cultura, culturae décliner les soins infirmiers en contexte … · 2017-06-30 · diplÔme...
TRANSCRIPT
MOUKHLES Hanane
Guidant de mémoire : Mme BOIKO-MARATIER Carole
Année de présentation : 2016
INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE
37044 TOURS CEDEX 9
Mémoire de Fin d’études
UE 3.4 S6 Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6. S6
Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles
UE 6.2 S6 Anglais
CULTURA, CULTURAE
Décliner les soins infirmiers en contexte
multiculturel
« Je ne te demande pas quelle est ta race, ta nationalité ou ta religion mais quelle est ta souffrance »
Louis Pasteur (1822-1895)
Notes aux lecteurs
« Il s’agit d’un travail personnel et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou
partie sans l’accord de son auteur »
DIPLÔME d’ÉTAT d’INFIRMIER(E)
Travail de fin d’études
Conformément à l'arrêté du 21 avril 2007 publié JO du 10 mai 2007 texte n°91 relatif
AUX CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTS DE FORMATION
PARAMEDICAUX et notamment et notamment son annexe IV Titre Ier stipule :
"Conformément au code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou
reproduction intégrale ou partielle d'une œuvre de l'esprit faite sans le
consentement de son auteur est illicite.
Le délit de contrefaçon peut donner lieu à une sanction disciplinaire,
indépendamment de la mise en œuvre de poursuites pénales".
J’atteste sur l’honneur que la rédaction de ce travail de fin d’études, réalisé en vue
de l’obtention du diplôme d’État d’infirmier(e), est uniquement la transcription
de mes réflexions et de mon travail personnel.
Et, si pour mon argumentation, je copie, j’emprunte un extrait, une partie ou la
totalité de pages d’un texte, je certifie avoir précisé les sources bibliographiques.
Fait à
Le
Signé :
Fraudes aux examens :
CODE PÉNAL. TITRE IV DES ATTEINTES À LA CONFIANCE PUBLIQUE
CHAPITRE PREMIER : DES FAUX
Art. 441-1 : Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et
accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée
qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des
conséquences juridiques.
Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
inséré après l’article 441-12 :
Loi du 23 décembre 1901, réprimant les fraudes dans les examens et concours publics
Art. 1er : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l’entrée dans
une administration publique ou l’acquisition d’un diplôme délivré par l’État constitue un délit.
Remerciements
Tout d’abord, mes remerciements vont à Mme BOIKO-MARATIER Carole, cadre
de santé infirmière et formatrice, guidante de ce mémoire. Je la remercie vivement pour
ses conseils avisés, son soutien, sa patience et sa disponibilité tout au long de la
rédaction de ce travail. Qu’elle soit assurée de ma reconnaissance.
Je tiens ensuite à remercier les deux infirmières interrogées dans le cadre des
entretiens exploratoires. Je les remercie pour leur collaboration, leurs réponses à mes
questions et leurs témoignages de professionnelles de terrain.
Je remercie également l’ensemble des formateurs et professionnels qui m’ont
accompagné et qui ont participé à mes apprentissages théoriques et pratiques durant ces
trois années de formation.
Enfin, mes pensées vont à mes proches. Je tiens à les remercier chaleureusement de
leur soutien indispensable durant ces trois années. L’aboutissement de ce travail n’aurait
pu se faire sans leur présence à mes côtés. Qu’ils soient assurés de ma gratitude.
Sommaire
Introduction ..................................................................................................................... 1
Situation de départ .......................................................................................................... 3
Analyse et question de départ ........................................................................................ 6
Phase théorique ............................................................................................................. 10
1. La Culture .................................................................................................................... 10
1.1. Approches ............................................................................................................. 10
1.2. Composantes culturelles dans la santé et la maladie ............................................. 11
1.3. Au-delà de l’appartenance culturelle ..................................................................... 13
2. Rôle infirmier en contexte multiculturel .................................................................... 15
2.1. Concept d’équité ................................................................................................... 15
2.2. Concept d’accompagnement ................................................................................. 17
2.3. Concept de compétence culturelle ......................................................................... 18
Phase Empirique ........................................................................................................... 22
1. Présentation de la population interrogée ................................................................... 22
2. Méthodologie ................................................................................................................ 22
3. Analyse des entretiens.................................................................................................. 24
3.1. Les représentations du patient de culture étrangère .............................................. 25
3.2. Ressentis des différences culturelles dans les soins .............................................. 26
3.3. Rôle infirmier en contexte multiculturel ............................................................... 27
3.4. Formations et compétence spécifiques .................................................................. 30
4. Synthèse ........................................................................................................................ 31
Question de recherche................................................................................................... 33
Conclusion ...................................................................................................................... 34
Bibliographie ................................................................................................................... I
Table des sigles ............................................................................................................. IV
Annexes ........................................................................................................................... V
Annexe I - Les déterminants de la santé, modèle de Dahlgren et Whitehead ................. VI
Annexe II - Principe d’acculturation psychologique : modèle de Berry........................ VII
Annexe III - Les zones frontalières du champ sémantique d’accompagner................. VIII
Annexe IV - Projet européen PTT/IENE (Papadopoulos Taylor Tilki/Intercultural
Education of nurses in Europe) ........................................................................................... IX
Annexe V - Modèle de soins transculturels de Madeleine Leininger .................................X
Annexe VI - Modèle transculturel de Larry Purnell ......................................................... XI
Annexe VII – Guide des entretiens exploratoires ............................................................ XII
Annexe VIII – Retranscription Entretien n°1 : Clara .................................................... XIII
Annexe IX – Retranscription Entretien n°2 : Anna ....................................................... XVI
Annexe X – Outil d’analyse thématique et comparative des entretiens infirmiers ...... XX
1
Introduction
Dans le cadre de la formation infirmière et en vue de l’obtention du grade de licence,
je dois lors de cette troisième et dernière année, réaliser un travail d’initiation à la
recherche. Ce Travail de Fin d’Etudes1 (TFE) se construit à partir d’une situation
professionnelle observée ou vécue en stage permettant de mobiliser des connaissances
théoriques, pratiques, relationnelles et sociales. L’exploitation de cette situation me
permet d’ « analyser une question relevant des soins, la mettre en problème, l’explorer,
en faire une étude critique, formuler des hypothèses voire des propositions de solutions
ou de poursuite d’exploration »2. L’élaboration de ce TFE implique donc l’étude d’une
problématique professionnelle avec mise en œuvre d’une méthodologie de travail
transposable à d’autres situations et contextes du futur exercice infirmier.
Deux années de formation se sont écoulées au cours desquelles les apports théoriques
et pratiques ont construit ma représentation de l’exercice de cette profession. Au fil des
stages et des rencontres avec les patients, j’ai pas à pas imaginé la professionnelle que
j’aspirais à devenir. J’ai bénéficié d’un parcours de stages me permettant de prendre en
soins toutes populations de patients, de la pédiatrie à la gériatrie, et dans tous contextes
de soins. Ces moments de rencontres avec l’autre, malade ou vulnérable, m’ont aidé à
m’approprier le sens des valeurs professionnelles qu’impose l’exercice de cette
profession où l’humain est cœur de métier. La singularité de chacune de ces rencontres
a éveillé des questionnements autour de ma future pratique et m’a permis de construire
mon identité d’infirmière. En effet, les situations de soins vécues en stages ont fait
émerger diverses interrogations éthiques, déontologiques, professionnelles,…favorisant
l’apprentissage de ce métier au travers de la relation soignant/soigné.
A ce titre, pour la réalisation du TFE, j’ai mis en avant une situation vécue lors du
stage du semestre 5. Je suis dans un service de Médecine adulte où la prévalence de
patients diabétiques m’invite à construire un objectif de stage autour de
l’accompagnement et de l’éducation thérapeutique. Afin d’atteindre cet objectif,
j’accompagne une patiente d’origine africaine et me confronte à l’adaptation des soins
infirmiers aux patients de culture étrangère. J’ai choisi cette problématique car un des
sentiments qui m’anime le plus dans ce métier pour répondre au mieux aux besoins des
1 table des sigles disponible en fin de document, p.IV
2 Profession infirmier, formations des professions de santé. Recueil des principaux textes relatifs à la
formation préparant au diplôme d’état et à l’exercice de la profession. Editions BERGER - LEVRAULT.
Mise à jour le 10/07/2012. REF. 531200
2
patients est l’empathie. Ce sentiment se définit comme « l’acte par lequel un sujet sort
de lui-même pour comprendre quelqu’un d’autre sans éprouver pour autant les mêmes
émotions que l’autre »3. Ressentir la vulnérabilité de l’autre face à la maladie constitue
pour moi une motivation primordiale pour proposer une prise en soins de qualité. Cette
situation a mis en exergue un point de vulnérabilité auquel je n’avais jusqu’alors pas été
confrontée : l’hospitalisation dans un contexte culturel étranger.
Par ailleurs, d’autres personnes de culture étrangère étaient accueillies dans le service
et je me suis demandée si ce constat de contexte multiculturel était en lien avec la
spécificité du service. Mais rapidement je me suis rendue compte que quelque soit la
structure et le service où travaille une IDE4 en France, elle sera amenée à prendre en
soins des personnes de cultures différentes. Selon les chiffres de l’INSEE (Institut
National de la Statistique et des Etudes Economiques), « au 1er
janvier 2014, la France
compte 65,8 millions d’habitants hors Mayotte : 11,6 % d’entre eux sont nés à
l’étranger, 8,9 % sont immigrés et 6,4 % sont de nationalité étrangère »5. Ces chiffres
illustrent la diversité culturelle dans la société que l’on retrouve à l’hôpital. Par ailleurs,
« la plus grande partie des étrangers ayant obtenu un premier titre de séjour en 2010
sont de nationalité africaine (54 %), notamment algérienne et marocaine. Les autres
ont une nationalité d’Asie (25 %), des pays d’Europe, des Balkans et de l’ex-URSS (5
%) et de l’Amérique et Océanie (16 %) »6. Ces données permettent d’identifier les
différentes nationalités et cultures accueillies dans notre pays. Ces apports théoriques
indiquent que ces personnes, nées en France ou dans leur pays d’origine sont autant de
patients que les soignants peuvent accompagner dans tous services et dans toutes les
dimensions du soin.
J’ai choisi cette thématique pour mon mémoire car la confrontation avec la diversité
culturelle représentait une première expérience pour moi. Motivée par le devoir de
proposer à tous les patients une prise en charge de qualité, je ressentais le besoin
d’approfondir mes connaissances en termes d’accompagnement infirmier des patients
de culture étrangère. J’ai ainsi élaboré ce TFE à partir de la description de cette situation
d’accompagnement d’une patiente de culture étrangère. J’ai ensuite procédé à l’analyse
de cette situation dans son contexte. Cette étape de mon travail a fait émerger différents
3 FORMARIER Monique et JOVIC Ljiljana (sous la direction de), Les concepts en sciences infirmières.
2ème éd., Ed Mallet Conseil, 2012. ISBN 978-2-9533311-0-3 4 lire partout Infirmier/Infirmière
5 http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=if38
6 http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/IMMFRA12_h_Flot2_flu.pdf
3
questionnements qui ont abouti au choix de la question de départ, elle-même construite
à partir de concepts et mots clés. La problématique ainsi posée m’a permis de dégager
des axes de recherches, formalisés dans les parties théorique et conceptuelle. L’autre
objectif de ce travail d’initiation à la recherche repose sur la confrontation du contenu
des éléments du cadre théorique avec la réalité des pratiques professionnelles. Des
entretiens exploratoires ont été menés auprès d’infirmiers afin d’enrichir les
investigations théoriques et de confronter les pratiques. L’analyse de ces deux parties du
mémoire m’ont permis de construire une hypothèse de recherche et d’argumenter sa
mise en œuvre si ce travail de recherche devait être poursuivi.
Situation de départ
Je suis étudiante infirmière de 3ème
année et dans le cadre de ma formation j’effectue
mon stage du semestre 5 dans un service de médecine interne d’un établissement de
santé du service public hospitalier. Dans ce service, sont admis des patients avec des
symptômes peu significatifs d’une pathologie donnée, l’objectif des médecins étant de
mener des investigations et explorations afin de déterminer ce dont souffre le patient.
Ce service accueille également des personnes diabétiques pour la prise en charge des
problématiques liées à cette pathologie et des personnes âgées hospitalisées pour
altération de l’état général. Le service est divisé en deux secteurs, le secteur « bleu » qui
accueille 10 patients et le secteur « rouge » comprend 12 lits. Quotidiennement, les
équipes de soignants se forment avec deux aides soignantes, une aide hôtelière et deux
infirmières. L’équipe médicale est composée d’un interne référent par secteur et chacun
travaille en collaboration avec le chef de service du secteur.
Cette semaine, je suis en stage d’après-midi, de 13h45 à 21h20. Ce jour, le
22/09/2015 je suis avec Alicia, IDE du secteur rouge, diplômée depuis deux ans et
Audrey7, IDE du secteur bleu, diplômée depuis un an. Lors des transmissions, Alicia me
propose de prendre en charge Mme UZ, âgée de 53 ans et entrée le 19/09 dans le service
pour équilibre glycémique d’un diabète de type 2 découvert récemment et éducation
thérapeutique. Mme UZ est originaire du Rwanda et est arrivée en France il y a un mois.
Son diabète a été révélé dans son pays d’origine il y a 8 mois lors d’un syndrome
7 Prénoms déontologiquement modifiés
4
polyuro-polydipsique. La patiente est sans domicile fixe, elle dort soit dans un foyer de
la ville, soit chez des amis rwandais, très présents durant son hospitalisation. Une
demande d’asile est en cours et pour le moment Mme UZ ne bénéficie pas de prise en
charge sociale (pas de Couverture Maladie Universelle). Je note également la présence
dans le service d’autres patients de culture étrangère : une femme d’origine portugaise,
une maghrébine, un patient originaire d’Afrique et une femme musulmane originaire
d’un pays d’Europe de l’Est.
Mme UZ est arrivée le 18/09 dans le service des urgences pour vertiges suite à la
prise d’un analgésique opioïde, délivré par la Croix Rouge pour traiter des douleurs
lombaires chroniques secondaires à des violences physiques importantes subies au
Rwanda. L’examen clinique de Mme UZ est normal mais son bilan sanguin met en
évidence une glycémie à 3.72g/L et la présence de sucre dans les urines. Il est donc
décidé d’hospitaliser la patiente dans un service de médecine pour réadaptation
thérapeutique et équilibre glycémique compte tenu de son contexte de vie et de
l’absence de prise en charge à l’extérieur.
Le 22/09, Mme UZ est à J3 de son hospitalisation, les équipes soignantes ont décidé
d’attendre de bien connaitre la patiente et d’évaluer son niveau de compréhension avant
d’entamer l’éducation thérapeutique. L’objectif du jour étant de lui présenter l’appareil
d’auto-mesure de glycémie et de lui en remettre un à disposition pour qu’elle s’en
approprie l’utilisation. On m’explique que Mme UZ parle peu le français mais qu’elle
semble bien comprendre lorsque l’on parle lentement.
Je me rends donc dans la chambre de Mme UZ. Je me présente et lui explique que je
viens lui montrer un appareil pour mesurer sa glycémie capillaire. Différents appareils
sont disponibles dans le service pour les démonstrations, je sélectionne l’appareil qui
me semble le plus simple d’utilisation, l’écran est large, la valeur de la glycémie
apparait avec de gros caractères et un code couleur complète l’interprétation. Mme UZ
s’assoit sur son lit et me propose de m’asseoir également. Dans un premier temps, je
demande à Mme UZ de m’expliquer ce qu’elle sait de sa maladie ; ce temps me
permettant de cerner les ressources de la patiente, son niveau de français et ses capacités
de compréhension. Elle me dit qu’elle sait que le diabète est une maladie mais qu’au
Rwanda aucune autre explication ne lui avait été donnée ; elle pensait donc qu’il ne
s’agissait pas d’une maladie grave jusqu’à ce qu’on lui explique le contraire dans le
service. Elle a compris que les piqures au bout du doigt permettent de vérifier si ce qu’il
y a dans son corps est normal. Je réajuste l’explication pour lui dire qu’il s’agit de la
5
quantité de sucre dans son sang et que le diabète est une maladie qui peut faire varier ce
taux vers le haut ou vers le bas, d’où l’importance de la surveillance. Elle me dit avoir
compris ce point d’explication. Je lui demande si elle a des notions d’équilibre
alimentaire important pour aider les glycémies à s’équilibrer. Elle sait qu’il faut « faire
attention » avec le sucre, le miel et la confiture. Elle rigole et me dit qu’en Afrique ce
n’est pas dans leurs habitudes de « faire attention » à ce qu’ils mangent. Les plats
africains ne m’étant pas familiers et Mme UZ étant au tout début de son éducation
thérapeutique, je choisis de ne pas insister davantage sur ce point et lui indique de
retenir qu’il faut effectivement se limiter dans les aliments sucrés. Je lui demande alors
ce qu’elle sait sur la surveillance et elle me montre qu’elle a repéré les doigts que l’on
pouvait piquer et ceux qu’on ne doit pas. Mme UZ ne sait cependant pas qu’il y a des
zones en particulier, les faces externes de l’extrémité des doigts. Elle me regarde
interloquée et je comprends que les mots utilisés étaient compliqués pour la patiente. Je
lui demande l’autorisation de lui montrer directement sur ses doigts. Elle sourit et a
compris. Sur le tableau de sa chambre, je constate que des soignants ont noté les cibles
de valeurs pour les glycémies à jeun et post prandiales. Je lui demande si elle a compris
la différence entre ces deux notions, elle me dit que la glycémie à jeun correspond à
celle avant un repas et que l’autre mesure est réalisée après avoir mangé, mais elle ne
sait pas pourquoi les cibles sont différentes. Je lui explique alors qu’après un repas, le
taux de sucre dans le sang monte et c’est pour cela que l’on tolère des valeurs plus
élevées. Je me surprends à joindre à la parole les gestes. Elle me fait signe qu’elle a bien
compris. Je lui demande si elle souhaite mes explications. Pour elle, ce que j’ai abordé
ne pose pas de soucis et elle m’invite à continuer. Je lui demande d’abord si elle est bien
installée, elle est assise en tailleur sur son lit et semble ne pas être confortable. Elle
rigole et me dit qu’elle n’a pas l’habitude de porter des pantalons. Je n’insiste pas et
poursuis mon intervention avec la démonstration de l’appareil. Je lui montre les
différents éléments contenus dans l’étui. Depuis son arrivée les glycémies capillaires
sont réalisées par l’IDE avec d’autres systèmes mais Mme UZ avait déjà repéré les
éléments utilisés par les soignants : un auto-piqueur, des bandelettes et un appareil de
mesure. Je lui demande de me montrer alors comment elle se servirait de son nouvel
appareil au vue de l’observation des pratiques des IDE. Elle prend une bandelette, se
trompe de sens d’introduction dans le lecteur et rectifie car il n’y a qu’une seule manière
possible. Elle constate avec surprise que le fait d’enclencher la bandelette allume l’écran
du lecteur. Sur l’écran apparait une image animée indiquant de déposer la goutte. Je
6
propose alors à la patiente de refaire toute la technique, de mesurer sa glycémie et de me
dire ce qu’elle comprend de la valeur affichée. Mme UZ reprend l’étui, insère la
bandelette de la bonne manière du premier coup, pose son lecteur, prend l’autopiqueur,
se pique sur la face externe du majeur gauche. Elle dépose alors la goutte de sang sur la
bandelette. Elle lit la valeur : 1.40g/L. En regardant le tableau, elle me dit que « c’est
bien » car elle a mangé il y a peu de temps, la valeur correspond aux objectifs attendus
pour une glycémie après repas. Je la félicite et lui demande si elle se sent prête pour que
je lui laisse le dispositif afin qu’elle réalise seule ses surveillances. Elle m’indique que
« oui, pas de problème ». Je propose alors à la patiente de terminer cette séquence et de
nous retrouver dans les jours à venir pour refaire le point et poursuivre l’éducation.
Analyse et question de départ
Cette situation m’a beaucoup interrogée car lors de cette journée et au détour des
différentes rencontres dans le service, j’ai été interpellée par cette diversité culturelle à
l’hôpital.
Lorsque l’IDE m’a proposé de réaliser la séquence éducative avec Mme UZ, j’ai
porté mon attention sur le fait de ne pas « réduire » la patiente à sa seule appartenance
culturelle. J’allais rencontrer une personne, souffrant d’une pathologie et que j’allais
accompagner dans la compréhension des traitements et des surveillances. Selon l’OMS
(Organisation Mondiale de la Santé), « l’éducation thérapeutique du patient (ETP) vise
à aider les patients à gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle est un
processus continu, qui fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en
charge du patient »8. La séquence que j’allais mener avec Mme UZ faisait partie d’une
des premières étapes de ce processus continu. Une des recommandations de l’HAS
(Haute Autorité de Santé) pour mener à bien une séquence éducative est de « connaître
le patient, identifier ses besoins, ses attentes, sa réceptivité »9. Dans le cas de Mme UZ
je sais avant d’entrer dans sa chambre qu’elle ne s’exprime pas très bien en français
mais qu’elle semble bien comprendre ce qui lui est expliqué. Ainsi on peut se demander
si la barrière culturelle, associée à la barrière de la langue peuvent influencer
l’adhésion thérapeutique du patient ?
8 http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1241714/fr/education-therapeutique-du-patient-etp
9 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/etp_-_definition_finalites_-
_recommandations_juin_2007.pdf
7
J’ai alors choisi de développer un point dans la gestion du diabète, l’utilisation du
lecteur de glycémie et l’interprétation du résultat obtenu. J’ai sélectionné le dispositif
qui me semblait le plus adapté à la compréhension de la patiente. En France, les
politiques de santé publique ont mis l’accent sur l’importance de l’ETP des patients
atteints de maladie grave, telle que le diabète. Mme UZ me dit qu’au Rwanda on l’a
bien informé sur le fait que le diabète est une maladie mais il semblerait que les
caractères chronique et grave de cette pathologie ne lui aient pas été explicités. Le
directeur de l’association rwandaise du diabète explique que « les soins du diabète au
Rwanda se sont détériorés pendant le conflit et les personnes atteintes de la condition
ont dû se battre pour survivre. Il n'existait aucune politique de soins du diabète et la
gravité de la condition était minimisée par les médecins et ignorée par le grand
public »10
. Comment l’IDE peut elle favoriser la participation aux soins des patients
de culture étrangère pour lesquels les notions de santé et de maladie peuvent être
différentes de la culture française ?
Dans le cadre du traitement du diabète, l’équilibre alimentaire est un traitement à part
entière qui complète les traitements médicamenteux. En abordant ce thème avec la
patiente, j’ai compris qu’il y avait une grande différence d’approche. En effet, les
problématiques d’équilibre alimentaire concernent davantage les pays développés. Le
Rwanda est le pays le plus pauvre d’Afrique et les problématiques alimentaires sont
davantage centrées sur la malnutrition. De plus, la situation sociale de Mme UZ ne lui
permet pas de se préoccuper de comment elle doit bien manger. N’ayant pas de
ressources d’informations sur l’alimentation dans la culture africaine, j’ai estimé que les
connaissances de Mme UZ étaient suffisantes pour le moment, à savoir que le diabète
imposait de limiter la consommation d’aliments sucrés. L’infirmière doit elle
développer des compétences « culturelles » afin d’assurer une prise en charge de
qualité des patients de culture étrangère ?
Alicia et Audrey sont deux IDE issues de la nouvelle réforme de l’enseignement en
soins infirmiers. Elles ont donc, tout comme moi, suivi l’enseignement UE 1.1 S2
Psychologie, Sociologie, Anthropologie, dont les principaux objectifs sont « explorer la
signification de la santé dans un contexte de diversité culturelle et sociale, diversité des
10 https://www.idf.org/sites/default/files/attachments/DV59-1-Gishoma_FR.pdf
8
valeurs et des croyances » et « développer une vision intégrée de la personne humaine
et de sa santé »11
. Dans cet enseignement est notamment développé le concept de
« Culture » au sens sociologique et anthropologique du terme. Je ne retrouve pas ce
module d’enseignement dans l’ancienne réforme. Je déduis donc à partir de ce constat
que les besoins en connaissances anthropologiques ont changé et ont fait l’objet d’une
attention particulière lors de la réforme de 2009. Ainsi, en quoi la formation en soins
infirmiers permet-elle à l’infirmière d’acquérir des compétences permettant une prise
en charge des patients de culture différente ?
Plusieurs outils ont été utilisés pour expliquer à Mme UZ sa maladie, les
surveillances et les traitements. Un des objectifs de la compétence 6 du référentiel de
formation est de « définir, établir et créer les conditions et les modalités de la
communication propices à l’intervention soignante, en tenant compte de la
compréhension de la personne »12
. Par ailleurs, je me suis rendue compte que
j’associais beaucoup la gestuelle au discours avec cette patiente, ce que je ne fais pas
avec les personnes de culture française. De plus, lorsque je parle de « face externe de
l’extrémité des doigts » je me rends compte que le vocabulaire utilisé n’était pas adapté
à ce contexte de soins. Un autre objectif de la compétence 6 insiste sur le fait que « le
langage professionnel et les modes de communication (verbal et non-verbal) doivent
être adaptés à la personne ». Mme UZ me surprend car elle semble bien comprendre les
différents points de mes explications. Je n’avais aucun préjugé sur son niveau de
compréhension mais je sais qu’elle est en France depuis un mois, dans un contexte
social difficile, je m’attendais à ce qu’elle soit « perdue » par ce flux d’informations qui
lui a été données depuis son entrée à l’hôpital. Compte tenu des capacités de la patiente,
il me semble approprié de la laisser faire et de valoriser ce qu’elle sait déjà. Pour
l’apprentissage des techniques d’auto-surveillance, il est préconisé de faire participer le
patient et de le faire manipuler. A partir de ces différents points de mon intervention, je
me suis demandé quelles compétences l’IDE doit elle mobiliser pour adapter le projet
de soins d’un patient d’origine étrangère ?
11 Profession infirmier, formations des professions de santé, op.cit.
12 Ibid.
9
De tous ces questionnements suscités par le vécu et l’analyse de cette situation, j’ai
choisi de centrer mon travail de recherche autour de la question de départ suivante :
En quoi les compétences infirmières permettent-elles l’accompagnement des
patients de culture étrangère dans un service de médecine ?
La question de départ ainsi posée me permet d’identifier les concepts clés qui feront
l’objet des recherches documentaires de la partie théorique. Je me suis d’abord
intéressée à la définition de la Culture afin de mieux comprendre son impact sur les
représentations de la santé et de la maladie. Suite à cette réflexion, j’ai porté mon
attention sur la notion d’identité personnelle au sens large. En effet, les investigations
théoriques m’ont permis de repérer d’autres éléments de la construction de l’identité
d’un individu à prendre en compte dans ces contextes de soins particuliers. Une fois le
cadre posé de cette compréhension systémique du patient de culture étrangère, je me
suis questionnée sur les compétences infirmières mises en jeu dans ces situations. Le
contexte interculturel des soins m’a amené rapidement à m’intéresser au concept
d’équité comme préalable à toutes actions infirmières. J’ai ensuite ciblé mes recherches
sur la notion d’accompagnement infirmier. Le concept d’accompagnement est ici
inhérent à la situation d’éducation thérapeutique mais il m’a semblé judicieux de la
transposer à la prise en soins de patients de culture étrangère. Pour finir, j’ai orienté mes
lectures autour de questionnements d’auteurs sur la nécessité de développer une
compétence spécifique à ces situations de soins.
10
Phase théorique
1. La Culture
1.1. Approches
Au fil de mes différentes recherches, j’ai pu constater la complexité de trouver une
définition de ce mot. J’ai donc choisi de m’intéresser aux différents sens de ce terme,
dans les dimensions philosophique, anthropologique et sociologique.
Le sociologue Guy Rocher définit en 1969 la culture comme « un ensemble lié de
manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et
partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et
symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte.[…]
La culture apparaît donc comme l'univers mental, moral et symbolique »13
. Dans cette
définition les verbes penser, sentir et agir sont des éléments transposables à la
conception de la santé. En effet, les valeurs culturelles sont des outils qui permettent
entre autres de penser la maladie, de sentir ou ressentir les souffrances qui y sont
associées et d’agir pour améliorer son état de santé. En transposant cette définition
générale aux contextes de soins, on élabore ici une démarche de compréhension de la
culture des patients, inévitable pour conduire un projet de soins personnalisés. La
sociologie insiste sur l’importance du respect des choix du patient en lien avec ses
croyances culturelles comme pilier de son équilibre mental, moral et symbolique.
D’un point de vue philosophique, « il est courant d'opposer culture à nature […] La
nature désigne ce qui existe de façon spontanée et originelle, indépendamment de toute
action de l'homme. Par opposition, la culture est le processus de transformation de la
nature. Le mot renvoie d'abord au travail de la terre par le paysan ; puis, par extension,
à la formation de l'esprit »14
. La culture se définit donc comme l’ensemble des
« codes » acquis et transmis par un groupe d’individus. Cette approche philosophique
permet de comprendre la notion d’acquisition de ces valeurs et normes culturelles, non
« naturelles ». Il s’agit donc bien d’un processus dynamique, tous les patients
appartenant à une même culture n’auront certainement pas les mêmes interprétations de
la maladie. En ce sens que les normes et valeurs culturelles ne sont pas figées et peuvent
ne pas être identiquement interprétées par des personnes appartenant à un même groupe.
13 ROCHER Guy, La notion de culture, extraits du livre Culture, civilisation et idéologie
14 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/culture/39079
11
Pour l’approche anthropologique, je me suis intéressée à la définition donnée par
Bronislaw Malinowski qui explique qu’« on a affaire à un vaste appareil, pour une part
matérielle, pour une part humaine, et pour une autre encore spirituelle, qui permet à
l’homme d’affronter les problèmes concrets et précis qui se posent à lui »15
. Cette
définition est significative pour éclairer la situation car elle met en avant le fait que la
culture permet aux individus de pouvoir faire face aux problèmes qu’ils rencontrent, et
notamment les problèmes de santé. Il s’agit donc bien de comprendre les éléments clés
de la culture de l’autre pour mieux comprendre ses besoins en matière de santé. On
relève également la dimension spirituelle de la culture soulignée dans cette définition.
La spiritualité, définie comme « tout ce qui est dégagé de matérialité »16
, s’impose dans
la prise en compte du vécu de la maladie par les patients. La culture impose une
dimension spirituelle qui dépasse le soin technique et matériel des souffrances du corps
pour rechercher une signification spirituelle de ce qui est vécu. Le respect de la culture
et du besoin de spiritualité de l’autre tend vers la prise en soin globale des patients
étrangers.
La culture ainsi définie à travers son rôle fondateur de l’identité des individus permet
de s’interroger sur son influence quant au vécu d’une hospitalisation. On peut alors se
demander dans quelle mesure cette composante individuelle impacte-t-elle les
représentations de la maladie et de la santé ?
1.2. Composantes culturelles dans la santé et la maladie
Plusieurs références théoriques me permettent de constater que la culture d’une
personne participe à ses représentations de la santé et de la maladie. En effet, on
retrouve la culture dans les douze déterminants de la santé retenus par l’Agence de santé
publique du Canada et mis en avant par l’INPES (Institut National de Prévention et
d’Education à la Santé)17
. J’ai retenu également le modèle de Dahlgren et Whitehead
qui représente les déterminants de la santé selon 4 niveaux : « les facteurs liés au sexe, à
l’âge et à la constitution ; les facteurs liés au style de vie personnel ; les réseaux
sociaux et communautaires ; les conditions socio-économiques, culturelles et
environnementaux » 18
(Annexe I).
15 ZASK Joëlle, Propositions pour une politique culturelle, Cahiers Sens public 3/2009 (n° 11-12)
16 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/spiritualit%C3%A9/74250
17 http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/ISS/determinants-sante.asp
18 Ibid.
12
Je me suis également intéressée aux apports d’auteurs ayant porté leur réflexion sur
l’influence de la culture d’une personne sur son vécu de la maladie. Selon Anne Vega
« il existe des formes de pathologies reconnues par la biomédecine, et qui ne sont pas
considérées comme des maladies dans d’autres groupes socioculturels […]
Inversement, il existe des « syndromes culturellement conditionnés ». Certaines
maladies sont reconnues uniquement dans certains milieux culturels, mais n’en sont pas
moins vécues comme réelles par des malades et leur communauté ».19
La maladie est
donc bien un fait social avec une lecture individuelle influencée par l’appartenance
culturelle. Cette vision explique d’une part que la maladie peut être ou non reconnue en
tant que telle selon la culture de la personne qui la vit. Et, d’autre part, ce vécu est lui-
même vecteur des représentations du groupe auquel l’individu s’identifie et en adopte
les codes. On peut comprendre alors les difficultés rencontrées par certains soignants
pour expliquer à un patient l’importance de l’observance d’un traitement d’une maladie
qui n’est pas considérée comme telle dans son pays d’origine. Dans ce sens, Isabelle
Lévy éclaire ces propos grâce à des exemples pris dans des sociétés différentes de notre
culture occidentale. Cette auteure explique que « pour les bouddhistes, la maladie est
l’expression de l’envol d’une ou plusieurs de leurs âmes habituellement éparpillées
dans tout le corps […] Quant aux africains, la maladie peut avoir trois origines : une
agression extérieure après la jalousie d’autrui ou d’un mauvais sort, une vengeance
d’un génie possesseur par un manquement culturel ou l’amour d’un tiers, une faute de
la victime par une transgression rituelle ou une inconduite envers un parent »20
. On
comprend à travers ces exemples que le diabète peut être considéré dans les cultures
africaines comme le sort jeté par un sorcier ou un ancêtre mécontent. Il parait donc
évident qu’une personne diabétique de culture africaine prise en soins dans une
structure hospitalière française puisse rencontrer des difficultés face aux exigences de la
culture médicale. De ce constat, découle le fait que ces représentations culturelles de la
maladie sont directement liées à la manière dont elle est prise en charge. « Dans nos
sociétés occidentales, la maladie, ses causes, ses traitements relèvent d’une approche
biomédicale […] Dans d’autres espaces culturels, la maladie est lue comme un
19 VEGA Anne, Soignants/Soignés, Pour une approche anthropologique des soins infirmiers, Ed. De
Boeck, 1ère
édition, 2ème
tirage 2004. ISBN 2-8041-3810-0 20
LEVY Isabelle, Soins, cultures et croyances : guide pratique des rites, cultures et religions à l'usage
des personnels de santé et des acteurs sociaux, Ed. Estem, 2ème
édition 2008. ISBN 978-2-84371-449-8
13
dérèglement global du sujet en interaction avec son environnement. ».21
Ce point
d’explication permet d’insister sur le fait que l’accompagnement des patients
hospitalisés ne relève pas uniquement de la prise en charge d’un corps ou d’un organe
mais aussi de la compréhension de la symbolique et de l’impact de cette épreuve dans la
vie d’un sujet culturellement construit.
La composante culturelle d’un individu conditionne ses connaissances en termes de
santé et de prise en charge. La maladie est donc culturellement construite par celui qui
la vit et par le groupe qui la soigne. Existe-t-il d’autres éléments de l’identité des
patients de culture étrangère à prendre en compte en contexte de soins ?
1.3. Au-delà de l’appartenance culturelle
Pour élargir la compréhension de l’identité d’un patient de culture étrangère, je me
suis intéressée dans cette partie au principe d’acculturation. Ce principe développé selon
le modèle de Berry22
(Annexe II) se définit comme « l’ensemble de circonstances,
positives ou négatives, qui résultent d’un contact continu, ou discontinu et direct entre
différents groupes d’individus de cultures différentes et qui entrainent divers
changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des deux groupes »23
. Cette
notion rappelle que l’immigration est un phénomène complexe qui intègre la notion
d’évolutivité des valeurs et des normes de la culture d’origine. Elle est également un
outil de soins essentiel pour l’accompagnement des patients de culture étrangère car elle
permet de ne pas « réduire » le patient à sa seule appartenance culturelle.
L’acculturation semble un concept transposable dans le domaine des soins car il
valorise la capacité des individus à s’adapter à la culture soignante et médicale et à ses
exigences. Cette réflexion impose la prudence quant à l’interprétation de
comportements ou ressentis des patients étrangers de la part des soignants.
L’anthropologue David Le Breton tente d’orienter les soignants quant à la conduite à
tenir face à ces situations de soins. Il explique que « l’indifférence aux origines sociales
et culturelles du malade n’est pas une erreur moindre que celle de le réduire à un
stéréotype de culture […] Une connaissance parfaite de sa culture n’est pas nécessaire
21 MERKLING Jacky et LANGENFELD Solange, Psychologie, Sociologie, Anthropologie, collection
Les essentiels en IFSI, édition Elsevier Masson, 2010. ISBN 978-2-294-71057-5 22
https://fr.wikipedia.org/wiki/Acculturation_psychologique 23
PAILLARD Christine, Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, 2ème
éd., Ed Setes, avril 2015.
ISBN 979-10-91515-28-3
14
en ce qu’elle risque d’enfermer le malade en copie conforme d’une vision moyenne des
membres de sa société »24
.
Par ailleurs, on ne peut occulter le fait qu’au-delà de l’appartenance à une culture,
l’identité d’un individu se construit à partir de nombreuses composantes. L’exercice
infirmier impose aux professionnels de considérer chaque situation de soins et chaque
patient comme unique. L’auteur précédemment cité est intervenu dans ce sens lors
d’une réflexion de l’espace éthique de l’AP/HP autour de l’interculturalité à l’hôpital. Il
précise que « la culture n’est pas une structure qui conditionne tout. D’autres
spécificités (d’habitudes de vie, de génération, de sexe, etc.) entrent en ligne de compte.
En d’autres termes, ce ne sont pas des cultures qui se rencontrent mais des hommes.
Les malades sont des hommes et des femmes dont l’histoire est unique »25
. La
reconnaissance de cette singularité de la personne soignée est primordiale car elle
influence dès la première rencontre la tonalité de la relation soignant/soigné.
Reconnaitre le patient comme individu et non comme malade tend à favoriser la mise en
œuvre de soins personnalisés et adaptés à ses besoins. Ce constat fait directement lien
avec une compétence clé de l’exercice infirmier dès le début de la prise en charge d’un
patient : la démarche de soins26
. Le préalable de cette démarche est le recueil de
données et de toutes données susceptibles d’appréhender le vécu de la maladie et les
orientations du projet de soins. Cette étape se construit notamment grâce aux données
psychosociales : âge, sexe, entourage, culture et religion, environnement familial, social
et professionnel,… Il s’agit d’éléments permettant de prendre en soins les patients dans
leur globalité car la maladie s’impose à l’individu dans sa singularité et à un moment
particulier de son histoire de vie. Au moment présent d’une hospitalisation, tous ces
éléments qui ont construit l’identité du patient imprègnent son vécu de la maladie et
impacteront sur la suite de son parcours de vie.
Cette première partie du travail a été orientée de façon à poser le cadre du contexte
de prise en soins des patients étrangers. Elle a permis de comprendre que la culture est
une composante importante de la construction de l’identité d’un individu. Cette
approche a été nuancée par le fait que le patient n’est pas que « culture d’appartenance »
et que l’interprétation de ses attitudes ne doit pas être appréhendée uniquement selon ce
24 LE BRETON David, Anthropologie de la douleur, Ed. Métaillé, 2012. ISBN 978-2-86424-191-1
25 Espace éthique AP/HP, Les pratiques de soin en situation interculturelle, juillet 2008
26 Compétence 1 du référentiel de la formation infirmière : Evaluer une situation clinique et établir un
diagnostic dans le domaine infirmier
15
versant. L’identité personnelle est complexe mais je retiens que toutes ses composantes
sont autant de facteurs influençant les symboliques du vécu d’une maladie. La
réalisation de cette étape me permet de poursuivre sur le rôle infirmier lors de
l’accompagnement des patients de culture étrangère à l’hôpital.
2. Rôle infirmier en contexte multiculturel
2.1. Concept d’équité
Le concept d’équité dans la pratique infirmière s’établit au carrefour des cadres légal,
éthique et déontologique. En effet, l’article. R. 4312-25 du Code de Santé Publique
rappelle que « l’infirmière doit dispenser des soins à toute personne avec la même
conscience quels que soient les sentiments qu’il peut éprouver à son égard et quels que
soient l’origine de cette personne, son sexe, son âge, son appartenance ou non-
appartenance à une ethnie, à une nation ou à une religion déterminée,… »27
. La loi
impose donc une équité dans les soins pour tous patients, notamment sans considération
de leur origine culturelle et avec la même conscience professionnelle. Par ailleurs,
l’équité se définit comme le « sentiment sur ce qui est juste ou injuste comme conforme
à ce qu’exige la justice idéale »28
. Cette définition permet directement de faire le lien
avec les composantes éthique et déontologique de l’équité en soins infirmiers. En effet,
la justice idéale dans la pratique infirmière se traduit par le respect de la déontologie,
c’est-à-dire l’ « ensemble des règles qui déterminent ce que l’on doit faire et ce que l’on
ne doit pas faire »29
. Quant à la dimension éthique de cette définition, elle est soulignée
par la notion de « sentiment sur ce qui est juste ou injuste ». Pour développer ce
sentiment, « le soignant doit préserver sa faculté de jugement et défendre au sein de
l’institution les principes d’une liberté consciente et vigilante afin de répondre le plus
équitablement possible, toujours dans l’intérêt de la personne aux missions qui lui sont
dévolues »30
. Le contexte particulier de prise en soins des patients de culture étrangère
est un terrain favorable aux questionnements des professionnels de santé quant au
respect de ces devoirs. La compréhension des normes et valeurs de la culture des
personnes soignées est un outil indispensable permettant aux infirmiers d’assurer une
égale prise en soins des patients avec la même conscience éthique et déontologique.
27 Profession infirmier, formations des professions de santé, op.cit.
28 MORFAUX Louis-Marie et LEFRANC Jean, Nouveau vocabulaire de la philosophie et des sciences
humaines, Ed. Armand Colin, 2010. ISBN 978-2-2002-6981-4 29
FORMARIER Monique et JOVIC Ljiljana, op.cit. 30
Ibid.
16
Le concept d’équité me semble inhérent directement à l’exercice de la profession
infirmière car il s’applique dans tout contexte de soins et à tout patient. Toutefois, j’ai
choisi de mettre l’accent sur ce concept car il me semble qu’il peut être mis à mal lors
de l’accompagnement de personnes de cultures étrangères. Ces situations de soins
particulières invitent les professionnels de santé à davantage d’efforts d’adaptation et de
compréhension de la situation globale de la personne soignée. Comme le rappelle Anne
Vega, « l’approche anthropologique des soins incite les professionnels à développer
tout particulièrement leurs aptitudes à l’écoute et à l’observation, c’est-à-dire à la
prudence »31
. Cette auteure souligne l’existence de possibles difficultés dans la relation
soignant/soigné, du fait de jugements a priori de l’attitude des patients d’origine
étrangère. Elle explique ce constat du fait que « les images prêtées à certains groupes
de soignés « étrangers » sont le plus souvent approximatives, réductrices et souvent
négatives parce qu’elles sont construites d’après les propres repères et modèles
culturels des professionnels »32
. Cette attitude fait référence au concept
d’éthnocentrisme qui se définit comme « la tendance qu’à une personne ou un groupe
social à interpréter la réalité ayant pour base ses propres paramètres ou modèles
culturaux »33
. Ainsi, cette attitude s’oppose au respect du principe d’équité car le terrain
d’incompréhension des normes et valeurs du patient de culture étrangère peut
s’accompagner d’une inégale prise en soins. L’iniquité se traduirait donc par un
jugement réducteur de « mauvais malade » pour le patient aux représentations de la
maladie différentes de notre modèle culturel et professionnel ; tandis que le patient
appartenant au même modèle culturel serait lui considéré comme « bon malade ».
L’équité comme préalable à toutes actions infirmières, permet d’accompagner le
patient de culture étrangère pour mettre en œuvre des soins personnalisés, en adéquation
avec les besoins de la personne soignée et dans le respect de ses différences. Mais
qu’entend-on par accompagnement ?
31 VEGA Anne, op.cit.
32 Ibid.
33 http://lesdefinitions.fr/ethnocentrisme#ixzz3rviXkGrv
17
2.2. Concept d’accompagnement
Pour l’auteure Maela Paul, le verbe accompagner ne peut se dissocier de ses trois
synonymes :
« conduire : accompagner (qqun) quelque part ;
guider : accompagner (qqun) en montrant le chemin […]
escorter : surveiller […] en protégeant la marche »34
.
L’accompagnement en tant que soin prend tout son sens lors de la prise en charge des
patients de culture étrangère. L’IDE développe dans cette situation relationnelle
particulière sa capacité de conduire, guider et escorter le patient pris dans un contexte
nouveau et anxiogène qu’est l’hospitalisation en dehors de son cadre culturel habituel.
Cette même auteure associe également le verbe accompagner à trois autres actions que
l’on retrouve au carrefour de ces synonymes : « éveiller, veiller-sur, sur-veiller »
(Annexe III)35
. Ces actions sont particulièrement mises en avant dans une situation
interculturelle de soins car l’IDE doit éveiller le patient aux cultures médicale et
soignante de prise en charge de sa pathologie ; veiller sur le respect des normes et
valeurs de la personne soignée et surveiller l’évolution de son état de santé et les
manifestations des difficultés rencontrées.
Par ailleurs, dans le contexte de la prise en soins des patients de culture étrangère,
l’accompagnement prend corps dans sa dimension anthropologique, « fondée sur une
disposition humaine à être en relation avec autrui »36
. La rencontre avec les patients de
culture différente de la nôtre nous interroge sur notre capacité d’adaptation à une
« démarche relationnelle qui s’inscrit autour du projet de l’autre »37
. Et j’ai
précédemment abordé le fait que globalement, les projets de vie et de santé des patients
sont guidés par la construction de leur identité notamment dans sa composante
culturelle. Ce point permet de faire le lien avec la nécessité de la part des professionnels
de santé d’aborder la personne soignée dans sa globalité. Un autre auteur à porter son
attention sur le concept d’accompagnement en soins infirmiers. En effet, Michel
Fontaine avance la théorie que « l’accompagnement dans les soins infirmiers relève du
nécessaire car il apparait difficile de soigner sans entrer dans une démarche
d’accompagnement quelle qu’en puisse être la forme ». Il rappelle également que
34 PAUL Maela, L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Ed L’Harmattan, 2004.
ISBN 2-7475-7494-6 35
Ibid. 36
Ibid. 37
FORMARIER Monique et JOVIC Ljiljana, op.cit.
18
« l’infirmière est amenée à considérer les situations dans leur compréhension
systémique, approche indispensable pour accompagner judicieusement et de manière
adaptée »38
.
Pour finir, le concept d’accompagnement dans la pratique infirmière fait appel à de
nombreuses compétences relationnelles. Comme le rappelle Maela Paul, il s’agit d’une
« rencontre avec une personne qui, aux prises avec des difficultés passagères ou
récurrentes, a besoin d’une aide ponctuelle ou prolongée pour y voir clair dans la
situation qu’elle vit […] C’est à partir de cette base que se mettent en place l’écoute, le
respect, l’empathie, … »39
. Pour les personnes étrangères en situation de soins les
difficultés se retrouvent à différents niveaux : vécu de la maladie et de l’hospitalisation,
compréhension des projets de soins proposés, adaptation à une culture soignante peu ou
pas familière, besoin du respect de ses habitudes culturelles,… Et le rôle de l’IDE
s’inscrit bien dans une relation d’aide où les valeurs professionnelles d’écoute, de
respect et d’empathie sont au premier plan de l’aboutissement d’une alliance
thérapeutique interculturelle.
L’équité des soins et l’accompagnement des patients de culture étrangère sont des
compétences infirmières indispensables dans un contexte de soins multiculturels. Mais
existe-t-il une compétence spécifique à savoir une compétence culturelle ?
2.3. Concept de compétence culturelle
Je me suis rendue compte que cette problématique a questionné de nombreux auteurs
qui ont permis de développer des modèles d’acquisition de la compétence culturelle
dans les soins. Je me suis inspirée du projet européen PTT/IENE (Papadopoulos Taylor
Tilki/Intercultural Education of nurses in Europe)40
permettant aux soignants de
développer cette compétence. Il repose sur quatre étapes (Annexe IV) que j’ai illustrées
d’autres modèles « historiques » en matière de compétence culturelle.
La première étape de ce processus est « la conscience culturelle » qui consiste
notamment à prendre « conscience de sa propre culture […] et de la diversité
culturelle ». En effet, cette étape permet aux soignants de « regarder autrement d’autres
cultures en même temps qu’elle les incite à réfléchir sur leur propre culture, leurs
38FONTAINE Michel, L’accompagnement, un lieu nécessaire des soins infirmiers…, Pensée plurielle,
2009/3 n°22 39
PAUL Maela, op.cit. 40
Collectif IENE de France, Pour un développement de la compétence culturelle, Objectifs Soins et
Management n°211, décembre 2012
19
propres traditions […] et à questionner [leurs] propres représentations du soin »41
. Ce
préalable à l’acquisition de la compétence culturelle permet aux soignants de se rendre
compte de l’importance qu’eux-mêmes portent à leur appartenance culturelle. Ainsi
acquise, la conscience culturelle favorise les attitudes de respect et compréhension des
symboliques culturelles en matière de santé et maladie. Le terme de conscience renvoie
également au modèle transculturel de Larry Purnell pour lequel cette compétence se
développe en différentes champs de conscience et inconscience de pratiques des soins
en milieu interculturel. Ce cheminement se traduit en quatre étapes : « incompétence
inconsciente incompétence consciente compétence consciente compétence
inconsciente [qui] mène au développement d’automatismes à la prestation de soins
culturellement congruents à des clients de cultures différentes »42
.
La seconde étape permet l’acquisition de « connaissance culturelle » qui permet
notamment « d’acquérir la connaissance des spécificités des communautés […] et de
prendre en considération les déterminants anthropologiques, psychologiques, et
biologiques ». Cette étape rappelle l’importance du recueil de données par les infirmiers
lors de l’accompagnement de tous patients. Il s’agit de comprendre la situation globale
des personnes soignées en interaction avec des modèles culturels, familiaux,
professionnels et sociaux qui sont autant de facteurs influençant le vécu de la maladie.
Ces éléments du recueil de données ont été développés par deux théoriciens de
référence en matière de soins transculturels : Madeleine Leninger (Annexe V) et Larry
Purnell (Annexe VI). Dans le cadre conceptuel développé par Purnell, on retrouve
différents éléments auxquels le personnel soignant doit s’intéresser pour permettre un
accompagnement de qualité des patients de culture étrangère. Selon le contexte de
soins, les professionnels de santé doivent comprendre les besoins des patients en termes
de « nutrition, pratiques durant la grossesse, rituels mortuaires, spiritualité, pratiques
de soins »43
. Il s’agit ici de développer l’analyse de données culturelles qui guident
l’individu dans les différentes étapes de sa vie, de la naissance à la mort. Le modèle de
Leininger complète ces éléments de la compréhension globale d’un individu avec les
« facteurs philosophiques, religieux, politiques, économiques, éducatifs »44
.
41 AIT ABDELMALEK Ali et GERARD Jean-Louis, Sciences humaines et soins : manuel à l’usage des
professions de santé, Ed Interéditions, 1995. ISBN 2-7296-0502-9 42
COUTU-WAKULCZYK Ginette, Pour des soins culturellement compétents : le modèle transculturel
de Purnell, Recherche en Soins Infirmiers n°72, mars 2003 43
Ibid. 44
Traduction libre à partir du modèle en annexe
20
L’étape suivante repose sur la « sensibilité culturelle » permettant de « développer
des compétences de communication transculturelle au moyen de l’acceptation et du
respect autant que de la facilitation et de la négociation […] et considérer les patients
comme de vrais partenaires dans tous les aspects du soin ». Cette étape fait directement
appel aux valeurs professionnelles de l’infirmière dans la relation soignant/soigné :
l’écoute, l’empathie, la communication, la négociation,… Et la mise en œuvre de ces
compétences permet aux patients d’être un partenaire reconnu, à savoir un acteur de
soins grâce à son droit à l’information et au respect de ses choix. Ainsi, « par cette
tentative de compréhension de l’autre, à travers sa culture, il est permis de mieux
appréhender un savoir sur la maladie, grâce aux explications que le patient fournit sur
ce qui lui arrive »45
; et ce sont ces valeurs infirmières précédemment citées qui entrent
en jeu dans ce processus. La sensibilité culturelle fait également référence aux « trois
modalités de soins culturellement congruents »46
mis en évidence par Madeleine
Leininger :
la préservation du soin culturel : les actions professionnelles d’assistance
permettent à des personnes d’une culture particulière de maintenir ou de
conserver les valeurs de soins compétents afin de préserver leur bien-être
la négociation ou l’accommodation du soin culturel : les actions professionnelles
créatives d’aide et de soutien permettent aux personnes d’une culture désignée
de négocier avec les autres les effets bénéfiques des soins sur la santé, selon les
valeurs de leur culture
le soin culturel restructuré : les modèles sont restructurés et mutuellement établis
entre les récepteurs et les dispensateurs de soins.
Cette théoricienne met ici en exergue l’importance de considérer le patient de culture
étrangère comme partenaire de soins afin de préserver son bien-être et de respecter ses
choix en matière de prise en charge de sa santé. Leininger sous-entend donc que
l’aboutissement à des soins culturellement congruents nécessite le respect des
nombreuses valeurs infirmières inhérentes à l’accompagnement des patients.
La dernière étape est l’acquisition même de la « compétence culturelle ». L’auteure
Margot Phaneuf la définit comme « le développement d’une prise de conscience de
notre propre existence, de nos sensations, de nos pensées et de notre environnement
45 AIT ABDELMALEK Ali et GERARD Jean-Louis, op.cit
46 NAOUFAL Caroline, La théorie de l’universalité et de la diversité des soins selon la culture de
Leininger, Recherche-en soins-infirmiers.com
21
sans influence indue sur les personnes d’une autre origine tout en démontrant la
connaissance et la compréhension de leur culture, en acceptant et en respectant leurs
différences culturelles et en adoptant des soins congruents avec leur culture »47
. Cette
définition dans son entier m’a semblé significative car elle reprend les différentes étapes
précédemment développées et permettant d’aboutir à cette compétence culturelle. Les
flux migratoires qui augmentent dans notre pays invitent l’infirmière à développer cette
compétence pour assurer la prise en soins de ces populations. Elle implique d’« être à
l’écoute de ces malades comme nous le sommes pour les autres et même un peu plus,
car ils sont plus vulnérables »48
. La vulnérabilité se traduit d’une part dans le vécu de la
maladie et d’autre part dans l’immersion dans un système de soins étranger.
De cette réflexion, je retiens notamment le concept de compétence culturelle
inconsciente. L’infirmière agit au quotidien inconsciemment, c’est-à-dire naturellement
dans l’intérêt des patients quel que soit leur origine. Le mode inconscient inscrit
l’infirmière dans une démarche réflexive de sa posture professionnelle globale soumise
à l’obligation du respect des valeurs qu’impose l’exercice même de ce métier.
L’accompagnement des patients se doit d’être naturellement empathique pour proposer
un projet de soins personnalisé. Je retiens la réflexion portée par David Le Breton qui
rappelle que « le sentiment de la relativité des valeurs et des actes, une bonne
connaissance de ses propres orientations culturelles, un aperçu suffisant de la culture
de l’autre, une capacité de mettre à distance ce qui paraissait jusqu’alors l’évidence
d’un comportement, sont des outils de soins nécessaires entre les mains des
soignants »49
. Pour compléter l’acquisition de cette compétence, je retiens également
que « la confrontation au quotidien des personnes culturellement différentes constitue
le meilleur apprentissage »50
. La sensibilisation des futurs infirmiers à l’anthropologie
et au concept de culture dans le cadre de l’UE 1.1 S251
peut se compléter par un
parcours de stage à l’étranger par exemple. Les apports théoriques généraux de la
formation suffisent à appréhender tous patients et les expériences pratique,
professionnelle et personnelle des infirmiers en situation interculturelle sont autant
d’atouts permettant une adaptabilité des soins aux patients de culture étrangère.
47 PHANEUF Margot, L’approche interculturelle, une nécessité actuelle, 1ère partie : Regard sur la
situation des immigrants au Québec et sur leurs difficultés, mars 2009, révision février 2013 48
Ibid. 49
LE BRETON David, Anthropologie de la douleur, op.cit. 50
DURIER Marie-Chantal et PEREL Béatrice, Dimension culturelle et soin : pour une prise en charge
globale, Objectif Soins et Management n°239, mai 2015 51
Psychologie, Sociologie, Anthropologie
22
Phase Empirique
1. Présentation de la population interrogée
Cette seconde partie du travail de recherche permet de légitimer le travail de
réflexion et d’enrichir le contenu des investigations théoriques grâce à l’analyse des
pratiques professionnelles sur le terrain. La phase empirique se construit à partir
d’entretiens exploratoires menés auprès d’un échantillon de deux professionnelles
infirmières : Clara et Anna52
.
J’effectue mon premier entretien auprès d’une IDE exerçant dans un EHPAD
(Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes). Clara est diplômée
depuis 9 ans et a exercé dans différents services : médecine, pédopsychiatrie, bloc
opératoire, rééducation et consultations externes. Elle a beaucoup travaillé en missions
intérimaires et je note dans son parcours professionnel, une expérience de 3 mois à
l’étranger, en Guyane. Elle est infirmière en EHPAD depuis près de 3 ans maintenant.
Le second entretien est réalisé en collaboration avec une IDE d’un service hospitalier
de médecine infectieuse. Anna est diplômée depuis 16 ans. Elle a essentiellement exercé
dans des services de psychiatrie et de soins généraux, et a intégré son service actuel
depuis maintenant 6 ans.
2. Méthodologie
Clara est une infirmière que j’ai rencontrée lors d’un stage en EHPAD ; j’ai
rapidement pensé à elle pour l’élaboration de mon premier entretien car j’avais
connaissance de son parcours professionnel très riche. Ayant conservé ses coordonnées
téléphoniques, nous avons convenu d’un entretien directement à mon domicile. Dans un
second temps, j’ai effectué une enquête auprès d’étudiants infirmiers ayant effectué des
stages dans des services de médecine. Cette étape m’a permis de me garantir une
cohérence entre la thématique de mon mémoire et les contextes de soins d’exercice de
la seconde IDE à interroger. En effet, je devais m’assurer qu’elle était bien amenée à
prendre en soins des patients de culture étrangère. J’ai alors contacté le cadre de santé
du service de médecine infectieuse. Je lui ai exposé l’objet de ma démarche et lui ai
précisé le sujet de mon TFE en lui demandant de ne pas le porter à la connaissance de
l’IDE afin d’écarter tous biais lors de l’entretien. Il a d’abord fixé la date et l’heure de
52 Prénoms déontologiquement modifiés
23
mon passage. Selon le planning infirmier, il a lui même désigné Anna pour répondre à
mes questions.
Les questions du guide d’entretien (Annexe VII) ont été élaborées à partir des
éléments clés dégagés dans la partie théorique. Afin d’exploiter ces entretiens semi-
directifs, la méthode qualitative a été retenue et mise en œuvre grâce à l’analyse des
contenus. Cette méthode permet de « libérer » la parole de la personne interrogée et de
ne pas « biaiser » ses réponses par mon intervention ou mes réactions à ce qui est dit.
J’ai ainsi produit quatre questions permettant de répondre aux quatre thématiques
centrales mises en avant lors de la partie théoriques : la représentation du patient de
culture étrangère ; les ressentis des différences culturelles lors des soins ; le rôle
infirmier dans ces situations de soins et la réflexion autour de la formation à l’IFSI,
d’une compétence spécifique et d’une formation continue. J’ai construit mon guide
d’entretien avec des questions ouvertes (n’appelant pas de réponses par oui ou non),
objectives et non orientées vers les réponses attendues. J’ai également prévu pour
chaque question, une ou deux questions de relance construites selon le même mode.
Pour chacune des questions posées, j’ai défini au préalable les objectifs que je
souhaitais atteindre. Cette méthode m’a permis de retravailler mes questions pour rester
centrée sur les thématiques à aborder auprès des IDE.
La première question me permet d’identifier le parcours professionnel de la personne
interrogée afin de contextualiser les réponses aux questions suivantes selon les
différents lieux d’exercice. Cette étape de présentation des IDE permet également de
créer un environnement accueillant, propice à la conversation.
La seconde question a été construite pour amener l’IDE à définir la notion de
« patients de culture étrangère » ; définition servant de cadre à la compréhension des
réponses aux questions suivantes. Par ailleurs, les deux questions de relance ont pour
objectif de valider la rencontre de la personne interrogée avec des populations de culture
différente et de l’amener à aborder les spécificités de prise en charge de ce type de
patients.
La question suivante permet d’objectiver l’importance de l’appartenance culturelle
dans les représentations de la santé et de la maladie. Consciente que cette question
pouvait amener les IDE à citer la barrière de la langue comme étant le premier niveau
de différences ; ma question de relance a pour objectif de recentrer le sujet sur d’autres
différences culturelles rencontrées lors des soins. J’ai choisi de poser cette question de
relance, que la personne interrogée ait ou non abordé la notion de barrière de la langue.
24
En effet, la question pouvant paraître complexe, cela permet un second temps de
réflexion autour des différences culturelles relevées par les professionnelles.
A travers la quatrième question, je me suis fixée comme objectif d’avoir une vision
globale de ce que l’IDE met en œuvre dans ce genre de situations. La première question
de relance me permet de recentrer les réponses sur les compétences professionnelles et
relationnelles pour les confronter à celles mises en avant dans la partie théorique.
Consciente que le concept d’équité pouvait être considéré comme inhérent à la
profession et qu’il risquait de ne pas être abordé spontanément par les IDE, j’ai construit
une seconde question de relance pour amener les professionnels à s’interroger sur ce
principe d’équité.
La dernière question a pour but d’amener l’IDE à s’interroger sur l’acquisition d’une
compétence culturelle. Pour se faire, les deux questions de relance permettent d’évaluer
l’importance qu’elles portent aux connaissances sur les différentes cultures, acquises
dans le cadre de la formation infirmière ou de la formation continue.
Les deux entretiens ont été enregistrés sur un dictaphone afin d’assurer une
retranscription juste et authentique des informations apportées par les IDE (Annexes
VIII et IX). Lors de l’entretien avec Clara, nous nous sommes installées face à face,
dans un endroit calme, aucune interruption n’a perturbé l’entretien qui a duré 22
minutes. Quant à Anna, notre rencontre a eut lieu directement dans le bureau infirmier
du service. Nous nous sommes installées côte à côte mais l’infirmière étant en service
ce jour, l’entretien a été interrompu par l’intervention d’une autre professionnelle
présente également, par les sonneries des patients et par deux appels téléphoniques.
Nous avons échangé durant 24 minutes.
Ne servant que ce travail de recherche, après exploitation, les enregistrements seront
détruits.
3. Analyse des entretiens
Pour faciliter l’analyse des entretiens exploratoires, j’ai construit un outil me
permettant de mettre en exergue les similitudes, les divergences, ainsi que les
complémentarités des informations apportées par les IDE (Annexe X). J’ai donc
procédé à une analyse thématique et comparative des deux entretiens. Par ailleurs,
j’effectuerai tout au long de cette analyse, une mise en lien avec les éléments abordés
dans la partie théorique.
25
3.1. Les représentations du patient de culture étrangère
La première thématique abordée lors de ces entretiens concerne les représentations
que les IDE se font des patients de culture étrangère. Leur approche me permet
d’enrichir ma partie théorique avec la réalité vécue en situations. En effet, la définition
de la culture est complexe et mes recherches m’ont amené à la considérer selon les
dimensions philosophique, anthropologique et sociologique. Mais comment allais-je
retrouver cette définition sur le terrain ?
Anna et Clara relèvent toutes les deux la notion de région du monde et de continent.
Elles ont toutes les deux rencontré des patients asiatiques, Africains du Nord et
d’Europe de l’est (patients d’origine slave pour Clara). A travers leurs témoignages, je
retrouve ici les différentes nationalités issues de l’immigration et mises en avant dans
l’introduction de ce travail grâce aux chiffres de l’INSEE. La réalité du terrain permet
de rendre compte qu’un patient de culture différente peut souvent être identifié comme
un patient de nationalité différente.
Par ailleurs, Anna explique qu’elle ne considère pas les Portugais et les Espagnols
comme des patients de culture différente car elle trouve leur culture proche de la sienne
(lignes 18-19). Je suppose que la proximité géographique est ici associée à une
proximité culturelle. Je retrouve ce signe d’appartenance à une culture dans le modèle
de Purnell avec la notion de « localités habitées », qui peut être étendue à la notion de
région géographique. Lors de l’entretien, Anna soulève le fait que « tous les cas sont
différents » (ligne 151). Je suis amenée à penser qu’elle aborde ici le fait que l’individu
est unique et comme déjà évoqué dans la partie théorique, un sujet n’est pas que culture
d’appartenance et qu’il faut prendre en compte toutes les composantes de son identité.
Cette remarque m’interpelle car elle me semble faire allusion à la définition
philosophique de la culture. J’avais souligné le fait que les normes et valeurs culturelles
sont acquises et peuvent être différemment interprétées par les personnes d’un même
groupe culturel.
Pour Clara, la culture du patient est également liée à son appartenance religieuse.
Lors de ses anecdotes de rencontre avec des patients de culture étrangère, elle parle de
personnes de « confession musulmane » et de « confession juive » (lignes 61 et 68). Je
retrouve ici la dimension spirituelle soulevée par la définition de la culture de
l’anthropologue Malinowski. La religion étant un des facteurs prégnant de cette
spiritualité mise également en avant dans les modèles de Purnell et de Leininger. Je
relève aussi dans cet entretien, l’anecdote de Clara autour d’un « préjugé » (ligne 37)
26
qui a amené des difficultés de communication. Sa réflexion fait lien avec la notion de
« jugements a priori » mise en évidence par Anne Vega pour évoquer les possibles
difficultés rencontrées par les soignants dans ces contextes de soins.
3.2. Ressentis des différences culturelles dans les soins
La seconde thématique permet de rendre compte du ressenti des professionnelles de
terrain quant aux différences culturelles entre elles et les personnes soignées. J’avais
mis en avant de façon très large l’influence de la culture dans les représentations de la
santé et de la maladie. Mais, à quels niveaux cette influence se retrouve-t-elle dans la
réalité de l’exercice infirmier ?
Les deux infirmières interrogées abordent rapidement les problématiques liées à la
barrière de la langue. Cet aspect des différences culturelles n’avait pas été mis en avant
dans la partie théorique car dans la situation choisie comme point de départ de ce
travail, je n’avais pas rencontré de difficultés à ce niveau. Anna m’explique « qu’à
partir du moment où on parle la même langue, on arrive toujours à expliquer » (lignes
56-57). Marquée par son expérience en Guyane, Clara insiste sur la notion de dialectes.
Le fait que les deux IDE soulèvent ce problème m’amène à enrichir ma réflexion autour
de la barrière de la langue qui semble être l’un des premiers niveaux de difficultés
rencontrées lors des soins. Je retrouve dans les composantes culturelles des individus
selon Purnell, ces notions de « langues et de dialectes dominants ». Ensuite, elles
abordent toutes les deux les différences culturelles autour des notions d’intimité et de
pudeur. Clara évoque à ce titre la notion de « distance à mettre en place » (ligne 48) et
Anna me rapporte une anecdote d’hommes ne voulant pas être « lavés par des aides
soignantes » (lignes 40-41). Là encore, ce point n’avait pas été abordé dans la partie
théorique du fait de la spécificité du contexte d’éducation thérapeutique de la situation
de départ.
Au cours des réflexions portées par mes questions, Clara s’interroge pour savoir si
les différences culturelles sont toujours marquées en contexte de soins. Elle explique
l’importance à porter sur ce que la personne en dit (ligne 35). Je retrouve ici la réflexion
des auteurs Aît Abdelmalek et Gérard autour des « explications que le patient fournit
sur ce qui lui arrive ». Ayant eu une expérience en soins palliatifs, Clara évoque les
« rites funéraires » (lignes 58-59) et la « place de la famille » (ligne 85) comme
composantes de la culture d’un individu. Anna, l’IDE en médecine infectieuse n’aborde
pas ces points et évoque les différences autour de l’alimentation. Je suppose que le
27
contexte aigu de soins lié aux maladies infectieuses n’est pas un terrain
d’accompagnement des patients en fin de vie. Les deux témoignages sont ici
complémentaires car les IDE mettent ensemble en évidence, les principales données
culturelles qui guident l’individu jusqu’à sa mort et qui ont été mises en avant dans la
partie théorique.
Enfin, l’expérience d’Anna en maladies infectieuses complète la réflexion autour des
composantes culturelles de santé et de maladie. Elle évoque le fait que les patients
africains contaminés par le VIH (Virus d’Immunodéficience Acquise) n’ont pas le
même niveau de soins dans leur pays d’origine, que cette maladie est tabou et qu’ils
sont imprégnés de croyances qui les protègeraient. J’ai évoqué dans la partie théorique,
le fait qu’une maladie pouvait être reconnue ou non comme telle selon la culture de la
personne qui la vit. J’ai illustré cette remarque par les exemples d’Isabelle Lévy, pris
dans les sociétés africaines où certaines maladies pouvaient être expliquées par le sort
jeté par un sorcier ou un ancêtre mécontent. Anna, par cette anecdote, me permet
d’enrichir cette approche avec la notion de prise en charge de la maladie. Dans notre
système biomédical, certains patients ne se soignent pas car dans leur culture, la prise en
charge de la maladie est soumise à des croyances de protection. Son exemple et les
recherches documentaires se complètent pour illustrer le fait de l’importance portée à la
compréhension du symbolique dans le vécu de la maladie.
3.3. Rôle infirmier en contexte multiculturel
La troisième thématique s’intéresse au rôle infirmier dans ce contexte de soins
multiculturel. Les investigations théoriques m’avaient amené à considérer les concepts
d’accompagnement et d’équité comme concepts prégnants mis en jeu dans ces
situations. Cependant, autour de ces deux concepts, j’avais pu mettre en avant
différentes compétences infirmières et notamment relationnelles inhérentes à
l’accompagnement des patients de culture étrangère. Le vécu de ces situations reflète-t-
elle les compétences professionnelles développées dans le cadre théorique ?
Cette partie de l’analyse des entretiens me permet de rendre compte des nombreux
points de similitudes et de complémentarités entre les discours des deux IDE. Anna et
Clara mettent toutes les deux en avant l’importance d’« être à l’écoute » et d’« essayer
de communiquer avec les patients ». Elles ciblent toutes les deux plus particulièrement
l’importance de la communication non verbale mais selon les deux versants : celle des
patients pour Clara grâce à l’attention et l’observation et celle des soignants pour Anna
28
à travers les « signes et gestes » (lignes 42-43) utilisés. L’écoute et l’observation sont
deux éléments du rôle infirmier développés dans l’approche anthropologique des soins
selon l’auteure Anne Vega. Par ailleurs, pour favoriser cette communication, elles
identifient toutes les deux le rôle des personnes ressources. Elles s’appuient sur la
collaboration avec un interprète en lien avec les difficultés liées à la barrière de la
langue. Elles favorisent également la participation de la famille et des personnes du
même groupe culturel ; la « famille » et la « communauté » étant des acteurs de
l’identification culturelle selon Purnell.
Anna et Clara développent toutes les deux l’idée d’« aller vers l’autre » qui permet
notamment d’acquérir une compréhension systémique du patient, telle qu’évoquée dans
le cadre théorique par Michel Fontaine. La posture professionnelle à adopter semble
« clairement identifiée » (ligne 47) selon Clara ; grâce aux « connaissances qu’on a »
(ligne 36) de la culture de l’autre, selon Anna. En effet, « la connaissance culturelle »
permet de mieux comprendre la situation globale de la personne soignée et de s’adapter
à ces contextes de soins particuliers. A ce propos, Anna enrichit la réflexion autour
d’une adaptation mutuelle (ligne 74) .Elle illustre l’adaptation des soignants sur le
terrain par le fait de « passer plus de temps », de « faire plus d’efforts » et d’« utiliser
différents moyens » (lignes 59, 101 et 134) pour expliquer et réexpliquer. Je retrouve ici
les concepts de « soin culturel restructuré, mutuellement établi » et d’« accommodation
du soin culturel » mis en avant dans le modèle de Leininger. De plus, je suis interpellée
par les remarques d’Anna lorsqu’elle évoque le fait que « les gens nous guident dans ce
qu’ils sont capables […] de nous donner et nous on les guide vers ce qu’on a besoin »
(lignes 76-77). J’avais développé dans le cadre théorique le concept d’accompagnement
qui m’a permis de m’intéresser aux apports de l’auteure Maela Paul. A travers ses
écrits, j’avais souligné l’importance de « guider et éveiller » la personne soignée aux
cultures médicale et soignante grâce notamment à l’éducation du patient, mise
également en avant par Anna (ligne 87). Cependant, son récit me permet de reconsidérer
ce concept d’accompagnement avec l’idée que le patient de culture étrangère
accompagne, éveille et guide le soignant vers des « soins congruents avec leur
culture », évoqués par Margot Phaneuf.
Je remarque que pour aborder le rôle infirmier, Clara est davantage centrée sur ce
qu’elle « ressent » (ligne 46). Anna, elle, évoque certaines des valeurs professionnelles
abordées dans le cadre théorique à travers la notion de « sensibilité culturelle » et les
enrichit d’autres compétences infirmières. Elle met en avant les enjeux autour de
29
l’instauration d’une relation de confiance, des explications données aux soins prodigués,
de l’assurance et la réassurance, de la recherche de consentement et du respect des choix
du patient. Par ailleurs, elles évoquent toutes les deux les difficultés rencontrées dans
ces situations de soins avec des points de vue différents mais complémentaires. En effet,
Clara, qui semble plus attachée aux ressentis et émotions, notamment dans le vécu de
situation de soins palliatifs, aborde les questionnements d’équipe par « peur […] d’aller
à l’encontre des souhaits de la famille et de faire une erreur » (lignes 63-65). De son
côté, Anna évoque les situations de « conflits et d’inquiétudes » (lignes 69-70)
rencontrées lorsque les équipes soignantes n’ont pas les moyens de s’adapter aux
besoins culturels des patients. Elle reconnait, malgré la volonté de prodiguer des soins
personnalisés et de qualité, les limites du soignant face par exemple à un refus de soins
non inscrits dans la culture du patient africain VIH. A ce sujet, le récit des deux IDE
permet une mise en lien avec la réflexion de David Lebreton autour du « sentiment de
relativité des valeurs et des actes » qui permet d’améliorer les pratiques
professionnelles et d’« accepter » les limites et difficultés rencontrées en situation
multiculturel. De mon côté, la difficulté que m’évoquait la prise en soin de patient de
culture étrangère concernait le respect du concept d’équité. Imprégnée par les valeurs
professionnelles et le cadre législatif d’exercice de la profession, je me suis centrée sur
ce concept dans le cadre théorique et j’ai construit une question amenant chaque IDE à
évoquer la place de l’équité dans leurs pratiques. Lorsque je les ai questionnées sur ce
point, Anna et Clara semblaient toutes les deux surprises. Clara avait évoqué ce principe
d’équité avant même que je pose ma question, elle a souligné le fait qu’elle « agit un
peu avec tout le monde pareil » (ligne 46). Elle précise que l’équité relève du « bon
sens » (ligne 91) dans la pratique infirmière et Anna complète cette réflexion en
insistant sur le fait qu’« on essaye de faire aussi bien pour tout le monde » (ligne 129).
Dans le cadre théorique, j’ai soumis l’idée que le concept d’équité semblait inhérent
directement à l’exercice de la profession dans tous contextes de soins et à tout patient.
Cette réflexion est enrichie par la remarque de Clara qui constate qu’« on part dans ce
métier de soins [pour] travailler avec de l’humain » (lignes 92-93). Je retrouve à travers
cette phrase l’idée développée par David Lebreton qui précise que « ce ne sont pas des
cultures qui se rencontrent mais des hommes ». Ainsi, l’humain est cœur de métier et
l’iniquité serait un « non-sens » dans la pratique professionnelle.
30
3.4. Formations et compétence spécifiques
La dernière thématique s’intéresse aux réflexions portées par les IDE en termes
d’acquisition d’une compétence culturelle, notamment grâce aux enseignements à l’IFSI
ou lors d’une formation continue. Les investigations théoriques autour des compétences
infirmières permettant l’accompagnement des patients de culture étrangère, m’ont
amenée à considérer l’importance de l’acquisition d’une compétence spécifique, la
« compétence culturelle ». Mais dans l’exercice quotidien de ce métier, les IDE
portent-elles un même intérêt à l’acquisition d’une telle compétence ?
Concernant la formation à l’IFSI, Clara semble regretter de ne pas avoir reçue
d’enseignements approfondis concernant la connaissance des différentes cultures. Son
point de vue diverge avec celui d’Anna qui ne semble pas attacher d’importance à ces
enseignements lors de la formation infirmière. Elle pense que ces apports « peuvent
aider » (ligne 149) mais qu’ils ne suffisent pas pour former les professionnels. Elles
soulignent toutes les deux le fait que les formations à une compétence spécifique
permettent d’« éveiller les curiosités » (Clara, ligne 108 ; Anna, ligne 152). Cependant,
on note un point de divergence car Clara insiste sur la curiosité individuelle, alors
qu’Anna inscrit ce processus d’acquisition dans une démarche de travail d’équipe.
Marquée par ses expériences en soins palliatifs, Clara perçoit cette compétence
spécifique comme nécessaire « pour ne pas faire d’impairs » (ligne 108). Quant à Anna,
elle ne reconnait pas la nécessité d’une compétence spécifique. D’après elle, il n’y a pas
de caractère spécifique de cette compétence dès lors qu’elle « fait partie du rôle
infirmier » (ligne 145). Ces deux points de vue, riches des expériences variées de
chacune des IDE, se complètent et illustrent les différentes étapes d’acquisition de la
compétence culturelle selon le modèle de Purnell. En effet, dans le discours de Clara, je
retrouve une forme de « compétence consciente » et soucieuse de ne pas heurter les
besoins culturels du patient et de son entourage. Parallèlement, le discours d’Anna
semble davantage s’inscrire dans l’idée d’une « compétence inconsciente » où la posture
professionnelle relève d’« automatismes » acquis par l’exercice même du rôle infirmier.
Par ailleurs, les deux IDE valorisent l’intérêt d’une formation continue pour acquérir
des connaissances culturelles. Clara semble très enthousiaste et rappelle son souci
d’améliorer ses pratiques dans ces contextes de soins. Anna de son côté met à nouveau
en avant le travail d’équipe et insiste sur le caractère ponctuel de ces apports théoriques.
Leur réflexion autour de l’acquisition de connaissances culturelles me permet de
redessiner les contours d’une compétence culturelle individuelle, au service de l’équipe
31
soignante. L’acquisition de cette compétence prend également sens grâce aux
expériences pratique, professionnelle et personnelle. Anna insiste sur le fait qu’« il faut
y être confronté en vrai pour pouvoir prendre la mesure de la chose » (ligne 150). Je
retrouve dans sa remarque l’idée développée par Durier et Pérel qui précisent que « la
confrontation au quotidien des personnes culturellement différentes constituent le
meilleur apprentissage ».
4. Synthèse
Les phases empirique et théorique menées lors de la réalisation de ce mémoire
m’ont permis de donner du sens au travail de recherche effectué autour de la question de
départ initiale : « En quoi les compétences infirmières permettent-elles
l’accompagnement des patients de culture étrangère ? ». Les investigations
documentaires m’ont permis de légitimer ce questionnement et les entretiens
exploratoires m’ont amené à le contextualiser dans la réalité quotidienne des soins.
A cette étape de ma réflexion, l’objectif n’était ni d’opposer les points de vue ni de
comparer la théorie et la pratique mais de les nourrir mutuellement.
Concernant les représentations du patient de culture étrangère, les phases empirique
et théorique se corroborent autour des notions de nationalité et d’identité propre du
patient pour ne pas le réduire à sa seule appartenance culturelle. Cependant, l’une des
IDE enrichit la réflexion en évoquant l’appartenance religieuse comme élément pouvant
influencer la prise en soins des patients de culture étrangère. Dans le vécu des
différences culturelles, les professionnelles de terrain apportent des éléments nouveaux.
Elles mettent en avant toutes les deux la barrière de la langue comme premier niveau de
difficultés dans ces situations de soins. Cependant, les deux parties du travail se
rejoignent sur l’importance à porter quant au vécu du patient et sur la prise en compte
des différentes composantes culturelles dans les soins (soins du corps, alimentation,
place de la famille,…). L’idée que la maladie et la façon de la soigner sont
culturellement construites est mise en avant dans les parties documentaires et confirmée
par le vécu d’une des IDE. Quant aux compétences infirmières sollicitées en contexte
multiculturel, le concept d’accompagnement développé dans la partie théorique est
enrichi par le fait que le patient de culture étrangère peut également guider le soignant
vers des soins congruents à sa culture. Dans les deux parties de ce travail, les
compétences infirmières mises en avant sont centrées autour des compétences
32
relationnelles. Cependant, la phase empirique insiste davantage sur les capacités
d’adaptation du soignant, la communication non verbale et l’analyse des difficultés
rencontrées comme facteur nécessaire à l’amélioration des pratiques. Quant à la
communication verbale, la réalité de terrain met à nouveau en exergue la barrière de la
langue et la nécessité d’identifier des personnes ressources (interprètes ou membres de
la famille). Les phases empirique et théorique se complètent également autour de la
relativité du concept d’équité comme préalable inhérent à l’exercice même de la
profession. Par ailleurs, concernant l’acquisition d’une compétence spécifique, les
points de vue des IDE divergent mais je retiens la nécessité de développer des
connaissances sur les différentes cultures représentées en France. Les deux parties de ce
travail mettent en avant l’importance de la confrontation à ces situations de soins
comme principal élément d’amélioration des pratiques.
Clara et Anna du fait de leurs expériences variées ont enrichi les éléments issus des
recherches documentaires. Dans leurs divergences, similitudes et complémentarités
elles ont finalement apporté du concret au théorique. La confrontation avec la réalité du
terrain permet de remettre en langage professionnel ce que constitue l’expérience
d’accompagnement de patients en contexte multiculturel.
33
Question de recherche
La synthèse des entretiens menés auprès des professionnelles de terrain m’incite à
centrer ma réflexion autour des compétences relationnelles infirmières qui permettent la
prise en soin de tout patient, quelle que soit son appartenance culturelle. Cependant, en
contexte multiculturel, les compétences relationnelles sont influencées par la capacité de
l’IDE à entrer en communication avec le patient. Cette communication peut être mise à
mal par la barrière de la langue et peut impacter sur la qualité des soins prodigués.
Ainsi, cette réflexion me permet d’étayer ma question de départ pour ouvrir mon travail
vers une nouvelle hypothèse de recherche : « Face à la barrière de la langue, en quoi
les compétences infirmières permettent-elles un accompagnement de qualité des
patients diabétiques de culture étrangère lors des séquences d’éducation
thérapeutique ».
L’échantillon de l’étude comprendrait l’ensemble des personnels infirmiers
impliqués dans les séquences d’éducation thérapeutique. Je m’intéresserais aux
professionnels des établissements publics et privés, petites et grandes structures. Je
mènerais mon enquête auprès des services d’hospitalisation complète, de semaine et de
jour de médecine adulte, d’endocrinologie et de diabétologie.
L’outil utilisé sera un questionnaire d’auto-évaluation envoyé directement dans les
services. Les séquences d’éducation thérapeutique pouvant répondre à une organisation
propre à l’établissement, je m’intéresserais à l’évaluation des pratiques en début et fin
de séquence. Je joindrais deux questionnaires distincts. Le premier s’intéresserait aux
objectifs des séquences d’éducation et aux compétences organisationnelles et
relationnelles projetées par les IDE pour les mener à bien. Le second permettrait
d’évaluer après la séquence, la qualité de l’accompagnement des patients, les outils
utilisés et le ressenti des difficultés. La qualité de l’accompagnement nécessitant une
analyse plus fine, je procéderais dans un second temps à la réalisation d’entretiens semi-
directifs auprès d’un échantillon d’IDE plus restreint. Je me base sur une durée de 12
mois pour finaliser cette étape de la recherche.
La dernière étape de ce projet sera d’effectuer une analyse statistique des données
recueillies au travers des questionnaires d’auto-évaluation. Les résultats obtenus seront
enrichis par une analyse qualitative, comparative et thématique des entretiens menés
auprès des IDE.
34
Conclusion
J’ai choisi de réaliser mon TFE autour des compétences infirmières quant à
l’accompagnement des patients de culture étrangère. J’ai centré mon attention sur ce
contexte de soins particulier car marquée par le ressentie d’une vulnérabilité à laquelle
je n’avais jusqu’à cette situation pas été confrontée. J’ai mené ce travail d’initiation à la
recherche suivant deux axes majeurs : le vécu du soigné et le rôle du soignant. Cette
réflexion m’a amenée à considérer la culture comme un concept complexe mais
néanmoins primordial à respecter pour une prise en soins de qualité. Par ailleurs, j’ai
également mis en avant les principales compétences infirmières sollicitées dans ces
situations. Si ma partie théorique s’intéressait davantage aux concepts
d’accompagnement et d’équité, les entretiens exploratoires ont ouvert ma réflexion
autour des concepts de communication et d’adaptation. L’IDE est une professionnelle
de santé dont la posture réflexive et les compétences relationnelles permettent de
s’adapter à toutes situations de soins. Et cette adaptation est le fruit d’une
communication efficace, d’une part avec la personne soignée et d’autre part avec
l’ensemble de l’équipe soignante. De plus, la confrontation aux témoignages des
professionnels de terrain m’a permis de renforcer la légitimité de mon questionnement.
Et l’existence d’une formation continue et d’un diplôme universitaire sur
l’interculturalité semble répondre à des besoins de professionnels, soucieux d’être
équitables et d’assurer une prise en soins de qualité.
Ce travail m’a rappelé à mes motivations premières dans le choix de devenir
infirmière : agir au mieux dans l’intérêt du patient vulnérable face à la maladie et se
nourrir de relations humaines riches qu’apporte l’exercice quotidien de cette profession.
Ces motivations m’ont servi à construire un TFE à mon image et à l’image de la
professionnelle que j’aspire à devenir. Enrichie par les expériences théoriques et
pratiques de la formation, ce travail de recherche me semble être un parfait miroir des
prémices de l’identité professionnelle qu’il me reste à construire demain au fil des
situations de soins et des rencontres avec les patients. La réalisation de ce TFE me
permet de prendre du recul sur trois années de formation et reflète le plaisir pris à mettre
en mot mon authenticité et ce sentiment d’empathie qui me tient tend à cœur.
Cependant, j’avoue avoir rencontré certaines difficultés dans la rédaction de ce travail.
La première concerne la partie théorique qui a mise à mal mes capacités de synthèse et
de tri des éléments à sélectionner pour répondre à ma question de départ. Cette difficulté
reflète l’intérêt que je portais pour mon sujet car tous les apports théoriques semblaient
35
faire écho et sens pour nourrir ma réflexion. La seconde difficulté rencontrée concerne
l’élaboration du guide d’entretien à destination des professionnelles de terrain.
J’éprouvais des difficultés à me détacher des réponses « espérées » et me sentais trop
« imprégnée » du cadre théorique pour construire des questions efficaces.
Pour finir, ce travail m’a apporté un éclairage sur ma pratique et m’a permis de
reconsidérer le sens même de la notion de « globalité » dans la prise en charge du
patient. En effet, au fur et à mesure de l’avancement de ce travail, j’ai transposé la
réflexion aux différentes situations de soins que j’allais rencontrées dans la pratique. Au
delà des différences culturelles, n’existe-t-il pas d’autres différences entre le soignant et
le soigné ? Qu’en est-il des différences éducatives, familiales, sociales,
générationnelles,… ? Une fois de plus, ce travail m’a permis d’approfondir une
compétence infirmière clé : la posture réflexive qui appartient à chaque professionnel et
permet d’améliorer sa pratique au décours des différentes rencontres avec la singularité
des patients.
I
Bibliographie
Webographie
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=if38, consulté le 03/02/16
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/IMMFRA12_h_Flot2_flu.pdf (p.138),
consulté le 27/09/2015
Définitions : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/
Spiritualité (consulté le 24/12)
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1241714/fr/education-therapeutique-du-
patient-etp, consulté le 24/10/15
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/etp_-
_definition_finalites_-_recommandations_juin_2007.pdf (p.6), consulté le 24/10/15
https://www.idf.org/sites/default/files/attachments/DV59-1-Gishoma_FR.pdf (p.13),
consulté le 27/09/2015
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/culture/39079, consulté le 24/10/15
http://lesdefinitions.fr/ethnocentrisme#ixzz3rviXkGrv, consulté le 19/11/15
http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/ISS/determinants-sante.asp, consulté le
11/11/15
https://fr.wikipedia.org/wiki/Acculturation_psychologique, consulté le 24/10/15
http://nurseslabs.com/wp-content/uploads/2014/08/Leininger-Sunrise-Model.png,
consulté le 12/02/16
Ouvrages
Profession infirmier, formations des professions de santé. Recueil des principaux
textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’état et à l’exercice de la
profession. Editions BERGER - LEVRAULT. Mise à jour le 10/07/2012. REF.
531200
VEGA Anne, Soignants/Soignés, Pour une approche anthropologique des soins
infirmiers, édition De Boeck, 1ère
édition, 2ème
tirage 2004. ISBN 2-8041-3810-0
MORFAUX Louis-Marie et LEFRANC Jean, Nouveau vocabulaire de la
philosophie et des sciences humaines, Ed. Armand Colin, 2010. ISBN 978-2-2002-
6981-4
II
LEVY Isabelle, Soins, cultures et croyances - Guide pratique des rites, cultures et
religions à l'usage des personnels de santé et des acteurs sociaux, Editions Estem,
2ème
édition 2008. ISBN 978-2-84371-449-8
MERKLING Jacky et LANGENFELD Solange, Psychologie, Sociologie,
Anthropologie, collection Les essentiels en IFSI, édition Elsevier Masson, 2010.
ISBN 978-2-294-71057-5
PAILLARD Christine, Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, 2ème
éd., Ed
Setes, avril 2015. ISBN 979-10-91515-28-3
LE BRETON David, Anthropologie de la douleur, Editions Métaillé, novembre
2012. ISBN 978-2-86424-191-1
FORMARIER Monique et JOVIC Ljiljana (sous la direction de), Les concepts en
sciences infirmières, 2ème éd., Ed Mallet Conseil, 2012. ISBN 978-2-9533311-0-3
PAUL Maela, L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Ed
L’Harmattan, 2004. ISBN 2-7475-7494-6
AIT ABDELMALEK Ali et GERARD Jean-Louis, Sciences humaines et soins :
manuel à l’usage des professions de santé, Ed Interéditions, 1995. ISBN 2-7296-
0502-9
Article de revue
DURIER Marie-Chantal et PEREL Béatrice, Dimension culturelle et soin : pour une
prise en charge globale, Objectif Soins et Management n°239, mai 2015
Articles en ligne
FONTAINE Michel, L’accompagnement, un lieu nécessaire des soins infirmiers…,
Pensée plurielle, 2009/3 n°22 [pdf en ligne], disponible sur Internet
<http://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2009-3-page-53.htm>, consulté le
07/02/2016
Espace éthique AP/HP, Les pratiques de soin en situation interculturelle, juillet
2008 [pdf en ligne], disponible sur Internet <http://www.espace-
ethique.org/sites/default/files/Soin_interculturalite_juillet08.pdf>, consulté le
28/01/2016
III
ZASK Joëlle, Propositions pour une politique culturelle, Cahiers Sens
public 3/2009 (n°11-12) [en ligne], disponible sur Internet <www.cairn.info/revue-
cahiers-sens-public-2009-3-page-103.htm>, consulté le 07/02/16
ROCHER Guy, La notion de culture (p.4 et 7), extraits du livre Culture, civilisation
et idéologie [pdf en ligne], disponible sur Internet <http://jmt-
sociologue.uqac.ca/www/word/387_335_CH/Notions_culture_civilisation.pdf>,
consulté le 24/10/15
Collectif IENE de France, Pour un développement de la compétence culturelle,
Objectifs Soins et Management n°211, décembre 2012 [pdf en ligne], disponible sur
Internet
<http://www.ieneproject.eu/download/Outputs/Objectif%20Soins%20et%20Manage
ment.pdf>, consulté le 14/02/16
COUTU-WAKULCZYK Ginette, Pour des soins culturellement compétents : le
modèle transculturel de Purnell, Recherche en Soins Infirmiers n°72, mars 2003
[pdf en ligne], disponible sur Internet <http://fulltext.bdsp.ehesp.fr/Rsi/72/34.pdf>,
consulté le 10/02/16
NAOUFAL Caroline, La théorie de l’universalité et de la diversité des soins selon
la culture de Leininger [en ligne], disponible sur Internet
<http://rechercheensoinsinfirmiers.com/theorie-universalite-diversite-soins-culture-
leininger/>, consulté le 12/02/16
PHANEUF Margot, L’approche interculturelle, une nécessité actuelle, 1ère partie :
Regard sur la situation des immigrants au Québec et sur leurs difficultés, mars 2009
(révision février 2013) [pdf en ligne], disponible sur Internet
<http://www.prendresoin.org/wp-
content/uploads/2013/02/Approche_interculturelle_une_necessite_actuelle-
Regard_sur_la_situation_....pdf>, consulté le 14/02/16
IV
Table des sigles
AP/HP Assistance Publique des Hôpitaux de Paris
CMU Couverture Maladie Universelle
EHPAD Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
ETP Education Thérapeutique du Patient
HAS Haute Autorité de Santé
IDE Infirmier(e) Diplômé(e) d’Etat
IFSI Institut de Formation en Soins Infirmiers
INPES Institut National de Prévention et d’Education à la Santé
INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
OMS Organisation Mondiale de la Santé
TFE Travail de Fin d’Etudes
VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine
V
Annexes
VI
Annexe I - Les déterminants de la santé, modèle de Dahlgren et
Whitehead53
53 http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/ISS/determinants-sante.asp
VII
Annexe II - Principe d’acculturation psychologique : modèle de
Berry54
Tableau des stratégies d'acculturation adoptées par les immigrés (John W. Berry):
Maintien de la culture
d'origine
OUI NON
Adoption de la
culture d'accueil
OUI Intégration Assimilation
NON Séparation Marginalisation
54 https://fr.wikipedia.org/wiki/Acculturation_psychologique
VIII
Annexe III - Les zones frontalières du champ sémantique
d’accompagner55
55 PAUL Maela, L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Ed L’Harmattan, 2004.
ISBN 2-7475-7494-6
IX
Annexe IV - Projet européen PTT/IENE (Papadopoulos Taylor
Tilki/Intercultural Education of nurses in Europe)56
56 Collectif IENE de France, Pour un développement de la compétence culturelle, Objectifs Soins et
Management n°211, décembre 2012
X
Annexe V - Modèle de soins transculturels de Madeleine Leininger57
57 http://nurseslabs.com/wp-content/uploads/2014/08/Leininger-Sunrise-Model.png
XI
Annexe VI - Modèle transculturel de Larry Purnell58
58 COUTU-WAKULCZYK Ginette, Pour des soins culturellement compétents : le modèle transculturel
de Purnell, Recherche en Soins Infirmiers n°72, mars 2003
XII
Annexe VII – Guide des entretiens exploratoires
QUESTION 1 : Pouvez-vous vous présenter ? (âge, année d’obtention du diplôme,
parcours professionnel et lieux d’exercice, ancienneté dans le service actuel)
QUESTION 2 : Si je vous parle de personnes de culture étrangère, à quel type de
patients pensez-vous ?
Dans quels contextes avez-vous été amenée à prendre en soins des patients de
culture étrangère ?
Comment avez-vous pris en compte la culture d’appartenance du patient pour
assurer sa prise en soins ?
QUESTION 3 : Dans ces contextes de soins, comment les différences culturelles du
patient se sont-elles exprimées ?
[En dehors de la barrière de la langue] avez-vous repéré d’autres éléments
intervenant dans le ressenti de ces différences ?
QUESTION 4 : Que pouvez-vous mettre en place pour répondre au mieux aux
besoins de ces patients ?
Selon vous, quelles autres compétences professionnelles et relationnelles sont
mises en avant pour accompagner ces patients ?
Pouvez-vous me parler de la place de l’équité dans ces situations de soins ?
QUESTION 5 : Que pensez-vous de l’idée de développer une compétence
spécifique pour ces situations de soins ?
Au vue des situations que vous avez rencontrées, pensez-vous que les apports
lors de la formation suffisent ?
Que pensez-vous d’une formation continue pour développer cette compétence ?
XIII
Annexe VIII – Retranscription Entretien n°1 : Clara
QUESTION 1
MOI : « Pouvez-vous vous présenter ? (âge, année d’obtention du diplôme,
parcours professionnel et lieux d’exercice, ancienneté dans le service actuel) »
CLARA : « alors [euh…] je suis Clara, j’ai 33 ans, je suis diplômée depuis novembre
2007. J’ai commencé à travailler en médecine de jour dans une clinique de la région
parisienne, ensuite [euh…] j’ai fait de l’intérim toujours en région parisienne en […] 5
pédopsychiatrie et en rééducation et qu’est ce que j’ai fait d’autre [euh…] un peu de
maison de retraite. Ensuite je suis partie en Guyane pendant 3 mois dans une clinique
privée où j’ai travaillé en chirurgie ensuite [euh…] je suis revenue en région parisienne
où j’ai refait un petit peu d’intérim et ensuite [euh…] je suis venue à T. (37) pour
commencer de l’intérim aussi, j’ai travaillé dans une clinique pendant 4 ans de nuit en 10
médecine. Ensuite je suis partie 6 mois à R. (41) dans un hôpital public où j’ai travaillé
au bloc opératoire, en pédopsychiatrie et en [euh…] consultations externes et ensuite je
suis arrivée il y a un peu plus de 2 ans maintenant dans l’EHPAD, courant 2013, c’est
ça ».
15
QUESTION 2
MOI : « Si je vous parle de personnes de culture étrangère, à quel type de patients
pensez-vous ? »
CLARA : « je pense à la Guyane surtout avec [euh…] la multiplicité, enfin la diversité
en fait de [euh…] populations, avec la diversité de dialectes [euh…] je pense à la 20
population mong qui est une population asiatique, je pense à la population créole qui
parlait français et je pense à la population aussi [euh…] d’Haïti en fait [euh…] qui
parlait pas très bien français avec plusieurs [euh…] on dit tribus mais c’est pas péjoratif
[…] qui vivaient prêt du fleuve et qui parlaient des dialectes qui étaient difficilement
compréhensibles [bah…] quand on avait comme langue que le français, l’anglais ou 25
l’espagnol en communication enfin [euh…] de langues apprises à l’école ».
MOI : « Dans quels contextes avez-vous été amenée à prendre en soins des patients
de culture étrangère ? »
CLARA : « en Guyane et j’ai des souvenirs aussi en médecine en France avec des
patients d’origine slave qui parlaient que anglais et j’avais une mauvaise connaissance 30
de l’anglais [euh…] surtout là et en médecine avec des gens d’origine [euh…]
d’Afrique du Nord surtout ».
MOI : « Comment avez-vous pris en compte la culture d’appartenance du patient
pour assurer sa prise en soins ? »
CLARA : « déjà par rapport à ce que elle, elle allait m’en dire en fait [euh…] bah c’est 35
pas toujours évident [euh…] j’ai une anecdote où justement en Guyane j’étais persuadée
que le monsieur [euh…] je suis restée sur des préjugés, j’étais persuadée qu’il était
d’origine latine et je me suis mise à lui parler en espagnol et son voisin de chambre, qui
était lui d’origine africaine s’est mis à rire et il m’a dit [euh…] il comprend rien de ce
que tu es en train de lui dire c’est quelqu’un du fleuve et [euh…] en fait il parle son 40
dialecte et il comprend rien en fait mais [euh…] essayer déjà de communiquer c’était
déjà compliqué de savoir de quelle région du monde ou quel dialecte et quelle langue il
parle, après [euh…] prendre en compte c’est délicat […] je sais pas si je suis un
XIV
soignant enfin […] si on m’oppose pas ou si on me montre pas qu’il va y avoir une
atteinte à la pudeur ou […] je crois que j’agis un peu avec tout le monde pareil je crois 45
[hein…] sauf si on me montre que [euh…] je crois qu’on le ressent si y’a une distance à
mettre en place, je crois que c’est clairement identifié, je le ressens comme ça ».
QUESTION 3
MOI : « Dans ces contextes de soins, comment les différences culturelles du patient 50
se sont-elles exprimées ? »
CLARA : « bah par la langue déjà, ça c’est sûr, je crois que c’est le seul attrait qui m’ait
interpellée [euh…] sinon non je vois pas ».
MOI : « En dehors de la barrière de la langue, avez-vous repéré d’autres éléments
intervenant dans le ressenti de ces différences ? » 55 CLARA : « [euh…] si ça y est ça me revient [euh…] c’était dans un service avec
beaucoup de soins palliatifs et c’était [euh…] pour les rites funéraires des gens de
culture différente et je me rappelle qu’on s’est beaucoup questionné parce que j’ai pas
le souvenir d’avoir étudié ça à l’IFSI pendant ma formation et [euh…] j’ai le souvenir
que c’était une personne de confession musulmane [euh…] et la toilette devait être faite 60
par un homme et j’ai le souvenir que [euh…] il fallait qu’il y ait qu’une seule main des
deux qui fasse la toilette car je crois qu’il y avait une main qui était considérée comme
pure et l’autre comme impure et je sais qu’on est restés bloqués quelques moments
parce qu’on avait peur en fait en équipe de [euh…] d’aller à l’encontre des souhaits de
la famille et de faire une erreur ça […] ça je m’en rappelle et ça m’avait un peu bloquée 65
et là où je suis actuellement [euh…] en maison de retraite, y’a eut le décès d’une dame
de confession juive où y’avait également [euh…] des souhaits à respecter avec
l’absence de fleurs à ramener dans la chambre où […] ça ce sont des choses ouais qui
peuvent [euh…] qui serait à apprendre et qui peuvent bloquer peut-être la prise en
charge par rapport aussi à la famille je crois ». 70
QUESTION 4
MOI : « Que pouvez-vous mettre en place pour répondre au mieux aux besoins de
ces patients ? »
CLARA : « être à leur écoute [euh…] leur demander si [euh…] être attentif je crois à 75
des signes d’expression non verbale aussi […] une communication non verbale [euh…]
et puis apprendre de leurs cultures et toujours essayé de comprendre le pourquoi du
comment je crois oui essayer d’aller vers l’autre […] plus ça ouais ».
MOI : « Selon vous, quelles autres compétences professionnelles et relationnelles
sont mises en avant pour accompagner ces patients ? » 80 CLARA : « l’écoute, l’attention […] être observateur je crois [euh…] et puis prendre en
charge aussi […] être à l’écoute aussi des aidants naturels enfin des membres de la
famille qui en fonction je pense des cultures et des […] confessions, je crois qu’en
France y’a plusieurs diversités de population et la place de la famille est différente des
fois en fonction de […] de l’origine et faire attention aussi à ce que peut nous dire la 85
famille et ce qu’elle peut nous apprendre si le patient est soit trop fatigué ou trop malade
pour […] pour nous en parler [euh…] peut être plus ça oui ».
MOI : « Pouvez-vous me parler de la place de l’équité dans ces situations de
soins ? »
CLARA : « la place de l’équité dans ces situations de soins ? [ …] je sais pas, je dirai 90
que c’est du bon sens mais je suis pas certaine de répondre à la question [euh…] je crois
XV
que c’est un peu utopique ce que je dis mais [euh…] on part dans ce métier de soins où
on se dit qu’on va travailler avec de l’humain toute notre vie et [euh…] et euh je crois
que si on n’est pas équitable ou si on ne fait pas la même chose pour tout le monde enfin
[…] on est dans le non-sens en fait ». 95
QUESTION 5
MOI : « que pensez-vous de l’idée de développer une compétence spécifique pour
ces situations de soins ? »
CLARA : « peut-être déjà, j’ai vu que à certains endroits, surtout dans les gros 100
établissements, des interprètes [euh…] ça, je trouve que c’est hyper important [euh…]
qu’un patient quand il n’y a pas un membre de sa famille qui est près de lui et qui peut
traduire les propos ; qu’il y ait une personne ressource de l’établissement hospitalier ou
de la clinique pour pouvoir [euh…] l’aider à parler, ça je trouve que c’est hyper
important ; ça c’est surtout par rapport à la langue [euh…] après […] je pense que ça 105
fait partie de chaque soignant et de chaque individu d’avoir la curiosité de […] de
chercher à se renseigner sur la culture des gens avec qui on peut travailler pour pas faire
d’impairs surtout et [euh…] bah là du coup c’est plutôt individuel comme travail et
[euh…] ça dépend beaucoup de la curiosité de chacun en fait ; je pense ».
MOI : « Au vue des situations que vous avez rencontrées, pensez-vous que les 110
apports lors de la formation suffisent ? »
CLARA : « non, déjà par rapport aux rites funéraires, je crois avoir le souvenir d’avoir
un polycopié donné à l’IFSI et [euh…] ça m’a pas particulièrement marqué alors que
c’est des problématiques qui peuvent se poser à l’heure actuelle [euh…] plus par rapport
à ça […] ouais non je suis pas sûre que ce soit si bien abordé et étudié ». 115
MOI : « Que pensez-vous d’une formation continue pour développer cette
compétence ? »
CLARA : « de découvrir d’autres cultures ? […] oui très enrichissant je pense et ça
permettrait que les gens, justement qui sont curieux de […] pour s’améliorer à ce niveau
là puisse entreprendre cette formation oui je pense que ce serait une bonne idée 120
effectivement ».
XVI
Annexe IX – Retranscription Entretien n°2 : Anna
QUESTION 1
MOI : « Pouvez-vous vous présenter ? (âge, année d’obtention du diplôme,
parcours professionnel et lieux d’exercice, ancienneté dans le service actuel) »
ANNA : « euh donc j’ai 38 ans, je suis infirmière depuis 15 ans [euh…] 16 ans et mon
parcours professionnel j’ai commencé à travailler à V. (41), ensuite j’ai été muté
[euh…] à T. (37) [silence…] en psychiatrie puis en soins généraux, j’ai fait de la 5
pneumologie et après je suis venue ici [euh…] 6 ans dans ce service ».
QUESTION 2
MOI : « Si je vous parle de personnes de culture étrangère, à quel type de patients
pensez-vous ? » 10 ANNA : « [silence…] quel type de patients ? [euh…] c’est-à-dire [euh…] enfin pour
moi c’est […] là je dois vous avouer que c’est un peu vague comme question [euh…]
pour moi bah c’est des patients qui ont pour moi des cultures étrangères, c’est qu’ils
n’ont pas la même culture que moi c’est-à-dire que c’est des patients africains [euh…]
que ce soit Afrique centrale ou Afrique du Nord ou des patients de l’Europe de l’est. On 15
a parfois des asiatiques mais c’est quand même assez rare. En général c’est soit |euh…]
soit Europe de l’est, soit africains du nord, soit africains du centre et bon […] on a
quelques portugais et espagnols mais bon après on a quand même une culture assez
proche d’eux donc c’est pas vraiment des cultures différentes ».
MOI : « Dans quels contextes avez-vous été amenée à prendre en soins des patients 20
de culture étrangère ? »
ANNA : « bah […] de la maladie qu’ils avaient [silence…] bah nous on est dans un
contexte de maladies infectieuses bah c’est en cas d’infections [euh…] c’est-à-dire
[euh…] soit le VIH, soit la tuberculose pour citer les grosses catégories quoi, après […]
y’en a qui ont des [euh…] y’a des gens qui ont des érysipèles et on a plein de 25
pathologies alors [euh…] le problème des gens de l’Europe de l’est ou des pays
africains c’est que souvent ils ont des maladies qui sont assez résistantes à nos
antibiotiques […] les tuberculoses chez les pays de l’Europe de l’est sont assez difficiles
à traiter [euh…] voilà y’a aussi pas mal d’africains qui viennent pour des
contaminations par le VIH voilà […] parce que je pense qu’en Afrique ils n’ont pas le 30
même niveau de soins et puis c’est assez tabou là bas aussi [silence…] mais après ils
ont des infections comme tout le monde quoi [rires…] c’est pas dû forcément à leur
culture ».
MOI : « Comment avez-vous pris en compte la culture d’appartenance du patient
pour assurer sa prise en soins ? » 35 ANNA : « [euh…] bah avec les connaissances qu’on a [euh…] on sait qu’il y a
certaines choses c’est vrai qui sont […]. Bah déjà on fait toujours preuve de discrétion
quoi qu’il arrive et ça [euh…] souvent les gens apprécient, ça ils aiment beaucoup qu’on
soit discret sur leur pathologie quel quelle soit et puis après c’est vrai on est assez à
l’écoute de leur [euh…] remarques, de leurs grimaces voilà […]. Si y’a des hommes qui 40
ne veulent pas être lavés par des aides soignantes le matin parce que voilà y’a […] y’a
une barrière de la langue qu’on arrive souvent quand même à passer avec des signes,
des gestes et tout ça après [euh…] la prise en charge [interruption par une collègue du
XVII
service] bah […] on essaye de […] de faire en sorte qu’ils puissent recevoir [euh…] de
la visite de gens qui sont proches de leur culture, ça on essaye de favoriser ça, ne pas les 45
isoler même quand ils ont des maladies contagieuses, on fait prendre les précautions aux
autres personnes mais on les laisse quand même […] voilà et puis après y’a des choses
qui ne sont peut-être pas forcément bien vues dans la culture des gens mais qu’on est
obligés donc on essaye de leur expliquer le bien fondé de nos actes [silence…] pour que
les soins se passent bien ». 50
QUESTION 3
MOI : « Dans ces contextes de soins, comment les différences culturelles du patient
se sont-elles exprimées ? »
ANNA : « [silence…] là je sais pas […] bah déjà au niveau de langage, au niveau 55
[euh…silence…] bah c’est surtout le langage qui nous met en difficultés parce qu’à
partir du moment où on parle la même langue, on arrive toujours à expliquer et à faire
les choses dans le sens [euh…] bien voulu par le patient quoi […] on s’adapte quand y’a
un problème de langage c’est vrai qu’on a plus d’efforts à faire [euh…] à notre niveau
et peut être qu’on fait plus appel aux médecins aussi parce que les médecins ont 60
tendance a être plus respectés que nous du coup quand le médecin dit au patient qu’il
faut accepter tel ou tel soin, les patients sont plus [silence…] se laisse plus [heu…]
enfin sont plus coopérants pendant les soins que quand on arrive nous sans que le
médecin soit passer avant pour dire qu’il y a des soins peut être des fois désagréables.
Au niveau de la nourriture aussi ça c’est quelque chose qui est toujours un problème 65
[hein…] des gens qui arrivent de pays africains ou de pays de l’Europe de l’est, ils n’ont
pas du tout la même façon de se nourrir que nous […], pas les mêmes horaires […] bah
voilà et ça c’est vrai que ça pose soucis [silence…] parce que voilà les collègues
peuvent pas […] n’ont pas les moyens de s’adapter à toutes les horaires donc bah c’est
souvent une source de conflits, une source d’inquiétudes mais ça [euh…] je pense que 70
ce sera un truc qui sera toujours d’actualité alors […] on peut pas demander aux
africains de manger à 18h30 le soir, ça c’est pas dans leur culture donc voilà […]. Après
nous on essaye de leur dire qu’on n’a pas les moyens de servir à 22h le soir [rires…]
mais bon bah y’en a qui s’adapte et nous on essaye de s’adapter aussi [euh…]. Après
oui y’a le niveau de la pudeur hein […] forcément, on va [euh…] j’allais dire que ça on 75
arrive toujours à faire avec ; les gens nous guident dans ce qu’ils sont capables de […]
de nous donner et nous on les guide vers ce qu’on a besoin et du coup on arrive […]
enfin moi jusqu’à maintenant j’ai toujours trouvé un terrain d’entente avec le patient
pour pas trop dénuder telle partie du corps mais quand même suffisamment pour faire
les choses quoi […] ça se passe plutôt bien après il faut aller chacun l’un vers l’autre 80
[silence…] c’est tout ».
MOI : « [En dehors de la barrière de la langue], avez-vous repéré d’autres
éléments intervenant dans le ressenti de ces différences ? »
ANNA : « [euh…] je crois qu’on est assez habitué ici en fait […] aussi quand on reçoit
des africains d’Afrique centrale qui sont contaminés par le VIH et qu’il faut pas [euh…] 85
dire à l’entourage ce qu’il se passe parce que [bah …] c’est tabou pour eux quoi […] il
faut essayer de mener […] de bien mener l’éducation du patient tout en respectant
vraiment les choses qu’il y a autour voilà […] donc il faut qu’on amène les gens à être
participatifs de leurs traitements parce que de toute façon on va à l’échec que ce soit
pour le VIH et la tuberculose donc nous on est plutôt là dedans […] mais sur ce genre 90
de pathologies on est discret avec l’entourage […] c’est un peu vague mais […] je sais
pas si je réponds bien à la question […] c’est comme on a des patients africains, on a
beau leur monter leurs résultats [euh…] vous êtes contaminés, pour eux non non […] on
XVIII
sait que jamais ils se soigneront ces gens là car ils sont protégés par des croyances quoi
[…] ils se sentent pas malades, ils se sentent protégés et bon […] on a beau essayer de 95
leur faire comprendre que en se protégeant pas, ils ne protègent pas non plus leur
femme et leurs enfants enfin voilà […] mais pour eux c’est très très difficile à intégrer
[…] qu’il faut qu’ils se considèrent malades, même s’ils se traitent pas qu’ils se
protègent vis-à-vis des gens mais le problème c’est qu’ils se sentent protéger d’avance
par […] je sais pas mais c’est difficile dans ces cas là car on est confronté à des murs en 100
fait donc [euh…] on essaye d’y aller par différents moyens mais [euh…] on les revoit
qu’à chaque infection opportuniste et puis bah on essaye de redire et des fois ça marche
[…] y’en a qui finissent par comprendre et d’autres partent dans la nature et on les
revoit pas et pour nous c’est dur de se dire que [euh…] enfin qu’ils vont contaminer
d’autres personnes et ça [euh…] pour nous […] enfin c’est pas facile mais là c’est notre 105
limite ».
QUESTION 4
MOI : « Que pouvez-vous mettre en place pour répondre au mieux aux besoins de
ces patients ? » 110 ANNA : « mais d’abord faire appel souvent à un traducteur parce que ça c’est important
[euh…] quand on ne se comprend pas [euh…] souvent on en a quand même sur
l’hôpital ou alors des gens de la même religion qui nous expliquent ou la famille qui
nous explique aussi pourquoi telle ou telle chose ça se passe pas bien [euh…] en fait on
se sert des gens extérieurs pour essayer de rentrer en communication avec la personne 115
quand c’est trop difficile, voilà […] ».
MOI : « Selon vous, quelles autres compétences professionnelles et relationnelles
sont mises en avant pour accompagner ces patients ? »
ANNA : « bah l’écoute hein […] l’écoute [euh…] ça c’est quand quelqu’un nous
comprend pas c’est sur que ça fait [euh…] ça fait toute la différence parce que foncer 120
comme ça sans écouter la personne ça mène forcément au clash [hein…] après [euh…]
l’explication aussi ça c’est important de pouvoir monter qu’on sait ce qu’on fait à la
personne pour qu’elle ait confiance donc [euh…] faut la mettre en confiance en lui
expliquant qu’on sait ce qu’on fait [euh…] ça, ça rassure beaucoup les gens qui ne
savent pas très bien ce qu’on va leur faire donc [euh…] l’assurance, la réassurance et 125
l’écoute [silence…] on en revient toujours un petit peu au même donc voilà ».
MOI : « Pouvez-vous me parler de la place de l’équité dans ces situations de
soins ? »
ANNA : « je pense qu’on essaye de faire aussi bien pour tout le monde, on arrive
toujours à faire le travail au mieux qu’on peut […] mais moi j’ai jamais vu quelqu’un 130
dire de toute façon on se comprend pas donc j’ai fait son truc vite fait et je suis repartie
[…] enfin non des soins pas équitables c’est un truc que j’ai pas vu ici [euh…] ni
ailleurs non plus, vraiment j’ai jamais vu quelqu’un de moins bien traité à cause de sa
culture […] on passe peut-être plus de temps à expliquer enfin […] je trouve que les
gens sont équitables dans leur soins ». 135
QUESTION 5
MOI : « que pensez-vous de l’idée de développer une compétence spécifique pour
ces situations de soins ? »
ANNA : « non moi je pense qu’il faut que toutes les équipes soient [euh…] formées par 140
moment ou que de temps en temps […] il y ait des formations qui se fassent pour une
ou deux personnes de l’équipe pour s’adapter à ces situations là mais de là à faire une
XIX
formation spécifique [silence…] non je pense qu’il faut que ce soit dans tous les jours,
dans une culture qu’on a tous mais pas [euh…] bah ça fait partie du rôle infirmier mais
pas spécifique quoi […] c’est notre rôle tout simplement ». 145
MOI : « Au vue des situations que vous avez rencontrées, pensez-vous que les
apports lors de la formation suffisent ? »
ANNA : « non mais [euh…] je pense que tant qu’on n’est pas confronté à ces situations
là dans le […] enfin dans la réalité […] les formations si, elles peuvent aider mais je
pense qu’il faut y être confronté en vrai pour pouvoir prendre la mesure de la chose et 150
tellement tous les cas seront différents que […] je suis pas sûre enfin […] je pense que
c’est bien qu’il y ait une formation mais je ne suis pas sûre que ça suffise quoi […] ça
éveille la curiosité mais ça forme pas mais bon après c’est quand on est sur le tas quoi ».
MOI : « Que pensez-vous d’une formation continue pour développer cette
compétence ? » 155 ANNA : « oui ça par contre c’est bien, je pense que c’est bien une formation continue
[euh…] d’avoir quelqu’un qui de temps en temps dans une équipe fasse cette formation
pour s’éveiller à ça je pense que c’est bien oui ».
XX
Annexe X – Outil d’analyse thématique et comparative des entretiens infirmiers
THEMES CLARA ANNA
Définition du
patient de
culture
étrangère
population asiatique (l.21)
population créole (l.21)
patients d’origine slave (l.30)
des gens […] d’Afrique de Nord (l.32)
je suis restée sur des préjugés, j’étais persuadée […]
(l.37)
Religions
confession musulmane (l.61)
confession juive (l.68)
patients qui n’ont pas la même culture que moi
(l.14)
Afrique centrale (l.15)
Afrique du Nord (l.15)
asiatiques (l.16)
portugais et espagnols […] on a quand même une
culture assez proche d’eux (l.18-19)
tellement tous les cas seront différents (l.151)
Ressentis des
différences
culturelles lors
des soins
Différences au niveau du langage
diversité de dialectes (l.20)
langue (l.53)
Différences au niveau du langage
barrière de la langue (l.42)
surtout le langage qui nous met en difficultés (l.56)
XXI
Ressentis
par rapport à ce que elle, elle allait m’en dire (l.35)
je sais pas si on marque toujours des différences
(l.43-44)
Intimité/Pudeur
pudeur (l.45)
distance à mettre en place (l.48)
Rites funéraires
rites funéraires des gens de culture différente (l.58-
59)
Famille
place de la famille différente (l.85)
Représentations de la santé
[concernant le VIH] Je pense qu’en Afrique ils
n’ont pas le même niveau de soins et puis c’est
assez tabou (l.30-31)
[concernant les patients africains contaminés par le
VIH] jamais ils se soigneront ces gens là car ils sont
protégés par des croyances […] ils se sentent pas
malades (l.94-95) […] ils se sentent protégés
d’avance (l.99)
Intimité/Pudeur
hommes qui ne veulent pas être lavés par des aides-
soignantes (l.40-41)
pudeur (l.75)
Alimentation
au niveau de la nourriture […] pas du tout la même
façon de se nourrir que nous […] pas les mêmes
horaires (l.65-67)
XXII
Rôle infirmier
dans ces
situations de
soins
Compétences infirmières
essayer déjà de communiquer (l.41)
on le ressent […] c’est clairement identifié (l.46-47)
être à l’écoute (l.75)
être attentif (l.76)
[à propos des patients] communication non verbale
(l.76)
essayer d’aller vers l’autre (l.78)
être observateur (l.82)
Questionnements d’équipe/difficultés
on s’est beaucoup questionné (l.58)
on est restés bloqués quelques moments parce qu’on
avait peur en fait en équipe de […] d’aller à
l’encontre des souhaits de la famille et de faire une
erreur (l.63-65)
Personnes ressources
interprètes (l.101)
traduire les propos […] l’aider à parler (l.103-104)
Compétences infirmières
essayer de rentrer en communication (l.115)
connaissances qu’on a (l.36)
discrétion (l.37)
on est discret avec l’entourage (l.91)
écoute des remarques (l.40)
écoute (l.119)
[à propos des soignants] signes et gestes (l.42-43)
on passe peut-être plus de temps à expliquer (l.134)
on essaye de leur expliquer le bien fondé de nos
actes […] pour que les soins se passent bien (l.49-
50)
on arrive toujours à expliquer et à faire les choses
dans le sens […] bien voulu par le patient (l.57-58)
on essaye d’y aller par différents moyens […] on
essaye de redire (l.101-102)
mettre en confiance en lui expliquant qu’on sait ce
qu’on fait (123-124)
l’assurance, la réassurance (l.125)
on s’adapte […] on a plus d’efforts à faire (l.58-59)
XXIII
faire attention aussi à ce que peut nous dire la
famille (l.85-86)
Equité
j’agis un peu avec tout le monde pareil (l.46)
bon sens (l.91)
on part dans ce métier de soins où on se dit qu’on
va travailler avec de l’humain (l.92-93)
si on ne fait pas la même chose pour tout le monde
[…] on est dans le non-sens (l.94-95)
y’en a qui s’adapte et nous on essaye de s’adapter
aussi (l.74)
les gens nous guident dans ce qu’ils sont capables
de […] de nous donner et nous on les guide vers ce
qu’on a besoin (l.76-77)
trouver un terrain d’entente (l.78)
il faut aller chacun l’un vers l’autre (l.80)
bien mener l’éducation du patient (l.87)
Difficultés
pas les moyens de s’adapter […] source de conflits,
d’inquiétudes (l.69-70)
y’en a qui finissent par comprendre et d’autres
partent dans la nature et on les revoit pas […] là
c’est notre limite (l.103-106)
Personnes ressources
on fait plus appel aux médecins (l.60) […] les
patients sont plus coopérants pendant les soins
(l.62-63)
faire appel […] à un traducteur (l.111)
XXIV
gens de la même religion qui nous expliquent ou la
famille qui nous explique (l.113-114)
faire en sorte qu’ils puissent recevoir de la visite de
gens qui sont proches de leur culture […] ne pas les
isoler (l.44-46)
Equité
on essaye de faire aussi bien pour tout le monde
(l.129)
j’ai jamais vu quelqu’un de moins bien traité à
cause de sa culture (l.133-134)
Formation à
l’IFSI et
compétence
spécifique
Formation à l’IFSI
j’ai pas le souvenir d’avoir étudié ça à l’IFSI (l.58-
59)
je suis pas sûre que ce soit si bien abordé et
étudié (l.115)
Formation à l’IFSI
les formations si, elles peuvent aider (l.149)
ça éveille la curiosité mais ça forme pas (l.152-153)
il faut y être confronté en vrai pour pouvoir prendre
la mesure de la chose (l.150)
je ne suis pas sûre que ça suffise (l.152)
XXV
Compétence spécifique
chercher à se renseigner sur la culture des gens avec
qui on peut travailler pour pas faire d’impairs
(l.107-108)
c’est plutôt individuel comme travail […] ça dépend
beaucoup de la curiosité de chacun (l.108-109)
Formation continue
très enrichissant (l.118)
s’améliorer à ce niveau là (l.119-120)
Compétence spécifique
il faut que toutes les équipes soient […] formées par
moment ou que de temps en temps (l.140-141)
formations qui se fassent pour une ou deux
personnes de l’équipe pour s’adapter à ces
situations là (l.141-142)
non je pense qu’il faut que ce soit dans tous les
jours, dans une culture qu’on a tous […] ça fait
partie du rôle infirmier mais pas spécifique (l.143-
145)
Formation continue
avoir quelqu’un qui de temps en temps dans une
équipe fasse cette formation pour s’éveiller à ça je
pense que c’est bien (l.157-158)
MOUKHLES Hanane
CULTURA, CULTURAE: Décliner les soins infirmiers
en contexte multiculturel
Résumé Abstract
Lors d’un stage, je rencontre une patiente
rwandaise, arrivée en France il y a un
mois et prise en soin dans un service de
médecine pour déséquilibre de diabète et
éducation thérapeutique. Confrontée à la
vulnérabilité d’une patiente face à des
normes soignantes qui lui sont étrangères,
je me questionne alors sur les
compétences infirmières à mettre en avant
pour accompagner au mieux les patients
de culture étrangère lors d’une
hospitalisation. Les investigations
documentaires effectuées dans la phase
théorique m’ont permis de répondre au
questionnement suscité par la situation.
J’ai ciblé mes recherches suivant deux
axes principaux: la représentation du
patient de culture étrangère et le rôle
infirmier dans ces situations
interculturelles. Ensuite, j’ai mené des
entretiens exploratoires auprès de deux
infirmières afin d’analyser la réalité de la
pratique professionnelle sur le terrain.
Cette étape permet de légitimer le travail
de recherche et d’enrichir les apports
théoriques.
During an internship, I have met a
rwandan patient arrived in France one
month ago. She was taken in care in a
medicine service for diabete disorder and
therapeutic education. Confronted to the
vulnerability of a patient facing foreigners
medical standards, I am wondering about
the necessary nursing skills to better
support the foreign culture patients during
hospitalization. The literature
investigations made on the theoretical part
allowed me to answer the questions arisen
by the situation. I have targeted my
researches on two main axes: the foreign
culture patient’s representation and the
nursing role in these intercultural
situations. Then, I have proceeded to
exploratory interviews with two nurses in
order to analyze the reality of the
professional practice in the field. This step
allows to support the research work and to
extend its theoretical contributions.
Mots clés: identité culturelle -
interculturalité - accompagnement -
compétence infirmière
Keywords: cultural identity –
interculturality – support – nursing
skills