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ÉCOLE DE POLITIQUE APPLIQUÉE Faculté des lettres et sciences humaines Université de Sherbrooke CRISE ÉTUDIANTE DE 2012 : INTERPRÉTATION SELON LES CONCEPTS DE MACHIAVEL ET DE MARX par LAURENT ROBICHON-LECLERC travail présenté à JEAN-HERMAN GUAY dans le cadre du cours POL 113 Histoire des idées politiques Sherbrooke 18 décembre 2012

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ÉCOLE DE POLITIQUE APPLIQUÉE

Faculté des lettres et sciences humaines

Université de Sherbrooke

CRISE ÉTUDIANTE DE 2012 : INTERPRÉTATION SELON LES CONCEPTS

DE MACHIAVEL ET DE MARX

par

LAURENT ROBICHON-LECLERC

travail présenté à

JEAN-HERMAN GUAY

dans le cadre du cours

POL 113

Histoire des idées politiques

Sherbrooke

18 décembre 2012

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Introduction

Dans le cadre d’un cours universitaire, nous interpréterons un événement en fonction de la pensée

de deux auteurs : Nicolas Machiavel et Karl Marx. Le phénomène choisi est la crise étudiante qui

secoua le Québec au printemps 2012, lequel sera brièvement résumé. Par la suite, nous

présenterons les concepts des deux auteurs. Puis, les notions seront mises en relation avec

l’événement, pour ainsi transposer les pensées de ces philosophes d’antan aux circonstances

actuelles.

1. Présentation de l’événement

La grève (ou boycott) générale étudiante de 2012, aussi appelée « printemps érable » ou

« printemps québécois », est un mouvement social qui a eu lieu au Québec du 13 février au 7

septembre 2012. Son déclenchement est causé par la hausse de 75 % des frais de scolarité sur

cinq ans par le gouvernement libéral de Jean Charest. Or, d’un débat sur les frais de scolarité, elle

déborda rapidement de ce sujet avec comme point de mire le système économique actuel : « Que

notre grève sert de tremplin à une contestation beaucoup plus large, beaucoup plus profonde et

beaucoup plus — oui — radicale que la direction que prends le Québec depuis les dernières

années1. » Les manifestations causèrent des problèmes de circulation quotidienne, au grand dam

de la population ordinaire. Certaines ont viré en émeutes, laissant place à diverses actions

brutales : vandalisme, lançage d’objets sur les forces de l’ordre, violence policière, utilisation de

la cavalerie par les gardiens de la paix. Le regroupement de types black block a commencé à

devenir omniprésent. Des actes radicaux ont été perpétrés, tels que des bombes fumigènes

projetées plusieurs fois en quelques semaines sur les rames du métro de Montréal. Ce conflit qui

divisait la population québécoise se transposa en plusieurs débats tels que : ceux contre les

hausses des frais contre ceux en faveur, les révolutionnaires idéalistes opposés à ceux qui prônent

l’ordre social, les égalitaires versus les libertaires, les étudiants qui — par l’entremise des votes

lors d’assemblées générales — prônaient leur démocratie opposés à ceux qui — par la voie des

d’injonctions — préconisaient l’importance des institutions dans un État de droit, etc. Cette

1 MOTORMAGNER. « Discours de Gabriel Nadeau-Dubois pour la grève étudiante (7 avril 2012) », Youtube, [En ligne], le 24 mai 2012, http://www.youtube.com/watch?v=-0iX4cLCsng (Page consultée le 11 décembre 2012)

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division entre les « carrés rouges » et la « majorité silencieuse »2 prit une énorme place

médiatique propulsant ainsi les leaders étudiants vers le statut de vedettariat : Martine Desjardins

de la FEUQ, Léo-Bruno Blouin succédé par Éliane Laberge présidents de la FECQ, mais surtout

Gabriel Nadeau-Dubois qui fût le coporte-parole de la CLASSE, le mouvement considéré comme

le plus radical des trois associations étudiantes. Le rôle des médias a ainsi joué un rôle important

dans l’interprétation des événements. Ces derniers étaient considérés comme davantage contre les

étudiants (à l’exception du Devoir), alors que les médias sociaux, qui prirent une place tout aussi

importante, proposaient de l’information plutôt en faveur de la cause estudiantine3. Internet fut

donc une tribune des événements du Québec, auquel le mouvement hacktiviste « anonymous » se

mêla au mouvement en dénonçant le gouvernement, puis par diverses attaques pirates de sites

gouvernementaux. Les décisions des associations étudiantes sont construites à partir

d’assemblées générales par lequel des votes se font par un processus de démocratie directe, qui

pour faire suite, sont proposées à la table des discussions pour négocier une entente avec le

gouvernement. Pourtant, les pouparlers avancent que très lentement. Le 14 mai, la ministre de

l’Éducation chargée du dossier, Line Beauchamp, démissionne de ses fonctions n’estimant plus

faire « partie de la solution »4. Vers la fin des classes, la menace soutenue d’annulation de la

session d’hiver incite le gouvernement à édicter la loi 78, qui consiste à un retour immédiat en

classe et à diverses restrictions des libertés (surtout liées aux manifestations). Cette loi a

déclenché de la colère au sein de la population, alors que « 500 juristes [...] ont manifesté [...]

contre la loi spéciale (78), qu’ils considèrent comme une grave atteinte aux droits et libertés»5.

De là naît le mouvement pacifiste des casseroles, qui inclut des personnes, étudiantes ou non,

frappant sur des poêlons, caquelons et autres ustensiles de cuisine en guise de protestation à la loi

ou au gouvernement Charest. Les vacances estivales atténuèrent quelque peu la crise étudiante.

Des élections sont déclenchées le 1er août. Le gouvernement péquiste, élu le 5 septembre, abrogea

dans les jours qui suivent la loi 12 (anciennement loi 78) et annula la hausse des frais de scolarité,

mettant fin à la crise. Celle-ci aura été marquée par le nombre considérable de manifestations

2 Propos maintes fois répétés par Jean Charest en référence aux gens ordinaires qui travaillent et suivent la loi. 3 LALUT, Stephanie. « Congrès FPJQ — Compte-rendu Atelier — Avons-nous bien couvert le conflit étudiant? », The Canadian Journalism Project, [En ligne], 23 novembre 2012, http://j-source.ca/node/9522 (Page consultée le 2 décembre 2012) 4 DAVID, Michel. « Place aux muscles », Le Devoir (Montréal), 15 mai 2012, p. a1-a10. 5 CAMERON, Daphné. « Des centaines de juristes dans la rue », La Presse (Montréal), 29 mai 2012, p. a6.

5

(dont les plus grandes atteignaient environ 300 0006 personnes), aura menés à 34187 arrestations

et coûta quarante millions8 de dollars aux universités, autour de douze millions9 en temps

supplémentaire de la SPVM10 et affecta l’économie en général.

2. Nicolas Machiavel

2.1. Concepts

Machiavel (1469-1527) définissait la politique par l’exercice du dirigeant : il concentre toutes les

notions d’un État vers l’objectif de combler les intérêts de ce dernier balayant ainsi les nécessités

de la majorité et du peuple, pour servir en premier lieu ses propres avantages. Conséquemment, la

conquête et la conservation du pouvoir sont une « fin qui justifie les moyens »11. Cet auteur use

un dialecte de trois termes qui constituent les trois composantes reliées aux événements. Nous

omettrons de définir la necessità pour nous tenir à la fortuna et à la virtù. Selon Rochet :

La fortuna peut être représentée comme un processus de destruction destructive,

tandis que la virtù est un processus de construction créatrice ; de la confrontation

des deux résulte le processus de destruction créatrice, qui est le moment

machiavélien.12

Plus simplement, « La fortuna est une force non humaine, la chance, bonne ou mauvaise, qui

intervient dans les affaires humaines »13, alors que la virtù établit la force qui est capable

d'imposer sa loi envers et contre les circonstances. La necessita et la fortuna nous échappent,

alors que la virtù peut se contrôler. Un autre concept, celui du bouc émissaire, relié à la

6 ESPIN, Tery-Tanya. « Grève illimité », Le Collectif (Sherbrooke), 26 novembre 2012, p. 4. 7 COLLECTIF OPPOSÉ À LA BRUTALITÉ POLICIÈRE. GRÈVE ÉTUDIANTE 2012 : 3418 ARRESTATIONS [du 16 février au 3 septembre 2012] BILAN DÉFINITIF, [En ligne], 10 octobre 2012, http://cobp.resist.ca/documentation/gr-ve-tudiante-2012-3418-arrestations-du-16-f-vrier-au-3-septembre-2012-bilan-d-finiti (Page consultée le 2 décembre 2012) 8 LA PRESSE CANADIENNE. « Crise étudiante : la facture dépasse 40 millions $ », Yahoo! Actualités Québec, [En ligne], 31 octobre 2012, http://fr-ca.actualites.yahoo.com/crise-%C3%A9tudiante-la-facture-d%C3%A9passe-40-millions-170909065.html (Page consultée le 2 décembre 2012) 9 RADIO-CANADA. « Les manifestations étudiantes ont coûté cher au SPVM », Radio-Canada.ca, [En ligne], 15 octobre 2012, http://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2012/10/15/007-couts-manifs-spvm-lundi.shtml (Page consultée le 2 décembre 2012) 10 Service de police de la Ville de Montréal. 11 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, Coll. « Librio », Traduction de A. t’Serstevens, Louis Jou, la 4e de couverture. 12 ROCHET, Claude. « Le bien commun comme main invisible. Le leg de Machiavel à la gestion publique », Revue Internationale des Sciences Administratives, Vol. 74, 2008, p. 535. 13 WIKIPÉDIA. « Philosophie », Nicolas Machiavel, [En ligne], 7 décembre 2012, http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Machiavel (Page consultée le 12 décembre 2012)

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manipulation des responsabilités, peut s’expliquer de la sorte : faire administrer les tâches

écrasantes à autrui, et de se donner les tâches qui confère du prestige à soi-même.

2.1 Interprétation du conflit étudiant selon les principes de Machiavel

Étant donné que Machiavel dicte ses principes autour du dirigeant, l’interprétation des

événements se concentrera sur les décisions du gouvernement, et tout spécialement, sur le

premier ministre et chef du gouvernement : Jean Charest. De cet angle de vue, nous serons peut-

être en mesure de comprendre les choix pris suite à la décision de hausser les frais de scolarité.

Parmi les ouvrages de Machiavel, le plus célèbre, Le Prince, constitue l’œuvre que nous avons le

plus consultée pour interpréter les événements. De ses publications ressorts des principes

importants, dont un de ceux-là est d’accepter le conflit puisqu’il est impossible de plaire à tous.

Jean Charest l'a maintes fois répété lors du printemps québécois: « Être premier ministre du

Québec ce n’est pas un concours de popularité, [...] surtout quand le Québec vit une période de

turbulence. C’est être capable de prendre des décisions qui sont souvent difficiles [...] quel que

soit les pressions14. » De ce discours ressort l’idée de s’imposer malgré les courants opposés, ce

qui s’associe très bien au concept de virtù de Machiavel. Certains individus et groupes attendaient

avec empressement qu’un conflit contre le gouvernement démarre pour exprimer leur

mécontentement, qui pouvait frôler des comportements violents. Machiavel développe : « Certes,

on ne peut empêcher de naître certaines haines, et des plus violentes, entre les grands citoyens

d’un tel État ; mais faute de partisans qui les suivent, ils ne peuvent nuire à l’État15. »

Le peuple, trompé souvent par de fausses apparences de bien, désire sa propre

ruine; et, si ce qui est bien et ce qui est mal ne lui est pas inculqué par quelqu’un en

qui il ait confiance, la république se trouve exposée aux plus grands dangers.16

Selon Machiavel, il est fort possible que d’une manière paradoxale, les manifestants, sans le

savoir, posassent des actions nuisibles à la société alors qu’ils étaient illusionnés de la faire

progresser.

14 PARTILIBÉRALDUQUÉBEC. « Jean Charest : Faire le choix de la responsabilité », Youtube, [En ligne], 17 juin 2012, http://www.youtube.com/watch?v=n6int7ayPO8 (Page consultée le 4 décembre 2012) 15 MACHIAVEL, Nicolas. « Livre VII », Histoire de Florence, Traduction de J.V Périès, Paris, Charpentier, 1842, p. 1288. 16 BERGES, Michel. « La corruption politique », Machiavel, un penseur masqué?, sous la direction, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, p. 107.

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La hausse des frais de scolarité créa une division présentée sous de multiples débats, autant au

sein de la communauté étudiante que dans la population québécoise. Ce morcellement profitait au

gouvernement si l’on se tient à la maxime reprise par Machiavel : « diviser pour mieux régner ».

En outre, cette doctrine s’appliquait d'une façon plus concrète, comme lors de tactiques policières

visant la séparation d’un groupe de manifestants fort en nombre en de petits groupes isolés : « De

braves et séditieux qu'ils étaient ensemble, ils devinrent, chacun en particulier, soumis par crainte

et obéissants17. » Un autre grand principe est celui de manipuler les responsabilités, qui peut se

manifester par la disposition d'un bouc émissaire. Ainsi, on peut distinguer la ministre de

l’Éducation comme celle qui, par l’entremise de sa démission, fût sacrifiée. D’un autre côté, les

casseurs lors de manifestations remplissaient bien ce rôle de bouc émissaire, puisqu’ils

légitimaient la présence de force de l’ordre et diminuaient l’opinion publique à l’égard de la

cause estudiantine. Les manifestations déclarées illégales ont mené à un rapport de force entre les

policiers et ceux qui manifestaient. Ce rapport de force est traité comme l’une des « deux

manières de combattre les hommes : l’une est par la force, et l’autre par les lois »18. Dès lors, la

loi 78 constituait ce deuxième moyen.

Selon Machiavel, « il existe dans chaque gouvernement deux sources d'opposition, les intérêts du

peuple et ceux des grands »19. Plusieurs interprétations expliquent si la décision du gouvernement

de hausser les frais de scolarité fut pour les intérêts du peuple ou pour ceux de l’élite.

Effectivement, une tranche de population et certains médias définissaient l’attitude des étudiants

« d’enfants rois », une définition qui peut se décrire ainsi : « la nature a créé l'homme tel qu'il

peut désirer tout sans pouvoir tout obtenir; ainsi le désir étant toujours supérieur à la faculté

d'acquérir »20. La focalisation sur le grabuge et le vandalisme alternait la perception de la

population, étant donné qu’elle réduisait l’importance des 99,9 %21 de manifestants pacifiques.

Les médias ont d’une certaine façon appliqué un principe fort de Machiavel qui est la

dissimulation, c’est-à-dire de jouer sur les perceptions, d’amplifier les actions qui légitime le

gouvernement et de minimiser celles qui le discrédite, un concept expliqué par Machiavel : « les

17 MACHIAVEL, Nicolas. « Livre premier, Chapitre LVII », Les discours sur la première décade de Tite-Live, Coll. « Stratégies », Traduction de T. Guiraudet, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1980, p. 145. 18 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, Coll. « Librio », Traduction de A. t’Serstevens, Louis Jou, p. 82. 19 MACHIAVEL, Nicolas. « Livre premier, Chapitre XXXIII », Les discours sur la première décade de Tite-Live, Coll. « Stratégies », Traduction de T. Guiraudet, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1980, p. 390. 20 MACHIAVEL, Nicolas. Les discours sur la première décade de Tite-Live, Coll. « Stratégies », Traduction de T. Guiraudet, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1980, p. 79 21 Nombre approximatif

8

hommes seront toujours assez simples et assez pressés par les besoins présents pour que celui qui

veut tromper trouve toujours des dupes22. » En outre, « le vulgaire ne s’attache qu’à ce qui paraît

et ne juge que par l’événement »23. De ces citations, nous pouvons nous éloigner du point de vue

des événements pour s’aligner sur un jugement de personne : « Chacun voit donc ce que vous

paraissez être, mais très peu de personnes aperçoivent ce que vous êtes; et ce petit nombre ne sera

jamais assez téméraire pour démentir le grand nombre24. » De ce point de vue, Jean Charest et

Line Beauchamp ont sans doute offert une image peu apprécié par leurs opposants, de sorte que si

ces deux acteurs avaient de bonnes ou de mauvaises qualités, cela importe peu puisqu’en fin de

compte, tout ce qui importe c’est qu’« il est nécessaire qu’il[s] paraisse[nt] les avoir »25.

La crise étudiante créait des troubles de toutes sortes, dont certains citoyens en déploraient les

effets. À ce sujet, Machiavel affirme :

Je prétends que ceux qui condamnent les troubles advenus entre les nobles et la

plèbe blâment ce qui fut la cause première de la liberté de Rome : ils accordent plus

d’importance aux rumeurs et aux cris que causaient de tels troubles qu’aux heureux

effets que ceux-ci engendraient. Ils ne considèrent pas le fait que, dans tout État, il

y a deux orientations différentes, celle du peuple et celle des grands, et que toutes

les lois favorables à la liberté procèdent de leur opposition.26

Ainsi, l’opposition entre le peuple et le gouvernement causa sur le moment des troubles, mais se

présente à long terme comme un bienfait. Néanmoins, le boycott étudiant dégénéra en une crise

où la violence et le désordre fussent omniprésents en proportion de la quiétude habituelle au

Québec. On peut émettre une analogie entre le peuple en colère selon Machiavel, et le feu des

manifestants animés par une cause noble. Dans les deux cas, ils doivent :

Chercher deux choses [...] : l'une, d'éviter le châtiment de tout ce qui s'est fait ces

derniers; l'autre, de pouvoir vivre plus libres et plus heureux que par le passé. Il

faut, à mon avis, si nous voulons obtenir le pardon de nos anciennes erreurs, en

commettre de nouvelles, redoubler les excès, [...] et multiplier le nombre de nos

complices. Lorsque les coupables sont trop nombreux, on ne punit personne27.

22 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, Coll. « Librio », Traduction de A. t’Serstevens, Louis Jou, p. 83. 23 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, [...], p. 84. 24 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, [...]. p. 84. 25 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, [...], p. 84. 26 MACHIAVEL, Nicolas. « Livre premier, Chapitre IV », Les discours sur la première décade de Tite-Live, Coll. « Stratégies », Traduction de T. Guiraudet, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1980, p. 196. 27 MACHIAVEL, Nicolas. « Une harangue révolutionnaire », Histoire de Florence, Traduction de J.V Périès, Paris, Charpentier, 1842, p. 123.

9

En regardant comment le conflit s’est envenimé, avec une résistance grandissante,

manifestement cette notion fût pratiquée. Le gouvernement voulait imposer des conditions pour

diverses raisons (retour en classe, rétablir l’ordre), et a donc édicté la loi spéciale. Celle-ci

empêchait la capacité d’action du peuple en révolte. Cette décision peut se refléter de façon

analogique avec une réflexion de Machiavel :

Lorsque dans une république on voit s'élever un principe destructeur qui prend

assez d'accroissement pour en être effrayant, [...] il est infiniment plus simple de

temporiser avec le mal que de chercher à l'extirper; car tout ce qu'on tente pour

l'étouffer redouble souvent ses forces et fait accélérer la violence qu'on en

redoutait.28

Nous pouvons mettre cette citation en relation avec à la loi spéciale, cette dernière pouvant

s’interprétée comme étant vicieuse et s’associant avec l’idée de « chercher à extirper le

mal ». De cet angle de vue, le gouvernement aurait contrecarré au principe de Machiavel,

expliquant les problèmes qui ont surgi par la suite.

Le gouvernement s’est écarté de certains fondements présentés par Machiavel, dont celui « de

n’être ni méprisé, ni odieux, en rendant le peuple content de vous »29. En effet, c’est par

l’édiction de la loi spéciale que le gouvernement néglige le principe, si l’on se fit à la réaction

négative de la population en général. En outre, Jean Charest a lancé une blague lors d’une

conférence regroupant des élites : « À ceux qui frappaient à la porte ce matin, on pourrait leur

offrir un emploi... dans le Nord, autant que possible30. » Cela va à l’encontre d’un principe

romain repris par Machiavel : « il était dangereux, [...] de témoigner du mépris à des hommes et

de les flétrir par la honte, parce que rien n'est plus capable de les irriter et d'exciter leur

indignation que ces injures, ces reproches31. » On peut affirmer que les libéraux ont négligé les

notions de gouvernance sur mesure, d’anticipation et d’adaptation. Or, ces trois principes

entraient en contradiction avec un autre plutôt important auquel Jean Charest et son équipe a bien

exécuté, celui de tenir fermement ces décisions : « Il doit [...] rendre tous ses arrêts irrévocables,

à l’égard de ce qui arrive entre les particuliers, et acquérir la réputation de ne pouvoir changer de

28 MACHIAVEL, Nicolas. « Livre premier, Chapitre XXXIII », Les discours sur la première décade de Tite-Live, Coll. « Stratégies », Traduction de T. Guiraudet, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1980, p. 79 29 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, [...] p. 87. 30 CALAGACÉ, Patrick. « Le moment Oasis du PM », La Presse (Montréal), 21 avril 2012, p. a5. 31 MACHIAVEL, Nicolas. « Livre second, Chapitre XXVII », Les discours sur la première décade de Tite-Live, Coll. « Stratégies », Traduction de T. Guiraudet, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1980, p. 224.

10

sentiment32. » En ne démordant pas de son idée, qui se manifesta par des négociations tardives et

ardues, le gouvernement a fait un pari risqué. Il croyait que sa virtù pouvait agir comme facteur

déterminant : si les étudiants étaient rentrés en classe, le gouvernement aurait acquis de la

réputation puisque « tout le monde convient que rien n’élève tant un Prince que lorsqu’il

surmonte les difficultés et les obstacles qu’on lui oppose »33. Néanmoins, le gouvernement aurait

dû « anticiper l’arrivée de la mauvaise fortuna de manière à renforcer sa virtù34. »

En conclusion, les concepts de Machiavel expliquent surtout la position du gouvernement.

Ces notions s’appliquent bien pour décrire des actions concrètes, ce qui est tout le contraire

pour Marx.

3. Karl Marx

3.1. Concepts reliés à Karl Marx

Ce grand philosophe du 19e siècle possède son lexique propre qui détermine avec précision des

concepts nouveaux pour son époque. Il définit l’infrastructure comme une combinaison de

rapports dynamiques, dont la structure économique est la base. Ceux-ci conditionnent la

superstructure, constituée de rapports sociaux et intellectuels, qui eux tissent les idéologies.

Parmi les rapports de l’infrastructure, nous retrouvons le rapport de production qui constitue la

relation entre les forces productives, c’est-à-dire – à l’exception des sociétés communistes35 —

du pouvoir exercé par les dominants sur les dominés. Les dominés exploitent leur travail par un

mode de production36 (aussi appelé forces productives) adapté à leur société. « À un certain stade

de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction

avec les rapports de productions existants, [devenant ainsi des] entraves37. » C’est à la suite d’un

bouleversement économique que naît une révolution sociale. Bref, l’infrastructure doit se rompre,

32 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, [...], p. 86. 33 MACHIAVEL, Nicolas. Le Prince, [...], p. 99. 34 ROCHET, Claude. « Le bien commun comme main invisible. Le leg de Machiavel à la gestion publique », Revue Internationale des Sciences Administratives, Vol. 74, 2008, p. 535. 35 Ici, le terme communiste fait référence au communisme primitif où la non-hiérarchisation des membres de la société créait une forte égalité. 36 Karl Marx distingue cinq modes de productions : asiatique (subordination à l’état), antique (esclavage et artisanat), féodal (agriculture et servage), capitaliste (industrie et prolétariat), communiste (société sans État, sans classe et sans salariat). 37 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Préface à la Contribution à la critique de l’économie politique », Contribution à la critique de l’économie politique, Paris, Éditions sociales, 1972, p.89.

11

secouant par le fait même la superstructure, pour qu’elle puisse accoucher de nouveaux rapports

de production mieux adaptée aux forces productives matérielles. Marx fait souvent référence au

prolétariat, qu’il définit comme suit :

Dans la formation d’une classe qui porte des chaînes radicales, d’une classe de la

société civile qui n’est pas une classe de la société civile; [...] d’une sphère qui

possède un caractère universel du fait de ses souffrances universelles et qui ne

revendique aucun droit particulier parce qu’elle n’est victime d’aucune injustice

particulière, mais bien de l’injustice sans phrase; [...] une sphère enfin qui ne peut

s’émanciper sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société et du coup

les émanciper toutes; en un mot : qui est la perte totale de l’homme et ne peut donc

se reconquérir elle-même que par la reconquête totale de l’homme. Cette

dissolution de la société considérée comme un état particulier de la matière sociale,

c’est le prolétariat.38

Le concept de lutte, très présent dans le discours implicite et explicite des étudiants en grève, fait

référence surtout aux luttes de classes et aux luttes politiques, les deux étant intimement liées.

3.2 Interprétation du conflit étudiant selon les principes de Marx

Nous pouvons faire un parallèle entre la lutte étudiante et la lutte du prolétariat selon la

conceptualisation de Marx : « Les ouvriers commencent par former des coalitions contre les

bourgeois; ils s’associent pour défendre leur salaire. [...] Par endroits, la lutte éclate en

émeutes39. » Pour être à mieux de comprendre tous les rapprochements que l’on peut faire entre

les deux luttes, rien de mieux que de retranscrire la citation dans le contexte du conflit étudiant :

Les étudiants commencent par former des associations étudiantes contre le néolibéralisme; ils

s’associent pour défendre la hausse des frais de scolarité. Par endroits, la lutte éclate en émeutes.

Ainsi, le boycott étudiant n'était pas seulement contre la hausse des frais de scolarité, mais fût une

lutte débordant sur le néolibéralisme, sur les excès du capitalisme et sur « l’aristocratie

financière »40. Une lutte contre la société établie, discréditant ainsi la légitimité des actions et

décisions de cette dernière, se concrétisant par l’infraction de lois et par un non-respect des

38 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Introduction », Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, Imprimerie de Worms et Cie, Paris, 1844, p. 103. 39MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Bourgeois et prolétaires », Manifeste du parti communiste, sous la direction de Gérard Raulet, Coll. « Champs-Flammarion », Traduction de K. Marx et F. Engels, Londres, Office der Bildungs-Gesellschaft für Arbeiter von J.E. Burghard, 1848, p. 85. 40 TREMBLAY, Jean-Marie. « Les luttes de classes en France, 1848-1850 (1850) », Les classiques des sciences sociales, Karl Marx (1818-1883), [En ligne], 8 avril 2002, http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.mak.lut (Page consultée le 9 décembre 2012)

12

institutions étatiques. Le refus de respecter les injonctions, de se conformer à la loi 72, de même

que par la résistance face aux forces de l'ordre — représentants d'un gouvernement presque rendu

illégitime pour certains — procurent des exemples d’éléments associés à une lutte politique. Les

actes de violence isolée perpétrés par les manifestants sont justifiables puisque « leurs fins ne

peuvent être atteintes que grâce au renversement par la violence de tout l’ordre passé »41. Donc,

les manifestations dépassaient le contexte de la hausse des frais de scolarité puisque selon Marx :

« toute lutte de classes et une lutte politique »42, et « il n'y a jamais de mouvement politique qui

ne soit social en même temps »43. De ce point de vue, la classe pauvre peut être mise en parallèle

avec la situation souvent précaire des étudiants :

Depuis la fin des années 1990, près de un étudiant à temps plein sur deux occupe un

emploi pendant l'année scolaire, comparativement à un sur quatre à la fin des

années 1970. Parallèlement, le nombre d'heures de travail a augmenté, puis s'est

stabilisé, atteignant une moyenne d'environ 16 heures par semaine au cours de la

dernière décennie.44

L'opposition des manifestants les plus radicaux jette une critique prononcée envers cette société

capitaliste, que l’on peut qualifier d’infrastructure selon le lexique marxiste. Diverses raisons

appuient leurs réprimandes. D’abord, ils considèrent le capitalisme obsolète. Il fut utile lors de la

révolution industrielle, mais « de formes de développement des forces productives qu'ils étaient

ces rapports en deviennent des entraves »45. Ces forces productives (ou mode de production) sont

celles du capitalisme. Le contexte environnemental actuel va à l’encontre d’une idéologie qui

considère les ressources et la croissance illimitée. La croissance économique qui estime le

« profit comme sa fin ultime »46, doit présenter des réformes. En outre, les étudiants radicaux

dénoncent le système économique, qui en plus d'envisager les problèmes environnementaux

comme des externalités47, accroissent les inégalités dans le monde. Ces débats sur les idéaux

économiques importent puisque « ce sont les conditions économiques qui sont finalement

41 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Position des communistes à l’égard des divers partis d’opposition», [...], p. 119. 42 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Bourgeois et prolétaires», [...], p. 85. 43 MARX, Karl. « Une découverte scientifique », Misère de la philosophie, 2e édition allemande, Éd. sociales, Paris, 1977, p. 206. 44 MARSHALL, Katherine. « Profils d'emploi des étudiants postsecondaires », L'emploi et le revenu en perspective, vol. 11, n° 9, n° 75-001-XIF, 2010 45 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Préface à la Contribution à la critique de l’économie politique », Contribution à la critique de l’économie politique, Paris, Éditions sociales, 1972, p. 74 46 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Bourgeois et prolétaires», [...], p. 83. 47 Terme économique qui désigne le fait que l'activité de production ou de consommation d'un agent affecte le bien-être d'un autre sans qu'aucun des deux reçoive ou paye une compensation pour cet effet.

13

déterminantes »48, et que « l'exploitation d'une partie de la société par l'autre est un fait commun à

tous les siècles passés »49. L'éducation est considérée comme un enrichissement personnel et

collectif, de sorte que sa marchandisation, ou le fait d'en restreindre l'accessibilité, pour des

raisons économiques est en opposition à des valeurs plus humanistes ou égalitaires. Un objectif

du néolibéralisme est la décentralisation de l'État, ce qui est en contradiction avec Marx qui prône

de « centraliser tous les instruments de production entre les mains de l'État, c'est-à-dire du

prolétariat organisé en classe dominante »50. Ainsi, la tenue de programmes sociaux, d’entreprises

publiques, de redistributions de la richesse et d’un gouvernement interventionniste, des modèles

proposés par Marx et revendiqués par la plupart des « carrés rouges », sont des principes qui

s’opposent à l’idée derrière la hausse des frais de scolarité. Les choix de réformes économiques

dites néolibérales telles que l'amaigrissement de la structure étatique sont aisément acceptés par

le gouvernement libéral parce que « les idées dominantes d'une époque [le capitalisme ou le

néolibéralisme] n'ont toujours été que les idées de la classe dominante »51.

Les liens prétendument serrés entre le premier ministre et l'homme le plus riche du Québec, Paul

Desmarais, créèrent chez certains une perception de conflits d'intérêts. Ce lien étroit pouvait

expliquer les allégations portant sur le rôle partisan de Power Corporation à l'endroit du

gouvernement, manipulant ainsi l'opinion publique par l’entremise de leurs nombreux médias.

Marx établit un lien entre les idées de la société et celle de la classe dominante :

La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même

coup, des moyens de la production intellectuelle. [...] Les pensées dominantes ne

sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants; [...]

autrement dit, ce sont les idées de sa domination. [...] Il va de soi que ces individus

dominent dans tous les sens et qu’ils ont une position dominante, entre autres

comme êtres pensants, comme producteurs d’idées, qu’ils règlent la production et la

distribution des pensées de leur époque.52

Tel que mentionné précédemment, plusieurs concepts de Karl Marx sont imbriqués dans le

discours des étudiants. Les quelques segments du discours de Gabriel Nadeau-Dubois le 7 avril

2012 sont très révélateurs de ce lien étroit avec Marx :

48 ENGELS, Friedrich. Lettres sur le matérialisme historique, Editions Sociales Internationales, [s.l.], 1935 49 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Prolétaires et communistes», [...], p. 99. 50 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Prolétaires et communistes», [...], p. 100. 51 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Prolétaires et communistes», [...], p. 99. 52 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Première partie : Feuerbach. », L’idéologie allemande, La Dispute — Editions sociales, Paris, 2012, p. 78.

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Les gens qui veulent augmenter les frais de scolarité... c'est une élite gloutonne, une

élite vulgaire, une élite corrompue. [...] Notre grève est déjà victorieuse parce qu'elle

nous a permis de voir la route de la résistance. [...] Il est là le sens de notre grève,

dans la durée, dans la poursuite demain de la résistance.53

[...]Cinquante-quatre jours de luttes, cinquante-quatre jours de matraques, de gaz,

de poivre. Moi, mes amis, mes camarades54. [...]S’il y a une tradition québécoise à

conserver, [...] c’est une tradition de luttes, de luttes syndicales, de luttes étudiantes,

de luttes populaires. 55

Notre grève ce n’est pas un événement isolé. Notre grève c’est juste un pas, c’est

juste une halte le long d’une route beaucoup plus longue. [...] Nous avons planté ce

printemps les graines d’une révolte qui ne germera[sic] peut-être que dans plusieurs

années.56

À la lecture de cette dernière citation, nous pouvons clairement identifier un lien proche avec la

pensée de Marx : « [...] ils ont mené une lutte ininterrompue, tantôt cachée, tantôt ouverte [...]57. »

Dès lors, la grève étudiante serait donc une « lutte ouverte » dans un contexte de « lutte

ininterrompue », de sorte que la lutte n’est pas terminée. Le qualificatif d’utopiste fût maintes fois

évoqué pour qualifier ce désir de révolutionner le système établi. Selon Marx, ce terme ne

convient pas étant donné que « la théorie n’est jamais réalisée dans un peuple que dans la mesure

où elle est la réalisation de ses besoins »58. Néanmoins, leurs volontés étaient contrebalancées par

des courants opposés parce que « les diverses volontés […] n'arrivent pas à ce qu'elles veulent,

mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune »59. En effet, le parti

libéral, défait aux élections, n'a su maintenir sa hausse des frais de scolarité. Du côté des

étudiants les plus radicaux, l’annulation de la hausse60 (en attendant une décision lors du sommet

sur l’éducation) par le gouvernement péquiste est encore bien loin de la gratuité scolaire. Pour

d'autres, ce n'est pas une victoire complète puisque le gouvernement de Charest n'a jamais reculé

53 LA PRESSE CANADIENNE. « ‘’Un tremplin pour une contestation radicale’’ », La Presse, [En ligne], 26 avril 2012, http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201204/25/01-4518979-un-tremplin-pour-une-contestation-radicale.php (Page consultée le 11 décembre 2012) 54 Terme employé par les membres de partis gauchistes tel que les communistes. 55 MOTORMAGNER. « Discours de Gabriel Nadeau-Dubois pour la grève étudiante (7 avril 2012) », Youtube, [En ligne], le 24 mai 2012, http://www.youtube.com/watch?v=-0iX4cLCsng (Page consultée le 11 décembre 2012) 56 LA PRESSE CANADIENNE. « ‘’Un tremplin pour une contestation radicale’’ », La Presse, [En ligne], 26 avril 2012, http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201204/25/01-4518979-un-tremplin-pour-une-contestation-radicale.php (Page consultée le 11 décembre 2012) 57 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Bourgeois et prolétaires», [...], p. 83. 58 MARX, Karl et Friedrich ENGELS. « Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel », Annales franco-allemandes, Imprimerie de Worms et Cie, Paris, 1844, p. 80. 59 ENGELS, Friedrich. Lettres sur le matérialisme historique, [...], p. 28. 60 DUTRISAC, Robert. « Pauline Marois commence en lion », Le devoir (Montréal), 21 septembre 2012, p. A1.

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étant donné que la fin du conflit est reliée à leur non-réélection dudit parti. Ainsi, nous pouvons

affirmer qu’aucun des partis n'a réellement gagné, et « ce qui s'en dégage est quelque chose que

personne n'a voulu »61.

Pour conclure, les analogies entre le conflit des étudiants québécois en 2012 et les concepts de

Karl Marx se présentent surtout à travers l’idéologie de leurs luttes respectives : les manifestants

se sont beaucoup appuyés sur l’idéologie marxiste et ses afférents pour justifier leur cause.

4. Conclusion

Cette double interprétation donne deux angles de vue d’une problématique qui auraient pu en

contenir beaucoup plus. D’ailleurs, quelqu’un qui se limiterait à ces deux perceptions aurait

tendance à préférer la cause estudiantine puisque la conception marxiste associée aux idées des

« carrés rouges » est beaucoup plus universelle, porteuse d’une cause humaniste et démocratique,

alors que le mariage gouvernement-Machiavel se rattache à des idées moins appréciées, car plus

égoïstes, totalitaires et antidémocratiques. Les actions concrètes de la crise s’harmonisent plus

aisément avec les principes de Machiavel qu’avec ceux de Marx. Quant à ce dernier, toutes les

notions tournant autour de l’économie sont des justificatifs de la mission des étudiants et des

manifestants. « L’extraordinaire réveil d’une génération »62, tels fût les mots de l’ancien premier

ministre du Québec, Jacques Parizeau. Optimiste ou réaliste? Au final, l’interprétation que l’on

fait d’une citation, ou d’un événement comme la crise étudiante de 2012 demeure un angle de vue

original... parmi tant d’autres. Dès lors, la pluralité des visions étoffe la compréhension d’un

sujet.

61 ENGELS, Friedrich. Lettres sur le matérialisme historique, [...], p. 28. 62 AUGER, Samuel. « Parizeau ‘’n’en revient pas’’ », Le soleil (Québec), 28 mai 2012, p. 3.

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