cytolyse hépatique après administration d’aranesp® (darbepoetine alfa)

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3. Anderson CS, Nicholls J, Rowland R, Labrooy JT. Hepatic granulomas: a 15 year experience in the Royal Adelaide Hospital. Med J Aust 1988;148:71-4. 4. Henrion J, Luwaaert R, Colin L, Schmitz A, Schapira M, Heller FR. Hépatite hypoxique. Etude prospective, clinique et hémodynamique de 45 épisodes. Gastroenterol Clin Biol 1990;14:836-41 5. Zimmerman HJ, Maddrey WC. Acetaminophen (paracetamol) hepato- toxicity with regular intake of alcohol: analysis of instances of therapeutic misadventure. Hepatology 1995;22:767-73. 6. Mofredj A, Cadranel JF, Darchy B, Barbare JC, Cazier A, Pras V, et al. Toxicité hépatique du paracétamol à dose thérapeutique chez le sujet éthylique chronique : à propos de 2 cas d’hépatites mortelles chez des patients cirrhotiques. Ann Med Interne (Paris) 1999;150:507-11. 7. Danan G. Atteintes hépatiques aiguës médicamenteuses. Qu’apportent les échelles diagnostiques ? Gastroenterol Clin Biol 2003;27:B21-5. 8. Garcia Rodriguez LA, Stricker BH, Zimmerman HJ. Risk of acute liver injury associated with the combination of amoxicillin and clavulanic acid. Arch Intern Med 1996;156:1327-32. Cytolyse hépatique après administration d’AranespT (darbepoetine alfa) L es prescriptions d’érythropoïétine humaine recombinante et de protéines stimulant l’érythropoïèse ont considérablement augmenté ces dernières années, en particulier chez les malades en hémodialyse et les malades traités par chimiothérapie anticancéreuse. Trois spécialités sont disponibles actuellement : EprexT (époetine alfa) ou érythropoïétine recombinante humaine, disponible depuis de nombreuses années, et deux protéines stimulant l’érythropoïèse, NéorecormonT (epoetine beta) et AranespT (darbepoetine alfa), mises sur le marché plus récemment. Nous rapportons un cas de cytolyse hépatique liée à la prise d’AranespT chez une malade en hémodialyse chronique. Observation Une malade atteinte d’un syndrome d’Alport a eu une transplantation rénale en novembre 1997 à l’âge de 19 ans. L’évolution vers un rejet chronique conduisait à la perte du greffon et le retour en hémodialyse en août 2000. La malade recevait EprexT (5 000 Unités, trois fois par semaine). La malade conduisait une grossesse à terme le 16/02/2002. La sérologie de l’hépatite C était négative, avant et en début de grossesse. La malade était immunisée contre le virus de l’hépatite B par vaccination. La recherche de l’ARN du virus de l’hépatite C par PCR était positive en fin de grossesse. Une recherche, a posteriori, faite sur des prélèvements sanguins de 2001 trouvait également de l’ARN du VHC. Le bilan biologique hépatique était normal. Il n’existait pas d’anticorps anti-nucléaires, anti-muscle lisse, anti-mitochondries ni anti-microsomes. Il n’existait pas d’hypergammaglobulinémie. Une ponction-biopsie hépatique percutanée était réalisée le 27/06/2002 et montrait des lésions histologiques d’hépatite chronique virale C, classée selon Méta- vir, A1F2. Un traitement par interféron alpha et ribavirine était débuté fin juillet 2002 à posologie croissante (ViraféronT,1 million d’Unités trois fois par semaine, pendant 1 mois, puis 2 millions pendant 1 mois, puis 3 millions, associé à RebetolT, 200 mg par jour pendant 1 mois, puis 400 mg). Un bilan biologique hépatique et hématologique de surveillance était réalisé chaque semaine dans le cadre des séances d’hémodialyse. Le traitement par érythropoïétine recombinante était modifié début octobre 2002 et EprexT était remplacé par AranespT (70 microgrammes par semaine en IV). Un bilan biologique réalisé 4 semaines plus tard mettait en évidence une augmentation de l’activité sérique de l’ASAT à 5 fois la normale (N) et de l’ALAT à 7 N et de la GGT à 1,5 N, sans élévation de la bilirubinémie totale ni baisse du taux de prothrombine. La malade n’avait pas présenté de rash, ni de fièvre, ni d’hyperéosinophilie. La recherche de l’ARN du VHC par PCR était négative. L’hypothèse d’une toxicité médicamenteuse était évoquée, et AranespT était substitué par EprexT. Le bilan biologique hépatique se normalisait en 2 semaines sans rechute ultérieure. La PCR du VHC était négative en janvier et juin 2003 et le traitement anti-viral était poursuivi. Un nouveau bilan pré-greffe de rein a été débuté en juillet 2003. Discussion Chez cette malade en hémodialyse chronique, la responsa- bilité de l’AranespT (darbepoetine alfa) dans la survenue d’une cytolyse hépatique aiguë repose sur la conjonction de plusieurs arguments : l’absence d’autre étiologie, le délai de survenue inférieur à 30 jours après l’introduction de la molécule, et l’amélioration biologique après l’arrêt du traitement. La darbe- poetine alfa (AranespT) est une protéine synthétique stimulant l’érythropoïèse, injectable par voie veineuse ou sous-cutanée. Son indication principale est le traitement de l’anémie induite par les chimiothérapies anti-cancéreuses ou l’insuffisance rénale chronique [1-4]. Elle présente deux avantages par rapport à l’érythropoïétine humaine recombinante (EprexT) : sa demi-vie est plus longue, ce qui permet une administration hebdomadaire, et elle n’induirait pas d’anticorps neutralisants, qui peuvent induire une érythroblastopénie, potentiellement grave. Sa tolé- rance est excellente ; ses principaux effets secondaires sont représentés par des douleurs au point d’injection (sous-cutanée), une hypertension artérielle, des céphalées, des arthralgies, des œdèmes périphériques, une thrombose vasculaire au point d’injection intra-veineuse. Ce médicament n’est pas considéré comme hépatotoxique. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’autre cas rapporté dans la littérature de cytolyse hépatique après prise de darbepoetine alfa ou après administration d’érythropoïétine. Le mécanisme de cette toxicité est inconnu. En conclusion, les atteintes hépatiques dues à l’érythropoïé- tine humaine recombinante et aux protéines stimulant l’érythro- poïèse (EprexT, NéorecormonT et AranespT) sont très probable- ment exceptionnelles. Pour en connaître l’incidence précise, leur prescription au long cours pourrait être associée à une sur- Ce cas a été notifié au centre de Pharmacovigilance de Lyon le 11 janvier 2003. Gastroenterol Clin Biol, 2004, 28 506

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3. Anderson CS, Nicholls J, Rowland R, Labrooy JT. Hepatic granulomas:a 15 year experience in the Royal Adelaide Hospital. Med J Aust1988;148:71-4.

4. Henrion J, Luwaaert R, Colin L, Schmitz A, Schapira M, Heller FR.Hépatite hypoxique. Etude prospective, clinique et hémodynamique de45 épisodes. Gastroenterol Clin Biol 1990;14:836-41

5. Zimmerman HJ, Maddrey WC. Acetaminophen (paracetamol) hepato-toxicity with regular intake of alcohol: analysis of instances oftherapeutic misadventure. Hepatology 1995;22:767-73.

6. Mofredj A, Cadranel JF, Darchy B, Barbare JC, Cazier A, Pras V, et al.Toxicité hépatique du paracétamol à dose thérapeutique chez le sujetéthylique chronique : à propos de 2 cas d’hépatites mortelles chez despatients cirrhotiques. Ann Med Interne (Paris) 1999;150:507-11.

7. Danan G. Atteintes hépatiques aiguës médicamenteuses. Qu’apportentles échelles diagnostiques ? Gastroenterol Clin Biol 2003;27:B21-5.

8. Garcia Rodriguez LA, Stricker BH, Zimmerman HJ. Risk of acute liverinjury associated with the combination of amoxicillin and clavulanicacid. Arch Intern Med 1996;156:1327-32.

Cytolyse hépatique après administration d’AranespT(darbepoetine alfa)

Les prescriptions d’érythropoïétine humaine recombinante et de protéines stimulantl’érythropoïèse ont considérablement augmenté ces dernières années, en particulier chezles malades en hémodialyse et les malades traités par chimiothérapie anticancéreuse.

Trois spécialités sont disponibles actuellement : EprexT (époetine alfa) ou érythropoïétinerecombinante humaine, disponible depuis de nombreuses années, et deux protéines stimulantl’érythropoïèse, NéorecormonT (epoetine beta) et AranespT (darbepoetine alfa), mises sur lemarché plus récemment. Nous rapportons un cas de cytolyse hépatique liée à la prise d’AranespTchez une malade en hémodialyse chronique.

ObservationUne malade atteinte d’un syndrome d’Alport a eu une

transplantation rénale en novembre 1997 à l’âge de 19 ans.L’évolution vers un rejet chronique conduisait à la perte dugreffon et le retour en hémodialyse en août 2000. La maladerecevait EprexT (5 000 Unités, trois fois par semaine). La maladeconduisait une grossesse à terme le 16/02/2002. La sérologiede l’hépatite C était négative, avant et en début de grossesse. Lamalade était immunisée contre le virus de l’hépatite B parvaccination. La recherche de l’ARN du virus de l’hépatite C parPCR était positive en fin de grossesse. Une recherche, aposteriori, faite sur des prélèvements sanguins de 2001 trouvaitégalement de l’ARN du VHC. Le bilan biologique hépatique étaitnormal. Il n’existait pas d’anticorps anti-nucléaires, anti-musclelisse, anti-mitochondries ni anti-microsomes. Il n’existait pasd’hypergammaglobulinémie. Une ponction-biopsie hépatiquepercutanée était réalisée le 27/06/2002 et montrait des lésionshistologiques d’hépatite chronique virale C, classée selon Méta-vir, A1F2. Un traitement par interféron alpha et ribavirine étaitdébuté fin juillet 2002 à posologie croissante (ViraféronT, 1million d’Unités trois fois par semaine, pendant 1 mois, puis 2millions pendant 1 mois, puis 3 millions, associé à RebetolT, 200mg par jour pendant 1 mois, puis 400 mg). Un bilan biologiquehépatique et hématologique de surveillance était réalisé chaquesemaine dans le cadre des séances d’hémodialyse. Le traitementpar érythropoïétine recombinante était modifié début octobre2002 et EprexT était remplacé par AranespT (70 microgrammespar semaine en IV). Un bilan biologique réalisé 4 semaines plustard mettait en évidence une augmentation de l’activité sérique del’ASAT à 5 fois la normale (N) et de l’ALAT à 7 N et de la GGT à1,5 N, sans élévation de la bilirubinémie totale ni baisse du tauxde prothrombine. La malade n’avait pas présenté de rash, ni defièvre, ni d’hyperéosinophilie. La recherche de l’ARN du VHC parPCR était négative. L’hypothèse d’une toxicité médicamenteuse

était évoquée, et AranespT était substitué par EprexT. Le bilanbiologique hépatique se normalisait en 2 semaines sans rechuteultérieure. La PCR du VHC était négative en janvier et juin 2003et le traitement anti-viral était poursuivi. Un nouveau bilanpré-greffe de rein a été débuté en juillet 2003.

DiscussionChez cette malade en hémodialyse chronique, la responsa-

bilité de l’AranespT (darbepoetine alfa) dans la survenue d’unecytolyse hépatique aiguë repose sur la conjonction de plusieursarguments : l’absence d’autre étiologie, le délai de survenueinférieur à 30 jours après l’introduction de la molécule, etl’amélioration biologique après l’arrêt du traitement. La darbe-poetine alfa (AranespT) est une protéine synthétique stimulantl’érythropoïèse, injectable par voie veineuse ou sous-cutanée.Son indication principale est le traitement de l’anémie induite parles chimiothérapies anti-cancéreuses ou l’insuffisance rénalechronique [1-4]. Elle présente deux avantages par rapport àl’érythropoïétine humaine recombinante (EprexT) : sa demi-vieest plus longue, ce qui permet une administration hebdomadaire,et elle n’induirait pas d’anticorps neutralisants, qui peuventinduire une érythroblastopénie, potentiellement grave. Sa tolé-rance est excellente ; ses principaux effets secondaires sontreprésentés par des douleurs au point d’injection (sous-cutanée),une hypertension artérielle, des céphalées, des arthralgies, desœdèmes périphériques, une thrombose vasculaire au pointd’injection intra-veineuse. Ce médicament n’est pas considérécomme hépatotoxique. Il n’existe pas, à notre connaissance,d’autre cas rapporté dans la littérature de cytolyse hépatiqueaprès prise de darbepoetine alfa ou après administrationd’érythropoïétine. Le mécanisme de cette toxicité est inconnu.

En conclusion, les atteintes hépatiques dues à l’érythropoïé-tine humaine recombinante et aux protéines stimulant l’érythro-poïèse (EprexT, NéorecormonT et AranespT) sont très probable-ment exceptionnelles. Pour en connaître l’incidence précise, leurprescription au long cours pourrait être associée à une sur-

Ce cas a été notifié au centre de Pharmacovigilance de Lyon le 11 janvier2003.

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veillance régulière du bilan biologique hépatique ; cette sur-veillance pourrait être recommandée de façon systématique chezles malades présentant une affection hépatique associée.

Jérôme DUMORTIER (1), Alexandra BOUCHER (2),Jean-Yves SCOAZEC (3), Thierry VIAL (2)

(1) Fédération des Spécialités Digestives, (2) Centre de Pharmacovigilance,(3) Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques,

Hôpital Edouard Herriot, Lyon.

REFERENCES

1. Ibbotson T, Goa KL. Darbepoetin alfa. Drugs 2001;61:2097-106.

2. Hudson JQ, Sameri RM. Darbepoetin alfa, a new therapy for themanagement of anemia of chronic kidney disease. Pharmacotherapy2002;22:141S-9.

3. Joy MS. Darbepoetin alfa: a novel erythropoiesis-stimulating protein.Ann Pharmacother 2002;36:1183-92.

4. Smith R. Applications of darbepoietin-alpha, a novel erythropoiesis-stimulating protein, in oncology. Curr Opin Hematol 2002;9:228-33.

Le piercing des oreilles responsable d’une contamination par le virusde l’hépatite C

Chez les malades contaminés par le virus de l’hépatite C (VHC), le mode decontamination reste inconnu dans environ 30 % des cas [1]. Certaines voies detransmission du VHC ont été évoquées dans des enquêtes épidémiologiques ou

retenues lors d’observations cliniques. Ainsi, tous les gestes potentiellement sanglants tels que lessoins dentaires, tatouages, piercings, acupuncture, mésothérapie, rapports sexuels traumatiques,utilisation d’objets de toilette communs et même du linge ayant servi à essuyer des plaies ont étéévoqués [1]. Nous rapportons l’observation d’une femme qui a été très probablement contaminéepar le VHC au cours d’un piercing des oreilles.

Observation

En 1996, lors d’un bilan de santé systématique prescrit parune mutuelle, chez une femme âgée de 69 ans ayant dans sesantécédents une amygdalectomie en 1990 et une fracturetraumatique du poignet en 1992, la sérologie de l’hépatite àVHC (test Elisa 3e génération) était négative et le dosage del’activité sérique des aminotransférases était dans les limites de lanormale. Cette malade ne prenait aucun traitement et n’avaitaucun facteur de risque connu pour le VHC, en particulier ellen’avait eu depuis 1992 aucun soin dentaire, ni hospitalisation, niexploration invasive. Il n’y avait pas de notion d’hépatite à VHCdans son entourage en particulier familial. Début janvier 2000,elle présentait un tableau de céphalées, d’asthénie et des urinesfoncées. Les tests biologiques mettaient en évidence une francheélévation de l’activité sérique de l’ALAT à 42 fois la limitesupérieure de la normale (N), de l’ASAT à 20 N, des phospha-tases alcalines à 3 N, de la GGT à 20 N, une bilirubinémie à 80μmol/L et un taux de prothrombine à 92 %. Le bilan étiologiquede cette hépatite aiguë trouvait l’absence de cause toxique oumédicamenteuse ; l’antigène HBs, les anticorps anti-HBc etanti-HBs étaient négatifs ainsi que le MNI test, les IgM anti-cytomégalovirus, les IgM anti-hépatite A, et la sérologie du virusde l’immunodéficince humaine ; les anticorps anti-muscle lisse,anti-mitochondries, anti-LKM et anti-nucléaires étaient indétecta-bles. La sérologie de l’hépatite à VHC était positive (test AbbottHCV EIA 3.0, Abbot diagnostic, Chicago, États-Unis) ainsi que lavirémie détectée par PCR qualitative (Amplicor HCV v2.0, RocheMolecular Systems, Pleasanton, États-Unis). Il s’agissait d’un virusde génotype 2 (Inno-Lipa HCV II, Innogenetics, Gand, Belgique).L’interrogatoire de la malade à la recherche d’un facteur derisque pour cette infection virale récente permettait d’éliminer unecontamination nosocomiale, sexuelle ou intra-familiale ; elleavait fait réaliser un piercing des oreilles le 20 décembre 1999dans un établissement pratiquant ce geste, dans une ville de taille

moyenne avec un pistolet (figure 1). Le diagnostic d’une hépatiteaiguë à VHC était retenu. La chronologie des faits, ainsi quel’absence d’autre mode de contamination trouvé, nous condui-saient à suspecter le piercing des oreilles comme facteur detransmission du VHC. La malade recevait un traitement parInterféron alpha 2b, sous cutané, à la posologie de 3 millionsd’unités 3 fois par semaine, du 10 mars 2000 au 3 juin 2000.L’évolution était rapidement favorable sur le plan clinique etbiologique avec une normalisation de l’activité sérique desaminotransférases un mois après le début du traitement et unenégativation de l’ARN du VHC dans le sérum. Six mois aprèsl’arrêt du traitement, la virémie VHC était toujours indétectable etl’activité sérique des aminotransaminases était normale. Cepen-dant, 18 mois après la fin du traitement réapparaissait uneélévation très modérée de l’activité sérique de l’ALAT à 1,3 N et

Fig. 1 − Pistolet pour le piercing des oreilles utilisé par la majorité desbijoutiers. La flèche indique la prothèse à usage unique.

Ear piercing gun used by jewellers. The arrow indicates thedisposable part of the gun.

Lettres à la rédaction

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