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La Culture d’entreprise Christophe Durand, Jean-François Fili, Audrey Hénault 1. La culture d’entreprise : définition 1.1 La culture nationale La culture nationale est un constituant essentiel de la culture d’entreprise. Elle peut être définie comme l’ensemble des éléments propres à un groupe humain spécifique, qui sont explicatifs des façons de penser et d’agir des membres de ce groupe. […] Vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relation de domination. Celle-ci se manifeste dans le processus de colonisation, mais également à l’intérieur d’une même société. Les membres des groupes minoritaires doivent adopter ces valeurs jugées " normales ". […] La culture nationale n’est pas figée. Elle est évolutive. L’introduction de nouvelles valeurs, l’apparition de nouveaux mythes ou rites sont fortement marqués par l’ouverture de la société sur l’environnement. La culture est vitale pour la survie d’un groupe qui a besoin d’être structuré, c’est à dire d’avoir des règles, des normes qui guident les actes de leurs membres et servent à résoudre les conflits internes. Elle apparaît comme le lien social à partir duquel le groupe bâtit son identité. Le partage des taches entre les membres du groupe, les relations de domination (de pouvoir) admises, les symboles et plus particulièrement le langage sont les traces visibles de la culture d’une société.

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La Culture d’entreprise

Christophe Durand, Jean-François Fili, Audrey Hénault

1. La culture d’entreprise : définition

1.1 La culture nationale

La culture nationale est un constituant essentiel de la culture d’entreprise.

Elle peut être définie comme l’ensemble des éléments propres à un groupe humain spécifique, qui sont explicatifs des façons de penser et d’agir des membres de ce groupe.

[…]

Vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relation de domination. Celle-ci se manifeste dans le processus de colonisation, mais également à l’intérieur d’une même société. Les membres des groupes minoritaires doivent adopter ces valeurs jugées " normales ".

[…]

La culture nationale n’est pas figée. Elle est évolutive. L’introduction de nouvelles valeurs, l’apparition de nouveaux mythes ou rites sont fortement marqués par l’ouverture de la société sur l’environnement.

La culture est vitale pour la survie d’un groupe qui a besoin d’être structuré, c’est à dire d’avoir des règles, des normes qui guident les actes de leurs membres et servent à résoudre les conflits internes.

Elle apparaît comme le lien social à partir duquel le groupe bâtit son identité. Le partage des taches entre les membres du groupe, les relations de domination (de pouvoir) admises, les symboles et plus particulièrement le langage sont les traces visibles de la culture d’une société.

1.2 L’entreprise a-t-elle une culture ?

Toute entreprise, quelle que soit sa taille, forme un sous-groupe social composé d’individus appartenant à une ou plusieurs cultures nationales, régionales et professionnelles. Pour assurer la cohérence de cette mosaïque l’entreprise a besoin de créer une identité collective, qui deviendra le point de repère de tous ses membres.

Au fur et à mesure de que l’entreprise se transforme en institution, elle tend à développer une culture d’entreprise qui est l’élaboration d’un système à la fois culturel, symbolique et imaginaire.

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Toute entreprise a une culture spécifique, élaborée au long de son histoire.

Toute entreprise est une affaire de société puisqu’elle est marquée par la culture nationale.

1.3 Culture d’entreprise : définition

La culture d’entreprise peut être définie comme l’ensemble des éléments particuliers qui expliquent les bases du fonctionnement d’une entité spécifique. Elle est, dans un certain sens, un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés.

La culture d’entreprise est une variable essentielle pour expliquer le vécu quotidien et les choix stratégiques réalisés par un groupe social.

Comme nous l’avons vu dans la première partie sur la culture nationale, les valeurs sont les préférences collectives qui s’imposent au groupe, les croyances essentielles, les normes qui définissent les façons d’agir et de penser.

Plus concrètement, les valeurs forment la philosophie de l’entreprise. Elles déterminent sa charte de conduite exprimée par le règlement intérieur, les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté. Les valeurs établissent les interdits, les tabous, les marges de liberté qui ne doivent pas être violées.

Les mythes sont les légendes, les histoires associées au passé de l’entreprise. Ils servent à renforcer les valeurs communes. Ils peuvent être liés aux personnalités qui marquent ou qui ont marqué la vie de l’entreprise. Le mythe du fondateur, du père de l’entreprise, est très exploité, en particulier dans les PME. Le successeur doit s’imposer aux salariés sans pour autant vouloir détruire le mythe qui entoure la personnalité de l’ancien patron.

Certains chefs d’entreprise deviennent des mythes dont la réputation dépasse le cadre de leur entreprise (exemple : Georges Besse, ancien PDG du groupe Renault, assassiné à la porte de son domicile). Certaines entreprises créent des musées (Philips ou BMW) pour rappeler leur passé et les progrès accomplis par l’entreprise

Saint-Gobain et Alcatel-CIT ont fait appel à des historiens pour retracer leur passé. Pour que les salariés soient mobilisés, pour qu’ils s’identifient à leur entreprise, ils doivent s’approprier son histoire.

Les rites sont des pratiques qui découlent des valeurs partagées. Le recrutement, les réunions de travail, les réceptions, l’évaluation du personnel sont des exemples de ces pratiques. Le recrutement apparaît comme un rite d’initiation, de passage. De plus en plus, les entreprises cherchent des candidats techniquement capables, mais surtout ayant des valeurs et des aspirations correspondant à la culture en place. Si cette procédure favorise l’intégration de l’individu, elle freine néanmoins l’évolution de la culture interne dans la mesure où celle-ci n’est pas contestée et ne peut s’enrichir par un rapport externe. Le regard critique d’un nouveau salarié peut contribuer à la remise en cause de certaines pratiques.

La culture regroupe également les symboles tels que le port de l’uniforme ou d’un badge qui permet de distinguer les membres de l’organisation de ceux qui lui sont extérieurs. De façon

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plus subtile, le langage apparaît comme le symbole le plus expressif de la culture. La mise en place d’un langage commun facilite la circulation de l’information, la communication sociale et la prise de décision. Ce langage unique se manifeste non seulement par un vocabulaire spécifique, mais également par les formulaires adoptés, le style de communication retenu (lettres, rapports, ordres écrits), ainsi que par les procédures de contrôle.

Ainsi, au siège social de Peugeot, les différences de statut hiérarchique sont marquées par l’utilisation systématique de " monsieur ", " madame " ou " vous ", signes de respects. Pour un cadre, le tutoiement est fait pour empiéter sur le territoire de l’autre et influencer ses décisions.

Le groupe l’Oréal est fier de sa culture. Selon sa direction, celle-ci regroupe quatre valeurs fondamentales : la qualité maximale (respect des clients) ; la passion du produit (défi de l’innovation) ; la culture de la performance et un climat d’harmonie humaine, qui passe par le respect de la différence. Un salarié doit connaître et épouser ces valeurs pour être " Oréalien ".

1.4 Comment se forme la culture d’entreprise ?

La culture d’entreprise est la combinaison de différents matériaux culturels, chacun ayant ses caractéristiques propres. Le schéma ci-dessous présente les différentes sources contribuant à l’apparition et à l’évolution de la culture d’entreprise.

La personnalité des fondateurs est un mythe majeur (mythe d’origine). Dans le groupe IBM, la vision de T.J Watson Sr (son fondateur) est toujours une référence primordiale dans la conduite du groupe (le respect de la personne, le meilleur service client, la passion de la vente). Lors de la création de l’entreprise, le créateur est plus qu’un apporteur de capitaux. Il prépare l’avenir de l’entreprise selon ses connaissances, mais également en fonction de se croyances, de sa personnalité et de sa philosophie.

En ce qui concerne la culture professionnelle, certains travaux prouvent que, dans une même entreprise, il y a des profils culturels différents. La culture professionnelle étant la culture au travail acquise dans une autre entreprise.

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Les événements marquants, ce sont les mythes héroïques, c’est à dire, les moments de gloire vécus par l’entreprise. L’histoire unique de l’entreprise forge les mythes et les rituels qui y sont admis.

En conclusion, la culture d’entreprise est un ensemble complexe, peu palpable, qui permet à chaque individu de s’identifier à l’organisation.

Il faut souligner qu’il arrive qu’un individu ne s’identifie pas à la culture de son entreprise. S’il a un esprit de " leadership ", il peut essayer de la faire évoluer. S’il échoue dans cette tentative, il sera marginalisé par le groupe (postes de voie de garage). Il se peut qu’un individu refusant les valeurs de l’organisation décide d’y rester exclusivement pour son épanouissement financier. Il ne sera jamais mobilisé par les discours de l’entreprise.

2. Culture d’entreprise et management

De plus en plus de domaines du management utilisent le concept de culture. Cependant, les entreprises ne s’intéressent pas à la culture pour elle-même mais travaillent sur la culture pour résoudre des problèmes concrets : problèmes de stratégie, de fusion, de mobilisation du personnel, de restructuration, voire de communication. La culture n’est qu’un moyen de mieux traiter ces problèmes.

2.1 L’activité de management

Trois aspects caractérisent l’activité de management : c’est une action concernant une collectivité, un groupe, et destinée à atteindre un résultat.

L’action de management ne se réduit pas à l’application de lois ou de modèles. Elle est basée sur les références et est le résultat de l’investissement personnel de celui qui la conduit. La culture a de l’intérêt pour le management si, et seulement si, elle permet d’accroître ses chances d’efficacité.

Pour piloter une activité, le management doit prendre en compte les personnes mais ce n’est pas suffisant car un groupe n’est pas que la somme des individus. La culture aide à comprendre la collectivité. Elle considère que toute collectivité se crée un patrimoine de références qui sont à la fois le résultat de son expérience et la référence pour traiter de futures situations. Mettre en évidence la culture, c’est clarifier la logique sous-jacente au fonctionnement d’un groupe humain. Associer la culture au management, c’est admettre que l’entreprise constitue une société humaine à part entière.

L’entreprise a une raison d’être, des objectifs, des contraintes et le management se consacre à leur réalisation. La culture constitue le niveau sous-jacent des règles et des systèmes de gestion. En effet, la réussite dans le management des personnes vient autant de la qualité du manager que de l’adéquation des systèmes de gestion du personnel.

La culture est aussi une source de comportement donc de performance parce qu’elle génère une certaine conception de l’activité de l’entreprise, de son métier ou de l’efficacité. Ainsi, dans

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sa définition, le management concerne une action collective et la culture semble être un produit de cette action collective.

2.2 Le besoin de références

Toute personne doit un jour dans sa vie clarifier les vrais principes qui guideront ses choix. Il en est de même pour les organisations : plus les problèmes rencontrés sont importants, plus les situations rencontrées sont nouvelles et plus le besoin de références se fait sentir.

Dans chacune de nos actions, nous utilisons le plus souvent inconsciemment des références. Ainsi, face à une situation donnée, chacun va apporter ses propres cadres de référence pour comprendre la réalité. On ne peut fonctionner sans les références car elles aident à analyser et à anticiper.

On peut cependant se poser la question de l’origine de ces références. Peut-on les créer ou faut-il aller les chercher quelque part ?

En tout cas, on est de plus en plus face à un besoin de références parce qu’elles sont à l’origine des comportements de chacun.

2.3 La culture en pratique

La culture a été abordée comme un facteur de performance. On en attend la mobilisation autour d’objectifs communs, généralement ceux de la direction générale, et des références génératrices de performances. On peut toutefois distinguer deux types de relation entre culture et pratique du management. D’une part, l’impact de la culture dans les problèmes quotidiens de management et d’autre part lors de situations plus spécifiques telles que les situations de changement.

Les principes :

Comme on a vu précédemment, la culture est sous-jacente. On suppose dans la culture l’existence de références sous-jacentes au fonctionnement de l’organisation. Le problème est donc de savoir comment elle intervient.

Il y a problème lorsque les règles sont inadaptées à la nouveauté des situations rencontrées. Ce que l’on peut attendre d’un opérateur dont les règles et procédures n’indiquent plus ce qu’il doit faire, c’est qu’il agisse selon d’autre références. Il peut aller les chercher dans son expérience personnelle, ou dans ce qu’il partage avec l’organisation. C’est là un des enjeux du management : faire en sorte que les références soient suffisamment claires pour intervenir. Quoi qu’il en soit, cela montre que dans tout l’appareillage de contrôle qui influence le comportement de l’individu, règles issues de l’entreprise et références issues de la culture interviennent.

Intégration de la culture dans le management :

Le schéma ci-dessous montre le management par rapport aux problèmes qu’il est censé résoudre.

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L’interaction avec l’environnement ne concerne pas simplement les réactions de l’entreprise mais aussi les modifications engendrées. La stratégie, et le marketing entre autre peuvent répondre à ce problème. Développer la cohésion interne, c’est la capacité à travailler collectivement de manière efficace.

La culture apparaît dans le schéma car c’est un ensemble de référence intervenant dans le management. Elles sont dissociées de l’action du management car elles interviennent en amont des modes de perception et des compétences acquises. La flèche allant des problèmes vers la culture indique quant à elle que la résolution des problèmes va faire évoluer la culture. Cela souligne l’importance des expériences de l’organisation dans la construction de la culture.

Présence de la culture dans les fonctions :

Depuis quelques années, la plupart des fonctions prennent en compte la culture pour atteindre leurs objectifs.

La gestion du personnel touche à la manière dont l’entreprise traite ses employés. On peut s’attendre à y trouver des références qui imprègnent les comportements, les modes de fonctionnement et donc la culture. De plus, cette gestion s’attache à des choix et à des évaluations importantes. Un système d’appréciation ou de rémunération témoigne de la manière dont l’organisation prend en compte la personne et son activité. Enfin, le gestion du personnel traite de l’individu et des relations dans l’organisation. A la base de celle-ci se situent des représentations dont une partie découle de la culture.

Pour le contrôle de gestion, les liens entre cette activité et la culture se situent au niveau de la pratique car la fonction recouvre tout un système doté de structure et de relations. En s’intéressant à l’évaluation de l’activité de l’entreprise, le contrôle de gestion touche à ce qui la caractérise le plus. En ce sens, il tire de la culture des références parmi les plus permanentes de l’entreprise.

Des liens existent aussi entre la culture et le marketing. D’une part, avec l’importance des symboles propres à l’entreprise qui apparaissent dans les transactions, c’est-à-dire les rites et traditions intervenants dans l’activité commerciale. D’autre part, dans le développement particulier des entreprises tournées vers le marché sous l’influence de leur fondateur : le passé oriente l’entreprise vers certaines formes du marketing.

En gestion de production, ce sont moins les outils qui changent que la façon de produire. L’intérêt de la culture est d’adapter les modes de gestion aux évolutions de l’activité.

Enfin, dans tout système d’information, le besoin de culture apparaît également. Il est utile pour comprendre et traiter les problèmes de mise en place de nouveaux systèmes. Cependant, la difficulté à analyser la culture limite fortement son implication dans cette fonction de l’entreprise.