. J’ai reçu hier une demande bien parti-

culière. Il s’agit d’une famille très respectable qui a un

besoin urgent de nurse diplômée. Jugez vous-même.

Et, ajustant ses lunettes, Mrs Stenford lut :

« Je connais suffisamment la réputation de votre très

prestigieuse école, réputation qui s’est répandue bien

au-delà de la Manche, pour ne pas douter que vous

saurez nous envoyer au plus vite une gouvernante à la

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hauteur de la situation. Cette demoiselle devra avoir les

nerfs solides, de l’autorité, un certain sens de l’humour ;

mais je vous sais assez experte en la matière pour sélec-

tionner la nurse la plus à même de dresser… (ici

Mrs Stenford toussa, se racla la gorge et reprit) d’éduquer

nos charmants bambins. Croyez que nous vous serons

éternellement reconnaissants de la rapidité de votre

réponse… »

– Il semblerait qu’il y ait urgence, effectivement,

remarqua Daisy, décontenancée.

– N’est-ce pas ? C’est pourquoi j’ai décidé d’accélérer

votre formation, déclara Mrs Stenford.

Puis, fixant son élève dans les yeux, elle ajouta sur un

ton solennel :

– Miss Dashwood, vous êtes un de nos meilleurs

éléments. Vous avez obtenu d’excellentes notes dans

toutes les matières. Cette famille a besoin de vous.

– Certainement, mais…

– Dès demain, vous quitterez votre classe. Pendant

trois semaines, je vous dispenserai des cours particuliers

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pour vous permettre d’acquérir les dernières connais-

sances qui manquent à votre formation. Si vous êtes aussi

vive et intelligente que je le suppose, vous pourrez partir

accomplir votre mission à la fin du mois.

Daisy Dashwood demeurait interdite. Bien sûr, elle ne

voulait pas décevoir Mrs Stenford. Mais enfin, tout cela

lui semblait très précipité. Elle avait encore beaucoup de

choses à apprendre, par exemple comment combattre la

peur du noir ou des fantômes, comment maîtriser un

enfant qui se roule par terre dans une boulangerie, et que

faire si deux enfants se battent à coups de maillet pendant

une partie de croquet. Mais Mrs Stenford semblait consi-

dérer que la situation de la famille qui s’était adressée à

elle était plus urgente que le cours sur « les probabilités

de dérapage au cours des jeux de plein air ». Et Daisy ne

voulait surtout pas la décevoir. Après tout, Mrs Stenford

savait tout. Elle était la plus à même d’apprécier ce qu’il

fallait faire.

– Eh bien, qu’en dites-vous, Miss Dashwood ? demanda

la directrice avec un sourire engageant.

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– Je… je ne sais pas trop. Je ne m’attendais pas à cette

proposition… Naturellement, je ferai ce que vous me

demanderez, bredouilla-t-elle, confuse de ne pas éprouver

plus de reconnaissance.

– Allons, allons ! Pas de fausse modestie, Miss

Dashwood ! Le devoir vous appelle ! Songez que si je

vous ai choisie c’est parce que j’ai toute confiance en vos

capacités. Et puis, ajouta la directrice, je n’oublie pas que

vous avez obtenu les meilleures notes au cours de fran-

çais ce trimestre…

Daisy ouvrit des yeux ronds. Elle ne comprenait pas

très bien le rapport… ou plutôt elle craignait de le

comprendre.

– La maîtrise de la langue de Molière, reprit Mrs Sten-

ford, est un atout non négligeable pour travailler au

service d’une famille française.

Daisy faillit tomber de sa chaise. Une famille française ?

Voilà un détail qui lui avait échappé… Ce qui ne lui

échappait pas en revanche, c’était la dangerosité de la

situation. Travailler en France ? Ce pays où l’on coupait

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la tête des rois, où l’on mangeait des grenouilles et des

fromages tout bleus qui sentaient les pieds ? Daisy blêmit

d’un seul coup. Elle n’eut pourtant pas le loisir d’ex-

primer sa crainte car déjà Mrs Stenford se levait et l’invi-

tait à quitter son bureau. Sur le seuil, la directrice lui

tendit la main et serra la sienne chaleureusement.

– Miss Dashwood, je vous remercie mille fois d’avoir

accepté ! Vous verrez, les Grandville sont des gens char-

mants… Je suis sûre que leurs enfants vont vous a-do-rer !

– Les connaissez-vous, madame ? demanda Daisy.

– Oui, oui… enfin, vaguement. Disons que ce sont de

vieux amis, esquiva Mrs Stenford.

Cette parole rassura cependant Daisy. Si les Grandville

étaient des amis de Mrs Stenford, ce ne pouvait pas être

de mauvaises gens. Pas de ces « sans-culottes coupeurs de

tête », ni de ces « sauvages qui préfèrent l’odeur du vin

rouge au parfum délicat du thé ». Des amis de Mrs Sten-

ford… Ce devait être des personnes exquises, courtoises

à l’extrême, songeait-elle en s’éloignant du bureau. Quel

honneur pour elle ! Mais quelle responsabilité aussi ! Il

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s’agissait d’être à la hauteur. Et comme Daisy Dashwood

était toujours amusée par les nouveaux défis, elle redressa

son col, releva son petit menton volontaire et, apercevant

dans un miroir du couloir son frais minois parsemé de

taches de rousseur, elle lança en français – avec un léger

accent tout de même : « À nous deux, charmants bambins

de France ! »

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La route qui menait du Havre au château des Grand-

ville était fort cahoteuse. Daisy Dashwood, qui oscillait à

chaque secousse de la carriole, avait toutes les peines du

monde à demeurer droite et à ne pas s’écraser sur les

cagettes de pommes qui se trouvaient derrière elle, ou

pire, sur la blouse noire du cocher à moustache qui était

venu la chercher au port.

Chapitre deux

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L’homme, robuste, avait de grosses mains calleuses qui

tenaient ferme les rênes des deux chevaux. Il n’était guère

bavard et Daisy, qui avait d’abord voulu lui être agréable

en vantant la beauté des vergers en fleurs, en avait été

pour ses frais. Elle ne s’en était pas formalisée pourtant,

devinant que cet être rustique devait être trop habitué à

la campagne normande pour en saisir les charmes. Et

puis surtout, elle avait décidé de placer ce voyage sous le

signe de l’optimisme et elle n’entendait pas laisser un

cocher désagréable ébranler sa confiance. C’est qu’elle

était prête à saisir son nouveau poste à présent ! Trois

semaines de cours particuliers avec la grande Mrs Sten-

ford, des leçons, des exercices pratiques, des conseils et

surtout le fameux Guide de l’éducation parfaite à l’usage

des nurses qui veulent se faire obéir et aimer des enfants,

tout en satisfaisant leurs parents – 3 850 grammes au fond

de sa valise, ça vous leste d’une inébranlable confiance en

vous-même ! Daisy était sûre d’elle et désireuse de

commencer sa mission, qu’elle entendait bien réussir.

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Rien n’aurait pu l’ébranler. Rien… pas même la

grimace du cocher au moment où elle s’était présentée

en le gratifiant de ce qu’elle jugeait comme son sourire le

plus charming :

– Daisy Dashwood de la Perfect Children’s Academy !

– Dashwood ? Pas un nom, ça… avait grommelé

l’homme en saisissant la valise avec aussi peu de soin que

s’il se fût agi d’une caissette de pommes – alors que la

valise de Daisy contenait tout de même le précieux guide

de Mrs Stenford.

Daisy avait mis cette remarque sur le compte de leur

différence de culture, voire de civilisation. Dashwood…

Ce nom-là n’était sans doute pas courant en Normandie,

où les gens portaient plutôt des noms d’arbres :

Beauchêne, Dutilleul, Duverger, l’état civil ressemblait

au catalogue d’un horticulteur local ! Tandis qu’un

Dashwood, bien sûr, ne se plantait pas en forêt ni au

fond d’un parc.

À présent, emportée par la carriole sur les chemins de

terre, Daisy souriait à sa nouvelle destinée (ce qui n’est

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pas forcément facile quand on risque à chaque seconde

de s’échouer parmi des pommes). Elle était ce que l’on

peut appeler une « beauté anglaise » : elle avait les cheveux

roux, les yeux clairs et le teint pâle, parsemé de taches de

rousseur. Elle était vêtue avec élégance d’une robe de soie

rose pâle avec une cape et tenait à la main une ombrelle

de la même couleur. Elle avait longtemps hésité avant de

choisir son chapeau. Quoique les chapeaux à voilette

fussent fort à la mode en cette année 1858, elle doutait

de l’effet qu’ils produiraient sur les enfants. N’y

verraient-ils pas un paravent, une façon de se protéger ?

La voilette risquait-elle de mettre entre les enfants et elle

de la distance, pire, de la méfiance ? Elle s’était beaucoup

interrogée là-dessus. Puis elle avait consulté le guide de

Mrs Stenford, mais la grande pédagogue avait totale-

ment omis de parler de la voilette. Dans le sommaire, à

la lettre V, on trouvait : « Violence », « Vie de famille »,

« Voler de ses propres ailes », « Vomitif efficace en cas

d’ingestion d’une bille », mais il n’y avait pas de place

pour la « Voilette ». Daisy Dashwood en avait déduit que

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Mrs Stenford ne devait guère s’être encombrée de souci

de chapeau et que, à son exemple, elle devait se consacrer

à l’essentiel. L’ingestion d’une bille, sans doute, était plus

importante que le choix d’un couvre-chef. Aussi avait-

elle délaissé la voilette pour une simple capeline de coton.

À présent, on avançait au trot sur une route sinueuse,

sous l’œil impassible de grosses normandes – c’est le nom

que l’on donne aux vaches dans cette belle région. Daisy

leur sourit d’un air aimable. Les bovins continuèrent de

mâchonner leurs brins d’herbe paisiblement. Sous la

capeline de coton, dans sa tête bien ordonnée défilaient

inlassablement les mêmes mots, échappés de la lettre de

monsieur de Grandville, et qui tournaient en boucle

depuis presque un mois maintenant : « autorité », « sens

de l’humour », « urgence », et surtout l’épouvantable

« dresser ».

– Alors comme ça, vous allez vous occuper des marmots

du patron ?

– Sorry ? « Marmots » ? répéta-t-elle sans comprendre.

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Elle se retourna vers son interlocuteur. Le cocher –

moustache épaisse et casquette vissée sur le crâne – n’avait

guère parlé depuis le port du Havre où il était venu la

chercher.

– Les marmots, reprit l’homme, les enfants quoi !

– Oh ! Oui ! répondit-elle, ravie d’apprendre un mot

nouveau. Je vais m’occuper des « marmots », c’est pour

cela que l’on me fait venir d’Angleterre !

– Ah… soupira l’homme, bourru. Et pourquoi l’An-

gleterre ?

– Mais voyons monsieur, répondit-elle, persuadée que

c’était là une vérité universelle, c’est en Angleterre que

sont formées les meilleures nurses ! Je suis diplômée de la

Perfect Children’s Academy, une école de gouvernantes

très réputée. Songez que cette école a formé la gouver-

nante des cousins des enfants de la reine Victoria elle-

même !

Cette remarque laissa le cocher de marbre. L’éducation

des neveux de Sa Majesté d’outre-Manche ne semblait

pas le préoccuper à l’excès.

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– M’est avis que pour s’occuper de ces canailles-là tous

vos diplômes de l’académie ne vous seront point utiles…

– Comment cela ? demanda Daisy, inquiète.

– Bah, vous verrez vous-même ! soupira l’homme en

haussant les épaules. Mais si vous voulez mon opinion,

pour garder la place, il vaudrait mieux sortir de quelque

école de dresseur… ou de dompteur.

– Oh shocking ! murmura Miss Dashwood.

Cette fois, Daisy était réellement choquée par la

remarque du cocher. Elle mit cela sur le compte de sa

rusticité. Sans doute était-ce là un de ces hommes de la

campagne incapables de dissocier l’élevage et l’éduca-

tion, et prodiguant à leurs vaches les paroles tendres

qu’ils n’auraient point employées avec leurs propres reje-

tons. Mais tout de même… Lorsqu’elle fermait les yeux,

elle se voyait, tenant d’une main un fouet et dans l’autre

deux enfants en laisse prêts à jaillir dans le public…

« Attention mesdames et messieurs, voici Daisy

Dashwood dans son époustouflant numéro de domp-

teur ! » Et, tandis qu’elle faisait claquer son fouet sur le

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sol d’un air menaçant, les enfants sautaient dans des

cercles enflammés.

Comme cette vision l’effrayait un peu, elle voulut

détendre l’atmosphère et tenta une pointe d’humour :

– Mais pour que je sois un vrai dompteur, monsieur, il

faudrait me prêter votre moustache !

L’homme lui décocha un regard aussi noir que sa

moustache. Diable ! Et dire que monsieur de Grandville

avait exigé une nurse dotée d’un sens de l’humour. Appa-

remment, le maître n’avait pas eu les mêmes critères pour

recruter son cocher… Elle adressa à celui-ci un petit

sourire crispé et, soucieuse de rétablir le dialogue,

demanda :

– Et monsieur et madame de Grandville, comment

sont-ils ?

– Ma foi, comme tous les maîtres… ni plus ni moins…

Voilà qui n’avançait guère Daisy. Elle avait pourtant lu

moult romans dans lesquels les jeunes gouvernantes en

apprenaient long sur les maîtres par quelque indiscrétion

du cocher ou de la cuisinière… Il faudrait donc tout

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miser sur la cuisinière pour avoir des informations, cela

lui promettait de solides indigestions, d’autant que la

cuisine française…

– Remarquez, ils ont bien du mérite, reprit le cocher. Si

le Bon Dieu m’avait envoyé des gamins comme les leurs,

j’aurais revendu la marchandise illico sur le marché !

Voilà une remarque qui était de nouveau fort shocking

pour une nurse diplômée de la Perfect Children’s Academy

et rompue à la pédagogie de Mrs Stenford : les enfants

n’étaient pas des betteraves, encore moins des porcelets

qu’on vendait le dimanche à la foire, et même les moins

propres d’entre eux méritaient plus d’égard, c’était en

tout cas ce que proclamait Mrs Stenford dans tous ses

ouvrages. Pourtant, Daisy cacha sa consternation.

L’homme reprit :

– Enfin, vous verrez bien par vous-même, ce que j’en

dis, moi… Simplement, ajouta-t-il sans quitter la route

des yeux, j’aimerais bien que, cette fois, vous restiez plus

longtemps que les précédentes…

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Daisy fut véritablement touchée par cette délicatesse.

Voilà comment étaient sans doute les hommes de ce

pays-ci : ils se montraient d’abord rudes, sans finesse, et

puis, au détour d’une phrase, ils révélaient la bonté de

leur cœur, leur gentillesse.

– Comprenez bien, reprit l’homme, j’en ai ras la

casquette de faire tous les dix jours le chemin jusqu’au

Havre pour aller chercher une nouvelle gouvernante.

C’est pour ça que, je vous le répète, si vous pouviez rester

un peu plus longtemps… C’est que j’ai les haies à tailler,

moi !

Daisy, douchée, se contenta de répondre d’une voix

sèche :

– Ne vous inquiétez pas, monsieur le cocher, je compte

bien rester ici pour toujours.

Ils ne se parlèrent plus pendant le reste du trajet. Dans

la tête de Daisy, il régnait une grande confusion. Avec

son esprit raisonnable et logique, elle tentait de remettre

dans l’ordre les affirmations du cocher : « Tous vos

diplômes de l’académie ne vous seront pas utiles… Il

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vaudrait mieux être dompteur… Des marmots comme

ça, je serais allé les revendre immédiatement… Une

nouvelle gouvernante tous les dix jours… » Et toutes ces

phrases accrochées les unes aux autres comme des wagons

formaient un ensemble assez effrayant, une sorte de train

fantôme qui roulait librement dans son esprit. Si les

précédentes gouvernantes étaient parties si vite, quelle

pouvait en être la cause ? Avaient-elles été renvoyées ?

Avaient-elles elles-mêmes donné leur démission ? Et

pour quelles raisons ? Elle aurait laissé longtemps ce petit

train tournicoter dans son cerveau et y promener ses

pensées décourageantes si elle n’avait soudain songé que,

parmi les précédentes gouvernantes, aucune ne sortait de

la Perfect Children’s Academy, aucune probablement

n’avait lu une ligne de Mrs Stenford, et que ceci suffisait

amplement à expliquer leur échec…

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Achevé d’imprimer en septembre 2016par Legoprint, ItalieN° d’édition : 16176

Dépôt légal : octobre 2016

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Gwenaële Barussaud

Nurse certifiéeDe si charmants bambins

Gwenaële Barussaud

Nurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeNurse certifiéeDe sisis chchc ahah rara mrmrmamam nana tntn stst babab mama bmbm iibib nniniini snsn

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Fleurus

Gwenaële Barussaud

Nurse certifiéeDans leur château normand, monsieur et madame de Grandville sont désespérés : leurs charmants bambins,

Godefroy et Charlotte, multiplient les bêtises et font fuir les gouvernantes.

Heureusement, la célèbre école de nurses anglaises, la prestigieuse Perfect Children’s Academy,

a promis de leur envoyer une demoiselle à la hauteur de la situation, l’excellente Daisy Dashwood.

Avec ses diplômes fl ambant neufs et son réputé fl egme britannique, Daisy Dashwood semble dotée de toutes

les qualités requises. Mais il ne faut jamais sous-estimer l’incroyable résistance des enfants français….

Caprices en pleine rue, batailles de mottes de terre, odeurs de camembert, pianiste myope et dressage de marcassin réussiront-ils à déstabiliser la jeune nurse anglaise ?

14,90 € France TTCwww.fleuruseditions.com

Daisy Dashwood

Le majordome

Charlotte de Grandville

Godefroy de Grandville

La cuisinière

Le jardinier

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