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Lucien Pliskin Le béton Ci-dessus : un malaxeur pour béton employé sur les chantiers du Métropolitain de la place S t -Michel à Paris en 1907. Système Gauhe, ingénieur à Cologne, représentépar M. Hanker, concessionnaire du brevet en France. Extrait de la Nature, 1907. Plus de quatre milliards de mètres cubes de béton sont coulés chaque année dans le monde. Ce matériau permet de construire des ouvrages de toute nature et, notamment, des bâtiments, des immeubles d'habitation, des ponts, des routes, des tunnels, des barrages, des centrales thermiques et nucléaires ainsi que des plates-formes d'exploitation pétrolière off shore. Le développement de l'emploi d'un matériau de construc- tion repose sur des critères techniques et économiques. La résis- tance mécanique et la durabilité du matériau fondent les princi- paux critères de choix techniques. La disponibilité et le faible coût des matières premières, la facilité d'emploi et le prix de revient du matériau valident les conditions économiques. Le béton répond parfaitement à ces conditions de choix : - il est fabriqué à partir de matières premières naturelles largement répandues à la surface de la terre ; - sa mise en oeuvre est aisée et ne nécessite que l'emploi d'une main-d'oeuvre rapidement formée ; - il autorise les plus grandes audaces architecturales et techniques, puisque, mis en place à l'état fluide, il épouse les formes de moules ou de coffrages les plus complexes ; - sa résistance mécanique dépasse aujourd'hui largement celle des meilleures roches naturelles ; - sa durabilité est plus que séculaire dès lors qu'il est correctement formulé et mis en oeuvre ; il s'accommode des environnements corrosifs et résiste bien, en particulier, aux ac- tions agressives de l'eau de mer ; il offre une bonne tenue au feu, garantie de sécurité vis-à-vis des incendies ; - son prix de revient, enfin, fait du béton le matériau de construction par excellence. Le béton est probablement le plus ancien matériau compo- site. Il est fabriqué à partir d'un mélange intime de ciment, de granulats, de fines et d'ultrafines, d'adjuvants et d'eau. Ces constituants sont dosés, en fonction de leurs propriétés propres, de manière à obtenir, après réaction physico-chimique entre eux, un produit solide dont les caractéristiques physiques et mécani- ques peuvent être très supérieures à celles des roches les plus résistantes. Dans la mesure où le ciment est un liant hydraulique lui-même fabriqué avec des minéraux naturels, le béton peut être considéré comme une roche artificielle.

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Le béton

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Lucien Pliskin Le béton

Ci-dessus : un malaxeur pour béton employé sur les chantiers du Métropolitain de la place St-Michel à Paris en 1907. Système Gauhe, ingénieur à Cologne, représenté par M. Hanker, concessionnaire du brevet en France. Extrait de la Nature, 1907.

Plus de quatre milliards de mètres cubes de béton sont

coulés chaque année dans le monde . C e matériau permet de

construire des ouvrages de toute nature et, no tamment , des

bâtiments, des immeubles d'habitation, des ponts , des routes, des

tunnels, des barrages, des centrales thermiques et nucléaires ainsi

que des plates-formes d'exploitation pétrolière off shore.

Le développement de l 'emploi d 'un matériau de construc­

tion repose sur des critères techniques et économiques. La résis­

tance mécanique et la durabilité du matériau fondent les princi­

paux critères de choix techniques. La disponibilité et le faible coût

des matières premières, la facilité d 'emploi et le prix de revient du

matériau valident les conditions économiques.

Le béton répond parfaitement à ces conditions de choix :

- il est fabriqué à partir de matières premières naturelles

largement répandues à la surface de la terre ;

- sa mise en œuvre est aisée et ne nécessite que l'emploi

d 'une main-d 'œuvre rapidement formée ;

- il autorise les plus grandes audaces architecturales et

techniques, puisque, mis en place à l'état fluide, il épouse les

formes de moules ou de coffrages les plus complexes ;

- sa résistance mécanique dépasse aujourd'hui largement

celle des meilleures roches naturelles ;

- sa durabilité est plus que séculaire dès lors qu'il est

correctement formulé et mis en œuvre ; il s 'accommode des

environnements corrosifs et résiste bien, en particulier, aux ac­

tions agressives de l'eau de mer ; il offre une bonne tenue au feu,

garantie de sécurité vis-à-vis des incendies ;

- son prix de revient, enfin, fait du béton le matériau de

construction par excellence.

Le béton est probablement le plus ancien matériau compo­

site. Il est fabriqué à partir d 'un mélange int ime de ciment, de

granulats, de fines et d'ultrafines, d'adjuvants et d'eau. Ces

constituants sont dosés, en fonction de leurs propriétés propres,

de manière à obtenir, après réaction physico-chimique entre eux,

un produi t solide don t les caractéristiques physiques et mécani­

ques peuvent être très supérieures à celles des roches les plus

résistantes. Dans la mesure où le ciment est un liant hydraulique

lui-même fabriqué avec des minéraux naturels, le béton peut être

considéré comme une roche artificielle.

D'aucuns font remonter l 'invention du béton à la plus haute

Antiquité, puisque Pline l'Ancien rapporte que les colonnes de

certains monuments égyptiens, datant de plus de 4 000 ans, ont été

réalisées avec une pierre artificielle fabriquée à partir d 'un mélange

de granulats et de gypse calciné. Il est en tout cas patent que Grecs

et Romains ont construit des édifices avec des matériaux dont les

c o m p o s a n t s p r ima i r e s s ' a p p a r e n t e n t à ceux des b é t o n s

d'aujourd'hui ; ils mettaient en œuvre un mélange de sable, de

pierres, de briques argileuses pilées et de chaux calcinée, dans lequel

on retrouve effectivement les composants élémentaires des bétons

actuels. Le pont du Gard, entre autres, témoigne encore aujourd'hui

de l'utilisation de ces premiers mortiers et bétons.

L'invention du ciment, généralement attribuée à John

Smeaton, vers 1756, ainsi que les développements apportés par

Joseph Aspdin, qui déposa en 1824 un brevet sur la fabrication du

« ciment de Port land », et par Louis-Joseph Vicat, à la même

époque, sont cependant à l'origine de la naissance ou de la

renaissance du béton. Le ciment est en effet le composant essentiel

du mélange à partir duquel est fabriqué le béton : les réactions

physico-chimiques complexes qui se produisent entre le ciment,

l'eau et les autres composants, qui consti tuent ce qu'il est coutume

d'appeler le phénomène de durcissement du béton, conduisent à

la formation d 'un solide don t les différents éléments sont

rigidement liés.

L'utilisation effective du béton n 'a cependant pu se répan­

dre qu'avec l ' invention du béton armé.

C o m m e les roches naturelles, le bé ton n'offre q u ' u n e

résistance limitée à la traction, alors m ê m e que sa résistance à la

compression peut at teindre des valeurs très élevées. Claude

Perrault comprend dès 1670, sur le chantier du Louvre, qu'i l

convient de pallier l'insuffisante résistance à la traction de la

maçonnerie de pierre taillée par l 'adjonction de tirants métalliques.

Jean-Baptiste Rondelet , entre autres, généralise ce procédé de

renforcement vers 1780 pour édifier le d ô m e d u Pan théon ; il lie

les voussoirs à la fois par des tirants, ancêtres des armatures

longitudinales, et par des ferrures obliques, précurseurs des

armatures transversales d u béton armé.

Repris, ou réinventés, ces concepts conduisent à conférer au

béton la capacité de résister aux efforts de traction par la mise en

place d'armatures en acier (initialement en fer) en son sein.

L'invention du béton armé est attribuée à Joseph Lambot ,

qui, en 1848, fait flotter une barque en « ciment armé », et à

Joseph Monier , qui, indépendamment , produi t en 1849 des bacs

à fleurs avec ce même matériau. François Coignet construit une

première maison en 1855 à Saint-Denis. L'emploi du béton armé

dans les structures s'étend dès lors rapidement en France sous

l ' impulsion d'entrepreneurs et d'ingénieurs tels que Monier ,

Coignet, Hennebique et Considère. François Hennebique bâtit

en 1892 le premier immeuble en béton armé à Paris. Le premier

pon t est réalisé par Maillart à Viggen, en Suisse, en 1905. Dès

1906, une circulaire ministérielle française fixe les « Instructions

relatives à l 'emploi du béton armé », codifiant ainsi pour la

première fois la conception et le calcul des structures met tant en

œuvre ce matériau.

L'invention du béton précontraint par Eugène Freyssinet,

vers 1930, apporte un nouvel élan à l 'emploi du béton. U n pas

conceptuel important est alors franchi, qui constitue « une véri­

table révolution dans l'art de construire », tant par la mise en

p r a t i q u e d u p r i n c i p e de la p r é c o n t r a i n t e q u e p a r

l 'approfondissement de la compréhension du compor tement

mécanique et rhéologique du béton. L'emploi de la précontrainte

autorise, en effet, la maîtrise de la distribution des contraintes

dans la matière. Elle permet donc d'exploiter au mieux la grande

résistance à la compression du béton, tout en éliminant les

inconvénients liés à sa faible résistance en traction. Le béton peut

dès lors être utilisé de façon optimale.

Freyssinet rencontre au cours des années trente de nom­

breuses difficultés pour faire adopter ses procédés. C'est la

reconstruction qui suit la Seconde Guerre mondiale, dans une

époque de pénurie de matériaux de construction, qui assure la

généralisation de l 'emploi du béton précontraint pour la cons­

truction des ouvrages d'art français.

L'empirisme initial des inventeurs du béton armé laisse peu

à peu la place à des approches plus scientifiques. U n e meilleure

compréhension du compor tement physico-chimique du béton,

permise par les travaux de recherche menés dans de nombreux

laboratoires, est à l'origine d 'un nouveau bond qualitatif et

quantitatif de ses propriétés. Les améliorations apportées par

l ' industrie du ciment à la qualité de ses produits , l 'emploi d'adju­

vants réducteurs d'eau élaborés à base de naphtalènes sulfonates

ou de mélamines, ainsi que l 'addition d'ultrafines aux constituants

du béton permet tent la fabrication de bétons à très faible porosité.

Ces bétons, dits à hautes performances (BHP) , offrent des carac­

téristiques physiques et mécaniques é tonnamment élevées qui en

font des matériaux nouveaux. D'ores et déjà, en France, les

« Règles techniques de conception et de calcul des ouvrages et

constructions en béton armé et en béton précontraint suivant la

méthode des états-limites» datées de 1991 , appelées règles

BAEL 91 et BPEL 9 1 , autorisent l 'emploi de bétons don t la

résistance à la compression atteint 60 à 70 MPa. En fait, des

ouvrages ont déjà été réalisés avec des bétons de 100 MPa. En

laboratoire, on fabrique des bétons don t la résistance dépasse

600 MPa. C'est dire que les bétons de demain n 'auront que peu

de rapport avec les bétons courants d 'aujourd 'hui , don t la résis­

tance n'est que de l 'ordre de 30 MPa . Le béton est plus que jamais

un matériau plein d'avenir.

COMPOSANTS DU BÉTON Le terme « béton » recèle une ambiguïté. Le matériau doit

en effet être considéré sous deux formes :

- le béton frais, mélange homogène de matières premières

solides en suspension dans l'eau : c'est l'état dans lequel il se trouve

lors de sa fabrication. Il se trouve en état foisonné dans et à la sortie

des appareils assurant l 'obtention d 'un mélange homogène, et en

état compacté dans son coffrage, après mise en place et damage,

serrage ou vibration ;

- le béton durci, solide don t les propriétés physiques et

mécaniques s'acquièrent au cours des réactions physico-chimi­

ques qui se déroulent entre ses composants à vitesse relativement

rapide au début, puis à vitesse fortement décroissante avec le

temps.

Le béton est un matériau composite ; ses propriétés dépen­

dent de la nature et de la qualité de ses composants mais aussi de

leurs proport ions relatives. S'agissant des propriétés, il convient

de distinguer celles qui concernent le béton frais et le béton durci.

Les matières premières

A titre d'exemple, la composit ion pondérale d 'un béton

courant, c'est-à-dire le poids des différents composants permet-

tant de fabriquer 1 m 3 de béton durci, est la suivante : granulats,

1 800 kg ; ciment, 350 kg ; eau, 180 kg ; à quoi s'ajoutent éven­

tuellement quelques 10 à 20 kg d'adjuvants.

Quel que soit le béton, il est fabriqué avec du ciment, des

granulats, de l'eau, des adjuvants. Les granulats peuvent inclure

des fillers et, éventuellement, des ultrafines.

Le ciment

Le ciment se présente sous la forme d 'une poudre fine de

couleur grise ou blanche. La dimension des grains de ciment est

caractérisée par la valeur de la finesse Blaine qui mesure la surface

totale des grains contenus dans 1 gramme ; la finesse Blaine des

ciments est de l 'ordre de 3 500 à 4 500 cm 2 /g . La dimension ca­

ractéristique des grains de ciment est d'environ 30 à 50 |i .

O b t e n u par cuisson à 1450°C d 'un mélange homogène de

calcaire et d'argile, dans la proport ion 80 % / 2 0 %, c'est un

produi t complexe constitué essentiellement de silicate tricalcique

3 C a O , S i 0 2 , de silicate bicalcique 2 C a O , S i 0 2 , d 'aluminate

tricalcique 3 C a O , A 1 2 0 3 et de ferro-aluminate tétracalcique

4 C a O , A 1 2 0 3 , F e 2 0 3 . Ce sont pr inc ipa lement les silicates

tricalcique et bicalcique qui confèrent au béton sa résistance ;

selon leur nature, les ciments cont iennent entre 40 et 70 % de

silicate tricalcique et entre 10 et 30 % de silicate bicalcique.

Mélangé à l'eau, le ciment forme une pâte qui fait prise et

durcit progressivement dans l'air ou dans l'eau. C'est le compo­

sant fondamental du béton, puisqu'il permet la transformation

d 'un mélange sans cohésion en un corps solide.

Les granulats

Les granulats rocheux sont constitués par les sables, les

gravillons et les cailloux. Ils forment le squelette du béton.

Les granulats sont d 'origine détr i t ique, sédimentaire,

m é t a m o r p h i q u e ou éruptive. O n dist ingue les granulats roulés,

extraits de ballastières naturelles ou dragués en rivière ou en mer,

et les granulats concassés, ob tenus à part ir de roches exploitées

en carrière.

Ils sont classés en fonction des dimensions de leurs grains.

La courbe granulométrique représente la distribution en pour­

centage des poids des matériaux passant dans des tamis et passoi­

res de dimensions normalisées.

Par convention, on appelle sables les grains de dimensions

comprises entre 0,08 m m et 5 m m , gravillons ceux dont les

dimensions sont comprises entre 5 et 25 m m et cailloux ceux dont

les dimensions sont supérieures à 25 m m . Pour les ouvrages

courants, les granulats n ' incluent que des sables et des gravillons.

Les granulats doivent être propres et chimiquement inertes vis-

à-vis du ciment, de l'eau et de l'air. Ils doivent répondre à certaines

exigences de forme, de texture de surface, de résistance à la compression,

de résistance à l'abrasion, de porosité et de tenue au gel.

Les fillers

Les fillers sont obtenus par broyage ou pulvérisation de

certaines roches telles que les calcaires, les kieselguhrs ou les

bentonites. Ils ont une finesse comparable à celle du ciment.

Les ultrafines

Les ultrafines sont des particules de très faibles dimensions.

Leur dimension caractéristique est de l 'ordre de 50 à 100 nm, soit

1000 à 500 fois moins que celle des grains de ciment. Addit ion­

nées en quantités de l 'ordre de 5 à 10 % du poids de ciment, elles

améliorent considérablement les caractéristiques physiques et

mécaniques des bétons. Elles sont utilisées pour la fabrication des

bétons à hautes et à très hautes performances.

Les fumées de silice, sous-produits de l'industrie électro­

métallurgique, sont les ultrafines les plus couramment employées à

ce jour. Elles contiennent entre 70 et 95 % d'oxyde de silicium S i 0 2

sous forme de microsphères d 'un diamètre de l'ordre de 20 à 50 nm.

L'eau

L'eau, dite eau de gâchage, doit présenter les propriétés

d 'une eau potable.

Les adjuvants

Les adjuvants sont des produits chimiques incorporés en

faibles quantités au béton frais afin d 'en améliorer certaines

propriétés. Ils représentent entre 1 et 3 % du poids du ciment.

Leur rôle et leur efficacité dépendent de la nature du produit

chimique et de l 'homogénéité de leur répartition dans la masse du

béton frais.

Les principaux adjuvants sont :

- les plastifiants et fluidifiants réducteurs d'eau, qui rem­

plissent deux fonctions : il permettent , d 'une part, d 'obtenir des

bétons frais à consistance fluide et même liquide ; à maniabilité

donnée, ils offrent, d 'autre part, la possibilité de réduire la

quanti té d'eau nécessaire à la fabrication et à la mise en place du

béton frais. Ce sont des résines mélamines ou des naphtalènes

sulfonates. Leur action s'exerce par défloculation et dispersion par

répulsion électrostatique des grains de ciment en solution dans

l'eau, et leur durée d'activité n'excède pas 1 ou 2 heures ;

- les retardateurs de prise du ciment, qui prolongent la

durée pratique d'utilisation du béton frais. Ce sont généralement

des sucres ou des lignosulfonates. Ils sont utiles pour le transport

du béton sur de grandes distances ou pour sa mise en place par

pompage, particulièrement par temps chaud ;

- les accélérateurs de prise et de durcissement, qui permet­

tent , p o u r les premiers , la réalisation de scellements ou

d 'étanchements et, pour les seconds, une acquisition plus rapide

de résistance du béton durci ;

- les entraîneurs d'air, qui confèrent au béton durci la

capacité de résister aux effets de gels et de dégels successifs en

favorisant la formation de micro-bulles d'air réparties de façon

homogène.

L'influence des adjuvants peut varier sensiblement en fonc­

tion de la nature et de la composition du ciment ; des problèmes de

compatibilité peuvent apparaître entre adjuvants et ciments.

La composition du béton

En se limitant aux points de vue du maître d'ouvrage, du

concepteur et de l'entreprise qui réalise les travaux, un béton peut

être caractérisé par trois critères : la durabilité et la résistance à la

compression du béton durci, qui garantissent la pérennité et la

sécurité des ouvrages, d 'une part, et, d 'autre part, la consistance

ou la maniabilité du béton frais, qui mesure sa facilité de mise en

œuvre. Ces propriétés dépendent de la qualité des constituants,

mais aussi de la composit ion du béton, c'est-à-dire des quantités

des divers constituants contenus dans 1 m 3 de béton en place.

Dès 1898, René Féret a établi les principes d'optimisation

de la composit ion conduisant à l 'obtention de bétons de résis­

tance spécifiée. Il a énoncé la relation qui lie la résistance à la

compression fc d 'un béton aux volumes de ciment c, d'eau e et de

vides v contenus dans une unité de volume de béton durci :

Cette expression met en évidence le fait que la résistance fc

croît avec le dosage en ciment, c'est-à-dire avec le poids de ciment

contenu dans 1 m 3 de béton durci, les coefficients k dépendant de

la nature des granulats et du ciment.

Elle mont re aussi que la résistance décroît lorsque croissent

la quanti té d'eau et le volume des vides contenus dans le béton. Si

la quanti té d'eau e est supérieure à celle qui est str ictement néces­

saire pour l'hydratation du ciment, il subsistera de l'eau excédentaire

qui, après évaporation, laissera des vides s'ajoutant aux vides

physiques de volume v. Le béton présentera une certaine porosité

du fait de ces vides.

La formule de Féret met donc en évidence le fait que, pour

un dosage donné de ciment, la résistance est d 'autant plus grande

que la teneur en eau du béton frais est plus réduite, c'est-à-dire que

la porosité du béton durci est plus faible. Depuis Féret, de

nombreuses méthodes ayant pour objectif la minimisat ion de la

porosité et donc, en pratique, du volume (e+v), on t été proposées.

Il n'est cependant pas possible de diminuer fortement la teneur en

eau, car o n obtient des bétons frais très peu fluides, donc très

difficiles à mettre en place.

C'est l 'emploi d'adjuvants modernes, les superfluidifiants

réducteurs d'eau, qui permet de réduire le dosage en eau tout en

améliorant la maniabilité des bétons frais. Ces adjuvants sont à

l'origine d u développement des bétons à hautes performances.

Alors que les valeurs du rapport pondéral E / C des bétons

courants sont comprises entre 0,50 et 0,60, celles des bétons à

hautes performances (BHP) s'étagent entre 0,15 et 0,40 ; il en

résulte que, si la porosité des bétons ordinaires est de l 'ordre de 15

à 20 %, celle des B H P est inférieure à 7 % dès lors que le rapport

E / C est inférieur à 0,40. Les très faibles porosités ne peuvent être

obtenues que par l 'addition d'ultrafines, telles que les fumées de

silice, don t l 'extrême finesse des grains permet u n comblement

des vides subsistant entre les grains de ciment. Les bétons à hautes

et à très hautes performances offrant une maniabilité correcte sont

donc fabriqués en ajoutant aux composants classiques du béton

de faibles quantités d'adjuvants réducteurs d'eau et d'ultrafines.

A titre d'exemple, les dosages courants en ciment varient de

150 à 300 kg pour le béton non armé et de 250 à 400 kg pour le

béton armé. Ils sont compris entre 3 50 et 400 k g / m 3 pour le béton

précontraint.

FABRICATION ET MISE EN ŒUVRE DU BÉTON

Le mélange, convenablement dosé, de granulats, de ciment,

d'eau, d'adjuvants et éventuellement d'ultrafines est homogénéisé

dans des malaxeurs ou des bétonnières.

Les malaxeurs sont consti tués par des cuves cylindriques

fixes, en général à axe vertical, munies de systèmes de palettes

qui , par ro ta t ion au tour d ' un axe vertical excentré ou n o n ,

brassent énerg iquement le mélange p e n d a n t environ 60 se­

condes. Ces appareils sont utilisés p o u r la fabrication industrielle

des bétons prêts à l 'emploi (BPE) ainsi que sur les grands

chantiers, car ils permet tent des product ions horaires importantes

de bé ton (plus de 100 m 3 / h ) .

Les bétonnières sont des cuves cylindro-coniques, compor­

tant des palettes fixées sur leur paroi, qui tournent autour d 'un axe

horizontal ou légèrement incliné. Des orifices situés aux extrémités

de la cuve permet tent l ' introduction des constituants et la vidange

du béton frais. Le brassage des constituants du béton s'y effectue

essentiellement par gravité pendant 2 à 3 minutes environ.

Les bétonnières portées sur châssis de camion, d 'une capacité

utile de 4 à 10 m 3 , permet tent le transport du béton préalablement

fabriqué en malaxeur ou en bétonnière. Leur cuve est animée

d 'une rotation à faible vitesse afin de maintenir l 'homogénéité du

béton. Le béton peut aussi être transporté par bennes ou par tapis

convoyeurs. Il est repris par des bennes de faible capacité et

conduit au droit des coffrages au moyen de grues. Il peut aussi être

apporté à pied d 'œuvre par des pompes à béton qui permet tent

son transport dans des canalisations sur environ 300 m hori­

zontalement et 150 m verticalement.

Le béton frais foisonné mis en place dans les coffrages est

compacté. La mise en vibration du béton permet d 'obtenir ce

serrage par liquéfaction locale du mélange à consistance plastique.

Le volume des vides est réduit et le bon remplissage du coffrage

ainsi que l 'enrobage des armatures sont assurés. Trois moyens

sont couramment utilisés pour vibrer le béton : la pervibration,

qui consiste à introduire dans le béton frais des aiguilles vibrantes,

cylindres de 25 à 50 m m de diamètre et de 30 à 50 cm de longueur

à l 'intérieur desquels u n balourd excentré tourne à une vitesse de

l 'ordre de 10 000 tours /minute ; la vibration extérieure du cof­

frage lui-même par des vibrateurs fixés sur ce coffrage ; la vibra­

t ion superficielle par règles vibrantes utilisée un iquement pour

des éléments de faible épaisseur tels que les routes ou les dallages.

Il est impératif d 'empêcher toute dessiccation superficielle

du béton lors du début de son durcissement. C'est l'objet de la

cure, opération don t le but est de prévenir l 'évaporation de l'eau

causée par l 'ensoleillement ou le vent à l'interface béton-atmos­

phère. La technique employée consiste soit à arroser pendant

quelques jours d 'une pluie fine d'eau la surface exposée du béton,

soit à la recouvrir de toiles maintenues humides, soit encore à la

revêtir, par peinture ou par pulvérisation, d ' un mince film imper­

méable d 'un produi t de cure.

Le béton durci

Le béton frais compacté dans son coffrage est constitué par

une pâte de ciment de consistance plastique enrobant les granulats.

Après une période dormante d 'une à deux heures, le ciment fait

prise. C'est au cours de cette période que débutent le processus

exothermique d 'hydratat ion du ciment et le durcissement de la

pâte aboutissant à la formation d 'une matrice solide de ciment

hydraté. Parallèlement, des réactions chimiques se développent

entre l'eau, le ciment, ses produits d 'hydratat ion et les granulats

à l'interface matrice-granulats qui donnen t naissance à une auréole

de transit ionoù se crée la liaison entre la matrice et les granulats.

Cette période de durcissement se poursui t pendan t plusieurs mois

au cours desquels se complète, à vitesse décroissante, l 'hydratation

du ciment. Avec les ciments courants, la résistance atteinte à

28 jours représente 85 à 90 % de la résistance maximale.

Constituants du béton durci

L'analyse microstructurelle d 'une matrice de ciment Portland

durci, à peu près totalement hydratée, fait apparaître la compo­

sition typique suivante : 55 % de silicates de calcium hydratés

complexes (CSH ou tobermorite) , 20 % d'hydroxyde de calcium

( C a ( O H ) 2 ) , 10 %demono-etdet r i -su l foa luminates(e t t r ingi te) ,

7 % d'eau et 8 à 15 % de vides.

Les C S H se présentent à l'examen microscopique en feuillets

très minces enroulés sur eux-mêmes, formant des fibres tubulaires

enchevêtrées d 'un diamètre de quelques fractions de micron. Ces

cristaux recouvrent les grains anhydres de ciment, leur donnan t

un aspect de hérissons. Les propriétés mécaniques de résistance de

la matrice sont dues principalement aux C S H . La chaux, C a ( O H ) 2 ,

cristallise sous la forme de portlandite en plaquettes hexagonales

empilées entre les grains de ciment partiellement hydratés.

L'ettringite cristallise en aiguilles à base hexagonale parsemées

dans les fibres de C S H .

Les vides subsistant dans la matrice résultent de l'existence

de pores et de capillaires, emplis ou non d'eau excédentaire, qui

se sont formés en son sein. Les diamètres de ces pores s'étagent de

quelques nanomètres à 20 nanomètres, celui des capillaires est de

l 'ordre de 0,1 [L C'est leur volume cumulé qui mesure la porosité

de la pâte durcie. O n vérifie expérimentalement, comme l'avait

montré Féret, que les propriétés mécaniques de cette pâte, telles que

la résistance à la compression ou le module de déformation, sont des

fonctions exponentielles inverses de la valeur de la porosité : elles

sont d'autant plus grandes que la porosité est plus faible.

Le béton est donc un matériau composite complexe, forte­

ment hétérogène puisque constitué de granulats dont les d imen­

sions varient de 0,1 à 25 m m ou plus, de ciment dont la dimension

caractéristique des grains est de l 'ordre de 30 à 100 |i , de cristaux

d'hydrates de l 'ordre de 0,1 | i , éventuellement d'ultrafines de

0,1 n m à 0,5 JLX et de vides de quelques nanomètres.

PROPRIÉTÉS PHYSIQUES

O n distingue, un peu arbitrairement, les propriétés physi­

ques des propriétés mécaniques des bétons. Elles procèdent

toutes, en fait, de leur degré de porosité.

- Poids volumique : il varie entre 23 et 24 k N / m 3 pour les

bétons ordinaires ; i l a t t e i n t25 k N / m 3 pour les B H P . Laprésence

d'armatures dans le béton armé ou précontraint conduit à prendre

en compte dans les calculs un poids volumique de 25 k N / m 3

(2.500 kg /m 3 ) pour les bétons courants.

- Imperméabili té : le béton est d 'autant plus imperméable

que la porosité est plus faible. Les bétons don t le rapport E / C est

inférieur à 0,40 sont pra t iquement imperméables à l'eau : leur

perméabilité ne peut plus être mesurée.

- Résistance aux agents agressifs : les bétons compacts et à

porosité réduite offrent une grande résistance aux effets corrosifs

de divers agents agressifs. Ils présentent, en particulier, une

excellente tenue vis-à-vis des effets corrosifs de l'eau de mer.

- T e n u e au feu : la résistance du béton aux incendies est

excellente.

- Durabili té : les diverses propriétés physiques des bétons

lui confèrent une grande durabilité. Réalisées correctement, selon

les règles de l'art, les structures en béton conservent donc leur

apti tude au service pendant toute leur durée de vie prévue, sans

nécessiter de coûteuses réparations.

PROPRIETES MÉCANIQUES O n ne considère ici que les propriétés prises en compte par

l 'ingénieur de génie civil. D e ce point de vue, un béton est défini

par les caractères suivants :

- Résistance à la compression : un béton est défini par la

valeur de sa résistance caractéristique à la compression à 28 jours,

fc28. En France, par convention, la résistance à la compression du

béton est mesurée par la charge conduisant à l 'écrasement par

compression axiale d 'une éprouvette cylindrique de 16 cm de

diamètre et de 32 cm de hauteur. Les bétons courants ont une

résistance de 20 à 30 MPa, ceux de qualité atteignent 40 à

50 MPa, et les bétons à hautes performances peuvent dépasser

100 MPa. Le diagramme représentatif de la loi de compor tement

du béton mont re que la contrainte maximale de compression fc est

atteinte pour une déformation de l 'ordre de 2.10" 3. La ruine de

l 'éprouvette se produi t pour une déformation e r de l 'ordre de

3,5.10 "3. La pente de la partie linéaire du diagramme définit le

module d'élasticité instantané E ; (module de Young). Sa valeur

peut être évaluée par des relations empiriques telles que celle

donnée par les règles françaises :E; = 11.000 fc

1/3 (MPa). U n béton

de 40 M P a de résistance a donc un module de déformation

longitudinale instantanée de l 'ordre de 38 GPa.

- Résistance à la traction : la résistance à la traction est

environ égale au 1/10 de la résistance à la compression.

- Coefficient de dilatation : la valeur du coefficient de

dilatation linéaire est généralement prise égale à 1.10"5. En fait,

cette valeur s'étend de 0,8.10" 5 (béton à granulats calcaires) à

1,2.10 5 (béton à granulats siliceux).

- Propriétés rhéologiques : Tous les matériaux, et, entre

autres, le béton, sont, à des degrés divers, visco-élastiques. Le

facteur temps intervient donc dans leur comportement et dans la

formulation de leurs déformations. Il faut donc distinguer les

déformations instantanées des déformations différées qui se pro­

duisent au cours du temps. Ceci est particulièrement vrai pour le

béton, dont la résistance s'accroît asymptotiquement avec le temps,

au fur et à mesure que se complète l 'hydratation du ciment.

Retrait : le béton est l'objet de retrait, c'est-à-dire d 'une

réduction dimensionnelle, en l'absence de chargement, due

essentiellement à l'évaporation de l'eau excédentaire interne. Pour

l'ingénieur, le retrait est une déformation différée se produisant en

l'absence de charge. Il croît avec le temps, pour tendre après

quelques années vers une limite qui dépend notamment de la

composition du béton, des dosages en ciment et en eau, de

l'épaisseur des pièces et de l 'humidité relative de l 'atmosphère

environnante. Dans les conditions climatiques françaises, le retrait

unitaire total est de l'ordre de 2 à 3.10" 4. C'est entre autres l'exis­

tence du retrait qui justifie la création de joints dans les structures.

- Fluage : le fluage du béton est le processus continu de

déformation d 'un élément sur lequel s'exerce une charge cons­

tante ou variable. Il est fonction no t ammen t des caractéristiques

et de l'âge du béton lors du chargement, de l'épaisseur de

l 'élément, de l 'hygrométrie environnante et du temps. Le fluage

est un phénomène complexe, constaté mais non encore bien

compris. Il serait lié à des effets de migration d'eau dans les pores

et les capillaires de la matrice, ainsi qu 'à un processus de

réaménagement de la structure des cristaux hydratés du liant.

La déformation d 'un élément en béton soumis à un charge­

men t de longue durée est donc la somme de la déformation

différée, due au fluage, et de la déformation dite instantanée.

Cette dernière se produi t sous l'effet d 'un chargement de courte

durée (jusqu'à quelques heures). Elle peut être évaluée à partir de

la valeur du module instantané E{. Par ailleurs, le chargement

étant maintenu constant, on constate que la déformation croît

lentement, à vitesse décroissante, jusqu'à atteindre, après plu­

sieurs années, sa valeur maximale. La valeur de cette déformation

différée est, en ordre de grandeur, le double de celle de la

déformation instantanée. Dans ce cas, le module vrai du béton Ev

est égal à E / 3 .

C'est Eugène Freyssinet qui, le premier, dès 1912, a mis en

évidence ce phénomène et en a mesuré les conséquences sur le

compor tement des structures en béton armé ou précontraint

(réduction de la résistance sous charges soutenues, pertes de

précontrainte, redistribution de moments) .

UTILISATIONS DU BÉTON Le béton seul n'est pra t iquement utilisé que pour la cons­

t r u c t i o n de chaussées rout iè res et au to rou t i è r e s , ou de

barrages poids. En règle générale, les ouvrages, quelle que soit leur

nature, sont réalisés en béton armé ou en béton précontraint.

Le béton armé

Le béton armé est le matériau composite constitué par du

béton et par des armatures en acier judicieusement disposées.

U n élément de structure est généralement l'objet de solli­

citations de flexion, d'effort normal et d'effort t ranchant quand

il est soumis à l 'action de charges. Les moments de flexion sont

équilibrés dans une section donnée de la pièce par des contraintes

normales don t la valeur varie linéairement sur la hauteur de la

section. Elles sont maximales sur les fibres extrêmes ; ce sont, par

exemple, des contraintes de compression dans la partie supérieure

de la section, et de traction dans sa partie inférieure. Si la

contrainte de traction atteint la résistance à la traction du béton,

résistance dont on a dit qu'elle est relativement faible, celui-ci se

rompt . Cet te rupture est évitée en disposant des barres d'acier, ou

armatures, dans la zone où les contraintes de traction sont

maximales. Le m o m e n t est alors équilibré, d 'une part, par les

contraintes de compression qui se développent dans la partie

supérieure de la section et, d 'autre part, par l'effort de traction qui

s'exerce alors dans les armatures longitudinales disposées en partie

inférieure. D e même, les efforts tranchants sont à l'origine de

contraintes de cisaillement réparties sur la hauteur de la section.

Celles-ci sont reprises par des armatures transversales, cadres et

étriers, en général perpendiculaires aux armatures longitudinales.

Cette disposition permet d'utiliser au mieux la capacité élevée de

résistance à la compression du béton, tout en palliant sa faible

résistance à la traction.

Le compor tement normal d 'une pièce en béton armé

suppose une fine fissuration des zones tendues. La durabilité n'est

pas affectée dès lors que l 'ouverture des fissures demeure infé­

rieure à 0,1 m m en environnement agressif, et à 0,3 m m en milieu

non agressif : de telles ouvertures ne permettent pas la corrosion

des armatures en acier, le béton consti tuant un milieu basique qui

protège les aciers par passivation. Il est à noter que le composite

béton-acier ne présente un compor tement satisfaisant que parce

que le béton et l'acier ont à peu près le même coefficient de

dilatation thermique.

Le béton armé est utilisé pour la construction de bâtiments,

d'usines, de couvertures en coques minces, de réservoirs et de silos

de petite capacité, de ponts de petite portée, de routes, d'ouvrages

de fondation, d'ouvrages portuaires.

Le béton précontraint

Bien que constitué aussi par du béton et des armatures, le

béton précontraint se différencie fondamentalement du béton

armé. « Précontraindre une construction, c'est la soumettre,

avant application des charges, à des forces additionnelles détermi­

nant des contraintes telles que leur composit ion avec celles

provenant des charges donne en tout point des résultantes infé­

rieures aux contraintes limites que la matière peut supporter

indéfiniment sans altération. » Cet te définition est d 'Eugène

Freyssinet, l ' ingénieur qui construisit, vers 1935, les premières

structures en béton précontraint et qui, plus généralement, créa

de nouvelles techniques de construction consti tuant un saut

qualitatif historique dans la conception et la réalisation d'ouvra­

ges de toute nature.

L'application du concept de précontrainte au béton con­

duit à modifier artificiellement les contraintes subies par une

section d 'une poutre, afin qu'il n 'y subsiste plus de contraintes de

traction. Précontraindre une section en béton consiste donc à la

soumettre, avant sa mise en charge, à des contraintes de compres­

sion permanentes distribuées de manière à s'opposer aux contraintes

de traction provoquées par les charges.

Ceci est en général obtenu par l'action d'armatures de

précontrainte tendues à leurs extrémités par des vérins reportant

l'effort de traction créé dans ces armatures sur les abouts de

l 'élément en béton durci. Des organes d'ancrage assurent la

permanence de l'effort de compression ainsi introduit dans le

béton. Les armatures de précontrainte sont constituées par des

torons, des fils ou des barres d'acier à haute limite élastique

disposés à l 'intérieur de conduits ou de tubes métalliques ou

plastiques. Ces aciers ont des résistances à la rupture de l 'ordre de

1800 à 2000 MPa. Ils sont principalement employés sous forme

de torons de 13 et 15 m m de diamètre, et de fils lisses ou crantés

de 5 à 12 m m de diamètre.

En fait, la précontrainte d 'un élément en béton peut

s'effectuer par post-tension, par pré-tension ou par compression

directe. Dans les procédés par post-tension, la précontrainte est

obtenue par l 'action d'armatures disposées dans des conduits

vides, et mises en tension postérieurement au coulage du béton et

après que ce dernier a acquis une résistance suffisante lui permet­

tant d'être mis en compression. Après mise en tension, du mortier

de ciment est injecté sous pression dans les conduits afin de

protéger les torons, fils ou barres en acier contre toute corrosion.

Ce mode de précontrainte est utilisé dans tous les grands ouvrages

et, en général, lorsque les forces à mettre en jeu sont importantes.

Dans les procédés par pré-tension, les torons ou les fils d'acier

de précontrainte sont mis en tension préalablement au coulage du

béton dans les coffrages. Les armatures sont tendues en prenant

appui sur des culées fixes spécialement construites à cet effet. Après

coulage et durcissement du béton, les armatures sont libérées des

culées. Elles tendent à se raccourcir et mettent donc en compression

l'élément en béton, l'effort de traction des armatures étant transmis

au béton par adhérence. Ce procédé est employé essentiellement

pour la construction industrielle en grandes séries d'éléments pré­

fabriqués standardisés tels que les poutrelles, les prédalles de bâtiment

ou les traverses de chemin de fer. La précontrainte par torons ou fils

adhérents consomme, en France, plus des trois quarts des aciers à

haute limite élastique utilisés en construction.

La mise en précontrainte d 'une structure en béton peut

enfin être réalisée en la met tan t directement en compression au

moyen de vérins prenant appui sur des culées fixes. C'est encore

Freyssinet qui, le premier, mi t en œuvre ce mode de précontrainte.

Il créa pour cela les vérins plats, outils extrêmement puissants et

d 'un faible coût. Ce mode de précontrainte, par la nécessité de

culées qu'il impose, n 'a que des applications limitées. Il a été

utilisé pour la construction de pistes d'aviation et de routes.

Le béton précontraint est utilisé dans les structures forte­

ment sollicitées telles que les ponts à moyenne et grande portées,

les réservoirs de plus de 1500 m 3 , les réservoirs à hydrocarbures et

à gaz liquéfiés, dont certains ont une capacité unitaire de 80 000 m 3 ,

les enceintes de réacteurs nucléaires ou les plates-formes offshore.

Les autres bétons

Le béton est à la base d'autres modes d'utilisation. Le béton

léger, par l'emploi de granulats artificiels de faible masse volumique,

autorise la construction de structures de poids réduit ou d'éléments

à fort pouvoir d'isolation.

Le béton de fibres constitue un matériau composite obtenu

par l 'adjonction au béton, durant le malaxage, de fibres d'acier ou

de fonte ductile, de fibres de verre, de fibres de matières plastiques

ou de carbone. Selon les fibres, ces bétons acquièrent des propriétés

différentes toujours associées à une grande ductilité. Cette qualité

leur confère une bonne résistance aux effets des chocs durs.

Actuellement, le domaine principal d 'emploi des bétons de fibres

métalliques réside dans la réalisation de dallages industriels. Les

bétons de fibres de verre et plastiques sont utilisés pour la

fabrication d'éléments de mobilier urbain de faible épaisseur tels

que les revêtements de bâtiments ou les corniches de ponts .

Le béton compacté au rouleau (BCR) constitue un nouveau

champ d'utilisation du béton en cours de développement. Mis en

place selon des procédés qui s 'apparentent à ceux employés dans

les techniques de grands terrassements, il permet la construction

économique de barrages se substi tuant aux barrages en terre ou en

enrochements.

Quo ique millénaire, le béton est encore une matériau très

jeune. Dans son acception moderne, le terme « béton » désigne

un matériau dont l 'emploi n 'a commencé à se répandre qu 'au

début de ce siècle. Les dernières décennies ont vu la naissance de

nouveaux bétons aux performances sans c o m m u n e mesure avec

celles qu 'on prête habituellement à ce matériau. Ces nouveaux

bétons, qui seront ordinaires demain, sont appelés à modifier

profondément les modes de conception et de construction du

génie civil.